Traitté de la canicule et des jours caniculaires/06

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TRAITTÉ
DE LA
GOVTTE,
DE SA PRESERVATION
& des Remedes qui contribuënt
à ſa guériſon.
Tiré des meilleurs Auteurs & fondé ſur
une longue experience
SECTION PREMIERE.
De la connoiſſance de la Goutte
Article Premier.




L A Goutte n’eſt pas une maladie nouvelle, elle eſt de tout temps, auſſi bien que de tout pays ; elle a regné autrefois chez les Grecs, chez les Arabes, chez les Romains, comme elle regne aujourd’huy preſque dans tous les endroits du monde ; les Grecs l’appellent d’un nom general Arthrysis dolor articulorum, douleur des jointures ; les Latins ont retenu ce même nom, & l’appellent encore morbus articularis ; les Arabes la nomment Gutta, & nous autres Goutte, parce que l’on croit que c’eſt une humeur qui diſtille goutte à goutte ſur les jointures.

II.

Mais comme elle peut attaquer diverſes parties de nôtre corps, on a inventé d’autres noms qui en marquent les differences, par exemple on l’appelle Chiragra, Podagra, Gonagra, quand elle attaque les mains, les pieds, & les genoux, ſans oublier celle qui occupe la cuiſſe à qui on a donné le nom de Sciatique. On peut voir encore chez les Auteurs d’autres appellations que je paſſe ſous ſilence, parce qu’elles ont plus de curioſité que de profit.

III.

Pour ne ſe point tromper en la connoiſſance de cette maladie, il faut bien prendre garde ; Premierement, de ne la point confondre avec le rhumatiſme, qui ſemble avoir bien du raport avec la Goutte, puiſque dans l’une & l’autre maladie les jointures ſouffrent de la douleur : Cependant il y a bien de la difference ; car dans la Goutte la douleur occupe ſeulement les jointures ; mais dans le rhumatiſme la douleur attaque tout le corps ; ſçavoir les muſcles, les membranes & le perioſte ; & quelquefois les parties internes, l’eſtomach, les inteſtins, la matrice & les poulmons font la triſte & douloureuſe experience des rhumatiſmes : Secondement, il faut remarquer que toutes les douleurs qui occupent les jointures ne meritent pas le nom de Gouttes ; car quelquefois il ſe fait des tumeurs dans les jointures, principalement dans les genoux, qui cauſent des douleurs dependantes d’humeurs groſſieres, pituiteuſes & mélancholiques, qui ſont de longue durée, qui ne doivent point être placées au rang des Gouttes, mais qui ſont d’une autre nature, comme on le peut remarquer par les ſignes.

IV.

C’eſt donc pour la bien definir une maladie des jointures avec douleur, excitée par une chute d’humeurs, qui attaque, ou les membranes, ou les tendons, ou les nerfs, & toutes les parties nerveuſes qui ſont proches des jointures, leſquelles ſouffrent ou tention, quand l’humeur coule ſur les parties ou piqueure, quand cette humeur eſt acre & mordicante ; & ce n’eſt pas ſeulement ſur les jointures que les humeurs qui produiſent la Goutte ſe déchargent ; elles peuvent quelquefois ſe décharger ſur d’autres parties, comme ſur la teſte, ſur les dents, ſur les coſtes, même encore ſur les parties internes, le foye & la rate, où elles peuvent exciter differences douleurs auſquelles on ne doit pas donner le nom de Gouttes, quoy que la matiere qui les engendre ſoit la même que celle de la Goutte.

V.

Les ſignes avant-coureurs de la Goutte ſont ceux-cy ; le malade reſſent une douleur plus vive dans les jointures qu’à l’ordinaire, & qui ſouvent eſt excitée par une cauſe tres-legere, par exemple quand ſon ſoulier le preſſe, quand il a marché long-temps, quand il a receu quelque coup leger, ou qu’il s’eſt heurté le pied contre quelque pierre. La fiévre qui provient du mouvement & de l’agitation des ſeroſitez contenues dans les veines & dans les arteres, precede ſouvent la Goutte, lors que la nature tâche de les pouſſer aux parties ignobles. Quand la Goutte commance tout de bon ſa premiere attaque, le malade ſent un engourdiſſement & un fremiſſement dans les jointures, ſuivie d’une chaleur qui n’eſt pas ordinaire ; mais lors que la Goutte eſt preſente, il ſouffre actuellement une douleur dans les jointures qui le preſſe vivement, & cette douleur eſt ſouvent accompagnée de tumeur & de rougeur, laquelle ne paroît pas toûjours d’abord, mais arrive peu de temps aprés ; quelquefois cette tumeur eſt d’une grandeur notable, & quelquefois à peine paroît-elle : La couleur eſt quelquefois rouge, quelquefois jaune & quelquefois blanche, en quelques-uns la douleur eſt tout d’un coup appaiſée, & en d’autres elle dure plus long-temps ; en quelques-uns il y a beaucoup de chaleur, en d’autres il n’y en a point ou tres-peu ; à quelques-uns les remedes chauds profitent, à d’autres ils nuiſent, & les froids profitent ; la douleur attaque plus frequemment le poulce gauche du pied, & s’eſtend enſuite aux autres jointures ; la fiévre qui avoit paru avant la douleur continuë quelquefois, quelquefois elle ne precede pas, mais elle arrive à même temps que la douleur.


VI.


La cauſe de la Goutte eſt le plus ordinairement une matiere ſereuſe, laquelle ou par ſa quantité eſtend les parties ſenſibles qui environnent les jointures, ou qui les pique par ſon acrimonie. Cette matiere séreuſe reçoit preſque toûjours le mélange des autres liqueurs, d’où naît cette grande diverſité de Gouttes ; de ſorte que ſelon qu’il y a plus ou moins d’acrimonie dans les humeurs, la douleur qui en eſt cauſée en eſt plus ou moins grande, & cette acrimonie eſt plus ou moins grande que les ſeroſitez contiennent plus ou moins de ſels.


VII.


Beaucoup de choſes peuvent produire ces ſeroſitez, les alimens groſſiers, excrementeux & de difficile coction, la gourmandiſe, l’yvrognerie frequente, la paſſion déreglée pour les femmes, d’où vient qu’on appelle ordinairement la Goutte la fille de Bachus & de Venus ; l’oyſiveté, la vie ſedentaire, le peu d’exercices, le ſommeil trop long, les veilles exceſſives, l’intermiſſion des évacuations naturelles ou artificielles accouſtumées ; enfin la crainte, la triſteſſe, & l’inquietude. Outre ces cauſes, il faut encore ajoûter celles qui debilitent & relâchent les jointures, par exemple le mouvement & le travail violent, la compagnie trop frequente des femmes, le rafraichiſſement & l’humectation des jointures, le bain, la contuſion, la luxation, & la fracture des jointures ; on doit enfin rapporter à ces cauſes l’air froid qui preſſe les humeurs, la chaleur qui les fond, qui les agite, & qui ouvre les porces, les alimens acres & ſalés qui les ſubtiliſent, le vin ſubtil & fort, l’exercice immoderé, l’amour dereglé pour les femmes, l’excés dans la colere & dans les autres paſſions de l’ame.

VIII.

Et comme les autres humeurs ſe mêlent preſque toûjours avec la matiere ſereuſe, on connoîtra celle qui domine par les marques ſuivantes. Quand la bile regorge, la douleur que ſouffre le malade eſt violente & poignante, la tumeur eſt petite, la couleur eſt rouge ou paſle, la chaleur eſt grande, & la fiévre qui eſt intenſe perſevere dans l’eſtat ; l’urine eſt legere, jaune & tirant ſur le rouge ; tout ce qui eſt froid donne du ſoulagement au malade ; au contraire tout ce qui eſt chaud luy cauſe du dommage. Quand la pituite excede la tumeur des parties affligées eſt lâche ; & quand on la preſſe avec les doigts, il y reſte une foſſe, la douleur n’eſt pas ſi cruelle, l’urine eſt épaiſſe & trouble, il n’y a preſque point de chaleur, la couleur eſt blanche & un peu éloignée de la naturelle ; tous les remedes froids incommodent, & les chauds ſoulagent ; enfin quand la mélancholie ſurabonde, la couleur de la partie eſt obſcure & tendante à lividité, la douleur eſt profonde, l’urine eſt claire & aqueuſe, & le malade ſouffre une laſſitude par tout le corps. Tous ces differens ſignes prouvent évidemment que toutes les Gouttes ne ſont pas froides & ne ſont pas toutes cauſées de pituite & de ſeroſitez, mais qu’il y en a de chaudes engendrées de bile & de mélancholie.

IX.

Cette matiere excrementeuſe & ſuperfluë, qui cauſe la Goutte, coule de la teſte par les parties externes, des viſceres contenus dans le bas ventre, c’eſt à dire du foye, de la rate, de la matrice, & même de tout le corps ſur les jointures, par les veines & par les arteres ; car tout le corps eſtant tranſpirable, les humeurs ſuperfluës ſe peuvent décharger ſur les jointures, ſi elles ont quelque diſpoſition naturelle ou acquiſe pour recevoir la décharge de ces humeurs ; car c’eſt une maxime receuë de tous les Medecins, que les parties les plus robuſtes déchargent leurs excremens ſur les plus foibles. Quand la fluxion coule de la teſte pardeſſus la peau, le malade a eu peſanteur de teſte, douleur au-dehors, qui renouvelle quand on touche deſſus, & qu’on renverſe les cheveux, endormiſſement avec tremblement ou friſſon, tumeur edemateuſe qu’il ſent quelquefois vers la partie occipitale de la teſte. Mais quãd elle vient du foye ou de la rate, ou des autres viſceres par les veines & par les arteres, on remarque d’autres ſymptomes qui arrivent tout à coup, comme tumeur, rougeur, douleur à la partie & fiévre. La fluxion ſe fait ſur les jointures, ou des impuretez du cerveau, ou de la plenitude & du regorgement des veines, de même que le debordement des rivieres arrive de l’abondance des pluyes : Or quand une quantité d’humeurs ſuperflues, amaſſées entre le pericrane & la peau, ſorties des jugulaires externes qui déchargent là leurs excremens clairs & ſereux, prend ſon cours en bas le long du corps pardeſſus la peau ; la cauſe du mal doit eſtre attribuée à la teſte ; mais quand les grandes veines ſont chargées d’abondance d’humeurs, qu’elles ne peuvent contenir, ou ſont irritées par leur acrimonie, il faut chercher l’origine de la fluxion au foye, ou aux autres viſceres. La Goutte arrive quelquefois par congeſtion ou amas, comme dans la maladie Venerienne, mais elle arrive peu à peu ſans tumeur, & avec douleur de tout le perioſte.


X.


La Goutte ſciatique ainſi appellée parce que la douleur occupe principalement l’endroit de l’os iſchion, reçoit les mêmes cauſes que les autres ſortes de Gouttes ; mais elle a cela de particulier qu’on ne remarque aucune tumeur, aucune inflammation ou changement de couleur, comme dans les autres eſpeces, parce que les humeurs qui coulent s’inſinuënt ſur les parties les plus profondes, les plus amples & couvertes de beaucoup de chairs, & ne ſe répandent pas juſques ſur la ſuperficie du corps & ſur la peau. Cette ſorte de Goutte eſt encore differente des autres ſortes, en ce que dans les autres la douleur occupe les ſeules jointures, & dans celle-là elle occupe la feſſe, les lombes, l’os ſacré, & s’eſtend ſur la cuiſſe, ſur l’os de la jambe & l’extréme pied.


SECTION II.
Du jugement de la Goutte.
Article Premier.



LA Goutte peut arriver dans toutes les ſaiſons de l’année, principalement à ceux dont la vie eſt déreglée ; elle arrive quelquefois dans l’Eſté, parce que la chaleur exceſſive qui regne alors fond les humeurs, ouvre les conduits & eſtend les parties nerveuſes & membraneuſes. Hypocrate même aſſeure que la Goutte bilieuſe arrive durant les grandes ſechereſſes, à ceux en qui cet humeur domine, lors qu’elle tombe ſur les jointures. Elle arrive quelquefois durant les plus grandes froidures de l’hyver, parce que le froid extrême bleſſe les parties nerveuſes, preſſe les humeurs & les pouſſe aux jointures ; elle arrive encore lors que le vent du midy ſouffle, car il remplit le corps d’humiditez, ébranle les humeurs, la fluxion ſur les jointures foibles ou de leur nature, quand elles ſont depourveues de chair & de ſang, ou par accident quand ces parties ont ſouffert long-temps de grandes douleurs ; C’eſt pourquoy les miſerables gouteux ſont toûjours plus travaillez durant les orages, les tempeſtes, les pluyes, les neiges, les vents, & en un mot dans tous les changemens de temps ; mais les ſaiſons dans leſquelles cette cruelle maladie exerce principalement ſa tyrannie & ſa rage, ſont le printemps & l’automne ; au printemps, parce que la matiere qui peche, amaſſée au corps durant l’hyver, venant à ſe fondre par la tiedeur du printemps, eſt pouſſée des plus fortes parties du dedans aux jointures ; & dans l’automne, parce qu’à raiſon de la qualité de cette ſaiſon, le mauvais ſuc que l’Eſté a produit à cauſe des fruits que l’on mange ſouvent par excés, tombe aiſément ſur les parties les plus débiles.


II.


La Goutte eſtant la fille des richeſſes, de l’oiſiveté & de la bonne chere, eſt l’appanage ordinaire des riches, des fainéants & des voluptueux ; elle n’entre donc jamais dans les cabanes des pauvres & des miſerables, de ceux qui travaillent beaucoup, & qui ſont éloignez des plaiſirs. C’eſt pourquoy les Grecs l’appellent Myſontocos maladie qui a de l’averſion pour les pauvres ; & cela eſt ſi veritable, qu’on a veu des riches cruellement tourmentez de Gouttes, tandis que leurs biens leurs ont fourny dequoy ſatisfaire à leurs voluptez, & en guerir, lors que par accident ou pour mieux dire par un effet particulier & favorable de la providence de Dieu pour eux, ayans perdu leurs biens, ou ayans ſouffert long-temps dans les priſons, ils ont eſté heureuſement guéris.


III.


Il eſt ſi veritable que la trop grande frequentation des femmes eſt une des principales cauſes de la Goutte ; qu’Hypocrate aſſeure que les enfans n’y ſont point ſujets, avant que d’avoir goûté les plaiſirs de l’amour ; & ſi elle leur arrive, c’eſt leur temperament & la trop grande quantité des humeurs ſalées & nitreuſes qui en peuvent eſtre la cauſe. Le même Autheur aſſeure que les femmes n’experimentent jamais les douleurs de la Goutte, ſi elles ſont bien reglées, car leur corps n’eſtant pas remply de ſuperfluitez, la ſeule diſpoſition des parties ne la peut pas engendrer, mais cela ſe doit entendre de ces femmes qui vivent ſobrement, qui ne ſont point addonnées au vin, & qui ne cherchent pas leurs plaiſirs avec avidité ; mais dans le malheureux ſiecle où nous ſommes. Les exemples de celles qui vivent avec moderation ſont ſi rares, que nous pouvons dire avec Seneque qu’elles ont fait Hypocrate menteur. À la verité elle les attaque plus rarement que les hommes ; mais quand elle leurs arrive elles en ſont plus cruellement & plus longuement travaillées ; car ce qui n’arrive pas ordinairement eſt plus violent & cauſe plus de dommage. Enfin les chaſtrez, ſelon le même Autheur, ne ſont point malades de la Goutte ; cela pouvoit eſtre veritable dans ſon temps, parce qu’ils menoient une vie ſobre & honneſte ; mais aujourd’huy qu’ils menent une vie faineante & déreglée, & qu’ils s’addonnent à la gourmandiſe & à l’yvrognerie, ils n’en ſont pas plus exempts que les autres, ſi ce n’eſt qu’ils ayent herité cette maladie de leurs parens.


IV.


La Goutte de ſoy eſt rarement mortelle, elle eſt plus fâcheuſe & plus cruelle qu’elle n’eſt dangereuſe ; elle conduit ſouvent les hommes à une extréme vieilleſſe, & les exempte de pluſieurs maladies, parce que la nature pouſſe de temps en temps aux jointures les humeurs qui avoient pû engendrer les plus dangereuſes maladies, & ainſi delivre les parties nobles de ces mauvaiſes humeurs, toutefois dans les perſonnes foibles & avancées en âge, la nature ne pouvant chaſſer au dehors les humeurs amaſſées au dedans, elle peut cauſer des fiévres tres-aiguës, des inflammations des viſceres, l’apoplexie, la convulſion, la freneſie, la difficulté de reſpirer, & la palpitation de cœur.


V.


La Goutte hereditaire & inveterée eſt ingueriſſable à preſque tout le monde, parce qu’elle a de trop profondes racines, & qu’elle eſt trop fortement attachée aux principes de la vie ; elle l’eſt aux vieillards, dont la maſſe du ſang eſt tellement alterée qu’elle ne peut eſtre non plus rectifiée qu’un vin bas devenu aigre, mais n’eſtant pas inveterée, quoy que hereditaire, elle eſt gueriſſable aux jeunes gens, parce que leur chaleur eſt aſſez forte & vigoureuſe pour conſommer les humeurs ſuperfluës qui la produisent, elle n’eſt pas gueriſſable à ceux qui ont des nœuds aux jointures, comme dit un Poëte.

Tollere nodoſam neſcit medicina podagram.

Parce que la matiere ſereuſe ayant trop long-temps croupy aux jointures, eſt devenue tellement viſqueuſe & dure, qu’elle ne ſe peut reſoudre ny ſuppurer.

VI.


Quelquefois la colique ſe change en Goutte, & la Goutte en colique. Hypocrate en fait mention au Livre des Maladies vulgaires, en ces termes, celuy qui avoit la Goutte avoit auſsi la colique du coſté droit, ce qui la ſoulageoit ; mais lors qu’il fut guery de cette maladie, il ſentoit beaucoup plus de douleur de goutte ; car les humeurs venans aux inteſtins, il ne faut pas s’eſtonner ſi les douleurs de la goutte s’adouciſſent ; & que les douleurs de la colique êtant ceſſées, la douleur de la goutte augmente.

VII.


La goutte commence environ à 35 ans, aux uns pluſtoſt aux autres plus tard, (car j’en ay veu arriver à 78.) ſelon leurs diſpoſitions natureles & leurs bon ou mauvais regime de vivre. Mais elles n’ont pas toutes la même durée. Celle qui provient de matiere chaude ne ceſſe point avant le 14, ou vingtiéme jour ; car cette matiere chaude, la bile par exemple eſtant plus ſubtile eſt plus promptement reſoute ; celle au contraire qui dépend d’une matiere froide, comme la pituite, ou la mélancholie, parce qu’elle eſt plus groſſe & plus épaiſſe, ne tourmente pas veritablement avec tant de violence, mais elle reçoit plus tard ſa gueriſon & dure ordinairement 40. jours, & dautant plus que la partie qui ſouffre eſt épaiſſe, & que la faculté expultrice eſt foible, dautant plus le mal eſt long à guerir ; de là vient que les douleurs aſſiſes au genoüil, au talon & à la hanche, ſont plus rebelles qu’aux autres parties qui ont moins dépaiſſeur, & dans la faculté expultrice eſt plus forte.


VIII.


La goutte qui ſans raiſon apparente ne retourne point dans le temps auquel elle a coûtume d’arriver, cauſe des maladies fâcheuſes & ſouvent mortelles, par exemple l’inflammation, ſi l’humeur qui prenoit ſon cours ſur les jointures, ſe jette ſur la ſubſtance du foye ; elle engendre une fiévre continuë, ſi cette humeur eſt arreſtée aux grandes veines ; elle cauſe la pleureſie, ſi elle tombe ſur la membrane qui couvre les coſtes ; elle produit la colique ſi elle s’attache aux inteſtins ; en un mot elle eſt la cauſe de differens maux ; ſi l’on n’a ſoin par un loüable regime de vivre, ou par les bons remedes d’oſter cette matiere maladive.


IX.


Cette eſpece de goutte que l’on nomme podagre reçoit ſa gueriſon, ſelon Avicenne, quand les varices ſurviennent, parce que les humeurs qui ont coûtume d’eſtre portées aux jointures, ſont détournées aux parties exterieures de la cuiſſe.


X.


Quoy que toutes les douleurs de la goutte ſoient ſi cruelles qu’elles faſſent ſouvent ſouhaitter la mort, on peut dire que celle de la ſciatique ſurpaſſe celles de toutes les autres, ſoit par la grandeur du mal, ſoit pour le grand nombre des accidens fâcheux qui arrivent à raiſon de la jointure, qui eſt plus profonde que les autres, & de la pituite viſqueuſe & épaiſſe, qui eſt arreſtée dedans.


XI.


La douleur ſciatique perſeverant long-temps, cauſe luxation de la hanche ; car la matiere ſereuſe & pituiteuſe s’inſinuë dans la cavité de la jointure qui eſt tres-ample ; & ſi elle y ſejourne long-temps, ſa partie la plus ſubtile ſe reſout, & la plus groſſiere qui devient glaireuſe demeure, & elle amolit & relâche tellement les ligamens qui lient les os de la jointure, que l’os de la hanche ſort de la boëte, d’où naiſt la luxation, la maigreur de la cuiſſe & de la jambe, & qui fait que les perſonnes boitent, parce que l’os tombé de ſon ſiege comprime les muſcles, les veines & les arteres, empeſche le mouvement, & que le ſang & les eſprits ne coulent pas commodement ſur les parties inferieures. Tout cecy eſt appuyé de l’authorité d’Hypocrate en ſes Aphoriſmes, où il dit, Si l’os de la cuiſſe tombe à ceux qui ont ſouffert de longues douleurs de la ſciatique, & ſi il tombe derechef, il leur ſurvient des glaires ; & ailleurs, Si à ceux qui ſont tourmentez de longues douleurs de la ſciatique, l’os de la cuiſſe tombe, ils amaigriſſent & boitent, ſi on ne le brûle.


SECTION III.
De la gueriſon des Gouttes.
I.



QUoy que l’on ait toûjours tenu la Goutte pour une maladie incurable, on la peut neanmoins guerir quand elle n’eſt pas hereditaire ou inveterée, quand on vit ſobrement, & qu’on a ſoin de pratiquer les remedes ordonnez par les ſages, & experimentez Medecins ; & quand elle eſt hereditaire ou inveterée, on peut au moins la ſoulager, mais il y faut travailler de bonne heure, principus obſta, ou comme l’on dit il faut écraſer le ſerpent quand il eſt encore dans ſon œuf. Si la pluſpart des gens ne gueriſſent pas de la Goutte, c’eſt qu’ils ne le veulent pas, il n’en faut pas jetter la faute ſur les Medecins, qui ne connoiſſent que trop la maladie & ſes cauſes, & qui ne ſont point dépourveus d’excellens remedes ; mais il s’en faut prendre aux malades qui voudroient à la verité bien guerir, mais qui font tout le contraire pour obtenir la gueriſon ; ils ſont ſemblables aux pecheurs endurcis, qui haïſſent le peché en apparence, mais qui l’ayment en effet, puiſqu’ils en recherchent toutes les occaſions. Les gouteux haïſſent la Goutte comme un mal inſupportable, mais ils ayment le plaiſir qui la cauſe, j’entends le plaiſir de la bonne chere, de l’oyſiveté & de la compagnie des femmes.

II.

Il faut donc que ceux qui ſont affligez de la goutte ſe confient à un Medecin ſçavant, sage, prudent & ſoigneux, qui par le moyen des excellens remedes de ſon Art chaſſe le mal preſent & empeſche la recheute ; l’un qui eſt de preſervation eſt convenable dans l’intermiſſion ; & l’autre qui eſt de curation eſt propre durant l’accez. La curation conſiſte à arreſter l’écoulement de l’humeur ſur les jointures, & à oſter celle qui y eſt déjà attachée ; & cependant ſi la douleur eſt cruelle, avoir ſoin de l’adoucir ; c’eſt par le ſecours des remedes generaux, le regime de vivre, la ſaignée & la purgation, & par les topics qu’on applique ſur les parties malades, que le Medecin viendra about de ſon deſſein ; mais comme la goutte dépend de differentes humeurs ou du ſang, ou de la bile, ou de la mélancholie, ou de la pituite, ou des ſeroſitez ; en un mot qu’il y en a de chaudes & de froides ; c’eſt ainſi qu’il y faut proceder. Si la goutte eſt chaude & qu’elle dépende du ſang, il faut d’abord preſcrire une maniere de vivre ſobre & legere ; les viandes que l’on donnera au malade ſeront de peu de nourriture, & quelque peu rafraichiſſantes, on luy deffendra abſolument le vin, qui par ſa chaleur & par ſa vapeur peut aiſément irriter la fluxion & renouveller la douleur ; on peut neanmoins l’accorder beaucoup trempé aux foibles & à ceux qui auroient d’autres incommoditez ; au lieu du vin on luy donnera de l’eau ſucrée, ou de l’eau miellée, c’eſt à dire faite de quarante ou de quarante-huit parties d’eau, & d’une de miel, ou bien on preparera une poudre tres ſubtile de 2. onces de ſalſepareille, d’une once de regliſſe, de demie once de canelle & de ſemence d’anis, dont on meſlera une cueillerée dans un grand verre d’eau, le remuant trois ou quatre fois d’un vaiſſeau en un autre ; on paſſera cette poudre & on en preparera autant de fois que le malade voudra boire. Ce breuvage eſt propre à tous les temperamens & à toutes les ſortes de gouttes ; il s’abſtiendra de tous alimens ſalés & aromatiques, de ceux qui échauffent le ſang, & qui montent à la teſte, comme l’ail, l’oignon, & la moutarde ; il ſe tiendra en repos dans le commencement & dans la vigueur du mal, mais dans le declin il pourra s’exercer moderement ; il faut ſur tout qu’il fuye le ſomeil trop long, & la compagnie de ſon épouſe, s’il eſt engagé dans le mariage. Si elle dépend de la bile, ſa maniere de vivre doit eſtre rafraichiſſante & humectante, il doit éviter tous les alimens qui échauffent & qui augmentent la bile, il doit alterer ſes boüillons de laictuë & de chicorée, il doit vivre frugalement, mais il ne doit pas eſtre trop long-tems ſans prendre de nourriture, car la faim aiguiſe la bile & la rend plus acre, il doit entierement s’abſtenir de vin, & n’uſer que de ptiſane ou d’eau d’orge ; & enfin s’abſtenir de la compagnie des femmes. Si elle eſt froide, cauſée de mélancholie, il doit choiſir des alimens de bon ſuc & de facile coction, il peut uſer de bon vin raiſonnablement trempé, ou de lait clair à ſon deffaut, il doit fuir les occaſions de triſteſſe & de mélancholie, & rechercher celles du plaiſir honneſte & de la joye. Si elle eſt engendrée de pituite, ſon vivre, doit eſtre chaud & ſec & tres-leger ; car ſelon la doctrine d’Hypocrate, il eſt bon que ceux qui ont les chairs humides faſſent abſtinence, car la faim deſſeche le corps.


III.


On ne doit jamais ſaigner dans la goutte de quelque nature qu’elle ſoit, ſi nous voulons bien nous en rapporter aux plus anciens gouteux qui aſſeurent par leur propre experience, que la ſaignée n’a jamais profité ; qu’au contraire elle a toûjours nuit ; ſi nous voulons ſuivre le ſentiment de nos Auteurs, elle n’eſt jamais neceſſaire ny profitable dans la goutte bilieuſe, puiſque le ſang eſt le frein de la bile, elle eſt toûjours dangereuſe dans les gouttes froides, principalement ſi le malade eſt âgé ou infirmé, & le mal envieilly, mais on la peut permettre ſeulement dans les gouttes, où il y a beaucoup de plenitude ; & ſi l’on juge à propos de la pratiquer, il faut obſerver d’ouvrir la veine qui eſt vis à vis de la partie malade pour faire évacuation & revulſion par même moyen ; de ſorte que ſi les parties ſuperieures ſont enflammées, il faut ouvrir les veines inferieures ; au contraire ſi les parties inferieures ſont enflammées, on ouvrira les ſuperieures ; ſi donc le bras droit ſouffre, on tirera du ſang au pied droit ; & ſi le bras gauche eſt affligé, on tirera du ſang de la jambe gauche ; quand la douleur eſt au pied ou à la hanche on doit piquer la veine du bras ; ſi la fluxion vient de la teſte, il faut prendre la cephalique, ou à ſon deffaut la mediane ; ſi le bras droit & la jambe droite ſouffrent à même temps, la ſaignée doit eſtre faite aux parties gauches ; mais ſi la douleur eſt univerſellement répanduë par toutes les parties, on choiſira celle qui en eſt le moins accablée. Dans la goutte ſciatique, il faut d’abord tirer du ſang du meſme coſté pour faire revulſion, enſuite pour évacuer la matiere conjointe, il en faut tirer de la ſciatique, laquelle eſtant ouverte guerit ſouvent cette indiſpoſition, le ſang que l’on tire des hemorroïdes par les ſangſues, ſoulage beaucoup la goutte ſciatique.


IV.


Aprés la ſaignée, on doit employer la purgation convenable à l’humeur dominante ; mais on doute ſi elle doit eſtre employée au commencement, & ſi l’on doit uſer de purgatifs forts ou de doux, on croit que la purgation au commencement de la fluxion n’eſt pas ſeure, parce qu’elle pourroit trop agiter les humeurs ; on croit auſſi que l’on ne doit pas purger avec des remedes doux qui ébranlent plûtoſt les humeurs que de les vuider, & qui les precipitent ſur les jointures ; d’où vient que ſouvent la tumeur eſt plus grande, & la douleur plus cruelle, mais qu’il faut purger avec les plus forts qui évacuent l’humeur dans ſon mouvement & la détournent des jointures. Pour moy j’eſtime que ſi la goutte eſt chaude, on ne doit point purger au commencement, ſi ce n’eſt que la bile fut trop abondante, alors on en pourroit tirer une partie par quelque legere purgation, preparée avec une once de caffe & demy gros de rubarbe en poudre pour en former un bol ou la diſſoudre dans l’eau, ou la decoction de chicorée, dans laquelle en aura fait infuſer la rubarbe, y meſlant une once de ſyrop violat, ou de fleurs de peſcher, ou de roſes paſles, ou la manne en pareille quantité, ſi le ſang abonde en ſeroſitez ; & s’il y a de la mélancholie meſlée au lieu du ſyrop de roſes, on ſe ſervira de celuy de pommes compoſé dans une infuſion de ſené ; autrement je veux dire, que ſi l’humeur n’eſt pas copieuſe, on ſe doit contenter pendant tout le cours de la maladie de clyſteres faits d’une decoction remolliente & rafraichiſſante, y meſlant le miel roſat ou le violat, ou meſme le commun bien écumé ; mais ſi la goutte eſt froide, j’eſtime qu’on doit ordonner la purgation au commencement de l’accés ; ainſi l’humeur qui coule & celle qui doit couler eſt détournée des jointures, & eſt attirée aux inteſtins ; les medicamens dont on ſe ſervira doivent eſtre des plus forts, par exemple une infuſion dagaric & de rubarbe à la quantité d’un gros ou d’un demy gros dans une infuſion de deux ou trois gros de ſené, y adjoûtant une once de ſyrop de nerprun, ou les pilules d’hiere ou dagaric ; il y en a qui preferent les pilules cochées & les arthritiques, parce qu’elles ſejournent plus long-temps dans l’eſtomach, & ainſi elles attirent des parties les plus éloignées, mais elles ne doivent eſtre données que quand l’humeur ſuperfluë s’eſt jettée ſur les jointures, & que la fluxion eſt déja arreſtée, autrement elles la provoquent ; c’eſt pourquoy on voit bien ſouvent que ceux qui ſont ſujets aux gouttes en ſont tout à coup attaqués. Aprés avoir uſé de ces remedes ; il y en a qui ſe ſervent encore d’hermodattes, parce qu’elles font ceſſer la fluxion ; de maniere que les malades peuvent incontinent vacquer à leurs affaires, mais parce qu’elles ſont grandement nuiſibles à l’eſtomach ; & que dans la verité nous n’avons point de veritables hermodattes, je les tiens pour tres-ſuſpects. Le Jalap depuis un ſcrupul juſqu’à un dragme, eſt encore un excellent purgatif, on le peut donner, ou dans un boüillon, ou dans un peu de vin blanc, ainſi que la reſine de jalap depuis 4. juſqu’à 12. grains en guiſe d’opiat ou de pilules, dans la ſciatique on peut adjoûter dix grains de mercure doux, deux ou trois gros, ou meſme demy once de diacartame dans un boüillon ou vin blanc, eſt profitable, de meſme que demy once de diaprun compoſé dans un verre de ptiſane, ou bien on preparera un opiat en cette ſorte P. d’électuaire de ſuc de roſes un once, jalap en poudre une dragme, tartre vitriolé demy dragme, trochiſques à l’handal & d’agaric de chaque 2. ſcrupules, reſine de ſcamonée 15. grains, faites un opiat donc la doſe ſera la groſſeur d’une noiſette, dans du pain à chanter.


V.


L’évacuation qui ſe fait par le vomiſſement eſt ſouvent tres-avantageuſe en ceux qui ont de la facilité à vomir, parce qu’en peu de temps par la plus courte voye il vuide les humeurs ; de ſorte qu’on ne doit pas craindre que l’humeur ſe precipite ſur la partie malade ; c’eſt pourquoy les anciens ont toûjours approuvé le vomiſſement, ſoit pour la précaution, ſoit pour la gueriſon, principalement quand la matiere provient du cerveau & de l’eſtomach ; mais on doit mettre cette difference, que dans la goutte chaude on ne doit employer que les plus legers vomitifs, par exemple l’eau tiede avec un peu de vinaigre ou de ſyrop acereux, 2. onces doximel delayées dans 2. dragmes de ſemences de raves, dans la goutte froide & la ſciatique, on ſe peut ſervir des plus forts, comme de la paſte des pauvres, du ſaffran de metaux & de l’azarum.


VI.


Les ſudorifiques ſont beaucoup avantageux aux gouttes qui dependent de pituite & de ſeroſitez, puiſqu’ils ſubtiliſent les humeurs groſſieres & viſqueuſes, qu’ils les reſoudent en vapeurs, & les pouſſent par l’habitude du corps ; ſur tout ces remedes ſont propres à ceux qui ſont travaillez de la ſciatiques ; & parce que dans l’attaque de la goutte, il ſe fait comme une ébullition, & que ſouvent il y a de la fiévre, on ne ſe ſervira point de ſudorifiques chauds, mais ſeulement de ceux qui ſont temperés. On ſe ſervira donc d’une décoction deſquine, de ſalſepareille ou de ſaſſafras ; & aprés qu’on aura bien eſſuyé le malade, on luy fera prendre un boüillon de chicorée, d’endive, d’ozeille & de bourache ; on pourra encore ſe ſervir de corne de cerf, ou cruë, ou brûlée, ou ſeule, ou meſlée avec l’eau de chardon benit, ou d’antimoine diaphoretique, depuis 6. juſqu’à 30. grains dâs une liqueur appropriée, par exemple dãs de l’eau de chardõ benit & de meliſſe, où l’on pourra donner de ces eaux ſeules depuis 2. juſqu’à 6. onces ; on pourra prendre encore deux poignées des ſomnites de petite centaurée, 2. onces de racines d’azarum que l’on fera bouillir en cinq pintes d’eau reduites à la moitié, que l’on paſſera ; la doſe que l’on fera prendre au malade chaudement ſera d’une once pendant quelques jours ; les eſtuves provoquent parfaitement bien les ſueurs, & reſoudent promptement la matiere contenuë dans les jointures.


VII.


Le cours des humeurs eſt quelquefois heureuſemẽt détourné des jointures par l’écoulement des vrines, principalement ſi elles ſont épaiſſes ; on pourra donc pour les provoquer faire une ptiſane avec les racines d’ozeille, de perſil, de fenoüil, d’eſperges & de chiendent, ou faire boüillir quelqu’unes de ces herbes dans le boüillon des malades ; on adjouſtera toûjours dans chaque priſe de ptiſane quelques gouttes deſprit de vitriol ou de ſel ; on a obſervé que la racine de lappa major ou grande bardane produiſoit de grands effets, & que pluſieurs ont eſté gueris en beuvant de la biere chaude, dans laquelle on avoit fait bouillir cette racine.


VIII.


Quand la goutte provient des menſtruës ou des hemorroïdes arreſtées, il faut recourir aux remedes qui facilitent l’une ou l’autre évacuation ; ainſi dans la retention des menſtruës, les feüilles d’armoiſe, de marricaire, de mercuriale, de marjolaine, de meliſſe, d’origan, de pouliot de montagne, de politrio, de ſabine, de ſcordium dans les lavemens, de ſaffran dans les boüillons, le ſyrop d’armoiſe dans les eaux diſtillées des plantes que je viens de nommer, peuvent eſtre utiles, ainſi que dans la ſuppreſſion des hemorroïdes.


IX.


Enfin ſi la maladie Venerienne provenante de quelque commerce infame & brûtal, a cauſé la goutte, les ulceres faits avec les cauteres potentiels la ſoulageront ; car par ces ouvertures le venin de la goutte s’écoule. On les appliquera en differens endroits, ſelon la ſituation des jointures attaquées.


X.


Si la gueriſon des gouttes depend beaucoup des vrines & des ſelles, on ne doit pas croire que le quinquina dont on ne s’eſt encore ſervy juſqu’aujourd’huy que dans les fiévres, ne ſoit un remede tres-efficace pour pouſſer les ſeroſitez dehors, & partant pour contribuer à la gueriſon de la goutte. Ce grand remede quand on a bien purgé le malade, force tellement l’humeur, qu’il la determine à eſtre precipitée & évacuée, ou par les ſelles, ou par les vrines, ou par inſenſible tranſpiration. Pour moy j’eſtime qu’on s’en peut ſervir avec ſuccés dans toutes les ſortes de gouttes, dans les chaudes, par exemple où il y a preſque toûjours de la fiévre, on le peut donner dans quelque ptiſane appropriée, y adjoûtant la ſalſepareille, & quelques ſels aperitifs ; mais dans les gouttes froides on le peut donner avec le vin, la doſe du quinquina eſt environ une once & demie que l’on chargera de demy poignée de ſalſepareille, de 2. gros de ſel de petite centaurée, & d’autant de ſel d’enula campana dans quatre pintes de liqueur ; on le peut donner pendant le temps de la fluxion de 4. en 4. heures ; & dans le temps de l’intermiſſion huit jours durant deux fois le jour, & autres huit jours une fois ſeulement.


XI.


Au commencement de la fluxion, & durant les grandes douleurs, ſi la commodité ou l’inclination ne permettent pas de prendre le quinquina ; on fera prendre tous les matins au malade, ſi la goutte eſt chaude, engendrée de bile, un verre d’eau de chicorée ſauvage avec une dragme de ſemences de pavot blanc broyée & pilée, où l’on ordonnera le julep ſuivant P. des feüilles de laictuë, de pourpier & de plantain, de chaque une poignée, des 4. ſemences froides grandes, & de pavot blanc de chaque 2. dragmes, des fleurs de violettes, de nenuphar & de pavot rouge, de chaque une pincée, faites cuire le tout, & le paſſez, & dãs la couleure d’une livre delayés des ſyrops violat & de roſes ſeiches, de chaque une once & demie, faites un julep pour trois doſes à prendre en un iour de 4. en 4. heures ; s’il y a de la mélancholie meſlée avec les ſeroſitez, une pinte de lait clair par iour pourra beaucoup profiter. Si les douleurs ſont tres-violentes dans une extrême & preſſante neceſſité on pourra donner des narcotiques pour arreſter la fluxion & appaiſer la violence de la douleur ; la theriaque nouvelle eſt tres-commode, & on en peut ſouvent donner un gros, y adjouſtant pour arreſter la fluxion un peu de bol, ou en la place un ou deux grains de laudanum ; on ne doit pas obmettre les maſticatoires qui déchargent beaucoup le cerveau.


XII.


Aprés que l’on aura employé tous les remedes qui regardent la cauſe antecedente, il en faudra venir aux topics qui appaiſent la douleur, & qui reſoudent la cauſe conjointe ; on ne doit pas employer d’abord ces remedes, ce ne doit eſtre qu’aprés l’uſage des remedes generaux, autrement ils cauſeroient plus de dommage que de profit ; car ou la matiere que la nature tâche de pouſſer aux jointures, ſeroit repouſſée aux parties interieures ; d’où naiſtroient de tres-fâcheux ſymptomes, ou cette matiere s’attacheroit aux jointures, & ainſi augmenteroit la douleur ou affoibliroit la partie ; & comme on ne fait pas ordinairement ces obſervations, & qu’on applique ces topics ſans prudence & à contretemps, on ne doit pas s’eſtonner ſi les malades n’en reçoivent aucun ſoulagement.


XIII.


Les topics ſont de deux ſortes, les uns regardent ſeulement la douleur, & les autres la cauſe, ſçavoir l’humeur qui coule ſur les jointures, & qui excite la douleur & la tumeur. Et comme la goutte eſt le plus fâcheux de tous les ſymptomes, qu’il abbat les forces, & qu’il attire l’humeur aux parties affligées, les remedes qui l’appaiſent ſont icy tres-neceſſaires.

Les Livres de nos Auteurs en ſont remplis, mais je ne m’arreſteray qu’à ceux qui ſont fondez ſur une longue experience.

Le lait tiede dans lequel on trempe des linges que l’on applique ſur la partie douloureuſe la ſoulage, mais elle l’eſt bien davantage, ſi faiſant entrer la beſte dans la chambre du malade, on tire le lait ſur la partie, c’eſt le remede ordinaire des grands Seigneurs de Turquie.

La mauve boüillie avec le lait eſt efficace.

Le cataplaſme preparé avec la mie de pain cuite dans le lait, adjouſtant un jaune d’œuf & quelque peu de ſaffran, eſt un remede aſſez ordinaire.

On prepare encore un cataplaſme avec les fleurs de roſes rouges, de camomille & de boüillon blanc boüillies dans le lait.

On ſe ſert encore de la caſſe mondée, ou ſeule, ou meſlée avec l’huile roſat, ou cuite avec une mie de pain blanc.

Au commencement de la goutte qui attaque le poulce du pied, on prend 2. blancs d’œufs, un peu de ſel broyé, avec quelques gouttes de vinaigre que l’on met ſur des étoupes, & qu’on applique ſur le mal.

Voicy d’autres cataplaſmes qui ſont fort recommandables ; on fait boüillir des racines & des feuilles de mauves autant que l’on voudra dans un pot de terre neuf, avec égales parties de vin & de vinaigre, juſqu’à la diminution de la troiſiéme partie ; on adjouſte enſuite du ſon de ſeigle groſſier autant qu’il en faut pour former un cataplaſme qu’on eſtend ſur un linge, & qu’on applique chaudement ſur les parties douloureuſes ; on fait encore un cataplaſme miraculeux avec les lentilles d’eau & de fleurs de camomille cuites en lait, adjouſtant un peu de farine d’orge.

Le ſuivant eſt tres-approuvé dans les plus cruelles douleurs ; on prend deux jaunes d’œufs avec demy livre d’huile roſat ; on fait cuire le tout legerement dans une poëlle à frire juſqu’à l’épaiſſeur, adjouſtant deux dragmes de ſaffran, on appliquera ce cataplaſme chaudement.

Pluſieurs au commencement de la fluxion font un cataplaſme de ſel & de ſuye de cheminée, battus avec des blancs d’œufs.

Le ſel de Saturne diſſout dans l’eſprit de vin, eſt merveilleux pour appaiſer les douleurs, ainſi que l’eau de ſperme de grenoüilles diſtillée au mois de May, & appliquée ſur les parties douloureuſes ; il tempere encore l’inflammation & la rougeur.

L’eau de fleurs de boüillon blanc qui ont eſté expoſées au ſoleil dans une bouteille de verre eſt d’une grande vertu.


Quelques-uns appliquent un petit chien vif ſur la partie ſouffrante pour adoucir le mal.

Quand la douleur devient inſupportable, on eſt contraint de recourir aux narcotiques ; ainſi la morelle ou ſolanum avec le ſempervivũ ou jombarde, grande ou petite, eſt tres-utile.


XIV.


Pour les gouttes froides, l’eau d’antimoine, c’eſt à dire que l’on fait boüillir un quarteron d’antimoine dans une décoction de chiendent.

La fiente de pigeon boüillie en vin blanc, ou bien on fait amortir de la poirée ſur un poëlle chaude, on l’applique ſur le mal, & l’on met autour deux veſcies plaines d’eau chaude, il a eſté beaucoup experimenté.

— On peut enfin fomenter la partie avec l’eſprit de vin ou l’eau de la Reyne d’Hongrie, ou avec 2. dragmes d’eſprit d’urine mélées avec 1. onces d’eau de vie.

L’urine du malade dans laquelle on a fait tremper du ſon de froment eſt approuvé des anciens goutteux.

Des compreſſes trempées dans la premiere eau de chaux ſur un livre de laquelle on aura mis en diſſolution une dragme de ſel ammoniac.

On met des limaces entieres dans une manche avec du ſel, on ſuſpend cette manche dans la cave, on prend la liqueur qui en diſtile, on en fait un liniment tiede ſur la partie.

L’eau ſuivante a eſté pluſieurs fois éprouvée avec succés. On prend de la fiente d’une geniſſe noire, qui n’ait point encore porté, on l’a fait diſtiller dans une Chapelle, & ſur chaque pinte d’eau qui en proviendra, on mettra une poignée de ſel, on garde cette eau ; & lorsque l’on en veut uſer on trempe des étoupes dans cette eau froide, & la douleur ceſſe incontinent.

Mais voicy le remede des remedes pour quelque goutte que ce ſoit ; les nombreuſes experiences que l’Auteur en a fait en Italie & ailleurs, ne le rendent que trop recommandable. On prend un plain chaudron de cendres de bois d’aulnée, ou énula campana, on en fait de fortes leſcives avec du vin blanc ; on ſepare la leſcive de la cendre ; on la fait congeler à petit feu, le ſel d’aulnée reſtera au fond ; on prendra de ce ſel une partie & autant de ſel commun bien decrepité, c’eſt à dire calciné doucement ſur le feu, en ſorte qu’il ne petille plus ſur la braiſe ; on mélera les deux ſels enſemble ; on en fera une paſte avec l’huile de tartre ; on mettra le tout ſur un marbre dans un lieu humide, par exemple dans une cave avec un recipient au-deſſus pour recevoir le tout qui ſe change en eau claire, que l’on mettra enſuite à congeler ſur un petit feu, elle deviendra en pierre belle comme un criſtal ; on la broyera avec autant de bon onguent roſat & autant d’huile de ſauge ; on gardera ce remede comme un threſor ineſtimable ; on oindra les parties malades chaudement ſoir & matin, ſans changer de linge ; on fera boire de bon vin blanc au malade, & on aura eu ſoin de purger par des tablettes ſuccrées, compoſées d’Iris de Florence en poudre, ſalſepareille, eſquine, ſucre Candy & anis à proportion ; ſçavoir 2. onces d’Iris, une once de ſalſepareille, autant deſquine, 4. onces de ſucre Candy, & autant d’anis ; j’oublie de dire que ce remede eſt ſi precieux qu’il guerit en trois jours le mal des dents qui eſt une goutte renverſée.


XV.


Quand la goutte eſt noüée, elle eſt de difficile gueriſon ; mais quand elle eſt nouvelle, on ſe peut former de differens remedes. Galien recommande grandement une emplaſtre compoſée de fromage vieil, fort battu, avec une décoction de pieds de pourceau ſalé.

On prend des coques de levant & de la myrrhe de chaque demy livre ; on les reduit en poudre, & on les meſle avec de fort vinaigre en forme de cataplaſme.

La gomme ammoniac diſſoute en vinaigre, ramollie puiſſamment.

L’emplaſtre ſuivant, outre qu’il appaiſe la douleur, il tire des jointures la matiere noüeuſe.

On prend du vitriol Romain une livre, de l’alun de roche demy livre, du ſel 4. onces ; on calcine toutes ces choſes enſemble dans une écuelle de terre, en faiſant évaporer juſqu’à ce que les eſprits commençent auſſi à s’exhaler, quand l’odeur commance à frapper au nez, on ceſſe la calcination, on laiſſe refroidir le tout, & on le reduit en poudre ; on prend égales parties de cette farine & de farine d’orge ; on les meſle avec des feces de vin en forme de boüille ; on l’étend ſur un linge à l’épaiſſeur du coûteau, & on l’applique ſur le lieu affligé ; on diſſout derechef cette maſſe ſeiche avec des feces de vin, & on continuë à l’appliquer juſqu’à ce que premierement la douleur ait eſté diſſipée, & que les nodoſitez ayent eſté conſommées ; cependant il arrive ſouvent que la peau s’ouvre, mais il n’y a rien à craindre ; car où les ulceres ſe joignent aprés d’eux-meſmes, ou par le moyen d’un morceau de cire qu’on met deſſus, ils ſe conſolident, & les jointures ſe rendent plus mobiles & plus agiles. Mais ſi la goutte eſt ſi invetérée & noüeuſe, on ne peut eſperer ſeulement que d’appaiſer la douleur, car les nodus ne cedent point ; ainſi il faut ouvrir legerement la peau, & arracher les nodoſitez avec une emplaſtre de gomme.


XVI.


Dans la goutte ſciatique, aprés qu’on aura ſuffiſamment purgé le malade, on appliquera ce topic qui a eſté éprouvé pluſieurs fois ; on P. un quarteron de beure que l’on mettra fondre dans un pot de terre neuf verny ; on mettra une poignée de ſauge franche bien pilée, que l’on meſlera avec le beure, & on le fera boüillir juſqu’à ce que la ſauge ſoit cuite ; on y meſlera par aprés 2. cueillerées d’eſprit de vin ; on remuera toûjours, & aprés qu’il ſera bien cuit, on le paſſera par un linge blanc de leſcive ; & lors qu’il ſera tiede, on en frottera la partie affligée ; après l’avoir frotté de l’eſprit de vin chaud, on mettra un linge bien chaud pardeſſus ; on pretend que le malade ſera guery aprés qu’il aura pratiqué ce remede trois ou quatre jours le matin & le ſoir.

Celuy-cy eſt encore beaucoup efficace ; on fait boüillir des ſauges dans de bon vin rouge ; on adjouſte deux écuelles de bois, on en applique une toute chaude ſur la douleur. On peut encore preparer un demy bain en cette ſorte. On P. des racines de bryone 2. livres, des racines d’hiebles une livre, des bayés de geneure une livre & demie, des feüilles d’ive arthritique, de mente, de marjolaine, de ſauge, de romarin, des fleurs de camomille & de melilot de chaque quatre poignées ; on fera une décoction au commencement d’eau ſeule, & en après d’eau & de vin blanc ; le malade entrera dans ce demy bain deux fois le iour pendant deux ou trois jours ; on pourra luy fomenter chaudement la partie douloureuſe de cette decoction.


XVII.


Pour tirer entierement la matiere maladive au dehors, on appliquera huit ou dix ſangſuës, & on aſſeure que la douleur ſciatique qui n’avoit pû eſtre guerie par les autres remedes, eſt emportée par celuy-cy dans une longue indiſpoſition ; on appliquera un cautere à la jambe du coſté malade, pour détourner la matiere maladive, & ſouvent meſme pour emporter le mal ; ſi l’on ſoupçonne que quelque catarrhe tombe du cerveau, on en appliquera un autre au derriere de la teſte, ſouventefois on a obſervé qu’il a guery de vieilles ſciatiques qui n’avoient pû eſtre domptées par d’autres remedes.


XVIII.


Durant tout le cours de cette maladie, on jettera des clyſteres frequens pour détourner une portion de la matiere maladive aux inteſtins, & meſme pour reſoudre la cauſe prochaine de la douleur ; on s’eſt quelquefois ſervy du ſuivant avec fruit ; on P. de bon vin une chopine ou trois demy ſeptiers, des huiles de noix & de ruë de chaque trois onces, de l’huile de therebentine une demy once pour un clyſtere, toute les fois que la douleur ſera preſſante.


XIX.


Quant la douleur ſciatique eſt engendrée de bile & d’humeurs chaudes, ce que l’on connoiſt par la douleur piquante & tres-cruelle, par les redoublemens, qui de deux jours l’un ſont plus fâcheux, par l’habitude grelle du malade, par ſon temperament bilieux, la jeuneſſe, le pays & la ſaiſon chaude, par la douleur qui ſe reveille quand on applique des remedes chauds, par les maladies bilieuſes qui ont precedé, par les alimens chauds dont il a uſé, & par les exercices violens, il faudra employer la ſaignée, les clyſteres qui ramoliſſent & rafraichiſſent, les purgations qui évacuent la bile, les juleps rafraichiſſans, le lait & le bain, le ſyrop de pavot qui oſte la douleur, & qui arreſte la fluxion, en épaiſſiſſant l’humeur, ne doit point eſtre oublié quand la douleur eſt cruelle, auſſi bien que le laudanum, qui vaut encore mieux, puiſque ſouvent il l’appaiſe dans le moment ; on en donne 3. ou 4. grains dans un clyſtere fait d’un boüillon ou de lait, en ayant auparavant donné un laxatif. Les topics qu’on appliquera ſeront faits avec les huiles de lis, de violettes, de camomille & d’amandes douces.


XX.


Les miſerables goutteux ne doivent pas ſeulement ſonger à ſe delivrer du mal, quand ils en ſont travaillez ; il eſt important encore qu’ils ne negligent rien pour en empeſcher le retour, qui eſt ordinairement au printemps & à l’automne ; cette précaution dépend en partie du malade, & en partie de ſon Medecin ; c’eſt au malade de ſe bien regler dans ſon vivre, & de fuir abſolument toutes ſortes de débauches, ſans quoy il ne doit jamais pretendre de gueriſon, le Medecin luy pourra ordonner à peu prés ces remedes.


XXI.


Si le malade eſt ſanguin, & que ſon ſang ſoit boüillant, on luy fera ouvrir la veine au printemps & à l’automne. On le purgera non ſeulement en ces deux ſaiſons, mais meſme tous les mois, ſi le corps eſt remply d’humeurs au declin de la Lune, on fera infuſer un gros de ſené dans une decoction de betoine, y mêlant une once de ſyrop de fleurs de peſcher, quand la goutte eſt chaude, ou de nerprun quand elle eſt froide. Voicy d’autres manieres dont on s’eſt heureuſement ſervy pour la précautiõ de la goutte ; on commence par la purgation, qui eſt de faire diſſoudre dans un boüillon de veau une once de manne, y faiſant fondre ſoixante grains de créme de tartre en poudre ; & y adjouſtant deux cueillerées de jus de citron ou de verjus de grain, dans le temps cette medecine doit eſtre reïterée toutes les ſix ſemaines ou de deux en deux mois ; elle purge les ſeroſitez qui ſont la matiere de la goutte, ſans tranchées, dégouts & raports : Aprés la medecine, le malade prendra tous les matins ſans diſcontinuation une chopine de lait de vache meſure de Paris, ne prenant de la nourriture que trois ou quatre heures aprés ; le lait ainſi pris purge le foye & adoucit l’acrimonie des ſels ; mais il faut que le malade s’abſtienne de viandes ſalées & ſuccrées ; il faut qu’il trempe bien ſon vin, qu’il ne ſe laiſſe point emporter à la colere ny à l’amour dereglé des femmes. Pluſieurs perſonnes ont eſté gueries en mangeans tous les matins trois gouſſes d’ail un mois durant, l’ail échauffe & fortifie l’eſtomach, ſans bleſſer le foye ny les autres viſceres. Hypocrate louë le lait d’anneſſe, & l’experience confirme le ſentiment de ce grand homme ; les eaux vitriolées de pougue & de pluviers ne ſeront pas infructueuſes pour la ſciatique ; on uſera de cette ptiſane ; on P. demy once de ſené, ſix gros de regliſſe concaſſée, ſix gros de polypode, 2. gros de criſtal mineral, 2. gros de roſes de provins ; on infuſera le lait dans trois chopines d’eau l’eſpace de dix-huit heures dans un pot de terre bien verny ; on paſſera le tout à travers un linge ; le malade en prendra un verre le matin en ſe levant, & un autre verre deux heures avant ſouper. Ceux qui auront aſſez de confiance pour le quinquina, s’en trouveront bien, s’ils en uſent de la maniere que j’ay marqué dans la curation.


XXII.


Pour concluſion, comme il ne ſuffit pas de vuider les humeurs qui pechent, & même d’obſerver un bon regime de vivre ; mais qu’un des principaux points de la gueriſon, eſt de fortifier les jointures, afin qu’elles ne reçoivent pas ſi facilement l’affluence des ſeroſitez ; le meilleur & le plus ſouverain, c’eſt qu’au temps des vendanges le malade ſe mette dans la cuve pour y laver ſes pieds, ſes jambes, ſes cuiſſes, ſes bras, & meſme tout ſon corps ; Il n’y a rien de meilleur ſous la Chappe du Ciel pour me ſervir des termes de l’incomparable Monſieur Duret.


FIN.