Trois semaines d’herborisations en Corse/2

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Colline de la Serra. — 14 mai, matin.


Le 14 au matin, jour de l’Ascension, nous nous dirigeâmes vers la chapelle della Serra, située sur une montagne peu élevée, au sud de Calvi. Nous pensions trouver là une végétation moins influencée par le voisinage de la mer ; toutefois, nous restions encore dans les limites de la région basse, car le but de notre promenade n’atteignait pas une altitude de plus de 300 mètres.

Tout en marchant nous notons au bord du chemin, le long des murs ou dans les cultures voisines :

Trifolium resupinatum var. Clusii (G. G.)

Papaver dubium var. errabundum R. et F.
Plantago arenaria Waldst.
Trixago Apula Stev.
Vinca acutiflora Bert.
Vicia macrocarpa Moris.
Alchemilla arvensis Scop.
Carex divulsa Good.
Ruta bracteosa L.
Potentilla reptans L.
Galium saccharatum All.
Stellaria media var. brachypetala R. et F.
Veronica Cymbalaria Bod.
Ruscus aculeatus L.
Euphorbia Peplus L.
Coronopus procumbens Gilib.
Smilax aspera var. Mauritania G. G.
Rumex pulcher L.
Briza minor L.
Oxalis corniculata L.
Campanula Erinus L.
Urtica atrovirens Req.
Sedum stellatum L.
Umbilicus pendulinus DC.
Polycarpon tetraphyllum L.
Melica major Sibth.

Et dans les endroits frais, le long des canaux d’irrigation :

Fumaria parviflora Lam.
Œnanthe apiifolia Brot.
Raphanus silvester forma microcarpus R. et F.
Veronica Anagallis L.

Knautia hybrida Coult.
Phalaris Canariensis L.
Fumaria Vaillantii Lois.
Melandryum macrocarpum Willk.
Viola ruralis Jord.
Lamium amplexicaule L.
Equisetum ramosum Schl.


La matinée était délicieuse ; pas un nuage au ciel. De l’endroit élevé où nous nous trouvions se déroulait le panorama de la ville, du fort de Mozello et de la Méditerranée baignant les deux côtés de la presqu’île, tout cela ensoleillé, radieux, féerique. Des odeurs tièdes et pénétrantes d’amandiers, de cistes, de grenadiers nous arrivaient par bouffées à travers les brèches des murs en ruines, et tout autour de nous un peuple de rossignols modulait des roulades, tandis que dans les chênes-verts touffus des tourterelles roucoulaient.

Un cri d’admiration nous échappa soudain : au coin d’un enclos venait de nous apparaître une immense forêt de cistes aux larges fleurs roses, ondulant comme une mer sur les pentes de la colline ! Certes, nous avons eu, l’un et l’autre, comme botanistes, bien des émotions ; en Corse même, nous avons été bien souvent saisis par la beauté de certains spectacles de la nature végétale ; mais je ne crois pas qu’aucun autre demeure aussi vivement gravé dans notre mémoire que celui de ces champs fleuris et embaumés de N.-D. della Serra !

Nous entrâmes presque avec respect au milieu de cet épanouissement incomparable. Nous marchions jusqu’à mi-corps parmi les Cistus polymorphus et Monspeliensis L., mêlés çà et là au Cistus salvifolius var. cymosus Willk., et les pétales caducs, frôlés au passage, tombaient sur nos pas comme une neige blanche ou rosée. Nous eûmes promptement garni nos cartables d’une belle série de formes, parmi lesquelles se trouvaient la variété cymosus Willk. du C. salvifolius L., la forme C. affinis Bertol. et la variété minor Willk. du C. Monspeliensis L., également nouvelles pour l’île.

Le sol était tellement couvert de fleurs et de verdure qu’on se serait cru dans un jardin enchanté. Au milieu des cistes s’élevaient çà et là d’autres arbustes, le lentisque, le Daphne Gnidium L., le Calycotome spinosa Link. piqueté de points d’or, et quelques arbres dont le tronc disparaissait sous un fouillis de vigne sauvage ou sous les robustes lianes du Smilax aspera. Le long des petits talus de pierres sèches disposés en gradins sur toute la pente, de larges étendues étaient couvertes de lavande (Lavandula Stœchas var. macrostachya Benth.) dont les gros épis couronnés de longues bractées semblaient supporter autant de papillons aux ailes violettes. Puis c’étaient des Helianthèmes aux pétales jaune soufre, concolores ou maculés de noir (H. guttatum DC.), les Tyrimnus aux têtes purpurines, et sur les rochers le Sedum cœruleum Vahl en merveilleux tapis pareils à une jonchée de petites étoiles d’azur.

Au bord du chemin, que nous rejoignîmes un peu plus haut, dans un endroit frais, à l’ombre de quelques oliviers, nous ajoutâmes à notre récolte :

Serapias cordigera L.
Valerianella puberula DC.
Ranunculus ophioglossifolius DC.
— muricatus L.

Ranunculus parviflorus L.
Carex divulsa Good.
Orchis Morio L.
AcerasdensifloraBoiss.
Serapias occultata Gay.
Anagallis parviflora Lois.
Bellis annua L.
Scirpus Savii Seb. et M.
Isoetes Duriæi Bory.
Serapias Lingua L.
Grammitis leptophylla Sw.

Puis nous descendîmes au fond d’une petite vallée où la fraîcheur augmentait encore la vigueur folle de cette végétation. Nous observions par ci, par là, aux endroits les plus rocailleux :

Picridium vulgare Desf.
Helianthemum guttatum forma plautagineum var. micropetalum R. et F.
Asparagus acutifolius L.
Psoralea bituminosa L.
Lavandula Stœchas var. macrostachya Benth.
Arabis hirsuta subsp. sagittala forma rigidula β. virescens R. et F.
Arum Italicum Mill.
Torilis nodosa Gærtu.
Vicia Corsica Ces. Pas. Gib.
Cytinus Hypocistis L.

Et dans un fossé profond nous cueillîmes des échantillons gigantesques d’Hypericum perfoliatum L. et de Campanula Rapunculus var. strigosa Gillot.

La vallée s’inclinait, à travers le champ de cistes et les jardins, jusqu’à un sentier qui nous ramenait à la route de Calvi. Comme l’heure nous pressait un peu, nous nous mîmes à hâter le pas, sans toutefois perdre un coup d’œil. C’est ainsi que nous aperçûmes encore :

Rosa canina L.
Lavatera olbia β. hispida Desf.
Stipa tortilis Desf.
Phillyrea angustifolia L.
— — var. ligustrifolia Ait.
Trifolium resupinatum var. Clusii (G. G.)
Lupinus angustifolius L.
Daphne Gnidium L.
Galium decipiens Jord.

Et nous terminâmes cette belle excursion de la Serra par la découverte du rarissime Trifolium lencanthum Dub.