Traité élémentaire de la peinture/071

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 58-59).


CHAPITRE LXXI.

Comment on doit représenter la grandeur des objets que l’on peint.

Pour représenter la juste grandeur des choses qui servent d’objet à l’œil, si le dessin est petit, comme sont ordinairement les ouvrages de miniature, il faut que les premières figures qui sont sur le devant soient aussi finies que celles des grands tableaux, parce que les ouvrages de miniature étant petits, ils doivent être vus de près, et les grands tableaux doivent être vus de plus loin : d’où il arrive que les figures qui sont si différentes en grandeur, paroîtront néanmoins de même grandeur. La raison qu’on en apporte ordinairement se prend de la grandeur de l’angle sous lequel l’œil voit ces figures, et on expose ainsi cette raison. Que le tableau soit B C et l’œil A, et que D E soit un verre par lequel passe l’image des figures qui sont représentées en B C. Je dis que l’œil A demeurant ferme, la grandeur de la copie, ou de la peinture du tableau B C qui se fait sur le verre D E, doit être d’autant plus petite, que le verre D E sera plus proche de l’œil A, et qu’elle doit être aussi finie que le tableau même, parce qu’elle doit représenter parfaitement la distance dans laquelle est le tableau ; et si l’on veut faire le tableau B C sur D E, cette figure ne doit pas être si achevée, ni si déterminée que la figure B C, et elle doit l’être davantage que la figure M N, transportée sur le tableau F G, parce que si la figure P O étoit aussi


achevée que la figure B C, la perspective de O P se trouveroit fausse ; car quoiqu’eu égard à la diminution de la figure, elle fût bien, BC étant diminué ou raccourci à la grandeur de P O, néanmoins elle seroit trop finie, ce qui ne s’accorderoit pas bien avec la distance, parce qu’en voulant représenter la figure BC très-finie, alors elle ne paroîtroit plus être en B C, mais en P O ou on F G.