Tom Jones ou Histoire d’un enfant trouvé/avant-propos
Tom Jones, suivant La Harpe, est le premier roman du monde.
La Place en a fait une imitation qui ne reproduit ni le génie, ni les graces de l’original. Retranchant d’une main barbare tous les ornements de style, toutes les beautés de détail, il n’a laissé subsister que la contexture du roman. « La Place, dit La Harpe, a défiguré, et même étranglé inhumainement le chef-d’œuvre de Fielding. »
Le comte d’Avaux et M. Chéron l’ont traduit avec une exactitude scrupuleuse ; mais leurs versions purement littérales prouvent qu’une imitation servile est la pire des infidélités. Images, pensées, couleurs, tout a disparu dans ces pâles copies. Ici Fielding n’est plus d’aucun pays ; il a perdu sa physionomie angloise, sans que l’air françois ait remplacé ses traits originaux.
On trouve dans la collection de romans, publiée par Dauthereau, une traduction anonyme de Tom Jones. Ce n’est, à peu de chose près, que celle de Chéron légèrement retouchée, dont on a supprimé les chapitres préliminaires.
Tant d’essais, plus ou moins infructueux, montrent assez la difficulté de l’entreprise. Secondé par un ami, j’ai cru qu’il n’étoit pas impossible de la vaincre et de donner une traduction de Tom Jones à la fois élégante et fidèle. Me suis-je trompé ? le public en jugera.