Traité de la lumière/Chapitre VI

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Gauthier-Villars (p. 126-153).

CHAPITRE VI

DES FIGURES DES CORPS DIAPHANES QUI SERVENT
À LA RÉFRACTION ET À LA RÉFLEXION


Après avoir expliqué comment les propriétés de la réflexion et de la réfraction s’ensuivent de ce que nous avons posé touchant la nature de la lumière, et des corps opaques, et diaphanes, je ferai voir ici une manière fort aisée et naturelle, pour déduire, des mêmes principes, les véritables figures qui servent, ou par réflexion, ou par réfraction, à assembler, ou à disperser les rayons de lumière, selon que l’on désire. Car encore que je ne voie pas qu’il y ait moyen de se servir de ces figures en ce qui est de la réfraction — tant à cause de la difficulté de former selon elles les verres de lunette dans la justesse requise, que parce qu’il y a dans la réfraction même une propriété qui empêche le parfait concours des rayons, comme M. Newton a fort bien prouvé par les expériences — je ne laisserai pas d’en rapporter l’invention, puisqu’elle s’offre, pour ainsi dire, d’elle-même, et qu’elle confirme encore notre Théorie de la réfraction, par la convenance qui se trouve ici entre le rayon rompu, et réfléchi. Outre qu’il se peut faire qu’on y découvre à l’avenir des utilités que l’on ne voit pas présentement.

Pour venir donc à ces figures, posons premièrement que l’on veuille trouver une surface C D E, qui assemble les rayons venant d’un point A à un autre point B, et que le sommet de la surface soit le point D, donné dans la droite A B (Fig. 56 et 57). Je dis que, soit par réflexion, ou par réfraction, il faut seulement faire cette surface telle, que le chemin de Figure 56 : Focalisation de rayons lumineux par un miroir elliptique.
Fig. 56.
la lumière, depuis le point A jusqu’à tous les points de la ligne courbe C D E, et de ceux-ci au point du concours — comme est ici le chemin par les droites A C, C B, par A L, L B, et par A D, D B — se fasse partout dans des temps égaux, par où l’invention de ces courbes devient fort aisée.

Car pour ce qui est de la surface réfléchissante (Fig. 56), puisque la somme des lignes A C, C B, doit être égale à celle des A D, D B, il paraît que D C E doit être une ellipse ; et pour la réfraction (Fig. 57), ayant supposé la proportion des vitesses des ondes de lumière, dans les diaphanes A et B, connue, par ex., de 3 à 2 (qui est la même, comme nous avons montré, que la proportion des sinus dans la réfraction), il faut seulement mettre D H égale aux 3/2 de D B, et ayant après cela décrit du centre A quelque arc F C, qui coupe D B en F, en faire un autre du centre B, avec le demi-diamètre B X égal à 2/3 de F H, et l’intersection C des deux arcs sera un des points requis, par où la courbe doit passer. Car ce point étant trouvé de la sorte, il est aisé premièrement de faire voir que le temps par A C, C B, sera égal au temps par A D, D B (Fig. 57).

Figure 57 : Stigmatisme parfait des ovales de Descartes.
Fig. 57.

Car prenant que la ligne A D représente le temps qu’emploie la lumière à passer cette même A D dans l’air, il est évident que D H, égal à 3/2 de D B, représentera le temps de la lumière par D B dans le diaphane, parce qu’il lui faut ici d’autant plus de temps, que son mouvement est plus lent. Partant toute la A H sera le temps par A D, D B. De même la ligne A C, ou A F, représentera le temps par A C ; et F H étant par la construction égal à 3/2 de C B, elle représentera le temps par C B dans le diaphane, et par conséquent toute la A H sera aussi le temps par A C, C B. D’où il parait que le temps par A C, C B, est égal au temps par A D, D B. Et l’on fera voir de même, si L et K sont d’autres points dans la courbe C D E, que les temps par A L, L B, et par A K, K B, sont toujours représentés par la ligne A H, et partant égaux au dit temps par A D, D B.

Pour démontrer ensuite que les surfaces, que ces courbes feront par leur circonvolution, dirigeront tous les rayons qui viennent sur elles du point A, en sorte qu’ils tendent vers B, soit supposé le point K dans la courbe (Fig. 58 et 59), plus loin de D que n’est C, mais en sorte que la droite A K tombe sur la courbe, qui sert à la réfraction (Fig. 59), en dehors ; et du centre B soit décrit l’arc K S, coupant B D en S, et la droite C B en R ; et du centre A l’arc D N, rencontrant A K en N.

Figure 58 : Focalisation de rayons lumineux par un miroir elliptique.
Fig. 58.

Puisque les sommes des temps par A K, K B, et par A C, C B, sont égales, si de la première somme l’on ôte le temps par K B, et de l’autre le temps par R B, il restera le temps par A K égal aux temps par ces deux, A C, C R. Partant dans le temps que la lumière est venue par A K, elle sera aussi venue par A C, et de plus il se sera fait une onde sphérique particulière dans le diaphane, du centre C, et dont le demi-diamètre sera égal à C R, laquelle onde touchera nécessairement la circonférence K S en R, puisque C B coupe cette circonférence à angles droits. De même ayant pris quelqu’autre point L dans la courbe (Fig. 58 et 59), l’on montrera que dans le même temps du passage de la lumière sur A K, elle sera aussi venue par A L, et que de plus il se sera fait une onde particulière du centre L, qui touchera la même circonférence K S. Et ainsi de tous les autres points de la courbe C D E. Donc, au moment que la lumière sera arrivée en K, l’arc K R S terminera le mouvement qui s’est répandu de A sur Figure 59 : Stigmatisme parfait des ovales de Descartes.
Fig. 59.
D C K. Et ainsi ce même arc sera, dans le diaphane, la propagation de l’onde émanée du point A, laquelle onde on se peut représenter par l’arc D N, ou par quelqu’autre plus près du centre A. Mais tous les endroits de l’arc K R S sont ensuite étendus suivant des droites qui lui sont perpendiculaires, c’est-à-dire qui tendent au centre B (car cela démontre, de même que nous avons prouvé ci-dessus, que les endroits des ondes sphériques s’étendent suivant des droites qui viennent de leur centre), et ces progrès des endroits des ondes sont les rayons mêmes de lumière. Il paraît donc que tous ces rayons tendent ici au point B.

On pourrait aussi trouver le point C et tous les autres, dans cette courbe qui sert à la réfraction, en divisant D A en G (Fig. 59) en sorte que D G soit 2/3 de D A, et décrivant du centre B quelqu’arc C X qui coupe B D en X, et un autre du centre A avec le demi-diamètre A F égal à 3/2 de G X ; ou bien ayant décrit, comme auparavant, l’arc C X, il ne fallait que faire D F égal à 3/2 de D X, et du centre A tracer l’arc F C, car ces deux constructions, comme l’on peut facilement connaître, reviennent à la première qu’on a vue ci-devant. Et il est encore manifeste par la dernière, que cette courbe est la même que celle que M. Descartes a donnée dans sa Géométrie, et qu’il nomme la première de ses Ovales.

Il n’y a qu’une partie de cette ovale qui sert à la réfraction, savoir si A K est supposée la tangente, ce sera la partie D K, dont le terme est K. Quant à l’autre partie, Descartes a remarqué qu’elle servirait aux réfractions, s’il y avait quelque matière de miroir de telle nature, que par elle la force des rayons (nous dirons la vitesse de la lumière, ce qu’il n’a pu dire parce qu’il veut que le mouvement s’en fasse dans un instant) fût augmenté dans la proportion de 3 à 2. Mais nous avons montré que, dans notre manière d’expliquer la réflexion, cela ne peut provenir de la matière du miroir, et qu’il est entièrement impossible.

De ce qui a été démontré de cette ovale, il sera aisé de trouver la figure qui sert à assembler vers un point les rayons incidents parallèles. Car en supposant toute la même construction, mais le point A infiniment distant, ce qui donne des rayons parallèles, notre ovale devient une vraie ellipse, dont la construction ne diffère en rien de celle de l’ovale, sinon que F C (Fig. 61) est ici une ligne droite perpendiculaire à D B, qui auparavant était un arc de cercle. Car l’onde de lumière D N, étant de même représentée par une ligne droite, l’on fera voir que tous les points de cette onde, s’étendant jusqu’à la surface K D par des parallèles à D B, s’avanceront ensuite vers le point B et y arriveront en même temps. Pour l’ellipse qui servait à la réflexion, il est manifeste qu’elle devient ici une parabole (Fig. 60), puisqu’on considère son foyer A infiniment Figure 60 : Focalisation de rayons lumineux parallèles par une parallèle.
Fig. 60.
distant de l’autre B, qui est ici le foyer de la parabole, auquel tendent toutes les réflexions des rayons parallèles à A B. Et la démonstration de ces effets est toute la même que la précédente.

Mais que cette ligne courbe C D E (Fig. 61), qui sert à la réfraction, est une ellipse, et telle dont le grand diamètre est à la distance de ses foyers comme 3 à 2, qui est la proportion de la réfraction, on le trouve facilement par le calcul d’algèbre. Car D B, qui est donnée, étant nommée , sa perpendiculaire D T indéterminée , et T C, , F B sera , C B . Mais la nature de la courbe est telle, que 2/3 T C avec C B est égal à D B, comme il a été dit dans la dernière construction : donc l’équation sera entre Figure 61 : Propriété de stigmatisme d’une ellipse réfringente pour les rayons issus de l’infini.
Fig. 61.
et , qui étant réduite, vient égal à , c’est-à-dire qu’ayant fait D O égal à 6/5 D B, le rectangle D F O est égal à 9/5 du carré de F C. D’où l’on voit que D C est une ellipse, dont l’axe D O est au paramètre comme 9 à 5, et partant le carré de D O au carré de la distance des foyers, comme 9 à 9−5, c’est-à-dire 4 ; et enfin la ligne D O à cette distance comme 3 à 2.

Derechef, si l’on suppose le point B infiniment loin, au lieu de notre première ovale, nous trouverons que C D E est la véritable hyperbole (Fig. 62), qui fera en sorte que les rayons, qui viennent du point A, deviendront parallèles. Et par conséquent aussi, que ceux qui sont parallèles dans le corps transparent, s’assembleront au dehors au point A. Or il faut remarquer que C X et K S deviennent des lignes droites perpendiculaires à B A, parce qu’elles représentent des arcs de cercles dont le centre B est infiniment distant, et que l’intersection de la perpendiculaire C X et de l’arc F C donnera le point C, un de ceux par où la courbe doit passer, qui fera en sorte que toutes les parties de l’onde de lumière D N, venant à rencontrer la surface K D E, s’avanceront de là par des parallèles à K S, et arriveront à cette droite en même temps ; donc la démonstration est encore la même que celle qui a servi dans la première ovale. Au reste on trouve, par un calcul aussi aisé que le précédent, Figure 62 : Action d’une lentille hyperbolique sur des rayons lumineux issus de son foyer.
Fig. 62.
que C D E est ici une hyperbole dont l’axe D O est 4/5 de A D, et le paramètre égal à A D. D’où l’on démontre facilement que D O est à la distance des foyers comme 3 à 2.

Ce sont ici les deux cas où les sections coniques servent à la réfraction, et les mêmes qu’explique Descartes dans sa Dioptrique, qui a trouvé le premier l’usage de ces lignes en ce qui est de la réfraction, comme celui des Ovales dont nous avons Figure 63 : Propriétés optiques de l’ovale extérieure de Descartes.
Fig. 63.
déjà mis la première. L’autre est celle qui sert aux rayons qui tendent à un point donné (Fig. 63 et 64), dans laquelle ovale si le sommet qui reçoit les rayons Figure 64 : Cas particulier de la figure 63 où l’ovale de Descartes devient un cercle.
Fig. 64.
est D, il arrivera, selon que la raison de A D à D B est donnée plus ou moins grande, que l’autre sommet passera entre B A ou au delà de A. Et dans ce dernier cas, elle est la même avec celle que Descartes nomme la troisième.

Or l’invention et la construction de cette seconde ovale est la même que celle de la première, et la démonstration de son effet aussi. Mais il est digne de remarque qu’en un cas cette ovale devient un cercle parfait, savoir quand la raison de A D à D B est la même qui mesure les réfractions, comme ici de 3 à 2, ce que j’avais observé il y a fort longtemps. La quatrième ne servant qu’aux réflexions impossibles, il n’est pas besoin de la mettre.

Figure 65 : Recherche d’une surface dioptrique de stigmatisme parfait.

Fig. 65.

Pour ce qui est de la manière dont M. Descartes a trouvé ces lignes, puisqu’il ne l’a point expliquée, ni personne depuis que je sache, je dirai ici, en passant, quelle il me semble qu’elle doit avoir été. Soit proposé à trouver la surface faite par la circonvolution de la courbe K D E (Fig. 65), qui, recevant les rayons incidents qui viennent sur elle du point A, les détourne vers le point B. Considérant donc cette courbe comme déjà connue, et que son sommet soit D dans la droite A B, divisons-la comme en une infinité de petites parcelles par les points G, C, F ; et ayant mené, de chacun de ces points, des lignes droites vers A, qui représentent les rayons incidents, et d’autres droites vers B, soient de plus du centre A décrits les arcs de cercle G L, C M, F N, D O, coupant les rayons, qui viennent de A, en L, M, N, O, et des points K, G, C, F, soient décrits les arcs K Q, G R, C S, F T, coupant les rayons, tirés vers B, en Q, R, S, T, et posons que la droite H K Z coupe la courbe en K à angles droits.

Étant donc A K un rayon incident, et sa réfraction au dedans du diaphane K B, il fallait suivant la loi des réfractions, qui était connue à M. Descartes, que le sinus de l’angle Z K A, au sinus de l’angle H K B, fût comme 3 à 2, supposant que c’est la proportion de la réfraction du verre ; ou bien, que le sinus de l’angle K G L eût cette même raison au sinus de l’angle G K Q, en considérant K G, G L, K Q, comme des lignes droites, à cause de leur petitesse. Mais ces sinus sont les lignes K L et G Q, en prenant G K pour rayon du cercle. Donc L K à G Q devait être comme 3 à 2, et par la même raison M G à C R, N C à F S, O F à D T. Donc aussi la somme de tous les antécédentes à toutes les conséquentes était comme 3 à 2. Or en prolongeant l’arc D O, jusqu’à ce qu’il rencontre A K en X, K X est la somme des antécédentes. Et prolongeant l’arc K Q, jusqu’à ce qu’il rencontre A D en Y, la somme des conséquentes est D Y. Donc K X à D Y devait être comme 3 à 2. D’où paraissait que la courbe K D E était de telle nature, qu’ayant mené de quelque point qu’on y eût pris, comme K, les droites K A, K B, l’excès dont A K surpasse A D, est à l’excès de D B sur K B, comme 3 à 2. Car on peut démontrer de même, en prenant dans la courbe quelqu’autre point, comme G (Fig. 66), que l’excès de A G sur A D, savoir V G, à l’excès de B D sur D G, savoir D P, est dans cette même raison de 3 à 2. Et suivant cette propriété M. Descartes a construit ces courbes dans sa Géométrie, et il a facilement reconnu que, dans les cas des rayons parallèles, ces courbes devenaient des hyperboles et des ellipses.

Figure 66 : Recherche d’une surface dioptrique de stigmatisme parfait.

Fig. 66.

Revenons maintenant à notre manière, et voyons comment elle conduit sans peine à trouver les lignes que requiert un côté du verre, lorsque l’autre est d’une figure donnée, non seulement plane ou sphérique, ou faite par quelqu’une des sections coniques (qui est la restriction avec laquelle Descartes a proposé ce problème, laissant la solution à ceux qui viendraient après lui) mais généralement quelconque, c’est-à-dire qui soit faite par la révolution de quelque ligne courbe donnée, à laquelle seulement on sache mener des lignes droites tangentes.

Soit la figure donnée faite par la conversion de quelque telle courbe A K autour de l’axe A V (Fig. 67), et que ce côté du verre reçoive des rayons venant du point L. Que de plus l’épaisseur A B, du milieu du verre, soit donnée, et le point F auquel Figure 67 : Recherche d’une surface réfringente pour focaliser les rayons issus d’une source ponctuelle.
Fig. 67.
on veut que les rayons soient tous parfaitement réunis, quelle qu’ait été la première réfraction, faite à la surface A K.

Je dis que pour cela il faut seulement que la ligne B D K, qui fait l’autre surface, soit telle, que le chemin de la lumière, depuis le point L jusqu’à la surface A K, et de là à la surface B D K, et de là au point F, se fasse partout en des temps égaux, et chacun égal au temps que la lumière emploie à passer la droite L F, de laquelle la partie A B est dans le verre.

Soit L G un rayon tombant sur l’arc A K. Sa réfraction G V sera donnée par le moyen de la tangente qu’on mènera au point G. Maintenant il faut trouver dans G V le point D, en sorte que F D avec 3/2 de D G et la droite G L, soient égales à F B avec 3/2 de B A et la droite A L, qui comme il paraît, font une longueur donnée. Ou bien, en ôtant de part et d’autre la longueur de L G, qui est aussi donnée, il faut seulement mener F D sur la droite V G, en sorte que F D avec 3/2 D G soit égal à une ligne donnée, qui est un problème plan fort aisé, et le point D sera un de ceux par où la courbe B D K doit passer. Et de même, ayant mené un autre rayon L M, et trouvé sa réfraction M O, on trouvera dans cette ligne le point N, et ainsi tant qu’on en voudra.

Pour démontrer l’effet de la courbe, soit du centre L décrit l’arc de cercle A H, coupant L G en H, et du centre F l’arc B P, et soit dans A B prise A S égale à 2/3 H G, et S E égale à G D. Considérant donc A H comme une onde de lumière, sortie du point L, il est certain que pendant que son endroit H sera arrivé en G, l’endroit A ne sera avancé dans le corps diaphane que par A S ; car je suppose, comme dessus, la proportion de la réfraction comme 3 à 2. Or nous savons que l’endroit d’onde qui est tombé sur G, s’avance de là par la ligne G D, puisque G V est la réfraction du rayon L G. Donc dans le temps que cet endroit d’onde est venu de G en D, l’autre qui était en S est arrivé en E, puisque G D, S E, sont égales. Mais pendant que celui-ci avancera de E en B, l’endroit d’onde, qui était en D, aura répandu dans l’air son onde particulière, dont le demi-diamètre D C (supposant que cette onde coupe en C la droite D F) sera 3/2 de E B, puisque la vitesse de la lumière hors du diaphane est à celle de dedans comme 3 à 2. Or il est aisé de montrer que cette onde touchera dans ce point C l’arc B P. Car puisque, par la construction, F D + 3/2 D G + G L, sont égales à F B + 3/2 B A + A L, en ôtant les égales L H, L A, il restera F D + 3/2 D G + G H, égales à F B + 3/2 B A. Et derechef, ôtant d’un côté G H, et de l’autre côté 3/2 A S, qui sont égales, il restera F D avec 3/2 D G, égale à F B avec 3/2 de B S. Mais 3/2 de D G sont égales à 3/2 de E S, donc F D est égale à F B avec 3/2 de B E. Mais D C était égale à 3/2 de E B, donc, ôtant de côté et d’autre ces longueurs égales, restera C F égale à F B ; et ainsi il paraît que l’onde, dont le demi-diamètre est D C, touche l’arc B P au moment que la lumière, venue du point L, est arrivée en B par la droite L B. L’on démontrera de même, que dans ce même moment, la lumière, venue par tout autre rayon, comme L M, M N, aura répandu du mouvement qui est terminé par l’arc B P. D’où [il] s’ensuit, comme il a été dit souvent, que la propagation de l’onde A H, après avoir passé l’épaisseur du verre, sera l’onde sphérique B P, de laquelle tous les endroits doivent s’avancer par des lignes droites, qui sont les rayons de lumière, au centre F : ce qu’il fallait démontrer. On trouvera de même ces lignes courbes dans tous les cas que l’on peut proposer, comme on verra assez par un ou deux exemples que j’ajouterai.

Soit donnée la surface du verre A K, faite par la révolution de la ligne A K, courbe ou droite, autour de l’axe B A (Fig. 68). Soit aussi donné dans l’axe le point L, et B A l’épaisseur du verre, et qu’il faille Figure 68 : Recherche d’une lentille pour focaliser à l’infini les rayons issus d’une source ponctuelle.
Fig. 68.
trouver l’autre surface K D B, qui recevant des rayons parallèles à B A les dirige en sorte, qu’après être derechef rompus à la surface donnée A K, ils s’assemblent tous au point L.

Soit du point L menée, à quelque point de la ligne donnée A K, la droite L G (Fig. 68), qui étant considérée comme un rayon de lumière, on trouvera sa réfraction G D, qui d’un côté ou d’autre rencontrera, étant prolongée, la droite B L, comme ici en V.

Soit ensuite érigée sur A B la perpendiculaire B C, qui représentera une onde de lumière venant du point F infiniment distant, parce que nous avons supposé des rayons parallèles. Il faut donc que toutes les parties de cette onde B C arrivent en même temps au point L ; ou bien que toutes les parties d’une onde, émanée du point L, arrivent en même temps à la droite B C. Et pour cela il faut trouver, dans la ligne V G D, le point D, en sorte qu’ayant mené D C parallèle à A B, la somme de C D et 3/2 de D G et G L soit égale à 3/2 A B avec A L, ou bien, en ôtant d’un côté et d’autre G L qui est donnée, il faut que C D avec 3/2 de D G soit égale à une ligne donnée, qui est un problème encore plus aisé que celui de la construction précédente. Le point D, ainsi trouvé, sera un de ceux par là où la courbe doit passer, et la démonstration sera la même qu’auparavant. Par laquelle on prouvera que les ondes, qui viennent du point L, après avoir passé le verre K A K B, prendront la forme de lignes droites, comme B C, qui est la même chose que de dire que les rayons deviennent parallèles. D’où [il] s’ensuit réciproquement, que, tombant parallèles sur la surface K D B, ils s’assembleront au point L.

Soit encore donnée la surface A K (Fig. 69), telle qu’on voudra, faite par révolution sur l’axe A B, et l’épaisseur du milieu du verre A B. Soit aussi donné dans l’axe le point L derrière le verre, auquel point on suppose que tendent les rayons qui tombent sur la surface A K, et qu’il faille trouver la surface B D, qui, au sortir du verre, les détourne comme s’ils venaient du point F, qui est devant le verre.

Ayant pris quelque point G dans la ligne A K, et menant la droite I G L, sa partie G I représentera un des rayons incidents, duquel se trouvera la réfraction G V, et c’est dans elle qu’il faut trouver le point D, un de ceux par où la courbe D B doit passer. Posons qu’il soit trouvé, et du centre L soit décrit l’arc de cercle G T, coupant la Figure 69 : Recherche d’une lentille pour focaliser en un autre point des un faisceau lumineux déjà focalisé.
Fig. 69.
droite A B en T, en cas que L G soit plus grande que L A, car autrement il faut décrire du même centre l’arc A H, qui coupe la droite L G en H. Cet arc G T (ou dans l’autre cas A H), représentera une onde de la lumière incidente, dont les rayons tendent vers L. Pareillement du centre F soit décrit l’arc de cercle D Q, qui représentera une onde qui sort du point F.

Il faut donc que l’onde T G, après avoir passé le verre, forme l’onde Q D, et pour cela je vois que le temps de la lumière par G D au dedans du verre, doit être égal à celui par ces trois T A, A B et B Q, dont la seule A B est aussi dans le verre. Ou bien, ayant pris A S égale à 2/3 A T, je vois que 3/2 G D doivent être égales à 3/2 S B + B Q ; et, en ôtant l’un et l’autre de F D ou F Q, que F D moins 3/2 G D, doit être égale à F B moins 3/2 S B. Laquelle dernière différence est une longueur donnée, et il ne faut que, du point donné F, mener la droite F D sur V G, en sorte que cela se trouve ainsi. Qui est un problème tout semblable à celui qui sert à la première de ces constructions, où F D + 3/2 G D devait être égale à une longueur donnée.

Figure 70 : Recherche d’une lentille pour focaliser en un autre point des un faisceau lumineux déjà focalisé.

Fig. 70.

Dans la démonstration il y a à observer que, l’arc B C tombant au dedans du verre, il faut concevoir un arc qui lui soit concentrique R X, au delà de Q D (Fig. 70) ; et après qu’on aura montré que l’endroit G de l’onde G T arrive en même temps en D, que l’endroit T arrive en Q, ce qui se déduit facilement de la construction, il sera évident ensuite, que l’onde particulière, engendrée du point D, touchera l’arc R X, au moment que l’endroit Q sera venu en R, et qu’ainsi cet arc terminera en même instant le mouvement qui vient de l’onde T G, d’où se conclut le reste.

Ayant montré l’invention de ces lignes courbes qui servent au parfait concours des rayons, il reste à expliquer une chose notable touchant la réfraction inordonnée des surfaces sphériques, planes, et autres, laquelle, étant ignorée, pourrait causer quelque doute touchant ce que nous avons dit plusieurs fois, que les rayons de lumière sont des lignes droites, qui coupent les ondes, qui s’en répandent, à angles droits. Car les rayons qui tombent parallèles, par exemple, sur une surface sphérique A F E, s’entrecoupant, après leur réfraction, en des points différents, comme représente cette figure (Fig. 71), quelles pourront être les ondes de lumière dans ce diaphane, qui soient coupées à angles droits par les rayons convergents ? car elles ne sauraient être sphériques ; et que deviendront ces ondes après que lesdits rayons commencent à s’entrecouper ? L’on verra, dans la solution de cette difficulté, qu’il se passe en ceci quelque chose de fort remarquable, et que les ondes ne laissent pas de subsister toujours, quoiqu’elles ne passent pas entières, comme à travers les verres composés, dont nous venons de voir la construction.

Selon ce qui a été montré ci-dessus, la droite A D, qui du sommet de la sphère est menée perpendiculaire à son axe auquel les rayons viennent parallèles, représente l’onde de lumière ; et dans le temps que son endroit D sera parvenu à la surface sphérique A G E en E, ses autres parties auront rencontré la même surface en F, G, H etc., et auront encore formé des ondes sphériques particulières, dont ces points sont les centres. Et la Figure 71 : Forme des fronts d’onde d’une onde plane réfractée dans un corps diaphane sphérique.
Fig. 71.
surface E K, que toutes ces ondes toucheront, sera la propagation de l’onde A D dans la sphère, au moment que l’endroit D est venu en E. Or la ligne E K n’est pas un arc de cercle, mais c’est une ligne courbe faite par l’évolution d’une autre courbe E N C, qui touche tous les rayons H L, G M, F O, etc., qui sont les réfractions des rayons parallèles, en imaginant qu’il y ait un fil couché sur la convexité E N C, qui se développant décrive, avec le bout E, ladite courbe E K. Car supposant que cette courbe est ainsi décrite, nous démontrerons que les dites ondes formées des centres F, G, H, etc., la toucheront toutes.

Il est certain que la courbe E K (Fig. 72), et toutes les autres, décrites par l’évolution de la courbe E N C, avec des différentes longueurs du fil, couperont tous les rayons H L, G M, F O, etc., à angles Figure 72 : Forme des fronts d’onde d’une onde plane réfractée dans un corps diaphane sphérique.
Fig. 72.
droits, et en sorte que leurs parties, interceptées entre deux telles courbes, seront toutes égales, car cela s’ensuit de ce qui a été démontré dans notre Traité De Motu Pendulorum. Or imaginant les rayons incidents comme infiniment proches les uns des autres, si l’on en considère deux, comme R G, T F, et qu’on mène G Q perpendiculaire sur R G, et que la courbe F S, qui coupe G M en P, soit décrite par l’évolution de la courbe N C, en commençant par F, jusqu’où je suppose que le fil s’étend, on peut prendre sa particule F P pour une droite perpendiculaire sur le rayon G M, et de même l’arc G F comme une ligne droite. Mais G M étant la réfraction du rayon R G, et F P étant perpendiculaire sur elle, il faut que Q F soit à G P comme 3 à 2, c’est-à-dire dans la proportion de la réfraction, comme il a été montré ci-dessus en expliquant l’invention de Descartes. Et la même chose arrive dans tous les petits arcs G H, H A, etc., savoir que, dans les quadrilatères qui les enferment, le côté parallèle à l’axe est à son opposé comme 3 à 2. Donc aussi comme 3 à 2, ainsi sera la somme des uns à la somme des autres, c’est-à-dire T F à A S, et D E à A K, et B E à S K ou F V, en supposant que V est l’intersection de la courbe E K et du rayon F O. Mais faisant F B perpendiculaire sur D E comme 3 à 2, ainsi est encore B E au demi-diamètre de l’onde sphérique émanée du point F, pendant que la lumière hors du diaphane a passé l’espace B E ; donc il paraît que cette onde coupera le rayon F M au même point V, où il est coupé à angles droits par la courbe E K, et que partant l’onde touchera cette courbe. L’on prouvera de la même manière qu’il en est ainsi de toutes les ondes susdites, nées des points G, H, etc., savoir qu’elles toucheront la courbe E K, dans le moment que l’endroit D de l’onde E D sera parvenu en E.

Pour dire maintenant ce que deviennent ces ondes, après que les rayons commencent à se croiser, c’est que de là elles se replient, et sont composées de deux parties qui tiennent ensemble, l’une étant courbe faite par l’évolution de la courbe E N C en un sens, et l’autre par l’évolution de la même dans l’autre sens. Ainsi l’onde K E, en avançant vers le concours, devient a b c, dont la partie a b se fait par l’évolution de b C, portion de la courbe E N C, pendant que le bout C demeure attaché ; et la partie b c par l’évolution de la portion b E, pendant que le bout E demeure attaché. Ensuite la même onde devient d e f, puis g h k, et à la fin C Y, d’où elle s’étend ensuite sans aucun repli, mais toujours par des lignes courbes, qui se font par l’évolution de la courbe E N C, augmentée de quelque ligne droite du côté C.

Il y a même, dans cette courbe ici, une partie E N qui est droite, étant N le point où tombe la perpendiculaire du centre de la sphère X, sur la réfraction du rayon D E, que je suppose maintenant qu’il touche la sphère. Et c’est depuis le point N, que commence le repli des ondes de lumière, jusqu’à l’extrémité de la courbe C, qui se trouve en faisant que A C à C X soit dans la proportion de la réfraction, comme ici de 3 à 2.

L’on trouve aussi tant d’autres points qu’on veut de la courbe N C par un théorème qu’a démontré M. Barrow dans la 12e de ses Leçons Optiques, quoiqu’à autre fin. Et il est à remarquer qu’on peut donner une ligne droite égale à cette courbe. Car puisqu’ensemble avec la droite N E, elle est égale à la droite C K, qui est connue, parce que D E à A K est dans la proportion de la réfraction, il paraît qu’en ôtant E N de C K, le reste sera égal à la courbe N C.

L’on trouvera de même des ondes repliées dans la réflexion d’un miroir concave sphérique. Soit A B C la section par l’axe d’un hémisphère creux (Fig. 73), dont le centre est D, l’axe D B, auquel je suppose que les rayons de lumière viennent parallèles. Toutes les réflexions de ces rayons, qui tombent sur le quart de cercle A B, toucheront une ligne courbe A F E, dont le bout E est au foyer de l’hémisphère, c’est-à-dire Figure 73 : Fronts d’onde d’une onde plane réfléchie sur un miroir sphérique.
Fig. 73.
au point qui divise le demi-diamètre B D en deux parties égales ; et les points par où cette courbe doit passer, se trouvent en prenant depuis A quelque arc A O, et lui faisant double l’arc O P, dont il faut diviser la sous-tendante en F, en sorte que la partie F P soit triple de F O, car alors F est un des points requis.

Et comme les rayons parallèles ne sont que les perpendiculaires des ondes qui tombent sur la surface concave, lesquelles ondes sont parallèles à A D, l’on trouvera qu’à mesure qu’elles viennent rencontrer la surface A B, elles forment, en se réfléchissant, des ondes repliées, composées de deux courbes qui naissent de deux évolutions opposées des parties de la courbe A F E. Ainsi, en prenant A D pour une onde incidente, lorsque la partie A G aura rencontré la surface A I, c’est-à-dire que l’endroit G sera parvenu en I, ce seront les courbes H F, F I, nées des évolutions des courbes F A, F E, commencées toutes deux par F, qui feront ensemble la propagation de la partie A G. Et un peu après, quand la partie A K aura rencontré la surface A M, étant l’endroit K en M, alors les courbes L N, N M, feront ensemble la propagation Figure 74 : Fronts d’onde d’une onde plane réfléchie sur un miroir sphérique.
Fig. 74.
de cette partie. Et ainsi cette onde repliée avancera toujours, jusqu’à ce que la pointe N soit parvenue au foyer E. La courbe A F E (Fig. 74) se voit dans la fumée, ou dans la poussière qui vole, lorsqu’un miroir concave est opposé au soleil ; et il faut savoir qu’elle n’est autre chose, que celle qui se décrit par le point E de la circonférence du cercle E B, lorsqu’on fait rouler ce cercle sur un autre dont le demi-diamètre est E D, et le centre D. De sorte que c’est une manière de cycloïde, mais de laquelle les points se peuvent trouver géométriquement.

Sa longueur est égale précisément aux 3/4 du diamètre de la sphère, ce qui se trouve et se démontre par le moyen de ces ondes, à peu près de même que la mesure de la courbe précédente, quoiqu’il se pourrait encore démontrer par d’autres manières, que je laisse, parce que cela est hors du sujet. L’espace A O B E F A, compris de l’arc du quart de cercle, de la droite B E, et de la courbe E F A, est égal à la quatrième partie du quart de cercle D A B.