Traité de Versailles 1919/15

La bibliothèque libre.
Librairie Militaire Berger-Levrault (p. 227-233).


PARTIE XV

CLAUSES DIVERSES



Art. 434. — L’Allemagne s’engage à reconnaître la pleine valeur des traités de paix et conventions additionnelles qui seront conclus par les puissances alliées et associées, avec les puissances ayant combattu aux côtés de l’Allemagne, à agréer les dispositions qui seront prises concernant les territoires de l’ancienne monarchie d’Autriche-Hongrie, du royaume de Bulgarie et de l’Empire ottoman, et à reconnaître les nouveaux États dans les frontières qui leur sont ainsi fixées.


Art. 435. — Les hautes parties contractantes, tout en reconnaissant les garanties stipulées en faveur de la Suisse par les traités de 1815, et notamment l’acte du 20 novembre 1815, garanties qui constituent des engagements internationaux pour le maintien de la paix, constatent cependant que les stipulations de ces traités et conventions, déclarations et autres actes complémentaires relatifs à la zone neutralisée de Savoie, telle qu’elle est déterminée par l’alinéa 1 de l’article 92 de l’acte final du Congrès de Vienne et par l’alinéa 2 de l’article 3 du traité de Paris du 20 novembre 1815, ne correspondent plus aux circonstances actuelles. En conséquence, les hautes parties contractantes prennent acte de l’accord intervenu entre le Gouvernement français et le Gouvernement suisse pour l’abrogation des stipulations relatives à cette zone, qui sont et demeurent abrogées.

Les hautes parties contractantes reconnaissent de même que les stipulations des traités de 1815 et des autres actes complémentaires relatifs aux zones franches de la Haute-Savoie et du pays de Gex, ne correspondent plus aux circonstances actuelles et qu’il appartient à la France et à la Suisse de régler entre elles, d’un commun accord, le régime de ces territoires, dans les conditions jugées opportunes par les deux pays.


ANNEXE


I

Le Conseil fédéral suisse a fait connaître au Gouvernement français, à la date du 5 mai 1919, qu’après avoir examiné la disposition de l’article 435 dans un même esprit de sincère amitié, il a été assez heureux pour arriver à la conclusion qu’il lui était possible d’y acquiescer sous les considérations et réserves suivantes :

1° Zone neutralisée de la Haute-Savoie :

a) Il sera entendu qu’aussi longtemps que les Chambres fédérales n’auront pas ratifié l’accord intervenu entre les deux Gouvernements concernant l’abrogation des stipulations relatives à la zone de neutralité de Savoie, il n’y aura rien de définitif de part ni d’autre à ce sujet ;

b) L’assentiment donné par le Gouvernement suisse à l’abrogation des stipulations susmentionnées présuppose, conformément au texte adopté, la reconnaissance des garanties formulées en faveur de la Suisse par les traités de 1815 et notamment par la déclaration du 20 novembre 1815 ;

c) L’accord entre les Gouvernements français et suisse pour l’abrogation des stipulations susmentionnées, ne sera considéré comme valable que si le traité de paix contient l’article tel qu’il a été rédigé. En outre, les parties contractantes du traité de paix devront chercher à obtenir le consentement des puissances signataires des traités de 1815 et de la déclaration du 20 novembre 1815, qui ne sont pas signataires du traité de paix actuel.

2° Zone franche de la Haute-Savoie et du pays de Gex :

a) Le Conseil fédéral déclare faire les réserves les plus expresses en ce qui concerne l’interprétation à donner à la déclaration mentionnée au dernier alinéa de l’article ci-dessus à insérer dans le traité de paix, où il est dit que « les stipulations des traités de 1815 et des autres actes complémentaires relatifs aux zones franches de la Haute-Savoie et du pays de Gex ne correspondent plus aux circonstances actuelles ». Le Conseil fédéral ne voudrait pas, en effet, que de son adhésion à cette rédaction il pût être conclu qu’il se rallierait à la suppression d’une institution ayant pour but de placer des contrées voisines au bénéfice d’un régime spécial approprié à leur situation géographique et économique et qui a fait ses preuves.

Dans la pensée du Conseil fédéral, il s’agirait non pas de modifier la structure douanière des zones, telle qu’elle a été instituée par les traités susmentionnés, mais uniquement de régler d’une façon mieux appropriée aux conditions économiques actuelles les modalités des échanges entre les régions intéressées. Les observations qui précèdent ont été inspirées au Conseil fédéral par la lecture du projet de convention relatif à la constitution future des zones, qui se trouvait annexé à la note du Gouvernement français datée du 26 avril. Tout en faisant les réserves susmentionnées, le Conseil fédéral se déclare prêt à examiner dans l’esprit le plus amical toutes les propositions que le Gouvernement français jugera à propos de lui faire à ce sujet.

b) Il est admis que les stipulations des traités de 1815 et autres actes complémentaires concernant les zones franches resteront en vigueur jusqu’au moment où un nouvel arrangement sera intervenu entre la Suisse et la France pour régler le régime de ces territoires.


II

Le Gouvernement français a adressé au Gouvernement suisse, le 18 mai 1919, la note ci-après en réponse à la communication rapportée au paragraphe précédent :

Par une note en date du 5 mai dernier, la Légation de Suisse à Paris a bien voulu faire connaître au Gouvernement de la République Française l’adhésion du Gouvernement fédéral au projet d’article à insérer dans le traité de paix entre les Gouvernements alliés et associés, d’une part, et l’Allemagne d’autre part.

Le Gouvernement français a pris très volontiers acte de l’accord ainsi intervenu, et, sur sa demande, le projet d’article en question, accepté par les Gouvernements alliés et associés, a été inséré sous le no 435 dans les conditions de paix présentées aux plénipotentiaires allemands.

Le Gouvernement suisse a formulé, dans sa note du 5 mai sur cette question, diverses considérations et réserves.

En ce qui concerne celles de ces observations qui sont relatives aux zones franches de la Haute-Savoie et du pays de Gex, le Gouvernement français a l’honneur de faire remarquer que la stipulation qui fait l’objet du dernier alinéa de l’article 435 est d’une telle clarté qu’aucun doute ne saurait être émis sur sa portée, spécialement en ce qui concerne le désintéressement qu’elle implique désormais à l’égard de cette question de la part des puissances autres que la France et la Suisse.

En ce qui le concerne, le Gouvernement de la République, soucieux de veiller sur les intérêts des territoires français dont il s’agit et s’inspirant à cet égard de leur situation particulière, ne perd pas de vue l’utilité de leur assurer un régime douanier approprié, et de régler d’une façon répondant mieux aux circonstances actuelles les modalités des échanges entre ces territoires et les territoires suisses voisins, en tenant compte des Intérêts réciproques.

Il va de soi que cela ne saurait en rien porter atteinte au droit de la France d’établir dans cette région sa ligne douanière à sa frontière politique, ainsi qu’il est fait sur les autres parties de ses limites territoriales et ainsi que la Suisse l’a fait elle-même depuis longtemps sur ses propres limites dans cette région.

Le Gouvernement de la République prend très volontiers acte à ce propos des dispositions amicales dans lesquelles le Gouvernement suisse se déclare prêt à examiner toutes les propositions françaises faites en vue de l’arrangement à substituer au régime actuel desdites zones franches, et que le Gouvernement français entend formuler dans le même esprit amical.

D’autre part, le Gouvernement de la République ne doute pas que le maintien provisoire du régime de 1815, relatif aux zones franches, visé par cet alinéa de la note de la Légation de Suisse du 5 mai, et qui a évidemment pour motif de ménager le passage du régime actuel au régime conventionnel, ne constituera en aucune façon une cause de retard à l’établissement du nouvel état de choses reconnu nécessaire par les deux Gouvernements. La même observation s’applique à la ratification par les Chambres fédérales prévue à l’alinéa a du primo de la note suisse du 5 mai, sous la rubrique « zone neutralisée de la Haute-Savoie ».


Art. 436. — Les hautes parties contractantes reconnaissent avoir pris connaissance et donner acte du traité signé par le Gouvernement de la République Française le 17 juillet 1918 avec S. A. S. le prince de Monaco, et définissant les rapports de la France et de la principauté.


Art. 437. — Les hautes parties contractantes conviennent qu’en l’absence de stipulations ultérieures contraires le président de toute commission établie par le présent traité aura droit, en cas de partage des voix, à émettre un second vote.


Art. 438. — Les puissances alliées et associées conviennent que, lorsque des missions religieuses chrétiennes étaient entretenues par des sociétés ou par des personnes allemandes sur des territoires leur appartenant ou confiés à leur gouvernement en conformité du présent traité, les propriétés de ces missions ou sociétés de missions, y compris les propriétés des sociétés de commerce dont les profits sont affectés à l’entretien des missions, devront continuer à recevoir une affectation de mission. À l’effet d’assurer la bonne exécution de cet engagement, les Gouvernements alliés et associés remettront lesdites propriétés à des conseils d’administration, nommés ou approuvés par les Gouvernements et composés de personnes ayant les Croyances religieuses de la mission dont la propriété est en question.

Les Gouvernements alliés et associés, en continuant d’exercer plein contrôle en ce qui concerne les personnes par lesquelles ces missions sont dirigées, sauvegarderont les intérêts de ces missions.

L’Allemagne, donnant acte des engagements qui précèdent, déclare agréer tous arrangements passés ou à passer par les Gouvernements alliés et associés intéressés pour l’accomplissement de l’œuvre desdites missions ou sociétés de commerce et se désiste de toutes réclamations à leur égard.


Art. 439. — Sous réserve des dispositions du présent traité, l’Allemagne s’engage à ne présenter, directement ou indirectement, contre aucune des puissances alliées et associées signataires du présent traité, y compris celles qui, sans avoir déclaré la guerre, ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Empire allemand, aucune réclamation pécuniaire, pour aucun fait antérieur à la mise en vigueur du présent traité.

La présente stipulation vaudra désistement complet et définitif de toutes réclamations de cette nature, désormais éteintes, quels qu’en soient les intéressés.


Art. 440. — L’Allemagne accepte et reconnaît comme valables et obligatoires toutes décisions et tous ordres concernant les navires allemands et les marchandises allemandes, ainsi que toutes décisions et ordres relatifs au paiement des frais et rendus par l’une quelconque des juridictions de prises des puissances alliées et associées et s’engage à ne présenter au nom de ses nationaux aucune réclamation relativement à ces décisions ou ordres.

Les puissances alliées et associées se réservent le droit d’examiner, dans telles conditions qu’elles détermineront, les décisions et ordres des juridictions allemandes en matière de prises, que ces décisions et ordres affectent les droits de propriété des ressortissants desdites puissances ou ceux des ressortissants neutres. L’Allemagne s’engage à fournir des copies de tous les documents constituant le dossier des affaires, y compris les décisions et ordres rendus, ainsi qu’à accepter et exécuter les recommandations présentées après ledit examen des affaires.


Le présent traité, dont les textes français et anglais feront foi, sera ratifié.


Le dépôt des ratifications sera effectué à Paris, le plus tôt qu’il sera possible.


Les puissances dont le gouvernement a son siège hors d’Europe auront la faculté de se borner à faire connaître au Gouvernement de la République Française, par leur représentant diplomatique à Paris, que leur ratification a été donnée et, dans ce cas, elles devront en transmettre l’instrument aussitôt que faire se pourra.

Un premier procès-verbal de dépôt des ratifications sera dressé dès que le traité aura été ratifié par l’Allemagne, d’une part, et par trois des principales puissances alliées et associées, d’autre part.

Dès la date de ce premier procès-verbal, le traité entrera en vigueur entre les hautes parties contractantes qui l’auront ainsi ratifié. Pour le calcul de tous délais prévus par le présent traité, cette date sera la date de mise en vigueur.


À tous autres égards, le traité entrera en vigueur, pour chaque puissance, à la date du dépôt de sa ratification.

Le Gouvernement français remettra à toutes les puissances signataires une copie certifiée conforme des procès-verbaux de dépôt de ratifications.

En foi de quoi, les plénipotentiaires susnommés ont signé le présent traité.

Fait à Versailles, le vingt-huit juin mil neuf cent dix-neuf en un seul exemplaire qui restera déposé dans les archives du Gouvernement de la République Française et dont les expéditions authentiques seront remises à chacune des puissances signataires.


Le 28 juin, au milieu d’une affluence considérable et recueillie, a lieu la signature du traité de paix dont nous venons de donner le texte.

La cérémonie fut courte quoique impressionnante.

M. de Brockdorff-Rantzau ayant remis ses pouvoirs dans l’intervalle de la remise du traité de paix et de sa signature, ce sont M. Hermann Muller, comme chef de la délégation allemande, et M. Bell, qui, accrédités par le Gouvernement allemand, viennent consacrer par leur signature, le traité définitif.

Aussitôt assis, M. Georges Clemenceau déclare la séance ouverte et prononce la courte allocution suivante :

« Sur les conditions du traité de paix entre les puissances alliées et associées et l’Empire allemand, l’accord a été fait. Le texte est rédigé ; le président de la Conférence a certifié par écrit que le texte qui allait être signé était conforme au texte des deux cents exemplaires qui ont été remis à MM. les délégués allemands.

« Les signatures vont être données, qui vaudront un engagement irrévocable d’accomplir, d’exécuter loyalement et fidèlement, dans leur intégralité, toutes les conditions qui ont été fixées.

« J’ai donc l’honneur d’inviter MM. les plénipotentiaires allemands à vouloir bien venir apposer leur signature sur le traité qui est devant moi ».

M. Muller signe alors le premier, puis M. Bell ; à leur tour et dans l’ordre suivant, MM. Wilson, Lloyd George et ses collègues de la délégation anglaise viennent apposer leurs signatures.

Puis c’est le tour de M. Clemenceau accompagné de MM. Pichon, Klotz, André Tardieu et Jules Cambon.

Viennent alors la délégation italienne, la délégation japonaise qui clôt la formalité de la signature par les grandes puissances.

Il est exactement 3 h 50 quand est donnée par le représentant de l’Uruguay la dernière signature, apposée par les représentants des autres nations alliées.

M. Clemenceau se lève alors et prononce les paroles suivantes :

« Messieurs, toutes les signatures sont données.

« La signature des conditions de paix entre les puissances alliées et l’Empire allemand est un fait accompli.

« La séance est levée. »

Le présent traité a été ratifié par l’Assemblée de Weimar le 9 juillet 1919

(Extrait du Journal le Figaro, du 29 juin 1919.)