Traduction en vers françois de « la Thébaïde » de Stace

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Traduction en vers françois de « la Thébaïde » de Stace
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 245-246).

LXXVIII

Traduction en vers françois de la Thébaïde de Stace.

Plusieurs témoignages pourraient faire croire que cet ouvrage n’a jamais paru ; en effet, on lit dans le Mercure galant d’octobre 1684, qui contient une notice nécrologique sur Corneille : « On a trouvé dans son cabinet quelques ouvrages qu’on donnera au public. Ce recueil sera composé des deux premiers livres de Stace qu’il a mis en vers, et de plusieurs pièces sur divers sujets. » L’abbé Bordelon ne se prononce pas d’une façon moins explicite à ce sujet dans ses Diversités curieuses (neuvième partie, p. 447) : « Il a aussi, dit-il, traduit quelques livres de la Thébaïde de Stace en vers françois, mais ils n’ont point encore été imprimés. » Malgré des assertions si formelles, la publication de cet ouvrage ne saurait être considérée comme un fait douteux. À l’affirmation de Fontenelle, qui dit positivement que Corneille « a traduit en vers et publié les deux premiers livres de la Thébaïde[1], » se joignent d’autres preuves, qui nous permettent en outre de fixer la date de l’impression. Elle se place entre la fin de 1670 et le mois d’avril 1672. Nous avons vu[2] que le privilège de Tite et Bérénice, daté du « dernier jour de decembre l’an de grace mil six cens soixante-dix, » était commun à cette tragédie et à la « traduction en vers françois de la Thébaïde de Stace ; » Corneille cède son droit au libraire « pour la Comédie de Tite et Bérénice seulement. » Les Observations de Monsieur Ménage sur la langue françoise, dont l’Achevé d’imprimer est du « 7 Avril 1672, » contiennent, non dans le corps de l’ouvrage, mais à la fin, dans les « Additions et changemens, » les trois seuls vers qui nous soient restés de ce poëme, dont nous n’avons ainsi, comme pour certains ouvrages de l’antiquité, que deux courts fragments conservés par un grammairien[3]. La place qu’ont ces citations à l’extrémité du volume, parmi les Additions et changemens, nous porte à croire, comme nous l’avons dit dans l’Avertissement de notre tome I (p. xiii), que la traduction de Corneille ne parut que vers la fin de l’impression des Observations de Ménage.

L’abbé Granet, qui a fait tous ses efforts pour retrouver cette traduction, a eu recours à un moyen qui aurait dû, à ce qu’il semble, être couronné de succès : « M. Ménage, dit-il vers la fin de la préface des Œuvres diverses, ayant donné sa bibliothèque aux RR. PP. Jésuites de la maison professe de Paris, je crus qu’on pourroit trouver cet ouvrage parmi ses livres. Je me suis adressé au R. P. Tournemine, dont la politesse égale la délicatesse d’esprit et le profond savoir. Il s’est donné la peine de faire des recherches, mais elles ont été inutiles. » Il en a été de même de toutes celles qui ont été entreprises plus tard[4]. Fontenelle nous parle également des vains efforts qu’on faisait pour découvrir cette traduction des deux premiers livres de la Thébaïde. « Ils ont échappé, dit-il[5], à toutes les recherches qu’on a faites depuis quelque temps pour en retrouver quelque exemplaire. »


Dont autrefois le Sphinx, ce monstrueux oiseau,
Avoit pour son repaire envahi le coupeau[6].

(M. Corneille, dans sa Thébaïde, livre II, p. 65.)

Où qu’il jette la vue, il voit briller des armes[7].

(Thébaïde, p. 68.)


  1. Œuvres de M. de Fontenelle, 1742, tome III, p. 124.
  2. Tome VII, p. 194.
  3. Le premier passage se trouve à la page 462, le second à la page 465 des Observations : l’un est cité à propos de la locution où que ; l’autre pour le genre du mot sphinx. On voit que Ménage indique le chiffre des pages du poëme de Corneille, ce qui prouve qu’il avait sous les yeux un exemplaire imprimé ; car, sans cela, il eût évidemment averti qu’il tirait ses citations d’un manuscrit.
  4. Voyez tome I, Avertissement, p. xiii et xiv.
  5. Œuvres de M. Fontenelle, 1742, tome III, p. 124.
  6. Le coupeau, le sommet. — Ces deux vers faisaient partie de la version de ce passage de la Thébaïde (vers 555-557) :
    Petit (Tydeus) ardua diræ ?
    Sphingos, et abscisis infringens cautibus uncas
    Exsuperat juga dira manus.
  7. Ce vers, qui, d’après l’indication de Ménage, se lisait trois pages plus loin que le précédent, ne répond exactement, dans la suite du livre II, à aucun endroit de Stace ; mais il pouvait avoir sa place dans le passage qui précédait l’érection du trophée de Tydée (voyez vers 707 et suivants). N’était la page marquée par Ménage, on pourrait supposer que c’était un fragment de la traduction de cette phrase (qui est aux vers 550 et suivants) :

    Quos ubi plures
    Quam ratus innumeris videt excursare latebris,
    ........totumque sub armis
    Collucere iter…