Traité de radioactivité/Tome 2/17

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Gauthier (2p. 467--).


CHAPITRE XVII.

RADIOACTIVITÉ DU SOL ET DE L’ATMOSPHÈRE.




216. Dissémination des poussières radioactives et radioactivité induite du laboratoire. — Par la séparation de radioéléments d’une grande puissance tels que le radium, une grande concentration d’activité dans des traces de matière s’est trouvée réalisée. Ces traces de matière active, déposées sur les objets, les rendent radioactifs ; par les rayons qu’elles émettent elles rendent conducteur l’air dans leur voisinage. Lorsqu’on fait des études sur les substances fortement radioactives, il faut prendre des précautions particulières, si l’on veut pouvoir continuer à faire des mesures délicates. Les divers objets employés dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les expériences de physique, ne tardent pas à être tous radioactifs et à agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les poussières, l’air de la pièce, les vêtements sont radioactifs. L’air de la pièce est conducteur, et l’on ne peut plus avoir un appareil bien isolé.

Il y a donc lieu de prendre des précautions particulières pour éviter autant que possible la dissémination des poussières actives, et pour éviter aussi les phénomènes d’activité induite. Les objets employés en chimie ne doivent jamais être emportés dans la salle d’études physiques, et il faut autant que possible éviter de laisser séjourner inutilement dans cette salle les substances actives, quand elles ne sont pas enfermées en tube scellé. Il faut éviter le dégagement d’émanations radioactives dans ces mêmes salles, parce que ces émanations rendent l’air conducteur par elles-mêmes et par le dépôt actif qu’elles forment sur les parois de la pièce et sur les objets qui y sont contenus. L’émanation qui est le plus à craindre est celle du radium, parce qu’elle laisse un dépôt actif à évolution très lente, dont la destruction demanderait un temps de l’ordre de 100 ans. Quand le dégagement d’émanation du radium dans une salle de mesures est inévitable, il faut, dans la mesure du possible, réaliser aussitôt une aération énergique.

Il est extrêmement utile qu’un laboratoire de radioactivité se compose de deux ou trois parties indépendantes. On peut alors localiser les opérations sur les substances très actives, et réserver des emplacements pour les opérations sur les substances faiblement actives et pour la mesure d’activités faibles. La séparation doit être rigoureuse, et l’on doit prendre de grandes précautions pour éviter le transport des poussières actives et des émanations dans les emplacements qu’on veut protéger.

Malgré toutes les précautions, l’air des salles de physique d’un laboratoire de radioactivité, ou même d’un bâtiment dans lequel il existe un laboratoire de radioactivité, est toujours beaucoup plus conducteur que l’air à l’état normal[1].

On a donc de toute façon avantage à chercher à diminuer l’effet nuisible de la conductibilité de l’air des salles de mesures. Dans les travaux d’électricité statique, on a fréquemment l’habitude d’établir la communication entre les divers appareils par des fils métalliques isolés, protégés par des cylindres métalliques en relation avec le sol qui préservent les fils contre toute influence électrique extérieure. Dans les études sur les corps radioactifs, cette disposition est insuffisante ; l’air étant conducteur, l’isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la force électromotrice de contact inévitable entre le fil et le cylindre tend à produire un courant à travers l’air et à faire dévier l’électromètre. Il est préférable de mettre tous les fils de communication à l’abri de l’air en les plaçant, par exemple, au milieu de cylindres remplis de paraffine ou d’une autre matière isolante. Il y aurait aussi avantage à faire usage dans ces études, d’électromètres rigoureusement clos. Enfin l’usage de méthodes de zéro pour les mesures est particulièrement avantageux.

217. Ionisation spontanée de l’air. — Indépendamment de toute perturbation apportée par la découverte et le maniement des substances radioactives, l’air atmosphérique possède une conductibilité propre très faible, dont l’existence a été anciennement reconnue par Coulomb. Ce physicien a prouvé que la perte de charge d’une électrode isolée contenue dans un vase clos ne pouvait être entièrement attribuée au défaut d’isolement des supports isolants solides, mais qu’une partie de la perte avait lieu par l’intermédiaire de l’air dans lequel l’électrode est plongée ; cette conclusion résultait de la manière dont varie la perte avec le nombre des supports et le potentiel de l’électrode.

La déperdition par l’intermédiaire de l’air a été étudiée par divers expérimentateurs : Matteucci, Warburg, Linss et autres. Ces recherches ont confirmé l’existence d’une conductibilité spontanée de l’air. La décharge d’un corps électrisé au travers de l’air a lieu en vase clos et à l’air libre. On sait d’ailleurs qu’il existe un champ électrique dans l’atmosphère au voisinage du sol, le sol se comportant le plus souvent comme chargé d’électricité négative ; le champ électrique au voisinage du sol subit des variations qui affectent un caractère périodique avec une période diurne et une période annuelle. La conductibilité de l’atmosphère est nécessairement en relation avec les phénomènes électriques au voisinage du sol.

Des expériences plus récentes faites par M. Geitel[2] et M. Wilson[3] ont montré que la conductibilité spontanée de l’air a le caractère d’une conductibilité ionique ; elle est plus petite en vase clos qu’à l’air libre et augmente avec le volume d’air utilisé ; pour un champ convenable un courant de saturation est atteint, et la part de conductibilité due au gaz ne dépend plus alors du potentiel de l’électrode chargée. La condensation de la vapeur d’eau sursaturée dans l’air à l’état normal a lieu pour la même détente que dans l’air ionisé par les rayons Röntgen. On peut donc admettre que l’air à l’état normal contient toujours un petit nombre d’ions et que ces ions sont de même nature que ceux créés par les rayons Röntgen. La conductibilité spontanée de l’air est diminuée par la présence de poussières, de fumée ou de brouillard ; l’air contient en ce cas des particules relativement grosses qui absorbent les ions par diffusion. Dans l’air privé de poussières M. Wilson a trouvé une production d’environ 25 ions par centimètre cube sous la pression atmosphérique normale ; pour des pressions plus faibles la conductibilité est plus petite et varie approximativement comme la pression.

On peut se demander si la conductibilité spontanée des gaz est une propriété essentielle de ces corps, ou si elle est due à la présence dans l’air même et dans le sol de matières radioactives. L’analogie de la conductibilité de l’air atmosphérique avec celle obtenue par l’action de certaines substances radioactives a été mise en évidence dans une série de travaux très remarquables faits par MM. Elster et Geitel.


218. Présence dans l’atmosphère d’émanations radioactives et de leurs dépôts actifs. — M. Geitel[4] a observé que la conductibilité d’un volume d’air limité dans un récipient augmente peu à peu et tend vers une limite comme si le récipient contenait une émanation radioactive produisant une activité induite sur les parois ; l’augmentation ne pouvait être empêchée par le filtrage de l’air. MM. Elster et Geitel[5] ont remarqué ensuite que l’air des caves et des grottes possède une conductibilité beaucoup plus élevée que l’air atmosphérique ; la même observation était faite pour l’air contenu dans les fissures et les pores du sol et aspiré au moyen d’une pompe. Dans les deux cas la conductibilité était attribuée à la présence d’une émanation radioactive qui se dégage du sol. L’exactitude de cette hypothèse a été prouvée par une expérience qui consiste à exposer dans l’air d’une cave un fil chargé négativement à un potentiel élevé ; après quelques heures on constate que le fil a acquis une activité qui peut devenir très notable, mais qui disparaît spontanément en fonction du temps. On peut enlever la couche superficielle du fil par frottement au moyen d’un morceau de cuir mouillé d’ammoniaque ; en calcinant ce cuir à une température modérée, on peut concentrer l’activité et obtenir une matière qui produit des impressions photographiques et excite la phosphorescence. Cette matière a donc les propriétés d’un dépôt actif, et l’on peut en conclure qu’elle provient d’une émanation radioactive. La même expérience faite à l’air libre donne le même résultat. Les nombreux travaux effectués à ce sujet prouvent avec certitude que les substances radioactives sont très répandues dans le sol et leurs émanations dans l’atmosphère. Ces émanations produisent des particules de dépôt actif qui restent en suspension dans l’air et vont se fixer sur les poussières qui y sont contenues ; ces particules peuvent être entraînées par un champ électrique.

Un fil exposé dans l’air et chargé négativement doit acquérir une radioactivité limite, déterminée par un équilibre de régime entre le nombre des particules reçues dans l’unité de temps et le nombre de celles qui éprouvent pendant le même temps la destruction spontanée. Le nombre des particules reçues dans l’unité de temps dépend de la densité de ces particules dans l’air et de leur mobilité.

Il était important de s’assurer si les émanations radioactives contenues dans l’atmosphère étaient des émanations connues ou des émanations nouvelles. Les recherches faites jusqu’ici n’ont encore conduit à la découverte d’aucune émanation nouvelle.

MM. Rutherford et Allan[6], qui ont déterminé les premiers la loi de disparition du dépôt actif obtenu dans l’atmosphère, ont trouvé que la diminution de moitié avait lieu en un temps d’environ 45 minutes, et cela quel que soit le temps d’exposition, la matière du fil et le potentiel utilisé pour l’activation. La radioactivité induite ne semblait donc correspondre à aucune des émanations connues.

MM. Elster et Geitel[7] ont montré toutefois que, pendant les deux premières heures après la fin de l’exposition, la courbe de désactivation se confond avec celle que l’on obtient pour le dépôt actif de l’émanation du radium. M. Allan[8], peu après, a conclu que la radioactivité induite de l’atmosphère est complexe. M. Bumstead[9] a pu expliquer cette complexité en étudiant pendant un temps prolongé la courbe de désactivation d’un fil activé à l’air libre avec l’aide d’un champ électrique. Il a trouvé que 3 à 4 heures après le début de la désactivation la loi de décroissance est celle qui caractérise le dépôt actif de l’émanation du thorium. Si l’on calcule, par extrapolation, la valeur de l’activité due à ce dépôt actif pendant les quelques heures initiales et si l’on soustrait cette activité de l’activité totale, l’activité restante décroît exactement comme le dépôt actif de l’émanation du radium. La proportion de l’activité attribuable au dépôt actif du thorium croît avec le temps d’exposition ; elle était de 3 pour 100 à 5 pour 100 de l’activité totale pour une exposition de 3 heures, et de 15 pour 100 pour une exposition de 12 heures.

On a vu qu’à la suite de leurs expériences sur la conductibilité anormale de l’air des cavernes, MM. Elster et Geitel avaient admis que cet air contient une émanation radioactive qui se dégage des parois. MM. Ebert et Ewers[10] ont montré que cette émanation a des propriétés analogues à celles de l’émanation du radium et une vitesse de décroissance voisine ; elle peut être condensée par refroidissement à la température de l’air liquide et elle est soluble dans le pétrole[11]. L’émanation qui se dégage du sol de New Haven a été examinée par MM. Bumstead et Wheeler[12] qui l’ont identifiée avec l’émanation du radium par sa loi de décroissance et la vitesse de sa diffusion au travers d’une plaque poreuse. M. Dadourian[13] a montré toutefois que l’air contenu dans le sol de New Haven contient aussi beaucoup d’émanation du thorium, ainsi qu’il résulte d’expériences d’activation de fils chargés négativement et plongés dans une cavité profonde creusée dans le sol, au travers de laquelle on aspirait constamment l’air du fond du sol. Des expériences d’activation de fils sous une cloche placée tout près du sol faites par M. Blanc[14] ont montré que l’activité induite est, dans ces conditions, principalement du type thorium. Il est naturel qu’en raison de sa courte vie moyenne, l’émanation du thorium se trouve plus abondante dans le sol et au voisinage immédiat de celui-ci qu’à une distance plus grande. La comparaison avec l’émanation dégagée par un terrain additionné d’hydrate de thorium a montré que l’émanation du thorium qui se dégage naturellement du sol à Rome correspondu la présence de 1,45.10-5 gramme de thorium par gramme de sol,

L’activation[15] a pu être constatée au sommet du Rothorn, à une altitude de 2300m ; les deux types d’activité, celle du radium et celle du thorium, étaient observés. Des études faites en ballon sur l’activation des fils ont montré que cette activation est obtenue à une altitude de 3000m et que, par suite, il y a encore à cette hauteur de l’émanation radioactive[16]. L’activation dans l’atmosphère au-dessus de la mer est principalement du type de celle du radium[17] ; l’émanation du radium est donc présente dans cet air. L’ionisation spontanée de l’air au-dessus de l’océan a d’ailleurs, d’après M. Eve, à peu près la même valeur qu’au-dessus du continent[18] ; elle correspond à la présence d’environ 1000 ions par centimètre cube.

La mobilité des particules du dépôt actif contenues dans l’atmosphère a été étudiée par M. Gerdien[19] qui aspirait l’air au travers d’un condensateur cylindrique de grande longueur et étudiait la répartition du dépôt actif le long de l’électrode centrale chargée négativement. Un grand nombre de particules ont une mobilité de l’ordre de 1cm par seconde dans un champ de 1 volt par centimètre ; il existe cependant aussi des particules de mobilité très inférieure. Celles-ci peuvent être constituées par les poussières de l’air chargées de dépôt actif.

La radioactivité des dépôts atmosphériques a été étudiée par M. Wilson[20]. Une certaine quantité de pluie était évaporée dans un vase de platine ; l’activité du résidu de 50cm3 d’eau de pluie est facile à observer ; elle disparaît spontanément en quelques heures, mais n’est pas détruite par la chauffe au rouge ; cette activité est entraînée par précipitation avec le sulfate de baryum ou avec l’alumine ; elle est probablement au moins en grande partie du type radium.

La neige fraîchement tombée est radioactive[21]. Elle donne par évaporation un résidu actif semblable à celui que laisse la pluie et diminuant d’activité de la même manière (de moitié en 30 minutes environ). Après une chute de neige prolongée la radioactivité de celle-ci est moindre.

On peut penser que les gouttes d’eau et les flocons de neige se chargent de particules de dépôt actif contenues dans l’atmosphère.


219. État de la radioactivité induite dans le gaz. — La radioactivité induite contenue dans le gaz se présente sous un aspect complexe. Il est probable que le gaz contient des particules de dépôt actif chargées positivement et d’autres qui ne sont pas chargées. Les particules qui interviennent dans les expériences d’activation en présence de l’émanation du radium semblent être principalement les particules chargées de radium A. D’autres particules de radium A se trouvent dans le gaz à l’état neutre, ayant perdu leur charge par recombinaison avec les ions négatifs présents dans le gaz. On peut prévoir la proportion relative des particules chargées et non chargées dans l’hypothèse simple que toutes les particules chargées ont une même mobilité de l’ordre de celle des ions positifs et que, par suite, le coefficient de recombinaison est aussi de l’ordre de celui qui caractérise la recombinaison des ions positifs avec les ions négatifs. Considérons le cas du régime permanent pour l’émanation du radium en l’absence du champ électrique.

Soit le nombre des molécules d’émanation contenues dans l’unité de volume ; le nombre des particules émises par seconde par ces molécules est étant la constante de l’émanation ; admettons que le même nombre de particules soit émis par le radium A et par le radium C en équilibre avec l’émanation. Soient les nombres d’ions produits respectivement par une particule de l’émanation, du radium A et du radium C. Dans un élément de volume, dont la distance à toute paroi solide est supérieure au parcours des particules le nombre total d’ions produit dans 1cm3 par les rayons est donné, ainsi qu’il est facile de s’en rendre compte, par la relation

Le nombre des ions produits par unité de temps et de volume par les rayons pénétrants du dépôt actif contenu dans le gaz est peu important par rapport au nombre d’ions produit par les rayons on peut le négliger en première approximation.

Quand le régime permanent est établi entre la production des ions et leur recombinaison, la concentration des ions a pour valeur

Le nombre des ions négatifs perdus par recombinaison avec les particules du dépôt actif est négligeable par rapport au nombre total des ions recombinés ; le nombre des ions produits par une particule est en effet si grand que la concentration des ions des deux signes est considérablement plus grande que celle des particules de radium A.

Soit la concentration des particules chargées de radium A. Ces particules sont produites par l’émanation en raison de par unité de volume et de temps, et disparaissent par destruction spontanée et par recombinaison en raison de est la constante du radium A et le coefficient de recombinaison. On a, par conséquent, quand le régime permanent est établi,


d’où, pour la concentration

Le facteur est connu. On a pour l’air à la pression atmosphérique si est la charge d’un ion monovalent. D’autre part

4,7.10-10 unité E. S.,
2,1.10-6 environ,
6.105,
0,35 environ,

La concentration des particules de radium A qui correspond à l’équilibre avec l’émanation est La concentration des particules non chargées est donc

Le nombre des particules non chargées est à celui des particules chargées dans le rapport En ce qui concerne les particules chargées, tout se passe comme si la recombinaison avait pour effet d’augmenter la constante radioactive dans le rapport

Ce rapport se trouve augmenté si le gaz est soumis à l’action d’un rayonnement pénétrant provenant d’une source éloignée et donnant lieu à une production d’ions appréciable ; l’augmentation est proportionnelle à cette production.

Quand le gaz contient des poussières, les particules chargées de radium A diffusent vers celles-ci et sont absorbées par elles ; il en résulte une nouvelle cause de disparition de particules chargées mobiles. Cet effet se traduit par un nouvel accroissement apparent de la constante proportionnel au nombre des poussières présentes par unité de volume. L’importance de ce phénomène par rapport à l’effet de recombinaison dépend de la concentration de l’émanation. Quand cette concentration est grande, l’effet de recombinaison est, en général, prépondérant.

Nous avons vu que cet effet est suffisant pour expliquer les résultats obtenus par M. Debierne dans l’étude de l’activation des lames par diffusion (§ 85). Ces expériences ont montré que le radium A contenu dans le gaz est puisé à une distance qui dépend de la concentration de l’émanation et qui, pour les concentrations utilisées, est comprise entre 1cm et 4cm. La théorie qui néglige l’effet de recombinaison conduit pour cette même distance à une valeur indépendante de la concentration et égale à environ 16cm,5, si l’on attribue au radium A le coefficient de diffusion des ions positifs (environ 0,03). La distance donnée par l’expérience se trouve comprise entre une limite inférieure obtenue en exagérant l’influence de la recombinaison et la limite supérieure 16cm,5 obtenue en négligeant l’effet de recombinaison.

Quand la concentration de l’émanation est faible, ainsi que cela a lieu dans l’air atmosphérique, la recombinaison est négligeable devant l’effet des poussières, bien que le rayonnement des substances radioactives contenues dans le sol intervienne aussi comme cause ionisante.


220. Théorie de l’activation des fils chargés négativement et exposés dans l’air contenant de l’émanation. — L’activation est due aux particules de dépôt actif qui se déposent sur le fil. Si la distribution des émanations dans une certaine région est uniforme, on peut admettre qu’il en est de même pour la distribution des dépôts actifs en suspension dans l’air, et que chacune des matières qui composent le dépôt est en équilibre radioactif avec l’émanation. Admettons, en première approximation, que les particules de radium A et de thorium A se déposent seules sur le corps activé ; parmi ces particules interviennent principalement celles qui portent une charge positive et qui ont une mobilité assez grande. Supposons d’abord que toutes les particules jouent le même rôle. Soient et les nombres d’atomes des émanations du radium et du thorium présents par centimètre cube de l’air atmosphérique dans la région utilisée ; soient et les constantes des deux émanations. Si la destruction d’un atome correspond à la formation d’un seul des atomes consécutifs, les nombres et de particules de radium A et de thorium A par centimètre cube à l’état d’équilibre radioactif sont tels que


et étant les constantes radioactives du radium A et du thorium A. Si dans la région considérée se trouve un fil chargé négativement, ce fil est la cause d’une perturbation locale et modifie la distribution du dépôt actif. Sous l’influence du champ électrique une particule chargée est entraînée vers le fil suivant les lignes de champ avec une vitesse si est la mobilité de la particule et l’intensité du champ. Un dépôt de particules a lieu sur le fil, et en même temps certaines des particules déposées se détruisent. Quand l’équilibre de régime est atteint pour l’activation, le nombre des atomes de radium A qui se détruisent par unité de temps sur le corps activé est égal au nombre des atomes reçus ; ce nombre est encore le même que celui des atomes de radium B et de radium C détruits dans l’unité de temps. L’équilibre de régime pour le thorium A et le thorium (B + C) s’établit de la même manière, et nous désignerons par le nombre d’atomes détruits par unité de temps. Si alors on interrompt l’activation et si l’on mesure l’activité du fil en fonction du temps, l’ionisation initiale est due presque totalement au radium A et au radium C d’une part, au thorium (B + C) d’autre part. Désignons par et les activités dues à ces substances extrapolées pour l’origine de la désactivation, par et les nombres d’ions produits par une particule du radium A et du radium C, par et les nombres d’ions produits par une particule du thorium B et du thorium C. Si la destruction d’un atome entraîne l’expulsion d’une seule particule nous obtenons

Pour calculer la quantité nous examinerons d’abord le cas où le fil est placé suivant l’axe d’un cylindre dont la longueur est grande par rapport au rayon et à l’intérieur duquel un certain volume d’air se trouve limité. La différence de potentiel est établie entre le cylindre et le fil ; à la distance de l’axe le champ a la valeur


et étant les rayons du fil et de la paroi intérieure du cylindre. Dans la couche comprise sur l’unité de longueur entre deux cylindres coaxiaux de rayons et le nombre des particules de radium A qui traversent les deux surfaces latérales par unité de temps sont respectivement

          et          


l’accroissement du nombre des particules qui en résulte dans la couche par unité de temps est

ou, en remplaçant par sa valeur,

D’autre part le nombre des particules produites par unité de temps dans la couche est et le nombre des particules détruites pendant le même temps est

En écrivant que le régime permanent est établi, on obtient l’équation


d’où, en posant

On trouve, en intégrant cette équation,

La constante se détermine par la condition que, pour on doit avoir et l’on trouve

La concentration nulle à la paroi du cylindre, augmente à mesure qu’on se rapproche du fil et atteint, pour sa valeur maximum


valeur toujours inférieure à (concentration d’équilibre de régime avec l’émanation), mais se rapprochant d’autant plus de cette limite que le rayon du cylindre est plus grand, et que la différence de potentiel est plus petite.

Le nombre des particules reçues par unité de temps et par unité de longueur du fil est

Le nombre des particules qui sont produites pendant le même temps, dans le volume du cylindre, est

Posons

On trouve

Le rapport de l’activité induite recueillie à celle qui est produite ne dépend ainsi que d’un seul paramètre qui varie proportionnellement au volume du cylindre et en raison inverse du voltage employé. Quand est petit, le rapport est voisin de l’unité, et l’on recueille alors presque totalement l’activité produite, ce qui est facile à concevoir si l’on utilise un voltage élevé dans un espace restreint. L’activité du fil en régime permanent est alors celle qui est en équilibre avec l’émanation contenue dans le gaz. À mesure que augmente, le rapport diminue et tend vers zéro.

La mesure de l’activité recueillie par le fil, c’est-à-dire de permet de se rendre compte de la quantité d’émanation contenue dans le volume utilisé par comparaison avec l’effet produit dans les mêmes conditions par une quantité d’émanation connue. Le cas le plus simple à ce point de vue est celui où les conditions sont telles qu’on recueille sur le fil presque totalement l’activité induite à mesure de sa production. L’expérience peut être réalisée avec l’émanation du radium dont la vie moyenne est assez longue par rapport à celle du dépôt actif pour qu’un régime permanent puisse s’établir. En appliquant la théorie précédente on trouve que, si le voltage est d’environ 10 000 volts et si le fil a 2mm de diamètre, le rayon du cylindre peut augmenter jusqu’à 2m sans que la perte sur l’activité recueillie dépasse quelques pour 100 ; mais diverses causes qui seront examinées plus loin interviennent pour abaisser cette valeur limite du rayon. On peut remarquer que, si tout le dépôt actif est recueilli, la forme du récipient n’a pas d’importance, pourvu que la distance de l’électrode à la paroi reste inférieure au rayon limite du cylindre circulaire.

Des expériences de ce genre ont été faites par M. Eve[22] qui a étudié l’activation d’une électrode dans un vase clos rempli d’air atmosphérique, la durée de l’activation étant de 2 heures. Le récipient était en fer et avait 730cm de hauteur ; sa section était un carré de 154cm de côté. L’électrode centrale était portée au potentiel de 10 000 volts. Ces expériences ont montré que la quantité d’émanation contenue dans un kilomètre cube de l’air atmosphérique est environ celle qui est en équilibre avec 0g,5 de bromure de radium. L’activité induite du fil dans ces expériences était considérée comme entièrement due à l’émanation du radium.

La même méthode ne peut être utilisée avec l’émanation du thorium dont la décroissance est trop rapide. Si la concentration de cette émanation était maintenue constante et uniforme, le rayon limite du cylindre extérieur dans les conditions d’expérience indiquées plus haut serait d’environ 30m. La différence avec le cas du radium tient à ce que la vie moyenne du thorium A (période 10,6 heures) est environ 200 fois plus longue que celle du radium A (période 3 minutes). Dans la formule théorique une même valeur de est obtenue dans le cas du thorium pour des valeurs de environ 15 fois plus grandes que dans le cas du radium.

La théorie faite précédemment n’est pas complète : elle ne tient pas compte de ce fait que certaines particules du dépôt actif perdent leur charge par recombinaison avec des ions négatifs contenu dans le gaz et cessent d’être sensibles à l’action du champ. On a vu que ce phénomène joue probablement un rôle très important dans le cas de l’activation par diffusion. Dans le cas actuel le rôle de la recombinaison doit être beaucoup moins important ; en effet, d’une part, la concentration du dépôt actif dans l’air atmosphérique est très faible et il en est de même pour l’ionisation ; d’autre part, le déplacement des particules de dépôt actif est rendu beaucoup plus rapide que dans le cas de la diffusion par suite de l’existence du champ électrique ; le temps disponible pour la recombinaison se trouve donc fortement diminué. Une perturbation résulte aussi de ce fait que les particules chargées diffusent vers les poussières en suspension dans le gaz et perdent ainsi leur mobilité. Enfin, ces poussières chargées de dépôt actif et les agglomérations qui peuvent se former autour des particules de dépôt actif (par exemple, en présence de la vapeur d’eau), peuvent être entraînées vers l’électrode par suite du phénomène connu de déplacement de particules non chargées dans un champ non uniforme vers les régions de champ intense.

Nous avons vu que quand le rayon du cylindre extérieur augmente, le rapport de l’activité induite recueillie à celle qui est produite va en diminuant. Mais la quantité va d’abord en augmentant ; cette quantité passe par un maximum, décroît ensuite et tend progressivement vers zéro. Cette loi de variation résulte de ce que varie proportionnellement au produit de la concentration de l’activité induite par l’intensité du champ dans le gaz au voisinage immédiat du fil ; la concentration augmente avec et tend vers la valeur limite qui correspond à l’équilibre avec l’émanation, tandis que l’intensité du champ diminue constamment quand augmente. D’après la théorie approchée le maximum est atteint pour une valeur de telle qu’on ait


Dans le cas de l’émanation du radium on trouve que, si le diamètre du fil est égal à 2mm et le voltage utilisé à 10 000 volts, le maximum de est atteint pour une valeur de comprise entre 15m et 16m. En réalité la valeur de qui correspond au maximum est abaissée par les effets de recombinaison et d’agglomération, dont la théorie ne tient pas compte. Par suite de ces phénomènes, la distance à laquelle un fil, chargé à un potentiel donné, peut puiser l’activité induite dans le gaz environnant, se trouve diminuée ; certaines expériences indiquent que cette diminution peut être importante et que l’effet d’augmentation de l’activité du fil avec est épuisé pour une valeur de inférieure à 1m (Eve). La valeur limite de au-dessous de laquelle l’activité est presque complètement recueillie, éprouve évidemment une diminution correspondante. On peut remarquer que plus le rayon du cylindre est grand, plus l’effet de recombinaison devient important en raison de l’accroissement de la concentration aussi bien pour les particules actives que pour les ions négatifs.

Quand le rayon prend la valeur qui correspond à la valeur maximum de la concentration au voisinage du fil est très voisine de la concentration qui correspond à l’équilibre avec l’émanation, et il en est ainsi à plus forte raison pour les valeurs supérieures de On peut utiliser cette remarque pour se rendre compte si l’effet de recombinaison peut donner lieu à un abaissement important de la valeur de qui correspond au maximum. On peut appliquer ici un raisonnement analogue à celui qui a été utilisé pour apprécier l’influence de la recombinaison sur le phénomène de diffusion. On exagérera certainement cette influence si dans le calcul on remplace la constante par


étant la concentration des ions et le coefficient de recombinaison. La valeur de pour l’air atmosphérique est voisine de 1000 ; elle conduit à augmenter dans le rapport 1,4. D’après cela la distance qui correspond au maximum serait comprise entre 12m et 13m ; ce nombre est peu différent de celui qu’on calcule en négligeant la recombinaison dont l’influence a pourtant été exagérée. Mais la distance dont il s’agit peut encore éprouver un abaissement par suite de la présence de poussières.

On peut de même évaluer dans quelle proportion l’activité recueillie par le fil pour de grandes valeurs de est diminuée par suite de la recombinaison. Si la concentration au contact du fil est voisine de la concentration d’équilibre, on a

On exagérera l’influence de la recombinaison en remplaçant par La valeur de sera donc comprise entre la valeur approchée indiquée par la formule et la fraction 0,7 de cette valeur. Une nouvelle réduction de pourra être amenée par la présence des poussières.


221. Activation de fils à l’air libre. — De nombreuses expériences ont été effectuées sur l’activation de fils tendus à une assez grande distance du sol (plusieurs mètres) à l’air libre. Si l’air atmosphérique pouvait être soustrait à l’action de remous et de vents, l’activation d’un fil à l’air libre serait assimilable à l’activation dans un récipient de grand volume, dont la paroi est représentée par le sol et les bâtiments environnants. L’analyse effectuée précédemment serait donc directement applicable. Si le fil est suffisamment écarté de parois solides et si la distribution de l’émanation est uniforme dans la région considérée, la concentration de la radioactivité induite dans le gaz au voisinage du fil serait voisine de celle qui correspond à l’équilibre avec l’émanation. En réalité l’air est en mouvement, et ces mouvements doivent avoir pour effet d’égaliser la concentration de l’émanation et de la radioactivité induite dans l’espace au-dessus du sol. Les particules de dépôt actif qui se trouvent assez loin du fil pour ne pas être soumises à l’action d’un champ intense, sont soumises surtout à l’action des courants d’air, et l’on peut concevoir qu’il en résulte un renouvellement continu qui maintient la concentration de la radioactivité induite dans le gaz, à une certaine distance du fil, à la valeur qui correspond à l’équilibre avec l’émanation. S’il en est ainsi il résulte de la théorie que cette même valeur de la concentration s’établira dans l’espace voisin du fil, ainsi qu’on peut s’en assurer en remplaçant dans le calcul la condition à la limite, précédemment admise, par cette condition nouvelle. On voit donc que par suite du renouvellement on peut se trouver dans les mêmes conditions que si le volume d’air disponible en repos était très grand, alors qu’en réalité la distance entre le fil et le sol n’est pas très grande. La quantité de dépôt actif reçue par le fil par unité de temps et de longueur est alors donnée par la formule


étant l’intensité du champ au contact du fil.

Ce résultat n’est pas modifié par le mouvement de l’air au voisinage du fil, bien que les trajectoires des particules cessent d’être radiales. On peut montrer que le flux des particules reçues par le fil est indépendant de la vitesse de déplacement de l’air.

La valeur de peut être influencée par le phénomène de recombinaison et par l’action des poussières. Nous avons vu que, dans le cas de l’activité induite du radium et dans l’air dont l’ionisation est normale, la valeur de peut être réduite par l’effet de la recombinaison de moins de 30 pour 100 de sa valeur. La réduction proportionnelle est beaucoup plus importante pour la valeur de l’activité induite du thorium. On trouve que pour obtenir une limite inférieure de il faut remplacer la constante du thorium A par un nombre environ 90 fois plus grand, ce qui conduirait à réduire à une petite fraction (1 pour 100 environ) de la valeur donnée par la formule. On peut en conclure que la recombinaison a pour effet d’avantager fortement l’activation du type radium par rapport à celle du type thorium, ainsi qu’on pouvait le prévoir à cause de la différence des vies moyennes du radium A et du thorium A.

La quantité de dépôt actif, recueillie sur un fil chargé exposé à l’air libre, doit aussi être influencée par l’effet des poussières. Cette influence est même plus importante dans le cas actuel que dans le cas d’un récipient clos, parce que dans ce dernier les poussières, si elles n’ont pas été éliminées d’avance, se trouvent éliminées ensuite par l’action du champ qui les entraîne vers l’électrode (effet de déplacement de particules non chargées dans un champ non uniforme). Si donc l’expérience a une durée suffisante, tout se passe comme si elle était faite en l’absence de poussières. À l’air libre, au contraire, les poussières sont constamment renouvelées dans le volume d’air utilisé. Ces poussières fixent certaines des particules chargées de radium A ou de thorium A dont la mobilité est ainsi très fortement diminuée, de sorte que leur mouvement vers l’électrode sous l’action du champ électrique devient très lent. Parmi ces poussières, il en existe aussi qui portent des particules de dépôt actif sans être chargées, soit qu’elles aient éprouvé la recombinaison après avoir absorbé une particule active, soit que la charge de cette particule soit venue neutraliser la charge négative d’un ion déjà fixé sur la poussière. Ces agglomérations actives non chargées sont entraînées vers la région de champ intense et viennent se fixer sur l’électrode ; on voit donc que, chargées ou non chargées, les particules actives de dimensions relativement grandes se dirigent vers l’électrode.

Le problème qui consiste à se rendre compte de la part qu’elles peuvent prendre à l’activation de l’électrode présente quelque analogie avec le problème qui consiste à évaluer la proportion dans l’atmosphère de petits ions ordinaires et de gros ions formés par suite de la diffusion de petits ions vers les poussières, et à examiner la part qui revient à ces deux espèces d’ions en ce qui concerne la conductibilité de l’air atmosphérique. On peut prévoir, en se basant sur cette analogie, que si dans l’air privé de poussières les particules mobiles actives chargées positivement ont la même mobilité que les ions positifs, dans l’air atmosphérique ordinaire ces particules seront en très forte proportion fixées sur les poussières ; mais que, néanmoins, l’activation du fil sera due presque exclusivement aux particules actives chargées mobiles, la proportion de grosses particules recueillies par le fil étant négligeable. L’absorption par les poussières est donc équivalente à une destruction des particules actives utiles et se traduit en résumé par une même augmentation apparente des constantes radioactives et l’augmentation relative étant beaucoup plus grande pour que pour Les quantités et de dépôt actif recueillies par le fil par unité de temps et de longueur éprouvent une diminution relative correspondante, beaucoup plus importante pour que pour .

Les expériences d’activation de fils à l’air libre ont généralement pour but d’évaluer la concentration des émanations du radium et du thorium dans l’atmosphère. On peut mesurer l’ionisation initiale produite par le fil activé dans une chambre d’ionisation aussitôt après la fin de l’exposition et distinguer les nombres d’ions et qui sont dus respectivement aux dépôts actifs du radium et du thorium. La limite de l’activation est atteinte en quelques heures pour la radioactivité induite du radium et en 3 jours pour celle du thorium ; si donc l’on utilise des temps d’exposition au-dessous de 3 jours, l’activité induite du radium se trouve avantagée. Si la limite a été atteinte, on a les relations

Si nous admettons, d’autre part, que nous sommes en droit d’appliquer les formules


qui conviennent au cas où le volume d’air utilisé est très grand, nous aurions le moyen de calculer les quantités et et leur rapport à condition de connaître les coefficients et qui mesurent respectivement les mobilités du radium A et du thorium A. Si les mesures de l’ionisation ne sont pas absolues, le rapport pourra seul être calculé ; la valeur de ce rapport devient d’ailleurs indépendante des valeurs adoptées pour les mobilités, à condition que l’on considère comme égales les mobilités du radium A et du thorium A. On trouve

Si l’expérience pouvait être faite dans un récipient clos de volume assez restreint pour que l’activité induite soit totalement extraite du gaz, on aurait simplement

C’est la première de ces formules qui s’applique selon toute vraisemblance au cas de l’activation à l’air libre, quand le fil est à plusieurs mètres du sol et quand on tient compte de l’influence du renouvellement d’air.

L’émanation du radium est répandue uniformément dans l’atmosphère aux distances qui interviennent dans les expériences. Il n’en est pas de même de l’émanation du thorium dont la destruction est très rapide ; cette émanation se trouve à l’état plus concentré au voisinage immédiat du sol, et ne pourrait se propager qu’à des distances assez faibles (de l’ordre de 1m), si les courants d’air ne venaient faciliter son déplacement ; en tout cas, on ne peut s’attendre à l’observer avec une concentration uniforme dans le volume utilisé. Par contre, la radioactivité induite du thorium, qui est assez persistante, peut se trouver répandue dans l’air à une assez grande distance du sol, soit qu’elle se soit propagée par diffusion, soit qu’elle ait été entraînée par les courants d’air ou encore produite sur place par de l’émanation entraînée. La distribution de la radioactivité induite du thorium dans l’air peut être beaucoup plus uniforme que cela n’a lieu pour l’émanation ; l’activité de ce type recueillie par le fil ne donne probablement pas une mesure correcte de la concentration de l’émanation dans la région voisine ; elle correspond plutôt à la concentration moyenne de l’émanation dans les régions qui peuvent être atteintes par celle-ci et par le dépôt actif.

Le rapport peut être calculé en admettant qu’en première approximation l’ionisation produite par une particule est proportionnelle au parcours. On trouve ainsi pour ce rapport la valeur 0,88.

Des expériences sur l’activation des fils à l’air libre ont été effectuées par divers physiciens[23]. On emploie pour ces études des fils de grande longueur (10m à 100m) tendus à une distance de quelques mètres du sol et chargés à un potentiel négatif plus ou moins élevé. Après la fin de l’activation le fil est enroulé sur un cadre et introduit dans la chambre d’ionisation. L’ionisation obtenue peut être 100 fois plus grande que l’ionisation spontanée de l’air dans la chambre utilisée. Le rapport croît avec le temps d’exposition. La valeur de ce rapport à Rome est environ 0,25 pour une exposition de 3 heures ; environ 0,7 pour une exposition de 24 heures, et peut atteindre 2 ou 3 pour une exposition de 3 jours (Blanc),

Voici les valeurs du rapport après une exposition longue, d’après différents auteurs :

                                                                                                      
Dadourian (New Haven) 
  
0,3
Blanc (Rome) 
  
1,5
Wilson (Manchester) 
  
1,6


Le rapport doit être d’autant plus grand que le voltage utilisé est plus faible. Si l’on considère que le cas limite, où la concentration près du fil est la concentration d’équilibre, n’est pas, en général, parfaitement réalisé, et si l’on se reporte à la théorie générale, on constate qu’une augmentation du voltage produit un effet dans le même sens qu’une diminution du volume utilisé, et que la proportion d’activité du type thorium est avantagée par l’utilisation d’un grand volume et d’un faible voltage. Un fait de ce genre a été observé par M. Harvey.

Le rapport calculé d’après la valeur par application de la formule relative aux grands volumes, et dans l’hypothèse est égal à environ 10-6[24].

M. Blanc a fait un essai de mesure de la concentration du dépôt actif dans l’air par la méthode Sella, qui consiste à ramasser brusquement la totalité du dépôt actif contenu dans un volume limité, en faisant passer la décharge disruptive sous forme d’aigrette entre une pointe et une plaque. Ce procédé est aussi susceptible d’amener sur la plaque toutes les poussières actives, on peut donc prévoir que l’extraction de la radioactivité induite du gaz par ce procédé peut être assez complète. Si l’équilibre radioactif était établi dans le gaz avant l’expérience, on peut s’attendre à recueillir sur la plaque la radioactivité induite qui correspond à cet équilibre, de sorte que le rapport se calculerait d’après l’activité de la plaque comme dans les expériences d’activation de fils dans un petit volume avec exposition longue. On aurait

En utilisant cette méthode, M. Blanc a trouvé que l’activité du type thorium ne constitue que 5 à 7 pour 100 de l’activité initiale totale.

D’après la théorie on a, dans le cas du petit volume,


et, dans le cas d’un grand volume, avec l’hypothèse

Le rapport se trouve donc multiplié par soit environ 210, quand on passe d’un petit volume à un grand volume, l’exposition étant longue dans les deux cas. Dans les expériences décrites, le sens du phénomène est conforme à la théorie, puisque le rapport est environ 25 fois plus grand dans les expériences d’activation à l’air libre que dans les expériences faites par la méthode Sella. De plus, on devait s’attendre à ce que le rapport pour les expériences à air libre soit très inférieur à celui que prévoit la théorie qui ne tient compte ni de la recombinaison ni de l’effet des poussières, ces deux causes ayant pour effet de diminuer ce rapport. Il est donc naturel de constater que le rapport pour l’air libre est seulement 25 fois plus grand que celui qu’on obtient par la méthode Sella et non 210 fois plus grand comme le prévoit la théorie approchée. Le rapport calculé d’après les expériences faites par la méthode Sella, serait d’environ 10-5.

Dans certaines expériences la nature de la radioactivité induite acquise par le fil n’a pu être complètement expliquée par la superposition des types radium et thorium[25]. Des faits de cette nature conduisent à envisager l’existence d’une radioactivité induite de provenance inconnue. On peut cependant aussi remarquer que l’interprétation complète des résultats expérimentaux peut présenter des difficultés. En dehors du dépôt de radium A et de thorium A il peut être nécessaire de tenir compte d’un dépôt des substances dérivées des précédentes. Enfin des perturbations peuvent être occasionnées, si le maniement des fils très longs couramment utilisés entraîne une perte de dépôt actif, dont certaines parties se détachent facilement.


222. Dosage direct de l’émanation du radium dans l’air atmosphérique. Variations de la radioactivité atmosphérique. — Des essais de détermination directe de la quantité d’émanation du radium contenue dans l’atmosphère ont été faits par M. Eve[26] qui faisait passer très lentement un volume connu d’air atmosphérique au travers d’un tube contenant du charbon qui absorbait l’émanation. Celle-ci était ensuite chassée du charbon par la chauffe et recueillie dans une chambre d’ionisation. La quantité d’émanation contenue dans 1m3 d’air était très variable et en moyenne égale à celle qui correspond à 60.10-12 gramme de radium. Cette valeur est du même ordre que celle obtenue par la méthode d’activation d’une électrode dans un récipient fermé.

Des résultats absolument analogues ont été obtenus par la méthode qui consiste à faire passer l’air dans un serpentin immergé dans un bain d’air liquide[27]. La teneur d’un mètre cube d’air en émanation était variable suivant les expériences, bien que la condensation fût complète. Cette teneur correspondrait à l’équilibre avec 40 à 200.10-12 gramme de radium ; la valeur moyenne étant environ 90.10-12 gramme.

Le nombre des atomes d’émanation qui sont en équilibre avec un gramme de radium est égal à si est le nombre des atomes d’émanation formé par unité de temps à partir d’un gramme de radium, et la vie moyenne de l’émanation. En posant 3,4.1010 et 5.105 sec, on trouve 1,7.1016. Il en résulte que le nombre d’atomes ou de molécules d’émanation dans l’air atmosphérique est environ 1,7.106 par mètre cube et environ 1,7 par centimètre cube.

En appréciant la teneur en émanation par l’intensité d’activation d’un fil chargé, on trouve, comme par les méthodes de dosage directes, des résultats qui varient dans de larges limites, aussi bien en un même endroit que d’un endroit à l’autre.

Pour suivre la teneur de l’air en émanation au voisinage du sol, M. Ebert[28] a utilisé un dispositif qui consiste à mesurer et à enregistrer l’ionisation de l’air dans un condensateur contenu dans un grand récipient placé sur le sol ; l’émanation qui s’échappe du sol peut pénétrer librement dans le récipient et dans la chambre d’ionisation. L’électrode, qui est réunie au système électrométrique, est chargée négativement et recueille le dépôt actif ; on peut apprécier l’ionisation produite à un moment donné par celui-ci, en remplaçant l’électrode par une électrode inactive. L’ionisation restante est due aux émanations radioactives et au rayonnement pénétrant du sol.

La radioactivité atmosphérique est variable avec les conditions météorologiques. Les émanations radioactives se dégagent du sol, et, conformément à cette circonstance, la teneur du sol et de l’atmosphère en émanation dépend de la perméabilité du sol, de son humidité et de la pression barométrique. Un sol gelé ou humide contient plus d’émanation qu’un sol poreux et sec[29]. La teneur en émanation dans l’atmosphère augmente à la suite d’une baisse de pression qui permet le dégagement de l’émanation accumulée dans les pores du sol.

Une variation diurne a été signalée pour la radioactivité de l’atmosphère[30].

La quantité de dépôt actif recueillie semble être plus grande à basse température qu’à température élevée ; elle augmente aussi quand la pression s’abaisse. Au bord de la mer Baltique on recueille en moyenne seulement de l’activité obtenue à Wolfenbüttel, en Allemagne. Dans l’air contenant une pluie fine au voisinage des chutes du Niagara, on trouve beaucoup moins de dépôt actif qu’à Toronto (Mc Lennan), l’air étant probablement purgé de radioactivité par les gouttes qui tombent.

La relation de la radioactivité atmosphérique avec les conditions météorologiques est encore très peu connue, bien qu’un nombre assez grand d’observations ait été publié à ce sujet. Pour préciser nos connaissances à ce point de vue, il serait nécessaire d’effectuer des séries de recherches dans des conditions bien déterminées, en se laissant guider par une théorie dans le genre de celle qui a été exposée ici. Diverses observations s’expliquent bien par cette théorie. Ainsi, par exemple, l’activation des fils à l’air libre paraît plus intense aux hautes altitudes ; ce fait pourrait être attribué à l’absence de poussières, de même que le fait connexe de l’augmentation de conductibilité de l’air à ces altitudes élevées. Une forte activation a été obtenue dans certains cas en présence d’un brouillard ; l’activation pouvait être due à l’entraînement vers le fil chargé de gouttelettes relativement grosses qui avaient absorbé toute la radioactivité induite de l’air et qui sont attirées vers le fil plus rapidement que les poussières ordinaires de dimensions plus petites,


223. Radioactivité du sol et des eaux. — La présence de matières radioactives a été mise directement en évidence dans le sol, les roches et les minéraux, dans les eaux de diverses sources et dans l’eau des mers. On peut dire actuellement que les substances radioactives, et, en particulier, le radium, sont répandues partout à la surface de la terre ; ce dernier corps s’y trouve, en général, à l’état de dilution extrême.

Les recherches de M. Curie sur les minéraux avaient montré que seuls les minéraux radioactifs proprement dits ont une activité qui peut dépasser la fraction 0,01 de celle de l’uranium. Dans les recherches dont la description va suivre, il s’agissait de radioactivité tout à fait minime.

Afin d’interpréter la conductibilité de l’air des cavernes, MM. Elster et Geitel[31] ont examiné l’activité des divers terrains. On observait, au moyen d’un appareil de mesures très sensible, l’augmentation de conductibilité communiquée à l’air d’une chambre d’ionisation par la présence d’une certaine quantité de terre. Les divers terrains étudiés ont manifesté une radioactivité permanente extrêmement faible ; certaines argiles se sont montrées relativement très actives ; les roches inattaquées de l’intérieur du sol semblaient moins actives ; les calcaires purs se montraient presque inactifs, ainsi que les sables quartzeux. Les activités les plus fortes étaient comparables à la fraction de l’activité de la pechblende. Une terre particulièrement active est le fango, argile à base de chaux et de fer, constituant un limon déposé par les sources chaudes de Battaglia, dans l’Italie du Nord ; cette terre est 4 fois plus active que la plus active des argiles ordinaires. En la traitant par l’acide chlorhydrique étendu bouillant, en ajoutant in peu de baryum à la solution et en précipitant ce baryum par l’acide sulfurique, on a pu entraîner la substance active contenue dans le fango et obtenir une matière 100 fois plus active que le fango primitif, mais encore 120 fois moins active que le sulfate d’uranyle et de potassium. Il a été prouvé que cette matière émet l’émanation du radium.

MM. Elster et Geitel[32] ont ensuite constaté la présence de matières radioactives dans les sédiments des sources de Bade. Ces sédiments ont une activité comparable à celle des sels d’urane ; ils se composent de carbonate de chaux, et l’activité est due au thorium et au radium. Les observations sur la radioactivité de dépôts de sources sont actuellement très nombreuses. On peut citer l’extraction du radiothorium des dépôts des sources d’Échaillon et de Salin-Moutiers, par M. Blanc, et l’extraction du même corps des dépôts de Kreuznach par MM. Elster et Geitel[33]. La présence du radium a été mise en évidence par M. Strutt dans les dépôts des sources de Bath.

Quand l’air atmosphérique barbote dans de l’eau de source, sa conductibilité spontanée se trouve, en général, augmentée. Ce fait a été mis en évidence par MM. Pochettino et Sella[34] et par M. J.-J. Thomson[35]. L’accroissement de conductibilité a été attribué à la présence d’une émanation radioactive, et l’émanation contenue dans les eaux de Cambridge a été reconnue semblable à l’émanation du radium[36]. Presque simultanément, M. Himstedt[37] a établi la présence de l’émanation du radium dans les eaux de Freiberg et dans les sources de pétrole.

L’eau de pluie et l’eau distillée ne contiennent pas d’émanation. L’eau des ruisseaux, fleuves et lacs et celle de la mer sont moins actives que l’eau des sources. Les sources thermales contiennent souvent plus d’émanation que les sources ordinaires, et leurs dépôts sont quelquefois riches en matières radioactives. Le nombre des sources dont l’eau a été soumise à l’étude est actuellement très grand, et l’émanation observée est généralement celle du radium. On peut examiner : 1o la quantité d’émanation contenue dans un litre d’eau de suite après extraction de la source ; 2o la quantité d’émanation contenue dans un litre de gaz s’échappant de la source ; 3o la quantité de radium contenue dans un litre d’eau de source. Certaines eaux contiennent, en effet, du radium, tandis que d’autres ne contiennent que son émanation. Dans le premier cas l’émanation se reforme dans le liquide après en avoir été complètement chassée ; dans le deuxième cas, l’eau privée d’émanation et conservée en vase clos reste inactive. Quand l’eau de source contient du radium ou du thorium, les sédiments sont, en général, actifs et contiennent les mêmes matières.

La quantité d’émanation contenue dans les eaux et les gaz des sources, recueillis et conservés pour l’examen, diminue avec le temps ; si l’étude n’est pas faite aussitôt, il faut tenir compte de cette diminution. De plus la quantité d’émanation observée peut dépendre dans une certaine mesure de la manière dont l’eau et les gaz ont été recueillis. Enfin la radioactivité des sources n’est pas constante, mais éprouve des oscillations spontanées importantes.

Quand une eau de source ne contient pas de radium, l’émanation du radium qu’elle renferme doit provenir des terrains traversés par les eaux. On observe, en général, que les gaz dégagés au griffon d’une source sont plus actifs que les eaux, ce qui tient à la valeur peu élevée du coefficient de solubilité de l’émanation du radium.

Des sources très voisines peuvent avoir une radioactivité très différente. Il ne semble pas exister de relation entre la radioactivité d’une source et la température de ses eaux ; parmi les sources radioactives, il en est de chaudes et de froides. Les sources les plus actives se rencontrent dans les terrains formés par les roches éruptives anciennes ; telles sont par exemple les sources de Bad Gastein, de Baden-Baden, de Plombières,

La quantité d’émanation extraite d’une quantité donnée d’eau de source, ou contenue dans un volume donné de gaz de source, peut être mesurée dans une chambre d’ionisation à gaz par les méthodes ordinaires ; s’il s’agit de l’émanation du radium, la mesure se fait le plus exactement 3 heures après l’introduction de l’émanation, quand le courant a atteint sa valeur maximum. Pour extraire l’émanation contenue dans les eaux on fait bouillir un volume donné d’eau, et l’on recueille les gaz chassés par l’ébullition. On peut aussi agiter un volume donné d’eau avec un volume donné d’air ; l’émanation se partage entre l’eau et l’air, et si l’on connaît le coefficient de solubilité, la mesure de la concentration de l’émanation dans l’air ainsi activé permet de déduire la valeur de sa concentration primitive dans l’eau qui a servi pour l’expérience (§ 63).

Pour rendre comparables les diverses mesures, le meilleur procédé consiste à comparer l’ionisation observée à celle qui serait obtenue dans le même appareil de mesures avec l’émanation dégagée en un temps connu par une solution titrée de sel de radium pur. On peut aussi indiquer en valeur absolue le courant de saturation obtenu avec l’émanation provenant d’un volume donné d’eau ou de gaz, mais en ce cas les nombres obtenus dépendent de la forme de la chambre d’ionisation.

La quantité d’émanation contenue dans un litre d’eau ou de gaz d’une source fortement radioactive est de l’ordre de celle qui est produite en une minute par un milligramme de radium. L’unité du milligramme-minute a été couramment employée par P. Curie et M. Laborde dans l’indication de la radioactivité des sources. Le nombre des sources qui ont été étudiées est déjà considérable, et les études ont porté sur des endroits très différents[38].

Le Tableau suivant indique en milligrammes-minutes la quantité d’émanation du radium contenue dans 10 litres de gaz ou d’eau de source.

                          q
Localité. Nom de la source. Température.    Eau.    Gaz.    
Plombières
(France) 
  
Capucins. °46°4 ,810,81 ,064,06 Curie et Laborde.
Plom»
Fra»ce) 
  
Vauquelin. 696 ,380,38 ,010,04 Cu»ie et Lab»
La Bouboule
Fra»ce) 
  
Puits Choussy. 606 ,123,12 ,19,3 Laborde.
Bourbon-Lancy
Fra»ce) 
  
Le Lymbe. 585 ,170,17 ,781,78 Curie et Laborde.
Uriage
Fra»ce) 
  
Source principale. ,27,2 ,0150,015 Besson.
Bussang
Fra»ce) 
  
Grande Salmade. 131 ,31,3 Laborde.
Aix-les-Bains
Fra»ce) 
  
Source d’Alun. 474 ,550,55 ,083,08 Curie et Laborde.
Luchon
Fra»ce) 
  
Grande source Borden. 434 ,202,20 ,318,36 Moureu.
Dirza (Corse)
Fra»ce) 
  
Source Dirza. 121 ,420,42 Laborde.
Gastein
(Autriche) 
  
Grabenbäckerquelle 36,3 ,69,6 Curie et Laborde.
Gas»
Autr»che) 
  
Grabenbä» ,11,0 ,40,0 Mache et St-Meyer.
Gas»
Autr»che) 
  
Grabenbä» ,10,6 ,40,0 Engler et Sievecking.
Gas»
Autr»che) 
  
Elisabethstollen. ,49,4 ,29,2 Mache et St-Meyer.
Gas»
Autr»che) 
  
Elisabethquelle S. 464 ,99,9 Engler et Sievecking.
Gas»
Autr»che) 
  
Elisabethquelle II. ,46,8 ,78,7 En»gler et Siev»
Gas»
Autr»che) 
  
Elisabethquelle N. ,42,5 ,481,48 En»gler et Siev»
Gas»
Autr»che) 
  
Wersenfallquelle. ,57,5 Mache et St-Meyer.
Karlsbad
Autr»che) 
  
Eisenquelle. ,48,4 ,72,7 Ma»he et St-»
Kar»
Autr»che) 
  
Eisen» ,873,87 Engler et Sievecking.
Kar»
Autr»che) 
  
Mühlbrunnen. ,39,2 ,232,23 ,66,6 Mache et St-Meyer.
Kar»
Autr»che) 
  
Sprudel. ,72,5 ,0140,014 Engler et Sievecking.
Marienbad
Autr»che) 
  
Nebenquelle. ,46,4 ,4750,475 Mache et St-Meyer.
Teplitz Schönau
Autr»che) 
  
Steinbadquelle. ,32,5 ,4650,465 Ma»he et St-»
Franzensbad
Autr»che) 
  
Neuquelle. 101 ,0680,068 Ma»he et St-»
Wiesbaden
(Allemagne) 
  
Qu. v. Doctor Kurz. ,31,0 ,840,84 Henrich et Brugge.
Obenvald
(Alle-»agne) 
  
Hintenbrunnenqu. ,7650,765 Schmidt et Kurz.
Spessart
(Alle-»agne) 
  
Albertquelle. ,4330,433 Sch»idt et Ku»
Baden-Baden
(Alle-»agne) 
  
Büttquelle. ,23,5 ,657,65 Engler et Sievecking.
Ba»en-Ba»
(Alle-»agne) 
  
Murquelle. ,59,0 ,941,94 Sch»idt et Ku»
Bad Nauheim
(Alle-»agne) 
  
Karlsbrunnen. 151 ,741,74 Schmidt et Kurz.
Bad Soden am Taunus
(Alle-»agne) 
  
Champagnerbrunnen. ,11,3 ,341,34 Sch»idt et Ku»
Bad Kreuznach
(Alle-»agne) 
  
Inselquelle. ,12,6 ,241,24 Sch»idt et Ku»
Île d’Ischia 
  
Altrömische qu. 575 ,26,4 Engler.
Agnas Lerez 
  
Aceñas. ,858,85 Munoz del Castillo.

L’appareil de mesures utilisé a reçu chez divers auteurs des formes différentes, tous les modèles étant d’ailleurs analogues ; la figure 26 représente un appareil qui a été établi par MM. Chéneveau et Laborde pour la mesure de l’émanation des eaux minérales. Les nombres du Tableau ont été calculés par M. Laborde d’après ses propres expériences et celles des autres auteurs. Quand la comparaison avec une solution titrée de radium n’avait pas été directement faite, on déduisait cette comparaison de la valeur du courant mesuré, et des dimensions de la chambre d’ionisation.

La nature des gaz qui s’échappent des sources a fait l’objet de recherches spéciales. Ces gaz sont : le gaz carbonique, des traces d’oxygène, l’azote et les gaz rares : hélium, argon, néon. La présence de ces gaz rares dans les gaz émis par les sources a été reconnue et signalée par Lord Raleigh, par M. Ramsay et M. Dewar pour les sources de Bath, par M. Bouchard et M. Troost pour les sources des Pyrénées. M. Moureu[39] a fait une étude des gaz dégagés par les sources de France et a dosé les gaz rares dans leur ensemble ; ces gaz étaient ensuite mis en présence de charbon refroidi dans un bain d’air liquide ; dans ces conditions, l’hélium et une partie du néon restent libres, tandis que les autres gaz sont absorbés. L’argon et l’hélium sont surtout présents ; on trouve beaucoup moins de néon et des traces seulement de crypton. L’hélium est dégagé dans toutes les sources, sans que le débit soit cependant en relation avec la radioactivité de la source. Ainsi la source du Lymbe, à Bourbon-Lancy, dont la radioactivité est très modérée, donne lieu au débit maximum d’hélium, dont la valeur atteint 10 000 litres par an dans 16 000 litres de gaz rares. On peut penser que l’hélium est en ce cas mis en liberté par l’action des eaux thermales sur les minerais de radium traversés par ces eaux. Quant à l’argon et au néon, ces gaz peuvent provenir de l’air atmosphérique.

La découverte des propriétés radioactives des sources a conduit à la supposition que l’action physiologique des eaux thermales pourrait s’expliquer par leur radioactivité. On sait que l’émanation du radium agit sur l’organisme. On a aussi souvent remarqué que certaines eaux thermales auxquelles on attribue des effets physiologiques très marques, ne révèlent aucune composition chimique particulière (Bad Gastein, Plombières). Enfin, on peut rappeler l’opinion généralement répandue, d’après laquelle certaines eaux thermales perdent leur efficacité quelque temps après leur extraction de la source ; ce fait pourrait s’expliquer par la destruction de l’émanation radioactive à laquelle serait due l’efficacité des eaux. L’émanation qui a été observée le plus souvent est celle du radium. Le dégagement de l’émanation du thorium a également été constaté. On a signalé de plus certains cas où l’émanation dégagée avait une constante radioactive différente de celles qui caractérisent les émanations connues. Ainsi MM. Mache et Adams ont signalé une émanation dont la période est de 3,4 jours, tandis que MM. Battelli, Occhialini et Chella[40] ont constaté dans les eaux de S. Giuliano (Toscane) la présence d’une émanation dont la période était de 6 jours et qui produisait une radioactivité induite diminuant de moitié en 37 minutes.


224. Teneur en radium à la surface de la terre. Teneur en uranium et thorium. — Nous venons de voir que le radium est répandu à la surface de la terre, dans la croûte et dans les eaux, en quantité minime. La concentration en radium a pu être mesurée ; la méthode employée consiste à doser le radium par son émanation dans une quantité connue de substance. M. Strutt[41] a fait à ce sujet de nombreuses recherches et a soumis à l’examen un grand nombre de roches qui forment la croûte terrestre. Les roches étaient mises en dissolution soit directement par les acides étendus, soit à la suite d’une fusion avec des carbonates alcalins ; dans ce dernier cas, on étudiait séparément la solution aqueuse du produit fondu et la solution acide du résidu insoluble dans l’eau. L’émanation s’accumulait dans la solution en vase clos pendant un temps connu ; elle était ensuite chassée par ébullition de la solution et recueillie dans l’appareil de mesures. Les réactifs utilisés étaient préalablement essayés au point de vue de leur teneur en radium.

D’après les résultats de ces recherches, les roches les plus riches en radium sont les roches ignées granitiques. La teneur en radium des roches ignées varie entre 10.10-12 et 0,6.10-12 gramme de radium par gramme de roche, avec une valeur moyenne 1,7.10-12 gramme.

La teneur moyenne en radium pour les roches sédimentaires est un peu inférieure ; elle est de 1,1.10-12 gramme de radium par gramme de roche.

Les résultats numériques obtenus sont reproduits dans les Tableaux suivants :

                                         Roches ignées
Ra en gramme.
Espèce minérale. Localité.    Densité.    Par gramme.    Par cent. cube.
Granit 
  
Rhodésie 2,63 __9,56 × 10-12 25,2 × 10-12
Gra» 
  
Lamorna (Cornouailles) 2,62 9,35 × 1» 24,5 × 1»xxx
Syénite à zircon 
  
Brevig (Norvège) 2,74 9,30 × 1» 25,5 × 1»xxx
Granit 
  
Rosemorran ( Cornouailles) 2,62 8,43 × 1» 22,1 × 1»xxx
Gra» 
  
Cap de Bonne-Espérance 2,67 7,15 × 1» 19,1 × 1»xxx
Gra» 
  
Saint-Yves (Cornouailles ) 2,61 6,90 × 1» 18,0 × 1»xxx
Gra» 
  
Shap Fell (Westmoreland ) 2,65 6,63 × 1» 17,6 × 1»xxx
Éléolite 
  
Laurdal ( Norvège) 2,70 4,88 × 1» 13,2 × 1»xxx
Granit 
  
Hayton (Devonshire) 2,61 3,69 × 1» 0 9,64 xx»
Blue ground 
  
Kimberley 3,06 3,37 × 1» 10,3 × 1»xxx
Leucite 
  
Somma du Vésuve 2,72 3,33 × 1» 0 9,07 xx»
Granit à hornblende 
  
Assouan 2,64 2,45 × 1» 0 6,47 xx»
Syénite à augite 
  
Laurvig (Norvège) 2,73 1,86 × 1» 0 5,07 xx»
Péridot 
  
Île de Rum 3,15 1,37 × 1» 0 4,32 xx»
Pitschtone 
  
Île de Eigg 2,41 2,06 × 1» 0 4,97 xx»
Diorite à hornblende 
  
Schriesheim (près Heidelberg) 2,89 1,98 × 1» 0 5,73 xx»
Basalte à olivine 
  
Jalisker Bay, Skye 2,89 1,32 × 1» 0 3,82 xx»
Euchiste à olivine 
  
Île de Rum 2,97 1,28 × 1» 0 3,80 xx»
Basalte 
  
Victoria Falls 2,75 1,26 × 1» 0 3,46 xx»
Granit à hornblende 
  
M. Sorrel (Leicestershire) 2,71 1,25 × 1» 0 3,38 xx»
Dolérite 
  
Île de Canna 2,95 1,24 × 1» 0 3,65 xx»
Greenstone 
  
Garrik Du Saint-Yves 2,99 1,14 × 1» 0 3,41 xx»
Basalte 
  
Giants Causeway Antrim 2,80 1,03 × 1» 0 2,89 xx»
Serpentine 
  
Cadgwith, Lizard 2,60 1,00 × 1» 0 2,60 xx»
Granit 
  
Île de Rum 2,61 30,723 × »_ 0 1,89 xx»
Olivine 
  
Île d» 3,22 30,676 × »_ 0 2,18 xx»
Dunite 
  
L. Scaivig 3,34 40,664 × »_ 0 2,22 xx»
Basalte 
  
Ovifak Greenland 3,01 30,613 × »_ 0 1,84 xx»

Roches sédimentaires
Roches Provenance. Radium
par gramme,
en gramme.
Oolite 
  
Bath 5,84 × 10-12
Oo» 
  
Saint-Albans Head 4,05 × 1»
Marbre 
  
East Lothian 3,87 × 1»
Argile de Kimmeridge 
  
Ely 3,77 × 1»
Caillaise 
  
Galicie 3,04 × 1»
Ardoise 
  
Wales (?) 2,57 × 1»
Ardoise silicifiée 
  
Saint-Yves (Cornouailles) 2,50 × 1»
Argile de Gault 
  
Cambridge 2,13 × 1»
Argile 
  
Terling, Essex 1,73 × 1»
Cailloux 
  
East Lothian 1,68 × 1»
Graviers 
  
Terling Essex 1,42 × 1»
Craie rouge 
  
Hunstanton 1,07 × 1»
Gros cailloux 
  
Terling, Essex 1,06 × 1»
Marbre blanc 
  
Deccan, Inde 0,54 × 1»
Marbre 
  
East Lothian 0,52 × 1»
Craie 
  
Fond du puits Cherry
Hinton, Cambridgeshire 0,78 × 1»
Craie 
  
Partie supérieure du même puits 0,25 × 1»

Minéraux
Zircon 
  
Oural 865,00 × 10-12
Zir»Zon 
  
Caroline du Nord 658,00 »
Zir»Zon 
Brevig 139,00 »
Zir»Zon 
  
Kimberley 74,80 »
Perofskite 
  
Magnes Cove, Arkansas 197,00 »
Sphène 
  
(?) 102,00 »
Apatite 
  
Suède 29,70 »
Apa»ite 
  
Californie 11,00 »
Hornblende 
  
(?) 4,27 »
Tourmaline 
  
Devonshire 3,32 »
Labradorite 
  
Labrador 1,10 (?) » (?)
Feldspath blanc 
  
Nellore (Inde) 0,60 (?) » (?)
Mica blanc 
  
Nellore (Inde) 1,00 (?) » (?)
Mica brun 
  
Deccan (Inde) 1,00 (?) » (?)
Mi»a b» 
  
(?) 0,00 »
Quartz blanc 
  
Nellore (Inde) 0,00 »
Rutile 
  
(?) 0,00 »
Ilménite 
  
(?) 0,00 »

Des recherches faites par MM. Eve et M. Mc Intosh[42] sur les roches au voisinage de Montréal (Canada) ont conduit à une valeur moyenne de 1,1.10-12 gramme de radium par gramme de roche. La méthode utilisée était analogue à celle dont s’était servi M. Strutt. Des essais d’évaluation de la teneur en radium par l’utilisation des rayons pénétrants émis par les roches ont conduit à une teneur 10 fois plus grande, et ce résultat a été attribué à la présence dans les roches de thorium et de radiothorium dont le rayonnement pénétrant s’ajoute à celui du radium.

La teneur de l’eau de mer en radium a été examinée par divers savants. Cette teneur est très faible ; de plus les résultats obtenus varient dans de larges limites. M. Strutt[43] a indiqué la valeur 0,08.10-12 gramme de radium par gramme de sels extraits de l’eau de mer, ce qui correspond à 2,3.10-15 gramme de radium par gramme d’eau de mer. M. Eve[44] a trouvé 9.10-16 gramme de radium comme valeur moyenne par gramme d’eau dans l’Atlantique du Nord. M. Joly[45] a trouvé en moyenne 3,4.10-14 gramme de radium par gramme d’eau de mer au voisinage des côtes et 1,1.10-14 gramme par gramme d’eau prise loin des côtes (océan Atlantique, océan Indien, Méditerranée) ; la teneur indiquée est très supérieure à celle indiquée par M. Eve. L’ionisation de l’air au-dessus de l’océan n’étant pas, d’après M. Eve, sensiblement différente de celle qu’on observe sur le continent, on pourrait penser que cette ionisation ne peut s’expliquer par la présence de radium dans l’eau de mer, mais plutôt par la présence dans l’atmosphère marine de l’émanation du radium amenée par les vents venant des continents. Cependant il faut remarquer que l’émanation du radium se dégage bien plus facilement de l’eau que du sol, et que, pour cette raison, la proportion de radium qui est nécessaire pour assurer une certaine ionisation dans l’atmosphère est moins élevée dans le cas de l’eau que dans le cas du sol. De plus, l’air marin ne contient pas de poussières susceptibles d’absorber les ions formés.

Les roches anciennes qui contiennent du radium doivent contenir une proportion correspondante d’uranium. À une teneur en radium de 10-12 gramme correspond une teneur en uranium d’environ 3.10-6 gramme par gramme de roche. Les granits riches en radium se trouvent souvent au voisinage de gisements de minerais d’urane.

Un essai d’évaluation de la teneur du sol en thorium a été fait par M. Blanc[46], par la méthode suivante : un fil chargé négativement était placé sous une cloche au voisinage immédiat du sol ; on déterminait l’activité induite du type thorium acquise par le fil après une exposition longue ; cette activité pouvait atteindre dans ces conditions 80 pour 100 de l’activité totale. L’expérience était ensuite recommencée en plaçant le fil sous une cloche, recouvrant un mélange de terre et d’hydrate de thorium en proportion connue. On trouve ainsi que l’effet du sol indique une proportion 0,0017 pour 100 d’hydrate de thorium, soit une teneur d’environ 1,5.10-5 gramme de thorium par gramme de sol.

Des déterminations directes de la teneur en thorium à la surface de la terre ont montré que cet élément est très répandu dans la croûte terrestre et se trouve dans les roches éruptives, les laves, les roches sédimentaires et l’eau de l’Océan. Dans des expériences faites par M. Joly[47], une quantité connue de roche était mise en dissolution. On faisait bouillir la dissolution pour chasser l’émanation du radium qu’on dosait dans certains cas, puis on faisait passer dans le liquide un courant d’air qui entraînait l’émanation du thorium dans un appareil de mesures. L’effet obtenu était comparé à celui que fournit dans les mêmes conditions une solution qui contient une quantité connue de thorium. M. Blanc[48] séparait des roches les hydrates de terres rares contenant le thorium ; l’activité de ces hydrates était mesurée et comparée à celle d’une quantité connue d’hydrate de thorium ; on s’assurait par une étude préalable que l’activité ne pouvait être due au radium ou à l’actinium.

Les résultats de ces recherches ont été résumés dans le Tableau ci-après :

                                                                                                  
Teneur
en thorium
en gramme,
par gramme
de matière.
Teneur
en radium
en gramme,
par gramme
de matière.
Blanc 
  
Syénite (La Balma, Biella) 
  
< 8,28.10-5
Syé»ite (Bagni, Biella) 
  
< 6,30_.»
Granit (Baveno, Lake Major) 
  
< 3,14_.»
Gra»it (Vosges, France) 
  
< 2,07_.»
Joly.
Roches
du tunnel
St-Gothard.
Granits et gneiss du massif du Finsteraarhorn 
  

< 1,85_.»

_-7,7.10-12
Roches sédimentaires, Ursern-mulde 
  

< 0,97_.»

_-4,9_.»
Massif St-Gothard 
  
< 1,18_.» _-3,9_.»
Roches sédimentaires, Tessin-mulde 
  

< 0,51_.»

_-3,4_.»
Lave du Vésuve de 1906 
  
< 2,60_.»
Basalt, Giants, Causeway 
  
< 0,90_.»
Gneiss, tunnel du Simplon 
  
< 1,00_.»
Calcaire carbonifère, Armagh 
  
< 0,20_.»
Argile rouge du Pacifique 
  
< 0,40_.»
Eau de mer, océan Indien 
  
< 0,90_.»
E»u de m»r, Atlantique du Sud 
  
< 1,10_.»


D’après ces résultats la radioactivité de la croûte terrestre n’est pas due seulement au radium, mais peut provenir en grande partie du thorium et de l’uranium. La présence de l’actinium a aussi été mise en évidence dans certains cas. M. Giesel a extrait de l’actinium de la terre végétale de l’île Capri[49], et certains observateurs ont signalé la production d’une radioactivité induite du type actinium sur des fils exposés dans l’air au voisinage du sol [Dadourian, Gockel[50]].

On peut chercher à se rendre compte de la correspondance qui existe entre la teneur du sol en radium et la teneur de l’atmosphère en émanation du radium.

Si un mètre cube d’air atmosphérique contient l’émanation qui est en équilibre avec 80.10-12 gramme de radium, et si un gramme de roches superficielles contient en moyenne 1,4.10-12 gramme de radium, 60g de roches pourraient fournir l’émanation contenue dans un mètre cube d’air, à condition que toute l’émanation produite puisse s’échapper. Si l’on admet que la proportion de l’émanation dégagée est d’environ 5 pour 100 pour une épaisseur de sol d’un mètre, on peut expliquer la teneur de l’atmosphère en émanation sur une hauteur de 2km à 3km. On peut remarquer que l’émanation ne se dégage pas seulement de la masse du sol, mais qu’elle se déverse aussi par des fissures et avec les eaux de source ; par ce moyen l’émanation produite dans les couches profondes du sol peut également atteindre l’atmosphère. On voit donc qu’il n’y a aucune difficulté à expliquer la teneur de l’atmosphère en émanation au voisinage du sol par la présence du radium dans la croûte terrestre.


225. Procédés de mesures de l’ionisation de l’air atmosphérique. — Ainsi qu’il résulte de l’étude de la radioactivité de l’atmosphère, du sol et des eaux, l’ionisation de l’air atmosphérique est due à la présence dans l’air des émanations radioactives et de leurs dépôts actifs, et aux radiations pénétrantes provenant du sol. Il est peu probable qu’il existe une ionisation appréciable de l’air indépendante de la radioactivité de l’atmosphère et de la croûte terrestre.

L’étude systématique de l’ionisation de l’atmosphère offre un grand intérêt ; la présence des ions intervient, en effet, dans divers phénomènes météorologiques, tels que l’existence d’un champ électrique à la surface de la terre et les variations de ce champ, et la production des nuages par condensation de la vapeur d’eau sur les centres chargés.

MM. Elster et Geitel[51] observaient l’ionisation de l’air atmosphérique en mesurant la vitesse de décharge d’un cylindre chargé exposé à l’air et relié à un électroscope. Cette méthode très simple fournit des résultats qui varient beaucoup avec les conditions de l’expérience telles que le vent ou la protection du conducteur de déperdition. Une méthode plus précise indiquée par M. Ebert[52] consiste à faire passer un volume d’air connu dans un condensateur cylindrique dont l’électrode centrale est reliée à un électroscope, tandis que le cylindre extérieur est porté à un potentiel convenable. Si la vitesse du courant d’air est convenablement réglée, tous les ions d’un signe contenus dans le volume d’air considéré pourront être recueillis par l’électrode (§ 7) ; en renversant le sens du champ on recueille les ions de signe contraire. Cette méthode qui est actuellement utilisée de préférence, se prête aussi à l’enregistrement automatique des résultats obtenus ; un dispositif enregistreur des ions de l’atmosphère a été établi par MM. Langevin et Moulin[53].

Pour que tous les ions d’un certain signe et de mobilité puissent être recueillis par l’électrode centrale, la longueur de celle-ci doit avoir une valeur suffisante. Si est la différence de potentiel entre les deux armatures du condensateur, la capacité de celui-ci par unité de longueur et le débit d’air en volume, on doit avoir

L’air atmosphérique contient des ions de deux espèces : 1o les petits ions, absolument comparables à ceux qui sont créés dans l’air exempt de poussières par les rayons Röntgen ou les rayons Becquerel ; ces petits ions doivent vraisemblablement tous leur origine à la radioactivité du sol et de l’atmosphère ; leur mobilité est de l’ordre de 1cm,5 par seconde dans un champ de 1 volt par centimètre ; 2o les gros ions, véritables particules ou gouttelettes chargées dont le diamètre est de l’ordre du centième de micron, et la mobilité 1000 à 3000 fois plus petite que celle des petits ions. La charge qu’ils représentent par unité de volume peut être beaucoup plus grande que celle représentée par les petits ions, le rapport pouvant atteindre 50, mais la conductibilité qu’ils communiquent à l’air atteint à peine quelques pour 100 de la conductibilité totale, parce que cette conductibilité dépend du produit de la densité en volume des charges par leur mobilité. La formation des gros ions a été expliquée par M. Langevin[54] par la diffusion des petits ions vers les particules neutres suspendues dans l’atmosphère ; il s’établit un régime d’équilibre entre le nombre des gros ions ainsi formés et le nombre de ceux qui reconstituent des particules neutres par recombinaison avec les petits ions de signe opposé. La proportion de gros ions dans l’atmosphère croît avec le degré d’impureté de celle-ci, et cet accroissement se fait aux dépens de la proportion des petits ions simultanément présents.

On peut considérer comme vraisemblable que les gros ions et les particules neutres de l’air jouent le rôle de centres de condensation de la vapeur d’eau pour les nuages qui se forment à des altitudes au-dessous de 2000m. Ces particules peuvent, en effet, condenser la vapeur d’eau à peine sursaturante, et en leur présence la condensation dans une masse d’air humide qui s’élève peut être déterminée par un refroidissement faible. En raison de sa pesanteur, le nuage ainsi formé peut se trouver abandonné par la masse d’air qui s’élève ; celle-ci ne pourra alors former de nouvelles gouttes qu’à une altitude beaucoup plus élevée, quand le refroidissement aura donné lieu à une sursaturation suffisante pour que la condensation puisse avoir lieu sur les petits ions ; les couches de nuages élevées (jusqu’à 10km ou 12km) sont probablement formées dans ces conditions.

Dans l’appareil de MM. Langevin et Moulin les petits ions sont recueillis dans un condensateur dont l’électrode a une longueur de 20cm et un diamètre de 1cm,8, tandis que le tube extérieur a 5cm de diamètre et 30cm de longueur ; le débit d’air est d’environ 1,3 litre par seconde et la différence de potentiel entre l’électrode et le tube est de 8 à 10 volts ; le nombre des gros ions recueillis dans ces conditions est négligeable. Pour recueillir ces derniers on utilise un condensateur dont le tube extérieur a 130cm de longueur et 7cm de diamètre, tandis que l’électrode a 120cm de longueur et 5cm de diamètre ; le débit est d’environ 0,26 litre par seconde et la différence de potentiel de 300 à 400 volts. On peut corriger le nombre obtenu en tenant compte de la proportion des petits ions qui est connue par l’expérience directe. L’enregistrement des charges est obtenu par une méthode photographique ; sous l’influence de la charge recueillie par l’électrode, l’électromètre dévie ; l’image d’un filament vertical de lampe à incandescence formée par le miroir de l’électromètre se déplace le long d’une fente horizontale derrière laquelle tourne un tambour sur lequel est entourée une feuille de papier sensible. Chaque fois qu’un volume donné d’air a passé, l’électromètre est automatiquement remis au zéro, le sens du champ est renversé, puis l’électromètre est à nouveau isolé ; l’enregistrement des charges de signes contraires est ainsi rendu automatique et alternatif.

Connaissant en valeur absolue la charge d’un signe contenue dans un volume donné d’air, on peut en déduire le nombre des ions du même signe si la charge d’un ion est connue. En admettant que la charge d’un ion est voisine de 4.10-10 unité électrostatique, on trouve que le nombre des petits ions d’un signe est de l’ordre de 1000 ions par centimètre cube dans l’air peu chargé de poussières.

Le nombre d’ions mesuré directement par la méthode d’Ebert peut être susceptible d’une correction appréciable provenant de l’accumulation du dépôt actif sur l’armature négative du condensateur. En raison de cette accumulation, le courant de charge de l’électrode croît en fonction du temps pendant l’aspiration de l’air ; quand l’aspiration est arrêtée, on observe dans le condensateur un courant décroissant. Les ions recueillis par l’électrode ne sont donc pas seulement ceux qui étaient contenus dans l’air admis dans le condensateur, mais aussi ceux qui se forment à l’intérieur du condensateur par suite de l’activation des parois de celui-ci. En observant la loi de variation du courant en fonction du temps, on peut évaluer l’importance de cet effet ; en opérant ainsi M. Kurz[55] a trouvé que la correction est de l’ordre de 4 pour 100 pour le dispositif expérimental employé.

L’ionisation de l’air atmosphérique au voisinage immédiat du sol est beaucoup plus grande que celle qui est observée à une certaine distance. MM. Ebert et Kurz ont mesuré et enregistré la conductibilité qu’on peut obtenir entre le sol et une plaque métallique placée à 5cm de distance[56]. Il résulte de ces expériences que le nombre d’ions produits dans 1cm3 d’air contenu dans le sol est d’environ 330 par seconde. Les mesures faites avec l’appareil enregistreur de M. Ebert (§ 222), ont conduit à un résultat très analogue.


226. Origine de l’ionisation de l’air atmosphérique. Ionisation en vase clos. — La dissémination des substances radioactives connues dans le sol et la présence de leurs émanations radioactives et des dépôts actifs dans l’atmosphère sont des causes qui entretiennent dans l’air atmosphérique une ionisation permanente. On peut se demander si ces causes interviennent seules et si, en dehors de leur action, il existe encore une ionisation supplémentaire des gaz de l’air. Le nombre d’ions présents dans l’unité de volume de l’air est déterminé par un équilibre de régime entre la production, la recombinaison et l’effet du champ électrique terrestre ; ce nombre est de plus constamment influencé par les conditions météorologiques et ne constitue pas une donnée numérique simple et constante. Des résultats de signification plus simple peuvent être obtenus par la mesure de la production d’ions dans un vase clos, cette production étant évaluée par l’intensité du courant de saturation qu’on peut obtenir dans une chambre d’ionisation entièrement close. Toutefois, en utilisant cette méthode, on introduit une nouvelle cause d’action possible : l’effet des parois. Celles-ci peuvent intervenir soit par les rayons secondaires qu’elles émettent sous l’influence des rayons primaires qui pénètrent dans la chambre, soit par une radioactivité qui leur serait propre, ainsi que le supposent certains auteurs qui ont interprété dans ce sens les résultats de leurs expériences.

L’ionisation en vase clos peut être déterminée directement par les causes suivantes :


1o Rayons pénétrants qui entrent dans la chambre d’ionisation au travers des parois et qui sont émis soit par les substances radioactives présentes dans le sol, soit par les particules de dépôts actifs suspendues dans l’atmosphère (rayonnement extérieur) ;

Rayons secondaires émis par les parois de la chambre sous l’action des rayons pénétrants primaires ;

2o Rayons émis par des émanations radioactives contenues dans la chambre et par les dépôts actifs formés sur la face interne de la paroi, et rayons secondaires accompagnant ces rayons primaires ; les émanations radioactives peuvent avoir été introduites avec l’air extérieur ; on peut aussi envisager le cas où les parois dégageraient de telles émanations ;

3o Rayons provenant de la paroi elle-même, si celle-ci est radioactive, et rayons secondaires accompagnant ces rayons primaires. La radioactivité de la paroi peut être attribuée à la présence d’impuretés radioactives connues ; ou bien elle peut être considérée comme une propriété caractéristique de la matière qui constitue la paroi.


Chacune de ces trois catégories peut, comporter des rayons pénétrants et des rayons absorbables, de sorte que l’ensemble des radiations actives constitue, dans le cas général, un rayonnement hétérogène.

L’expérience a montré que la production d’ions dans des vases clos dont la paroi ne semble pas contenir d’impuretés radioactives est de l’ordre de 10 ions par centimètre cube et par seconde et dépend de la nature de la paroi. Ce dernier résultat peut en principe s’expliquer soit par une radioactivité générale très faible propre à toute matière et variant avec la nature de celle-ci, soit par ce fait que chaque matière se comporte d’une manière différente en ce qui concerne l’absorption du rayonnement extérieur et l’émission de rayons secondaires sous l’action de ce rayonnement extérieur primaire.

Il est utile de se rendre compte du nombre des ions qui peuvent être produits dans l’atmosphère par la radioactivité de la croûte terrestre et de l’air atmosphérique. Nous avons vu que l’air contient par mètre cube une quantité d’émanation du radium qui serait en équilibre avec environ 10-10 gramme de radium ; la quantité d’émanation par centimètre cube d’air correspond donc à 10-16 gramme de radium et le nombre des particules de chaque groupe émises dans un centimètre cube est 3,4.10-6 par seconde. La production d’ions correspondante est donnée par la formule


étant les nombres d’ions produits respectivement par une particule de l’émanation, du radium A et du radium C. En posant on trouve

par cm3 et sec.

On peut montrer que la production d’ions attribuable aux rayons pénétrants du dépôt actif du radium répandu dans l’atmosphère est bien moins importante que la production due aux rayons Examinons d’abord le cas des rayons L’expérience a montré que, dans l’air sous 1mm de pression, une particule de grande vitesse émise par le radium produit environ un ion d’un signe sur une longueur de 10cm (Durack) ; le nombre d’ions produits par centimètre dans l’air sous la pression atmosphérique est donc 76, et le nombre d’ions produits le long du parcours total est si est le coefficient d’absorption des rayons dans l’air. En admettant que ce coefficient varie proportionnellement à la densité de la matière absorbante et que sa valeur pour l’aluminium est égale à 13, on trouve que le nombre d’ions produits en tout par une particule est environ 12 600. Le nombre des particules émises par l’émanation et le dépôt actif en équilibre avec un gramme de radium est 10,2.1010 ; le nombre des particules est environ 10.1010 (Makower) ; ces deux nombres sont peu différents. Comme une particule produit en moyenne 200 000 ions, le rapport des ionisations dues aux rayons et aux rayons est environ soit 16. Ce calcul s’applique aux rayons de grande vitesse ; les électrons plus lents, tels qu’ils sont produits par le radium B, ont un pouvoir ionisant plus élevé que les électrons rapides ; en revanche leur coefficient d’absorption est beaucoup plus grand, et l’ionisation totale doit être inférieure à celle produite par une particule rapide.

Pour évaluer l’ionisation due aux rayons désignons par la quantité de radium qui se trouverait en équilibre avec l’émanation contenue dans l’unité de volume, et soit le nombre d’ions qui seraient produits par seconde dans l’unité de volume par un gramme de radium placé à l’unité de distance, si le rayonnement n’était pas absorbé ; soit le coefficient d’absorption des rayons par l’air. Considérons l’ionisation en un point P comme produite par les rayons émis par des couches comprises entre des sphères ayant leurs centres en P. L’ionisation en P, attribuable au radium distribué uniformément dans la couche comprise entre les sphères de rayons et et rapportée à l’unité de volume, est donnée par la relation


et l’ionisation totale obtenue en P par unité de volume est donnée par la formule

Dans le cas actuel tout se passe comme si l’on avait

environ.

Le coefficient d’absorption déduit de celui qui a été déterminé pour l’eau, par application de la loi des densités, est égal à 0,000044. La constante a été déterminée par M. Eve qui a fait agir une quantité connue de radium sur une chambre d’ionisation placée à une distance convenable ; on trouve pour un gramme de bromure de radium, soit pour un gramme de radium. On déduit de ces données nombre environ 20 fois plus petit que celui qu’on obtient pour les rayons

Les expériences faites par la méthode Sella indiquent que l’ionisation produite dans l’atmosphère par l’émanation du thorium et ses dérivés est moins importante que celle qui est produite par l’émanation du radium et ses dérivés et constitue probablement quelques pour 100 de cette dernière. On peut donc prévoir que la production totale d’ions, par les émanations et les dépôts actifs contenus dans l’atmosphère, est d’environ 3 ions par centimètre cube et par seconde.

Il reste à examiner l’ionisation attribuable au rayonnement pénétrant de la matière radioactive contenue dans le sol. On peut admettre que cette ionisation est la moitié de celle qui serait produite dans une cavité placée dans le sol à une profondeur suffisante. Le nombre d’ions produits dans une telle cavité par unité de volume et de temps peut être calculé par la formule


est la teneur en matière radioactive par centimètre cube du sol, le coefficient d’absorption des rayons par le sol et la même constante que celle qui a été utilisée pour le calcul de l’ionisation due aux rayons pénétrants de l’atmosphère. On peut aussi écrire

est la densité du sol et la teneur en matière radioactive

par gramme de sol. Si l’on pose


on trouve

environ.

Par conséquent les rayons du radium présent dans le sol avec la concentration indiquée peuvent fournir dans l’atmosphère environ 1,5 ion par centimètre cube et par seconde. Les rayons du radium ne pénètrent pas aussi loin dans l’atmosphère que les rayons mais dans la région voisine du sol ils peuvent fournir une ionisation du même ordre.

Le thorium contenu dans le sol est une source importante de rayons pénétrants. D’après M. Eve l’effet ionisant des rayons du radium est à celui des rayons d’un même poids du thorium dans le rapport 7.106[57]. D’après cela une teneur en thorium, d’environ 10-5 gramme par gramme de sol, aurait pour effet de produire dans l’air atmosphérique une ionisation par rayons égale à celle que produit le radium contenu dans le sol. Cette teneur est précisément celle qu’indique en moyenne l’expérience pour les roches du tunnel de Saint-Gothard (Joly). La valeur moyenne qui résulte des recherches de M. Blanc est plus élevée et conduirait à attribuer aux rayons du thorium un effet ionisant 5 fois plus grand qu’à ceux du radium.

On voit donc qu’en résumé on peut prévoir, à une certaine distance du sol, une production de quelques ions (6 à 10), par centimètre cube et par seconde. Le nombre réellement observé dans un vase clos de grand volume, dans lequel l’effet des parois est peu important, est environ Ces nombres sont du même ordre de grandeur, le nombre observé étant plutôt supérieur au nombre prévu.

La teneur moyenne du sol en matière radioactive n’est pas connue assez exactement pour permettre des conclusions définitives. Il est cependant extrêmement probable que l’ionisation de l’air atmosphérique peut recevoir une explication suffisante par la présence dans le sol et dans l’atmosphère de matières radioactives. Il semble aussi très probable qu’à une distance modérée du sol le rayonnement pénétrant des matières contenues dans le sol joue un rôle prépondérant, le rayonnement du thorium pouvant d’ailleurs être plus important que celui du radium. Les variations de l’ionisation dans l’atmosphère peuvent s’expliquer par les oscillations de la teneur de l’air en émanations et en dépôts actifs ; celles-ci peuvent être occasionnées par des variations de pression, par le vent, par le passage de pluies, etc.

La production de 10 ions par centimètre cube correspond à une densité d’équilibre des ions, = 2500, si l’on ne tient compte que de la recombinaison et si l’on donne au coefficient de recombinaison la valeur 1,6.10-6. Mais la valeur de est en réalité abaissée par suite de la présence de poussières. Le nombre réellement observé dans une atmosphère peu chargée de poussières est environ 1000 petits ions par centimètre cube.

Au voisinage immédiat du sol, l’ionisation est plus intense (production d’environ 300 ions par centimètre cube et par seconde). Cet accroissement d’ionisation peut être attribué au rayonnement des émanations qui se dégagent du sol et des dépôts actifs formés à la surface du sol. Les particules de dépôt actif (radium A, thorium A), formées près de la surface, doivent être, en effet, entraînées vers celle-ci par l’action du champ électrique terrestre dirigé vers cette surface. En particulier le dépôt actif de l’émanation du thorium doit être ainsi retenu en forte proportion, la destruction de l’émanation ayant lieu très près de la surface.

Quelques expériences ont été faites en ballon en vue de mesurer l’ionisation de l’air aux grandes altitudes (jusqu’à 6000m). Les résultats obtenus sont encore peu nombreux ; il semble cependant que la concentration en petits ions dans ces régions élevées est du même ordre que celle qu’on observe dans les couches inférieures de l’atmosphère. Parmi les causes ionisantes qui interviennent aux altitudes élevées, on a reconnu la présence de l’émanation du radium et de ses dérivés ; quant à l’effet du rayonnement pénétrant du sol, il doit être considérablement affaibli à ces distances. On peut donc se demander si les régions supérieures de l’atmosphère ne sont pas soumises à l’action d’une cause ionisante d’origine non terrestre, par exemple à l’action d’un rayonnement pénétrant venant du Soleil, qui ne se ferait plus sentir que faiblement dans les régions inférieures. Cependant il n’est pas certain qu’une hypothèse de ce genre soit nécessaire. En effet, si aux grandes altitudes les causes ionisantes connues sont affaiblies, la perte d’ions par recombinaison ou par diffusion vers les poussières y est également diminuée. L’air des hautes régions ne contient pas de poussières, et sous une pression réduite le coefficient de recombinaison a une valeur plus faible qu’à la pression atmosphérique ; une même concentration en petits ions peut donc être obtenue avec une production bien moindre.

Nous verrons plus loin que dans certaines conditions l’ionisation en vase clos peut devenir très faible ; toutefois elle reste observable et, étant donné la complexité de ses causes, aucune opinion définitive n’a encore pu s’établir en ce qui concerne la possibilité d’une ionisation spontanée de l’air indépendante de phénomènes radioactifs, ou d’une ionisation attribuable à une radioactivité générale de la matière. Cependant, d’après ce qui précède, l’explication complète de l’ionisation de l’atmosphère par la présence, dans l’atmosphère et dans le sol, de matières radioactives connues paraît parfaitement possible.


227. Rayonnement pénétrant à la surface de la terre. — Nous avons vu que l’ionisation qu’on observe en vase clos est un phénomène dont la nature peut être très complexe. L’étude de ce phénomène présente un grand intérêt, parce qu’elle est en relation avec un problème très important : celui de l’existence d’une radioactivité générale de la matière. Les matières radioactives connues sont très répandues à la surface du globe terrestre ; il peut aussi exister des matières radioactives encore inconnues. Les recherches faites sur l’ionisation spontanée en vase clos ont montré que cette ionisation dépend de la nature de la paroi du vase ; il est important de distinguer si la paroi intervient comme source de rayons, quelle que soit la matière dont elle est formée, ou bien si son rôle peut s’expliquer sans faire intervenir cette hypothèse.

Les causes qui peuvent, en principe, provoquer l’ionisation en vase clos ont été énumérées dans le paragraphe précédent. Ces causes permettent de prévoir que l’ionisation doit, en général, être attribuée en partie à l’action de rayons absorbables et en partie à l’action de rayons pénétrants. L’existence d’un rayonnement très pénétrant à la surface de la terre a, en effet, été constatée par de nombreux observateurs, et tout d’abord par M. Mc Lennan et MM. Rutherford et Cooke[58]. M. Mc Lennan mesurait la conductibilité de l’air dans un récipient métallique qui se trouvait à l’intérieur d’un récipient plus grand, l’espace intermédiaire pouvant être rempli d’eau, dont la couche avait 25cm d’épaisseur. Lors de l’introduction de l’eau, l’ionisation dans le vase intérieur se trouvait réduite à 63 pour 100 environ de sa valeur initiale ; cette ionisation était donc due en grande partie à une radiation extérieure qui s’est trouvée totalement ou partiellement supprimée.

MM. Rutherford et Cooke ont constaté de même qu’on pouvait réduire l’ionisation dans un vase clos en entourant celui-ci d’écrans absorbants, par exemple d’écrans de plomb. Avec un écran de 5cm d’épaisseur, l’ionisation était diminuée de 30 pour 100 environ ; le même résultat était obtenu avec des écrans de fer. L’effet des écrans semblait épuisé pour des épaisseurs de quelques centimètres. En disposant convenablement les écrans. M. Cooke a pu s’assurer que la radiation pénétrante vient indifféremment de tous les côtés. Des résultats semblables ont été obtenus avec des vases placés en plein air loin de tout bâtiment, de sorte qu’il est certain que la radiation pénétrante n’est pas due uniquement aux substances radioactives présentes dans les laboratoires, mais doit être considérée comme provenant du sol et de l’atmosphère.

Le rôle des écrans est complexe. S’ils absorbent le rayonnement pénétrant extérieur, ils peuvent aussi émettre eux-mêmes un tel rayonnement. Conformément à cette remarque, on a pu aussi observer l’accroissement de l’ionisation dans un vase clos par l’action de parois solides placées au voisinage. Ainsi une radiation pénétrante vient de la brique ; quand on place un électroscope à l’intérieur d’une cage en brique, l’ionisation peut se trouver augmentée de 50 pour 100, et l’effet n’est épuisé que pour de grandes épaisseurs. On doit donc attribuer aux briques une radioactivité appréciable, et ce fait est en accord avec les observations de MM. Elster et Geitel sur la radioactivité des argiles. Le rayonnement émis par la brique était absorbé par une épaisseur de plomb de 2mm.

D’après les observations de MM. Elster et Geitel, l’air des cavernes et des grottes est, en général, plus fortement radioactif que l’air extérieur ; ce fait est dû à l’accumulation des émanations dans ces espaces confinés dont les parois contiennent des matières radioactives. On peut donc penser qu’en introduisant une chambre d’ionisation close dans une caverne, on observera, en général, un accroissement d’ionisation, le rayonnement pénétrant venant de l’air ambiant étant plus intense qu’à l’air libre et le rayonnement pénétrant des parois étant reçu de tous côtés. Dans certains cas on constate, en effet, un tel accroissement [Wulf, expériences faites dans le tunnel du Simplon[59]], mais le phénomène inverse a aussi été observé. Ainsi, en mesurant l’ionisation dans un vase clos, d’abord à la surface de la terre et ensuite dans une caverne contenue dans une mine de sel gemme, MM. Elster et Geitel[60] ont constaté une diminution de l’ionisation d’environ 28 pour 100 ; cette diminution était due à la suppression de rayons pénétrants, et, conformément à ce fait, l’ionisation de l’air dans la caverne était aussi beaucoup plus faible que l’ionisation dans l’air normal. Une diminution de l’ionisation de 42 pour 100 a été observée dans des cavernes de craie (Wulf). On peut supposer que le sel gemme et la craie sont pauvres en matière radioactive et que les parois des cavernes peuvent pour cette raison fonctionner d’une manière efficace comme écrans protecteurs contre la radiation extérieure.

Le rayonnement pénétrant qui intervient pour produire l’ionisation en vase clos peut provenir en partie du sol, en partie de l’atmosphère. Il est probable que la part venant de l’atmosphère est moins importante ; c’est cependant à cette part du rayonnement que doivent être probablement attribuées certaines variations régulières ou irrégulières de l’ionisation observée.


228. Variation de l’ionisation en vase clos. Relation avec la pression et la nature du gaz. — L’ionisation qu’on observe dans un vase clos présente, en général, des variations en fonction du temps. La nature de ces variations dépend en partie des conditions de l’expérience. Pour obtenir des résultats comparables, il est nécessaire de se rendre compte des causes qui peuvent donner lieu aux variations signalées.

On observe souvent que le courant obtenu dans une chambre d’ionisation donnée diminue pendant quelque temps à partir du moment où le champ électrique a été établi dans la chambre. Si celle-ci est de petites dimensions, la diminution est rapide, et une valeur limite est atteinte en quelques minutes. Si, au contraire, le volume est grand, la décroissance peut persister pendant un temps plus long (quelques heures). Cet effet est dû à la présence dans l’air intérieur d’une certaine quantité de gros ions qui ne sont pas recueillis par les électrodes aussi rapidement que les petits. Quand on applique un champ intense, les petits ions sont recueillis à mesure de leur production, mais les gros ions ne sont utilisés qu’en un temps appréciable. Leur proportion dans l’air est en relation avec celle des poussières ; si le récipient a été vidé et rempli ensuite d’air soigneusement filtré, les gros ions sont absents. Dans un grand récipient contenant des gros ions, le courant de saturation ne peut être obtenu ; mais à mesure que les gros ions sont éliminés par l’action du champ électrique, la saturation devient plus facile, et l’on peut la réaliser même dans un grand volume. Les chambres d’ionisation à gaz, utilisées dans les laboratoires de radioactivité, peuvent contenir de petites quantités de matières radioactives ; quand une telle chambre a été remplie d’air exempt de poussières, elle peut néanmoins, après quelque temps, contenir un petit nombre de gros ions ; la présence de matières radioactives et surtout de leurs émanations dans l’air donne lieu, en effet, à des réactions chimiques, et les produits de réaction (composés nitrés) peuvent former, surtout en présence de vapeur d’eau, des particules susceptibles de fournir de gros ions par absorption des ions ordinaires. Le vase contient alors une certaine provision de gros ions qui se trouve épuisée lors de l’application du champ et qui ne se reforme ensuite que lentement.

Indépendamment de toute présence de gros ions, on peut observer une décroissance initiale de l’ionisation dans une chambre qui a été fermée après avoir été remplie d’air frais. Cette décroissance peut être due à la diminution de la radioactivité induite des parois. Les parois exposées à l’air libre se recouvrent d’une couche de dépôt actif qui diffuse vers elles de l’atmosphère. La radioactivité induite ainsi acquise peut être plus grande que la radioactivité induite de régime due à l’émanation enfermée dans le vase. S’il en est ainsi, on doit observer une décroissance dont la durée ne dépend pas de la forme de la chambre. On peut réduire fortement l’ionisation dans une chambre en soumettant les parois de celle-ci à un nettoyage très parfait par des moyens mécaniques et par des moyens chimiques. La paroi est grattée et frottée ; elle est aussi nettoyée aux acides, à l’ammoniaque, à l’alcool, à l’eau distillée. La réduction de l’ionisation par ce procédé a pu atteindre 60 pour 100 (Cooke). Le rôle du nettoyage consiste certainement à enlever la couche de dépôt actif qui recouvre la surface. Si d’ailleurs la surface a été longtemps au contact d’air contenant de l’émanation, elle peut porter aussi une proportion appréciable du dépôt de radioactivité induite à évolution lente ; ce fait peut se produire dans l’atmosphère et encore plus facilement dans l’air riche en émanation du radium des laboratoires de radioactivité.

Quand les parois ont été complètement nettoyées et que la chambre a été remplie d’air exempt de poussières, on ne prévoit plus aucune cause de décroissance initiale de l’ionisation. On peut s’attendre, au contraire, à voir l’ionisation augmenter en fonction du temps par suite du développement sur les parois de la radioactivité induite, l’air qu’on introduit contenant généralement de l’émanation du radium et pouvant contenir aussi de l’émanation du thorium.

Divers observateurs ont constaté que l’ionisation en vase clos observée dans ces conditions bien définies augmente, en effet, régulièrement et tend vers une valeur limite qui n’est atteinte qu’après quelques jours[61] (Campbell et Wood, Mc Lennan, Eve, Wright). Quand la limite a été atteinte, on abaisse l’ionisation à nouveau en aérant le récipient et en le remplissant d’air frais ; mais la valeur obtenue immédiatement après reste néanmoins supérieure à la valeur initiale, laquelle ne peut être obtenue à nouveau qu’à la suite d’un nettoyage des parois. L’augmentation de l’ionisation en fonction du temps à partir du début, l’effet d’un remplacement d’air et l’accroissement consécutif ont été représentés dans la figure 190 pour deux récipients en plomb

Fig. 190.


différents. On voit que l’accroissement du courant est dû en partie à une modification superficielle des parois et en partie à une cause localisée dans le gaz ; cette cause pourrait, par exemple, consister en un dégagement très lent par les parois d’une émanation radioactive.

Ces mêmes phénomènes ont été observés en remplissant la chambre d’ionisation de gaz autres que l’air (hydrogène, gaz carbonique, oxyde de carbone). L’augmentation de l’ionisation en fonction du temps dépend de la nature de la paroi ; elle s’est montrée importante pour les vases d’étain ou de plomb et sensiblement nulle pour le zinc.

La connaissance de l’allure générale de la variation de l’ionisation en vase clos permet de faire des mesures dans des conditions bien définies, en utilisant soit la conductibilité initiale de l’air frais dans un récipient qui vient d’être nettoyé, soit la conductibilité limite. Mais on doit encore tenir compte des variations irrégulières et des variations diurnes.

Des variations irrégulières dont l’importance peut atteindre 50 pour 100 sont de temps en temps observées (Campbell, Strong) ; la cause de ces variations n’a pas été élucidée. De plus il se produit des variations lentes périodiques, avec 2 maxima et 2 minima en 24 heures [Campbell et Wood, Wulf[62]]. Cette variation diurne est surtout observable par le beau temps, et les courbes de variation rappellent celles qui représentent en fonction du temps la variation du potentiel dans l’atmosphère. Il semble naturel d’attribuer aux rayons pénétrants de l’atmosphère la variation périodique diurne de l’ionisation en vase clos, et probablement aussi les variations irrégulières qui peuvent être occasionnées par des déplacements de dépôts actifs dans l’air extérieur au voisinage du vase. Cette opinion a été soutenue par M. Strong[63] qui attribue aux dépôts actifs dans l’atmosphère une importance prépondérante parmi les causes d’ionisation en vase clos.


L’ionisation en vase clos augmente avec la pression du gaz contenu dans la chambre. D’après les expériences de plusieurs observateurs [C.-T.-R. Wilson, Mc Lennan, W. Wilson[64]], l’ionisation est approximativement proportionnelle à la pression pour des pressions comprises entre 43mm de mercure et 40 atmosphères. D’après M. Patterson[65], au contraire, l’ionisation dans le très grand vase utilisé n’aurait été proportionnelle à la pression que pour des pressions inférieures à 80mm de mercure et aurait été constante pour des pressions supérieures à 300mm de mercure.

L’ionisation produite dans différents gaz est approximativement proportionnelle à la densité relative [C.-T.-R. Wilson, Jaffé[66]] ; cette loi s’applique aux gaz suivants : air, oxyde de carbone, gaz sulfureux, chloroforme, nickel carbonyle), mais, ne se trouve pas vérifiée pour l’hydrogène.

On peut remarquer que si l’air introduit contient une certaine proportion d’émanation, la quantité d’émanation introduite dans le vase varie proportionnellement à la quantité d’air utilisée, c’est-à-dire à la pression. Il n’en est plus de même en ce qui concerne la conductibilité attribuable à l’action de rayons pénétrants venant de l’extérieur. Celle-ci varie moins rapidement que la pression, pour des pressions comprises entre 1 et 40 atmosphères, ainsi qu’il résulte d’expériences faites sur la conductibilité provoquée dans un vase clos par les rayons du radium placé à l’extérieur (W. Wilson). L’ionisation peut, en ce cas, être représentée par la superposition de deux termes, dont l’un, proportionnel à la pression, est attribuable aux rayons eux-mêmes, tandis que le second terme qui augmente aussi avec la pression, mais tend vers une limite, est attribuable aux rayons secondaires émis par la paroi et absorbés par le gaz plus fortement que les rayons En ce qui concerne l’ionisation dans un vase clos contenant de l’air atmosphérique, la pression intervient des deux manières indiquées : 1o en modifiant la quantité d’émanation introduite ; 2o en modifiant l’ionisation due aux rayons pénétrants extérieurs. De plus, si les parois de la chambre sont radioactives, l’utilisation des rayons émis dépend aussi de la pression du gaz dans la chambre, et si les rayons émis sont en partie absorbables, en partie pénétrants, la loi de variation de cette part de la conductibilité avec la pression sera représentée par une somme de deux termes, dont l’un est proportionnel à la pression et l’autre augmente avec celle-ci, mais tend plus ou moins rapidement vers une limite constante. Suivant que l’un des effets indiqués domine, la loi de variation peut s’écarter plus ou moins d’une loi de proportionnalité et affecter une tendance plus ou moins marquée vers une valeur limite.


229. Influence des parois sur l’ionisation en vase clos. — Le nombre d’ions produits par centimètre cube et par seconde dans un vase clos dépend de la nature de la paroi. Ce fait a été mis en évidence par M. Strutt[67] qui a indiqué pour l’ionisation dans des vases de nature différente les valeurs relatives suivantes :

                                                                      
Étain 
  
3,3
Étain (autre échantillon) 
  
2,3
Zinc 
  
1,2
Plomb 
  
2,2
Cuivre 
  
2,3
Aluminium 
  
1,4
Platine, divers échantillons__ 
  
2,0 à 3,9


Ainsi l’ionisation varie avec la matière utilisée et, de plus, elle est variable pour divers échantillons d’une même matière.

Plusieurs autres observateurs ont trouvé des résultats analogues, et parmi les divers métaux le plomb s’est montré particulièrement actif, sans que cependant les divers échantillons de plomb manifestent des effets bien comparables. M. Eve[68] a trouvé une production d’environ 95 ions par centimètre cube dans un vase en plomb et une production d’environ 24 ions par centimètre cube dans des vases en cuivre, zinc, aluminium, fer, fer étamé ; entre ces métaux on ne constatait pas de différence nette. M. Mc Lennan[69], opérant avec des récipients cylindriques de 24cm de diamètre et de 60cm de longueur, a trouvé une production de 13,6 ions par centimètre cube dans le cas de l’aluminium et une production de 23 à 160 ions par centimètre cube dans le cas du plomb. Des expériences ultérieures ont donné, comme valeurs minima de la production dans une même chambre d’ionisation transportée à des endroits différents, les valeurs suivantes :


Laboratoire de Toronto.
                Sur la glace de Toronto Bai,
Sur sur le lac Ontario.
Plomb 
 15,3
Plomb 
 8,6
Zinc 
 13,4
Zinc 
 6,0
Aluminium 
 12,5
Aluminium 
 6,55


Les nombres obtenus en un même endroit pour des métaux différents n’offrent pas entre eux de différences bien grandes, et ces différences sont de l’ordre de grandeur de celles obtenues avec les divers échantillons d’un même métal. Les nombres obtenus sur le lac Ontario sont notablement plus faibles que ceux obtenus à Toronto et comptent parmi les ionisations les plus faibles qui aient été observées en vase clos. Ce fait est attribué par M. Mc Lennan à l’action des eaux du lac qui, étant exemptes de matières radioactives, forment écran contre la radiation pénétrante du sol ; dans ces eaux la présence de l’émanation du radium n’a pu être décelée, et l’on a vérifié par une expérience directe qu’une profondeur d’eau de 3m,65 ne laisse passer que 0,2 pour 100 de l’intensité des rayons émis par une ampoule à radium immergée. Ces expériences montrent que le rayonnement pénétrant de la croûte terrestre joue un rôle important dans la production d’ions en vase clos, et que cette production peut se trouver fortement réduite quand on supprime ce rayonnement dans la mesure du possible. Il reste cependant une ionisation résiduelle qui varie un peu avec la nature du vase.

Les différences observées entre les métaux peuvent provenir soit d’une radioactivité propre de ces derniers, soit d’effets secondaires variables d’un métal à l’autre et dus à l’action des rayons pénétrants extérieurs. Les résultats indiqués ci-dessous montrent que le nombre d’ions produit dans des récipients de même forme mais de nature différente, par les rayons du radium agissant de l’extérieur, dépend de la nature du métal utilisé autrement que par suite de l’absorption exercée par les parois :

                Substance.           Ions par cm3 et sec.
mm
Eve
Plomb, épaisseur
1,6 
 550
Zinc »
0,57 
 351
Cuivre, »
0,57 
 345
Fer, »
0,6 
 320
Aluminium, »
0,4 
 297
Fer étamé, »
0,4 
 448

On voit que, par exemple, l’ionisation due à l’action des rayons est plus intense dans le récipient en plomb que dans celui en aluminium, la différence ne pouvant être attribuée qu’à un effet secondaire.

Il est, d’autre part, naturel d’attribuer à la radioactivité des parois les différences de l’ionisation qui reste après que l’effet du rayonnement pénétrant extérieur a été fortement diminué, et aussi les grands excès d’ionisation tels qu’on les observe quelquefois avec des vases en plomb.

M. Campbell[70] a fait une étude des différents métaux en mesurant l’ionisation entre deux plateaux parallèles dont on pouvait faire varier la distance. La nature des phénomènes observés est mise en évidence par les courbes de la figure 191. Quand on augmente la distance des plateaux,

Fig. 191.


l’ionisation croît d’abord rapidement, puis plus lentement et la loi d’accroissement limite est une loi linéaire. Cette loi de variation est analogue à celle qu’on observe quand on fait varier la pression du gaz dans le récipient ; elle indique la présence de deux types de radiation ; un rayonnement absorbable et un rayonnement pénétrant. En diminuant dans la mesure du possible l’influence du rayonnement pénétrant extérieur par des écrans

Fig. 192 a.


absorbants convenablement disposés, on constatait que cette diminution n’avait pas pour effet de modifier la forme des courbes obtenues. Ces courbes sont

Fig. 192 b.


reproduites dans les figures 192 a et b. Les courbes tracées en traits ponctués représentent la différence des ionisations obtenues sans écran et avec écran, c’est-à-dire l’ionisation attribuable au rayonnement extérieur et aux rayons secondaires produits par ce rayonnement ; ces courbes indiquent que le fer émet des rayons secondaires absorbables, tandis que l’aluminium n’en émet pas. Des essais d’interprétation de ces résultats ont conduit M. Campbell à admettre que chaque métal émet un rayonnement propre qui comporte l’émission de rayons d’un parcours déterminé et variable avec la nature du métal.


230. La radioactivité des métaux est-elle une propriété spécifique du métal ? — Les expériences exposées dans le paragraphe précédent prouvent que les métaux possèdent, dans certains cas, une faible radioactivité. Cependant il ne résulte pas de là que cette radioactivité appartienne en toute certitude au métal lui-même, et non à des traces de matière radioactive qui y sont contenues. Si la radioactivité des métaux était une propriété atomique, on aurait là un argument très puissant en faveur d’une radioactivité générale de la matière.

Rappelons d’abord qu’il s’agit ici d’une radioactivité très faible, représentée au plus par la production de quelques ions par centimètre cube et par seconde. Dans un récipient de forme cubique et d’un litre de volume, comptons, par exemple, 6 000 ions produits par seconde, soit 10 ions pour chaque centimètre carré de surface de la paroi. Une particule produisant environ 200 000 ions, on voit que l’émission d’une particule par centimètre carré de surface en 5 heures 30 minutes suffirait pour produire la conductibilité considérée. La radioactivité ainsi observée est 100 000 fois plus faible que celle de l’uranium, et l’on voit combien il est difficile d’établir qu’elle n’est pas due à la présence de traces de matières radioactives qui sont si répandues à la surface de la terre.

À la suite de diverses expériences exécutées au laboratoire Cavendish, M. J.-J. Thomson et MM. Campbell et Wood se sont montrés favorables à l’opinion que la radioactivité est une propriété atomique des métaux[71]. On vient de voir que, d’après M. Campbell, chaque métal émet des rayons d’un parcours déterminé. Dans d’autres expériences[72], ce même physicien introduisait dans une chambre d’ionisation une coupelle contenant la matière étudiée, et mesurait l’accroissement de l’ionisation déterminé par l’introduction de la substance. L’effet des métaux était apprécié par différence avec celui du verre, car cette matière bien nettoyée se montrait très peu active par rapport aux métaux. Le plomb et les sels de plomb se sont montrés particulièrement actifs ; une faible activité était ainsi observée avec les composés d’étain et du bismuth. L’activité semblait proportionnelle à la teneur en métal, et l’on en concluait qu’elle était une propriété atomique de ce dernier.

Diverses expériences ont été faites pour mettre en évidence un dégagement d’émanation radioactive par les substances étudiées. Ces expériences n’ont pas conduit à des résultats bien établis. On a constaté, en particulier, que le plomb, qui est particulièrement actif, ne contient pas de traces de radium susceptibles d’être décelées par son émanation.

Des travaux effectués ultérieurement ont toutefois mis hors de doute que la radioactivité élevée du plomb est due à la présence dans ce métal d’une impureté radioactive. MM. Elster et Geitel[73] ont soumis le plomb à un traitement chimique et ont prouvé que ce corps contient du radium D, du radium E et du radium F. La radioactivité du plomb est donc due principalement au polonium qui y est contenu à l’état de trace. En utilisant les procédés de séparation applicables au polonium (par exemple, la cristallisation du chlorure de plomb dans l’eau additionnée d’acide chlorhydrique), on peut obtenir une substance 300 fois plus active que l’oxyde de plomb primitif. L’identité de cette substance avec le polonium a été établie par l’étude de la loi de décroissance avec le temps et par la mesure approchée du parcours des rayons

Conformément à ces résultats, M. Mc Lennan[74] a constaté que le rayonnement du plomb est très absorbable et que les échantillons de sources différentes donnent des effets très différents, de sorte que la radioactivité n’est pas proportionnelle à la teneur en métal et ne peut être considérée comme une propriété de ce dernier. L’impureté radioactive est répandue dans le volume de la substance en proportion variable suivant les échantillons. M. Mc Lennan a trouvé, de plus, que l’ionisation dans des récipients clos peut être réduite à des valeurs très faibles et très peu différentes pour les différents métaux (§ 229) et a conclu de ces expériences que les métaux ne doivent pas émettre de radiation intrinsèque appréciable.

Le plomb étant le plus actif des métaux étudiés, et l’expérience ayant montré que ce métal ne peut être considéré comme actif par lui-même, la démonstration de l’activité propre des autres métaux denses paraît douteuse et ne saurait être considérée comme établie. Cependant, au cours de leurs expériences, MM. Campbell et Wood ont aussi annoncé l’existence d’une faible radioactivité des sels alcalins, et ce fait a été confirmé en ce qui concerne le potassium et le rubidium.


231. Radioactivité du potassium et du rubidium. — MM. Campbell et Wood[75] ont constaté que les sels de potassium sont environ 10 fois plus actifs que le plomb. L’activité des sels de diverses provenances s’est montrée très comparable ; elle est environ 1 000 fois plus petite que celle de l’uranium. Les rayons émis semblaient du genre étant bien plus pénétrants que ceux du plomb, mais moins pénétrants que les rayons du thorium.

Ces résultats ont été confirmés par MM. Levin et Ruer[76] qui ont obtenu avec les sels de potassium des impressions photographiques. L’impression obtenue en 190 jours sur une plaque enveloppée de papier noir est comparable en intensité à celle qu’on obtient avec l’oxyde d’uranium en 5 heures. Tous les sels de potassium donnent des effets comparables, environ 1 000 fois plus faibles que ceux produits par l’uranium.

De nombreuses mesures effectuées par M. Campbell[77] ont montré que la radioactivité des sels de potassium peut être considérée comme proportionnelle, au moins approximativement, à la teneur en potassium. Ce fait est favorable à la supposition que la radioactivité est une propriété atomique du potassium ou d’un métal qui lui est étroitement associé. Pour contrôler cette dernière hypothèse, divers essais de fractionnement ont été entrepris par M. Campbell, MM. Mc Lennan et Kennedy[78] et MM. Henriot et Vavon[79]. Aucun de ces essais n’a donné de résultat positif. Les procédés de séparation utilisés sont les suivants : cristallisation fractionnée des sels, chauffe prolongée du sulfate, traitement par l’éther, précipitation par le carbonate d’ammoniaque, entraînement dans la précipitation avec le sulfate de baryum, précipitation du chlorure par l’acide chlorhydrique gazeux, électrolyse des solutions. Après un certain nombre d’opérations, on ne pouvait remarquer aucune différence d’activité entre les produits séparés, au degré de précision des expériences. Il est donc possible que le rayonnement des composés de potassium soit réellement une propriété atomique de ce métal.

Le rayonnement des sels de potassium a été étudié par les physiciens cités précédemment. D’après MM. Mc Lennan et Kennedy, ce rayonnement serait hétérogène, et le coefficient d’absorption pour l’étain varierait entre 160 et 104 quand l’épaisseur de matière varie entre 0cm,00089 et 0cm,02839. D’après M. Henriot[80], ce rayonnement est, au contraire, sensiblement homogène si l’on fait abstraction d’une baisse initiale plus rapide due à une petite proportion de rayons très absorbables qui pourraient constituer un effet secondaire.

La loi d’absorption du rayonnement a été représentée dans la figure 193. Le poids de l’écran par centimètre carré de surface a été porté en abscisses, et le logarithme de l’intensité du rayonnement en ordonnées. Pour deux échantillons de sels étudiés (sulfate et chlorure), les lignes obtenues après la baisse initiale sont des droites sensiblement parallèles. Le coefficient d’absorption pour l’étain est environ 103 et le rapport de ce coefficient à la densité est égal à 14. Les rayons du potassium sont, d’après cela, plus absorbables que ceux de l’uranium. Bien que l’activité soit faible, les mesures peuvent être faites avec une bonne précision au moyen d’un dispositif sensible. L’activité de la chambre d’ionisation avant l’introduction du potassium constituait environ 25 pour 100 de l’activité en présence du sel sans écran absorbant. Une perturbation se produit quand on ouvre la chambre d’ionisation et que l’air se trouve renouvelé ; mais après quelques minutes on retrouve une valeur bien déterminée.

Les rayons du potassium sont déviés dans un champ magnétique comme

Fig. 193.


les rayons cathodiques (Henriot et Vavon). Pour s’en assurer on disposait le sel de potassium en dehors d’une chambre d’ionisation cylindrique, placée verticalement ; la direction moyenne des rayons émis était verticale et les rayons passaient en grande partie à côté de la chambre quand le champ n’était pas établi ; lors de l’établissement du champ, le faisceau incurvé pénétrait à l’intérieur de la chambre, le sens du champ indiquant que les rayons se comportent comme des rayons

Pour les composés du potassium on n’a pu constater aucun dégagement d’émanation radioactive.

MM. Levin et Ruer[81] ont fait une étude systématique de la radioactivité des éléments chimiques par la méthode radiographique. Une plaque sensible enveloppée de papier noir était exposée à l’action des substances étudiées pendant environ 6 mois. Des précautions minutieuses étaient prises contre l’influence de la lumière. On pouvait espérer ainsi découvrir des substances radioactives qui donnent lieu à une émission de rayons En dehors des sels de potassium, les sels de rubidium ont donné un effet positif. Des effets faibles ont aussi été obtenus dans certains cas, mais l’interprétation restait douteuse ; parmi les substances qui ont donné ces effets, le béryl contient des traces de radium, le lanthane, le cæsium, l’erbium, le néodyme contiennent du thorium, l’antimoine contient du potassium, le niobium et le tantale ont une activité à peine appréciable. L’action des sels de rubidium s’est montrée plus intense que celle des composés de potassium. Les rayons du rubidium sont environ 10 fois plus absorbables que ceux du potassium (Henriot). Les sels de sodium, de lithium, de cæsium, d’ammonium ne montrent pas de radioactivité régulière et appréciable.

Il résulte de l’ensemble des recherches qui ont été exposées que l’on peut ajouter à la liste des corps radioactifs deux substances faiblement radioactives : le potassium et le rubidium. Mais, en ce qui concerne la radioactivité des autres substances ordinaires, aucune conclusion ferme ne peut être énoncée, et l’on peut seulement affirmer que, si cette radioactivité existe, elle est encore bien plus faible que celle du potassium.


232. Chaleur solaire et chaleur terrestre.MM. Rutherford et Soddy[82] ont indiqué que le dégagement de chaleur qui accompagne les transformations radioactives doit intervenir dans les phénomènes thermiques solaires et terrestres.

On peut chercher quelle devrait être la teneur du Soleil en radium pour que l’énergie rayonnée puisse s’expliquer entièrement par la présence de cette matière[83]. Le flux d’énergie reçu du Soleil sur 1cm2 de la surface terrestre sous incidence normale est connu ; sa valeur est d’environ 3cal par minute. On peut en déduire l’énergie totale rayonnée par le Soleil, et en divisant celle-ci par le volume du Soleil, on trouve un dégagement d’énergie de 0cal,12 par seconde et par mètre cube, soit 430cal par heure et mètre cube. Ce débit correspond à une teneur de 3g,6 de radium par mètre cube. La densité moyenne du Soleil étant 1,44, teneur correspondante en poids est 2,5.10-6 ; cette teneur est 7 à 8 fois plus grande que celle qui correspond à l’équilibre entre l’uranium et le radium ; de sorte que, même si le Soleil était constitué entièrement en uranium, l’énergie rayonnée serait encore très inférieure à celle qu’indique l’expérience. Ce résultat pourrait cependant être modifié si d’autres matières radioactives étaient contenues dans le Soleil, ou si la valeur des constantes radioactives était modifiée aux températures ou aux pressions très élevées.

L’examen du spectre du Soleil n’a pas révélé jusqu’ici la présence du radium, mais celle de l’hélium a été constatée. L’hélium étant un des produits de la désagrégation des éléments radioactifs, et en particulier du radium, il est possible que le radium soit présent dans les régions centrales du Soleil. On sait d’ailleurs que les mêmes matières entrent dans la constitution du Soleil et de la Terre.

Le rayonnement solaire au voisinage du sol ne contient pas de rayons analogues à ceux qui sont émis par les corps radioactifs ; ce fait n’est pas contraire à l’hypothèse envisagée. Les rayons émis doivent traverser l’atmosphère solaire, puis l’atmosphère terrestre qui à elle seule exerce la même absorption qu’une couche de mercure de 76cm On conçoit que même les rayons puissent être complètement absorbés dans ces conditions.

D’autre part l’énergie du Soleil peut être considérée comme de l’énergie de gravitation mise en liberté pendant la contraction. Dans cette hypothèse Lord Kelvin a calculé que la durée du régime actuel ne dépasse vraisemblablement pas 100 millions d’années. Une valeur bien inférieure encore (environ 12 millions d’années) résulte des évaluations de M, G.-H. Darwin[84]. Cette valeur est très inférieure à la durée présumée des époques géologiques. Il semble donc probable qu’il existe des sources de chaleur qui tendent à maintenir le Soleil à une température élevée, et il est naturel de voir l’une d’elles dans la radioactivité des matières solaires.

En ce qui concerne la Terre, le point de vue adopté jusqu’ici était celui d’une masse primitivement incandescente soumise à un refroidissement progressif. Dans cette hypothèse. Lord Kelvin a estimé que le gradient de température observé actuellement à la surface de la Terre s’explique en admettant que le nombre des années écoulées depuis que la Terre a été fondue est de l’ordre de 100 millions. On sait maintenant qu’un tel calcul n’est pas applicable, étant donnée la teneur de la Terre en matières radioactives.

La quantité de chaleur émise par seconde par la surface de la Terre est donnée par la relation


est le rayon terrestre, la conductibilité thermique moyenne et le gradient de température à la surface.

Soient d’autre part la quantité de chaleur produite par seconde par les matières radioactives contenues dans la Terre, et la production moyenne par centimètre cube et par seconde. On a

Si l’on suppose que la Terre est en équilibre thermique, on a


d’où, en posant

degré : centimètre,


7.10-15 calorie par centimètre cube et par seconde, soit 2,2.10-7 calorie par centimètre cube et par an.

Une teneur moyenne en radium d’environ 2.10-13 gramme par centimètre cube serait suffisante pour donner lieu à cette production de chaleur. Or, d’après les déterminations directes effectuées par M. Strutt, la teneur de la croûte terrestre en radium est égale en moyenne à 4.10-12 gramme par centimètre cube, valeur environ 20 fois plus grande.

La présence dans le sol d’autres matières radioactives, en particulier du thorium, ne fait qu’exagérer l’écart entre le gradient actuel et celui qui correspondrait à l’équilibre. D’après le teneur des roches superficielles en thorium, on peut prévoir que le dégagement de chaleur dû au thorium pourrait être deux fois plus grand que celui dû au radium également dans les roches superficielles[85].

On arrive donc à cette conclusion que, si la distribution des matières radioactives dans le volume de la Terre est uniforme, le globe terrestre doit éprouver un réchauffement progressif.

Pour éviter cette conclusion, M. Strutt a admis que la teneur en radium est uniforme seulement dans une couche superficielle et que le noyau central ne renferme pas de matières radioactives. On est amené ainsi à assigner à la croûte active une épaisseur de 75km, en tenant compte seulement du radium. Dans cette hypothèse la température du noyau central serait constante, et il est facile de la calculer. En admettant la valeur déjà indiquée pour la conductibilité thermique des roches, on trouve que cette température est d’environ 1500o. Cette température ne parait pas absolument incompatible avec les données déduites des phénomènes volcaniques ; ainsi la température de la lave de l’Etna est environ 1060o. En tenant compte de l’activité du thorium on obtiendrait une température interne d’environ 500o, et l’hypothèse de l’équilibre thermique ne semble plus admissible.

On ne voit, d’ailleurs, a priori, aucune raison pour maintenir cette hypothèse. Le réchauffement de la Terre, en vertu des phénomènes radioactifs, est nécessairement très lent. On peut calculer que, si la Terre est d’abord supposée tout entière à la température ordinaire et que la distribution des matières radioactives soit uniforme, un temps de l’ordre d’un milliard d’années sera nécessaire pour que le gradient actuel soit établi à la surface.

Les considérations précédentes supposent que les phénomènes radioactifs ne sont pas modifiés par les conditions de température et de pression à l’intérieur du globe.

De toute façon il n’est pas douteux que la radioactivité joue un rôle important en ce qui concerne les conditions thermiques de la Terre. Ainsi, on a signalé que les régions particulièrement riches en matière active se distinguent en même temps par une valeur anormale et particulièrement élevée du gradient ; cette observation a été faite pour le tunnel du Simplon dans lequel l’ionisation de l’air présente une valeur élevée[86].


TABLEAU DES DONNÉES NUMÉRIQUES RELATIVES AUX SUBSTANCES RADIOACTIVES.
SUBSTANCE. CONSTANTE
radioactive
en sec-1.


PÉRIODE.


T.

VIE MOYENNE.


NATURE
du
rayonnement.

PARCOURS
des rayons
dans l’air
en cm.
a.
COEFFICIENT
d’absorption des rayons
dans l’aluminium
en cm-1.
.
COEFFICIENT
d’absorption
des rayons

dans le plomb
en cm-1.
.
DONNÉES DIVERSES.

Uranium 
  
de l’ordre de
3.10-18
de l’ordre de
6.109 ans
de l’ordre de
9.109 ans

environ
3cm
                                                     Métal.
Poids atomique 
 238,5
Radiouranium 
  
   
Uranium X 
  
3,26.10-7 24,6 jours 35,5 jours deux groupes
14.
510
0,7

Ionium 
  
de l’ordre de
30000 ans (?)


2,8

Radium 
  
environ
10-11
environ
2000 ans
environ
2900 ans
3,5
Métal alcalino-terreux.
Poids atomique 
 226,5
Dégagement de chaleur par gramme Ra
en équilibre radioactif et par heure. 
  
118 cal.
Production d’hélium par gramme Ra en
équilibre radioactif et par jour. 
  
0,5 mm3
Rapport de l’ionisation totale par rayons
à l’ionisation totale de l’uranium à masse égale. 
  
7,3.106
Émanation du radium     
  
2,085.10-6 3,85 jours 5,55 jours 4,23
Gaz inerte.
Poids atomique environ 
 220
Température d’ébullition à la pression
atmosphérique.
 
  
- 62o
Température de solidification 
 - 71o
Température de condensation de l’émanation
diluée au contact de parois froides. 
  
vers -150o.
Volume en équilibre avec un gramme de radium 
  
0,6 mm3
Coefficient de diffusion dans l’air 
 0,1
Coefficient de solubilité dans l’eau à 15o 
  
environ 0,3
Radium A 
  
3,85.10-3 3,0 minutes 4,3 minute 4,83 Volatil vers 800o-900o.
Radium B 
  
4,33.10-4 26,7 minutes 38,5 minutes Rayons
hétérogènes.
13 (?)
80
890 (?)
Volatil vers 600o-700o.
Radium C
probablement complexe   
  
5,93.10-4 19,5 minutes 28,1 minutes 7,06 Rayons
hétérogènes.
13
53
0,5 Volatil vers 800o-1300o.
Radium D 
  
15 ans (?) 21 ans (?)                                                    Volatil au-dessous de 1000o.
Radium E1 (?).
Radium E2 
  

1,7.10-6

4,8 jours

6,9 jours

40
Polonium (radium F) 
  
5,73.10-8 140 jours 202 jours 3,86 Volatil à 1000o.

Thorium 
  
de l’ordre de
6.10-19
de l’ordre de
3.1010 ans
de l’ordre de
4.1010 ans
Métal, poids atomique 232.
Mésothorium 1 
  
4,0.10-9 5,5 ans 7,9 ans  
Mésothorium 2 
  
3,1.10-5 6,2 heures 8,9 heures Rayons
hétérogènes.
20
à
40
environ 0,5
Radiothorium 
  
1,09.10-8 2,0 ans 2,9 ans 3,9  
Thorium X 
  
2,2.10-6 3,6 jours 5,25 jours 5,7 Rayons tr. absorbables.
Émanation du thorium 
  
1,31.10-2 53 secondes 76 secondes 5,5
Gaz.
Température de condensation sur des parois froides.
-120o
à
-150o
Coefficient de diffusion dans l’air 
 0,1
Thorium A 
  
1,8.10-5 10,6 heures 15,3 heures 140
Thorium B 
  
2,1.10-4 55 minutes 79 minutes 5,0.  
Thorium C 
  
quelques secondes (?) 8,6
Thorium D 
  
3,7.10-3 3,1 minutes 4,5 minutes
Actinium 
  
Métal du groupe des terres rares
Radioactinium 
  
4,1.10-3 19,5 jours 28,1 jours 4,8 170
Actinium X 
  
7,6.10-3 10,5 jours 15 jours 6,5
Émanation de l’actinium 
  
1,8.10-1 3,9 secondes 5,6 secondes 5,8 Gaz.
Température de condensation sur des parois froides.
environ -150o
Coefficient de diffusion dans l’air 
 0,11
Actinium A 
  
3,2.10-4 36,1 minutes 52,1 minutes Rayons
très absorbables.
Volatil depuis 400o.
Actinium B 
  

complexe (?)
5,4.10-3 2,15 minutes 3,1 minutes 5,5   Volatil depuis 700o.
Actinium C 
  
2,26.10-3 5,1 minutes 7,36 minutes 30 2 à 4
Potassium 
  
environ 30
Métal, poids atomique 
 39,1
Rubidium 
  
Rayons très absorbables.
de
l’ordre
de 300
Métal, poids atomique 
 85,1
Le parcours des rayons dans l’aluminium est environ
L’épaisseur de l’écran absorbant qui détermine une réduction de moitié de l’intensité du rayonnement étant égale à on a
Pour des matières différentes les coefficients et sont approximativement proportionnels à la densité.


APPENDICE.




Parmi les travaux qui ont paru après l’impression de ce Traité, il est intéressant de signaler les suivants :

I. Le radium a été obtenu à l’état métallique à partir de l’amalgame préparé par l’électrolyse du chlorure ; pour cela l’amalgame a été chauffé dans l’hydrogène sous une pression convenable, de manière à éliminer le mercure par distillation. Le métal obtenu est blanc, brillant, fond vers 700° et commence à se volatiliser à cette température ; il est extrêmement altérable à l’air et détermine la décomposition de l’eau. Les propriétés radioactives du métal sont celles qu’on avait pu prévoir ; l’activité mesurée par le rayonnement pénétrant augmente avec le temps par suite de l’accumulation de l’émanation ; la loi d’accroissement est la même que pour un sel de radium et l’activité limite est égale à l’activité de la quantité de sel correspondante[87].

II. Une étude du phénomène de projection du radium B a montré que, conformément aux prévisions, ces atomes sont émis avec une charge positive ; on a pu, en effet, obtenir la déviation de ces projectiles dans un champ magnétique et dans un champ électrique. Ces expériences ont permis de conclure que chaque particule porte probablement une charge égale à la charge élémentaire et possède sans doute une masse atomique d’environ 200, ainsi que le prévoit la théorie[88].

  1. C’est ainsi que, dans une salle de physique de l’École de Physique et de Chimie de la Ville de Paris, l’air est actuellement environ 30 fois plus conducteur que l’air normal ; or, cette salle n’a jamais été en relation avec les pièces du même bâtiment dans lesquelles ont été faits, il y a plusieurs années, les traitements de préparation du radium.
  2. Geitel, Phys. Zeit., 1900.
  3. Wilson, Proc. Camb. Soc, 1900.
  4. Geitel, Phys. Zeit., 1901.
  5. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1901.
  6. Rutherford et Allan, Phil. Mag., 1902.
  7. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1904.
  8. Allan, Phil. Mag., 1904.
  9. Bumstead, Amer. Journ., 1904.
  10. Ebert et Ewers, Phys. Zeit., 1902.
  11. Mache et Rimmer, Phys. Zeit., 1906.
  12. Bumstead et Wheeler, Amer. Journ., 1904.
  13. Dadourian, Amer. Journ. of Sc., 1905.
  14. Blanc, Phys. Zeit., 1908.
  15. Gockel, Phys. Zeit., 1907.
  16. Flemming, Phys. Zeit., 1908.
  17. Paccini, Nuovo Cimento, 1908. — Runge, Gött. Nachr., 1907.
  18. Eve, Phil. Mag., 1907.
  19. Gerdien, Abh. Gött., 1907.
  20. Wilson, Proc. Soc. Camb., 1902 et 1903.
  21. Allan, Phys. Rev., 1903.
  22. Eve, Phil. Mag., 1905.
  23. Dadourian, Le Radium, 1908. — Blanc, Phys. Zeit., 1908. — Harvey, Phys. Rev., 1909. — N. Wilson, Phil. Mag., 1909.
  24. La valeur indiquée ici n’est pas celle qu’on trouve dans les Mémoires originaux, où l’on a utilisé soit la formule relative aux petits volumes, soit d’autres modes de calcul qui ne me semblent pas corrects.
  25. Runge, Gött. Nachr., 1907. — Paccini, Nuovo Cimento, 1908.
  26. Eve, Phil. Mag., 1906.
  27. Ashman, Amer. Journ. of Sc., 1908. — Satterly, Phil. Mag., 1908.
  28. Ebert, Phys. Zeit., 1909.
  29. Gockel, Phys. Zeit., 1908.
  30. Simpson, Phil. Trans., 1906. — Ebert, Phys. Zeit., 1909.
  31. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1904.
  32. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1904.
  33. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1906.
  34. Pochettino et Sella, Acad. Lincei., 1902.
  35. J.-J. Thomson, Phil. Mag., 1902.
  36. Adams, Phil. Mag., 1903.
  37. Himstedt, Ann. d. Phys., 1904.
  38. J.-J. Thomson, Eaux de Cambridge (Phil. Mag., 1902). — Adams, Phil. Mag., 1903. — Pochettini et Sella, Rend. Accad. Lincei., 1902. — Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1902, 1903. — Bumstead et Wheeler, Sources de New Haven (Amer. Journ. of Sc., 1903). — Strutt, Eaux de Bath (Phil. Mag., 1904). — Curie et Laborde, Sources de France (C. R. de l’Ac., 1904 et 1906). — Mache et Meyer, Sources de Gastein et de Bohême, 1904 (Wiener Ber., 1904, et Phys. Zeit., 1905). — Engler et Sievecking, Sources de Baden-Baden (Chem. Zeit., 1907). — H.-W. Schmidt et Kurz, Sources de Hesse (Phys. Zeit., 1905 et 1906). — Boltwood, Sources des États-Unis (Amer. J. of Sc., 1904) — Munoz del Castillo, Sources d’Espagne (Soc. Esp. de Fisic, 1907). — Battelli et Dechiali, R. Ac. Lincei, t. XV. — Engler, Zeit. für anorg. Chemie., t. LIII.
  39. Moureu, Comptes rendus, 1904 et 1906.
  40. Battelli, Occhialini et Chella, Il Nuovo Cimento, 1906.
  41. Strutt, Proc. Roy. Soc., 1906.
  42. Eve et Mc Intosh, Phil. Mag., 1907.
  43. Strutt, Proc. Roy. Soc., t. LXXXVIII.
  44. Eve, Phil. Mag., 1907 et 1909.
  45. Joly, Phil. Mag., 1908 et 1909.
  46. Blanc, Phys. Zeit., 1908.
  47. Joly, Phil. Mag., 1909 et 1910.
  48. Blanc, Phil. Mag., 1909.
  49. Giesel, Phys. Zeit., 1905.
  50. Gockel, Phys. Zeit., 1907.
  51. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1899.
  52. Ebert, Phys. Zeit., 1901.
  53. Langevin et Moulin, Le Radium, 1907.
  54. Langevin, Soc. de Phys., 1905.
  55. Kurz, Phys. Zeit., 1908.
  56. Kurz, Phys. Zeit., 1910.
  57. Eve, Phys. Zeit., 1907.
  58. Mc Lennan, Phys. Rev., 1903. — Rutherford et Cooke, Amer. Phys. Soc., 1902. — Cooke, Phil. Mag., 1903.
  59. Wulf, Phys. Zeit., 1909.
  60. Elster et Geitel, Phys. Zeit., 1905.
  61. Campbell et Wood, Phil. Mag., 1908. — Mc Lennan, Phil. Mag., 1907. — Wright, Phil. Mag., 1909.
  62. Wulf, Phys. Zeit., 1909.
  63. Strong, Amer. Phys. Soc., 1908.
  64. C.-T.-R. Wilson, Proc. Roy. Soc., 1901. — Mc Lennan et Burton, Phys. Rev., 1903. — W. Wilson, Phil. Mag., 1909.
  65. Patterson, Phil. Mag., 1903.
  66. Jaffé, Phil. Mag., 1904.
  67. Strutt, Phil. Mag., 1903.
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  69. Mc Lennan, Phys. Zeit., 1908 ; Phil. Mag., 1907.
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