Trois semaines d’herborisations en Corse/1

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TROIS SEMAINES D’HERBORISATIONS


EN CORSE


PAR MM. J. FOUCAUD ET E. SIMON.


Depuis quelques années un mouvement de curiosité semble s’accentuer en faveur de la Corse ; la douceur de son climat, la rare variété de ses paysages, l’originalité des mœurs de ses habitants attirent de plus en plus vers elle, par delà les flots bleus de la Méditerranée, les visiteurs cosmopolites de notre merveilleuse Côte d’Azur, et avec eux les artistes et les savants. L’heure est venue où, grâce à l’extension des voies ferrées et à l’exploitation méthodique des curiosités de l’île par des agences anglaises, la belle patrie de Colomba va perdre ce charme singulier, fait d’appréhension et d’intérêt, qui était jusqu’ici resté attaché à son nom, et profaner à tout jamais, devant l’invasion du « tourisme », la solitude de ses montagnes et le mystère de ses maquis.

La poésie en souffrira sans doute, mais quel est le coin privilégié où elle n’ait point été déflorée ? En revanche peut-être la science y gagnera-t-elle, car les richesses de la Corse, dans le domaine de l’histoire naturelle, sont loin d’être parfaitement connues.

En botanique notamment, malgré de nombreuses explorations conduites par des observateurs autorisés, malgré de multiples et sérieux travaux, épars il est vrai et sans cohésion, on ne saurait aujourd’hui élever la prétention de dresser un inventaire complet de la flore insulaire. Bien des régions de la Corse n’ont pas encore été visitées, ce qui s’explique autant par le manque de communications que par la difficulté même des recherches dans un pays aussi accidenté ; en outre, devant le nombre relativement considérable d’espèces spéciales à cette contrée, il n’est pas téméraire d’avancer que beaucoup de plantes de l’île n’ont point été étudiées jusqu’à ce jour avec toute l’attention qu’elles méritent et que, au seul point de vue de la nomenclature de la Flore de France, il y a là un vaste champ d’investigation ouvert aux chercheurs.

C’est sous l’empire de ces idées, depuis bien longtemps développées entre nous, que mon honoré maître M. Foucaud résolut, au printemps de 1896, de diriger vers la Corse son excursion annuelle et m’engagea à me joindre à lui pendant les trois semaines que devait durer ce séduisant voyage. Il est à peine besoin de dire quel plaisir je ressentis à retrouver l’ami dont j’ai eu si souvent à mettre à l’épreuve l’inépuisable bienveillance et le généreux dévouement, et le botaniste érudit sous les auspices duquel j’allais étudier une flore pleine d’attraits et de nouveauté.

M. Foucaud m’apporta la bonne nouvelle que M. Jousset, de Rochefort, secrétaire de la Société botanique Rochelaise, notre ami commun, l’avait supplié de lui confier le soin de la préparation de nos récoltes. Nous ne saurions trop remercier ici notre dévoué confrère de la tâche ingrate qu’il a bien voulu assumer afin de nous épargner un temps précieux, et des précautions minutieuses qu’il a su prendre pour nos plantes, trop souvent éprouvées par la durée du transport. En centralisant ainsi à Rochefort et en mettant lui-même en ordre le fruit de nos herborisations, il a permis à M. Foucaud de réviser plus facilement et plus rapidement, à son retour, les plantes citées dans ce compte-rendu, et de compléter au vu des échantillons les observations faites sur le vif et ajoutées aux listes du texte.

Nous osons espérer que ces quelques pages, où le souci de la vérité scientifique — poussé jusque dans les détails topographiques pour permettre à nos successeurs de suivre pas à pas nos herborisations — nous a fait fréquemment négliger le côté esthétique de notre voyage, trouveront grâce auprès de nos confrères, au moins par les résultats si encourageants qu’elles sont destinées à consigner.

Nous avons rencontré en effet, pendant la courte durée de notre séjour, un bon nombre de plantes nouvelles pour la Corse, parmi lesquelles quelques-unes sont inédites et ont été figurées, dans les planches qui accompagnent ce travail, par l’habile crayon de notre savant et si sympathique collègue, M. G. Bernard, à qui nous sommes heureux d’exprimer notre bien vive reconnaissance et tous nos remerciements.




Le vapeur Marie-Louise, à bord duquel nous prîmes passage pour Calvi, quitta Marseille le mardi 12 mai 1896, vers onze heures du matin. Installés commodément sur le pont, tout en suivant avec intérêt les manœuvres de l’appareillage, nous nous réjouissions de voir notre départ favorisé par une lumineuse journée et une mer superbe.

Bientôt, franchissant l’entrée du port, le bateau prit le large ; les mille bruits des quais et de la ville s’éteignirent peu à peu, l’immense cité s’embruma dans les lourdes vapeurs grises d’un ciel d’été ; les jetées des bassins neufs s’allongèrent au loin comme des promontoires et quand nous eûmes salué l’imposante montagne de N.-D. de la Garde, nous ne vîmes plus devant nous que l’étendue bleue de la Méditerranée et dans le lointain la côte uniforme dont les contours fuyaient vers l’Orient.

Ce sentiment intense et profond de la vie, que donnent les libres espaces, et la splendeur de cette nature provençale, pourtant à peine entrevue, doublaient en nous le désir de fouler aux pieds le sol de l’île mystérieuse, qui nous apparaissait alors comme une vraie terre promise. Aussi, jusqu’au soir, fut-il question de l’ordre de notre voyage et de la direction de nos recherches. Après avoir relu des notes, consulté nos cartes, nous arrêtâmes définitivement l’emploi de notre temps. Nous décidâmes de visiter d’abord une partie de la Balagne, aux environs de Calvi, fort peu explorée depuis le séjour qu’y fit Soleirol. Ensuite, si les moyens de communication le permettaient, nous gagnerions Ajaccio par le littoral, puis Sartène et Bonifacio. De là, nous devions remonter à Bastia par la plaine orientale, non sans consacrer quelques journées à la région qui avoisine Corté, où nous tenions à reconnaître l’unique station du rarissime Brassica insularis Moris.

Vers cinq heures, la brise fraîchissant un peu, nous eûmes une forte houle par le travers des îles d’Hyères ; mais l’horizon demeurait toujours sans brume, éclairé par le soleil couchant, et nous pûmes jusqu’à la dernière minute du jour contempler l’admirable panorama qui s’offrait à nos yeux. Tout près de nous les îles d’Hyères, pareilles à des bouquets de verdure égarés dans le bleu des eaux ; au loin la côte grise et blanche, tantôt hérissée de rocs, tantôt couronnée de bois sombres, dont les falaises abruptes et dénudées plongent à vif dans la mer profonde comme les parois d’un abîme ; derrière les découpures des caps et des golfes, une tache claire au fond d’une rade : c’est Toulon dont les premiers feux s’allument déjà ; puis le mont Pharon et sa croupe arrondie ; les basses montagnes du Var, teintées d’une buée violette ; enfin au nord-est, le rivage qu’on a nommé le Pays des Fleurs, se perdant dans les lointains indécis vers Cannes, vers Antibes, vers Nice, vers la chaîne de l’Estérel dont se distinguent, comme une ombre légère, les sommets aigus et dentelés.

L’heure du dîner ne réunit qu’un petit nombre de passagers, la plupart ayant été incommodés par les mouvements du navire qui fatiguait étrangement. Il s’en trouva moins encore sur le pont quand nous remontâmes pour jeter un dernier regard sur la côte de France que nous allions quitter pour quelques semaines, et nous pûmes nous attarder à loisir, tandis que le bateau fuyait dans l’immensité, à écouter les pulsations rythmées de la machine, le bruit monotone de l’hélice, le clapotement des flots sur le bordage, et à regarder scintiller les lumières des phares jalonnant au loin la terre perdue dans la nuit.

L’aube du lendemain nous trouva sur le pont, d’où l’on apercevait déjà la côte de Corse, comme une ligne épaisse de brouillard dominée vers le sud-est par les crètes neigeuses des hautes montagnes. La mer, à présent calmée, laissait glisser le navire sans un cahotement ; l’air tiède, sans un souffle de brise, s’embaumait, malgré la distance, de l’odeur pénétrante des cistes, du parfum des maquis ; nous nous sentions entrés comme par enchantement sous un climat différent, et dans une atmosphère nouvelle.

Bientôt, derrière les montagnes du cap Corse, qui s’éclairaient depuis une heure de vives lueurs d’or, le soleil parut. Profondément saisis par la magnificence du spectacle, nous ne pouvions détacher les yeux du rivage qui se rapprochait et dont se distinguaient de mieux en mieux les détails. La citadelle de Calvi se dressait toute blanche sur un énorme rocher en promontoire qui commande l’entrée de la rade ; au bord du golfe s’allongeait une plaine étroite et basse semée de bouquets d’arbres où tranchait le feuillage cendré des oliviers et des eucalyptus ; puis, brusquement, se dressaient les montagnes, montrant leurs pentes escarpées couvertes de broussaille brune jusqu’au dessous des neiges devenues roses sous les premiers rayons du jour ; et ce tableau féerique se reflétait avec une pureté parfaite dans l’eau bleue et transparente où le soleil faisait briller par places de fines lames d’argent.

Après avoir contourné la citadelle, le vapeur jeta l’ancre en face de la Marina ou basse ville de Calvi. De nombreuses barques se détachèrent du quai où des curieux étaient rangés, et en un clin-d’œil nos bagages et nos personnes furent saisis, poussés, embarqués, passés et déposés sur le quai. Nous étions enfin sur la terre de Corse !

Nos premiers regards furent pour les Cactus Opuntia L., qui couvrent l’inaccessible rocher de la citadelle jusqu’au ras des flots, et pour les magnifiques Pircunia dioica Moq. qui sont plantés en allée le long de la Marina.

Il nous tardait de commencer nos recherches. Aussi fûmes-nous très prompts à terminer notre installation à l’hôtel Colombani qu’on nous avait indiqué. Nous recommandons spécialement aux confrères qui nous succéderont à Calvi le choix de cet hôtel très confortable, situé à l’extrémité de la ville, près de la gare, et d’où il est facile de se rendre rapidement et commodément sur le terrain d’herborisation.

À quelques cents pas de là, nous pénétrâmes dans un terrain vague clos de barrières, attenant à la gare, où une multitude de fleurs épanouies avaient, de la route, excité notre désir et notre curiosité. Dans cet espace fort restreint, — cinq ou six cents mètres carrés peut-être — se pressaient de nombreuses espèces dont quelques-unes, rares dans les herbiers, m’apparaissaient sur place pour la première fois.

On voyait l’Echium plantagineum L. aux corolles violettes auprès du rayonnant Chrysanthemum segetum L. Le Mesembryanthemum acinaciforme L. ouvrait au soleil ses belles fleurs rouges ou blanches parmi les Erodium malacoides var. althœoides (Jord.), E. moschatum L’Hérit. et Ecballium Elaterium Rich. Nous notâmes encore :

Malva parviflora var. flexuosa Horn.
Glaucium luteum Scop.
Lotus ornithopoclioides L.
Paronychia argentea Lam.
Trifolium stellatum L.
Trifolium scabrum L.
Mercurialis ambigua L.
Lamarckia aurea Mœnch.
Ornithopus compressus L.
Theligonum Cynocrambe L.
Plantago Coronopus L.
Trifolium tomentosum L.
Rumex bucephalophorus L.
Spergularia rubra Pers.
Bellis annua L.
Herniaria hirsuta L.
Cerastium glomeratum var. apetalum Fenzl.
Biserrula Pelecinus L.
Polycarpon tetraphyllum forma alsinifolium R. et F.
Logfia Gallica Coss. et Germ.[1].
Campanula Erinus L.
Erodium Chium Willd.
Seriola Ætnensis L.


Par endroits, une végétation plus dense :

Trifolium angustifolium L.
Medicago ambigua Jord.

Reseda Jutea L.
Lotus edulis L.
Lotus Conimbricensis Brot.
Melilotus parviflora Desf.
Reseda alba var. maritima J. Müll.
Avena barbata Brot.
Tolpis barbata var. concolor (Jord. et F.).
Andryala integrifolia L.
Hordeum maritimum Wit.
Papaver hispidum var. ambiguum R. et F.
Helichrysum angustifolium DC.
Euphorbia helioscopia L.
Hirschfeldia adpressa Mœnch.
Avena sterilis L.
Briza maxima L.
Bromus Madritensis L.
Bromus mollis L.
Bromus Fumaria muralis forma confusa R. et F.


Et çà et là de robustes composées, telles que :


Hypochæris radicata L.
Urospermum Dalechampii Desf.
Hypochæris glabra var. Loiseleuriana God.
Carlina corymbosa L.
Centaurea Calcitrapa L.
Carduus pycnocephalus Jacq.
Carduus pycnocephalus var. elongatus DC.

Des flâneurs au teint bronzé nous regardaient d’un air surpris, tout en échangeant dans leur langage guttural des réflexions ironiques sur la bizarrerie des continentaux. L’un d’eux pourtant parut leur expliquer le but de notre visite et alla même jusqu’à nous apprendre en bon français que les Corses font d’excellent thé avec les tiges desséchées du Paronychia argentea Lam.

Après avoir récolté :

Galium decipiens Jord.
Medicago præcox DC.
Hedypnois Monspeliensis Willd.
Medicago denticulata Willd.
Allium polyanthum Rœm. et Sch.
Hedypnois intermedia Albert.
Silene Gallica var. suboccultata R. et F.
Hyoscyamus albus L.
HypochærisglabraL.
Malva parviflora var. flexuosa Horn.
Juncus pygmæus L.
Anacyclus radiatus L.

et une nouveauté pour la flore de Corse, Papaver Simoni Foucaud (pl. ii), nous nous disposâmes à rentrer les cartables remplis et les boîtes pleines.


Dans l’après-midi, dès que la chaleur eut un peu tombé, nous fîmes une courte promenade le long de la mer. Au bord du sentier qui se dirige vers l’embouchure de la Ficarella, le Silybum Marianum L. étalait ses feuilles épineuses et marbrées, et sous l’ombre des Tamarix, le Fumaria capreolata Y. atrosanguinea Broch. et Neyr. mariait ses grappes denses aux capitules allongés du Trifolium Ligusticum DC. et aux têtes ovales du Lagurus ovatus L.

Le vapeur Marie-Louise, encore à l’ancre s’apprêtait à reprendre la mer pour l’Île Rousse, et de gros flocons de fumée noire ternissaient la pureté du ciel ; la ville blanche, avec ses hautes et vieilles maisons sévères, silencieuse comme un pays d’exil, s’étageait derrière nous, et malgré l’isolement de ces lieux qu’un service de bateaux relie au continent deux fois seulement par semaine, nous ne ressentîmes point cette impression d’abandon que donne le départ du paquebot pour la métropole. Nous étions tout entiers à notre tâche, l’un se chargeait de la récolte, l’autre crayonnait des notes rapides.

Tout près du flot, enfouies à demi dans le sable, apparaissaient des touffes fournies de Silene Corsica DC., avec Eryngium maritimum L., Convolvulus Soldanella L., Malcolmia parviflora DC., Scleropoa maritima Parl.

Plus près de la voie ferrée, dans un sol moins meuble :

Crithmum maritimum L.
Crepis bulbosa Cass.
Ornithopus compressus L.
Plantago Bellardi All.
Cakile maritima forma Egyptiaca R. et F.
Cakile maritima forma Hispanica R. et F.
Juncus capitatus Weigg.
Atriplex rosea L.
Tunica prolifera forma velutina R. et F.
Linum perenne γ. ambiguum Jord.
Plantago maritima L.
Corynephorus articulatus P. B.
Erodium moschatum L’Hér.
Polygonum maritimum L.

Au bord d’un petit bois de pins (Pinus maritima L.) croissaient ensemble des buissons rabougris de Cistus salvifolius var. cyrnosus Willk. et C. Monspeliensis L., dont le couvert entretenait la fraîcheur d’un terrain bas et humide. Là, parmi les Juncus acutus L., Scirpus Holoschœnus var. australis Koch, s’étendait une riche colonie de Silene lœta β, Loiseleurii R. et F. au-dessus d’un tapis d’Ornithopus ebracteatus Brot. Au retour, nous reconnûmes au milieu des Agave Americana L. et des Cactus Opuntia L. :

Spergula arvensis var. vulgaris s.-r. glutinosa R. et F.
Trifolium filiforme L.
Sagina apetala α. barbata Fenzl.
Lupinus Termis Forsk.
Romulea (en fruit desséché).
Juncus bufonius var. hybridus Brot.
Festuca bromoides Sm.
Genista Corsica DC.
Juncus bufonius L.

et regagnant la route qui de la gare se dirige vers la montagne, nous inscrivîmes :

Bunias Erucago var. macroptera R. et F.
Fumaria speciosa var. atrosanguinea Broch et Neyr.
Hypecoum procumbens L.
Lavatera Cretica L.
Muscari comosum Mill.
Lamium amplexicaule L.
Barbarea præcox var. australis R. et F.
Chenopodium opulifolium Schrad.
Ranunculus muricatus L.
Carex extensa var. nervosa Desf.

Trifolium strictum DC.
Eufragia viscosa Benth.
Capsella rubella β. cuneata R. F.
— Bursa-pastoris var. sabulosa R. et F.

Il restait encore quelques heures de jour ; dès que la préparation de nos plantes fut achevée, nous les employâmes à visiter les falaises qui bordent la mer du côté de l’ouest, en dessous de la citadelle. Passant le long des dernières maisons de la ville, au bord de quelques champs maigres où des amas de décombres gisaient çà et là, nous notâmes Sideritis Romana L., Ægilops ovata L.. Puis, après avoir traversé la route de Galéria, nous nous attardâmes sur des coteaux arides, au sol bosselé, déjà brûlés par le soleil, où quelques bonnes espèces croissaient cependant. Sur les pelouses rases et brunies par la sécheresse :

Tunica prolifera forma velutina var. uniflora R. F.
Trisolium suffocatum L.
Galium murale All.
Paronychia echinata Lam.
Helianthemum guttatum forma plantagineum var. micropetalum R. et F.
Asphodelus microcarpus Viv.
Trifolium glomeratum L.
Erythræa maritima Pers.
Logfia tenuifolia var. simplex Nob.

Les roches se couronnaient jusqu’au sommet de la falaise des bouquets jaunes du Ruta bracteosa DC. qui croît en grosses touffes dans les anfractuosités, avec l’Helichrysum angustifolium DC. au feuillage blanchâtre. Plus près de la mer, nous découvrîmes de beaux pieds du Carduus cephalanthus Viv. armé de longues épines dont nos doigts eurent quelque peu à souffrir et d’épaisses pelouses de Frankenia hirsuta var. lœvis Boiss., à calices légèrement poilu à la hase.

La mer était calme et bleue comme un lac de rêve ; le soleil baissait à l’horizon et éclairait d’une lumière moins crue les larges pierres de granit au milieu desquelles nous avancions. Çà et là nous faisions main basse sur :


Frankenia pulverulenta L.
Cerastium semidecandrum var. pellucidum R.et F.
Euphorbia biumbellata Poir.
Linaria Pelisseriana DC.
Cinera riamaritima L.
Lotus Creticus L.
Senecio leucanthemifolius Desf.
Crithmum maritimum L.
Arisarum vulgare Rehb.
Parietaria diffusa M. et K.


quand nous eûmes tout à coup le plaisir de découvrir deux bonnes espèces assez inattendues dans cette station : Linaria œquitriloba Dub. aux tiges filiformes appliquées conire le gravier fin, sous les corniches, et Erodium Corsicum DC., en fleurs et fruits, étalant dans les fentes ses feuilles molles couvertes d’un duvet gris. Ces deux plantes n’étaient point jusqu’ici signalées dans la Balagne, et nous n’espérions rencontrer la première que dans la région des hautes montagnes du centre.

Peu de temps après, notre attention était attirée par un Spergularia, des plus intéressants, encore inédit, aux caractères suffisamment tranchés pour nous autoriser à l’élever au rang d’espèce : nous lui avons attribué le nom de Spergularia insularis (pl. III).

La difficulté de l’escalade nous éloigna un peu du rivage et nous engagea à regagner le plateau. La récolte s’y augmenta des plantes suivantes :

Statice articulata Lois.
Vaillantia muralis L.
Reseda alba α. vulgaris R. et F.
Silene Nicæensis All.
Orobanche minor Sutt.
Heliotropium Europæum L.
Hyoseris radiata L.
Trifolium nigrescens Viv.

Un ruisselet qui descendait vers la mer mettait un peu de fraîcheur parmi cet amoncellement de rocs. Nous trouvâmes sur ses bords :

Samolus Valerandi L.
Carex divisa Huds.
Chrysanthemum Myconis L.
Cyperus badius Desf.
Ranunculus parviflorus L.
Sagina maritima Don.
Rrachypodium ramosum Rœm. et Sch.
Trifolium lappaceum L.
Allium triquetrum L.
Papaver dubium forma Lecoqii var. confine R. et F.
Arabis hirsuta subsp. sagittata var. Kochii R. et F.

Au détour d’un lacet s’élargit devant nous une dépression de la falaise dont les pentes s’inclinaient en hémicycle jusqu’au rivage ; là nous apparaît cette merveille de la flore méditerranéenne qu’est le Pancratium Illyricum L., avec ses larges fleurs parfumées, d’un blanc immaculé. Sur les talus de la route que nous avons rejointe, parmi les Helianthemum guttatum forma plantagineum γ. viscosum Nobis, croissaient de minuscules Asterolinum stellatum Link, avec Carex Linkii Schk. Nous demeurons quelque temps à jouir de la vue du soleil couchant, et la nuit est déjà tombée lorsque nous regagnons le logis, ayant eu de la peine à reconnaître au passage Pistacia Lentiscus L., Calycotome villosa Link. et Corrigiola telephiifolia Pourr.



  1. Les plantes dont les noms sont soulignés dans les listes sont nouvelles pour la flore de Corse.