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Traduction de la Septante et du Nouveau Testament/Esther

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Traduction de la Septante et du Nouveau Testament
La Sainte Bible de l'Ancien Testament d’après les Septante et du Nouveau Testament d’après le texte grec par P. GIGUET - tomes 1 à 4, 1872.djvuPoussielgue (p. 622-646).
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ESTHER

CHAPITRE I

La seconde année du règne du grand roi Artaxerxès, le premier de Nisan, le Juif Mardochée, fils de Jaïr, fils de Sémeï, fils de Cisée, de la tribu de Benjamin, demeurant en la ville de Suse, homme considérable, servant dans le palais du roi, eut en songe une vision. Il était des captifs que Nabuchodonosor, roi de Babylone, avait emmenés avec Jéchonias, roi de la Judée, et voici sa vision : Voilà qu’il y avait voix et bruit, tonnerres et tremblements de terre, tumulte sur la terre, et voilà que deux dragons s’avancèrent, prêts à se combattre mutuellement ; et ils poussaient de grands cris, et à leurs cris chaque nation se préparait à la guerre, pour combattre la nation des justes. Voilà que c’était un jour d’obscurité et de ténèbres, de tribulation et d’angoisse, d’affliction et de grand tumulte sur la terre, et toute la nation juste fut troublée, craignant sa propre affliction, et elle se tint prête à mourir, et elle cria au Seigneur Dieu. Et à ses cris, il vint comme un grand fleuve, sortant d’une petite fontaine, et beaucoup d’eau ; et la lumière et le soleil parurent, et les humbles furent exaltés, et ils dévorèrent les superbes. Et Mardochée, celui qui avait eu cette vision, s’étant éveillé, se demanda en son cœur ce que Dieu voulait faire, et, toute la nuit, il n’eut pas d’autre pensée que de le découvrir. Or, Mardochée se tint tranquille dans le parvis près de Gabatha et de Tharra, deux eunuques du roi qui gardaient le palais, et il ouït leurs réflexions et il surprit leurs préoccupations, et il apprit qu’ils se préparaient à porter les mains sur le roi Artaxerxès, et il instruisit le roi de ce qui les concernait. Et le roi interrogea les deux eunuques ; et ayant avoué, ils furent menés au supplice, et le roi fit écrire ces choses en un mémorial, et Mardochée aussi écrivit le récit de ces choses. Et le roi ordonna que Mardochée servît dans l’intérieur du palais, et il lui fit, à ce sujet, des présents. Or, Aman, fils d’Amadathe le Bugéen, était en faveur auprès du roi, et il chercha à nuire à Mardochée et à son peuple à cause des deux eunuques du roi.

1. Or, après ces choses, il advint durant les jours d’Artaxerxès, qui régnait depuis l’Inde sur cent vingt-sept contrées,

2. En ces jours-là, tandis qu’il trônait en la ville de Suse,

3. La troisième année de son règne, il advint qu’il fit un festin à ses amis et au reste des nations, et aux hommes considérables des Perses et des Mèdes, et aux premiers des satrapes.

4. Et ensuite, après leur avoir montré les richesses de son royaume, et la splendeur de ses joies et de ses trésors, pendant cent quatre-vingts jours,

5. Lorsque les jours de ses noces furent remplis, il fit pendant six jours aux nations qui se trouvaient à Suse un festin dans le parvis du palais,

6. Orné de voiles du lin le plus fin, et de gaze tendue par des cordons de lin et de pourpre sur des socles d’or et d’argent, et sur des colonnes de marbre blanc et de pierre. Les lits, d’argent et d’or, étaient posés sur des mosaïques d’émeraudes, de nacre et de marbre blanc ; et les couvertures transparentes, diversement brodées, étaient encadrées de feuilles de roses.

7. Les coupes étaient d’argent et d’or, et il y avait une petite coupe en diamant évaluée trente mille talents ; on les remplissait de vin abondant et doux, le même que le roi buvait.

8. Et le repas ne se fit pas selon la loi établie ; le roi l’avait ainsi voulu, et il avait ordonné à ses économes de se conformer à ses propres désirs et à ceux de ses convives.

9. Et Vasthi [1], la reine, fit un festin pour les femmes dans l’intérieur du palais où résidait le roi Artaxerxès.

10. Le septième jour, le roi, étant en belle humeur, dit à Aman, à Bazan, à Tharra, à Barazi, à Zatholtha, à Abataza et à Tharaba, les sept eunuques attachés à sa personne,

11. De lui amener la reine pour qu’il la couronnât, qu’il posât sur sa tête le diadème, et qu’il la montrât dans sa beauté aux chefs et aux nations ; car elle était belle.

12. Mais la reine Vasthi refusa de suivre les eunuques, et le roi en fut affligé, et il se mit en colère.

13. Et il dit à ses amis : Voici ce qu’a dit la reine, faites donc à ce sujet loi et jugement.

14. Et Arcesée, Sarsathée et Maliséar, princes des Perses et des Mèdes, ceux qui se tenaient près du roi, et qui s’asseyaient les premiers après lui, s’approchèrent.


15. Et ils lui firent connaître ce que selon la loi il était à propos de faire à la reine Vasthi, parce qu’elle n’avait point fait ce que lui avait commandé le roi par ses eunuques.

16. Et Muchée dit au roi et aux princes : Vasthi, la reine, n’a pas nui au roi seul, mais aussi à tous les princes et aux grands officiers du roi.


17. Et il leur dit les paroles de la reine, et comme elle avait contredit le roi, et continuant : De même, ajouta-t-il, qu’elle a contredit le roi Artaxerxès,

18. Les autres femmes des Perses et des Mèdes du premier rang, apprenant ce qu’elle a dit au roi, oseront à l’avenir ne point honorer leurs époux.

19. Si donc le roi le juge à propos, qu’il rende un édit, qu’il l’écrive selon la loi des Perses et des Mèdes, que l’on ne puisse y déroger ; qu’il défende à la reine de s’approcher désormais de sa personne, et que le roi donne le diadème royal à une femme meilleure qu’elle ;

20. Et que l’édit qu’aura rendu le roi soit publié en tout son royaume. Alors, toutes les femmes mettront leurs soins à honorer leurs époux, depuis l’indigent jusqu’au riche.

21. Or, ce conseil plut au roi et aux princes, et le roi fit comme avait dit Muchée.

22. Et il envoya dans toutes les provinces de son royaume l’édit traduit en leurs diverses langues, afin qu’en toute demeure on eût crainte.

CHAPITRE II

1. Après ces choses, la colère du roi à la longue s’assoupit ; mais il ne rechercha plus la reine, se souvenant de ce qu’elle avait dit, et du jugement qu’il avait rendu contre elle.

2. Et les serviteurs du roi dirent : Que l’on cherche pour le roi des jeunes filles chastes et belles.

3. Que le roi donne ses ordres aux comarques [2] de toutes les provinces de son royaume ; qu’ils choisissent des jeunes filles vierges et belles pour le gynécée de la ville de Suse ; qu’on les mette entre les mains de l’eunuque du roi gardien des femmes ; et qu’on leur donne là des cosmétiques et toutes sortes de soins.

4. Puis, la femme qui plaira au roi sera reine à la place de Vasthi. Ce projet fut agréable au roi, et il fit ainsi.

5. Or, il y avait en la ville de Suse un Juif qui se nommait Mardochée, fils de Jaïr, fils de Sémeï, fils de Cisée, de la tribu de Benjamin,

6. Qui avait été fait captif à Jérusalem, parmi ceux qu’avait emmenés Nabuchodonosor, roi de Babylone.

7. Il avait élevé une enfant, fille d’Aminadab, son oncle paternel, et elle se nommait Esther, et, ses parents étant morts, il l’avait élevée pour qu’elle fût sa femme, et la jeune fille était belle.

8. Or, lorsque l’édit du roi fut publié, beaucoup de jeunes filles furent réunies à Suse entre les mains de l’eunuque Haï. Esther fut aussi conduite chez Haï, gardien des femmes.

9. Et la jeune fille lui plut et elle trouva grâce à ses yeux, et il se hâta de lui donner des cosmétiques et sa part [3], et sept jeunes filles du palais pour la servir ; il en usa bien avec elle et avec ses suivantes, dans le gynécée.

10. Et Esther ne fit connaître ni ses parents ni sa patrie, car Mardochée lui avait défendu d’en rien déclarer.

11. Et chaque jour Mardochée se promenait dans le parvis du gynécée, observant ce qui pouvait arriver à Esther.

12. Or, le moment où une jeune fille entre chez le roi, arrive quand les douze mois sont accomplis, car alors les jours de la purification sont écoulés ; pendant six mois, elle s’est ointe d’huile de myrrhe, et pendant six mois d’aromates et de cosmétiques de femmes.

13. Enfin, on l’introduit chez le roi, et l’eunuque à qui il en donne l’ordre la conduit, pour qu’elle aille auprès de lui, du gynécée aux chambres du roi.

14. Elle y entre le soir, et, le lendemain, elle retourne au second gynécée où est l’eunuque Haï, gardien des femmes, et on ne la reconduit plus chez le roi, à moins qu’il ne la demande par son nom.

15. Et quand fut accompli le temps après lequel Esther, fille d’Aminadab, oncle paternel de Mardochée, devait être présentée au roi, elle ne négligea rien de ce que lui prescrivit l’eunuque, gardien des femmes. Car il était donné à Esther de trouver grâce aux yeux de tous ceux qui la voyaient.

16. Elle entra donc chez le roi Artaxerxès, le douzième mois qui est adar, la septième année de son règne.

17. Et le roi aima Esther, et elle trouva grâce à ses yeux plus que toutes les autres vierges, et il lui mit le diadème de reine.

18. Et le roi fit un festin à tous ses amis et à tous ses grands, et la fête dura sept jours, et il célébra magnifiquement le mariage d’Esther, et il fit remise de ce qui lui était dû par les sujets de son royaume.

19. Et Mardochée servait dans le parvis.

20. Et Esther ne déclara point quelle était sa patrie ; car Mardochée le lui avait défendu, lui prescrivant de craindre Dieu et de suivre ses commandements, comme lorsqu’elle demeurait en sa maison ; et Esther ne changea rien à ses habitudes.

21. Et les deux eunuques, chefs des gardes du corps du roi, s’affligèrent des honneurs auxquels s’élevait Mardochée, et ils cherchèrent à tuer Artaxerxès

22. Et Mardochée découvrit le complot, et il le dit à Esther, qui dévoila tout au roi.

23. Or, le roi interrogea les eunuques et il les fit pendre ; et il prescrivit d’écrire en un mémorial, dans les archives de la bibliothèque royale, une notice sur les bons offices de Mardochée, à sa louange.

CHAPITRE III

1. Et, après cela, le roi Artaxerxès glorifia Aman, fils d’Amadathe le Bugéen, et il l’exalta, et il le fit asseoir sur un siège au-dessus de tous ses amis.

2. Et tous ceux qui servaient dans le parvis l’adoraient, car ainsi l’avait ordonné le roi ; et Mardochée ne se prosternait pas devant lui.

3. Et les serviteurs du parvis dirent à Mardochée : Mardochée, pourquoi désobéis-tu à ce qu’a dit le roi ?

4. Chaque jour ils lui parlaient ainsi, et il ne les écoutait pas ; enfin, ils informèrent Aman que Mardochée résistait aux ordres du roi ; or, Mardochée leur avait déclaré qu’il était Juif.

5. Et Aman, en apprenant que Mardochée ne se prosternait pas devant lui, fut fort courroucé.

6. Et il résolut d’effacer tous les Juifs du royaume d’Artaxerxès.

7. Et, en la douzième année du règne d’Artaxerxès, il prépara un édit, et il agita les sorts pour savoir le mois et le jour où il exterminerait en même temps la race de Mardochée, et le sort tomba sur le quatorzième du mois qui est appelé adar.

8. Et il parla au roi disant : Il y a un peuple épars en toutes les provinces de ton royaume ; leurs lois diffèrent de toutes les autres lois ; ils n’obéissent point à celles du roi ; il n’est pas à propos que le roi les laisse subsister.

9. S’il plaît au roi, qu’il décrète qu’on les détruise, et moi je ferai rentrer au trésor royal dix mille talents d’argent.

10. Et le roi ôtant son anneau le remit à Aman pour sceller l’édit contre les Juifs.

11. Et le roi lui dit : L’argent sera pour toi, fais de ce peuple ce qu’il te plaît.

12. Et, le treize du premier mois, les scribes du roi furent convoqués, et ils écrivirent, selon l’ordre d’Aman, aux généraux et aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces de l’Inde à l’Éthiopie, et aux chefs des nations chacun en sa langue, de la part du roi Artaxerxès.

13. Et des courriers portèrent dans tout le royaume le commandement de détruire en un seul jour, le premier du douzième mois, qui est adar, toute la race des Juifs, et de piller leurs biens. Or, voici la copie de la lettre :

Le grand roi Artaxerxès aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces assujetties à son empire, de l’Inde à l’Éthiopie, et à leurs lieutenants écrit ce qui suit :

Roi d’une multitude de nations, maître de toute la terre habitable, j’ai eu en l’esprit, ne concevant aucun orgueil de l’étendue de ma puissance, me conduisant avec une extrême modération et une très-grande douceur, d’assurer à mes sujets une vie toujours paisible, voulant faire jouir de l’ordre et du repos mon empire, jusqu’à ses extrêmes limites, et rétablir la paix que désirent tous les hommes.

Quand j’ai demandé à mes conseillers comment ce but serait atteint, celui qui excelle auprès de nous en sagesse, dont on connaît la bonne volonté constante et la fidélité inébranlable, le second de mon royaume en honneurs, Aman, nous a fait savoir qu’un peuple ennemi s’est mêlé parmi les tribus de la terre habitable, opposé en ses lois à toute autre nation ; négligeant toujours les ordres du roi, de telle sorte que l’union des pouvoirs, qui a été réglée parmi nous d’une manière irréprochable, ne puisse être établie.

Ayant donc jugé que cette nation unique est toujours en opposition avec le reste des hommes, qu’elle diffère de nous par des lois étrangères, qu’elle est malveillante, complotant avec les pires intentions contre nos intérêts et contre la stabilité de l’empire, nous avons ordonné que ceux qui vous sont signalés dans les lettres à vous adressées, par mon second père, Aman, préposé aux affaires publiques, soient détruits radicalement avec leurs femmes et leurs enfants ; qu’on les passe au fil de l’épée, sans pitié ni ménagements, le quatorzième jour du douzième mois, du mois d’adar de la présente année, pour qu’en une seule journée, ces ennemis anciens et actuels descendent violemment aux enfers, et qu’à l’avenir, et jusqu’à la fin, nos affaires soient stables, sans trouble.

14. Et les copies de ces lettres furent publiées en chaque province, et il fut enjoint à chaque nation de se tenir prête pour le jour indiqué.

15. On y avait mis de l’empressement à Suse, et le roi et Aman buvaient à pleines coupes ; mais la ville était toute troublée.

CHAPITRE IV

1. Or, Mardochée, instruit de ce qu’on avait fait, déchira ses vêtements, se ceignit d’un cilice et se couvrit de cendre ; puis, s’élançant par les rues de la ville, il cria à haute voix : Un peuple innocent périt.

2. Et il arriva devant la porte du roi, et il s’y tint debout ; car il ne lui était pas permis d’entrer dans la cour, ayant un cilice et de la cendre.

3. Et en toute province, où l’édit avait été publié, les Juifs s’étaient couverts de cilices et de cendres, et l’on n’entendait que des cris, des gémissements et des pleurs.

4. Et les servantes et les eunuques de la reine entrèrent, et lui dirent ce qui était advenu, et elle en fut troublée, et elle envoya prier Mardochée de se vêtir d’une robe et d’ôter son cilice, et il n’obéit pas.

5. Et Esther appela Achrathée, son eunuque, qui se tenait auprès d’elle, et elle l’envoya demander à Mardochée la vérité exacte.

6. Et Mardochée lui fit connaître tout ce qui s’était passé, et la promesse qu’Aman avait faite au roi de verser au trésor dix mille talents d’argent, afin qu’il exterminât les Juifs.

7. Et il lui donna, pour le montrer à Esther, l’édit affiché dans Suse sur ce massacre, et il lui dit : Recommande à la reine d’entrer chez le roi, pour l’implorer et le supplier en faveur du peuple, dis-lui : Souviens-toi de ton humble état, quand je te nourrissais de ma main. Pourquoi Aman, le second après le roi, a-t-il parlé contre nous afin que nous périssions ? Invoque le Seigneur ; parle au roi pour nous sauver de la mort.

8. Or, Achrathée, étant rentré, répéta toutes ces paroles à la reine.

9. Et Esther lui répondit : Va retrouver Mardochée, et dis-lui :

10. Toutes les nations de l’empire savent que n’importe quel homme ou femme qui entre auprès du roi, dans l’intérieur du palais, sans y être appelé, n’a pas de salut à espérer ; sauf celui sur qui le roi étend sa verge d’or ; celui-là est sauvé. Et moi, voilà trente jours que je n’ai été appelée pour entrer chez le roi.

11. Et Achrathée rapporta toutes les paroles d’Esther à Mardochée.

12. Et Mardochée lui répondit : Rentre, et dis — lui : Esther, ne te dis pas à toi-même que dans tout le royaume, toi seule échapperais plutôt que tous les Juifs.

13. Si en ce moment tu me désobéis, le secours et la protection viendront d’ailleurs aux Juifs, et toi, et la maison de ton père, vous périrez. Et qui sait si ce n’est pas à cette occasion que tu règnes ?

14. Et Esther renvoya à Mardochée l’homme qui était venu près d’elle, disant :

15. Éloigne-toi, rassemble tous les Juifs qui sont à Suse, jeûnez pour moi ; passez trois jours et trois nuits sans manger ni boire, et moi et mes suivantes, nous ne prendrons aucun aliment ; alors j’entrerai chez le roi, contre la loi, dussé-je mourir.

16. Et Mardochée, s’étant éloigné, fit ce que lui avait prescrit Esther ; et il pria le Seigneur, se souvenant de toutes les œuvres de Dieu, et il dit : Seigneur, Seigneur, Roi de tous les rois ; il n’est rien qui ne soit en votre puissance, et nul ne vous contredira si votre volonté est de sauver Israël. Vous avez créé le ciel et la terre et toutes les merveilles qui sont sous les cieux, vous êtes le Seigneur de toutes choses, et nul ne peut s’opposer au Seigneur. Rien ne vous est caché ; vous savez, Seigneur, que ce n’est point par insolence, que ce n’est point par orgueil, que ce n’est point par vaine gloire, que j’ai refusé d’adorer le superbe Aman ; car, pour le salut d’Israël, je lui eusse avec joie baisé la plante des pieds. Mais, je ne l’ai point adoré, de peur de mettre la gloire d’un homme au-dessus de la gloire de Dieu, et je n’adorerai personne hormis vous, mon Seigneur, et je ne ferai point de telles choses par orgueil. Et maintenant, Seigneur Dieu et Roi, Dieu d’Abraham, épargnez votre peuple, car ils nous regardent pour nous perdre, et dès l’origine ils ont désiré détruire votre héritage. Ne méprisez point votre peuple particulier que vous avez délivré de la terre d’Égypte ; exaucez ma prière, soyez propice à ceux que vous vous êtes réservés en partage ; changez notre deuil en fêtes, afin que vivants nous chantions votre nom, ô Seigneur ; ne fermez pas la bouche de ceux qui vous louent, ô Seigneur. Et tout Israël jeta des cris de toute sa force, car ils avaient la mort devant les yeux.

Cependant, la reine Esther, comme saisie par l’agonie de la mort, se réfugia vers le Seigneur ; elle ôta ses vêtements de gloire pour prendre ceux du deuil et de la pauvreté, et au lieu des parfums des superbes, elle se couvrit la tête de poussière et de fange ; elle se fit humble en toute sa personne, et tout le lieu où elle se parait en son allégresse, fut rempli des cheveux qu’elle s’arracha. Et elle pria le Seigneur Dieu d’Israël, et elle dit : 0 mon Seigneur, notre roi, vous êtes unique, secourez-moi, moi qui suis seule devant vous : je n’ai point de protecteur hormis vous, et mon danger est près de ma main. Dès ma naissance, j’ai appris, dans ma tribu paternelle, que vous, Seigneur, vous avez choisi Israël parmi toutes les nations, et nos pères plutôt que leurs ancêtres, pour qu’ils soient votre héritage éternel, et que vous avez fait pour eux tout ce que vous avez dit. Et maintenant, nous avons péché devant vous, et vous nous avez livrés à nos ennemis, parce que nous avions glorifiés leurs dieux. Vous êtes juste, Seigneur. Mais, l’amertume de notre esclavage ne leur a pas suffi ; ils ont mis la main sur la main de leurs idoles [4], pour annuler le décret prononcé par vous, effacer votre héritage, fermer la bouche de ceux qui vous louent, éteindre la gloire de votre temple et de votre autel, ouvrir la bouche des gentils pour louer les vertus de leurs vaines idoles, et admirer à jamais un roi de chair. Seigneur, n’abandonnez pas votre sceptre à ceux qui ne sont point [5] ; que nos ennemis ne rient point de notre chute ; tournez contre eux leurs conseils, faites un exemple de celui qui s’est élevé contre nous. Souvenez-vous de nous, Seigneur ; manifestez-vous au temps de notre affliction ; rassurez-moi, Roi des dieux, Maître de toute domination. Faites sortir de ma bouche, en présence du lion, des paroles harmonieuses ; changez son cœur, et qu’il prenne en haine notre ennemi ; qu’il le perde, lui et ses complices. Sauvez-nous par votre main, secourez-moi, seule comme je suis, et sans autre appui que vous. Rien ne vous est caché, et vous savez que je déteste la gloire des impies, que j’ai en abomination la couche des incirconcis et de tout étranger. Vous n’ignorez pas la contrainte où je vis ; car j’abhorre ce signe d’orgueil que je pose sur ma tête en mes jours d’apparat ; je l’ai en horreur comme le haillon le plus vil, et je n’ai garde de le porter en mes jours de paix. Et votre servante n’a point mangé à la table d’Aman, et je n’ai point honoré les banquets du roi, je n’ai point bu le vin des libations, et votre servante n’a point eu de joie depuis le jour de son élévation jusqu’à ce moment, si ce n’est en vous Seigneur Dieu d’Abraham [6]. O Dieu, vous pouvez plus que tous ; écoutez la voix des désespérés, sauvez-nous de la main des méchants, et sauvez-moi de ma terreur.

CHAPITRE V

1. Et le troisième jour, lorsqu’elle eut fini de prier, elle dépouilla les habits de la servitude et se revêtit de sa gloire, et redevenue éclatante, après avoir invoqué le Dieu qui voit toutes choses et qui sauve, elle prit avec elle deux servantes ; sur l’une elle s’appuya comme une femme délicate ; l’autre la suivit allégeant le poids de son manteau ; et elle-même s’avança rougissant en la fraîcheur de sa beauté, le visage riant, plein de bienveillance, tandis que son cœur était oppressé par la crainte. Ayant franchi toutes les portes, elle s’arrêta devant le roi. Or, il était assis sur son trône royal, et il s’était revêtu de toute sa magnificence, et il était couvert d’or et de pierres précieuses, et il était terrible. Et quand il leva son front rayonnant de majesté, un éclair de fureur brilla dans son regard. Et la reine tomba, et son teint se changea en une mortelle pâleur, et elle se pencha sur la tête de la servante qui la précédait. Et Dieu adoucit l’esprit du roi ; et saisi d’angoisse, Artaxerxès s’élança de son trône, et il la prit dans ses bras jusqu’à ce qu’elle revînt, et il la consola par des paroles caressantes, et il lui dit : Esther ! qu’y a-t-il, je suis ton frère, rassure-toi, tu ne mourras point ; mais notre loi est pour tous ; approche.

2. Et ayant levé sa verge d’or, il la posa sur son cou et il l’embrassa, et il lui dit [7] : Parle-moi, et elle répondit : Je t’ai vu, seigneur, comme l’ange de Dieu, et mon cœur a été troublé par la crainte de ta gloire, car tu frappes d’admiration, ô seigneur, et ton visage est l’arbitre des grâces. Pendant qu’elle parlait, elle s’évanouit encore, et le roi fut troublé, et tous ses serviteurs la consolèrent.

3. Et le roi dit : Que veux-tu, Esther ? quelle est ta demande ? Serait-ce la moitié de mon royaume, elle sera à toi.

4. Et Esther dit : Ce jour est pour moi un jour de fête, s’il plaît au roi, qu’il vienne avec Aman à un festin que je fais aujourd’hui.

5. Et le roi dit : Que l’on se hâte d’avertir Aman, afin que nous fassions selon la parole d’Esther. Et tous les deux assistèrent au festin qu’avait dit la reine.

6. Et, pendant le repas, le roi lui dit : Qu’y a-t-il, reine Esther ? Ce que tu demandes sera.

7. Et elle répondit : Ma requête et ma demande ?

8. Si j’ai trouvé grâce devant le roi, que le roi vienne encore avec Aman demain au festin que je leur ferai, et demain je ferai ma requête et ma demande.

9. Et Aman, au comble de la joie, sortit d’auprès de son maître ; et en apercevant dans le parvis le Juif Mardochée, il fut grandement courroucé.

10. Et aussitôt rentré chez lui, il convoqua ses amis et Zosara, sa femme,

11. Et il leur décrivit ses richesses et les honneurs dont le roi l’avait revêtu, et comme il l’avait placé à la tête du royaume.

12. Et il ajouta : La reine n’a invité personne au festin qu’elle vient de donner à son époux, si ce n’est moi, et je suis convié encore pour demain.

13. Mais rien de tout cela ne me charmera tant que je verrai dans le parvis le Juif Mardochée.

14. Et Zosara, sa femme, et ses amis lui dirent : Que l’on te fasse une potence de cinquante coudées ; parles-en demain au roi dès l’aurore, et que Mardochée soit pendu à cette potence. Ensuite, va au festin avec ton maître, et sois joyeux. Et le conseil plut à Aman, et il fit dresser la potence.

CHAPITRE VI

1. Or, cette nuit-là, le Seigneur éloigna du roi le sommeil, et Artaxerxès dit à son serviteur d’apporter le livre de ses archives et de le lui lire.

2. Et il tomba sur ce qui était écrit concernant Mardochée, quand il avait fait connaître au roi le complot des deux eunuques qui le gardaient, et qui voulaient porter les mains sur lui. 3. Et le roi dit : Quels honneurs, quelle grâce Mardochée a-t-il reçus de moi ? Et les serviteurs répondirent : Tu n’as rien fait pour lui.

4. Pendant que le roi se rappelait le zèle de Mardochée, Aman entra dans le parvis, et le roi dit : Y a-t-il quelqu’un dans le parvis ? Or, Aman arrivait pour demander au roi de pendre Mardochée à la potence qu’il avait dressée.

5. Et les serviteurs du roi répondirent : Voilà Aman dans le parvis. Et le roi dit : Appelez-le.

6. Et le roi dit à Aman : Que ferai-je pour l’homme que je veux glorifier ? Et Aman se dit : Qui donc le roi veut-il glorifier, si ce n’est moi ?

7. Et il répondit : Pour l’homme que le roi veut glorifier,

8. Que les serviteurs du roi apportent la robe de fin lin dont il se revêt, et le cheval qu’il monte.

9. Que cela soit donné à l’un des amis du roi, parmi ceux du premier rang ; qu’il habille l’homme que le roi aime, qu’il le fasse monter à cheval, que dans toutes les places de la ville il proclame ces mots : Ainsi sera-t-il fait à tout homme que le roi honore.

10. Et le roi dit à Aman : Tu as bien parlé ; ainsi soit fait par toi au Juif Mardochée qui sert en mon parvis, et que rien ne soit négligé de ce que tu as dit.

11. Aman prit donc la robe, et le cheval, et il habilla Mardochée, et il le fit monter à cheval, et il parcourut toutes les rues de la ville, et il proclama ces mots : Ainsi sera-t-il fait à tout homme que le roi voudra honorer.

12. Et Mardochée revint au parvis, et Aman rentra en sa demeure avec un grand mal de tête.

13. Et il fit à Zosara, sa femme, et à ses amis, le récit de ce qui était advenu ; et ses amis et sa femme lui dirent : Si Mardochée est de la race des Juifs, tu as commencé à être humilié devant lui ; tu tomberas, et tu ne pourras te défendre contre lui ; car le Dieu vivant est avec lui.

14. Comme ils parlaient encore, les eunuques vinrent presser Aman de se rendre au repas qu’Esther avait préparé.

CHAPITRE VII

1. Le roi et Aman entrèrent pour boire avec la reine.

2. Et, à ce second festin, le roi dit à Esther : Qu’y a-t-il, reine Esther ? Quelle est ta requête, quelle est ta demande ? Qu’il te soit accordé jusqu’à la moitié de mon royaume.

3. Et elle répondit : Si j’ai trouvé grâce devant le roi, qu’il accorde à ma requête, ma vie, et à ma demande, mon peuple.

4. Car moi et mon peuple nous sommes voués [8] à la destruction, au pillage, à l’esclavage, nous et nos enfants, nos serviteurs et nos servantes. Mais je n’y ai point cru, parce que l’accusateur n’est pas digne du palais du roi.

5. Et le roi Qui donc est celui qui a osé faire cette chose ?

6. Et Esther dit : Notre ennemi c’est Aman, ce méchant homme. Or, Aman était plein de trouble à cause du roi et de la reine.

7. Et le roi se leva de table pour aller dans le jardin, et Aman implora la reine ; car il se voyait dans le malheur.

8. Et le roi rentra du jardin, et Aman était tombé sur le lit en suppliant la reine, et le roi s’écria : Va-t-il jusqu’à faire violence à ma femme dans mon palais ? A ces mots, Aman eut le visage bouleversé.

9. Et Bugathan, l’un des eunuques, dit au roi : Aman a préparé pour Mardochée, qui a jadis averti le roi, une potence de cinquante coudées ; elle est dressée dans sa maison. Et le roi dit : Qu’on l’y attache.

10. Et Aman fut pendu à la potence qu’il tenaît prête pour Mardochée, et la colère du roi s’apaisa [9].

CHAPITRE VIII

1. Et, en ce jour-là même, le roi Artaxerxès fit don à Esther de tout ce que possédait Aman l’accusateur ; et il appela Mardochée, car la reine lui avait dit leur parenté,

2. Et le roi prit l’anneau qu’il avait ôté à Aman et il le remit à Mardochée ; et la reine chargea celui-ci d’administrer les biens d’Aman.

3. Et, continuant de parler au roi, elle se jeta à ses pieds, et lui demanda de rendre nuls les mauvais desseins d’Aman, et ce qu’il avait fait contre les Juifs.

4. Et le roi étendit sur Esther sa verge d’or, et elle fut encouragée à se placer auprès de lui.

5. Et elle dit : S’il te plaît, si j’ai trouvé grâce, que l’on fasse révoquer les édits qu’a publiés Aman, ordonnant d’exterminer tous les Juifs qui sont en ton royaume.

6. Car, comment pourrais — je voir la ruine de mon peuple ? Comment pourrais-je survivre à la destruction de ma patrie ?

7. Et le roi dit à Esther : Puisque je t’ai donné tous les biens d’Aman, et que je t’en ai gratifié ; puisque je l’ai fait pendre lui — même pour avoir porté les mains sur les Juifs, que demandes-tu encore ?

8. Écrivez vous-mêmes en mon nom ce qu’il vous plaira, et scellez-le avec mon anneau ; car nul ne peut contredire ce qui est écrit par l’ordre du roi, et revêtu de son scel.

9. Les scribes furent donc convoqués le vingt-trois du premier mois, du mois de nisan, de la même année, et l’on écrivit ce qui était ordonné, concernant les Juifs, aux intendants et aux chefs des satrapes des cent vingt-sept provinces, depuis l’Inde jusqu’à l’Éthiopie, en la langue de chacune d’elles.

10. On écrivit au nom du roi, et on scella de son sceau les lettres, et on les expédia par des courriers.

11. Elles prescrivaient de permettre aux Juifs, en chaque ville, de vivre selon leur loi, de leur porter secours, et de mettre à leur merci leurs ennemis et ceux qui résisteraient,

12. Dans le royaume d’Artaxerxès, le treizième jour du douzième mois qui est adar.

13. Voici la copie de la lettre : Le grand roi Artaxerxès aux satrapes des cent vingt-sept provinces, de l’Inde à l’Éthiopie, aux gouverneurs des districts, et aux hommes dévoués à mon service, salut. Il arrive que plusieurs, après avoir été souvent honorés des bienfaits de la bonté, ambitionnent plus encore ; non-seulement ils cherchent à maltraiter nos sujets, mais, incapables de modérer leur orgueil, ils méditent de mauvais desseins contre leurs bienfaiteurs ; non-seulement ils veulent abolir la gratitude parmi les hommes, mais, exaltés par la vaine jactance de gens sans vertu, ils pensent se soustraire au jugement, fatal aux méchants, du Dieu qui voit toutes choses. Maintes fois la flatterie a rendu complices du crime de verser le sang innocent, et enveloppé de maux intolérables plusieurs de ceux qui sont investis de l’autorité, à qui est confié le maniement des affaires de leurs amis ; certains hommes ayant trompé, par le faux raisonnement de la malice, la bienveillance sincère des puissants. Cela se peut voir moins par les plus anciennes histoires, que nous nous transmettons, qu’en examinant, sous nos pieds, les choses accomplies d’une manière criminelle par la pestilence d’hommes indignement revêtus du pouvoir ; et il est de notre devoir, en vue de l’avenir, de préserver de trouble le royaume, et de donner la paix à tous les hommes, en usant de changements utiles, en jugeant, avec l’à-propos le plus équitable, les choses qui surviennent sous nos yeux. Aman, fils d’Amadathe, Macédonien en réalité, étranger au sang des Perses, bien éloigné de notre bonté naturelle, amicalement accueilli par nous, eut de notre amour, que nous portons à tous les hommes, une telle part que nous l’appelions notre père, que nous le faisions adorer par tous, et que nous lui avions donné la seconde place du royaume. Mais, il ne put maîtriser son orgueil, et il entreprit de nous ôter la vie et le pouvoir. D’abord, il nous demanda de perdre notre sauveur Mardochée, notre bienfaiteur en toute circonstance, et la reine Esther, notre irréprochable compagne, et tout leur peuple ; et il me surprit par un tissu d’accusations calomnieuses. Et il espérait par ses artifices dépeupler nos provinces, et faire passer aux Macédoniens l’empire des Perses. Ce triple scélérat nous avait donc trahis au point de nous décider à exterminer les Juifs, quand nous avons reconnu que, loin d’être portés à mal faire, ils obéissaient aux lois les plus justes, qu’ils étaient les fils du Dieu vivant, très-grand et très-haut, qui nous a dirigés nous et nos ancêtres pour mettre notre royaume en la situation la plus florissante. En conséquence, vous agirez bien en n’exécutant pas l’édit que vous a envoyé Aman, fils d’Amadathe ; car, pour ce qu’il a fait, il a été pendu avec toute sa famille devant les portes de Suse ; Dieu lui-même, le maître de toutes choses, l’a promptement rétribué selon son mérite. Que la présente copie de lettre soit affichée en tout lieu, assurant aux Juifs la liberté de suivre leurs lois et d’user de leurs richesses ; qu’au temps marqué pour leur affliction, le treize du douzième mois, du mois d’adar, ils puissent se défendre eux-mêmes contre ceux qui les attaqueraient. Car Dieu, maître de toutes choses, a changé en un jour de joie le jour où devait périr la race qu’il a choisie ; et vous-mêmes, vous le rangerez parmi vos fêtes solennelles, et vous le célèbrerez par des festins universels ; afin que, dès maintenant et à l’avenir, ce soit un jour de délivrance tant pour nous que pour les amis des Perses, et que, pour ceux qui conspirent contre nous, ce jour soit un mémorial de destruction. Toute ville ou province qui désobéira aux présentes prescriptions, ressentira ma colère, et périra par le fer et la flamme ; il ne suffira pas qu’elle devienne inaccessible aux hommes, les bêtes fauves et les oiseaux la haïront à jamais. Et que l’on affiche cette copie en des places apparentes dans tout le royaume, et que, le jour indiqué, les Juifs se tiennent prêts à combattre leurs ennemis.

14. Les courriers se hâtèrent de partir pour porter les ordres du roi, et l’édit fut affiché dans Suse.

15. Et Mardochée sortit, revêtu d’une robe royale, ayant une couronne d’or et un diadème pourpre du lin le plus fin ; et le peuple de Suse, l’ayant vu, se réjouit.

16. Et, pour les Juifs, il y eut lumière et allégresse

17. En toute ville et province où l’on afficha l’édit et où il fut proclamé, ils firent des réjouissances et se donnèrent des repas. Et, parmi les gentils, beaucoup se circoncirent et judaïsèrent par crainte des Juifs.

CHAPITRE IX

1. Le treize du douzième mois, du mois d’adar, l’édit du roi fut exécuté.

2. Ce jour-là, les ennemis des Juifs périrent, et nul ne se défendit à cause de la crainte qu’ils avaient d’eux. 3. Et les officiers des satrapes, et les rois, et les scribes royaux, honorèrent les Juifs ; car ils redoutaient Mardochée.

4. Et l’édit du roi en vint à être loué dans tout le royaume.

5. Et à Suse les Juifs tuèrent cinq cents hommes,

6. Pharsannès, et Delphon, et Phasgas,

7. Et Phardathas, et Barcas, et Sarbacas,

8. Et Marmarinas, et Ruphès, et Arsès, et Zabuthis.

9. Et ils enlevèrent les dix fils d’Aman, fils d’Amadathe le Bugéen, l’ennemi des Juifs, et ils pillèrent leurs maisons

10. Ce même jour-là. Et on remit au roi le dénombrement de ceux qui, à Suse, avaient péri.

11. Et le roi dit à Esther : Les Juifs ont tué cinq cents hommes à Suse ; combien penses-tu qu’ils en aient exterminé dans les provinces ? Que demandes-tu encore, que te faut-il ?

12. Et Esther répondit : Qu’il soit permis aux Juifs d’en user de même demain jusqu’à pendre les dix fils d’Aman. 13. Et le roi le voulut ainsi ; et les corps des fils d’Aman furent livrés aux Juifs de la ville pour être pendus.

14. Et les Juifs de Suse se réunirent le quatorze d’Adar, et ils tuèrent trois cents hommes, et ils ne prirent rien de leurs dépouilles.

15. Les autres Juifs du royaume se réunirent et se prêtèrent un mutuel secours, et ils se débarrassèrent de leurs ennemis ; car ils en tuèrent quinze mille, le treize d’adar, et ils ne prirent rien.

16. Et ils restèrent en repos le quatorze du même mois, car ils fêtèrent ce jour de repos par de grandes réjouissances.

17. Mais les Juifs de Suse ne cessèrent le massacre qu’à fin du quatorze ; et ils passèrent le quinze à se réjouir.

18. A cause de cela, les Juifs dispersés dans toutes les provinces ont coutume de fêter le quatorze d’adar, et chacun envoie des parts à son voisin.

19. Mardochée écrivit ces choses en un livre, et il envoya dire à tous les Juifs qui demeuraient dans le royaume dArtaxerxès, soit près, soit loin,

20. D’instituer ces jours comme des jours heureux, et de fêter le treize et le quatorze d’adar.

21. Car, en ces deux journées, les Juifs avaient été délivrés de leurs ennemis ; et le mois, qui est adar, durant lequel ils avaient passé du deuil à la joie, et des douleurs à un jour heureux, fut consacré tout entier aux jours heureux des noces et des réjouissances ; et chacun envoya des parts à ses amis et aux indigents.

22. Et les Juifs se sont conformés depuis à ce qu’avait écrit Mardochée, leur faisant savoir :

23. Comme Aman, fils d’Amadathe le Macédonien, était devenu leur ennemi ; comme il avait fait un édit, et agité les sorts pour les exterminer ;

24. Comme il était entré chez le roi, lui disant de faire pendre Mardochée ; et comment tous les maux qu’il avait essayé de faire tomber sur les Juifs étaient tombés sur luimême, qui avait été pendu ainsi que ses fils.

25. À cause de cela, ces jours furent appelés Phrurées, à cause des sorts (car, dans leur dialecte, les sorts se traduisent par Phrurées) ; à cause des paroles de ce livre de Mardochée, et à cause de ce qu’ils avaient souffert à ce sujet et de ce qui leur était advenu.

27. Et il régla les choses ainsi. Et les Juifs adoptèrent l’usage de ces fêtes pour eux et pour leur race, et pour ceux qui se joignirent à eux pour les observer, et ils ne feront jamais autrement ; et ces jours sont un mémorial gardé de générations en générations en chaque ville, chaque famille, chaque province. 28. Et ces jours des Phrurées, disent-ils, seront gardés en tout temps, et le mémorial ne manquera à aucune génération.

29. Et la reine Esther, fille d’Aminadab, et le Juif Mardochée, écrivirent tout ce qu’ils avaient fait pour confirmer la lettre concernant les Phrurées.

30. Et Mardochée et la reine Esther instituèrent pour eux-mêmes et les leurs, ces choses ; et, en ce temps, ils établirent de leur propre autorité cette loi concernant leur délivrance.

32. Et Esther fit cela par un commandement pour toujours, et elle l’écrivit en un mémoire [10].

CHAPITRE X

1. Et le roi écrivit ce qui concernait l’empire de la terre et de la mer ;

2. Et sa puissance, et sa valeur, et ses richesses, et sa gloire, sont décrites dans le livre des rois des Perses et des Mèdes, comme un mémorial.

3. Et Mardochée fut le lieutenant du roi Artaxerxès, et il fut grand dans le royaume, et il fut glorifié par les Juifs ; et, aimé de tous, il exposa la suite de l’événement à tout son peuple.

4. Et Mardochée dit : Tout cela vient de Dieu ;

5. Car je me souviens de la vision que j’ai eue au sujet de ces événements, et rien de ce qu’elle annonçait n’a manqué d’advenir.

6. La petite fontaine qui devint fleuve et qui fut lumière, soleil et onde abondante : c’est Esther, c’est elle qui est le fleuve ; le roi l’a épousée et il l’a couronnée reine.

7. Les deux dragons, c’est moi et Aman.

8. Les nations, c’est la foule qui s’assembla pour effacer le nom des Juifs.

9. Et notre nation, c’est Israël qui invoqua Dieu et fut sauvé. Et le Seigneur a protégé son peuple, et il nous a délivrés de tous ces maux, et il a fait éclater des prodiges, et il a montré des signes, ce qui n’est jamais arrivé chez les nations.

10. A cause de cela, il a fait deux sorts : l’un pour son peuple, l’autre pour les autres nations.

11. Et les deux sorts ont comparu devant Dieu au moment et à l’heure, le jour où il devait juger toutes les nations.

12. Et Dieu s’est souvenu de son peuple, et il a vengé son héritage.

13. Et les jours d’adar, le treize et le quatorze, seront célébrés devant Dieu par tout le peuple à jamais, par des réjouissances et des fêtes, en tout Israël.

CHAPITRE XI

1. La quatrième année du règne de Ptolémée et de Cléopâtré, Dosithée, qui dit être prêtre et lévite, accompagné de Ptolémée, son fils, apporta cette lettre sur les Phruréés ; et, tous les deux, déclarèrent qu’elle avait été traduite à Jérusalem par Lysimaque, fils de Ptolémée [11].


FIN DU TOME DEUXIÈME.
  1. Grec, Astin.
  2. Chefs des villages, sorte de baillis.
  3. Sa part des choses que l’on donnait aux femmes pour leur entre
  4. Ils ont juré par leurs dieux.
  5. Aux faux dieux.
  6. Pour être en sûreté dans les honneurs, le chrétien fidèle doit éteindre tout vain contentement et ne se réjouir qu’en Dieu.
  7. Comme Esther, Marie fut exempte de la loi commune du péché, et son intercession nous sauve de la mort éternelle. Ainsi les Pères.
  8. Grec, vendus.
  9. C’est ainsi que la méchanceté des ennemis de Dieu et de son Église retombe sur eux-mêmes.
  10. On croit que ce mémoire et celui de Mardochée (vers. 25) sont le livre sacré lui-même, ou du moins ont servi de base à sa rédaction.
  11. Ce chapitre est une noté ajoutée au livre lorsqu’il fut traduit en grec, pour servir aux Juifs réfugiés en Égypte. Elle confirme l’opinion d’après laquelle ce livre est le mémoire même d’Esther et de Mardochée.