Thadée Soplitza (Pan Tadeusz)/LIVRE XI

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Traduction par Venceslas Gasztowtt.
Imprimerie Adolphe Reiff (p. 220-237).


LIVRE XI

L’ANNÉE 1812 (ROK 1812)


Présages de printemps[1]. — Entrée des armées. — Le service divin. — Réhabilitation officielle de feu Hyacinthe Soplitza. — L’entretien de Gervais et de Protais fait prévoir la fin prochaine du procès. — Les amours du lancier et de la jeune fille. — Le débat est vidé entre le parti de l’Ecourté et celui du Faucon. — Avant la réunion des convives, on présente aux chefs les couples de fiancés.


O grande année ! A toi chez nous l’on rêve encor.
Le peuple dit de toi « l’année aux épis d’or »,
Et le soldat « l’année aux combats ». Chacun aime
Te rappeler ; aux chants tu sers encor de thème.
Dès longtemps ta venue était inscrite aux cieux ;
Tu te fis précéder de bruits mystérieux.
Quand parut ton printemps, émotion profonde,
Chacun semblait se dire : est-ce la fin du monde ?
Et tous nous attendions, joyeux et frémissants.

Le jour où l’on chassa le bétail vers les champs,
On le vit, oubliant sa maigreur et son jeûne,
Au lieu de se jeter sur l’herbe encore jeune[2],
Se coucher sur le sol, et, tout en humant l’air,
Beugler, ou ruminer le foin mangé l’hiver.

Le villageois, traînant par les prés sa charrue,
N’est point heureux de voir la brume disparue ;
Il se met au travail sans entrain, sans chanson,
Et paraît oublier semailles et moisson.

A chaque pas, le bœuf, puis la herse s’arrête :
L’homme vers l’Occident tourne en tremblant la tête.
De ce côté sans doute il attend — l’inconnu.
Il consulte inquiet chaque oiseau revenu.

Pin natal, la cigogne a volé vers tes branches,
Où, drapeau du printemps, s’ouvrent ses ailes blanches.
Arrivant à leur tour, escadron voletant,
Les hirondelles vont et viennent sur l’étang
Et pillent pour leur nid la boue où fond la glace.
Le soir, dans la broussaille, on entend la bécasse ;
Des bandes de canards sauvages, dans la nuit,
Vers leur nid retrouvé s’abattent avec bruit ;
Là-haut, au fond du ciel, toujours pleurent les grues ;
Et les veilleurs de nuit, en regardant les nues,
Se demandent : d’où vient ce trouble des oiseaux ?
Qui donc les met en fuite ?

Qui donc les met en fuite ? En voici de nouveaux.
Quels sont-ils ? On dirait des bouvreuils, des outardes,
Des étourneaux ; plumets, banderoles, cocardes
Descendent des hauteurs jusqu’au fond du vallon.
C’est la cavalerie, étrange vision !
Que d’escadrons ! Au centre, avalanche vivante,
Fond le long des chemins une masse mouvante ;
Des bois noirs le shako, la baïonnette sort ;
Ce sont les fantassins. Tous marchent vers le Nord.

Vous diriez qu’aux oiseaux que le printemps ramène[3]
Les peuples se sont joints, migration humaine,
Poussés par un étrange, un invincible amour.
Chevaux, hommes, canons, vont sans fin, nuit et jour.
De rougeâtres lueurs le ciel parfois s’éclaire ;
La terre tremble ; au loin l’on entend le tonnerre.

Guerre, guerre ! Il n’est pas de coin si retiré
Qui n’ait senti, ton choc. Dans le fond du fourré
Le pauvre forestier, dont l’aïeul et le père
Sont morts, sans de leur bois dépasser la lisière,
Qui ne connaît de bruit résonnant dans les cieux

Que le vent, ou le cri des fauves furieux,
Et dont nul étranger ne vint frapper les yeux,
Aperçoit dans les airs une lueur bizarre…
Un bruit résonne : c’est un boulet qui s’égare,
Et qui, dans la forêt entrant sans dire gare,
Brise branches, troncs d’arbre. — Un vieil auroch barbu
Sur sa mousse a tremblé. Cet ancêtre fourbu,
Poil hérissé, sur ses pieds de devant se lève,
Et, secouant sa barbe, observe comme en rêve
Ce globe, qui soudain dans les arbres reluit ;
C’est un obus perdu qui serpente : avec bruit
Il éclate : l’auroch ne comprend pas, tressaille,
A peur, et disparaît tremblant dans la broussaille.

Bataille ! Le jeune homme accourt à cet appel,
Et des femmes les mains se dressent vers le ciel ;
Tous, certains du succès ; disent pleurant de joie :
« Voici Napoléon : c’est Dieu qui nous l’envoie. »

Oui, printemps, qui t’a vu s’en souvient avec pleurs.
Printemps guerrier, printemps tout émaillé de fleurs ;
O printemps ! Qui t’a vu brillant, doux et superbe,
Tout fier de ta moisson d’hommes, de blés et d’herbe,
Riche d’évènements, resplendissant d ’espoir,
Qui t’a vu comme moi, ne cesse de te voir !…
Né dans la servitude, enchaîné dès l’enfance,
Je n’eus qu’un seul printemps si rempli d ’espérance.



Soplitzow se trouvait non loin du grand chemin
Par lequel s’avançaient, en longeant le Niemen,
Notre Joseph[4] avec le roi de Westphalie[5].
Maître de la moitié de la Lithuanie,
Le roi donne aux soldats quelques jours de répit.
Les nôtres ont reçu cet ordre avec dépit,
Car ce repos forcé retarde leur poursuite ;
Et tous n’ont qu’un désir : battre le Moscovite.

L’État-major du Prince étant non loin de là,
Ce fut à Soplitzow que le camp s’installa.
Dąbrowski, Kniaziewicz[6] commandaient cette armée ;

Giedrojć[7], Małachowski[8]l’avaient aussi formée.

Ils arrivèrent tard : le soir tombait déjà.
Chez le Juge, au château, partout on se logea.
Puis, les ordres donnés, les vedettes en place,
Dans les deux bâtiments pèle-mêle on s’entasse.
La nuit vient, tout s’est tu : camp, logis, champs, tout dort.
A peine on voit errer la patrouille qui sort ;
Par instants des bivouacs la flamme se ravive,
Et d’une sentinelle on entend le qui-vive.

Juge, chefs et soldats, tous sont donc endormis ;
Au Woïski seulement nul repos n’est permis.
Il doit donner demain un festin formidable
Qui rende à tout jamais Soplitzow mémorable,
Soit digne d’invités reçus avec amour,
Et réponde en tous points à la fête du jour.
Demain, mêlant leur joie à l’écho des batailles,
Trois couples recevront l’anneau des fiançailles ;
Et Dąbrowski d’ailleurs a dit : « Je veux avoir
Un dîner polonais. »

Un dîner polonais. » C’est pourquoi, dès le soir,
Le Woïski tout exprès manda du voisinage
Cinq cuisiniers ; lui-même il préside à l’ouvrage…
Un grand tablier blanc noué sous le menton,
Il se retrousse et coiffe un bonnet de coton.
Sa palette à la main, il chasse tout insecte
Qui des objets sucrés en glouton se délecte ;
Puis il mit sur son nez ses lunettes et prit
Un livre dans sa poche : il l’ouvre alors, il lit.

Ce livre s’appelait le Cuisinier modèle[9].
On y voyait décrits d’une plume fidèle
Tous les mets polonais. Tenczyński s’en servait
Pour ces banquets fameux qu’à Rome il présidait,
Et qui faisaient, dit-on, le bonheur du Saint-Père[10].

Et Charles Radziwiłł nommé monsieur mon frère[11],
Lorsque vint à Nieśwież le feu roi Stanislas,
D’après ce manuel fit régler un repas
Auquel mainte chanson populaire s’applique.

Ce que le Woïski lit et comprend, il l’explique :
Et les cinq cuisiniers l’ont vite exécuté.
De quarante couteaux le bruit répercuté
Vibre ; des marmitons, noirauds comme des diables,
Apportent vin, lait, bois, débarrassent les tables,
Remplissent pots, chaudrons, marmites. Près du four
Deux aides sont assis et soufflent tour à tour ;
Le Woïski fait verser, voyant que le bois fume,
Du beurre pétillant sur le feu qui s’allume.
(Dans un riche ménage un tel luxe est permis).
L’un jette dans le feu des fagots plus petits,
L’autre embroche des rôts géants, d’énormes cuisses
De chevreuil, des filets de cerfs et de génisses ;
On plume les oiseaux : l’air s’emplit de duvet.
Coq de bruyère, coq de broussaille, poulet
Sont dépouillés… Hélas ! Les poulets sont bien rares !
Depuis le jour où Sak fit de ses mains barbares
Ce grand étranglement de tout le bataillon
De Zosia, sans laisser le moindre échantillon,
Soplitzow n’avait pu refleurir en volaille.
Et se sentait encor du jour de la bataille.
On possédait d’ailleurs des viandes à foison ;
On avait rançonné les bouchers, la maison,
Les bois : rien ne manquait à ce menu superbe,
Rien « sauf du lait d’oiseau »[12], comme dit le proverbe.
Soplitzow (ce qu’on voit rarement autre part)
Avait su réunir l’abondance avec l’art.

Le jour s’était levé, jour de Pâques fleuries :
Le temps était charmant. Au dessus des prairies
Un ciel limpide et pur largement étendu
Semblait un Océan dans les airs suspendu.
Comme des perles d’or dans l’eau, quelques étoiles
Brillaient au fond des cieux ; avec ses blanches voiles
Un seul petit nuage au vol aérien
Se perdait dans l’azur comme un ange gardien

Qu’ont longtemps des mortels retenu les prières,
Et qui bien vite au ciel court rejoindre ses frères.

Perles, étoiles, tout s’obscurcit et s’éteint ;
Le front du Ciel blanchit d’un reflet incertain.
Son côté droit posé sur un nuage obscur
Reste sombre ; mais l’autre a rougi dans l’azur ;
Et le soleil, qui semble une vaste paupière,
S’entrouvre et laisse voir dans un jet de lumière
La prunelle, l’iris… Bientôt jaillit, tremblant,
Un rayon, qui parcourt le ciel étincelant,
Et se fixe, trait d’or, dans le nuage blanc.
A ce signal, la flamme en faisceau d’or scintille
Et par tout l’horizon se croise et s’éparpille :
L’œil du soleil paraît. Encor presque endormi,
Il est voilé ; ses cils ne s’ouvrent qu’à demi ;
Enfin des sept couleurs à la fois il s’embrase,
Est saphir et rubis tout en restant topaze,
Puis se fond et s’éclaire en cristal blanchissant,
Et devient un brillant limpide, éblouissant,
Aussi grand que la lune, aussi vif que l’étoile :
Tel le soleil marchait seul dans le ciel sans voile.

En foules aujourd’hui le peuple d’alentour
Auprès de la chapelle a devancé le jour,
Comme s’il attendait quelque grande nouvelle.
Est-ce la piété seulement qui l’appelle ?
Non ; il veut voir aussi les illustres héros
Qui sont à Soplitzow. De tous les généraux,
Des chefs de légions qui combattent encore
Il connaît tous les noms… Et comme ils les honore !
Leur exil, leurs combats, pour les Lithuaniens
Sont l’unique sujet de tous les entretiens.
Officiers et soldats arrivent pour la messe.
Le peuple curieux tout autour d’eux s’empresse.
Quoi des nôtres ?… soldats ! et qui, sous le harnais,
Sont libres, sont armés — et parlent polonais !

Le prêtre arrive enfin. L’église est trop étroite :
On s’est agenouillé dans l’herbe, à gauche, à droite :
Et, tournés vers l’autel, tous ôtent leurs bonnets.
Les cheveux blancs ou blonds de ces fronts inclinés
Offrent l’aspect d’un champ courbé par la tempête.
Par endroits d’une vierge on voit briller la tête
Sous un chapeau de fleurs ou de plumes de paons ;

Et dans ces blonds cheveux ces fleurs et ces rubans
Semblent de ces blés mûrs le bluet et l’ivraie.
Cette foule à genoux s’étend jusqu’à la haie ;
Et, quand sonne la cloche, on dirait que le vent
Fait courber des épis le bataillon mouvant.

Chacun porte en ce jour à l’autel de Marie,
Prémices du printemps, une gerbe fleurie.
Des guirlandes de fleurs brillent tout à l’entour
Sur l’autel, sur la Vierge et jusque sur la tour.
Le zéphyre, parfois passant à tire d’ailes,
Sur les fronts inclinés va jeter l’une d’elles,
Et, mobile encensoir, embaume les fidèles.

Quand le prêtre eut fini la messe et le sermon,
Le Président s’avance avec émotion,
Précédant l’assistance. On l’a nommé naguère
Maréchal[13] du district pour le temps de la guerre.
Il porte donc avec un żupan chamarré,
Kontusz en gros-de-Tours[14], et ceinturon doré,
Où pend un sabre immense orné d’une dragonne ;
Une agrafe en brillants à son collet rayonne.
Sur sa blanche tchapka s’agite un faisceau blanc
De plumes de héron, superbe, étincelant,
Dont chaque plume coûte un ducat. Sur sa tète
Le Président le met les jours de grande fête.
Ainsi vêtu, devant l’église il s’est placé ;
Quand il voit les soldats et le peuple amassé,
Il dit :

Il dit : « Frères ! Le prêtre a lu pendant le prône
L’ordre de l’Empereur délivrant la Couronne
Et la Lithuanie : or donc en ce moment
Notre patrie est libre, et le gouvernement
A convoqué la diète officiellement.
Mais je dois vous parler (et c’est ce qui m’amène)
De l’un des Soplitza, seigneurs de ce domaine.
Ecoutez.

Ecoutez. « Vous savez quels méfaits a commis
Jean Jacek Soplitza jadis en ce pays.
Mais si dans vos esprits ses fautes sont inscrites,

Il est temps aujourd’hui de dire ses mérites.
J’en sais tout le détail grâce à nos généraux :
Ils doivent à coup sûr se connaître en héros.
Jacek, comme on disait, n’était point mort à Rome ;
Il avait seulement dépouillé le vieil homme,
Afin de réparer ses fautes d’autrefois
Par une sainte vie et de brillants exploits.

Lorsque à Hohenlinden[15] le fameux Richepanse
Allait battre en retraite et perdait l’espérance,
De notre Kniaziewicz ignorant les efforts,
C’est Jacek, dit Robak, qui, bravant mille morts,
Au nom de Kniaziewicz vint dire à Richepanse
Que notre légion marchait à sa défense.
Il reçut en Espagne, où nos chevau-légers
Ont de Somo Sierra[16] pris d’assaut les rochers,
Près de Kozietulski[17] deux terribles blessures.
Plus tard on ne sut pas trouver de mains plus sûres
Pour porter en tous lieux des messages secrets.
Des guerres à venir il faisait les apprêts.
Enfin à Soplitzow, dans sa terre natale,
En combattant le Russe il est mort d’une balle.
Or, quand à Varsovie on apprit cette mort,
L’Empereur justement venait dans un rapport
De le récompenser en donnant à ce brave
La croix d’honneur. Ceci de tout crime le lave.

Or donc, considérant ces faits incontestés,
Au nom de l’Empereur et des autorités,
Moi, maréchal, je viens déclarer à voix haute
Que Soplitza Jacek a réparé sa faute,
Qu’il reprend son honneur et qu’il doit désormais
Etre compté parmi les meilleurs Polonais.
Or donc, quiconque aux siens reprocherait en face
Les antiques délits que ce décret efface,
Pourrait être frappé de la punition
De laquelle au Statut[18] il est fait mention :
Tout noble ou tout soldat est noté d’infamie

Qui contre un citoyen lance une calomnie. »
« Et comme, en ce moment, règne l’égalité,
Bourgeois et paysans, nul n’en est excepté.
Le greffier doit au greffe inscrire ma sentence,
Et l’huissier au public en donner connaissance.

Quant à la croix d’honneur, bien que venant trop tard,
Elle atteste du moins les exploits du vieillard.
N’ayant pu l’honorer lui-même, qu’elle brille
Au moins sur son tombeau ; je la pends à la grille.
Qu’elle y reste trois jours ; ensuite sur l’autel
On la déposera comme une offrande au ciel. »

Il a dit, et, tirant une croix de sa poche,
A la tombe modeste en silence il l’accroche :
On voit le ruban rouge en cocarde plié,
Et la couronne d’or sur l’étoile a brillé.
Aux rayons du soleil cette étoile s’allume
Comme un dernier reflet de sa gloire posthume.
Le peuple cependant, récitant l’'Angelus,
Implore le Seigneur pour celui qui n’est plus.
Le Juge va partout invitant l’assemblée
Qu’il veut à Soplitzow voir ce soir attablée.

Buvant leur hydromel sur le banc de gazon,
Deux vieillards sont assis auprès de la maison.
Ils lorgnent le verger, où, parmi la verdure,
Comme un soleil se dresse un lancier. Sa coiffure
Porte une plaque d’or avec un plumet blanc.
Sur les yeux du jeune homme une jolie enfant
Lève ses yeux d’azur, et dans sa robe verte,
Ressemble au romarin. La pelouse est couverte
De fillettes cueillant des fleurs et détournant
Exprès leurs yeux discrets de ce couple charmant.

Les vieillards cependant, tout en vidant leur verre,
Causaient et se tendaient souvent leur tabatière.

« Ah ! oui, mon cher Protais », disait le vieux Gervais,
Ah oui, mon cher Gervais », disait le vieux Protais.
Ah oui », répétaient-ils tous deux, « je m’en doutais. »
Et les deux vieux hochaient leurs têtes en cadence :
« Oui, c’est étrange ! » dit l’huissier plein de prudence,
Mais non sans précédents ; je connais des procès ;
Où l’on avait commis encor bien plus d’excès ;

Et tout s’est terminé par un bon mariage.
Les Borzobohaty, les Łopot faisaient rage !
Et les Krepsztul, les Kupść, Putrament, Pikturno,
Odyniec, Mackiewicz, Kwilecki, les Turno ![19]
Mais ce n’est rien encor près de la zizanie
Entre les Polonais et la Lithuanie !
Et quand la reine Hedwige eut dit un simple oui,
Ce débat sans procès fut vite évanoui.[20]
Quand un parti possède ou veuve ou demoiselle
A marier, bientôt s’achève la querelle.
Les procès les plus longs sont avec le clergé,
Ou bien entre parents ; l’on est bien obligé
De plaider ; tout accord est alors négligé.
D’où des Lechs et des Russ[21] la dispute éternelle,
Car leur haine a chassé l’amitié fraternelle ;
D’où nos procès avec les chevaliers croisés,
Jusqu’au jour où Grünwald[22] les eut enfin brisés.
Et les Dominicains et leur grande dispute
Avec tous les Rymsza ! Le vainqueur dans la lutte
Fut à la fin le vieux Syndic abbé Dymsza[23] ;
D’où le proverbe : Dieu l’emporte sur Rymsza.
Moi je dis : « l’hydromel vaut bien mieux que la guerre. »
Ce disant, à Gervais il tend encor son verre.

— « C’est vrai ! c’est vrai ! reprit Gervais tout attendri.
C’était absolument comme femme et mari
Que la Lithuanie et l’antique Pologne.
Dieu joint, Satan sépare : à chacun sa besogne.
Ah ! mon bon vieux Protais ! Et dire que nos yeux
Voient cela ! Les voici, nos frères ; ce sont eux !
J’ai fait jadis la guerre avec eux. Dieu me garde,
Les gredins se battaient d’une façon gaillarde !
Mon maître avant ce jour n’aurait pas dû mourir !…
O Jacek, Jacek !… Mais… à quoi bon s’attendrir ?
Nous avons la Pologne et la Lithuanie :
Devant ce grand bonheur tout s’efface et s’oublie. »

— « Croiriez-vous », dit Protais, « que, sur cette Zosia,
Qui bientôt deviendra madame Soplitza,
Nous vîmes l’an dernier un merveilleux présage ? »
— « Il faut », interrompit Gervais, « suivre l’usage
Et l’appeler Sophie et non Zosia[24]. D’ailleurs
Elle est le rejeton de mes anciens seigneurs. »
Protais continua : « C’était un vrai prodige,
Un omen[25] : je l’ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je.
C’était un jour de fête ; assis en cet endroit,
Nous causions en buvant… Et voilà que du toit
Tombent deux vieux moineaux qui se battent, deux mâles.
Sous la gorge l’un d’eux avait des taches pâles ;
L’autre avait le cou noir. Ils luttent dans la cour,
Se culbutent, se font tomber chacun leur tour.
Nous regardions. Les gens se disaient l’un a l’autre :
Le noir est Horeszko, le gris sera le nôtre,
Le Soplitza. » Parfois le gris était vainqueur :
« Bravo ! Fi, Horeszko ! » criaient-ils tous en chœur.
Quand il tombait dessous, tous s’écriaient : « Remonte !
Battu par ce magnat, toi, noble ? Quelle honte ! »
Et, tout en plaisantant ainsi, nous attendions,
Quand Zosia par pitié pour les deux champions
Accourt, et dans sa main les prend et les caresse.
Mais dans sa main chacun s’agite et se redresse ;
Le duvet vole ; ils n’ont pas fini leurs combats.
Les vieilles, regardant Zosia, disaient tout bas
Que pour sûr le destin de cette jeune fille
Était d’unir un jour l’une et l’autre famille.
Cette prédiction s’accomplit aujourd’hui.
Mais on pensait au Comte alors : au lieu de lui,
C’est Thadée à présent… »

C’est Thadée à présent… » Et Gervais de reprendre :
Tout est plein de secrets que l’on ne peut comprendre.
Ce que je vais te dire est moins prodigieux
Que ce présage ; mais c’est un fait curieux.
Tu sais que j’aurais fait jadis cuire à la broche
Ces gueux de Soplitza… Cependant ce mioche,
Ce Thadée, en tout temps il a fait mes amours.
S’empoignait-il avec les autres gars, toujours
Il les battait ; quand il venait dans mon repaire,

Je l’excitais aux tours les plus rudes à faire ;
Tout lui réussissait : dénicher des pigeons
Sur la tour, arracher aux chênes les bourgeons
Du gui, sur un grand pin prendre un nid de corneille,
Il savait tout. Et moi, je lui tirais l’oreille
En disant : Quel malheur qu’il soit né Soplitza !
Qui m’eût dit… Ce bambin devenir comme ça
Mon maître et le mari de madame Sophie !… »

Là finit l’entretien. Avec philosophie
Ils boivent ; l’on entend ces seuls mots répétés :
« Ah ! oui, monsieur Gervais ! » — « Ah oui, monsieur Protais ! »

La cuisine touchait au banc, et la fumée
Par la fenêtre ouverte échappait parfumée.
Dans ses flots odorants ainsi qu’un blanc pigeon
Brille du maître-queux le bonnet de coton.
La tête du Woïski sur leurs têtes s’avance ;
Il écoute d’abord leurs discours en silence,
Puis leur tend des biscuits rangés sur un plateau,
Et leur dit : « En buvant, mangez donc un morceau.
Je vais vous raconter l’histoire curieuse
Qui faillit s’achever en lutte furieuse,
Alors qu’à Nalibok Reytan chassant un jour
Au prince Denassow voulut jouer un tour.
Mais ce tour, il faillit le payer de sa vie.
J’apaisai leur dispute. Ecoutez, je vous prie. »
Là par les marmitons son récit fut coupé :
Ils lui demandent qui doit servir le soupé.

Il s’éloigne, et tous deux, vidant encor leur verre,
Tournent leurs yeux rêveurs du côté du parterre
Où cause le lancier avec la blonde enfant.
De la main gauche il prend sa main, et, la levant,
(Sa main droite en écharpe est sans doute blessée),
Le jeune homme en ces mots exprime sa pensée :
« Sophie, il faut ici me parler franchement,
Car je dois tout savoir avant le grand moment.
Cet hiver, je le sais, vous étiez déjà prête
A m’offrir votre main : j’ai détourné la tête !
Que m’importait la main si je n’avais l’amour.
J’avais à Soplitzow fait un trop court séjour.
Un seul de mes regards ne pouvait en votre âme
D’un véritable amour faire jaillir la flamme.

Je ne suis point un fat : j’ai voulu mériter
Mon bonheur, pour toujours dussè-je vous quitter.
Aujourd’hui vous daignez tenir votre promesse.
Mais comment ai-je pu gagner votre tendresse ?
N’allez pas m’épouser moins par affection
Que par obéissance et par soumission.
Zosia, le mariage est une chose grave.
Consultez votre cœur ; ne soyez point esclave.
Oubliez vos tuteurs et leur autorité.
Si vous n’avez pour moi rien que de la bonté,
Remettons à plus tard cette cérémonie.
Zosia, je puis attendre encor l’heure bénie.
Rien ne presse ; hier soir j’ai reçu par faveur
L’ordre de demeurer ici comme instructeur
Jusqu’à convalescence et guérison complète.
Vous vous taisez, Zosia ? »

Vous vous taisez, Zosia ? » Levant alors la tête,
Zosia timidement dit en le regardant :
« Je ne me souviens plus du passé. Cependant
Je sais que l’on m’a dit : il faut être sa femme ;
Or, aux ordres du Ciel pliant toujours mon âme,
J’écoute mes tuteurs… Baissant ses yeux troublés,
Elle ajoute : « Ce soir, si vous vous rappelez,
Où le Père Robak mourut, après l’orage,
J’ai vu qu’en nous quittant vous manquiez de courage ;
Vos yeux étaient mouillés… Ces larmes, croyez-moi
M’ont touchée, et dès lors en votre amour j’eus foi.
Quand je priais pour vous, je ne sais pas pourquoi
En disant votre nom je revoyais sans cesse
Vos yeux brillants de pleurs, vos traits pleins de tristesse.
Et quand la Présidente, en partant à Vilna
Pour y passer l’hiver, malgré moi m’emmena,
Je regrettais toujours ces lieux, et la chambrette
Où vous m’aviez un soir surprise à ma toilette :
Vous vous rappelez bien… Ce souvenir touchant
Comme un grain qu’en automne on sème dans un champ,
J’ai senti tout l’hiver en moi grandir sa sève…
Ma chambrette… Toujours je la voyais en rêve.
Je ne sais quelle voix me murmurait tout bas :
Tu l’y verras encor. Je ne me trompais pas.
Ce rêve dans l’esprit, votre nom sur les lèvres,
Des fêtes de Vilna je dédaignais les fièvres.
Mes compagnes disaient qu’on m’avait pris mon cœur :
S’il est vrai, c’est vous seul qu’il nomme son vainqueur.»

Thadée, en entendant ces mots pleins de tendresse,
Prend sa main dans la sienne, avec amour la presse,
Et reconduit Zosia dans sa chambre d’enfant,
Celle qu’il habitait dix ans auparavant.

Le Notaire s’y trouve. Oh ! sa joie est complète,
Et de sa fiancée il aide à la toilette.
Il court, vole ; il lui tend bagues et médaillons,
Poudre, mouches et pots de pommade et flacons,
Et d’un air triomphant il contemple sa dame,
Qui de ses beaux atours finit d’ourdir la trame,
Et devant son miroir prend des aspects divers.
Ses femmes, ou, debout, frisent avec leurs fers
La boucle de cheveux qui glisse et se dérobe,
Ou plissent, à genoux, les volants de sa robe.

Pendant que le Notaire admire ces apprêts,
Un marmiton lui crie : « Un lièvre ! Là, tout près !
Il est sorti des joncs, a franchi la prairie,
Traversé du verger la pelouse fleurie
Et sauté dans les choux : on peut l’en déloger,
Et les deux lévriers pilleront le verger. »
L’Assesseur est au guet ; le Faucon l’accompagne :
Notaire et l’Ecourté, vite, vite en campagne !
Le Woïski près du mur met chaque concurrent,
Puis avec sa palette au verger il se rend.
Il siffle, il frappe, il crie, et fait peur à la bête.
Chacun d’eux à lancer son lévrier s’apprête :
Il lui montre du doigt le gîte du gibier
Et l’excite tout bas… Et les chiens d’épier,
L’oreille en l’air, le nez au vent, l’âme inquiète,
Comme deux traits posés sur la même arbalète.
« Taïaut ! » dit le Woïski. Le lièvre saute et fond
Dans le pré : les deux chiens sont tombés d’un seul bond
Sur lui, des deux côtés ; il semble que l’on voie
Les deux ailes de fer d’un même oiseau de proie :
Les serres sont leurs dents en son dos s’enfonçant.
Son cri semble le cri d’un enfant vagissant.
A ce bruit, les chasseurs courent ; il est sans vie.
Les chiens sur ses poils blancs tirent avec furie.

On caresse les chiens ; le Woïski cependant
Tire un couteau de chasse à son côté pendant,
Coupe les pieds et dit : « A tous deux gloire égale !
Tous deux également j’entends qu’on les régale.

« Ils ont eu même ardeur et même agilité :
La cité vaut le roi, le roi vaut la cité[26],
La bête vaut le maître, et le maître la bête.
Que votre long débat par cet exploit s’arrête.
Vous m’aviez pris pour juge en donnant vos enjeux ;
Voici donc mon arrêt : vous gagnez tous les deux.
Je n’ai plus qu’à vous rendre à tous deux votre gage ;
Et vous, faites la paix. » A ce prudent langage
Les deux chasseurs, tous deux vainqueurs, tous deux contents,
Ont rapproché leurs mains rivales si longtemps.

« J’ai promis un cheval, dit l’un[27], avec sa selle,
Et fait au tribunal promesse solennelle
Que du juge ma bague en or serait le prix.
Gage une fois donné ne peut être repris.
Woïski, voici ma bague. Exaucez ma prière :
Ou vous ferez graver votre nom sur la pierre,
Ou bien votre blason en sera l’ornement.
La cornaline est pure et l’or pareillement.
Mon cheval ? Les lanciers l’ont pris pour la remonte ;
Mais la selle (et Dieu sait que ce n’est pas un conte),
Est commode, solide, et belle : un vrai joyau !
Siège étroit à la turque et splendide pommeau
Richement incrusté de pierres précieuses.
Le siège est un coussin fait d’étoffes moelleuses ;
Lorsque l’on monte en selle, on est comme en son lit ;
Un sybarite même y passerait la nuit ;
Et lorsque l’on galope » (et le Régent[28]) Boleste,
Célèbre, comme on sait, pour son amour du geste,
Ecartait ses deux pieds comme s’il s’élançait,
Puis comme en galopant son corps se balançait),
« Et lorsque l’on galope, alors la housse brille,
« Et de cet or luisant tout le cheval scintille.
« On dirait, à le voir, un coursier du Soleil.
« Les larges étriers sont du plus pur vermeil ;
« Sur la bride du mors, ainsi que sur la guide,
« Sont des boutons de nacre argentée et limpide.
« Au collier est pendu sous forme de croissant
« Le blason Leliwa[29] Ce meuble éblouissant
« Fut enlevé, dit-on, pendant une bataille

A quelque Musulman tué par la mitraille :
Assesseur, acceptez ma selle en souvenir ! »

Et l’Assesseur reprit, rayonnant de plaisir :
« Moi, c’étaient mes colliers que j’avais mis en gage.
Le prince Sanguszko m’en fit jadis hommage.
Ils sont en vrai chagrin avec des clous dorés :
J’y joins aussi ma laisse en soie, aux fils moirés ;
La pierre en est aussi splendide que l’ouvrage.
Elle eût de mes enfants complété l’héritage ;
(Car certes, j’en aurai : je prends femme en ce jour) ;
Mais, Notaire, acceptez ce meuble à votre tour.
Puisse-t-il compenser ce harnais magnifique
Et vous remémorer le débat homérique
Qui vient de s’achever avec autant d’honneur
Pour tous deux. Et restons bons amis, de tout cœur. »
Ils rentrent, et vont dire à la noble assemblée
Que des deux lévriers la querelle est réglée.

Ce lièvre, le Woïski l’avait dans la maison
Nourri, puis au jardin lâché, racontait-on,
Pour ramener l’accord par un succès facile.
A bien cacher son jeu le vieillard fut habile,
Car tout Soplitzowo demeura dans l’erreur.
Le marmiton plus tard par ce récit moqueur
Eût voulu du Notaire éloigner l’Assesseur ;
Mais personne ne crut à cette calomnie
Que le marmiton sème et que le Woïski nie.

Au préau du château les hôtes s’assemblant
Tout autour de la table attendaient en parlant.
Le Juge en uniforme alors fit son entrée,
Amenant par la main et Sophie et Thadée.
Le jeune homme, en portant sa main gauche à son front,
A ses chefs assemblés fait un salut profond.
Les yeux baissés, Sophie en rougissant s’avance,
A tous les invités fait une révérence :
(Télimène avec soin l’instruisit dans cet art).
Sa guirlande de fleurs attire le regard ;
Son costume est celui qu’elle avait à l’église
En déposant la gerbe à la Vierge promise.
Elle en apporte une autre aux brillantes couleurs,
En offre aux invités les herbes et les fleurs,
Et dans ses cheveux blonds ajuste sa faucille.
Les chefs prennent les fleurs de la Nymphe gentille,
Et lui baisent les mains en s’inclinant bien bas.

Tout à coup Kniaziewicz la saisit dans ses bras,
Et, sur son front charmant l’embrassant comme un père,
La pose sur la table. Alors la salle entière
Retentit de bravos. Chacun est enchanté
Du charme de Zosia, de sa douce beauté,
Et surtout de l’habit villageois qu’elle porte.
Car ces chefs, qui, bravant des maux de toute sorte,
Ont erré si longtemps loin de leur sol natal,
Aiment par dessus tout l’habit national
Il leur rappelle, avec leur printemps matinal,
Leurs premières amours. Tous autour de la table
La contemplent, émus d’un plaisir véritable.
L’un lui dit de daigner lever un peu le front
Pour faire voir ses yeux ; un autre veut qu’en rond
Elle tourne… Zosia, toujours obéissante,
Tourne, tout en cachant sa face rougissante.
Thadée à cet aspect sourit avec fierté.

Qui Zosia sur sa mise a-t-elle consulté ?
Sans doute son instinct (toute femme est coquette
Et sait à son visage ajuster sa toilette).
Et, bien que ce matin pour son entêtement
Télimène ait grondé Zosia sévèrement,
Elle a mis, dédaignant une robe à la mode,
Son habit villageois plus simple et plus commode.

La robe en camelot vert que Zosia portait
Sur un long jupon blanc au genou ressortait
Par sa bordure rose. Un ruban rose passe
Sur son corsage vert qu’il enserre et qu’il lace,
Et qui semble une feuille où repose son cœur.
Ses manches à ses bras ont l’air, dans leur blancheur,
D’ailes de papillons s’envolant dans les nues,
Mais sont par un ruban au poignet retenues.
Son cou, par sa chemise étroite emprisonné,
S’élève sur son col d’un ruban rose orné.
Des noyaux travaillés pendent à ses oreilles.
Le jeune Sak est fier d’avoir fait ces merveilles ;
On y voit une flèche et deux cœurs enflammés
(Pour sa Zosia jadis Sak les a façonnés) ;
Un double collier d’ambre orne sa collerette
Et le romarin vert environne sa tête ;
Sur ses épaules vont tomber ses tresses d’or,
Et l’on voit sur son front briller, humide encor,
Sa faucille, parant la Nymphe diaphane,
Comme un croissant posé sur le front de Diane.

Et tous applaudissaient, lorsqu’un jeune officier,
Prenant son portefeuille, en tire un grand papier,
Le déploie, et, taillant son crayon, il l’humecte,
Et dessine, muet. Le Juge qui l’inspecte
A reconnu les traits de ce dessinateur.
Bien que sous l’uniforme il ait un air vainqueur,
Un vrai port de lancier, une épaulette riche,
Et quoique à l’espagnole il porte la barbiche,
Le Juge a reconnu le Comte : « Eh bien, voisin !
Mars n’a pas étouffé votre amour du dessin,
Paraît-il ? » En effet, c’était le jeune Comte.
Bien que nouveau soldat, les chefs ont tenu compte
De ce qu’il a lui-même armé son régiment ;
Et, comme il s’est déjà comporté bravement,
L’Empereur l’a nommé Colonel tout de suite.
Le Juge, en apprenant ces faits, le félicite.
Le Comte écoute à peine et dessine au plus vite.

Le second couple fait son apparition.
Agent non plus du Tzar mais de Napoléon,
L’Assesseur a le rang d’officier de police :
Et, bien que d’aujourd’hui commence son service,
Il a son uniforme azur, et fait crier
Son grand sabre et sonner ses éperons d’acier.
S’appuyant sur son bras on voit son amoureuse,
Thécle Hreczeszanka, marcher majestueuse.
Car avec Télimène a rompu l’Assesseur
Et par dépit à Thécle il a donné son cœur.
La jeune mariée a près d’un demi-siècle,
Mais, sans compter sa dot, mademoiselle Thécle
Est bonne ménagère, et le Juge donné
Une somme assez ronde au couple fortuné.

Quant au troisième couple, il se fait bien attendre.
Le Juge les réclame et n’y peut rien comprendre.
On lui dit à la fin que le troisième époux,
Le Notaire, a perdu son anneau dans les choux
En chassant… II le cherche… Et, quant à Télimène,
Elle est à sa toilette, et sera prête à peine,
Malgré tous ses efforts et le zélé concours
Des femmes qu’elle occupe à ses pompeux atours,
Alors que la pendule aura sonné quatre heures,


  1. On trouve dans un des historiens russes une description, analogue à celle qui suit, des présages et de pressentiments du peuple moscovite avant la guerre de 1812. (Note de l’auteur).
  2. En polonais r u ń (la première végétation printanière).
  3. Dans le texte, il est dit « On croirait qu’alors z wyraju avec les oiseaux… etc. Mickiewicz explique ainsi en note le sens du mot wyraj : « Wyraj, dans le langage du peuple, indique exactement la saison d’automne, époque où émigrent les oiseaux voyageurs : s’envoler au wyraj, c’est s’envoler dans les pays chauds ; d’où, métaphoriquement le peuple appelle wyraj les pays chauds, et en général on ne sait quelles contrées fabuleuses et fortunées, situées au-delà des mers ».
  4. Le prince Joseph Poniatowski.
  5. Le roi Jérôme.
  6. Voyez sur ces deux chefs des légions polonaises sous la République,
    devenus généraux de division sous l’Empire, le premier livre du poème.
  7. Le prince Romuald Giedroyć, général de brigade.
  8. Casimir Małachowski plus tard généralissime de l’armée polonaise pendant l’insurrection de 1830, mort en exil à Chantilly.
  9. Kucharz doskonały : livre aujourd’hui très rare, publié il y a plus d’un siècle par Stanislas Czerniecki. (Note de l’auteur).
  10. Il s’agit d’Urbain VIII. — On a souvent décrit et représenté cette Ambassade à Rome. V. le Cuisinier modèle, préface : « Cette ambassade excita une grande admiration en Occident, et fit éclater la haute intelligence de ce seigneur (Ossoliński) ainsi que la splendeur de sa maison et le luxe de sa table… si bien qu’un des princes romains dit un jour : « Rome est aujourd’hui heureuse d’avoir dans ses murs un pareil ambassadeur :». — N.B. Czerniecki lui même était le cuisinier d’Ossoliński. (Note de l’auteur).
  11. Panie kochanku exactement mon cher monsieur. C’était l’expression dont il se servait journellement comme le Panetier Horeszko et à son exemple Gervais, de celle de : mon maître. Nieśwież était la principale résidence des Radziwiłł.
  12. Ptasie mleko. Le sens de ce proverbe est qu’il ne manque au festin que ce qui n’existe pas.
  13. En Lithuanie, après l’entrée des armées franco-polonaises, on forma dans les palatinats des confédérations et on élut des députés à la diète. (Note de l’auteur).
  14. Etoffe alors très usitée.
  15. Sur la part prise à la bataille de Hohenlinden par la légion polonaise, voyez l’histoire des légions polonaises par L. Chodźko. On sait qu’à Hohenlinden la légion commandée par le général Kniaziewicz décida de la victoire.
  16. C’est la fameuse charge des chevau-légers polonais (1809), chantée par A. Goreck et racontée en détail par A. Niegolewski, un des héros de cette journée, en rectification du récit inexact de Thiers dans son histoire du Consulat et de l’Empire.
  17. Un des officiers qui dirigeaient la charge.
  18. Le Statut lithuanien (statut litewski). V. le livre IX.
  19. Protais récite ici une partie de la nomenclature des procès dont il
    a été fait mention au 1er Livre.
  20. Allusion au mariage d’Hedwige d’Anjou, reine de Pologne, et de Ladislas Jagellon, grand-duc de Lithuanie (1386) et à l’union dès lors indissoluble des deux nations autrefois ennemies.
  21. Lech est l’ancêtre légendaire des Polonais, son frère Rus celui des Russiens ou Ruthènes (confondus ici avec les Russes) et l’autre frère Czech celui des Bohèmes ou Tchèques.
  22. Fameuse bataille où Jagellon écrasa les chevaliers teutoniques (1410).
  23. Encore une cause célèbre de la Lithuanie.
  24. Zosia est un diminutif caressant de Zofia (Sophie) : Gervais le trouve trop peu respectueux pour une fiancée de si noble origine. Protais ne tient d ’ailleurs aucun compte de cette observation du vieux serviteur des Horeszko.
  25. Nous savons que les anciens Polonais avaient l’habitude de mêler au polonais nombre de mots latins.
  26. Le proverbe exact est : Pałac wart Paca, Pac pałaca : Le Palais est digne de Pac (famille lithuanienne célèbre) et Pac est digne de son palais.
  27. C’est le Notaire. V. le livre II.
  28. En polonais rejent est synonyme de notaire.
  29. Célèbre armoirie polonaise où figure un croissant. Voyez le poème de Jules Słowacki : l’Enfer de Piast Dantyszek (au blason Leliwa).