Traité élémentaire de la peinture/358

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 304-306).


CHAPITRE CCCLVIII.

Des draperies qui couvrent les figures, et de la manière de jeter les plis.

Les draperies dont les figures sont habillées, doivent être tellement accommodées dans leurs plis, autour des membres qu’elles couvrent, qu’on ne voie point de plis avec des ombres fort obscures dans les parties de ces draperies qui sont éclairées du plus grand jour, et que dans les lieux qui sont couverts d’ombre, il ne s’y rencontre point aussi de plis qui prennent une lumière trop vive, et que les contours et la manière des plis suivent et représentent en quelques endroits la forme du membre qu’ils couvrent : prenez bien garde aussi de ne point faire de ces faux contours trop rompus, qui détruisent la forme du membre, en pénétrant dans le vif par des ombres trop cochées et plus profondes que ne peut être la superficie du corps qu’elles couvrent ; mais qu’en effet la draperie soit accommodée et jetée de telle sorte, qu’elle ne paroisse pas un habillement sans corps ; c’est-à-dire, un amas d’étoffes, ou des habits dépouillés et sans soutien, comme on le voit faire à plusieurs Peintres, qui se plaisent tant à entasser une grande quantité de plis, qui embarrassent leurs figures, sans penser à l’usage pour lequel ces étoffes ont été faites, qui est d’habiller et de couvrir avec grace les parties du corps sur lesquelles elles sont, et non pas de l’en charger et de l’en accabler, comme si ce corps n’étoit qu’un ventre, ou que tous ses membres fussent autant de vessies enflées sur les parties qui ont du relief. Je ne veux pas dire néanmoins que l’on doive négliger de faire quelques beaux plis sur les draperies ; mais il faut qu’ils soient placés et accommodés judicieusement aux endroits de la figure, où les membres, par la position ou par l’action qu’ils font entre eux, ou par l’attitude de tout le corps, ramassent cette draperie ; et sur-tout qu’on prenne garde dans les histoires et dans les compositions de plusieurs figures, d’y apporter de la variété aux draperies, comme si l’on fait en quelques-uns de gros plis à la manière des draps de laine fort épais, qu’on en fasse aussi en quelques autres de plus serrés et de plus menus, comme sont ceux d’une étoffe fine de soie, avec des contours, les uns plus droits et plus tranchés, les autres plus doux et plus tendres.