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Traduction de la Septante et du Nouveau Testament/Judith

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Traduction de la Septante et du Nouveau Testament
La Sainte Bible de l'Ancien Testament d’après les Septante et du Nouveau Testament d’après le texte grec par P. GIGUET - tomes 1 à 4, 1872.djvuPoussielgue (p. 583-621).
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JUDITH

CHAPITRE I

1. La douzième année du règne de Nabuchodonosor, qui régna sur les Assyriens en la grande ville de Ninive, du temps d’Arphaxad, qui régnait sur les Mèdes en Ecbatane,

2. Celui-ci édifia autour d’Ecbatane un rempart en pierres de taille, larges de trois coudées, longues de six ; et il donna aux murs une hauteur de soixante-dix coudées, et une largeur de cinquante.

3. Et il éleva, au-dessus des portes de la ville, les tours à la hauteur de cent coudées ; et il assit les fondations de la ville sur une largeur de soixante coudées.

4. Et il fit des portes (portes qu’il rétablit), sur une hauteur de soixante-dix coudées, et leur largeur fut de quarante coudées, pour les sorties de ses vaillants et les manœuvres de ses piétons.

5. Or, en ces jours-là, le roi Nabuchodonosor livra bataille au roi Arphaxad dans la vaste plaine qui est sur le territoire de Ragau.

6. Tous ceux qui habitaient la région montagneuse, les rives de l’Euphrate, du Tigre, de l’Hydaspe et ceux de la plaine d’Erioch, roi des Élyméens, se réunirent à lui, et une multitude de nations allèrent ensemble combattre les fils d’Héléhul.

7. Et, avant la guerre, Nabuchodonosor, roi des Assyriens, envoya chez les Perses et chez tous les peuples de l’Occident qui habitaient la Cilicie, Damas, le Liban, l’Anti-Liban, et toutes les provinces maritimes,

8. Et le mont Carmel, et Galaad, et la haute Galilée, et la grande plaine d’Esdrelon,

9. Et toutes les villes de Samarie, et les rives du Jourdain jusqu’à Jérusalem, et Béthanie, et Chellus, et Cadès, et les bords du fleuve d’Égypte, et Taphas, et Ramsès, et toutes la terre de Gesen

10. Jusqu’au delà de Tanis et de Memphis, et toute l’Égypte jusqu’aux frontières de l’Éthiopie.

11. Or, toutes les nations qui habitaient toute la terre, méprisèrent les ordres de Nabuchodonosor, roi des Assy riens, et elles ne se joignirent pas à lui en cette guerre, parce qu’elles ne le craignaient pas, et qu’il était à leurs yeux comme un autre homme ; et elles renvoyèrent ses messagers les mains vides en les outrageant.

12. Et Nabuchodonosor se mit en grand courroux contre toute cette terre, et il jura, par son trône et sa royauté, de tirer vengeance des Ciliciens, de Damas, et des Syriens, et de passer au fil de l’épée Moab, les fils d’Ammon, toute la Judée et l’Égypte jusqu’aux bords des deux mers.

13. Ensuite, il livra bataille, avec toutes ses forces, à Arphaxad en la dix-septième année de son règne, et il fut le plus fort, et il mit en déroute l’armée d’Arphaxad, sa cavalerie et ses chars.

14. Et il se rendit maître de toutes ses villes, et il poussa jusqu’à Ecbatane, et il prit ses tours, et il pilla ses places, et il fit son opprobre de ce qui avait fait son ornement.

15. Et il prit Arphaxad dans les montagnes de Ragau, et il le perça de ses traits, et il abattit sa puissance, qui ne s’est pas relevée jusqu’à nos jours.

16. Et il revint avec ses captifs, lui et tous ses alliés et la multitude innombrable de ses guerriers, en Médie ; il passa avec son armée cent vingt jours dans les festins et les délices.

CHAPITRE II

1. Et, en la dix-huitième année de son règne, le vingt-deux du premier mois, il y eut un conseil dans le palais de Nabuchodonosor, pour tirer vengeance de toute la terre, comme il l’avait résolu.

2. Et il convoqua tous ses serviteurs et ses grands, et il leur dévoila le mystère de sa résolution ; et, de sa propre bouche, il décréta la ruine complète de la terre.

3. Et ils jugèrent qu’il fallait exterminer toute chair chez ceux qui n’avaient point suivi la parole de sa bouche.

4. Et lorsque le conseil fut achevé, Nabuchodonosor appela Holopherne, général en chef de ses armées, le second après lui, et il lui dit :

5. Voici ce que dit le grand roi, maître de toute la terre : Voilà que tu vas sortir de devant ma face, et prendre avec toi des hommes confiants en leur force, jusqu’à cent vingt mille piétons, et autant de chevaux avec leurs cavaliers ;

6. Puis, tu marcheras contre toute la terre de l’Occident, car ils n’ont point obéi à la parole de ma bouche.

7. Et tu leur feras savoir qu’ils préparent la terre et l’eau ; car, dans ma fureur, je marcherai contre eux, et je couvrirai, sous les pieds de mon armée, toute la surface de la terre, et je les livrerai en proie à mes guerriers ;

8. Et leurs cadavres rempliront les vallons et les torrents, et chaque fleuve débordera à cause des morts dont il sera rempli ;

9. Et je ferai conduire les captifs aux extrémités de la terre.

10. Pars donc, envahis tous leurs territoires ; ils se rendront à toi, et tu me les conserveras pour le jour de ma vengeance.

11. Quant à ceux qui n’obéiront pas, tu n’auras d’eux aucune pitié ; tu les feras massacrer, ou tu les emmèneras en tous tes domaines.

12. Par ma vie, par la force de mon royaume, j’ai dit, et je ferai ces choses de ma main.

13. Et toi, tu ne transgresseras en rien les paroles de ton maître ; mais tu accompliras et accompliras tout ce que je t’ai commandé, et tu ne tarderas pas à l’accomplir.

14. Et Holopherne sortit de devant la face de son maître, et il convoqua tous les vaillants, et les généraux et les intendants de l’armée d’Assur.

15. Et il compta, pour entrer en campagne, autant d’hommes d’élite que son maître l’avait ordonné, par douzaines de myriades, et douze mille cavaliers portant des arcs.

16. Et il les disposa comme à la guerre on dispose une grande multitude.

17. Et il prit un immense convoi de chameaux, d’ânes et de mulets pour les bagages, et un innombrable approvisionnement de brebis, de bœufs et de chèvres,

18. Et, pour chaque homme, abondance de vivres et des amas d’argent et d’or tirés du trésor royal.

19. Et il partit en personne avec toute son armée pour devancer, en cette expédition, le roi Nabuchodo nosor, et cacher toute la face de la terre d’Occident sous ses chars, ses chevaux et ses piétons d’élite.

20. Et cette multitude était comme une nuée de sauterelles, ou comme le sable de la terre ; car on n’en savait pas le nombre.

21. Et, au sortir de Ninive, après trois jours de marche, il campa dans la plaine de Bectileth, près des montagnes, à gauche de la haute Cilicie.

22. Et il prit toute son armée, ses piétons, ses cavaliers et ses chars, et il entra dans les montagnes.

23. Et il rompit Phud et Lud, et ses troupes pillèrent tous les fils de Rassis et les fils d’Ismaël, ceux qui demeurent en face du désert, au midi des Helléens.

24. Et il passa l’Euphrate, et il traversa la Mésopotamie, et il renversa toutes les forteresses bâties sur le torrent d’Abron jusqu’à son embouchure.

25. Et il se rendit maître de la Cilicie entière, et il tailla en pièces tout ce qui lui résista ; et il atteignit le territoire de Japhet qui s’étend au sud, en face de l’Arabie.

26. Et il enveloppa tous les fils de Madian, et il incendia leurs demeures, et il pilla leurs bergeries.

27. Et il descendit dans la plaine de Damas, comme on moissonnait les froments, et il livra les champs à la flamme, et il fit disparaître brebis et boeufs, et il pilla les villes, ravagea les campagnes, et passa tous les jeunes hommes au fil de l’épée.

28. Et la terreur, la crainte de lui tombèrent sur les peuples de la côte, sur ceux qui étaient en Sidon, et à Tyr, et à Sur, et à Ocina, et sur tous ceux de Jemnaan. Et les habitants d’Azot et d’Ascalon furent frappés d’épouvante.

CHAPITRE III

1. Et ils lui envoyèrent des messagers, avec des paroles pacifiques, disant :

2. Voilà que nous, les serviteurs du grand roi Nabuchodonosor, nous sommes devant toi ; use de nous comme bon te semble.

3. Voilà que nos maisons des champs, et toute notre plaine couverte de moissons, et nos brebis, et nos bœufs, et nos tentes, sont devant toi ; uses-en comme bon te semble.

4. Voilà que nos villes et ceux qui les habitent sont tes esclaves ; viens, entres-y comme il est agréable à tes yeux.

5. Et ces hommes arrivèrent auprès d’Holopherne, et ils lui rapportèrent ces paroles.

6. Et il descendit, en la contrée maritime, lui et son armée, et il mit des garnisons dans les villes fortifiées, et il en prit les hommes d’élite comme auxiliaires.

7. Et ils l’accueillirent, eux et tout leur voisinage, avec des couronnes, des chœurs de danse et des tambours.

8. Et il détruisit tout sur leur territoire, et il arracha les bois sacrés ; et il avait résolu de briser tous les dieux de la terre, afin que les nations ne servissent plus que le seul Nabuchodonosor, et que toutes leurs langues, toutes leurs tribus l’invoquassent comme un Dieu,

9. Et il arriva en face d’Esdrelon, près de Dothaïn, qui est devant la grande chaîne [1] de montagnes de la Judée.

10. Et il campa entre Gébé et Scython, et il y resta un mois pour refaire tout l’approvisionnement de son armée.

CHAPITRE IV

1. Et les fils d’Israël, qui demeuraient en Judée, ouïrent tout ce qu’Holopherne, général en chef de Nabuchodonosor, roi des Assyriens, avait fait aux nations, et de quelle manière il s’était emparé de leurs choses saintes pour les anéantir.

2. Et ils eurent très-grande crainte de lui, et ils furent pleins de trouble, à cause de Jérusalem et du temple du Seigneur leur Dieu.

3. Car ils étaient récemment revenus de captivité ; et tout le peuple de la Judée s’était de nouveau réuni, et les vases, et l’autel et le temple, après avoir été profanés, venaient d’être sanctifiés.

4. Et ils envoyèrent des messagers sur tout le territoire de Samarie, ainsi qu’à Conus, à Béthoron, à Belmen, à Jéricho, à Hoba, à Aisora et dans le val de Salem.

5. Et ils occupèrent toutes les cimes des hautes montagnes, fortifièrent leurs bourgs et les approvisionnèrent de vivres et de munitions de guerre ; car leurs champs venaient d’être moissonnés.

6. Et Joacim, qui était en ces jours-là grand prêtre à Jérusalem, écrivit aux habitants de Béthulie et de Betomesthem qui est devant Esdrelon, en face de la plaine voisine de Dothaïn,

7. Disant de garder les défilés de la région montagneuse ; car c’est là qu’était l’entrée de la Judée, et il était facile de contenir les assaillants, la montée étant assez étroite pour que deux hommes suffisent contre tous.

8. Et les enfants d’Israël firent comme le leur prescrivirent Joacim le grand prêtre, et les anciens du peuple qui résidaient à Jérusalem.

9. Et tous les hommes d’Israël crièrent au Seigneur avec une grande instance, et ils humilièrent leurs âmes avec une grande instance.

10. Et ils ceignirent de cilices eux, leurs femmes, leurs enfants, leurs chevaux, et tout étranger travaillant comme mercenaire ou acheté à prix d’argent.

11. Et tout le peuple de Jérusalem, les hommes, les femmes, les enfants se prosternèrent devant le temple de Dieu, la tête couverte de cendres, et ils montrèrent leurs cilices au Seigneur, et ils entourèrent l’autel d’un cilice.

12. Et, tout d’une voix, avec instance, ils crièrent au Dieu d’Israël pour qu’il ne livrât pas leurs enfants et leurs femmes au pillage, les villes de leur héritage à la destruction, les choses saintes à la profanation, aux outrages, à la risée des gentils.

13. Dieu entendit leur clameur et il vit leur affliction. Et le peuple jeûna bien des jours, en toute la Judée, et à Jérusalem devant le Saint des saints du Seigneur toutpuissant.

14. Et Joacim le grand prêtre et tous les prêtres qui servaient devant le Seigneur, les reins ceints de cilices, offrirent l’holocauste perpétuel, et les vœux [2], et les dons volontaires du peuple ;

15. Et ils avaient de la cendre sur leurs tiares, et ils criaient au Seigneur Dieu de toutes les armées, afin qu’il regardât pour son bien toute la maison d’Israël.

CHAPITRE V

1. Et l’on vint dire à Holopherne, général en chef de l’armée d’Assur, que les fils d’Israël avaient fait des apprêts de guerre, qu’ils avaient clos les défilés des montagnes, muré toutes les cimes des monts, et créé des obstacles dans la plaine.

2. Et il s’enflamma d’une violente colère, et il convoqua tous les chefs de Moab, et les généraux d’Ammon, et les satrapes de la contrée maritime.

3. Et il leur dit : Instruisez-moi, fils de Chanaan : quel est le peuple qui demeure dans les montagnes ? Quelles sont les villes qu’ils habitent ? Quel est le nombre de leur armée ? En quoi consistent leur force et leur puissance ? Quel roi ont-ils à la tête de leurs combattants ?

4. Pourquoi dédaignent-ils de se rendre auprès de moi, parmi tous les peuples de l’Occident ?

5. Et Achior, chef de tous les fils d’Ammon, lui dit : Que mon maître écoute la parole de la bouche de son esclave, et je te ferai connaître la vérité sur le peuple qui habite ces montagnes que tu vois près de toi, et aucun mensonge ne sortira de la bouche de ton esclave.

6. Ce peuple est issu de la Chaldée.

7. Ils émigrèrent d’abord en la Mésopotamie, parce qu’ils ne voulurent point servir les dieux de leurs pères qui étaient en la terre de Chaldée.

8. Et ils sortirent de la voie de leurs ancêtres, et ils adorèrent le Dieu du ciel, le Dieu qu’ils avaient appris à connaître, et, comme on les chassa de la face des faux dieux, ils s’enfuirent en Mésopotamie et ils y demeurèrent bien des jours.

9. Et leur Dieu leur dit de quitter le lieu de leur passage, et de s’en aller en la terre de Chanaan, et ils s’y établirent, et ils devinrent très-riches en or, en argent et en bestiaux.

10. Et ils descendirent en Égypte, car une famine avait enveloppé la face de toute la terre de Chanaan, et ils y restèrent jusqu’à ce qu’ils s’y fussent accrus. Et ils s’y multiplièrent au point que leurs familles étaient innombrables.

11. Et le roi d’Égypte se leva contre eux ; et on les opprima par le travail, en leur faisant faire des briques, et on les humilia, et on les traita en esclaves.

12. Et ils crièrent à leur Dieu, qui frappa l’Égypte de plaies sans remède ; et les Égyptiens les chassèrent de devant leur face. 13. Et Dieu, devant eux, mit à sec la mer Rouge,

14. Et il les conduisit par la route de Sina et de CadèsBarné ; ils chassèrent devant eux tous ceux qui habitaient le désert.

15. Et ils se fixèrent en la terre des Amorrhéens, et, en leur force, ils exterminèrent les Esebonites ; et, après avoir passé le Jourdain, ils prirent possession de toute la contrée montagneuse.

16. Et ils chassèrent de devant leur face le Chananéen, le Phérézéen, le Jébuséen, et ceux de Sichem, et tous les Gergéséens, et ils demeurèrent bien des jours en la terre promise.

17. Et, tant qu’ils ne péchèrent point devant leur Dieu, ils prospérèrent ; car c’est un Dieu haïssant l’iniquité qu’ils ont avec eux.

18. Mais, lorsqu’ils s’écartèrent de la voie qu’il leur avait tracée, ils furent exterminés en beaucoup de batailles contre de grandes multitudes ; ils furent emmenés captifs en une terre étrangère, et le temple de leur Dieu fut abaissé au niveau du sol, et leurs villes furent prises par les ennemis.

19. Et maintenant, s’étant convertis à leur Dieu, ils sont revenus des lieux où ils avaient été dispersés, et ils ont recouvré Jérusalem où sont leurs choses saintes, et ils ont repeuplé la contrée montagneuse qui était un désert.

20. Sache donc, seigneur mon maître, s’il est quelque égarement parmi ce peuple, s’ils pèchent contre leur Dieu ; informons-nous de ce qui est pour eux une cause de chute, et nous irons les combattre.

21. Mais, s’il n’y a point chez ce peuple de déréglement, que mon maître les évite, de peur que le Seigneur leur Dieu n’étende son bouclier sur eux, et que nous ne soyons la risée de toute la terre.

22. Or, dès qu’Achior eut fini de parler, tout le peuple, qui se tenait autour de la tente [3], se mit à murmurer. Et les chefs d’Holopherne, et ceux des villes maritimes, et ceux de Moab, s’écrièrent : Il faut le mettre en pièces ;

23. Car nous ne craignons pas les fils d’Israël : c’est un peuple qui n’a ni troupes ni force pour nous livrer sérieusement bataille.

24. Marchons donc, Holopherne, notre maître ; ta grande armée n’en fera qu’une bouchée.

CHAPITRE VI

1. Dès que le tumulte des hommes, qui entourait le conseil, fut apaisé, Holopherne, général en chef de l’armée d’Assur, dit à Achior, devant tout le peuple des Philistins, et devant tous les fils de Moab :

2. Qui donc es-tu, Achior ? que sont les mercenaires d’Ephraïm, pour que, parmi nous, tu aies prophétisé comme aujourd’hui, et que tu m’aies dit de ne point combattre la race d’Israël, parce que son Dieu la protége ? Et qui donc est Dieu, si ce n’est Nabuchodonosor ?

3. C’est lui qui déploiera sa puissance, et il les fera disparaître de la face de la terre, et leur Dieu ne les sauvera pas. Et nous, ses serviteurs, nous les abattrons comme un seul homme ; ils ne soutiendront pas le choc de nos chevaux.

4. Nous les brûlerons chez eux ; leurs montagnes s’enivreront de leur sang, leurs plaines seront couvertes de leurs cadavres, et la trace de leurs pas ne subsistera même point devant nous ; ils auront radicalement péri. Voilà ce que dit le roi Nabuchodonosor, le maître de toute la terre ; il a parlé, et ses paroles ne seront point choses vaines.

5. Et joi, Achior, mercenaire d’Ammon, qui as dit ces paroles au jour de ton iniquité, à partir de ce jour tu ne verras plus mon visage, jusqu’à ce que j’aie tiré vengeance de cette race qui est sortie d’Égypte.

6. Et alors, le fer de mon armée, la foule de mes serviteurs traverseront tes flancs, et tu tomberas parmi leurs morts quand je serai revenu.

7. Et mes serviteurs vont te mener dans les montagnes, et ils te déposeront en l’une des villes par où l’on y monte.

8. Et tu ne périras pas que tu ne sois frappé avec eux.

9. Et si en ton cœur tu espères qu’ils ne seront point pris, ne nous montre donc pas un visage si abattu. J’ai dit, nulle de mes paroles ne sera sans effet.

10. Et Holopherne ordonna à ses serviteurs, qui se tenaient auprès de lui sous sa tente, de saisir Achior, de le conduire à Béthulie et de le livrer aux fils d’Israël.

11. Et les serviteurs le prirent, et ils l’emmenèrent hors du camp dans la plaine, et, de là, ils passèrent, du milieu de la plaine, en la montagne, et ils arrivèrent aux fontaines qui sont au-dessous de Béthulie.

12. Lorsque les hommes de la ville les virent sur la cime de la montagne, ils s’armèrent, ils sortirent de la ville sur la cime de la montagne. Et tous les frondeurs les continrent, comme ils montaient encore, en lançant sur eux des pierres.

13. Alors, s’étant glissés au bas de la rampe, ils lièrent Achior, le laissèrent abattu au pied de la montagne, et retournèrent auprès de leur maître.

14. Or, les fils d’Israël, qui étaient descendus de leur ville, s’arrêtèrent auprès de lui, lui ôtèrent ses liens, le conduisirent à Béthulie, et le menèrent aux chefs de leur

15. Qui, en ces jours-là, étaient : Ozias, fils de Micha, de la tribu de Siméon ; Habris, fils d’Othoniel, et Charmis, fils de Melchiel.

16. Et ceux-ci convoquèrent tous les anciens de la ville ; et les jeunes gens, et les femmes accoururent à l’assemblée ; et ils placèrent Achior au milieu de tout le peuple, et Ozias lui demanda ce qui était advenu.

17. Et, répondant, il leur fit connaître tous les discours du conseil d’Holopherne, toutes les paroles que lui-même avait dites au milieu des chefs des fils d’Assur, et avec, quelle jactance Holopherne avait parlé contre la maison d’Israël.

18. Et le peuple tomba la face contre terre, et il adora Dieu, et ils crièrent à lui, disant :

19. Seigneur Dieu du ciel, voyez leur orgueil, ayez pitié de l’humiliation de notre race, regardez aujourd’hui ceux qui vous sont consacrés.

20. Et ils consolèrent Achior, et ils le louèrent grandement.

21. Et Ozias l’emmena de l’assemblée à sa maison, et il fit un festin aux anciens du peuple, et toute cette nuit ils implorèrent le secours du Dieu d’Israël.

CHAPITRE VII

1. Le lendemain, dès l’aurore, Holopherne donna l’ordre à toute son armée et à la multitude de ses auxiliaires, de marcher sur Béthulie, d’occuper les cols de la montagne, et de porter la guerre chez les fils d’Israël.

2. Et, en ces jours-là, chacun de ses vaillants et son armée entière partirent ; il avait cent soixante-dix mille combattants à pied, et vingt-deux mille hommes de cavalerie, sans compter les bagages et les hommes à pied qui étaient avec eux : immense multitude. 3. Et ils campèrent dans la vallée, au-dessous de Béthulie, vers les fontaines, et ils s’étendirent, en large, de Dothaïn à Belthem, et, en long, de Béthulie à Cyamone, qui est en face d’Esdrelon.

4. Or, les fils d’Israël, quand ils virent cette multitude, furent grandement troublés, et ils se dirent les uns aux autres : Cette armée va bientôt balayer la face de toute la terre ; ni les hautes montagnes, ni les ravins, ni les collines, ne pourront en soutenir le poids.

5. Et, chacun ayant pris ses armes de guerre, ils allumèrent des bûchers sur leurs tours, et ils veillèrent toute la nuit.

6. Le jour suivant, Holopherne déploya toute sa cavalerie devant les fils d’Israël qui étaient dans Béthulie.

7. Et il reconnut le chemin montant à leur ville, examina les puits de leurs eaux, s’en rendit maître, y plaça un poste d’hommes vaillants, et rejoignit son armée.

8. Alors, tous les chefs des fils d’Esau et de Moab, et les généraux des villes maritimes le vinrent trouver, et lui dirent :

9. Que notre maître écoute une parole, de peur que son armée n’essuie quelque désastre.

10. Car, le peuple d’Israël ne se confie point à ses javelines, mais à la hauteur des monts en lesquels il habite. Et, en effet, il n’est pas facile de monter sur les cimes de ses montagnes.

11. Maintenant donc, maître, ne leur fais pas la guerre, comme il est d’usage, en leur livrant bataille, et pas un homme de ton armée ne périra.

12. Demeure dans ton camp, préservant de tout péril chaque homme de ton armée ; que tes serviteurs restent maîtres de la fontaine qui jaillit au pied de la montagne.

13. Car, c’est là que tous les habitants de Béthulie viennent puiser, et la soif les dévorera, et ils livreront leur ville ; nous, cependant, et nos troupes nous monterons sur les cimes voisines, et nous y camperons en avant-garde, pour que personne ne sorte de la ville.

14. Et ils seront consumés par la faim, eux et leurs femmes et leurs enfants, et avant que le glaive les frappe ils succomberont dans les rues où ils habitent.

15. Et tu leur feras porter une peine sévère de ce qu’ils se sont révoltés, et de ce qu’ils ne sont point venus en paix à ta rencontre.

16. Et ce conseil fut agréable à Holopherne et à tous ses serviteurs ; et ils résolurent de faire comme ils avaient dit.

17. Et le camp des fils d’Ammon partit, et avec eux cinq mille des fils d’Assur, et ils campèrent dans le vallon, et ils s’emparèrent des eaux et des puits des eaux des enfants d’Israël.

18. Et les fils d’Esau montèrent avec les fils d’Ammon, et ils campèrent dans les montagnes vis-à-vis Dothaïn, et ils envoyèrent de leurs hommes au midi et à l’est visà-vis Ecrebel, qui est près de Chus, sur le torrent de Mochmor, et le reste de l’armée des Assyriens était campé dans la plaine, et ils couvraient la face de toute la terre. Et leurs tentes, et leurs bagages étaient rangés en foule, et il y avait là une immense multitude.

19. Et les enfants d’Israël crièrent au Seigneur leur Dieu ; car leur souffle était défaillant, parce que tous leurs ennemis les enveloppaient, et qu’il n’y avait pas à leur échapper.

20. Et le camp des Assyriens, piétons, chars et cavaliers, demeura trente-quatre jours autour d’eux, et l’eau que contenaient tous les vaisseaux des habitants de Béthulie vint à manquer.

21. Et leurs citernes étaient vides, et on leur donnait à boire à la ration, et ils n’avaient pas eu un seul jour de l’eau à satiété.

22. Et leurs enfants étaient abattus ; leurs femmes, et les jeunes gens mouraient de soif ; ils tombaient dans les rues de la ville, et aux passages des portes ; il n’y avait plus en eux aucune force.

23. Et tout le peuple se réunit autour d’Ozias et des chefs de la ville, jeunes hommes, femmes et enfants, et ils jetèrent une haute clameur, et ils dirent aux anciens :

24. Que Dieu juge entre vous et nous ; car vous avez commis parmi nous une grande iniquité en ne portant point des paroles pacifiques aux fils d’Assur.

25. Et maintenant, il n’est plus pour nous de défenseur ; mais Dieu nous a vendus à leurs mains, pour que devant eux nous soyons abattus par la soif, et en grande perdition.

26. Appelez-les donc, rendez-leur la ville, qu’elle soit tout entière la proie du peuple d’Holopherne et de son armée.

27. Car il vaut mieux pour nous qu’ils nous ravissent ; nous serons leurs esclaves, mais notre âme vivra, et nous ne verrons point la mort de nos petits-enfants sous nos yeux ; nous ne verrons pas nos enfants et nos femmes, l’âme défaillante.

28. Nous prenons à témoin contre vous le ciel et la terre, et notre Seigneur Dieu de nos pères, qui nous punit de nos péchés et des péchés de nos pères, si toi, Ozias, tu ne fais aujourd’hui même comme nous venons de dire.

29. Et il y eut un grand et unanime gémissement au milieu de l’assemblée, et ils crièrent, à haute voix, au Seigneur Dieu.

30. Et Ozias leur dit : Frères, prenez courage, persistons encore cinq jours pendant lesquels le Seigneur notre Dieu ramènera sur nous sa miséricorde, car il ne nous abandonnera pas jusqu’à la fin.

31. Ce temps écoulé, s’il ne nous vient pas en aide, je ferai comme vous avez dit.

32. Et il renvoya les hommes à leur poste sur les murs et les tours de la ville, et les femmes et les enfants en leurs demeures. Et toute la ville était dans une grande humiliation.

CHAPITRE VIII

1. Or, en ces jours-là, Judith, fille de Mérari, fils d’Ox, fils de Joseph, fils d’Oziel, fils d’Helcias, fils d’Éliu, fils d’Helciu, fils d’Eliab, fils de Nathanaël, fils de Salamiel, fils de Sarasadaï, fils d’Israël, avait tout entendu.

2. Son mari Manassès, de sa tribu et de sa famille. paternelle, était mort pendant la moisson des orges.

3. Car, comme il était à faire lier ses gerbes dans la plaine, il fut frappé à la tête d’un coup de soleil, et il se mit au lit, et il mourut en Béthulie, sa ville, et on l’ensevelit, auprès de ses pères, dans le champ entre Dothaïn et Bélamon.

4. Et Judith était en sa maison, veuve depuis trois ans et quatre mois.

5. Et elle s’était dressé une tente, sur la terrasse de sa maison, et elle s’était ceinte d’un cilice, et elle portait les habits de son veuvage.

6. Et elle avait jeûné, tous les jours de son veuvage, hormis le jour et la veille du sabbat, le jour et la veille des nouvelles lunes, ainsi que des fêtes et des réjouissances de la maison d’Israël.

7. Et elle était de belle prestance et d’une grande beauté, et Manassès, son mari, lui avait laissé de l’or et de l’argent, des serviteurs, des servantes, du bétail et des champs ; et elle demeurait sur son bien.

8. Et il n’était personne qui dît contre elle une mauvaise parole, car elle avait grande crainte de Dieu.

9. Et elle avait ouï les mauvaises paroles du peuple contre le chef de la ville, parce qu’ils étaient défaillants faute d’eau. Et Judith avait ouï pareillement la réponse d’Ozias, et son serment de rendre dans cinq jours la ville aux Assyriens.

10. Et ayant envoyé sa servante, celle qui était à la tête de tous ses biens, elle appela Ozias, Habris et Charmis, les anciens de sa ville.

11. Et ils vinrent chez elle, et elle leur dit : Écoutez-moi, chefs de ceux qui habitent Béthulie ; ce n’est pas une parole juste que vous avez dite aujourd’hui devant le peuple, quand vous avez mis entre Dieu et vous le serment que vous avez prêté de rendre la ville à nos ennemis, si, dans cinq jours, le Seigneur ne vient pas à notre aide.

12. Et qui donc êtes-vous pour tenter aujourd’hui le Seigneur, et pour décider à la place de Dieu, parmi les fils des hommes ?

13. Et maintenant, vous êtes à examiner [4] le Seigneur tout-puissant, mais vous n’apprendrez jamais à le connaître.

14. Vous ne trouvez pas le fond du cœur de l’homme ; vous ne saisissez point ce qu’il roule en sa pensée. Comment donc scruterez-vous la pensée de Dieu qui a fait toutes ces choses ? comment saurez-vous ce qu’il médite ? comment pénétrerez-vous ses desseins ? Vous ne le pouvez, mes frères ; craignez donc d’irriter le Seigneur notre Dieu.

15. Craignez qu’il ne refuse de vous secourir dans cinq jours ; il a le pouvoir de vous sauver dans le nombre de jours qu’il lui convient, ou de nous exterminer devant nos ennemis.

16. Gardez-vous d’extorquer la volonté du Seigneur notre Dieu, car Dieu ne peut être menacé comme un homme, ni gouverné comme un fils de l’homme.

17. C’est pourquoi, attendant de lui seul notre salut, il faut l’appeler à notre secours, et il entendra nos cris, si cela lui est agréable.

18. Parce que dans nos familles nul ne s’est élevé contre lui ; il n’est aujourd’hui ni tribu, ni famille paternelle, ni canton, ni ville, parmi nous, qui adore des dieux faits de la main des hommes, comme il arrivait dans les premiers jours ;

19. En punition de quoi nos pères ont été livrés au meurtre et au pillage, et ont fait une grande chute devant nos ennemis.

20. Nous n’avons jamais reconnu d’autre Dieu que lui ; voilà pourquoi nous espérons qu’il n’abandonnera ni nous, ni ce qui est de notre race.

21. Car, si nous sommes pris [5], la Judée entière sera renversée, les choses saintes seront pillées, et il nous demandera compte de leur profanation,

22. Et du massacre de nos frères, et de la captivité de la terre, et de la désolation de notre héritage ; il fera retomber tous ces malheurs sur nos têtes, chez les nations où nous serons asservis, et nous deviendrons des sujets de scandale et d’outrages aux yeux de ceux qui seront nos maîtres ;

23. Parce que notre servitude n’ira pas droit à nous attirer sa grâce, mais le Seigneur notre Dieu la fera tourner à notre déshonneur.

24. Maintenant donc, frères, montrons à nos frères que leur vie dépend de nous, que les choses saintes, et le temple et l’autel, reposent sur nous.

25. Par-dessus toutes choses, témoignons notre reconnaissance au Seigneur notre Dieu, qui nous éprouve comme nos pères.

26. Souvenez-vous de ce qu’il a fait avec Abraham, et de quelle manière il a tenté Isaac, et de ce qui est advenu à Jacob en la Mésopotamie syrienne, lorsqu’il paissait les brebis de son oncle maternel Laban.

27. Il ne vous éprouve pas comme il a éprouvé ceux-ci, en sondant leur cœur, et il ne vous poursuit pas de sa vengeance ; mais le Seigneur châtie, pour les avertir, ceux qui s’approchent de lui.

28. Et Ozias lui répondit : Tout ce que tu as dit part d’un cœur vertueux, et personne ne peut opposer quoi que ce soit à tes paroles.

29. Et ce n’est pas d’aujourd’hui que ta sagesse éclate : depuis tes premiers jours, tout le peuple connaît ton intelligence et la beauté de ton âme.

30. Mais le peuple, qui a eu bien soif, nous a mis dans la nécessité de faire comme nous leur avons dit, et d’assumer sur nous un serment que nous ne violerons point.

31. Prie donc pour nous, car tu es une femme pieuse, et le Seigneur enverra de la pluie pour remplir nos citernes, et nous ne manquerons plus d’eau.

32. Et Judith leur dit : Écoutez-moi, et je ferai une action qui parviendra aux générations des générations de notre race.

33. Tenez-vous cette nuit vers la porte, et je sortirai avec ma servante ; et, pendant les jours après lesquels vous avez dit que vous rendriez la ville à nos ennemis, le Seigneur, par mon intermédiaire, visitera Israël.

34. Ne scrutez pas mon dessein ; je ne vous dirai rien que mon œuvre ne soit accomplie.

35. Et Ozias et les chefs lui dirent : Va en paix, et que le Seigneur marche devant toi pour tirer vengeance de nos ennemis.

36. Et ils sortirent de la tente de Judith, et ils retournèrent à leur poste.

CHAPITRE IX

1. Et Judith tomba la face contre terre, et elle se couvrit la tête de cendre, et ne garda que son cilice ; or, l’on venait, tout à l’heure, ce soir-là, d’offrir l’encens dans le temple de Dieu à Jérusalem, et Judith, à haute voix, cria au Seigneur, et elle dit :

2. Seigneur Dieu de mon père Siméon, à qui vous avez mis à la main un glaive pour tirer vengeance des étrangers quand ils eurent dénoué la ceinture de la jeune vierge pour la souiller, quand à sa honte ils eurent relevé ses vêtements et l’eurent outragée par leur violence ; car vous avez dit : Cela ne peut pas être.

3. Et ils avaient fait des choses en punition desquelles vous avez livré leurs chefs au meurtre ; et vous avez inondé de leur sang la couche où les retenait la ruse des fils de Jacob, et vous avez frappé les esclaves auprès des grands, et les grands sur leurs trônes,

4. Et vous avez fait de leurs femmes une proie, et de leurs filles des captives. Et les fils de ceux que vous aimiez se sont partagé leurs dépouilles, parce qu’ils brûlaient de zèle pour vous, qu’ils avaient en abomination la tache faite à leur sang, et qu’ils avaient invoqué votre secours ; ô Dieu, ô mon Dieu, exaucez-moi aussi, moi qui suis veuve.

5. Car, c’est vous qui avez fait les choses antérieures à celles-ci, et celles-ci, et celles qui suivront. Vous avez conçu les choses d’à présent et celles de l’avenir ; et tout ce que vous avez arrêté en votre esprit est arrivé.

6. Et les choses que vous avez méditées ont comparu, et elles ont dit : Nous voici, et toutes vos voies sont préparées, votre jugement est déterminé d’avance.

7. Or, maintenant voilà que les Assyriens ont grossi leurs troupes, ils se sont enorgueillis du cheval et du cavalier, ils se sont glorifiés du bras des piétons, ils ont mis leur espérance en des boucliers, des javelines, des arcs et des frondes ; et ils ne savent pas que vous êtes le Seigneur qui broie les combats. Votre nom est le Seigneur.

8. Brisez leur force par votre puissance, renversez leur domination par votre colère, car ils veulent profaner votre sanctuaire, ils veulent souiller le tabernacle où reposent votre nom et votre gloire, ils veulent abattre avec le fer les cornes de votre autel.

9. Voyez leur arrogance, faites tomber votre courroux sur leurs têtes ; donnez au bras de la veuve la force d’exécuter ce que la veuve a conçu.

10. Frappez l’esclave auprès du maître et le maître auprès du serviteur, trompés tous les deux par les flatteries de mes lèvres ; écrasez leur fierté par la main d’une femme.

11. Car votre force n’est pas avec la multitude, ni votre puissance avec les grands ; mais vous êtes le Dieu des humbles, l’auxiliaire des petits, le défenseur des faibles, le refuge des méconnus, le sauveur des désespérés.

12. Oui, oui, Dieu de mon père, Dieu de l’héritage d’Israël, maître des cieux et de la terre, créateur des eaux, roi de toutes vos créatures, vous exaucerez ma prière.

13. Faites que mes paroles et mes caresses trompeuses soient plaies et meurtrissures pour ceux qui ont conçu de cruels desseins contre votre alliance, votre temple, la montagne de Sion et la demeure où vous avez établi vos enfants.

14. Répandez parmi tout votre peuple, parmi toute tribu, l’intelligence ; qu’ils sachent que vous êtes le Dieu des royaumes et des armées, et qu’il n’est point pour la race d’Israël d’autre protecteur que vous.

CHAPITRE X

1. Lorsqu’elle se fut arrêtée ayant crié au Seigneur, et qu’elle eut achevé toutes ces paroles,

2. Elle se leva du lieu où elle était prosternée, appela sa servante, et descendit en la demeure où elle passait les jours de sabbat et les fêtes.

3. Et elle rejeta le cilice dont elle était revêtue ; elle ôta son habillement de veuve, se lava le corps avec de l’eau, se frotta de myrrhe épaisse, arrangea sa chevelure, et se coiffa d’un turban ; puis, elle reprit les vêtements de ses jours de joie, ceux qu’elle portait quand Manassès, son mari, vivait encore.

4. Et elle noua sous ses pieds des sandales, mit ses bracelets, ses colliers, ses anneaux, ses pendants d’oreilles, toute sa parure ; enfin, elle s’orna magnifiquement pour charmer les yeux de tous les hommes qui la verraient.

5. Et elle donna à sa servante une petite outre de vin et une fiole d’huile ; et elle remplit un sac de pain, de figues, de vivres frais, et elle mit ces choses dans une double enveloppe, et elle en chargea sa servante.

6. Et elles gagnèrent la porte de Béthulie, et elles y trouvèrent Ozias et les anciens de la ville, Habris et Charmis. 7. Lorsqu’ils la virent ; lorsqu’ils virent le changement de son visage et sa parure, ils furent émerveillés de sa beauté, et ils lui dirent :

8. Que Dieu, que le Dieu de nos pères t’accorde sa grâce, qu’il accomplisse ce que tu as projeté pour l’orgueil des fils d’Israël et l’exaltation de Jérusalem. Et elle adora Dieu.

9. Et elle leur dit : Ordonnez qu’on m’ouvre la porte de la ville, et je sortirai pour mener à bonne fin les affaires dont nous nous sommes entretenus. Et ils ordonnèrent aux jeunes gens de lui ouvrir la porte, comme elle avait dit.

10. Et ils obéirent, et Judith sortit avec sa servante ; les hommes de la ville la suivirent du regard jusqu’à ce qu’elle fût parvenue au pied de la montagne et qu’elle eût traversé le vallon, et ils ne l’aperçurent plus.

11. Et les deux femmes s’enfoncèrent tout droit dans le vallon, et elles rencontrèrent la garde avancée des Assyriens.

12. Ceux-ci prirent Judith, et lui firent ces questions : De quelles gens es-tu ? d’où viens-tu ? où vas-tu ? Et elle dit : Je suis une fille des Hébreux, et je m’enfuis loin de leur face, parce qu’ils sont à la veille de devenir votre proie.

13. Et moi, je vais devant Holopherne, général en chef de votre armée, pour lui annoncer des choses véritables, et je lui montrerai un chemin par où il ira, et il se rendra maître de toute la montagne ; et parmi ses hommes nulle chair ayant souffle de vie ne rendra le dernier soupir.

14. Dès que les hommes eurent ouï ses paroles et qu’ils eurent vu son visage (et elle était devant eux merveilleuse par son extrême beauté), ils lui dirent :

15. Tu as sauvé ta vie en te hâtant de descendre en présence de notre maître ; va donc à sa tente ; quelques-uns de nous vont te conduire, jusqu’à ce qu’ils t’aient remise entre ses mains.

16. Lorsque tu seras devant lui, ne crains rien en ton cœur, fais-lui connaître ce que tu nous as dit, et il te traitera bien.

17. Et ils choisirent entre eux cent hommes, et ceux-ci escortèrent Judith et sa servante, et ils les conduisirent à la tente d’Holopherne.

18. Et il y eut des allées et venues dans tout le camp ; car sa présence fut divulguée dans toutes les tentes ; et on vint, et on l’entoura pendant qu’elle se tenait hors de la tente d’Holopherne, en attendant qu’on lui eût annoncé sa présence.

19. Et tous admirèrent sa beauté, et ils s’émerveillèrent à cause d’elle, des fils d’Israël, et ils se dirent les uns aux autres : Qui méprisera ce peuple qui a chez lui de telles femmes ? Il ne serait pas bon d’en épargner un seul homme, ceux qui resteraient seraient capables de séduire toute la terre.

20. Et les serviteurs d’Holopherne qui dormaient auprès de lui sortirent, et ils introduisirent Judith sous sa tente.

21. Et Holopherne était à se reposer sur son lit dans un moustiquaire de pourpre et d’or, entrelacé d’émeraudes et de pierres précieuses.

22. Et ils la lui annoncèrent, et il vint dans l’avant-tente, et l’on portait devant lui des flambeaux d’argent.

23. Quand Judith entra devant lui et devant ses serviteurs, ils furent tous émerveillés de la beauté de son visage ; et tombant la face contre terre elle l’adora, et ses serviteurs la relevèrent.

CHAPITRE XI

1. Et Holopherne lui dit : Rassure-toi, femme, ne crains rien en ton cœur ; je n’ai maltraité aucun des hommes qui ont bien voulu servir Nabuchodonosor, roi de toute la terre.

2. Et si ton peuple, qui habite la montagne, ne m’avait point méprisé, je n’aurais point levé contre eux ma javeline ; mais ils se sont fait à eux-mêmes cela.

3. Et maintenant, dis-moi pourquoi tu les as fuis, et es venue auprès de nous ? Certes, tu viens pour ton salut ; rassure-toi, tu vivras cette nuit, et les autres nuits.

4. Il n’est personne pour te faire injure, mais on te traitera bien, comme il arrive à ceux qui servent mon maître, le roi Nabuchodonosor.

5. Et Judith lui dit : Accueille les paroles de ta servante, et que ta servante te parle en face, et cette nuit je ne dirai rien à mon maître qui ne soit vrai.

6. Et si tu suis les conseils de ta servante, Dieu fera avec toi une chose parfaite, et mon maître ne sera frustré en rien de ce qu’il médite.

7. Vive Nabuchodonosor, roi de toute la terre ! vive sa puissance ! il t’a envoyé pour le redressement de toute âme ; car, ce ne sont pas seulement les hommes qui seront tes esclaves pour te servir, mais, les bêtes fauves des champs, et les troupeaux, et les oiseaux du ciel, à cause de ta force, vivront pour Nabuchodonosor et toute sa famille.

8. J’ai entendu parler de ta sagesse et de toutes les ressources de ton âme, et il est connu de toute la terre que toi seul en tout le royaume tu es brave et expérimenté, et admirable dans les combinaisons de la guerre.

9. J’ai appris aussi ce qu’Achior dit en ton conseil, nous avons ouï son discours, car les hommes de Béthulie lui ont donné asile, et il leur a fait connaître toutes les paroles qu’il t’a adressées.

10. Ne les dédaigne pas, seigneur maître, mais dépose-les en ton cœur ; elles sont véritables ; en effet, notre race ne sera pas punie, le glaive ne prévaudra pas contre elle, si elle n’a péché contre son Dieu.

11. Or maintenant, afin que mon maître ne soit pas rejeté et sans succès, la mort va tomber sur eux en face, car un péché par lequel ils ont irrité leur Dieu les a fait condamner, et ils se sont étrangement égarés.

12. En effet, manquant de vivres, n’ayant plus d’eau, ils ont le dessein de mettre la main sur leur bétail, et tout ce que, dans sa loi, Dieu leur a enjoint de ne pas manger, ils ont résolu de s’en repaître.

13. Et les prémices de leur blé, et la dîme de leur huile et de leur vin, qu’ils réservaient comme consacrées aux prêtres qui se tiennent à Jérusalem devant notre Dieu, ils ont pris sur eux d’en user ; et ils consommeront des choses que nul parmi le peuple n’a le droit de toucher de ses mains.

14. Parce que ceux qui demeurent ici ont fait cela, ils ont envoyé des hommes à Jérusalem, pour que les anciens leur en donnent la permission ;

15. Et quand ils auront la réponse et qu’ils feront ces choses, ce jour-là même sera celui de leur ruine.

16. Voilà pourquoi moi, ta servante, en ayant été informée, je me suis échappée de leur ville. Et Dieu m’a envoyée pour accomplir avec toi des choses qui frapperont d’étonnement sur toute la terre ceux qui les apprendront.

17. Car ta servante est pieuse ; elle sert nuit et jour le Dieu du ciel ; et maintenant, je demeurerai auprès de toi, ô mon maître, et ta servante ira chaque nuit dans le val lon, et je prierai Dieu, et il me dira quand ils commettront leurs péchés.

48. Et je viendrai te le rapporter ; tu sortiras avec toutes tes forces, et nul chez eux ne te tiendra tête.

19. Et je serai ton guide au cœur de la Judée jusqu’à ce que je t’aie conduit devant Jérusalem, et je placerai ton trône dans son enceinte, et tu les emmèneras comme des brebis qui n’ont point de pasteur. Et pas un chien devant toi ne grondera de la langue, car tout cela m’a été dit par ma prévoyance, tout cela m’a été dévoilé, et je te suis envoyée pour te le faire connaître [6].

20. Et ce discours fut agréable à Holopherne et à ses serviteurs, et ils admirèrent sa sagesse, et ils dirent :

21. D’une extrémité de la terre à l’autre il n’est point une pareille femme pour la beauté du visage et pour le grand sens des paroles.

22. Et Holopherne lui dit : Dieu a bien fait de t’envoyer avant ton peuple, pour que la victoire soit entre nos mains, et pour la perdition de ceux qui ont méprisé mon maître.

23. Tu es attrayante par ta beauté, tu es bonne en toutes tes paroles ; et, si tu fais comme tu as dit, ton Dieu sera pour moi un Dieu ; tu demeureras dans le palais du roi Nabuchodonosor, et ta renommée se répandra par toute la terre.

CHAPITRE XII

1. Et il ordonna qu’on la menât dans la tente où ses vases d’argent étaient déposés, et qu’on lui servit de ses mcts, et qu’elle bût de son vin.

2. Et Judith lui dit : Je n’en mangerai pas, de peur qu’ils ne nous soient à scandale : on me servira de ceux que j’ai apportés.

3. Et Holopherne lui dit : Mais, lorsque ceux qui sont avec toi viendront à manquer, d’où en apporterons-nous de semblables pour te les donner ; car il n’y a parmi nous personne de ta nation.

4. Et Judith reprit : Vive ta vie ! ô mon maître, ta servante n’aura pas consommé ceux qui sont avec moi, avant que le Seigneur n’ait accompli, par ma main, ce qu’il a décidé.

5. Et les serviteurs d’Holopherne l’introduisirent sous la tente, et elle sommeilla jusqu’au milieu de la nuit, et elle se leva à la veillée du matin.

6. Et elle envoya à Holopherne, disant : Que mon maître ordonne qu’on laisse ta servante sortir pour qu’elle aille faire sa prière.

7. Et Holopherne prescrivit à ses gardes de ne la point retenir, et elle passa trois jours dans le camp ; et, chaque nuit, elle alla au ravin de Béthulie, et elle fit ses ablutions dans la fontaine des eaux que renfermait le camp.

8. Et, lorsqu’elle était revenue, elle priait le Seigneur Dieu d’Israël de la diriger dans la voie, pour le salut des fils de son peuple.

9. Et, étant rentrée pure, elle se tenait sous la tente jusqu’à ce que sur le soir on lui apportât sa nourriture.

10. Or, le quatrième jour, Holopherne fit un festin à ses serviteurs seuls, et il n’invita, à cette fête habituelle, aucun de ses convives accoutumés.

11. Et il dit à Bagoa, l’eunuque qui était placé au-dessus de tous ses esclaves : Va trouver cette femme d’Hébreu, qui est sous ta garde, persuade-lui de se rendre auprès de nous, et de manger et de boire avec nous.

12. Car c’est pour nous une honte d’être aussi près d’une telle femme, et de n’avoir point commerce avec elle ; et, si nous ne l’obtenons, on se rira de nous.

13. Et Bagoa, quittant Holopherne, entra près de Judith, et lui dit : Que cette belle jeune fille ne craigne pas de venir auprès de mon maître pour être honorée devant lui ; elle boira joyeusement avec nous du vin, et, ce jour-ci, elle sera comme l’une des filles d’Assur qui se tiennent dans le palais de Nabuchodonosor ;

14. Et Judith répondit : Et qui suis-je moi, pour contredire mon maître ? Tout ce qui sera agréable à ses yeux, je m’empresserai de le faire, et ce sera ma joie jusqu’au jour de ma mort.

15. Et, s’étant levée, elle se para de ses beaux vêtements et de tous ses ornements de femme, et sa servante la précéda ; et, pour elle, elle étendit à terre, en face d’Holopherne, les toisons à leur usage journalier, qu’elles avaient empruntées de Bagoa, et sur lesquelles elles se couchaient pour manger.

16. Et Judith, étant entrée, s’y plaça, et le cœur d’Holopherne à son aspect fut troublé, et son âme en fut vivement agitée, et il nourrissait un désir violent de la posséder ; et, depuis le jour où elle lui était apparue, il épiait l’occasion de la séduire.

17. Et Holopherne lui dit : Bois donc, et, avec nous, tiens-toi en joie.

18. Et Judith répondit : Certes, je boirai, ô mon maître ; car je me sens aujourd’hui plus glorieuse de vivre que je ne l’ai jamais été depuis ma naissance.

19. Et elle prit, et elle mangea devant lui ce que sa servante lui avait préparé.

20. Et Holopherne se réjouit à cause d’elle, et il but une quantité de vin telle qu’en aucun jour de sa vie il n’en avait tant bu.

CHAPITRE XIII

1. Sur le soir, ses esclaves s’empressèrent de partir, et Bagoa ferma la tente en dehors, et il renvoya tous ceux qui se tenaient ordinairement auprès du maître, et ils allèrent se coucher ; car ils étaient tous accablés, parce que le festin avait été des plus abondants.

2. Judith demeura seule sous la tente avec Holopherne qui était étendu sur sa couche, le vin ruisselant autour de lui.

3. Et Judith dit à sa servante de se tenir hors du lieu où elle couchait, et d’épier sa sortie, comme chaque jour ; car elle avait dit qu’elle irait faire sa prière, et elle en avait parlé à Bagoa.

4. Ils s’étaient donc tous éloignés de la présence du maître, et nul, du petit au grand, n’était resté sous le pavillon où il couchait. Alors, Judith, debout près du lit, dit en son cœur : Seigneur Dieu des armées, regardez en cet instant les œuvres de mes mains pour l’exaltation de Jérusalem.

5. C’est maintenant le temps de ressaisir votre héritage, et de faire ce que j’ai prémédité pour la ruine des ennemis qui se sont élevés contre nous.

6. Et s’étant approchée de la colonne du lit qui était au-dessus de la tête d’Holopherne, elle en décrocha son cimeterre,

7. Et elle se pencha sur le lit, et saisit les cheveux d’Holopherne, et elle dit : En ce jour fortifiez-moi, Dieu d’Israël.

8. Et elle le frappa deux fois au cou de toute sa force, et elle lui trancha la tête.

9. Et elle fit rouler le corps au bas de la couche, et elle enleva le moustiquaire suspendu aux colonnes, et aussitôt elle sortit, et elle donna à sa servante la tête d’Holopherne.

10. Et celle-ci la mit dans leur sac aux vivres, et elles sortirent ensemble, selon leur habitude ; et, après avoir traversé le camp, elles firent le tour du ravin, et elles remontèrent la montagne de Béthulie, et elles arrivèrent aux portes de la ville.

11. Et Judith cria de loin aux sentinelles : Ouvrez, ouvrez donc la porte, Dieu, notre Dieu, est avec nous, pour montrer encore sa force en Israël, et sa puissance contre ses ennemis, comme il a fait aujourd’hui.

12. Et lorsque les hommes de la ville eurent ouï sa voix, ils se hâtèrent de descendre auprès de la porte, et convoquèrent les anciens de la ville.

13. Et tout le monde accourut, du petit au grand, car ils ne s’attendaient pas à son retour, et ils ouvrirent la porte, et ils les firent entrer, et, ayant allumé un grand feu, ils les entourèrent.

14. Et Judith leur dit à haute voix : Louez Dieu, louez-le ; louez Dieu qui n’a point détourné sa miséricorde de la maison d’Israël, mais qui, cette nuit même, a brisé nos ennemis par ma main.

15. Et tirant du sac la tête, elle la leur montra, et elle dit Voici la tête d’Holopherne, général en chef de l’armée d’Assyrie, et voici le filet sous lequel il dormait lorsqu’il était ivre, et le Seigneur l’a frappé par la main d’une femme.

16. Et vive le Seigneur qui m’a gardée en la voie où j’ai marché ! car mon visage a trompé cet homme à sa perdition, et il n’a point fait avec moi de péché qui me souille et me déshonore.

17. Et tout le peuple fut en grande extase ; et, s’étant prosternés, ils adorèrent Dieu, et ils crièrent tout d’une voix : Béni soyez-vous, ô notre Dieu, qui avez aujourd’hui avili les ennemis de votre peuple !

18. Et Ozias lui dit : Bénie sois-tu, ma fille, par le Dieu très-haut, entre toutes les femmes qui existent sur la terre ! Béni soit le Seigneur Dieu, créateur de la terre et du ciel, parce qu’il t’a dirigée pour frapper la tête du prince de nos ennemis !

19. Et jamais l’espoir que tu as eu en Dieu ne s’effacera du cœur des hommes, qui se souviennent de la puissance de Dieu dans tous les siècles.

20. Que le Seigneur te bénisse et t’exalte à jamais ; qu’il te visite pour ton bien en récompense de ce que tu n’as pas ménagé ta vie, devant l’humiliation de notre race ; mais tu es allée au-devant de notre chute, et tu as marché droit devant notre Dieu. Et le peuple tout entier s’écria : Ainsi soit-il, ainsi soit-il.

CHAPITRE XIV

1. Et Judith leur dit : Écoutez-moi, frères, prenez cette tête, et suspendez-la aux créneaux de nos remparts.

2. Et, aux premières lueurs du matin, quand le soleil se lèvera sur la terre, que chacun prenne les armes, que l’on nomme un chef, que tout homme fort sorte de la ville, comme pour descendre sur la garde avancée des Assyriens ; mais vous ne descendrez pas.

3. Ceux-ci, après s’être couverts de leurs armures, se replieront sur le camp, et ils réveilleront les généraux de l’armée d’Assur, et ils courront tous ensemble à la tente d’Holopherne, et ils ne le trouveront pas, et l’épouvante tombera sur eux, et ils s’enfuiront devant nous.

4. Alors, courant après eux, vous et tout ce qui habite le territoire d’Israël, renversez-les sur leurs chemins, 5. Mais, avant de faire cela, appelez-moi Achior l’Ammonite, afin qu’ayant vu, il reconnaisse celui qui méprisait la maison d’Israël, et qui l’avait lui-même envoyé parmi nous comme à la mort.

6. On fit donc venir Achior de la maison d’Ozias. Dès qu’il fut arrivé et qu’il eut vu la tête d’Holopherne à la main d’un homme de l’assemblée du peuple, il tomba la face contre terre, et le souffle lui manqua.

7. Lorsqu’on l’eut fait revenir à lui, il se jeta aux pieds de Judith et il l’adora, et il dit : Bénie sois-tu en toute demeure de Juda et en toute nation ! quiconque ouïra ton nom sera ému.

8. Raconte-moi maintenant tout ce que tu as fait en ces derniers jours. Et Judith lui raconta, au milieu de tout le peuple, ce qu’elle avait fait depuis sa sortie jusqu’au moment où elle parlait.

9. Dès qu’elle eut terminé son récit, le peuple applaudit à haute voix, et des cris d’allégresse retentirent dans toute la ville.

10. Et Achior, ayant vu tout ce qu’avait fait le Dieu d’Israël, crut en lui avec ferveur, et il se fit circoncire, et il a été compté parmi la maison d’Israël jusqu’à ce jour.

11. Dès les premières lueurs du matin, on suspendit aux remparts la tête d’Holopherne ; et chaque homme. d’Israël prit les armes, et ils descendirent par cohortes la rampe de la montagne.

12. Et les fils d’Assur les virent, et ils envoyèrent des gens à leurs chefs. Or, ceux-ci allèrent trouver les généraux, les commandants de mille hommes, et tous leurs princes,

13. Qui s’approchèrent de la tente d’Holopherne, et dirent à celui qui était au-dessus de ses serviteurs : Éveille notre maître, car nos esclaves osent descendre pour nous attaquer, et pour que nous les exterminions enfin.

14. Et Bagoa entra, et il agita la portière de la tente, car il croyait son maître endormi avec Judith.

15. Et, comme nul ne l’entendit, il ouvrit et pénétra dans le pavillon, et il trouva Holopherne étendu mort au pied du lit, et sa tête avait été enlevée.

16. Et il jeta les hauts cris, avec pleurs et sanglots, et il déchira ses vêtements.

17. Et il courut à la tente où logeait Judith, et il ne la vit pas, et il s’élança vers la troupe en criant :

18. Les esclaves se sont révoltés ; une femme des Hébreux a fait entrer la honte en la maison de Nabuchodonosor. Voilà qu’Holopherne gît à terre, et sa tête a été enlevée.

19. Lorsqu’ils eurent ouï ces paroles, les chefs de l’armée d’Assur déchirèrent leurs tuniques, et leur âme fut grandement troublée, et leurs cris et hautes clameurs se firent entendre au milieu du camp.

CHAPITRE XV

1. Et lorsque ceux qui étaient sous les tentes l’ouïrent, ils furent hors d’eux-mêmes de ce qui venait d’arriver.

2. Et la terreur et l’effroi tombèrent sur eux, et il n’y eut pas un homme qui restât ferme en présence de son voisin ; et, s’étant dispersés tous à la fois, ils s’enfuirent par tous les chemins de la plaine et des montagnes.

3. Et ceux qui étaient campés autour de Béthulie, sur les hauteurs, prirent pareillement la fuite. Alors, tous les guerriers d’Israël se répandirent contre eux.

4. Et Ozias envoya des messagers à Bétomasthem, à Hobaï, à Hola et dans toute la contrée montagneuse d’Israël, publiant ce qui s’était accompli, afin que tous se missent à la poursuite des fugitifs pour les anéantir.

5. Lorsque les fils d’Israël ouïrent ces nouvelles, tous, comme un seul homme, tombèrent sur eux, et ils les taillèrent en pièces jusqu’à Hobra ; ceux de Jérusalem survinrent aussi de toutes les montagnes ; car on leur avait appris ce qui était advenu dans le camp des ennemis. Galaad et la Galilée les enveloppèrent et leur firent de grandes plaies, jusqu’à ce qu’ils eussent dépassé Damas et son territoire.

6. Cependant, ceux qui étaient restés à Béthulie tombèrent sur le camp d’Assur, le pillèrent et s’enrichirent beaucoup.

7. Et les fils d’Israël, revenant sur leurs pas, se rendirent maîtres de ce qui leur était échappé, et ils firent un immense butin dans les villages et dans les maisons des champs de la plaine et de la montagne.

8. Et le grand prêtre Joacim et les anciens des fils d’Israël, qui résidaient à Jérusalem, vinrent pour contempler le bien que le Seigneur avait fait à Israël, et pour voir Judith, et pour lui apporter des paroles de paix.

9. Lorsqu’ils entrèrent chez elle, ils la bénirent tout d’une voix, et lui dirent : Tu es la gloire d’Israël, tu es la joie d’Israël, tu es l’orgueil de notre race.

10. Tu as fait de ta main toutes ces choses ; tu as fait ces bonnes choses pour Israël ; que Dieu se complaise en toi plus qu’en aucun du peuple. Bénie sois-tu à jamais par le Seigneur tout-puissant ! Et tout le peuple s’écria : Ainsi soit-il [7].

11. Et tout le peuple pilla le camp pendant trente

jours, et ils donnèrent à Judith la tente d’Holopherne, toute son argenterie, ses lits, ses cratères et tous ses vases. Et, les ayant pris, elle les mit sur sa mule, ou elle attela ses chariots, et les y entassa.

12. Et toutes les femmes d’Israël accoururent pour la voir, et elles la bénirent, et elles formèrent pour elle un chœur de danses ; et elle prit en ses mains des thyrses, et elle les donna aux femmes qui étaient avec elle.

13. Et on couronna d’olivier elle et ses femmes. Et l’on vint de tout le peuple prendre part à la danse que menaient toutes les femmes, et les hommes d’Israël, en armes, couronnés aussi, les accompagnèrent de leurs chants.

CHAPITRE XVI

1. Et Judith entonna ce cantique de louanges au milieu de tout Israël, et tout le peuple le répéta.

2. Et Judith dit : Préludez, pour mon Dieu, au son des tambours ; chantez, pour le Seigneur, au son des cymbales ; chantez pour lui, en mesure, un psaume nouveau ; exaltez et invoquez son nom.

3. Car le Seigneur est le Dieu qui broie les armées. 4. Et dans son camp, au milieu du peuple, il m’a arrachée de la main de ceux qui me poursuivaient.

5. Assur est venu des montagnes de l’aquilon ; il est venu avec les myriades de son armée ; leur multitude a comblé les vallons, leur cavalerie a couvert les collines.

6. Il avait juré de livrer mon pays à la flamme, de faire périr mes jeunes hommes par le glaive, d’écraser mes enfants à la mamelle, de faire de mes enfants un butin, et de mes vierges une proie.

7. Le Seigneur tout-puissant les a effacés par la main d’une femme.

8. Car leur homme puissant n’est pas tombé sous les coups de jeunes guerriers ; les fils des Titans ne l’ont point frappé, les grands géants ne l’ont point attaqué ; mais Judith, fille de Mérari, l’a défait par la beauté de son visage.

9. Elle a ôté sa robe de veuve pour l’exaltation des affligés d’Israël.

10. Elle a parfumé de myrrhe son visage, et a noué ses cheveux sous un turban ; elle a pris une robe de lin pour le tromper.

11. Sa petite sandale a ravi son œil, sa beauté a captivé son âme ; le cimeterre a tranché sa tête.

12. Les Perses ont frémi de l’audace d’une femme, et les Mèdes ont été brisés par sa hardiesse.

13. Alors mes humbles ont jeté un cri de joie, et mes faibles les ont épouvantés, et ils ont été frappés de stupeur ; ils ont élevé la voix, et ils ont pris la fuite.

14. Les enfants des jeunes femmes les ont percés, ils les ont blessés comme des esclaves fugitifs ; le Seigneur leur a livré bataille, et ils ont péri.

15. Je chanterai à Dieu un hymne nouveau.

16. Seigneur, vous êtes grand et glorieux ; votre force émerveille ; vous êtes invincible.

17. Que toutes vos créatures vous servent ; car vous avez dit, et elles ont été ; vous avez envoyé votre Esprit, et il a édifié, et il n’est personne qui n’obéisse à votre voix.

18. Car les montagnes seront ébranlées à partir de leurs racines, en même temps que les eaux ; et les rochers devant vous fondront comme de la cire, et vous êtes propice à ceux qui vous craignent.

19. Tout sacrifice qu’on vous offre en odeur de suavité est petit ; toute la graisse de vos holocaustes est très-petite ; mais, celui qui craint le Seigneur est toujours grand.

20. Malheur aux peuples qui s’attaquent à ma race ! le Seigneur tout-puissant, au jour du jugement, les punira.

21. Il livrera leur chair aux vers et à la flamme, et ils pleureront en une souffrance éternelle.

22. Lorsque le peuple rentra à Jérusalem, il adora Dieu ; et, aussitôt qu’il se fut purifié, il offrit ses holocaustes, ses sacrifices volontaires et ses dons.

23. Et Judith consacra, comme offrande au Seigneur, tous les vases d’Holopherne, que lui avait donnés le peuple, et le moustiquaire qu’elle avait enlevé de sa couche.

24. Et le peuple passa trois mois en réjouissances à Jérusalem, devant les lieux saints, et Judith demeura avec lui.

25. Ce temps écoulé, chacun s’en retourna à son héritage ; et Judith, à Béthulie, où elle demeura sur ses biens ; et elle fut, toute sa vie, pleine de gloire en toute la terre.

26. Et beaucoup la désirèrent, et nul homme ne la connut, durant tous les jours de sa vie, depuis qu’elle eut perdu Manassès son mari ; et elle fut réunie à son peuple.

27. Et elle paraissait au dehors avec beaucoup de gloire.

28. Et elle vieillit dans la maison de son époux jusqu’à cent cinq ans ; et elle avait affranchi sa servante, et elle mourut à Béthulie, et on l’ensevelit dans la caverne de Manassès, son époux.

29. Et la maison d’Israël la pleura sept jours, et, avant de mourir, elle avait partagé ses richesses entre tous les proches de Manassès et ceux de sa propre famille.

30. Et nul n’effraya encore les fils d’Israël tant que vécut Judith, ni bien des jours après sa mort.

  1. Littér., scie, comme en espagnol sierra.
  2. Les sacrifices votifs.
  3. Où l’on tenait conseil.
  4. A attendre ce qu’il fera.
  5. Si Béthulie, clef des montagnes, est prise.
  6. Judith crut pouvoir mentir pour délivrer son pays. C’était, du reste, à l’ennemi de se défier des paroles de cette femme. En face d’une attaque aussi injuste, il semble qu’il devait être permis d’essayer de la ruse pour
  7. Judith était une figure de la sainte Vierge, qui a écrasé la tête du serpent, chef de l’armée du mal, et donné au peuple saint la victoire sur ses ennemis.