Traité des sièges et de l’attaque des places/26

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FAÇON DES CAVALIERS.

Supposant la tranchée étendue à droite et à gauche des angles saillans d’où on veut chasser l’ennemi, à la distance de 14 ou 15 toises, ci-devant énoncée, en doublant ledit angle de 7 à 8 toises, il faudra :

Pl. 10.

Construction des cavaliers.
1o Leur donner la capacité des places d’armes ; dans cette situation, il est à présumer qu’on sera à peu près au niveau du chemin couvert.

2o Avoir fait grand amas de gabions, sacs à terre et fascines de toutes espèces, au plus près de ces logemens.

3o Avoir des travailleurs de relais tout prêts ; et quand le jour commencera à tomber, travailler de force à l’élévation de ces logemens : ce qui se fait promptement, en y employant trois ou quatre rangées de gabions posés l’un sur l’autre en retraite d’un pied et demi l’un de l’autre, pour servir de relais et d’autant de banquettes.

4o Arraser le dessus de chaque rang de gabions après qu’ils seront remplis de fascines et de terre, jusqu’à ce que de cette élévation on puisse plonger à l’aise dans le chemin couvert ; après quoi border le sommet de ces cavaliers de sacs à terre, y faisant les créneaux nécessaires, et observant d’élever aussi les traverses à pareille hauteur et même Achèvement des cavaliers de tranchée.un peu plus. Tout cela bien poussé peut être fini au grand jour, et en état d’y faire monter des grenadiers qui, plongeant de près dans ledit chemin couvert, en chasseront infailliblement l’ennemi, aidés qu’ils seront des bombes et batteries à ricochet ; et étant instruits des endroits où il faudra tirer, ils ne manqueront pas de bien tourmenter l’ennemi dans ses défenses, et dans les parties du chemin couvert un peu éloignées des pointes plus avancées.

L’ennemi, en abandonnant, ne manquera pas de mettre le feu à ses mines, s’il y en a, ce qui fera le signal de sa retraite. S’il le fait, il y faudra faire passer des travailleurs qui se logeront dans le trou qu’elles auront fait, et à même temps occuper les deux côtés de l’angle, en se logeant le long de la palissade, et s’y couvrant en toute diligence.

Pour cet effet, il faudra avoir ménagé des Logement sur le saillant du chemin couvert.sorties par la tête de la double sape ; je dis par la tête, car il vaut mieux que ce soit par là que par les extrémités de la droite et de la gauche, parce qu’on n’aura qu’à écarter un peu les mantelets et les sacs à terre, qui pourront faire empêchement, ce qui sera bientôt fait.

Communication à ce loge­ment.Peu de temps après, on fera la communication au logement par la prolongation de ladite sape : il suffira pour le coup de poser 25 à 30 gabions de chaque côté de l’angle, et d’y faire passer à même temps beaucoup de sacs à terre pour couvrir les joints des gabions et donner moyen aux travailleurs de se mettre à couvert promptement, n’oubliant pas de se bien traverser aux deux extrémités : si les ricochets et les bombes font bien leur devoir dans ce temps-là, on n’aura pas grand feu à essuyer.

Le travail de ce logement doit être continué par des travailleurs relayés, qui en peu de temps le mettront en état d’y demeurer en sûreté ; il faudra continuer à le perfectionner jusqu’à ce qu’il soit en état de faire feu aux défenses de la place ; ce qui demande un peu plus de soin qu’on ne se donne ordinairement, parce qu’il faut que ce logement soit sûr et commode, que les créneaux soient bien faits, et qu’ils puissent plonger dans le fond du chemin couvert, biaiser sur les bastions et demi-lunes, et que la communication soit bien achevée.

Aussitôt que ce logement sera en état, il faudra y faire entrer un détachement, avec ordre de n’en pas opiniâtrer le soutien dans les commencemens, si l’ennemi, contre toutes les apparences, se mettait en tête d’y revenir ; mais de laisser agir les ricochets et les bombes qui, joints au feu de la place d’armes et des cavaliers, l’auraient bientôt Suite du cou­ronnement du chemin couvert pied à pied.écarté ; établir après cela des sapes à droite et à gauche pour prolonger et étendre le logement sans s’écarter du bord du parapet qu’il faut toujours serrer de près, réduire celui des logemens à l’épaisseur nécessaire pour résister au canon, et toujours perfectionner ce qu’on fera à mesure qu’on avancera, et les bien traverser contre les enfilades et revers des bastions et demi-lunes.

Quand on sera parvenu près des premières traverses du chemin couvert, si l’ennemi les garde encore, comme il ne pourra y avoir que peu de monde, on pourra les en chasser par une compagnie de grenadiers, et jeter six ou sept hommes assurés dans le passage de la traverse, avec des outils, afin qu’ils s’y logent, et à même temps prendre garde à la fougasse ; car s’ils demeurent là, ce ne sera qu’en intention de la faire jouer à propos s’ils peuvent ; c’est pourquoi Attention de faire cher­cher l’em­bouchure des mines.soit qu’on prenne le chemin couvert de force ou par industrie, il ne faut pas manquer de faire entrer deux ou trois hommes hardis dans ledit chemin couvert, pour chercher l’embouchure des mines, et en arracher le saucisson, prévoyance qui nous a presque toujours réussi dans les siéges où je me suis trouvé, et récemment dans celui 1703.du Vieux-Brisach.

Quand on sera parvenu aux traverses plus prochaines de la pointe, qui sont celles qui pour l’ordinaire bornent la place d’armes, Entrée dans le chemin couvert.faire une entrée dans le chemin couvert, et la percer vis-à-vis le milieu des premières traverses, afin d’en couvrir ladite tranchée pour la défiler, bien enfoncer ces passages, les faire de bonne largeur et les blinder ; plus, les rendre aisés et commodes, et les produire vers le bord du fossé à la sape, se couvrant de la traverse ; et quand on y sera parvenu, les joindre de part et d’autre le long de la portion de cercle autour de la pointe du fossé, laissant une épaisseur à preuve devant soi, à cause du canon des flancs et courtines.

Logemens dans les places d’ar­mes saillan­tes.Ce logement ainsi établi, sera tenu bas et fort enterré afin qu’il ne fasse point d’empêchement à celui qui sera derrière lui sur le haut du parapet du chemin couvert ; son usage sera de faire feu sur les brèches de près, et d’y placer des pierriers en cas de besoin.

Continuer à couler dans l’épaisseur des parapets du chemin couvert jusqu’aux places d’armes des angles rentrans, d’où il faudra peut-être chasser les ennemis de vive force, supposé qu’ils y tiennent encore, comme cela se peut ; il est cependant vrai que le canon des ricochets et les bombes pouvant fort les incommoder sur le derrière de leurs places d’armes, il n’y a guère d’apparence qu’ils s’opiniâtrent à y demeurer, notamment quand ils se verront serrés de près par les sapes de la droite et de la gauche, le feu des bastions et des demi-lunes ne les y soutenant que très-faiblement, attendu qu’il sera contenu par celui des bombes et des ricochets des attaques qui doivent être d’une grande vivacité dans ces temps-là ; en tout cas, ce sera l’affaire d’une ou deux compagnies de grenadiers qu’il faudra faire partir à propos, après avoir averti et fait apprêter les batteries de canon et de mortiers, avec lesquelles il faudra convenir d’un signal. Logemens dans les places d’ar­mes rentran­tes.La prise des places d’armes du chemin couvert achèvera de l’occuper tout entier ; quoi fait il faudra s’établir tout le long, et le bien traverser jusqu’à ce que tout soit bien occupé ; couper ces mêmes places d’armes par les gorges, comme celles des angles flanqués, entrer dedans, et s’y bien établir ; les endroits de la planche 15, montrent comme cela se peut faire.