Traité élémentaire de la peinture/257

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 208-209).


CHAPITRE CCLVII.

Des mouvemens qu’on fait en riant et en pleurant, et de leur différence.

Entre celui qui rit et celui qui pleure, il n’y a guère de différence aux yeux, à la bouche, ni aux joues ; mais il y en a dans l’enflure et la roideur des sourcils, qui se joignent dans celui qui pleure, et qui sont plus hauts et plus étendus dans celui qui rit. On peut faire encore que celui qui pleure déchire ses habits, et fasse d’autres actions semblables ou différentes, selon les divers sujets de son affliction ; parce que quelqu’un pourroit pleurer de colère, un autre d’appréhension ; l’un de tendresse et de joie, l’autre par soupçon ; quelqu’un de douleur et par le sentiment de quelque mal, un autre par compassion et de regret d’avoir perdu ses parens ou ses amis : les expressions de douleur, de tristesse, de chagrin, sont fort différentes quand on pleure ; ainsi, faites que l’un paroisse entièrement désespéré, que l’autre montre plus de modération, qu’un autre se contente de pleurer et de verser des larmes, tandis qu’un autre fait des cris ; que quelques-uns lèvent les yeux vers le ciel, ayant les bras pendans avec les mains jointes et les doigts entrelacés, et que d’autres pleins d’appréhension haussent les épaules jusqu’aux oreilles : c’est ainsi qu’il faut varier l’expression de la même passion, suivant les différens sujets que vous avez à traiter. Celui qui verse des larmes hausse les sourcils vers leur jointure, et les approche l’un de l’autre, et forme des rides sur les côtés et au milieu de la bouche en bas ; mais celui qui rit, a les côtés de la bouche élevés, et les sourcils droits et bien étendus.