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Théorie des fonctions analytiques/Partie II/Chapitre 12

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Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 296-310).
Seconde partie


CHAPITRE XII.

Des questions de maximis et minimis qui se rapportent à la méthode des variations. De l’équation commune au maximum et au minimum, et des caractères propres à distinguer les maxima des minima.

61. Si le maximum ou minimum, au lieu d’être une fonction donnée de devait être la fonction primitive de celle-ci, regardée comme une fonction prime, alors il ne serait plus permis de traiter les quantités comme indépendantes et isolées, parce que la fonction primitive d’une fonction de ces quantités dépend elle-même de la relation qu’elles peuvent avoir entre elles. Les problèmes de ce genre sont ceux qui se rapportent au calcul connu sous le nom de calcul des variations ; ils ne demandent pas une analyse nouvelle, mais une application spéciale de l’analyse des fonctions que nous croyons devoir exposer ici, à cause de l’importance de la matière.

Soit donnée la fonction dans laquelle est supposé une fonction de il est évident qu’on ne peut, généralement parlant, avoir la fonction primitive de cette fonction donnée, sans connaître la valeur de en Mais on peut chercher quelle devrait être cette valeur, pour que la fonction primitive de fût un maximum ou un minimum, en supposant que cette fonction soit nulle lorsque aura une valeur donnée et qu’elle devienne un maximum ou un minimum lorsque aura une autre valeur donnée Il est évident que, en prenant pour la valeur cherchée, il faudra, par la nature du maximum ou minimum, que la fonction primitive de la fonction

qui résulte de la fonction donnée, en mettant à la place de soit toujours, entre les mêmes limites de moindre dans le cas du maximum et plus grande dans le cas du minimum que la fonction primitive de quelle que soit la valeur de qu’on pourra regarder comme une fonction quelconque de et quelque petite que cette valeur puisse être.

La fonction

étant développée suivant les puissances et les produits de d’une manière semblable à celle du no 78 (Ire Partie), deviendra

où les quantités dénotent les fonctions primes de prises suivant et les quantités dénotent les fonctions secondes de la fonction prises relativement à seul, à et à seul, et ainsi de suite ; le nombre est indéterminé ou plutôt inconnu, et peut être différent dans les différentes fonctions ; mais il doit être le même dans la même fonction, et il doit toujours être renfermé entre les limites et

Donc il faudra que la fonction primitive de la quantité

ait toujours une valeur négative pour le maximum et une valeur positive pour le minimum, quelque valeur qu’on donne à la fonction et aussi petite que cette valeur puisse être, en prenant cette fonction primitive de manière qu’elle soit nulle lorsque et y faisant ensuite

Or, sans connaître la quantité on peut prouver qu’il est toujours possible de la prendre assez petite pour que la fonction primitive de la partie qui ne contient que les premières dimensions de ait une valeur plus grande, positive ou négative, que la fonction primitive de l’autre partie. Car, en substituant à la place de étant une quantité variable quelconque et un coefficient constant, la première partie se trouvera toute multipliée par et la seconde le sera par et leurs fonctions primitives seront aussi multipliées par et par et il est visible qu’on pourra toujours donner à une valeur assez petite pour que la première de ces fonctions surpasse la seconde, du moins tant qu’elle ne sera pas nulle. D’où l’on conclura qu’on pourra toujours prendre la quantité assez petite pour que la valeur totale de la fonction primitive dont il s’agit soit nécessairement positive ou négative, suivant que celle de la première partie de cette fonction le sera. Mais il est visible que celle-ci doit changer de signe en changeant le signe de la quantité Donc il sera impossible que la fonction totale soit constamment positive ou négative, indépendamment de la valeur de à moins que la fonction primitive de la partie qui ne contient que les premières dimensions de ne soit nulle, quelle que soit la valeur de Donc le maximum ou minimum ne pourra avoir lieu, a moins que la fonction primitive de la fonction

ne soit nulle, quelle que soit la valeur de

Cette fonction étant nulle, il faudra alors que la fonction primitive de l’autre partie

soit positive pour le minimum et négative pour le maximum, en donnant à une valeur quelconque aussi petite qu’on voudra.

62. Pour satisfaire à la première de ces conditions de la manière la plus générale, nous remarquerons que, puisque la quantité doit demeurer indéterminée, la fonction primitive de la fonction

ne peut être que de la forme

où la plus haute des fonctions dérivées sera d’un ordre moindre que dans la fonction proposée ; c’est de quoi il est facile de se convaincre avec un peu de réflexion sur la forme des fonctions dérivées. Prenant donc la fonction prime de cette quantité, en regardant comme des fonctions de étant supposé aussi fonction de on aura

et, comparant avec la fonction proposée, on aura

La première équation donne égal à une constante arbitraire ; les autres équations serviront à déterminer et, comme il est facile de voir que le nombre de ces quantités est nécessairement moindre d’une unité que celui des équations, il en résultera une équation de condition qui devra être satisfaite pour que le maximum ou minimum ait lieu.

Pour cela, il n’y a qu’à mettre ces équations sous cette forme

en prenant les fonctions primes de la seconde, les fonctions deuxièmes de la troisième, et ainsi de suite ; retranchant ensuite alternativement l’une de l’autre, on aura

où les traits appliqués aux parenthèses dénotent les fonctions primes, secondes, etc. des quantités renfermées entre ces parenthèses.

Cette équation sera donc commune au maximum et au minimum, et servira à déterminer la valeur de en fonction de elle sera, comme il est aisé de le voir, d’un ordre double de celui de la fonction

63. Les mêmes équations

donneront, par un procédé semblable,

Soit, pour abréger,

la fonction primitive de la quantité sera et, comme cette fonction doit être nulle lorsque si l’on dénote par la valeur de qui répondra à on aura, puisque est une constante arbitraire, et par conséquent On aura donc pour la fonction primitive, qui doit être nulle, en vertu du maximum ou minimum, lorsque Si donc on dénote encore par la valeur de qui répondra à on aura l’équation

à laquelle il faudra satisfaire par le moyen des constantes arbitraires qui entreront dans l’expression de qu’on déduira de l’équation trouvée ci-dessus, en ayant égard d’ailleurs aux conditions spéciales du problème.

Ainsi, par exemple, si la valeur de est donnée pour les valeurs de alors la valeur de sera nulle dans les deux quantités et si, de plus, la valeur de était aussi donnée pour les mêmes valeurs de les valeurs de seraient aussi nulles dans et et ainsi de suite.

Les quantités étant réduites au plus petit nombre possible tant dans l’expression de que dans celle de on égalera à zéro le coefficient de chacune de celles qui resteront pour satisfaire à l’équation indépendamment de ces quantités.

64. Ayant ainsi satisfait à la première condition, il ne restera plus qu’à remplir l’autre condition, qui consiste en ce que la fonction primitive de la quantité

doit être, entre les mêmes limites et de toujours positive pour le minimum et négative pour le maximum, en supposant que la valeur de soit quelconque et aussi petite qu’on voudra.

Je remarquerai d’abord ici que, quoique les fonctions renferment essentiellement les quantités (no 61), on peut prouver, par un raisonnement semblable à celui du no 55, qu’il suffira, pour le maximum ou minimum, que la condition dont il s’agit soit remplie en supposant le coefficient égal à zéro, ce qui fait disparaître ces quantités des fonctions dont il s’agit, en sorte que ces fonctions ne seront plus alors que les fonctions secondes de la fonction prises relativement à seul, à et à seul, etc., et auront, par conséquent, des valeurs déterminées en

Cela posé, si l’on rappelle ici le théorème que nous avons démontré dans la première Partie (no 38), on en conclura que la condition dont il s’agit serait satisfaite si la proposée

était telle qu’elle fût constamment positive ou négative pour toutes les valeurs de depuis jusqu’à indépendamment des quantités et, comme nous avons donné plus haut (no 56) les conditions les plus générales pour qu’une quantité de la forme dont il s’agit soit nécessairement positive ou négative, il n’y aura qu’à examiner si ces conditions ont lieu dans la quantité dont il s’agit. Si elles n’avaient pas lieu ou si elles n’avaient lieu que dans une partie de cette quantité, il faudrait alors chercher la fonction primitive de l’autre partie et la rendre nulle, ou au moins positive pour le minimum et négative pour le maximum, indépendamment des quantités

65. Pour simplifier la solution de cette question, nous supposerons d’abord que la quantité proposée ne renferme que les carrés et les produits des deux-quantités on verra aisément que la même méthode s’étend aux cas plus compliqués, et nous représenterons par cette formule

la partie de la même quantité qui est toujours positive ou négative entre les limites l’autre partie sera

dont il faudra chercher la fonction primitive, et il est facile de s’assurer d’avance que, pour que la quantité demeure indéterminée, cette fonction ne pourra être que de la forme prenant donc sa fonction prime et comparant terme à terme avec la précédente, on aura

La première de ces équations donne égale à une constante arbitraire, et les trois autres serviront à déterminer les valeurs de qui seront

et il faudra que ces valeurs satisfassent aux conditions qui résultent des formules du no 56. Or, en prenant les quantités et à la place des quantités et et par conséquent à la place de et faisant on aura pour le minimum les deux conditions et et pour le maximum les conditions opposées et ou bien l’une des deux quantités égale à zéro, tant pour le minimum que pour le maximum, et ces conditions devront avoir lieu pour toutes les valeurs de depuis jusqu’à pour que la quantité soit constamment positive dans le premier cas et négative dans le second entre ces mêmes limites. Comme la quantité est donnée, elle indiquera tout de suite le maxi-

mum ou minimum ; mais on n’en sera assuré que par l’autre condition ou ou bien pour les deux cas.

66. De plus, et c’est ici une condition bien essentiellè, il faudra que les quantités ne deviennent point infinies entre les mêmes limites, pour qu’on puisse être assuré que la fonction primitive de la quantité dont il s’agit sera nécessairement positive ou négative, d’après le théorème du no 38 de la première Partie ; car ce théorème, étant fondé sur la nature du développement des fonctions en séries des puissances positives de la quantité ajoutée à la variable, est nécessairement sujet aux exceptions attachées à la forme de ce développement, que nous avons examinées no 30 (Ire Partie) et no 13 ci dessus ; il pourra donc être en défaut si les fonctions dérivées de la fonction primitive deviennent infinies, parce qu’alors le développement n’aura plus la même forme ; c’est ce qui arrivera nécessairement lorsque la fonction primitive passera du positif au négatif par l’infini, comme les tangentes des angles ; alors, pour la valeur de répondant à ce passage, le développement de la fonction de aura son premier terme de la forme étant un nombre impair négatif, et la fonction prime ainsi que toutes les suivantes seront infinies. Dans ce cas, la fonction primitive pourra changer de signe, quoique sa fonction prime conserve toujours le même signe.

Pour en voir un exemple bien simple, il n’y a qu’à considérer la fonction qui est lorsque et lorsque cependant sa fonction prime est toujours positive tant que a une valeur réelle. Ici la fonction primitive et toutes ses dérivées deviennent inilnies lorsque

C’est une modification à apporter au théorème dont il s’agit, mais qui n’influe point sur la conclusion qu’on en a tirée dans le no 39.

67. Ayant satisfait à ces conditions, on aura la fonction primitive

dans laquelle est une constante arbitraire qu’on déterminera en sorte que la fonction soit nulle lorsque Supposons et soit la valeur de lorsque on aura Ainsi la fonction primitive dont il s’agit sera

laquelle devra être nulle ou positive pour le minimum et négative pour le maximum, en faisant Soit donc la valeur de lorsque il faudra que l’on ait ou pour le minimum ou le maximum, ou pour les deux cas, indépendamment de la valeur de qui doit demeurer indéterminée.

Si la valeur de est donnée pour les valeurs et de la valeur correspondante de étant alors nulle, on aura et la condition précédente sera remplie tant pour le maximum que pour le minimum. Mais si les valeurs de ne sont pas données, alors il faudra que l’on ait, pour le minimum, ou lorsque et ou lorsque et, pour le maximum, ou dans le premier cas et ou dans le second.

À l’égard de la valeur de la quantité elle dépend simplement de la condition ou pour le minimum et pour le maximum. Cette condition sera donc, en substituant les valeurs de

ou

et l’on pourra prendre pour une fonction quelconque de qui y satisfasse.

Ce qu’il y aurait de plus simple, ce serait de supposer la quantité nulle (no 65), ce qui donnerait l’équation

savoir

par laquelle on pourrait déterminer la valeur de et le maximum ou minimum dépendrait simplement du signe de la quantité ou

On aurait de cette manière le même résultat que donne la méthode proposée, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1786, pour distinguer les maxima des minima dans le Calcul des variations. Mais, d’après ce que nous avons dit ci-dessus, il faudrait, pour l’exactitude de ce résultat, qu’on pût s’assurer que la valeur de ne deviendra point infinie pour une valeur de comprise entre les valeurs données et ce qui sera le plus souvent impossible, par la difficulté de trouver l’équation primitive en et Sans cette condition, quoique la quantité

devienne alors de la forme

et qu’elle soit, par conséquent, toujours positive ou négative, suivant que la valeur de le sera, on ne sera jamais certain de l’état positif ou négatif de sa fonction primitive.

68. Pour en donner un exemple qui pourra servir en même temps d’application de la méthode que nous venons d’exposer, supposons que la fonction dont la fonction primitive doit être un maximum ou minimum, soit

en prenant les fonctions primes et secondes, on aura

substituant ces valeurs dans l’équation générale du no 62, qui, dans ce cas, se réduit à

on aura

savoir

pour l’équation du maximum ou minimum. Cette équation est susceptible de la méthode du no 55 (Ire Partie) et donne sur-le-champ

et étant deux constantes arbitraires ; si était une quantité négative alors on aurait, en prenant d’autres constantes arbitraires et

Supposons, pour plus de simplicité, que les valeurs de soient données pour les deux valeurs extrêmes et de les quantités et seront nulles d’elles-mêmes, et l’équation sera satisfaite (no 63) ; on déterminera donc les constantes et de manière que ait les valeurs données lorsque et

Maintenant, nous aurons, par les formules du no 65,

d’où l’on voit que, puisque est il n’y a que le minimum qui puisse avoir lieu. Mais cette condition ne suffit pas pour assurer l’existence du minimum ; il faudra de plus que l’on ait

Soit : 1o on aura

en prenant pour une quantité qui ne devienne point infinie entre les limites et de Si la valeur de est positive, il est clair qu’on peut satisfaire à cette condition en faisant ainsi on sera assuré, dans ce cas, de l’existence du minimum, puisque les deux quantités et sont d’ailleurs nulles par l’hypothèse que les valeurs de sont données pour et (no 67). Mais, si est négative et on aura alors la condition

et il n’est pas aisé de trouver une valeur satisfaisante de ni même de s’assurer qu’on pourra la trouver.

Soit : 2o on aura

Je suppose

j’aurai

ce qui donne

et, prenant les fonctions primitives des deux membres,

savoir

étant une constante arbitraire. Cette valeur devient infinie lorsque à l’angle droit, ou à trois angles droits, ou etc. Donc on ne sera pas assuré de l’existence du minimum si la quantité est plus grande que la valeur de deux angles droits.

En effet, pour que le minimum ait lieu en général, il faut (no 64) que la fonction primitive de la quantité

soit positive, quelle que puisse être la valeur de Supposons cette quantité deviendra

dont la fonction primitive est

étant la constante arbitraire qu’on déterminera de manière que la

fonction primitive soit nulle lorsque ensuite on fera Donc, si l’on suppose et égal à deux angles droits, afin que la valeur de soit nulle lorsque et suivant l’hypothèse, on aura et la valeur complète de la fonction primitive dont il s’agit sera

représentant l’angle droit ; et il est visible que cette valeur pourra devenir négative lorsque en prenant

69. Supposons maintenant que la quantité qui renferme les secondes dimensions de contienne aussi en sorte qu’elle soit de la forme (no 61)

nous prendrons

pour la partie de cette quantité qui doit être assujettie aux conditions de la formule du no 56, et il faudra que la différence de ces deux quantités soit susceptible d’une fonction primitive indépendamment de la quantité. Cette fonction ne pourra donc être que de la forme

et l’on trouvera, par la comparaison des termes, les équations

lesquelles donnent égale à une constante arbitraire, ensuite

où les trois quantités demeurent indéterminées ; mais il faudra les prendre telles qu’elles satisfassent aux conditions auxquelles doivent être assujetties les quantités et qu’on peut déduire du no 56, en prenant les quantités à la place des quantités Ainsi, si l’on fait

les conditions pour le minimum seront et et, pour le maximum, et ces conditions devront avoir lieu pour toutes les valeurs de depuis jusqu’à La valeur de indiquera le maximum ou minimum ; mais on n’en pourra être assuré que par le concours des deux autres conditions. De plus, il faudra que les quantités ne deviennent jamais infinies entre les mêmes limites, par les raisons exposées plus haut (no 66).

Enfin il faudra que, en supposant

et prenant et pour les valeurs de qui répondent à et la quantité soit positive pour le minimum et négative pour le maximum, indépendamment des valeurs de et de (no 67).

On suivra les mêmes procédés pour les fonctions plus compliquées.

70. Si les valeurs de n’étaient pas données pour les valeurs et de mais qu’il y eût seulement, par la nature du problème, une relation entre ces quantités, représentée par l’équation

alors, suivant les principes du no 58, il n’y aurait qu’à ajouter à la fonction, qui doit être positive pour le minimum et négative pour le maximum, la quantité

multipliée par un coefficient indéterminé et traiter ensuite les quantités comme indépendantes. Ainsi, si la condition dont il s’agit doit avoir lieu pour la valeur de on ajoutera aux deux quantités et (nos 63, 67) les quantités

et

rapportées à la même valeur de et, si cette condition devait avoir lieu pour la valeur on ajouterait aux valeurs de et de les mêmes quantités rapportées à

On suivrait le même procédé pour chacune des conditions données, s’il y en avait plusieurs.


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