Théorie des fonctions analytiques/Partie III/Chapitre 02
CHAPITRE II.
7. Nous venons d’examiner la nature et les propriétés du mouvement rectiligne ; le mouvement curviligne se réduit naturellement à deux ou trois mouvements rectilignes, suivant que la courbe décrite par le mobile est à simple ou à double courbure. En effet, en rapportant cette courbe à deux ou trois coordonnées rectangulaires il est clair que la détermination du point de la courbe où le mobile se trouvera à chaque instant, dépendra de la valeur de es coordonnées au même instant, de sorte que chacune de ces coordonnées sera une fonction donnée du temps, et pourra représenter l’espace rectiligne parcouru par un mobile qui serait la projection du vrai mobile sur chacun des trois axes des mêmes coordonnées.
Ainsi, si le mouvement se fait dans un plan, il pourra être représenté par les deux équations
d’où, éliminant on aura en et l’équation de la ligne parcourue par le mobile. Si le mouvement se fait dans des plans différents, il sera représenté alors par les trois équations
d’où, éliminant on aura deux équations en qui détermineront la ligne à double courbure décrite par le corps.
Supposons d’abord que les trois mouvements relatifs aux axes des soient uniformes on aura
étant les vitesses de ces mouvements. Éliminant on aura
deux équations qui appartiennent à une ligne droite passant par l’origine des coordonnées, et dont les projections sur les plans des et des font, avec l’axe des des angles dont et sont les tangentes. La partie de cette droite qui répond aux coordonnées sera donc
ce sera l’espace décrit pendant le temps en vertu des trois mouvements uniformes. Ce mouvement composé sera donc aussi rectiligne et uniforme, avec une vitesse égale à À l’égard de sa direction, il est plus simple de la rapporter aux trois axes des coordonnées et il est visible que, puisque sont les projections de la ligne sur les trois axes, les rapports
seront les cosinus des angles que cette direction fait avec les mêmes axes. La somme des carrés de ces cosinus est, comme l’on voit, égale à l’unité, ce qui est la propriété connue des angles qu’une même droite fait avec trois autres droites perpendiculaires entre elles.
8. Nommons la vitesse du mouvement composé et les angles que la direction de ce mouvement fait avec les trois axes ; on aura
et
On voit par là comment la vitesse d’un mouvement unifornie, suivant une direction donnée, peut se décomposer dans trois vitesses suivant des directions perpendiculaires entre elles.
Si donc un corps avait à la fois deux vitesses et suivant des directions données, faisant avec trois axes perpendiculaires entre eux les angles respectifs et il en résulterait, suivant ces mêmes axes, les vitesses composées
et ces vitesses donneraient une vitesse unique avec une direction qui ferait, avec les mêmes axes, les angles de manière que l’on aurait
Comme les lignes sont les projections sur les trois axes de la ligne prise sur la direction de la vitesse et ainsi des autres quantités semblables, il est facile de conclure des équations précédentes que, si l’on place les deux lignes et l’une au bout de l’autre suivant leurs propres directions, la ligne joindra ces lignes, de sorte que seront les trois côtés d’un triangle, et, si sur les deux lignes et partant d’un même point on construit un parallélogramme, la ligne en sera la diagonale. De cette manière, la composition et décomposition des vitesses se réduit à une considération géométrique très-simple ; mais, pour le calcul, il est plus simple encore de tout rapporter à trois axes perpendiculaires entre eux par les formules précédentes, qu’on peut étendre à autant de vitesses qu’on aura à composer.
Nous remarquerons encore que, si l’on nomme l’angle des deux lignes et partant d’un même point, le carré de la ligne qui les joindra sera exprimé, comme l’on sait, par
D’un autre côté, en considérant les projections de ces lignes, il est aisé de voir que ce même carré sera exprimé par
d’où l’on tire, par la comparaison,
équation qui donne la relation entre l’angle de deux lignes et les angles et que ces lignes font avec trois axes perpendiculaires entre eux. Cette relation est connue dans la Trigonométrie sphérique mais, comme nous aurons occasion d’en faire usage dans la suite, nous avons été bien aise de la démontrer par la méthode des projections.
9. La considération des mouvements uniformes nous a donné la composition et la décomposition des vitesses ; celle des mouvements uniformément accélérés nous donnera de même la composition et la décomposition des forces.
En effet, supposons que les trois mouvements rectilignes suivant les axes des coordonnées soient uniformément accélérés et produits par des forces accélératrices on aura (no 6)
L’élimination de donne
ce qui fait voir que la ligne décrite en vertu de ces mouvements est aussi une droite passant par l’origine des coordonnées. La partie de
cette droite qui répond aux coordonnées sera donc aussice sera l’espace parcouru par le mouvementcomposé pendant le temps d’où l’on voit que ce mouvement sera aussi uniformément accéléré et dû à une force accélératrice égale à et, comme les lignes sont les projections de la ligne sur les trois axes, les rapports
seront les cosinus des angles que la direction du mouvement composé fera avec les mêmes axes.
On voit par là que la composition des mouvements uniformément accélérés suit les mêmes règles que celle des mouvements uniformes, et que, par conséquent, la composition et décomposition des forces se fait de la même manière que celle des vitesses, de sorte que les formules trouvées dans le numéro précédent s’appliqueront également aux forces accélératrices, en substituant simplement les forces aux vitesses.
Ainsi, si un mobile est sollicité à la fois par deux forces et suivant des directions données, dont les angles avec trois axes perpendiculaires entre eux soient respectivement et il en résultera, suivant les directions des trois axes, les forces composées
et, si est la force unique résultante de celle-ci, en nommant les angles que sa direction fera avec les mêmes axes, on aura les équations
Cette manière de considérer la composition des vitesses et celle des forces comme des résultats de la composition des espaces parcourus me paraît la plus naturelle, et elle a l’avantage de faire voir clairement pourquoi la composition des forces suit nécessairement les mêmes lois que celle des vitesses. Comme on peut considérer les forces indépendamment du mouvement, on a cherché à déduire leur composition de principes purement géométriques ou analytiques ; mais il ne serait pas impossible de prouver que toutes les démonstrations qu’on a données de la composition des forces ne sont que la composition des espaces, déguisée ; il n’en faut peut-être excepter que celles qui sont fondées sur l’équilibre du levier droit.
10. Si les mouvements suivant les axes des coordonnées étaient composés d’uniformes et d’uniformément accélérés, de manière que l’on eût
alors la ligne décrite en vertu de ces mouvements ne serait plus droite ; elle serait seulement dans un même plan passant par l’origine des coordonnées, car, en éliminant et des trois équations, on aurait une équation de la forme
Mais on peut composer à part les trois mouvements uniformes et les trois mouvements uniformément accélérés ; et il en résultera un mouvement composé d’un simple mouvement uniforme suivant une direction donnée, et d’un simple mouvement uniformément accéléré suivant une autre direction donnée.
La nature nous présente aussi la combinaison de ces mouvements dans les projectiles lancés obliquement à l’horizon, en faisant abstraction de la résistance de l’air. Le mouvement uniforme, effet de la vitesse imprimée, se continue en ligne droite, comme s’il était seul ; et le mouvement uniformément accéléré, effet de la gravité du corps, se continue aussi verticalement de haut en bas, comme s’il était unique dans le mobile, de manière qu’au bout d’un temps quelconque le corps se trouve au même point où il serait si ces deux mouvements s’effectuaient successivement et indépendamment l’un de l’autre ; et à chaque instant, le corps a à la fois la vitesse du mouvement uniforme et la vitesse du mouvement uniformément accéléré, et de ces deux vitesses suivant des directions différentes, se compose la vitesse du projectile.
Soit la hauteur d’où il faudrait qu’un corps tombât pour acquérir la vitesse avec laquelle le projectile est lancé obliquement à l’horizon ; cette vitesse sera exprimée par en prenant la force accélératrice de la gravité pour l’unité (no 6). De là, en prenant les abscisses horizontales et dans le plan de la ligne de projection, et les ordonnées verticales et dirigées de haut en has, et nommant l’inclinaison de la ligne de projection avec l’horizontale on aura et pour les vitesses horizontale et verticale donc les expressions de et deviendront
parce que, la direction de la gravité étant contraire à celle des ordonnées le terme dû à l’accélération de la gravité, doit être pris négativement. En éliminant de ces équations, on aura
équation à une parabole, d’où l’on pourra déduire les propriétés connues de la trajectoire des projectiles dans le vide ; mais ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans ce détail.