Aller au contenu

Toutes les femmes/05

La bibliothèque libre.
A. Méricant (3p. Ill.-92).


Femme siamoise.

LES INDO-CHINOISES

Birmanes.

Formé du mélange des races qui primitivement habitaient l’Indo-Chine et des envahisseurs hindous, le peuple birman est d’une taille relativement élevée, de complexion agile et forte. La peau d’une couleur jaune olivâtre, plus claire dans les classes supérieures, la face large, aux pommettes saillantes, le nez plat, la bouche grande, les lèvres fortes, les cheveux noirs et raides, composent un visage d’une expression ouverte et gaie qui n’est pas, chez les femmes, sans quelque agrément.

Malheureusement, elles sont également victimes des coutumes fâcheuses qui les portent à s’enlaidir par coquetterie. Elles s’allongent les oreilles en incrustant dans les lobules des ornements cylindriques et, grâce à l’usage du bétel, mélange de noix d’arec, de feuilles de poivrier et de chaux vive, qu’elles mâchent constamment, arrivent à donner à leur dentition une teinte d’un noir parfait, qu’elles considèrent comme une grande beauté.

Leur vêtement se compose d’une pièce d’étoffe longue et large, formant robe ou jupe, qui recouvre les épaules, ceint les reins et, tendue sans être drapée, descend jusqu’à terre, en laissant entrevoir la jambe, dans son entier, pendant la marche. Leur modestie n’en est en rien offensée ; ce que, sur les bords de l’Iraouaddi, la pudeur défend avant tout de laisser voir, c’est la plante des pieds, qu’une esclave a toujours soin de recouvrir avec un pan du vêtement lorsque sa maîtresse est agenouillée, en prière, dans une pagode.

La femme birmane est aussi libre que celle d’Europe La loi n’autorise qu’une femme légitime, mais l’habitude permet au mari d’adjoindre à son épouse autant de servantes qu’il lui plaît. Celles-ci sont placées sous les ordres de la femme et, en cas de mort de leur maître, deviennent la propriété de sa veuve, à moins que, préalablement, elles n’aient été émancipées.

La cérémonie nuptiale est purement civile ; elle consiste simplement en un don de vêtements et de bijoux fait par le fiancé et en un repas pris dans le même plat par les deux futurs. Le mariage peut — ce qui arrive assez rarement — être rompu au bout de trois années. En cas de non consentement des parents, les usages permettent aux amoureux de conclure, sans autre cérémonie, leur union, narguant l’autorité paternelle.

La morale birmane est, d’ailleurs, des plus accommodantes : elle admet parfaitement qu’un mari loue sa femme à des étrangers ou à des hôtes. Rien de ce qui peut profiter n’est méprisable.

Dans ce pays, la nomenclature familiale rappelle encore l’ancienne forme maternelle de la famille. C’est ainsi que le frère de la mère d’un Birman est appelé par lui tantôt « père », tantôt « oncle » ; la sœur de sa mère est sa « mère » ; son cousin, fils de son oncle, est son « frère ». La survivance du clan primitif se manifeste de la même façon : l’oncle, frère du père, est également appelé « père ».

Siamoises.

Les habitants du royaume de Siam sont les plus civilisés, mais non les plus purs des peuples de la race thaï. Ils comptent, en effet, parmi leurs ascendants, des Chinois, des Birmans et des Malais. Leur figure un peu large, mais moins plate que celle des Mongols, a l’aspect un peu chinois ; au moral, ils tiennent surtout de l’Hindou ; en résumé, ils méritent parfaitement leur nom d’Indo-Chinois.

La taille des Siamoises est moyenne ; leur buste, plutôt long et bien développé ; les membres inférieurs sont forts et bien proportionnés, les épaules trapues, le cou court, les mains un peu fortes. Leur nez est légèrement écrasé, leurs lèvres saillantes, leurs yeux noirs et bien fendus. Leurs cheveux sont épais et rudes ; elles en gardent sur la tête une petite touffe qu’elles pommadent et peignent avec soin et au travers de laquelle elles passent une aiguille d’or ou d’argent. Les femmes riches gardent des ongles très longs qu’elles teignent en rouge et protègent soigneusement au moyen d’étuis. De même que les Birmanes, elles se noircissent les dents au moyen du bétel.

Leur costume se compose d’une pièce d’indienne appelée langouti, attachée à la ceinture et relevée en arrière ; elles portent en sautoir une écharpe de soie. Elles partagent la passion des Hindoues et des Birmanes pour les bijoux ; celles qui sont riches en sont littéralement couvertes ; on voit des enfants plier sous le poids de plusieurs livres d’or et d’argent suspendues à leur cou, à leurs oreilles et à leurs membres.

Le mariage au Siam est purement civil : les talapoins n’interviennent que pour offrir et vendre leurs prières. Les parents d’une jeune fille la mettent à prix et elle appartient à celui qui l’achète ; le divorce est, en outre, très commun ; il s’obtient par le simple consentement des époux qui rentrent chacun dans la jouissance des biens apportés à la communauté.

Jadis, le flagrant délit d’adultère de la femme donnait à celui dont elle était la propriété le droit de la tuer, ainsi que son complice, ou bien l’un des deux seulement ; mais, souvent, faisant grâce à l’amant, l’époux outragé pansait les plaies de son honneur en faisant verser au galant une indemnité proportionnée à sa soif de vengeance. Pour empêcher les Othellos de se muer ainsi en commerçants avisés, on voulut les obliger légalement à tuer ou à épargner à la fois les deux coupables. Aujourd’hui, plus douce même que la loi française, la législation siamoise a substitué une amende au droit de tuer.

Par contre, une disposition barbare du Code permet au créancier de réduire en esclavage et de faire travailler à son profit la femme et les enfants de son débiteur insolvable.

Cambodgiennes et Annamites.

Petites et grêles, avec le nez épaté, l’œil bridé à la chinoise, le teint cuivré et les pommettes saillantes, les femmes des pays méridionaux de l’Indo-Chine française ne manquent ni de souplesse ni de grâce et, surtout dans le peuple, leur figure a une expression de douceur qui pourrait attirer un regard bienveillant, n’étaient leurs lèvres grosses, d’où suinte une salive rougie par le bétel et des dents noircies à l’aide d’acides.

Leur mise la plus générale consiste en une chemise de coton de couleur foncée, descendant jusqu’au milieu des cuisses et recouvrant un large caleçon de nankin. Parfois elles laissent pendre leurs cheveux en longues tresses qui traînent jusqu’à terre, ou bien elles les massent en un énorme chignon fixé par un peigne au sommet de la tête. Les cheveux courts sont la marque d’une situation sociale très inférieure.

Courts ou longs, ces cheveux, hélas ! sont, ainsi que les vêtements, chez la plupart des Annamites, l’asile d’une population nombreuse d’insectes répugnants, qu’elles paraissent, ainsi que leurs époux, considérer comme une friandise. La malpropreté des gens du peuple, en Cochinchine, défie toute expression : c’est là leur vice capital. La Cambodgienne, de même que la Tonkinoise, affecte un souci plus grand de sa personne, et ce n’est pas l’un de ses moindres charmes.

Dans toute l’Indo-Chine, la sujétion de la femme est absolue : son mari peut la maltraiter et la battre à volonté ; il n’a cependant le droit de la
Femme cambodgienne.

tuer que dans le cas où il la prend en flagrant délit d’adultère. En Cochinchine, comme en Annam, le rotin joue le premier rôle dans l’intérieur du ménage : les parents l’appliquent à leurs enfants, les maris à leurs femmes. Les battus peuvent crier, personne ne s’en inquiète. Il n’était pas rare, avant la conquête française, de voir dans les rues de pauvres malheureuses couchées sur le dos et rouées de coups par leur seigneur et maître.

La Cambodgienne mariée appartient à son mari ; il l’a payée, elle est devenue une propriété dont il dispose à sa convenance. En acceptant le prix de l’achat, ses parents ont perdu tout droit sur elle. L’époux peut, toutefois, du consentement de sa femme, la vendre comme esclave ainsi que ses enfants ; il a droit, sans la consulter, sans l’en avertir même, de la mettre en gage avec toute sa progéniture.

Rien n’empêche un père annamite besoigneux de ne pas attendre pour tirer parti de sa fille qu’elle ait atteint l’âge d’entrer en ménage. Il peut, à bon compte, la céder à des entremetteuses qui l’élèveront, lui donneront une éducation spéciale et se paieront de leur peine en la revendant plus tard à de riches bourgeois ou à des nobles dont elle charmera les loisirs.

C’est la femme annamite qui exerce les travaux les plus pénibles ; dans les campagnes, elle laboure, elle moissonne ; dans les villes, elle est commerçante, colporteuse, changeur même ; sur le bord des rivières, elle manœuvre et conduit les barques. En presque toutes les circonstances, c’est elle qui entretient la paresse et l’indolence de son maître.

Par contre, devant la justice indigène, son témoignage n’est admis qu’avec d’extrêmes réserves. Il n’est pas accueilli, dans la plupart des cas, s’il se trouve en contradiction avec celui d’un homme ; elle n’a même pas la liberté d’entrer dans l’enceinte du tribunal : c’est du seuil de la porte qu’elle doit faire sa déposition.

Il n’y a guère plus d’un siècle, au Tonkin, comme en Siam et comme en Birmanie, subsistaient encore des vestiges de la famille maternelle. La coutume voulait que le lendemain du mariage, les nouveaux époux se donnassent les noms de « frère » et de « sœur ».