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Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 77

La bibliothèque libre.
Traduction par Stanislas Julien.
Imprimerie nationale (p. 282-284).


CHAPITRE LXXVII.



天之道,其猶張弓與?高者抑之,下者舉之;有餘者損之,不足者補之。天之道,損有餘而補不足。人之道,則不然,損不足以奉有餘。孰能有餘以奉天下,唯有道者。是以聖人為而不恃,功成而不處,其不欲見賢。


La voie du ciel (c’est-à-dire le ciel) est comme l’ouvrier en arcs (1) qui abaisse ce qui est élevé, et élève ce qui est bas ; qui ôte le superflu, et supplée à ce qui manque.

Le ciel ôte à ceux qui ont du superflu pour aider ceux qui n’ont pas assez (2).

Il n’en est pas ainsi de l’homme : il ôte à ceux qui n’ont pas assez pour donner à ceux qui ont du superflu. Quel est celui qui est capable de donner son superflu aux hommes de l’empire ? Celui-là seul qui possède le Tao.

C’est pourquoi le Saint (3) fait (le bien) et ne s’en prévaut point.

Il accomplit de grandes choses et ne s’y attache point (4).

Il ne veut pas laisser voir sa sagesse (5).


NOTES.


(1) Ce passage difficile a reçu plusieurs interprétations. E pense que les quatre phrases « il abaisse ce qui est élevé, etc. » se rapportent au fabricant d’arcs, 言弓人爲弓, qui, en faisant un arc, en ajuste la monture de manière que ses différentes parties cadrent entre elles. On voit que cet interprète a pris les mots 張弓 (vulgo « tendre un arc ») dans le sens de weï-kong 爲弓, « fabriquer un arc. »

G rapporte à celui qui tend un arc, 張弓, les deux verbes « abaisser, élever, » et à la voie du ciel, les verbes « ôter, suppléer. » Pour entendre son explication, il faut se figurer l’état d’un arc chinois tendu et détendu. Lorsque le ciel ôte quelque chose à ceux qui ont du superflu, c’est comme lorsqu’on abaisse le milieu de l’arc et qu’on le force à se diriger en bas. Lorsqu’il ajoute quelque chose à ceux qui n’ont pas assez, c’est comme lorsqu’on relève les extrémités de l’arc et qu’on les force à se diriger en haut.

Aliter Hi-ching : Le propre du principe Yang est de monter, le propre du principe In est de descendre. Lorsque le principe Yang est monté au sommet du ciel (c’est-à-dire lorsque le soleil est au plus haut de sa course), il descend. Lorsque le principe In (c’est-à-dire la lune) est descendu aux dernières limites de la terre, il monte. Leurs mouvements opposés sont l’image de l’arc que l’on tend. La voie du ciel ôte au soleil ce qu’il a de superflu pour suppléer ce qui manque à la lune.

C a cru que les quatre verbes « il abaisse, il élève, il diminue, il supplée, » se rapportaient aux diverses phases de la lune.


(2) E : Le ciel se borne à égaliser toutes choses. C’est pourquoi il diminue le superflu des uns et supplée à l’insuffisance des autres. L’homme est en opposition avec le ciel et il n’observe pas l’égalité. Il n’y a que celui qui possède le Tao qui comprenne la voie du ciel. Il peut retrancher ce qu’il a de trop et l’offrir aux hommes de l’empire. Les sages de l’antiquité, qui surpassaient les autres hommes par leurs talents, songeaient à les employer pour le bien des créatures ; ils ne s’en prévalaient pas pour se grandir (aux yeux du peuple). C’est pourquoi ils faisaient usage de leur sagesse et de leur prudence pour nourrir les hommes. Mais les hommes sages et prudents qui leur ont succédé, calculent ce qu’ils possèdent pour se procurer le repos et les jouissances de la vie. C’est pourquoi ils se mettent au service des hommes bornés et vicieux pour se nourrir eux-mêmes.


(3) E : Le Saint fait de grandes choses (A : fait du bien aux hommes) et ne s’en prévaut pas. On dirait qu’il est frappé d’incapacité.


(4) E : Quand ses mérites sont accomplis, il ne s’y attache pas. On dirait qu’il est dénué de tout mérite.


(5) Sic A : Pou-yo-sse-jin-tchi-ki-tchi-hien 不欲使人知已之賢, littéralement : « non vult facere ut homines cognoscant sui ipsius sapientiam. »