Traité des sièges et de l’attaque des places/04

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LES PONTS À FAIRE POUR SERVIR À LA COMMUNICATION DES QUARTIERS.

Si les quartiers sont séparés par des rivières grandes ou petites, il y faudra faire des ponts sur chevalets, si l’on peut, ou sur bateaux ; mais plutôt sur chevalets, parce qu’ils sont ordinairement plus sûrs et plus fermes, notamment si la place était en état des donner quelque grande éclusée d’eau, qui fût capable de rompre ceux de bateaux, 1656comme cela nous arriva à la levée du premier siége de Valenciennes.

Nombre de ponts à cha­que passa­ge.Le mieux que l’on puisse faire, est d’en faire trois ou quatre à chaque passage, de quatre ou cinq toises de largeur chacun, à quelques cinquante ou soixante toises les uns des autres, et de les renfermer tous dans la ligne ; en fortifier les avenues par quelques redansVoir la 1re pl. à l’endroit marqué A. ; et après cela accommoder les accès, les rendre commodes et aisés, et y mettre des gardes pour s’en mieux assurer, et empêcher qu’on n’y gâte rien.

Ce que l’on doit observer dans la disposition des lignes, est :

Pl. 1re.1o D’occuper le terrain le plus avantageux des environs de la place, soit qu’il se trouve un peu plus près ou un peu plus loin ; cela ne doit pas faire un scrupule ;

2o De se poster de manière que la queue des camps ne soit pas sous la portée du canon de la place ;

3o De ne se point trop jeter à la campagne, mais d’occuper précisément le terrain nécessaire à la sûreté des camps ;

4o Celui qui leur peut être le plus avantageux, évitant de se mettre sous les commandemens qui pourront incommoder le dedans des camps et de la ligne par leur supériorité, ou par leurs revers. Où ces défauts se rencontreront, il vaut mieux les occuper, soit en étendant les lignes jusque-là, ou en y faisant de bonnes redoutes ou fortins, que de s’y soumettre ; observant aussi de faire servir à la circonvallation les hauteurs, ruisseaux, ravines, escarpemens, abatis de bois et buissons, et généralement tout ce qui approche de son circuit et qui la peut avantager. À mesure qu’on les trace, on en distribue le terrain aux troupes (si on est en pays, où on ne puisse avoir de paysans), ce qui se fait également à la cavalerie comme à l’infanterie, personne n’étant exempt de cette corvée ; mais quand on peut avoir des paysans, c’est à eux qu’on le distribue à mesure qu’ils se présentent, à raison de cinq ou six pieds courans chaque homme.

La mesure commune des lignesTracé des lignes à redans.
Pl. 1re
Fig. 1re.
, quant au plan, doit être de cent vingt toises d’une pointe de redan à l’autre ; dix à douze de plus ou de moins ne doivent pas faire une affaire, on doit observer de les placer toujours sur les lieux les plus éminens, et jamais dans les fonds, et que les angles des redans soient toujours moins ouverts que le droit ou carré. On donne pour l’ordinaire dix-huit, vingt à vingt-cinq toises de face à ces mêmes redans, sur quatre-vingt-dix à cent toises de courtine ; du surplus on accommode le circuit de la ligne à l’irrégularité du terrain : pourvu qu’elle se flanque bien, il suffit.

L’ouverture du fossé des lignes doit être de quinze, seize à dix-huit pieds un peu plus, un peu moins, sur six à sept pieds et demi de profondeur, talutant du tiers de la largeur.

De cette façonPl. 2.
Tâche d’un terrassier, mauvais ou­vrier.
, leur fossé aura dix-huit pieds de large à l’ouverture ; sa largeur au fond sera de six pieds ; ce qui donne douze pieds de commune largeur, et sept pieds et demi de profondeur, revenant par toise courante à deux toises et demie cubes, qui est l’ouvrage qu’un paysan peut faire en sept jours à ne pas beaucoup travailler ; car je

compte qu’il n’y a pas d’homme qui ne puisse aisément remuer un tiers de toise par jour à la jeter à la main, quelque mauvais ouvrier qu’il puisse être.

Sur ce pied-là, nous proposerons les mesures des six profils suivans, dont on pourra se servir pour régler toutes sortes de circonvallations, n’estimant pas qu’il soit nécessaire d’en employer de plus forts, ni qu’on doive se servir de plus faibles.