Aller au contenu

Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Chapitre 3

La bibliothèque libre.


CHAPITRE III.

nouvelle méthode pour approcher des racines des équations numériques.


18. Soit l’équation

et supposons qu’on ait déjà trouvé, par la méthode précédente ou autrement, la valeur entière et approchée d’une de ses racines réelles et positives ; soit cette première valeur en sorte que l’on ait

on fera

et substituant cette valeur dans l’équation proposée, à la place de on aura_1, après avoir multiplié toute l’équation par et ordonné les termes par rapport à une équation de cette forme

Or, comme (hypothèse) et on aura donc l’équation aura nécessairement au moins une racine réelle plus grande que l’unité.

On cherchera donc, par les méthodes du Chapitre Ier, la valeur entière approchée de cette racine ; et comme cette racine doit être nécessairement positive, il suffira de considérer y comme positif (no 4).

Ayant trouvé la valeur entière approchée de que je nommerai on fera ensuite

et substituant cette valeur de dans l’équation , on aura une troisième équation en de cette forme

laquelle aura nécessairement au moins une racine réelle plus grande què l’unité, dont on pourra trouver de même la valeur entière approchée.

Cette valeur approchée de étant nommée on fera

et, substituant, on aura une équation en qui aura au moins une racine réelle plus grande que l’unité, et ainsi de suite.

En continuant de la même manière, on approchera toujours de plus en plus de la valeur de la racine cherchée ; mais, s’il arrive que quelqu’un des nombres soit une racine exacte, alors on aura ou et l’opération sera terminée ; ainsi, dans ce cas, on trouvera pour une valeur commensurable.

Dans tous les autres cas, la valeur de la racine sera nécessairement incommensurable, et l’on pourra seulement en approcher aussi près qu’on voudra.

19. Si l’équation proposée a plusieurs racines réelles positives, on pourra trouver, par les méthodes exposées dans le Chapitre Ier, la valeur entière approchée de chacune de ces racines ; et nommant ces valeurs on les emploiera successivement pour approcher davantage de la vraie valeur de chaque racine. Il faudra seulement remarquer :

1o Que si les nombres sont tous différents l’un de l’autre, alors les transformées du numéro précédent n’auront chacune qu’une seule racine réelle et plus grande que l’unité car si, par exemple, l’équation avait deux racines réelles plus grandes que l’unité, telles que et on aurait donc

de sorte que ces deux valeurs de auraient la même valeur entière approchée contre l’hypothèse : il en serait de même si l’équation ou quelqu’une des suivantes avait deux racines réelles plus grandes que l’unité.

De là il s’ensuit que, pour trouver dans ce cas les valeurs entières approchées des racines des équations il suffira de substituer successivement à la place de les nombres naturels positifs jusqu’à ce que l’on trouve deux substitutions consécutives qui donnent des résultats de signe contraire (no 6).

2o Que, s’il y a deux valeurs de qui aient la même valeur entière approchée en employant cette valeur, l’équation aura aussi deux racines plus grandes que l’unité, et si leur valeur entière approchée est la même, l’équation aura encore deux racines plus grandes que l’unité, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on arrive à une équation dont les deux racines, plus grandes que l’unité, aient des valeurs entières approchées différentes ; alors chacune de ces deux valeurs donnera une suite particulière d’équations qui n’auront plus qu’une seule racine réelle plus grande que l’unité.

En effet, puisqu’il y a deux valeurs différentes de qui ont la même valeur entière approchée ces deux valeurs seront représentées par de sorte qu’il faudra que ait nécessairement deux valeurs réelles plus grandes que l’unité ; et si ces deux valeurs de ont la même valeur approchée il faudra de nouveau qu’en faisant ait deux valeurs différentes plus grandes que l’unité, et ainsi de suite.

Mais, si les valeurs entières approchées de étaient différentes, alors, nommant ces valeurs et on ferait successivement et et il est clair que dans l’une et l’autre de ces deux suppositions, n’aurait plus qu’une seule valeur réelle plus grande que l’unité ; autrement, les valeurs de au lieu d’être seulement doubles, seraient triples ou quadruples, etc.

Donc, quand on sera parvenu à une transformée dont les deux racines plus grandes que l’unité auront des valeurs entières différentes, on sera assuré que les autres transformées résultant de chacune de ces deux valeurs n’auront plus qu’une seule racine plus grande que l’unité. Quant à la manière de trouver les valeurs entières approchées lorsqu’elles répondent à plus d’une racine, voir ci-après, Chap. VI, art. IV.

On peut faire des remarques analogues sur le cas où il y aurait dans l’équation trois racines, ou davantage, qui auraient la même valeur entière approchée.

20. Nous avons supposé dans le no 18 que les racines cherchées étaient positives ; pour trouver les négatives, il n’y aura qu’à mettre à la place de dans l’équation proposée, et l’on cherchera de même les racines positives de cette dernière équation ce seront les racines négatives de la proposée (no 4).

Quant aux racines imaginaires, qui sont toujours exprimées par nous avons donné, dans le Chapitre II, le moyen de trouver les équations dont et sont les racines ; ainsi il n’y aura qu’à chercher les racines réelles de ces équations, et l’on aura la valeur de toutes les racines imaginaires de l’équation proposée.

21. Pour faciliter les substitutions (no 18) de au lieu de de au lieu de , etc., il est bon de remarquer que les coefficients de la transformée peuvent se déduire immédiatement de ceux de l’équation en cette sorte

On aura de même ceux de la transformée par ceux de la transfor-

mée en mettant, dans les formules précédentes, à la place de à la place de et à la place de et ainsi de suite.

De là il est évident que le premier coefficient ou ne sera jamais nul, à moins que le nombre ou ne soit une racine exacte, auquel cas nous avons vu que la fraction continue se termine à ce nombre (no 18). En effet, si ou on aura ou donc ou

22. Soient donc les valeurs entières approchées des racines des équations en sorte que l’on ait

Substituant successivement ces valeurs dans celle de on aura

Ainsi la valeur de c’est-à-dire de la racine cherchée, sera exprimée par une fraction continue. Or on sait que ces sortes de fractions donnent toujours l’expression la plus simple, et en même temps la plus exacte qu’il est possible, d’un nombre quelconque, rationnel ou irrationnel.

Huyghens paraît être le premier qui ait remarqué cette propriété des fractions continuels, et qui en ait fait usage pour trouver les fractions les plus simples et en même temps les plus approchantes d’une fraction quelconque donnée. (Voir son Traité De Automato planetario.)

Plusieurs habiles géomètres ont ensuite développé davantage cette théorie et en ont fait différentes applications ingénieuses et utiles ; mais on n’avait pas encore pensé, ce me semble, à s’en servir dans la résolution des équations.

23. Maintenant, si l’on réduit les fractions continues

en fractions ordinaires, on aura, en faisant

on aura, dis-je, cette suite de fractions particulières

lesquelles seront nécessairement convergentes vers la vraie valeur de et dont la première sera plus petite que cette valeur, la deuxième sera plus grande, la troisième plus petite, et ainsi de suite ; de sorte que la valeur cherchée se trouvera toujours entre deux fractions consécutives quelconques. C’est ce qu’il est aisé de déduire de la nature même de la fraction continue d’où celles-ci sont tirées.

Or il est facile de voir que les valeurs de

sont toujours telles que

d’où il s’ensuit

1o Que ces fractions sont déjà réduites à leurs moindres termes ; car si et par exemple, avaient un commun diviseur autre que l’unité, il faudrait, en vertu de l’équation

que l’unité fût aussi divisible par ce même diviseur ;

2o Qu’on aura

de sorte que les fractions

ne peuvent jamais différer de la vraie valeur de que d’une quantité respectivement moindre que

d’où il sera facile de juger de la quantité de l’approximation.

En général, puisque on aura

d’où l’on voit que l’erreur de chaque fraction sera toujours moindre que l’unité divisée par le carré du dénominateur de la même fraction.

3o Que chaque fraction approchera de la valeur de non-seulement plus que ne fait aucune des fractions précédentes, mais aussi plus que ne pourrait faire aucune autre fraction quelconque qui aurait un moindre dénominateur. En effet, si la fraction par exemple, approchait plus que la fraction étant il faudrait que la quantité se trouvât entre ces deux et donc

donc

ce qui ne se peut, puisque sont des nombres entiers.

24. Les fractions peuvent être appelées fractions principales, parce qu’elles convergent le plus qu’il est possible vers la valeur cherchée ; mais, quand les nombres diffèrent de l’unité, on peut encore trouver d’autres fractions convergentes vers la même valeur, et qu’on appellera, si l’on veut, fractions secondaires.

Par exemple, si est on peut, entre les fractions et qui sont toutes deux moindres que la valeur de insérer autant de fractions secondaires qu’il y a d’unités dans en mettant successivement au lieu de De cette manière, à cause de et on aura cette suite de fractions

dont les deux extrêmes sont les deux fractions principales et dont les intermédiaires sont des fractions secondaires.

Or, si l’on prend la différence entre deux fractions consécutives quelconques de cette suite, comme entre et on trouvera de sorte que cette différence sera toujours positive et ira en diminuant d’une fraction à l’autre ; d’où il s’ensuit que, comme la dernière fraction est moindre que la vraie valeur de la fraction continue, les fractions dont il s’agit seront toutes plus petites que cette valeur, et seront en même temps convergentes vers cette même valeur.

On fera le même raisonnement par rapport à toutes les autres fractions principales ; et si l’on ajoute à ces fractions les deux fractions et dont la première est toujours plus petite et dont la seconde est plus grande que toute quantité donnée, on pourra form\delta deux séries de fractions convergentes vers la valeur cherchée, dont l’une contiendra toutes les fractions plus petites que cette valeur, et dont l’autre contiendra toutes les fractions plus grandes que la même valeur.

Fractions plus petites.
Fractions plus grandes.

Quant à la nature de ces fractions, il est facile de prouver, comme nous l’avons fait par rapport aux fractions principales : 1o que chacune de ces fractions sera déjà réduite à ses moindres termes ; d’où il s’ensuit que, comme les numérateurs et les dénominateurs vont en augmentant, ces fractions se trouveront toujours exprimées par des termes plus grands à mesure qu’elles s’éloigneront du commencement de la série ; 2o que chaque fraction de la première série approchera de la valeur de plus qu’aucune autre fraction quelconque qui serait moindre que cette valeur et qui aurait un dénominateur plus petit que celui de la même fraction ; et que, de même, chaque fraction de la seconde série approchera plus de la valeur de que ne pourrait faire toute autre fraction qui serait plus grande que cette valeur et qui aurait un dénominateur plus petit que celui de la même fraction.

En effet, s’il y avait une fraction comme plus petite que la valeur de et en même temps plus approchante de cette valeur que la fraction par exemple, en supposant il faudrait, à cause que la fraction est plus grande que la valeur dont il s’agit, que la quantité se trouvât entre les deux quantités

donc la quantité

devrait être

donc il faudrait que fût ce qui ne se peut.

Au reste, il peut arriver qu’une fraction d’une série n’approche pas si près qu’une autre de l’autre série, quoique conçue en termes moins simples ; mais cela n’arrive jamais quand la fraction qui a le plus grand dénominateur est une fraction principale (no 23).


Séparateur