Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky/Chapitre IV

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Premiers démêlés de Benyowszky avec les administrateurs des îles. – Il s’établit à la baie d’Antongil. – Il annonce au ministre qu’il a exploré et bientôt qu’il a soumis Madagascar (1774-1776).[1]


Dès les premiers jours, d’assez graves dissentiments éclatèrent entre le baron et l’administration insulaire. À l’arrivée de la Marquise-de-Marbœuf, les officiers de ce vaisseau se plaignirent au commandant de la marine d’avoir eu à subir des voies de fait de la part des officiers de Benyowszky. M. de Ternay fut obligé d’user de son autorité pour permettre aux marins de regagner leur bord d’où les autres les avaient expulsés. Benyowszky avait naturellement pris fait et cause pour ses gens. Quelques jours après, comme il réclamait des effets de traite pour le commerce qu’il comptait faire à Madagascar, le commissaire de la Marine, Maillart-Dumesle, qui faisait fonction d’intendant, lui objecta que les ordres reçus de France manquaient de précision, qu’il prendrait des mesures pour fournir l’établissement nouveau du nécessaire, mais seulement si lui-même avait du superflu. Il refusa de reconnaître en leur qualité le lieutenant-colonel et le major du corps des Volontaires parce qu’on ne lui représentait pas l’extrait de l’ordonnance qui les avait nommés. Il avait désigné un ordonnateur, le sieur Vaisse, pour faire fonction de comptable auprès du baron ; mais, cet homme semblait se considérer comme délégué de Maillart et, par suite, comme indépendant de Benyowszky. Celui-ci, peu au fait des habitudes administratives et arguant Maillart de mauvaise volonté, lui rappelait que si le roi lui ordonnait d’entretenir une correspondance avec le chevalier de Ternay, il n’était pas obligé de prendre ses ordres pour l’accomplissement de sa mission, Nous avons vu combien les lettres du comte de Boynes étaient ambiguës : il est pourtant certain qu’à Paris on n’avait jamais pensé accorder à Benyowszky une pleine indépendance ni voulu imposer à l’intendant des îles l’obligation de subvenir sans compter à toutes ses fantaisies. Ainsi, Benyowszky, trouvant sa troupe trop peu nombreuse, avait eu l’idée de lever une compagnie franche de chasseurs ; il en demanda à M. de Ternay la permission qui lui fut accordée, mais à condition que la levée serait faite à ses frais. Or, l’opération commencée, Benyowszky, oubliant son engagement, demanda une première fois 10,000 livres pour la levée des hommes, et, une seconde fois, 12,000 sans rien spécifier, se contentant d’avertir qu’il rendrait de cette dernière somme un compte spécial à Paris. L’ordonnateur Vaisse, au reçu de ces demandes, en référa à Maillart ; celui-ci, estimant ces dépenses non justifiées et s’appuyant sur la lettre du ministre qui déclarait que l’expédition de Madagascar ne devait occasionner aucune dépense extraordinaire, considérant d’autre part que ni lui ni M. de Ternay n’avaient été mis au courant, comme il convenait, des plans du baron, refusa à Vaisse l’autorisation de verser les fonds demandés. Alors s’engagea entre le baron et Maillart une correspondance aigre-douce où l’aventurier, habitué à ne compter qu’avec lui-même, et le bureaucrate rigide apportèrent l’un sa fougue et son impatience de toute discipline, l’autre l’esprit méticuleux et procédurier qui fait parfois la force, parfois la faiblesse, en tout cas le renom de l’Administration française.

« L’obstination du sieur Vaisse, écrivit le baron à Maillart, pour me contrarier et arranger tout à sa fantaisie, me détermine à vous marquer mon mécontentement. M. de Marigny vous énumérera plusieurs démarches sinistres du sieur Vaisse et j’ose vous assurer que j’éprouve de sa part une stupide exorbitance depuis sa nomination. »

« Il est hors de toute règle, répondit Maillart, que je fasse donner des fonds du roi sans en connaître l’emploi, et les ordres du roi ne me prescrivent pas de vous faire donner des fonds de manière autre que celle ordinaire et de règle pour toutes les dépenses de Sa Majesté. » Suivaient quelques explications sur les us de la comptabilité publique et l’affirmation que Vaisse demeurait lié par les règles ordinaires et subordonné à Maillart : « Il n’a rien à faire dans la partie qui vous concerne, disait justement l’intendant, mais il est responsable de la sienne et n’en est comptable qu’à moi. » Cette leçon de droit public paraît avoir irrité le baron qui répliqua le même jour : « Je ne suis pas surpris de vos expressions : vous avez trop ouvertement déclaré vos souhaits concernant ma mission pour en attendre des autres de votre part… M. Vaisse suivra tant qu’il voudra vos ordres : ils n’ont rien de commun avec moi. Le ministre en est instruit déjà par mes précédentes lettres, de ce choix que vous avez fait. Je me passerai bien d’un ordonnateur de cette espèce. Je vous prie et vous exhorte de le remplacer par un autre, sinon vous ferez très bien de ne m’en donner aucun… Après toutes vos démarches et réponses que vous m’avez faites, je ne vois qu’une forte mauvaise volonté de votre part. La correspondance ne nous servirait plus qu’à aigrir et entretenir le malentendu. Je la finirai donc et suivrai les ordres du ministre (24 décembre 1773). » Rien n’était moins administratif que ce style et l’on comprend que Maillart-Dumesle en ait été surpris. Il répliqua que sa manière d’être et de servir le roi répondaient suffisamment aux insinuations du baron et que, puisque le baron ne voulait pas du sieur Vaisse, on ne lui donnerait personne, qu’il demeurerait ainsi responsable devant le ministre et le roi.

Benyowszky se plaignit, dès le lendemain, directement au comte de Boynes, accusant Maillart d’avoir refusé tout secours au premier détachement expédié à l’île Maroce le 3 novembre précédent et se plaignant avec aigreur des contrariétés qu’il mettait à sa mission. Maillart-Dumesle ne perdit guère plus de temps pour faire connaître à Paris le différend et dans une lettre sobrement et clairement rédigée (27 décembre 1773), il fit connaître les faits, transmit copie des lettres du baron, de ses réponses et des lettres du chevalier de Ternay qui confirmaient son exposé. La précision des griefs et la modération de la forme donnent aux lettres de Maillart un caractère de véracité et de raison que ne présentent pas celles du baron. Il est certain que ce dernier n’avait jamais eu l’occasion d’apprendre à obéir ni en Pologne, ni à bord du Saint-Pierre-et-Saint-Paul ; encore moins connaissait-il les règles inflexibles de la forme dans un État policé. Lui qui s’était cru un chef indépendant, se voyait faire la leçon par un simple comptable. Était-ce au futur conquérant de Madagascar de s’abaisser à de mesquines opérations, de minuter des rôles où il n’était question que de sacs de farine et de rouleaux de toile ? Il est vrai qu’on ne l’avait pas envoyé pour faire l’Alexandre : mais, de cela, Benyowszky ne se souvenait plus. Ainsi commencèrent assez mal les rapports entre les administrateurs et le chef de la petite troupe qui allait essayer de coloniser la Grande Ile.

À vrai dire, il est possible que l’esprit du baron ait été irrité par la connaissance qu’il eut de leur opinion défavorable à ses projets. Ils n’étaient pourtant pas hostiles en principe à l’établissement ; depuis plusieurs années, tout le monde s’en préoccupait. L’idée en était discutée, mais les avis étaient, comme toujours, partagés. Eux-mêmes avaient envoyé, pendant les mois de juillet et d’août 1773, deux petits navires explorer la côte nord-est de Madagascar, depuis la baie d’Antongil jusqu’au cap Saint-Sébastien, qui était jusqu’alors peu connue. D’après le rapport des officiers, M. de Ternay se disposait à faire au ministre des propositions concernant un établissement. Il n’eut pas à exposer dans quelle intention ni sur quel pied il le voulait fonder, car l’arrivée du baron suspendit son projet, d’autant que celui qu’on allait exécuter était bien plus important. Il est peu probable que le chevalier de Ternay ne fût pas sincère, quand il se déclara disposé à faire tous ses efforts pour contribuer à la réussite du baron : mais il est possible, après tout, qu’il n’y ait pas mis le même zèle qu’à son propre dessein.

C’est lui qui procéda, de concert avec le colonel propriétaire, à la formation et à l’armement du corps des Volontaires et leurs relations paraissent empreintes d’une sincère cordialité. Pourtant, il crut devoir, d’accord avec Maillart, présenter au Ministre certaines observations, Comme il y avait défense d’approcher des points où seraient installés les postes nouveaux et que, d’après Benyowszky, cette interdiction devait s’étendre des environs de Foulepointe jusqu’au cap d’Ambre, Ternay demanda la permission pour les navires qui se trouvaient sur cette côte de finir leurs traites et d’embarquer leurs effets. Il ne dissimulait pas que le projet du baron causerait des dépenses très considérables et que rien ne lui semblait plus incertain que les retours sur lesquels celui-ci comptait pour couvrir ses dépenses. Au mois de décembre suivant (1773), quand Benyowszky eut fait un peu plus clairement connaître et son caractère et ce qu’il appelait ses plans, Maillart-Dumesle laissa voir avec moins de circonspection son propre sentiment, n’ayant aucune raison de ménager un homme qui ne le ménageait pas lui-même.

« J’oserais vous garantir aujourd’hui, écrivit-il au comte de Boynes, que, quand même on aurait mis la main sur le seul homme capable de faire réussir un projet extraordinaire, il échouerait dans celui qu’a conçu M. de Benyowszky. Je ne crains pas de vous annoncer que, non seulement, cet officier n’exécutera rien d’utile pour le service mais qu’il en coûtera beaucoup d’hommes et d’argent au roi… Il ne met de termes à ses prétentions que celui de ses volontés, et ses volontés n’en ont pas.

« J’ajoute qu’il achèvera de bouleverser ce qui reste de tranquillité parmi les peuples chez lesquels il va s’établir, qu’il finira enfin par nous fermer, et peut-être pour toujours, toutes les portes par lesquelles on aurait pu réussir à former dans la suite un établissement solide à Madagascar, mais qui ne peut être stable qu’autant qu’il sera établi par les voies de la douceur et de la conciliation, vertus qui sont les antipodes du caractère de M. de Benyowszky et dont qui que ce soit n’est moins capable de faire usage que lui (27 décembre 1773). »

C’était là, on s’en convaincra tout à l’heure, une vue prophétique.

Benyowszky reçut, au mois de décembre 1773 par le vaisseau le Laverdy, les 100 recrues qui devaient compléter son corps à 240 hommes. Il avait envoyé, le 3 novembre précédent, 30 volontaires et 1 officier pour occuper l’île Maroce dans la baie d’Antongil, pour y préparer quelques cases et entrer en rapport avec les indigènes. M. de Ternay lui conseilla de ne partir qu’après la mauvaise saison, c’est-à-dire à la fin de mars ; mais le baron répondit qu’il attendait des navires d’Europe qui devaient toucher à la baie précisément vers cette date et Ternay ne fit plus d’objection ; il considérait, d’ailleurs, la baie d’Antongil comme moins malsaine que Tamatave, dont il avait été d’abord question pour l’établissement.

L’expédition mit à voile le 2 février 1774 : elle se composait d’environ 300 hommes, tant soldats que matelots ; après une traversée heureuse, elle aborda à l’île Maroce, le 14 février. Cette île se trouve en face d’une baie assez profonde que les Français avaient appelée Port-Choiseul ; mais Benyowszky remplaça le nom du ministre disgracié par celui du comte de Boynes. Quant à l’île Maroce, elle devint l’île d’Aiguillon. Dans la baie se jette une grande rivière, dont le nom indigène est Antanambalana ; nos marchands l’appelaient Tinguebale ou Tanguebale. Des deux côtés de la rivière, à son embouchure, s’avançaient deux pointes assez longues dont le niveau ne s’élevait que d’environ 4 pieds au-dessus de la mer, de sorte qu’à chaque marée les parties les plus basses en étaient inondées et se transformaient en marais : on ne voyait alors émerger qu’un petit plateau d’environ 600 pieds carrés. C’est sur une de ces pointes de terre marécageuse, excellente comme position militaire puisqu’elle était comprise entre la mer et la rivière, mais évidemment insalubre, que le baron établit sa petite colonie. Il la nomma Louisbourg. Bientôt il rendit compte au ministre de ses premiers travaux : « L’endroit que j’ai choisi, Monseigneur, disait-il, est le plus sain, sans contredit, de toute l’île. Pour m’assurer davantage de sa salubrité j’ai fait dessécher les marais qui le bordaient tout autour, et j’ai fait établir des fontaines d’eau douce. Le port est un des plus magnifiques que l’on puisse rencontrer en ces parages. Pour le dominer, j’ai construit des batteries, et j’établirai, pour la facilité des chargements et des déchargements des bâtiments, des corps-morts avec un ponton. J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint le plan de ma position, sur lequel je marque les ouvrages que j’ai exécutés, malgré le peu de secours que l’île de France m’a fournis… M. Maillart ne m’a pas fourni les outils que je lui ai demandés si vivement ; pour toute ressource, il m’a envoyé 7 haches et 2 brouettes… Si je n’avais pas eu la précaution de faire mes provisions particulières, que j’emploie aujourd’hui avec bien de la satisfaction pour la troupe, j’aurais été dans le cas de perdre la moitié de ma troupe misérablement. C’est alors que les jaloux de cet établissement se seraient écriés que le pays était malsain, que c’était un vaste cimetière français. J’ai perdu seulement depuis le 9 du mois de novembre 1773 jusqu’aujourd’hui 9 soldats et 4 matelots, dont 3 des premiers se sont entre-tués eux-mêmes, avant mon arrivée, et 1 noyé ; il n’y a donc que 5 morts par la maladie, et dont le libertinage était la cause certaine… La discipline de ma troupe et l’ordre qui y règne, depuis mon arrivée, a ébloui les naturels du pays. Tous les chefs de cette partie de l’île ont prêté le serment de fidélité, se reconnaissant sujets de Sa Majesté, notre maître ; ils ont abdiqué toutes leurs prétentions sur les lieux où je me suis établi, et sur tous les autres bords de la mer, en convenant solennellement que tous les bords de l’île appartiendraient aux Français.

« Vous m’avez ordonné, Monseigneur, de reconnaître Tamatave ; j’ai exécuté votre ordre, mais je n’ai pas trouvé autre chose qu’un vaste marais et des terres submergées.

« Daignez croire, Monseigneur, qu’il n’y a pas dans toutes les Indes un port aussi sûr que celui que j’ai choisi, qui est nommé aujourd’hui le port de Boynes. L’île d’Aiguillon, qui est située à l’entrée de ce port, et qui couvre la rade, fortifiée par la nature, défendra le port et en interdira l’approche. Louisbourg restera toujours chef-lieu. Je m’occupe aujourd’hui pour établir un poste à Foulepointe et l’autre à Vohémar ; pour me rendre maître de toute la circulation de cette île. Aussitôt que je serai parvenu à m’ouvrir un passage par terre à l’ouest, j’établirai le quatrième poste. Il ne me faut actuellement qu’un prompt secours, dont je joins ici l’état de mes demandes ».

Que de miracles faits en six semaines avec moins de 200 hommes, 7 haches et 2 brouettes !

À cette lettre du 22 mars 1774 était joint un état par lequel il demandait l’envoi d’un vaisseau de 600 tonneaux, chargé de vin, d’eau-de-vie et de farine, 200 hommes de recrue, 6 charpentiers, 2 forgerons et 2 maçons, 3 officiers du grade de capitaine pour commander les différents postes, 2 chirurgiens et des médicaments, 6 mortiers de 12 pouces et 16 pièces de canon avec leur approvisionnement de munitions, 2 aumôniers, un assortiment d’outils de toute espèce et des effets de traite.

Au mois de septembre de la même année, Benyowszky rendit compte au Ministre que, n’ayant pu combler les marais qui entouraient Louisbourg, ni élever le sol au-dessus du niveau des marées, il avait éprouvé, pendant la sécheresse, des exhalaisons mortelles et s’était vu obligé de chercher, dans l’intérieur du pays, un endroit plus sain, où les malades avaient été transportés. Ils y avaient recouvré la santé, et, pour cette raison, on avait nommé le poste nouveau la Plaine-de-Santé. Il déclarait l’endroit au-dessus de tout éloge, tant pour sa fertilité que pour sa salubrité. Il était situé à 5 ou 6 lieues de Louisbourg, sur la rivière même, qui était navigable jusque-là : la plaine s’étendait sur 3 lieues de long et 3 1/2 de profondeur. Après de nombreuses entrevues avec les chefs, auxquels le pays appartenait, le baron s’était fait céder la plaine et toute la vallée jusqu’à la source du fleuve moyennant 12,000 livres une fois payées. Néanmoins, il avait fait construire, à l’embouchure de la rivière, un fort pour protéger les magasins. Dans l’intérieur de l’enceinte il avait bâti un magasin général, un magasin de vivres, un magasin à poudre, une caserne, un corps de garde, un magasin pour les armes, une maison pour le commandant, une autre pour le major, une cambuse pour distribuer les vivres, un bureau pour les officiers d’administration, un magasin pour les provisions du commandant et du major, une prison, des cuisines, un poulailler, sans compter encore d’autres constructions destinées à recevoir le riz qui proviendrait de la traite. Sur l’île d’Aiguillon, il y avait une maison contenant 4 pièces et 1 salon, 6 autres maisons plus petites et un four. On avait défriché un espace de 10 arpents. Ce défrichement, c’était le jardin du roi.

Il envoyait en même temps les plans de ces bâtiments ; ils sont encore aux archives des colonies. Il était difficile de révoquer en doute la réalité d’édifices dont on avait le dessin sous les yeux. Le protocole des travaux exécutés par le service du génie, d’après les ordres du baron, entre dans les plus minutieux détails. Il relate non seulement les ordres donnés, mais encore le compte détaillé des journées d’hommes que les travaux accomplis ont coûtées. On en jugera par quelques extraits qui se rapportent aux ouvrages dont on vient de parler.

« Il est ordonné au sieur Marange, ingénieur, après avoir levé le plan, de reconnaître l’emplacement de Marancet pour procéder au comblement des marais afin de pouvoir y avoir une ville au bord de la rivière Tanguebale et un fort ainsi que la bâtisse des différents édifices qui y seront nécessaires (le 15 février 1774, à bord du Desforges). »

La dépense fut de 19,790 livres.

« Il est ordonné aux sieurs Marange et Gareau de Boispréaux, ce dernier, ingénieur adjoint : 1° de lever le plan de l’anse de la Corderie à l’île d’Aiguillon, de saigner les marais qui l’inondent et de construire une grande case et 6 cases pour le logement des malades ; en second lieu de faire un chemin à la montagne de la Découverte pour y placer le pavillon d’observation ; 3° de faire construire à l’anse des Convalescents, 4 cases pour les convalescents ; 4° de construire la boulangerie ; 5° id. un magasin et 2 cases à mi-montagne pour le logement des esclaves attaqués de la petite vérole (14 avril 1774). »

La dépense alla pour ces derniers travaux, d’après le compte du génie, à 23,810 livres.

« Il est ordonné au sieur Gareau de Boispréaux de faire exécuter le projet de la plaine de Vallé-Amboak autrement Plaine-de-Santé, de faire combler les bas-fonds et faire les saignées et défrichés nécessaires pour rendre l’air plus sain et le terrain propre à la culture. Il fera les édifices nécessaires et élèvera un fort sur la montagne qui domine la plaine ; bien entendu, que pour la facilité des manœuvres, il fera raser le sommet de la montagne, abattre tous les bois, ainsi que de combler les fossés au pied d’icelle pour la bâtisse du gouvernement et autres maisons nécessaires (21 juillet 1774). »

Ces dépenses montèrent à 38,254 livres.

On voit que Benyowszky donnait ses ordres avec la même tranquillité que s’il eût disposé d’un trésor inépuisable. Qui croirait, à lire ce style impérieux, que le baron n’avait pour exécuter ses bâtisses et ses terrassements qu’à peine 200 blancs et quelques esclaves ? On ne sait ce qu’on doit le plus admirer de l’imperturbable assurance du commandant ou de la sérénité administrative de l’ingénieur qui évalue, toise par toise, le coût des déblais et remblais, donne le chiffre exact des journées d’ouvriers, joint la vue cavalière des travaux au devis qu’il en dresse. Rien n’était mieux fait pour donner à des ministres, vivant à 3,000 lieues de là, la certitude que la réalité se trouvait conforme au compte rendu qu’on leur envoyait. Il faut bien de la méfiance pour révoquer en doute l’existence d’un fort, d’un gouvernement, d’une boulangerie, quand on a sous les yeux, d’une part, le dessin de l’édifice, de l’autre, le prix des matières premières, le coût de la mise en œuvre, le nombre des ouvriers blancs et celui des noirs employés à ces entreprises

Poursuivons avec Benyowszky lui-même, guide complaisant s’il en fût, le récit de ses explorations, l’enchaînement de ses conquêtes. Aussi bien, si ces récits obtinrent d’abord à Paris trop de crédit, il n’est pas indifférent de montrer qu’on pouvait en être dupe sans être un sot. Il sera temps ensuite de les comparer avec ceux des témoins oculaires, avec les véridiques rapports des administrateurs de l’île de France.

Le 7 septembre 1774, six mois après son arrivée, le baron mandait à M. de Boynes : « Ayant reconnu le gisant de la côte de Madagascar et la situation des baies, ports et anses, j’ai pris les connaissances des avantages que je pourrais me procurer en établissant, de distance en distance, différents postes dont voici le détail : le premier est à Foulepointe, très nécessaire pour la facilité d’abordage et par la confluence du commerce qui, pour ainsi dire, se concentre en cet endroit : il y a déjà de construit une forte palissade entourée d’un fossé (j’ai nommé cette petite redoute Fort-Français), deux grands magasins, un parc à bœufs, une maison forte pour les esclaves, une caserne, un hôpital et une maison pour le commandant. C’est le sieur Mallendre qui y commande avec un officier sous ses ordres, 35 volontaires et 30 hommes de la compagnie des janissaires noirs. Le commandement de ce poste s’étend presque jusqu’au Fort-Dauphin. »

On trouvera sans doute là quelque exagération, car, de Foulepointe à Fort-Dauphin, il y a environ 800 kilomètres ; mais les commis, et même le ministre auquel cette lettre était envoyée, ne devaient guère connaître les gisants, comme dit Benyowszky, de ces deux établissements.

On voit qu’il parle de janissaires noirs : au début de sa lettre, il avait dit qu’il allait former 2 compagnies de janissaires madécasses : trois pages plus loin, il les emploie déjà, leur garnison est désignée, ils y sont rendus et y font leur service.

« Le second poste, continue-t-il, est à Manahar, situé entre Foulepointe et le port de Boynes. Les bâtiments qu’on a construits en cet endroit consistent en une palissade, un magasin, une maison de commandant et une caserne. Ce poste est confié à un sergent ayant sous ses ordres 7 volontaires et 12 noirs janissaires, 1 interprète et 1 commis à la traite. Le troisième est à l’île d’Aiguillon… J’entretiens dans cette île un poste de 12 volontaires et 6 noirs de milice, commandés par un sergent, un pilote pour la reconnaissance des vaisseaux qui y arrivent. Le quatrième est à Louisbourg, commandé par le capitaine de Sanglier… le cinquième à la Plaine des Volontaires. Ce poste est commandé par moi-même, ayant 2 officiers, 50 soldats volontaires et 30 noirs. Le sixième est au fort des Volontaires à l’entrée des bois, sur le passage pour aller à l’ouest. Les bâtiments consistent en 1 palissade, 1 magasin et 1 petite caserne dont le commandement est confié à un sergent ayant avec lui 4 volontaires et 6 noirs… Le septième est à Antonguin, autrement dit Fort de la Découverte : on a construit en ce lieu une palissade avec 2 grands magasins, une caserne pour les volontaires, une autre pour les noirs et un hôpital. C’est le plus beau pays qu’on puisse rencontrer. La plaine a 12 lieues de large sur 60 de long : elle est en pâturages et elle est arrosée par la grande rivière Soffyas (Sofia) qui a bien 1/4 de lieue de large. J’en ai confié le commandement au sieur Corby, officier à la suite, qui a sous ses ordres 10 volontaires et 40 noirs, qui travaillent pour faire le chemin des bois et y bâtir, de distance en distance, des maisons pour la commodité des voyageurs, et qui me servent aujourd’hui d’entrepôts de la traite des bœufs. Antonguin m’a déjà fourni 160 vaches et 100 bœufs. Le huitième, je n’ai pas encore la nouvelle de sa perfection… C’est le sieur Mayeur, interprète, qui est chargé de le former, au bord de la mer, sur la côte ouest. Il a avec lui 10 volontaires et 50 noirs.

« J’ai reconnu, disait à ce propos Benyowszky, dans une autre lettre au ministre, en date du 1er septembre, que le prix des bœufs était bien moindre à la côte ouest qu’à la côte est de l’île. Cette raison jointe au dessein de former un établissement à cette côte de l’ouest pour m’assurer de la traite des noirs et des bœufs pour le compte du roi, faciliter le commerce de Mozambique, Sofala et Monbassa, et les îles Comores, m’ont déterminé à entreprendre de chercher l’ouverture pour passer de la baie d’Antongil à la côte ouest… Le 1er mai (1774), j’ai envoyé le sieur Mayeur, interprète, avec un des chefs de nos alliés, 80 noirs dont j’ai formé une compagnie de milices et 20 soldats volontaires pour remonter la grande rivière à sa source et prendre ensuite la route à l’ouest de l’île par terre pour, autant que possible, parvenir à la baie de Morungano… Je n’ai pas reçu de nouvelles de ce détachement pendant trente-six jours entiers…, mais enfin je vis arriver avec plaisir 2 de mes volontaires avec 8 noirs, qui me portaient des paquets de mon interprète et surtout des nouvelles de la parfaite santé de tout mon monde malgré les marches fatigantes qu’ils ont essuyées au travers des bois et des montagnes. Ils m’ont rapporté que l’on était fort loin dans l’intérieur de l’île et qu’ils n’ont essuyé aucun des brouillards que nous éprouvons à Louisbourg, source de toutes les maladies du pays. » Suivant la copie de deux lettres de Mayeur, qui paraissent avoir été revisées soigneusement par le secrétaire de Benyowszky, car elles sont trop correctes pour être l’œuvre de l’interprète peu instruit dont on trouvera plus loin des lettres authentiques. Pourtant, comme ces lettres, telles quelles, font partie du système historique de Benyowszky, on ne peut se dispenser d’en citer quelques passages.

« En conséquence de vos ordres, est censé écrire Mayeur, partis le 1er mai, en remontant la rivière, par des bateaux du pays, nous nous sommes rendus, le troisième jour, à la source de la rivière, qui conduit droit au nord-ouest, ayant jusqu’au lieu de la source une profondeur égale de 7 pieds. J’ai fait construire, à l’entrée du bois, une palissade et un magasin avec des maisons de 50 pieds de longueur sur 20 de largeur. Ayant fini cet ouvrage, nous entrâmes dans le bois. Ayant trouvé un sentier impraticable, je le fis élargir à une toise et demie, qui forme actuellement un chemin commode… Le second jour, nous trouvâmes une plaine fort étendue, où il fallait fort peu travailler au chemin. Dirigeant la route au nord-ouest, nous avons fait 4 lieues : le troisième jour nous en fîmes à peu près autant ; mais le quatrième, à peine fîmes-nous une lieue ; il fallait travailler au chemin par-dessus une montagne élevée : le cinquième nous dédommagea : ayant trouvé un chemin agréable, nous fîmes 8 à 9 lieues ; le sixième, nous sortîmes des bois, ayant, pour la commodité de ceux qui nous suivaient, fait, à chaque station, une case. Aussitôt sortis des bois, nous trouvâmes le pays en pâturages et beaucoup de bétail sauvage, sans aucun bois autre que tamarins et citronniers. Ayant marché cinq heures dans cette plaine immense, nous arrivâmes à un village appelé Andravoaré, dans lequel nous fûmes très bien reçus par le chef… Voici ce que j’ai appris : ce pays appartenait auparavant à la reine de Bombetok ; mais que, comme le sort de la guerre était plus favorable au roi de Boina (Boueni), il était tombé en son pouvoir… Je m’informai du chemin qu’il fallait prendre pour arriver à la baie de Morungano, et j’appris, avec grand déplaisir, qu’il me fallait franchir des montagnes impraticables… Je demandai donc s’il m’était plus facile de parvenir à la demeure du roi de Boina, et j’appris que je pouvais m’y rendre de ce village en dix jours, ayant toujours bon chemin, et le chef lui-même… s’offrit pour me conduire à un autre village où demeure un plus grand chef que lui. J’acceptai… ; je demeurai trois jours en ce village pour faire reposer mon monde. Le quatrième jour, nous partîmes pour nous rendre à Antongouin, toujours parcourant un plat pays, arrosé de ruisseaux jusqu’à la grande rivière Sofia que nous passâmes dans de grands bateaux du pays. De là, nous défilâmes dans une colline qui nous a conduits jusqu’au grand village qui se nomme Antongouin. »

Bien accueilli par le chef du village, Mayeur reçut en présents deux bœufs et du riz. Il y eut un palabre avec échange de discours conformes à l’emphase habituelle des sauvages : « Le plus grand guerrier que le sol de Madagascar a porté, M. le baron de Benyowszky, général de milliers de blancs, hommes armés qui versent le sang pour rendre heureux les bons et punir les méchants, avait été envoyé par le grand roi de France pour faire un établissement royal et pour établir des postes de commerce ; il avait envoyé Mayeur pour en établir un dans ce village. » Le chef du village n’osa pas accéder à la demande sans l’assentiment du roi de Boina. Celui-ci, ayant enfin donné son consentement, le poste fut établi et Mayeur partit avec les hommes qu’il conservait pour escorte vers le pays de Boina. Parvenu au principal village, il fut reçu amicalement par le roi, qui céda aux Français le port de Bombetok, avec un espace de 3 lieues vers l’intérieur du pays. Le roi s’engageait à fournir chaque année 1 million de livres de riz, 2 à 3,000 bœufs et 1,200 esclaves, Ainsi l’établissement de Bombetok donnait à Benyowszky une issue vers la côte occidentale. Le baron, en transcrivant les prétendues lettres de Mayeur, annonçait même qu’il avait frété un navire pour l’envoyer immédiatement à Boina.

« Voilà, concluait-il, Monseigneur, l’état fidèle de la distribution de mon petit corps qui me rend double de ce que j’ai pu espérer. » Il demandait pourtant des renforts en hommes et l’envoi de secours considérables. Comment ne pas se laisser tromper à des récits aussi bien présentés ? Et tandis qu’ils nous représentent Mayeur négociant à Bombetok vers le mois de juin, puisque le baron dit être resté trente-six jours sans nouvelles de lui et qu’il serait parti le 1er mai, le protocole du génie nous montre le même Mayeur recevant, le 10 juin, l’ordre de se rendre de Louisbourg à Angontsy pour s’occuper d’ouvrir une route. Nous savons, d’ailleurs, par son propre témoignage, qu’il n’alla jamais à Bombetok : il fut arrêté par les Sakalaves ; c’est avec la plus grande peine qu’il échappa à leurs embûches et regagna la baie d’Antongil.

Le 22 septembre 1774, Benyowszky écrivit au duc d’Aiguillon et lui répéta à peu près dans les mêmes termes ce qu’il avait dit au comte de Boynes ; il ajoutait non sans impudence : « La postérité lira avec bien du plaisir l’histoire des révolutions de Madagascar : elle apprendra qu’un corps d’hommes composé de 237 têtes, réduit par les maladies et les fatigues à 160, a subjugué une île dont le tour passe 800 lieues… J’ai joint au plan de la Plaine de Santé la carte générale de Madagascar et un profil de l’ouverture du passage par l’intérieur de l’île de la côte de l’est à l’ouest. Cette entreprise m’a coûté des peines infinies, mais dont je suis bien récompensé par les avantages que je procure par cette voie à l’établissement. Je compte aujourd’hui 32 provinces de l’île de Madagascar soumises à notre établissement, dont les chefs du pays payent un tribut annuel, qui fournira suffisamment de quoi entretenir mon corps. Outre ce tribut, j’ai procuré à la caisse de Madagascar un revenu de 150,000 livres tournois, argent comptant, et je me vois assuré d’un bénéfice net de près de 4 millions de francs, annuellement, pourvu qu’il plaise à M. de Boynes me fournir les marchandises nécessaires. »

Il avait adressé en même temps au ministre de la Marine une demande de secours que celui-ci ne jugea pas à propos de lui accorder sans restriction. Il demandait un navire de 300 tonneaux complètement armé et un de 150 tonneaux, 300 recrues et l’autorisation de former une compagnie de chasseurs, 100,000 écus d’argent comptant, plusieurs goélettes pour servir au cabotage de la côte de l’est.

Il demandait pour la troupe 12 pièces de canon à la suédoise, 6 mortiers, 30 espingoles, 24 pierriers, des pièces d’artifice, des ancres, des pavillons, 10 moulins à bras. Il lui fallait un officier d’un grade supérieur pour commander en second à Madagascar, 4 autres ayant rang de capitaines, 1 garde-magasin, 4 employés subalternes, 15 écrivains, 4 prêtres, 4 médecins, 4 maîtres charpentiers et 12 aides, 2 maîtres maçons, 2 forgerons, des boulangers, des jardiniers, des tanneurs, des tonneliers, des bouchers, des paysans pour cultiver la terre, une soixantaine d’enfants trouvés, garçons et filles de l’âge de 2 à 15 ans pour former un fond de colonie : on comprend que le comte de Boynes ait hésité à tout accorder ; mais Benyowszky insista.

« Ces secours, disait-il, sont absolument nécessaires à Madagascar ; je désire ardemment que mes expressions soient suffisantes pour mettre sous vos yeux le véritable état de Madagascar. Je vous proteste que je n’ai pas touché encore tous les avantages que cette île offre : et bien loin de pouvoir confier la moindre idée de mes projets à personne, je dois, au contraire, les tenir secrets : heureusement, ma constitution naturelle a vaincu toutes les fatigues et tous les maux. »

Il ressortait évidemment de ces lettres écrites dans les premières semaines de septembre 1774, qu’en quelques mois seulement Madagascar avait été exploré presque complètement, en partie même occupé ; une route était ouverte entre la côte orientale et l’autre, 32 provinces soumises, des revenus assurés, tout, enfin, préparé pour l’établissement d’une véritable colonie. Que l’on se mette à la place des ministres auxquels ces rapports étaient destinés, qu’on se les représente, habitués à l’exactitude paperassière des employés français, persuadés qu’un homme qui cite des chiffres et qui énonce des faits ne ment point, parce que les contrôles multipliés d’une administration savante lui rendent le mensonge dangereux, presque impossible ; il n’est pas admissible que de telles assertions aient provoqué le moindre doute. Il manquait au comte de Boynes, comme au duc d’Aiguillon, d’avoir une certaine connaissance des lieux ; elle leur eût, dès le premier mot, fait apercevoir l’invraisemblance des exploits trop brillants, des explorations trop rapides, des conquêtes merveilleuses faites en son fauteuil par l’aventurier hongrois.

Il n’eut garde de démentir ces admirables commencements et sut mettre dans sa correspondance la progression nécessaire. Il écrivit le 16 mars 1775 : « C’est avec le plus grand plaisir que j’ai l’honneur de vous rendre les comptes sur cet objet (le passage allant à la côte ouest) pour lequel j’ai été si violemment contrecarré par l’île de France. Après avoir reçu la domination de la province d’Angontsy, située à l’est et au nord de l’île, et du chef-lieu, je me suis porté à la pointe la plus nord, nommée cap d’Ambre. Le chef de ce riche pays, nommé Lambouin, ayant eu la guerre avec les Seclaves, peuples très aguerris, qui habitent sur les côtes de l’ouest de l’île, est venu me demander des secours et protection, au prix de se soumettre à perpétuité aux lois de notre gouvernement et de se reconnaître tributaire. J’ai acquiescé à cette proposition avantageuse, qui, dans un instant, m’a rendu maître d’un pays immense. Quelques exploits heureusement suivis ont forcé le prince Savassi, Arabe de nation, établi dans le port de Moneyana, de se soumettre et de céder au pavillon français. Ce port, le plus commode pour la navigation et le plus avantageux pour le commerce, m’ouvrit la clef pour la côte d’Afrique, ainsi que la mer Rouge, et j’ai fixé dans cet endroit mes opérations, en attendant les secours et les ordres que je vous ai demandés, Monseigneur. Le commerce que Madagascar a acquis par l’ouverture de Moneyana passe toute attente, le riz étant abondant dans la partie du nord, et ne revenant qu’à 4 livres au roi le cent, qui est vendu pour 18 livres sur la côte d’Afrique et enfin échangé pour la valeur de 1,000 livres. Un esclave par ce moyen revient au roi à 40 livres au lieu que ceux que j’ai été obligé d’acheter à l’île de France m’ont coûté 1,200 livres.

« M. Maillart m’a mandé par écrit qu’il renonce au secours de Madagascar… ; me voyant dénué de tout secours dans un temps qui me promet et m’offre tous les avantages les plus considérables, j’ai pris sur moi de faire acheter, par le secours de bourse de mes amis, les objets de traite et un bâtiment pour ouvrir le commerce de la côte d’Afrique… La récolte du riz, cette année, est la plus considérable que l’on ait encore eue. Les insulaires, encouragés par notre séjour, ont planté partout. Malheureusement, l’île de France m’a refusé les objets de traite : il m’a fallu recourir à la confiance des insulaires qui, sur mes simples billets, ont crédité à peu près 1 million. J’ai plus de 500 bœufs tant à Angontsy qu’à Manahar, Foulepointe et Tamatave. J’ai informé l’île de France de ce secours, mais cette île, malgré sa disette, n’envoie pas chercher ces objets à Madagascar, préférant d’aller les chercher chez les étrangers… Obligé de visiter les divers postes établis dans l’île, j’ai voyagé par les provinces qui nous sont soumises, et je reconnais déjà de nouvelles richesses naturelles au pays. »

Quatre jours après, le 20 mars 1776, il ajoutait : « Pour m’assurer davantage de mes conquêtes, Monseigneur, j’ai fait construire deux forts, l’un au port de Vohémar, l’autre à Morungana à l’ouest de l’île. Cela nous met en état d’étendre nos opérations à l’ouest de l’île, malgré mon peu de monde. »

Cependant, les dessèchements des marais et les défrichements des terres avaient rendu l’air plus propice ; depuis l’expédition du sloop le Postillon jusqu’à cette époque il n’avait perdu que 4 hommes et les hôpitaux étaient vides. Si ses forces eussent été telles qu’il l’avait demandé, Madagascar eût été en peu de temps soumis et le gouvernement de l’île eût versé des sommes considérables dans la caisse du roi. D’ailleurs, l’île de France ne lui fournissait rien… il prévoyait qu’il lui serait fort difficile d’accomplir les promesses faites aux naturels du pays. Il s’était engagé à leur acheter tout le riz qu’ils récolteraient. Or, ils avaient semé, pour cette année, dans une si grande quantité, qu’il pouvait espérer de traiter plus de 3 millions de livres, secours intéressant pour l’île de France : mais l’intendant Maillart avait renoncé tout à fait à tirer des vivres de Madagascar. Il réduisait les habitants à payer le riz à 45 livres le cent, parce qu’il le faisait venir de Batavia et de Bengale, tandis qu’il aurait pu l’avoir à 15 livres fourni par Benyowszky. Celui-ci avait abaissé à 30 piastres le prix des noirs, valeur en marchandises, alors qu’à son arrivée ils en valaient 65, et l’intendant osait dire qu’il ne désirait pas d’esclaves madécasses, qu’il préférait des Mozambiques… Quant aux bœufs, dont il y avait à Louisbourg une quantité considérable, M. Maillart ne voulait pas les prendre ; il en faisait consommer que les habitants de l’île de France vendaient au roi 300 et 400 livres, quand Benyowszky en offrait au prix de 86 livres.

Le 30 mai, il annonça de nouveaux miracles : « Le vaste royaume de Boana ou des Seclaves, le plus riche et le plus puissant, sans contredit, en cette île est enfin soumis à notre gouvernement. C’est le 1er mai (1775) que les Seclaves sont venus chez moi. L’ambassade était composée de 1 prince, de 4 premiers chefs et de 100 hommes armés qui ont amené 1,000 bœufs en marque de leur soumission. J’ai conclu avec eux un traité pareil qu’avec les autres nations. J’ai l’honneur de vous l’adresser ci-joint afin de vous mettre en état de juger sur les avantages que nous nous sommes procurés en cette île. Je demande des secours (à l’île de France), mais on me les refuse et, au lieu de me seconder, on met tous les obstacles à mes progrès. J’ai actuellement 540 lieues de la côte à garder, ayant seulement 130 hommes avec moi. Si les refus de l’île de France me mettent dans l’embarras, la valeur de ma troupe me rassure contre tout événement. Le tribut seul de Madagascar monte cette année à 1,000 bœufs et 260 milliers de 1riz, une vingtaine d’esclaves, sans y comprendre le bénéfice du commerce, et il faut joindre à cela que notre gouvernement est en état pour le présent de mettre pour la défense de l’île au moins 15,000 noirs armés sur pied et au moins 2,000 autres qui s’embarquent à bord des vaisseaux de Sa Majesté pour servir dans les autres colonies. La fertilité du terrain mérite par sa nature des hommes à cultiver les champs. On fait ordinairement deux récoltes en riz et trois en maïs, le blé froment y vient à merveille, surtout le café dont j’ai environ 8,000 pieds de plantés dans le jardin du roi et qui vient au parfait. Le pays est rempli de coton et il ne manque que des ouvriers pour former des manufactures et priver cette branche de commerce des Anglais dans l’Inde de leurs richesses. Je ne parlerai pas des mines dont chaque province est remplie… N’ayant pu obtenir aucun secours de l’île de France, je n’ai pas eu d’autre parti à prendre que d’acheter un senau pour le service de Sa Majesté. L’argent qui m’est venu de Chine, provenant du galion de Kamtchatka que j’ai vendu à Canton m’a bien servi au défaut de la caisse. »

Il terminait en demandant qu’on lui envoyât un commandant en second pour le suppléer, vu les grandes fatigues que lui causait l’obligation d’être partout à la fois, car, s’il avait sacrifié sa vie au service de Sa Majesté, il souhaitait ardemment que ses travaux ne périssent pas avec lui.

Il envoyait en même temps la copie d’un traité général conclu avec les chefs de l’île de Madagascar en vertu duquel tous reconnaissaient le roi de France pour leur souverain. Quiconque, parmi eux, tiendrait des propos séditieux ou n’aurait pas payé le tribut convenu serait dégradé et vendu comme esclave. Tous les chefs seraient tenus de déclarer les voleurs, assassins et autres délinquants, qui devaient être vendus comme esclaves. Ils ne pourraient tenir d’assemblées, sauf à l’endroit fixé par le gouvernement. Chaque province devait avoir un pavillon particulier et les habitants de chacune devaient porter à leur bonnet des plaques spéciales qui leur seraient attribuées. Chaque province devait fournir un certain nombre de gens armés, selon les réquisitions du commandant. Les chefs devaient s’opposer à la descente de tous équipages de vaisseaux étrangers. Il devait être établi une école où les chefs enverraient leurs enfants pour apprendre le français. Tout Malgache qui aurait menacé, frappé, volé ou trahi un Français serait fait esclave. La pièce était signée ou censée signée de 12 chefs dont les pays étaient situés de Foulepointe à Vohémar, y compris le chef Savassi, de Morungana.

Le même jour qu’il adressait au ministre le compte rendu qui vient d’être résumé, c’est-à-dire le 30 mai 1776, Benyowszky écrivait aux administrateurs de l’île de France :

« Ayant eu l’honneur, Messieurs, de vous instruire par chaque occasion de la situation de l’établissement que j’ai formé par ordre de Sa Majesté, vous ne devez pas ignorer les dangers et les périls que j’ai courus avec tout mon monde… abandonné dans un pays inculte et dont nous ne connaissions pas la nature. Nous n’avons à remercier de notre salut que la force de nos tempéraments… Au milieu de ces désastres voyant, d’un côté, nos camarades, déchirés par une langueur provenant des maladies affreuses, souffrir des maux cruels et se débattre avec la mort et, de l’autre, des provinces entières s’armer contre nous et commencer les hostilités, nous avons franchi les préjugés ordinaires et, après avoir vaincu les ennemis par différentes fois, quoique n’étant que sur notre défensive, nous pûmes former le projet de la conquête du pays, mais comme il serait ennuyeux pour vous de vous entretenir des détails de cette entreprise, je me contente de vous annoncer, Messieurs, qu’elle nous a parfaitement réussi.

« L’île de Madagascar, depuis le Fort-Dauphin en passant par le cap d’Ambre et Bombetok jusqu’à la rivière des Seclaves, est entièrement soumise à notre gouvernement. On compte 8 rois et 122 chefs qui paient tous le tribut. Les principaux comptoirs que j’ai établis sont : Foulepointe, Mananhar, Louisbourg, Massoualé, Angontsy, Vohémar, Morungana et Bombetok. Le chef-lieu est fixé dans la province d’Antirenglabé, dans le centre du pays, afin d’être à portée de tous les postes. La communication de l’un à l’autre est prise par le moyen des chemins que j’ai fait pratiquer et elle sera encore plus commode aussitôt que le canal sera fini qui doit joindre la rivière Ranoufoutchi à celle de Renglabé. Le tribut que les provinces ont déjà payé cette année se monte à 8 esclaves, 72 milliers de riz et 580 bœufs. Le ministre m’a particulièrement recommandé de mettre l’exportation des vivres sur une assiette avantageuse pour l’île de France… Je vous offre donc, Messieurs, de venir quérir un millier de bœufs que j’ai pour le compte du roi, ainsi que près de 100 milliers de riz. »

Il demandait en échange une certaine quantité d’effets dont il envoyait l’état, annonçant que, de novembre 1774 jusqu’à ce jour, il n’avait perdu que 6 hommes, ce qui prouvait la salubrité de son établissement de la Plaine.

À côté de ces triomphales relations, on s’étonne un peu de rencontrer l’aveu de sa détresse et de sa faiblesse réelle.

Il écrit le 21 octobre 1775 : « J’ai eu l’honneur à la fin de la dernière année (1774) de faire passer mes comptes à M. de Boynes par le senau le Postillon. Depuis le départ de ce vaisseau, les chefs de l’île de France nous ont laissés dans le plus profond abandon. … Ils n’ont pas rougi d’employer la plus ignominieuse calomnie pour ternir ma réputation. Et tous les refus de secours ont enfin pensé jeter ma troupe dans le dernier désespoir auquel j’ai remédié avec la plus grande peine, me dépouillant, moi-même, ainsi que mes officiers, de notre nécessaire, garde-robe et mobilier pour satisfaire à la solde du corps. C’est dans cet état que nous attendons des secours ou notre rappel. »

On conviendra que ce style n’est plus d’un conquérant ! Pourquoi rappeler une troupe victorieuse, dont le courage et la discipline étonnent même ce chef que rien jusque-là n’avait étonné, alléguer la misère pour justifier ce rappel quand on prétend disposer de toutes les ressources de Madagascar ? Il y a là une contradiction dont le baron ne s’effraye pas. Il affirmait toujours que l’île entière était soumise à son gouvernement, que la dernière guerre qu’il avait soutenue contre les peuples du nord l’en avait rendu maître absolu. Mais il se plaignait en même temps de se trouver par la faiblesse de son corps, dont il avait perdu la moitié, hors d’état de maintenir tous ses avantages. Il assurait qu’avec les secours qu’il avait demandés, il ferait, en seize mois au plus, de Madagascar une colonie vaste, riche et puissante. Il protestait contre les contes que M. Maillart avait pu faire passer à la cour, les déclarait faux, sans les connaître, et donnait son honneur et sa réputation pour gage de sa véracité.

Le 25 octobre, il répétait encore qu’ayant été chargé de former un établissement et d’assujettir l’île au gouvernement français, il avait accompli sa mission ; il se plaignait de l’abandon systématique où le laissait l’île de France, il faisait le plus triste tableau de l’état de ses hommes : il lui semblait qu’ils lui reprochaient à tout instant la dureté de leur sort par la nudité qui les rendait pareils à des sauvages ; épuisés par des travaux, des courses sans relâche, par les vicissitudes de la guerre, ils avaient perdu le goût du pain et des boissons d’Europe. Il ne devait la conservation de sa conquête qu’au noble désespoir qui les avait décidés à finir leurs jours, s’il le fallait, avec gloire, en braves et zélés sujets du roi. Mais, si les secours tardaient, il déclarait ne savoir quel parti prendre pour sauver l’établissement de sa perte, ajoutant, d’ailleurs, que la réputation qu’il avait gagnée en Pologne et que des nations entières ne lui avaient pas refusée, n’était rien auprès de celle qu’il avait méritée justement à Madagascar.

Il est certes difficile de concilier la pénurie dont Benyowszky se plaint en termes pathétiques avec l’abondance qu’il décrit complaisamment dans ses lettres de mai précédent. Ces milliers de bœufs, tribut des provinces soumises, ces quintaux de riz offerts opiniâtrement à l’île de France, qui ne voulait pas les prendre, auraient dû suffire à la subsistance de la troupe et à lui procurer par achat les marchandises et objets qu’on ne trouvait pas dans l’île. On pouvait aussi parer au délabrement des uniformes avec les ressources du pays. Enfin, Benyowszky avait envoyé à la côte d’Afrique un navire chargé de nègres ; il aurait pu négocier chez les Portugais ou chez les Hollandais le peu de marchandises européennes nécessaires aux 113 hommes, derniers débris de son corps de Volontaires. Mais sa détresse ne fut jamais telle qu’il la décrit ici, bien qu’il n’ait jamais été si près de dire la vérité. Il lui convenait de l’exagérer, soit pour faire mieux valoir ses prétendus exploits, soit pour nuire à ceux qu’il accusait de l’avoir abandonné. Il semble, d’ailleurs, oublier vite ce qu’il écrit : trois mois après avoir donné sa situation comme désespérée, il reprend le ton épique pour donner l’état de son établissement en janvier 1776. Il prétend alors avoir mis plus d’un tiers de l’île sous la domination du gouvernement ; il attend les ordres de Sa Majesté pour faire faire dans le pays ce qu’il lui plaira, il demande des lois pour civiliser les provinces soumises dans la dernière guerre qu’il a soutenue contre divers chefs du pays. Pour donner à la ville de Louisbourg la salubrité qui lui manquait lorsqu’il l’avait fondée, il a enfin comblé les marais dont elle était entourée au moyen d’une terre artificielle formée d’un mélange de charbon de bois, de roche et de sable. Il a remplacé par des maisons en charpente, dans le goût d’Europe, les cabanes primitives de paille entrelacée, grossièrement couvertes d’écorce d’arbre. Il a élevé un fort auquel il a donné le nom de Fort-Louis, soutenu par des ouvrages avancés et défendu par 12 canons ; cela met la ville à l’abri de toute insulte. Les plus riches naturels du pays, le voyant en état de défense, sont venus d’eux-mêmes se mettre sous sa protection. Les maladies, si fréquentes dans le principe, diminuent sensiblement : il n’a perdu en six mois que 2 hommes. Il répond enfin de l’avenir de Madagascar. Il ajoute qu’il s’était réservé sur la rive gauche de la rivière de Tinguebale une étendue de terrain capable de contenir 1,200 familles, dans un canton tout rempli de cannes à sucre et d’indigo, propre, d’ailleurs, à la culture et à l’entretien des troupeaux. Pour soutenir cette possession, il avait fait construire un fort en terre appelé fort Saint-Jean. À 5 lieues au delà du fort Saint-Jean était le fort de la Plaine-de-Santé. Il ne fallait plus que des hommes et de l’argent pour faire de Madagascar une véritable colonie. Il pensait pouvoir tirer tous les ans de l’île 1,500 nègres et 800 négresses sans dépeupler le pays au prix avantageux de 18 piastres au lieu de 65 qu’ils coûtaient autrefois.

Une lettre, en date du 2 janvier 1776, renferme un nouvel état des diverses provinces alliées au gouvernement et qui se sont soumises à lui payer un tribut. Il n’y a plus que 10 provinces, sans compter l’île Sainte-Marie. Les tributs ne sont évalués maintenant pour l’année qu’à 11 esclaves, 284 bœufs, 70 milliers de riz, 500 palissades, 600 livres de cristal de roche, 3,500 livres de benjoin, 2 bateaux du pays, 2 pirogues, 1,200 pièces de bois, 200 planches, 102 livres d’huile de baleine. Ces 10 provinces peuvent fournir ensemble 26,500 hommes de guerre. Ces chiffres étaient bien plus faibles que ceux qu’il avait indiqués dans ses lettres précédentes, bien qu’il se vantât encore d’avoir subjugué toute l’île ; mais il faut renoncer à relever toutes ses contradictions. On s’étonne que les commis des bureaux qui les lisaient et dont nous analysons les résumés faits pour le ministre n’en aient pas été frappés. C’est qu’elles ne passaient pas par les mêmes mains. Il est aussi probable que personne, au moins dans les premières années, ne s’avisa de les comparer entre elles.

C’est en avril 1776 que, pour la première fois, l’on y trouve mention de guerres soutenues contre les indigènes. Nous savons par le récit du capitaine Kerguelen qu’il seconda Benyowszky dans une petite expédition contre une tribu voisine de Louisbourg : le seul résultat fut l’incendie d’un village désert. Cette échauffourée se transforme en une épopée. Il y aurait eu 3 guerres, l’une contre les Saphirobays, la seconde contre les Antanbours, la troisième contre les Seclaves. Les deux premières peuplades ont été d’abord vaincues et soumises. Quant aux Seclaves, ils avaient levé 20,000 hommes et se préparaient à attaquer le chef-lieu de la colonie lorsqu’ils furent arrêtés par la résistance des tribus alliées. Cela donna le temps à Benyowszky de se préparer à la lutte. Il prit même l’offensive le 1er mai 1775. Sa petite armée était composée de 45 volontaires, de 26 esclaves mozambiques dressés à la manœuvre du canon et de 25 ouvriers ou domestiques, soit en tout de 90 hommes. Il avait, en outre, 4,000 noirs qui lui servirent seulement de troupes légères ; il ne comptait pas sur eux pour une action. Il s’embarqua à Louisbourg sur des bateaux du pays, débarqua à 20 lieues au nord et fit dans l’intérieur de l’île une marche de 8 journées. Il se trouva le 16 mai en présence de l’ennemi et sur son territoire. Il conduisit si bien son armée qu’il mit en déroute les Seclaves et revint triomphant à Louisbourg après avoir imposé aux vaincus les conditions qu’il voulut. Cette guerre, dont les marches, au moins, avaient dû être fort pénibles, ne lui avait coûté ni un mort ni un blessé. L’état de revue du corps des volontaires porte le 5 juin 1776, 9 officiers et 91 hommes présents, ce qui fait une différence de 3 hommes avec l’état de janvier 1776. L’enquête faite trois mois plus tard, par MM. de Bellecombe et Chevreau, démontra que cette prétendue guerre contre les Seclaves n’avait pas eu lieu.

Ainsi, jusqu’au dernier jour de son commandement, Benyowszky persista dans l’attitude singulière qu’il avait prise dès les premiers temps ; loin de démentir ou même d’atténuer les exploits qu’il s’attribuait, les conquêtes qu’il prétendait avoir faites, il ne cessa de les soutenir et de les amplifier, de telle sorte que, ne pouvant présumer qu’ils avaient affaire à un menteur, les bureaux durent d’abord accepter pour vrais tous ses récits. Si quelque contradiction y fut relevée, si les renseignements qui venaient de l’île de France empêchèrent certains d’y ajouter une foi sans réserve, on se contenta de penser que, comme tous les grands voyageurs, le baron était enclin à quelque exagération. On va pouvoir juger si les bureaux péchèrent par sévérité ou par trop de faiblesse.


  1. A. C. F. Madagascar. C5, 4, 5 (1774-1776), aux dates indiquées. Mémoires de Benyowszky.