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Toutes les femmes/04

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A. Méricant (3p. 47-80).

LES HINDOUES

L’Inde est le pays du rêve et, non moins que l’Égypte, le pays du mystère. Cette région exerça toujours sur nos esprits un pouvoir d’attractions difficile à analyser. C’est que, si notre civilisation est fille de la Grèce et de Rome, les peuples qui, descendus des hauts plateaux de l’Asie centrale, se sont établis dans l’immense péninsule gangétique, sont nos ancêtres ; leur vieille langue sacrée est la mère de nos langues européennes, leurs mythologies ont un reflet dans nos religions et les chants dont, il y a bien des siècles, ils faisaient retentir au cours de leurs marches les défilés des montagnes, éveillent encore aujourd’hui dans nos cœurs un écho sympathique.

À quelle époque s’est accompli le peuplement de l’Inde par les Aryens ? L’histoire, ou plutôt la tradition, des Védas ne nous apprend rien de certain à ce sujet. Selon certains calculs basés sur des tables astronomiques dressées par les brahmanes, il faudrait reculer à trente siècles environ avant notre ère, la date de l’invasion qui refoula les primitifs habitants du sol, les Dasyous, « au teint noir et au nez de taureau », et les Rakchassas, « démons mangeurs de chair crue, » ancêtres des actuels Dravidiens.

La parenté des Persans et des Hindous est en tout cas indéniable ; le zend du Zend-Avesta et le sanscrit des Védas sont les dialectes d’une même langue ; par le type, par les mœurs même, les habitants du Nord de la péninsule sont frères des Iraniens, et les Dravidiens eux-mêmes ne sont pas sans offrir de nombreux points de ressemblance avec les tribus béloutches.

À part la teinte foncée de la peau, les Hindoues se rapprochent beaucoup des Européennes par la stature et la coupe du visage. Le front est assez développé, les pommettes peu saillantes, le nez étroit et aquilin, la bouche petite, les lèvres minces, le menton arrondi. La vraie beauté de l’Hindoue, ce sont ses yeux qui, très grands déjà, sont allongés encore par de magnifiques cils. La chevelure est brune ; certaines Brahmanes seules peuvent s’enorgueillir de cheveux blonds, d’autant plus appréciés qu’ils sont plus rares. Les femmes de cette caste, qui mieux que toute autre a conservé la pureté de son sang, ont
Femme parsi.

gardé un teint relativement clair. Pour les autres, la couleur de leur peau varie du brun de l’Andalouse à celui de l’Arabe. Toutes sont de taille médiocre ; leurs membres sont souples et gracieux, un peu grêles peut-être, surtout les jambes. La figure, d’un pur ovale, aux traits réguliers, encadrée d’une chevelure noire et bouclée, éclairée d’un regard fin, séduit par sa douceur. Il est regrettable qu’en certaines provinces, une fausse coquetterie les porte à s’enlaidir en ensevelissant le charme et la régularité de leurs traits sous une couche épaisse de peinture, en s’élargissant les narines pour y passer de lourds anneaux, en se distendant les oreilles sous le poids de boucles pesantes. Il n’est pas rare, au sud du Dekkan, de voir la tête d’une élégante adornée d’une dizaine, d’une douzaine même de kilos de cette bijouterie.

Les plus belles des Hindoues sont, peut-être, les femmes de la vallée de Cachemire. Leur taille est moyenne, mais elles sont fortes, bien découplées ; leurs traits sont réguliers, leur front élevé ; deux beaux yeux bruns et doux accompagnent un nez légèrement aquilin, au-dessous duquel sourit une bouche d’une grande finesse. Jusque dans la vieillesse, elles conservent une beauté qui, de même que leur esprit, leur goût et leur intelligence, les fait apprécier dans l’Inde tout entière.

Les tribus guerrières des Radjpoutes, belles et fières, ont conservé des coutumes qui rappellent celles des chevaliers de l’Europe féodale. Sans hésiter, un brave radjpoute sait braver la mort pour conquérir ou pour défendre une fleur, une frange d’écharpe, un ruban promis ou donné par la dame de ses pensées. Des guerres sanglantes se sont livrées entre les clans pour la vengeance d’une belle persécutée. Aujourd’hui encore, un mariage n’est célébré que lorsque la fiancée a fait don à celui qu’elle a choisi d’un objet quelconque et lui a passé au cou une guirlande de fleurs. Elle sera d’ailleurs l’égale de son mari, qui ne fera rien sans la consulter.

Le vêtement le plus généralement adopté par les femmes hindoues est une sorte de corsage à manches courtes, en mailles de soie, orné soit de boutons d’or ou d’argent, soit de perles ou de pierres précieuses. Par-dessus ce corsage, appelé anjia, elles se recouvrent le corps d’une longue pièce d’étoffe, dont elles se drapent les épaules, les jambes, la poitrine et la tête, laissant les membres libres. Ce costume, dont la richesse varie selon la caste et le rang de la femme qui le porte, est des plus gracieux ; il fait ressortir, avec beaucoup de charme, le contour et la souplesse de la taille de celle qui le porte.

Les musulmanes du nord de l’Inde
Femme hindoue.
portent également l’anjia ; elles le dissimulent sous une petite veste ajustée, aux manches serrées et ornée de franges. Leur pantalon, très ample, aussi étoffé qu’une robe, est quelquefois accompagné d’une petite jupe descendant en plis nombreux et imitée de la jupe persane. La figure des musulmanes riches est couverte d’une grande écharpe. Celles des classes populaires ne se cachent point le visage.

Nulle part, peut-être, les mariages ne sont aussi précoces qu’en ce pays. L’âge varie, pour les filles, de sept à neuf ans et, pour les garçons, de douze à quatorze. Les conditions de l’union sont réglées entre les parents, alors que les fiancés sont encore dans l’enfance ; les cérémonies, le plus souvent très compliquées, varient selon les castes, les classes et les provinces. Dans toutes les castes, les ablutions sont la partie essentielle des préparatifs. Un banquet et des fêtes prolongent les noces pendant plusieurs journées. La saison généralement adoptée est le printemps, lorsque Drisput et Sook (les planètes Mars et Vénus) entrent en conjonction.

Dans la caste des brahmanes, le matin du premier jour, avant le lever du soleil, les futurs époux sont conduits séparément à la rivière la plus voisine, où ils subissent une série d’ablutions solennelles, suivies de prières. Puis ils sont placés l’un près de l’autre, la femme, voilée, sous une sorte de dais soutenu par douze piliers et décoré de guirlandes fleuries. On invoque les dieux pour qu’ils envoient sur les mariés un rayon de la chaleur céleste qui anima autrefois nos premiers pères. Puis le couple s’assied, la face tournée vers l’orient, et les purifications avec le safran, le miel et les pierres magiques recommencent. Le lendemain, le père le la jeune fille unit les époux en leur mettant la main dans la main, et les arrose ensuite d’eau de blé et de lait. Puis le principal brahmane dit une prière et, pendant ce temps, on attache au cou de la fiancée le tali, grand anneau, emblème du mariage ; c’est l’acte obligatoire, solennel, qui lie entre eux les époux. Le troisième jour, on fait sept fois le tour d’un feu, rite particulier qui est évidemment une survivance de la célébration du mariage chez les Parsis. Le quatrième jour, les époux dînent ensemble en présence de tous les convives ; c’est le signe de leur union intime. Le cinquième et dernier jour, on brûle du riz ; c’est l’un des rares sacrifices auxquels puisse prendre part une femme. Les cérémonies se terminent par de nouvelles ablutions, des processions et une distribution d’abondantes aumônes.

Le mariage mahométan est plus simple. Les mêmes rites de l’union des mains, des processions accompagnées de musique, s’y retrouvent, mais la fête ne se prolonge guère au delà d’une
Femme hindoue.
journée et la partie essentielle en semble être une consommation tout à fait anormale de sucreries et de friandises.

En dépit des prescriptions de la loi sacrée de Manou, les formalités matrimoniales ont simplement pour but de cacher l’achat de la fille qui est fait au père.

Une fois mariée, sans y avoir donné son consentement, la jeune femme, qui est plutôt encore une enfant, vit dans un complet état d’esclavage. Son mari est un maître, de l’autorité duquel elle ne sera jamais affranchie. Il lui est interdit de manger avec lui ; de son côté, il se déconsidérerait s’il la traitait en égale ; et tel est l’état d’abaissement dans lequel sont plongées ces malheureuses qu’elles seraient les premières à mépriser un époux qui se montrerait familier à leur égard.

« Jamais une femme ne doit se gouverner à sa guise », a dit le législateur religieux, et jamais, en effet, une femme n’a la liberté d’agir suivant sa volonté. Enfant, elle obéit à son père ; jeune femme, à son mari ; veuve, à ses fils. Si elle n’a pas de fils, elle devient l’esclave de ses plus proches parents paternels et, à leur défaut, du souverain.

La loi est d’ailleurs inexorable pour la veuve. Survivre à son époux est pour elle le plus grand des malheurs. Si le gouvernement anglais a réussi à supprimer l’usage cruel qui forçait en quelque sorte la femme à se brûler sur le bûcher funéraire de son mari, il n’a pu l’empêcher d’être frappée d’une sorte de dégradation. Ses parents la prennent, la dépouillent de ses vêtements, la suspendent par les pieds et lui rasent ainsi la chevelure. Puis on la revêt d’étoffes grossières et, désormais, esclave et servante de tous, elle est condamnée aux travaux les plus rudes. Le mariage lui est à tout jamais interdit ; elle ne peut plus porter ni soie, ni or, ni argent, ni manger avec ses amis ; elle ne peut même se faire danseuse ; le seul refuge qui lui soit ouvert contre les sévices dont l’accableront les siens, est la prostitution : elle reste libre de se faire courtisane de bazar.

Le code de Manou, si injuste envers les femmes, en tout ce qui touche au mariage et au veuvage, n’est pas moins inique en ce qui a trait à la répudiation : l’homme seul a le droit de quitter sa femme. Il devient cruel dans la répression de l’adultère : la mort, accompagnée de supplices terribles, la confiscation des biens frappent l’infidèle et son complice, quand ils appartiennent aux hautes classes. Le même crime, dans les castes inférieures, dont la pureté du sang est moins précieuse, rencontre plus d’indulgence. La preuve de l’adultère est facile à fournir : « Est criminelle toute femme qui est restée seule avec un homme pendant le temps nécessaire pour cuire un œuf ! »



Femme hindoue.

Par contre, quoi que puisse faire un mari, même hors de son ménage polygame, ses épouses doivent ne jamais cesser de le « vénérer comme une divinité ».

Au risque de détruire une illusion dans l’esprit du lecteur bénévole, il nous faut ici dire un mot des bayadères. Ce nom, qui nous est venu en Europe, avec un tel parfum de grâce et de volupté, vient du mot portugais balleideras ou danseuses, que leur donnèrent les compagnons d’Albuquerque. Les poétiques exagérations de Raynal firent à ces femmes, vers la fin du xviiie siècle, une réputation que les récits modernes ont à peine détruite. Au lieu de ces ravissantes créatures qui nous furent décrites si minutieusement, la caste des bayadères n’offre, à côté des matrones vieillies au service des prêtres, que des beautés toujours fanées avant l’âge. Leurs danses si lascives, leurs pas si provocants ne se composent guère que de gestes plutôt forcés, de postures et de contorsions sans grâce comme sans élégance.

Les devadassis, c’est leur nom véritable, sont prises dans toutes les castes, excepté dans celle des parias. Quelquefois leur vocation est obligatoire, d’autres fois elle est facultative. Une jeune fille destinée à cet état doit venir au temple avant d’être nubile. Là, on l’examine, on l’analyse, on regarde si sa taille est bien prise, sa constitution saine ; puis on la livre à ses compagnes, qui la baignent dans l’étang de la pagode, la parent de vêtements neufs et l’ornent de bijoux. Ainsi arrangée, elle passe chez le grand-prêtre, qui lui fait subir quelques formalités d’initiation et la marque ensuite, avec un fer rouge, du sceau du temple auquel elle appartient désormais. Alors elle est dévadassi. Elle apprend à lire, à écrire, à chanter, à danser surtout. On a rédigé pour les néophytes une espèce de cours de minauderies, un recueil des secrets de la toilette. La bayadère apprend tout cela pour séduire, pour plaire, car tel est son métier ; il faut qu’elle plaise aux prêtres d’abord, ses possesseurs de droit, puis au public, à qui elle vendra ses faveurs au profit des prêtres.

Leur danse se compose de figures où elles se balancent face à face : une musique monotone d’instruments à vent, qu’accompagnent des tambours et des cymbales, règle la mesure de leurs pas. Dans les pagodes, elles chantent, sur un mode lent et triste, les louanges et les incarnations de Wichnou. Parmi elles, il en est d’exclusivement vouées au service des temples ; d’autres sont absolument libres. Celles-ci, seules dans l’Inde, ont une notion de la liberté. Un riche Hindou ne donnera pas une fête sans que, chanteuses ou danseuses, elles ne soient là pour distraire les convives. À cette vie, elles vieillissent rapidement. Lorsqu’elles atteignent dix-huit ou vingt ans, leurs charmes et leur jeunesse ne sont plus que des souvenirs. Les prêtres les renvoient alors ; elles rentrent dans leur caste et s’y marient sans que leur précédent état soulève contre elles aucun préjugé.

À dire vrai, il semble que, depuis quelques années, la vieille Inde, sur laquelle avaient passé les invasions et les siècles sans parvenir, depuis plus de vingt siècles, à modifier sensiblement une civilisation pétrifiée, paraisse tressaillir à la flamme du progrès. Les locomotives qui traversent la jungle emportent avec elles chaque jour quelque peu des coutumes millénaires dont la femme était la victime. L’influence européenne tend à émanciper l’Hindoue ; déjà elle lui permet de conquérir la science et, avec la science, la liberté.

Ne quittons pas l’Inde sans signaler de quelle curieuse manière certaines peuplades, encore organisées en clans, comprennent et pratiquent le mariage.

Chez les Garos, les filles choisissent leurs époux selon des règles immuables : la sœur d’un Garo ne peut épouser qu’un homme appartenant au groupe familial de sa belle-sœur ; le fils d’un homme doit épouser une fille de la sœur de son père ; sa fille peut épouser le fils de sa tante paternelle, mais celui-ci doit aller vivre chez son beau-père afin de lui succéder à sa mort comme héritier de ses biens et mari de sa femme. L’épouse d’un Garo se trouve donc être sa belle-mère et sa tante ; elle pourrait souvent, par l’âge, être sa mère.

Le mariage se conclut après que les premières démarches ont été faites par la jeune fille. Si l’aspirant en prenait l’initiative, le clan de sa belle s’en trouverait offensé, et il en coûterait au clan de l’audacieux, pour apaiser une aussi juste colère, d’abondantes libations et un sacrifice de porcs.

Les Reddies marient parfois une fille nubile à un enfant ; c’est, dans ce cas, l’oncle ou le cousin maternel, parfois le père de l’époux, qui en remplissent les fonctions. Presque toujours, quand le jeune mari arrive à l’âge d’homme, il est déjà l’heureux père d’une descendance qui est réputée la sienne. Par compensation, ce sera son tour à jouer le rôle de remplaçant.

Dravidiennes.

La famille dravidienne occupait probablement jadis la plus grande partie de l’Asie méridionale. Elle forme une branche du rameau négrito qui joua un si grand rôle aux temps préhistoriques et a laissé des témoins en Asie comme en Afrique et en Océanie. Les Dravidiennes de l’Inde sont plus grandes que celles d’Afrique, leur taille varie de 1m30 à 1m45 ; c’est là un effet du métissage avec les races des divers envahisseurs. Rares, en effet, sont dans la péninsule les Négritos dont le sang ne s’est pas mélangé d’éléments noirs ou jaunes, puis blancs. Leur type n’en est pas moins incontestablement nègre : la tête est courte, la chevelure noire et laineuse, la peau foncée et d’un brun roux, les membres extrêmement maigres.

Ce sont les Pygmées asiatiques des anciens auteurs et même, presque certainement, c’est à eux que font allusion les légendes védiques rapportant les hauts faits de l’armée des singes que Hanouman menait au combat. L’allié de Rama et ses soldats devaient être les ancêtres de ces Djangals ou Bandra-Lokhs (hommes-singes) qui habitent aujourd’hui l’Armantak, une des régions les moins étudiées et les moins accessibles de l’Inde.

Cinghalaises.

Les Cinghalais sont, en général, de taille petite ; leur tête est allongée, leur peau brune ou rougeâtre ; les hommes ont une apparence presque féminine tant par leurs formes gracieuses et replètes que par leur costume, et surtout par la coiffure en chignon dont ils ornent leur figure le plus souvent souriante. Les femmes cinghalaises, aimables et gaies, sont presque toujours jolies et même belles. Plus robustes que les Hindoues, elles peuvent être fières de leur chevelure soyeuse accompagnant un visage aux traits réguliers.

Comme dans l’Inde, on compte à Ceylan plusieurs castes, dont les subdivisions varient à l’infini. Dans les castes supérieures sont les rois, les chefs guerriers et les prêtres ; la caste intermédiaire s’emploie aux travaux mercantiles, et la caste inférieure est vouée au service. Les femmes qui composent cette dernière marchent presque nues, à l’exemple des hommes ; le morceau de toile qui entoure leurs reins est seulement plus ample que celui dont se servent leurs compagnons. Les femmes de cette catégorie ne peuvent ni se couvrir la poitrine, ni porter de parasol, ni se faire suivre par des esclaves : ce sont là des privilèges réservés aux classes élevées.

Le costume des Cinghalaises de haut rang consiste simplement en une pièce d’étoffe de couleur, formant fourreau, qui leur entoure les jambes. Le buste est recouvert d’un corsage très court ou d’une autre étoffe qui s’attache sur l’épaule, laissant les bras découverts. Elles portent leurs cheveux courts ou flottants, à l’inverse des hommes qui les laissent croître et en forment sur le derrière de la tête un épais chignon retenu par un large peigne d’écaille. Si le luxe qu’elles
Femme cinghalaise.
déploient est moins éclatant que celui dont se parent les Hindoues, elles n’en sont pas moins amoureuses des bijoux et des ornements de tout genre. Le volume de leurs colliers et de leurs boucles d’oreilles terrifierait une de nos Parisiennes.

La famille cinghalaise, dans les classes populaires, offre le spectacle d’une aimable promiscuité ; il en résulte un libertinage précoce que les parents auraient fort à faire de prévenir ; ils ne s’en préoccupent même pas. Les mariages se font de caste à caste. Quand un jeune homme a atteint sa dix-huitième année, son père lui cherche une compagne, et, quand tout est convenu, un devin fixe le jour du mariage. La cérémonie se réduit à deux repas pris en commun ; elle est complétée par un cadeau d’étoffe blanche. Les conjoints ne sont définitivement liés qu’au bout de quinze jours de vie commune.

Les Veddahs, négritos métissés, forment une race de chasseurs nomades, dotée d’une civilisation très rudimentaire, qui se cachent dans les forêts du centre de l’île. Leur nombre diminue sans cesse et leur disparition semble prochaine. Il en est parmi eux dont les longs cheveux bouclés, le visage allongé, le nez droit, saillant, relativement étroit, dénotent un fort mélange de sang hindou.

Tsiganes.

Un mystère plane sur les origines de ce peuple bizarre qui, comme les Juifs, s’est dispersé dans le monde entier et qui porte, selon les pays que traversent ses bandes nomades, les divers noms de Bohémiens, de Gitanos, de Gypsies, de Tschinganis ou Zingaris. On les rencontre dans l’Inde entière, des sommets de l’Himalaya à l’extrémité du Dekkan, en Europe, en Afrique, au Brésil ; ils sont surtout nombreux en Espagne et en Roumanie ; le sud-est de l’Europe en compte plus de cinq cent mille. On les croit descendants de ces Djats et de ces Bandjaris qui, aux viiie et ixe siècles, ont été chassés par les Arabes des rives de l’Indus. Peut-être est-ce à cette caste de chaudronniers errants que nous devons l’introduction du bronze dans notre Europe occidentale ?

Leurs femmes sont pour la plupart très belles avec leur teint basané, leurs cheveux de jais, leurs yeux d’un noir foncé, leur visage étroit et allongé, leur nez modérément saillant, un peu aigu, jamais aplati, leur bouche petite, abritant deux superbes rangées de perles éblouissantes, inaccessibles à la carie.

Elles accompagnent dans leurs courses ces troupes de montreurs d’ours ou de singes, de chaudronniers, de
Femme cynghalaise.
ménétriers, de vanniers ; elles disent la bonne aventure et collaborent activement aux maraudes qui les font redouter des populations où ils se fixent pour un temps.

À l’inverse des Juifs, les Tsiganes sont restés des nomades ; ils n’ont conservé aucun culte, et affectent de partager les croyances des pays où ils se trouvent. Leur race est restée pure de tout mélange : ils ne s’allient jamais qu’entre eux.

Todas.

À l’extrémité méridionale de l’Inde, sur des plateaux de plus de 2 000 mètres d’altitude, s’est conservée une population d’origine dravidienne, peu nombreuse, mais ayant gardé, grâce à son isolement dans les montagnes, une physionomie originale et une civilisation qui n’a subi, depuis huit siècles, que des modifications presque inappréciables : ce sont les Todas.

Différentes en cela des autres Dravidiennes, les femmes todas, bien que d’un teint plus foncé que la généralité des femmes du Malabar, atteignent à la véritable beauté, surtout si l’on considère le haut de la figure, où les traits sont d’une régularité parfaite, car le bas est lourd et empâté, même chez les jeunes filles. Leur teint est chaud et cuivré, leurs yeux bruns, leurs cheveux superbes.

Les Todas sont, d’ailleurs, un peuple extrêmement velu ; les hommes, comme les femmes, sont de haute taille et bien proportionnés. Avec leur chevelure opulente, lorsqu’ils se drapent dans leur vêtement comme dans une toge, ils ont des airs de pères conscrits revenant d’entendre au Sénat romain un discours de leur collègue Cicéron.

Doux, affables, peu travailleurs, ne chassant ni ne labourant, les Todas vivent du produit de leurs troupeaux, Naguère, ils pratiquaient l’infanticide des filles. Cette coutume sanglante a disparu, mais la polyandrie s’est conservée. La femme ne possède rien ; elle appartient à ses parents mâles. Chacun des maris d’une même femme regarde tous ses enfants comme les siens propres et comme ses cohéritiers. La femme est d’ailleurs assez libre, et jouit d’une grande influence dans sa maison. Les jeunes filles ont le droit, après avoir passé une journée seules avec lui, de refuser le fiancé qui leur a été présenté par leurs parents. De ce jour d’épreuves, il ne restera que du ridicule pour celui qui se sera montré incapable de plaire. Si le fiancé a des frères, ils peuvent, avec le consentement des futurs conjoints qui ne refusent jamais, acquitter une partie de la dot et s’assurer ainsi le partage des droits
Femme aïno.
du mari. Parfois, le ménage s’augmente encore d’un jeune homme qui, faute de fortune, n’a pu se constituer le fondateur d’une famille nouvelle.

Aïnos.

Comme les Todas, les Aïnos, débris d’une race autochtone ayant peuplé autrefois l’archipel japonais, les Kouriles, l’île de Sakhalin et une partie du continent, sont un peuple extrêmement velu. Une légende japonaise veut que le premier Aïno, ayant été allaité par une ourse, se recouvrit de poils ; une autre tradition, qui leur est propre, en ferait les descendants d’une princesse japonaise et d’un chien. Ils sont, pour la plupart, actuellement confinés dans l’île de Yeso et dans le sud des Kouriles et de Sakhalin ; on en rencontre encore cependant chez les Tougouses, en Sibérie et au sud du Kamtchatka. Au Japon même, les femmes du nord de Hondo et certaines de la plaine de Yeddo ont conservé des traces évidentes de filiation aïno.

Les femmes de cette race sont plus petites encore que les Japonaises, leur peau est plus claire, bien que parfois un peu olivâtre ; elles ont le front plus large et plus haut, le nez plus saillant, les lèvres épaisses ; leurs yeux sont doux, le plus souvent noirs, assez rarement bleu pâle et plus petits que ceux des hommes ; les paupières ouvertes laissent au regard que voilent de longs cils sa direction horizontale ; les cheveux, nous l’avons dit, sont extrêmement abondants. L’ensemble est, sauf dans l’enfance, peu séduisant. Elles sont enlaidies encore par les tatouages dont on les bariole dès leur jeune âge et qui, comme un blason, doivent attester leur noblesse.

Elles marchent pieds nus, et s’habillent, comme les hommes, d’une robe unique faite d’écorce d’arbre. Leurs oreilles, en guise de pendants, sont ornées de lambeaux d’étoffe rouge. Elles peignent enfin, sur leur lèvre supérieure, une sorte de moustache rouge d’un goût peu conforme à notre esthétique européenne.

À leur peu de grâce naturelle elles joignent une malpropreté qui n’est dépassée que par les populations hyperboréennes. Une élégante Aïno ne se lave presque jamais qu’une fois dans l’année, au printemps, pour célébrer la renaissance des beaux jours.

Les Aïnos pratiquent l’égalité des droits entre les sexes ; la femme n’est pas soumise à l’homme ; elle gère avec lui les affaires communes et donne son avis sur tout ce qui peut intéresser le ménage. La polygamie est permise, le mariage entre proches parents n’est pas défendu.