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Traité sur les apparitions des esprits/II/42

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CHAPITRE XLII.

Exemples de perſonnes noyées, qui ſont revenue
en ſanté.

VOici des exemples de perſonnes noyées[1], & qui ſont revenues pluſieurs jours après qu’on les avoit crûes mortes. Peclin raconte l’hiſtoire d’un Jardinier de Troninghalm en Suede, qui étoit encore vivant & âgé de ſoixante cinq ans, lorſque l’Auteur écrivoit. Cet homme étant ſur la glace pour ſecourir un autre homme qui étoit tombé dans l’eau, la glace ſe rompit ſous lui, & il enfonça dans l’eau à la profondeur de dix-huit aunes ; ſes pieds s’étant attachés au limon, il y demeura pendant ſeize heures avant qu’on le tirât hors de l’eau. En cet état il perdit tout ſentiment, ſi ce n’eſt qu’il crut entendre les cloches qu’on ſonnoit à Stokolm ; il ſentit l’eau qui lui entroit non par la bouche, mais par les oreilles : après l’avoir cherché pendant ſeize heures, on l’accrocha par la tête avec un croc, & on le tira de l’eau ; on le mit dans des draps, on l’approcha du feu, on le frotta, on l’agita, enfin on le fit revenir. Le Roi & la Reine voulurent le voir & l’entendre, & lui firent une penſion.

Une femme dans le même pays après avoir été trois jours dans l’eau, fut de même rappellée à la vie par les mêmes moyens que le Jardinier. Un autre nommé Janas s’étant noyé à l’âge de dix-ſept ans, fut tiré de l’eau ſept ſemaines après ; on le réchauffa, & on lui fit revenir les eſprits.

Mr. d’Egly de l’Académie Royale des Inſcriptions & des Belles-lettres de Paris, raconte qu’un Suiſſe habile plongeur s’étant enfoncé dans un creux de la riviere où il eſpéroit trouver de beaux poiſſons, y demeura environ neuf heures : on le tira de l’eau après l’avoir bleſſé en pluſieurs endroits avec des crocs. Mr. d’Egly voyant que l’eau bouillonnoit ſortant de ſa bouche, ſoûtint qu’il n’étoit pas mort. On lui fit rendre de l’eau tant qu’on put pendant trois quarts-d’heures, on l’enveloppa de linges chauds, on le mit dans le lit, on le ſaigna, & on le ſauva.

On en a vû qui ſont revenus après avoir été ſept ſemaines dans l’eau, d’autres moins long-tems : par exemple, Gocellin, neveu d’un Archevêque de Cologne, étant tombé dans le Rhin, y demeura quinze heures avant qu’on pût le retrouver. Au bout de ce tems on le porta au tombeau de ſaint Suitbert, & il revint en ſanté[2].

Le même S. Suitbert reſſuſcita encore un autre jeune homme noyé depuis pluſieurs heures. Mais l’Auteur qui raconte ces miracles n’eſt pas d’une grande autorité.

On rapporte pluſieurs exemples de perſonnes noyées, qui ont demeuré pendant quelques jours ſous les eaux, & qui enſuite ſont revenues en ſanté. Dans la ſeconde partie de la Diſſertation ſur l’incertitude des ſignes de la mort, par M. Bruhier Docteur en Médecine, imprimée à Paris en 174.4. pages 102. 103. & ſsuiv, on montre qu’on en a vû qui ont été 48 heures ſous les eaux, d’autres pendant trois jours, d’autres pendant huit jours. Il y ajoûte l’exemple des chryſalides inſectes, qui paſſent tout l’hyver ſans donner le moindre ſigne de vie, & les inſectes aquatiques, qui demeurent tout l’hyver dans le limon ſans mouvement ; ce qui arrive auſſi aux grenouilles, & aux crapaux : les fourmis mêmes, contre l’opinion commune, ſont pendant l’hyver dans un état de mort, qui ne ceſſe qu’au printems. Les hirondelles dans les pays Septentrionnaux s’enfoncent par pelotons dans les lacs & dans les étangs, même dans les rivières, dans la mer, dans le ſable, dans des troux de murailles, dans le creux des arbres, le fond des cavernes pendant que d’autres hirondelles paſſent la mer pour chercher des climats plus chauds & plus tempérés.

Ce qu’on vient de dire des hirondelles, qui ſe trouvent au fond des lacs, des étangs & des rivières, ſe remarque tout communément dans la Siléſie, la Pologne, la Boheme, & la Moravie. On pêche même quelquefois des cicognes comme mortes, qui ont le bec fiché dans l’anus les unes des autres ; on en a vû beaucoup de cette ſorte aux environs de Genéve, & même aux environs de Metz en l’année 1467.

On y peut joindre les cailles & les hérons : on a trouvé des moineaux & des coucoux pendant l’hyver dans des creux d’arbres ſans mouvement & ſans apparence de vie, leſquels étant réchauffés ont repris leurs eſprits & leur vol. On ſait que les hériſſons, la marmotte, les loirs & les ſerpens vivent ſous la terre ſans reſpirer, & que la circulation du ſang ne ſe ſait en eux que très-ſoiblement pendant tout l’hyver. On dit même que l’ours dort preſque pendant tout ce tems.


  1. Guill. Derham, Extrait. Peclin, c. x. de aêre. & alim. def.
  2. Vita S. Suitberti apud Surium. I. Martii.