Un mystérieux enlèvement/7

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A. Lefrançois (p. 106-130).

CHAPITRE V

LA DÉLIVRANCE

I. La captivité du Sénateur. ─ II. Fausse sortie. ─ III. La délivrance et le retour à Beauvais. ─ IV. Les libérateurs : triomphe de Fouché. ─ V. Les dessous de la délivrance.


I

Enfin donc on allait être renseigné sur cette séquestration qui, depuis dix-neuf jours, défrayait les entretiens de Paris et de la Province ! On allait savoir les circonstances d’une si mystérieuse délivrance, épilogue d’un si mystérieux enlèvement ! La déclaration[1] du Sénateur satisfit en partie la curiosité, mais n’éclaircit pas le mystère. Même elle l’accrut, tant parut singulière l’intervention de chouans dans la délivrance d’un prisonnier victime présumée des chouans, et cette impunité des ravisseurs échappant à la poursuite des libérateurs comme ils avaient échappé aux recherches des pouvoirs publics. L’entente était certaine. Entre qui ? Pourquoi ? Qui le dirait ? Par prudence, les fonctionnaires civils se taisaient. Les militaires étaient moins réservés. Ils attribuaient hautement ce dénouement à un pacte entre le Ministre de la Police et les ravisseurs : « Tout porte à croire et même on affirme, écrivait le Général Liébert[2], que les agents de la police étaient d’accord avec les brigands sur la manière de mettre en liberté le Sénateur. Ce qui le prouverait, c’est que les agents partirent de Loches à trois heures du matin avec la certitude du lieu de détention de Clément de Ris, et qu’ils n’auraient pas manqué de demander de la troupe au commandant Boisard, s’il en eût été autrement. »

La question sera examinée en son temps[3]. Pour l’instant, nous nous bornerons au récit des faits, tels que les révéla, à la première heure, la déclaration de Clément de Ris, simples résultats dont les causes furent devinées ou sues plus tard, quelques-unes beaucoup plus tard.

On se rappelle[4] l’internement dans le souterrain, et les incidents qui avaient marqué la journée du 2 vendémiaire. Confirmant les indications de Petit, Clément de Ris ajouta que les brigands, quand, vers onze heures, ils étaient tous redescendus dans le caveau, avaient apporté avec eux un sac de toile plein d’armes et s’étaient répandus en menaces contre ces paysans, dociles serviteurs de la gendarmerie, et empressés à accéder aux volontés de ceux qui commandaient les recherches. « Ils brûleraient, disaient-ils, quelquesuns de ces sonneurs de tocsin ; et, si un seul brigand perdait un cheveu, ils égorgeraient le déclarant. » Leur intention première semblait être d’aller plus loin avec le prisonnier ; l’alerte les avait déterminés à rester là[5].

Demeuré seul après le départ du chirurgien, le Sénateur chercha à se rendre compte où il était. Un pied, que, par hasard, il avait dans sa poche, lui permit de mesurer les dimensions de son cachot, caveau carré, long et large de neuf pieds, haut de cinq : le prisonnier, vu sa taille (cinq pieds neuf pouces) était obligé de se tenir couché ou courbé, position des plus pénibles. À une des extrémités, un escalier de pierre, de cinq marches, aboutissait à une porte solidement barrée. Au centre de la voûte, une ouverture, fermée par une pierre, donnait accès dans le caveau : sur la requête du prisonnier, heureux de respirer l’air du dehors et de rester un instant debout, ses bourreaux consentirent, à condition qu’il aurait les yeux bandés, à lever la trappe de temps à autre. Le caveau, – on le sut plus tard, – avait, sous la Révolution, servi de refuge à des prêtres réfractaires et de dépôt caché de grains. Aux bruits perçus, quand la trappe était levée, allées et venues de gens, pas et hennissements de chevaux, cris de chiens et de volailles, roulement de charrettes et de tonneaux, heurts de seaux, grincement du puits, le prisonnier devina qu’il était dans une ferme habitée.

Le caveau était humide et froid. Par commisération, on substitua à la paille donnée le premier jour un matelas et une couverture, faible douceur pour un homme de cet âge[6], habitué à une tout autre vie. Sa nourriture lui était passée par la trappe : c’était, le matin, du raisin et du pain blanc ; à dîner, de la soupe et des œufs[7] ; à souper, du lait et ce qu’on pouvait lui procurer sur sa demande. La nuit, on le laissait seul ; mais, tout le jour, il était gardé à vue, le plus souvent par un des brigands, toujours le même[8], parfois, et principalement aux heures des repas, par un paysan, tous deux la tête voilée. Le paysan l’exhortait à prendre patience, à espérer la fin de ses maux ; le brigand tantôt lui tenait le même langage, tantôt le menaçait de mort si sa rançon n’était pas payée et payée en silence. Et les jours, les nuits passaient, dans une interminable attente soutenue par un inébranlable espoir, à songer aux siens, à se demander à quoi s’occupaient les autorités, à épier les moindres bruits présageant la délivrance, à commenter une inaction qu’il ne s’expliquait pas.


II

Un soir enfin, – c’était le 16 vendémiaire, – des individus masqués viennent le prendre. À cheval, au pas, les yeux bandés, – toujours l’infernal bandeau ! – il est conduit jusqu’à une grange[9], où on le laisse seul. Durant le trajet, évalué par lui à une heure et demie environ, il a entendu sonner onze heures à une horloge lointaine. Vingt-quatre heures s’écoulent, et un des brigands, son geôlier habituel, le ramène à son premier réduit, par une nuit glaciale. Il est transi. Son gardien le fait entrer dans la maison, demeure de paysans, autant que, sous le bandeau, il en peut juger. Il se rend compte qu’en un lit, tout près de lui, des femmes, des enfants sont couchés. On allume dans la cheminée un méchant feu avec des brins de fagots. Assis sur une mauvaise chaise, le coude sur une maie[10], il essaie de se réchauffer, sans y parvenir. Touché de son état, le brigand lui offre son lit, qu’il accepte avec reconnaissance. Ce lit est dans un cabinet de plain-pied avec la chambre. Il y repose quelques heures et est réintégré dans son cachot, intrigué de ce déplacement qui le ramène au même lieu.

C’était, dira Carré de Busserolle, une répétition, destinée, en vue du départ fixé au lendemain, à s’assurer des dispositions du prisonnier. À quoi bon ? N’était-il pas à la merci de ses bourreaux ? Ceux-ci ne savaient-ils pas par avance le trouver docile à leurs injonctions ? Suivant d’autres[11], les brigands, effrayés par le déploiement des forces mises en mouvement pour la battue des 16-17 vendémiaire, avaient jugé prudent de transférer, au moins provisoirement, le prisonnier en un autre lieu. Cette supposition est la vraie. Les dépositions, à l’instruction, de la femme Lacroix et du fermier Jourgeon et la déclaration de Carlos Sourdat la confirment.

Au surplus, le martyre de Clément de Ris touchait à son terme.


III

Dans la soirée du 18, vers minuit, derechef on le tirait de son cachot. Deux cavaliers étaient là, flanqués de deux piétons destinés, à ce qu’il comprit, à leur servir de guides : dans l’un il reconnut le paysan qui partageait avec le brigand le soin de le garder. Ils le font monter à cheval, lui rebandent les yeux, et l’on part, – cette fois pour ne plus revenir.

À travers champs ou par d’étroits sentiers, longeant des fermes dont les chiens aboient, on chevauche ; ensuite, c’est la forêt, et, enfin, après un trajet de deux lieues à deux lieues et demie, l’arrêt dans un carrefour[12] où l’on attend. Soudain un coup de sifflet perce l’air ; un autre répond. « Les voilà ! » crie un de ses gardiens. Il devine que son escorte s’est grossie de nouveaux arrivants, avec qui l’on repart ; ordre est donné d’observer le plus profond silence. Tout à coup, derrière eux, résonne le galop de plusieurs chevaux : « Qui vive ? » demande une voix. Son escorte se tait. « Arrête, foutu gueux ! » reprend la voix. Des coups de pistolet éclatent audessus de sa tête. Quelqu’un lui dit : « Qui êtes-vous ?Probablement celui que vous cherchez, répond-il. ─ Vous êtes le Sénateur Clément de Ris ? Vous êtes libre ! »

Il arrache le bandeau. Un individu, qu’il ne connaît pas, est près de lui : « Et vos compagnons ? questionne-t-il. ─ Ils sont dans le bois ; ils poursuivent vos ravisseurs ! » Vaine recherche et courte poursuite : au bout de peu d’instants ils reviennent, et le prisonnier compte ses libérateurs. Ils sont quatre. Ils se nomment, le félicitent, l’instruisent de leur mission, dont fait foi la lettre du Ministre, qu’ils lui remettent. Il est trois heures et demie. Tous ont hâte de quitter la forêt et de gagner le plus prochain village, Chedigny, encore distant de trois lieues. Une belle route sous bois y conduit. On la suit, à la clarté de la lune, et, à cinq heures, on atteint le village, où le Sénateur, exténué, prend un peu de repos et lit la lettre de Fouché, ainsi conçue :

   « Citoyen Sénateur,

» Je suis parvenu à découvrir le lieu où vous ont déposé les brigands qui se sont saisis de votre personne. J’envoie donc, pour vous délivrer, des hommes sûrs et braves. Ils auront le courage d’arrêter les brigands, de vous arracher de leurs mains, et vous remettront à votre épouse. Ayez confiance en eux et abandonnez-vous aux soins qu’ils prendront pour votre sûreté. Dès que vous serez libre et que vous aurez revu votre famille, rendez-vous à Paris, et apportez-moi, sur votre captivité, tous les renseignements que vous pourrez me fournir. »

Dans cette lettre, la vanterie fait tort à la vérité. Quand il l’avait écrite, Fouché ignorait le lieu où le Sénateur avait été déposé ; il ne le sut que plusieurs jours après la délivrance[13]. De plus, les libérateurs n’avaient garde d’arrêter les ravisseurs, auxquels l’impunité avait été promise, et dont, au reste, aucun n’était là. Quoi qu’il en soit, Clément de Ris, au dire de la légende, se serait écrié, après lecture de la lettre, « que ces coquins de royalistes avaient fait le coup, et qu’il reconnaissait bien là l’amitié de Fouché ! ». Le propos n’a pour garant que le témoignage d’A. de Beauchamp[14]. On n’en a pas moins fait état pour appuyer la thèse du complot de Marengo, et, par elle, l’hypothèse attribuant à Fouché même l’attentat de Beauvais. Cette parole banale, l’amitié de Fouché, propos de circonstance, naturel en présence des agents du Ministre, ironique peut-être, est, dira Carré de Busserolle, la preuve indéniable de relations étroites entre le Ministre et le Sénateur, et, partant, de leur complicité dans le passé. Nous avons dit ce qu’il fallait en croire[15].

De Chedigny, la troupe gagna directement Bléré, où l’on dîna. Pendant le repas, le maire, les notables, la garde nationale accoururent complimenter Clément de Ris : « À présent que je n’ai plus besoin d’eux, observa-t-il, ils viennent tous ! » On reprit la route, et, sur les quatre heures, on atteignit enfin Beauvais, où, depuis l’annonce de son retour, le Sénateur était attendu, avec quelle impatience, on le devine.

Tout le pays était là. Bientôt arrivèrent les autorités du canton, celles du département, le capitaine Folliau de Tours, le lieutenant Gaultron et les gendarmes qui l’accompagnaient. Clément de Ris nomma ses libérateurs, Carlos Sourdat, Charles de Salaberry, Robert Couteau, Arthur Guillot de La Poterie[16]. Le lieutenant reconnut les trois premiers, mais le dernier n’avait de commun que le nom avec l’individu interrogé la veille à Loches[17]. Son procès-verbal mentionne le fait, sans plus. Rien n’indique s’il en fit l’observation au faux ou au vrai de La Poterie.


IV

Il est avéré que six agents royalistes, et non quatre, participèrent à la libération du Sénateur. Les deux autres furent Bernard Sourdat et Hingant de Saint-Maur.

On lit, dans une lettre[18] écrite de Sainte-Pélagie, le 6 pluviôse an IX, par François Sourdat : « Ce sont mes deux fils, Carlos et Bernard, qui, par mes exhortations, je ne dirai pas par mes ordres, ont déféré à l’invitation du Ministre de la Police générale d’entreprendre de tirer le Sénateur Clément de Ris des mains qui avaient attenté à sa liberté, en quoi ils ont été assez heureux de réussir. » La collaboration de Bernard Sourdat ne saurait donc être mise en doute. Il avait accompagné son frère à Blois le 11 vendémiaire[19]. La nuit de la délivrance, c’est lui qui, avec le brigand de garde, tira le prisonnier de son cachot et le fit monter à cheval. Il pouvait avoir été vu, être reconnu de Clément de Ris, qui le tenait pour un des brigands. De là son abstention de paraître à Beauvais.

Pour Hingant de Saint-Maur[20], émigré non rayé, très compromis, son concours est attesté par des pièces officielles conservées aux Archives[21]. Peut-être faut-il voir en lui le faux Guillot de La Poterie, celui qui accompagnait à Loches Carlos Sourdat, Robert Couteau et de Salaberry. Par précaution, il avait pris le nom de son compagnon, qui, dans la nuit, les rejoignit, et, le lendemain, il s’était dérobé pour éviter le contact avec les autorités. Voilà comment, des six agents de la délivrance, quatre seulement, dont le vrai Guillot de La Poterie, auraient accompagné le Sénateur chez lui. C’est, selon nous, l’hypothèse la plus vraisemblable[22].

Une autre obscurité s’attache à la présence, parmi les libérateurs, de Robert Couteau. Lui aussi avait été aperçu à Blois lors du séjour de Mme Clément de Ris. Même la police avait cru voir en lui le délégué chargé par les brigands de recevoir la rançon[23]. Était-il, n’était-il pas des ravisseurs ? Nos recherches sur ce point ne nous ont rien appris. De Beauchamp le cite comme ayant, avec Carlos Sourdat et de La Poterie, coopéré à la délivrance ; il est muet sur sa participation à l’enlèvement[24]. Le doute est permis.

D’autres questions furent posées à Clément de Ris. On lui montra le chapeau, le pistolet, le poignard trouvés dans la forêt. Il reconnut comme siens le chapeau et le pistolet, mais non le poignard[25]. On lui demanda ses conjectures sur le lieu de sa détention, ce qu’il savait des ravisseurs, si, parmi eux, il avait remarqué un borgne. Ses réponses furent et ne pouvaient être que fort vagues. Il estimait n’avoir pas quitté la région de Luzillé, – il était loin de compte ! De ses gardiens, il ne savait rien, les ayant toujours vus masqués ou voilés. Il se rappelait seulement qu’au cours de la chevauchée du 1er vendémiaire, l’un d’eux avait été interpellé par ses compagnons sous le nom de Coclès[26], et, une autre fois, sous celui de Dubois. Cette particularité ne l’avait pas frappé d’abord. Ce qu’on lui disait de la présence d’un borgne parmi les ravisseurs, rapproché de ce que le voile de son gardien était percé d’une seule ouverture, vis-à-vis de l’œil droit[27], la lui remettait en mémoire. Ce nom de Dubois éveilla l’attention. Il existait, à Tours, un sieur Dubois-Papion[28], qui était borgne, mal famé, et connu pour l’un des adversaires politiques les plus violents de Clément de Ris et de ses amis[29]. Le capitaine Folliau parlait de l’arrêter sur-le-champ. Le Préfet estima que le malheur d’être borgne et le tort d’avoir nom Dubois ne constituaient pas des charges suffisantes : il fallait auparavant informer. Il fut sage, car l’enquête ne révéla rien contre Dubois-Papion.

La journée à Beauvais s’acheva dans la joie. À tout moment des gens survenaient pour féliciter le Sénateur, qui, à chaque arrivant présentait, avec force éloges, ses libérateurs. Ici, d’après A. de Beauchamp, survint un incident. Gêné de la fausseté de la situation ; humilié, dans sa fierté, de passer plus longtemps pour un policier, Guillot de La Poterie, « en homme franc et loyal », pria Carlos Sourdat de rétablir la vérité. Celui-ci, à la grande stupéfaction des personnes présentes, révéla la qualité des libérateurs, et Clément de Ris, tirant moralité de l’événement, dit que cette journée serait celle de la réunion des partis. Nous avons peine à croire, au moins sous cette forme, à l’authenticité de l’anecdote. Qu’avant de partir, et en a parte, Sourdat ait fait à Clément de Ris, pour s’assurer sa discrétion, une confidence de ce genre, la chose est possible et conforme aux instructions reçues par lui[30]. L’inspirateur d’A. de Beauchamp la confirme : « Nous lui conseillâmes, dit-il, le silence sur toute cette affaire ! » Mais il ajoute : « À peine fûmes-nous partis que les officiers de gendarmerie, piqués de l’inutilité de leurs recherches, et peut-être aidés par les dispositions de Clément de Ris, tirèrent de lui plus de renseignements qu’ils ne pouvaient même en attendre. » Cette fois, nous nous inscrivons en faux contre l’affirmation. Les renseignements fournis à la Justice émanèrent d’une tout autre source, et le silence fut au contraire si bien, si constamment gardé par Clément de Ris, qu’il a jusqu’à présent pesé lourdement sur sa mémoire. On lui recommanda le silence, comme promis aux brigands, au nom du Ministre, en échange de sa liberté. Dès lors Clément de Ris se crut tenu de ne rien dire, au même titre que si la promesse était venue de lui. Lorsque, plus tard, Fouché manqua à l’engagement pris, le Sénateur y resta fidèle, et on lui reprocha de s’être tu, comme on lui eût sans doute reproché d’avoir parlé, dans le cas contraire.

Ses libérateurs quittèrent Beauvais le soir même.

Le lendemain Clément de Ris écrivait à Fouché :

« Il y a vingt-quatre heures que je suis libre, citoyen Ministre. Les quatre braves que vous aviez chargés de me rechercher m’ont retrouvé hier, à trois heures après minuit, au milieu de la forêt de Loches, au moment où deux de mes bourreaux me traînaient à cheval, je ne sais où. Ils ont attaqué mon escorte, l’ont mise en fuite à coups de pistolet et m’ont ramené sain et sauf. Les premiers rayons du jour d’hier 19 m’ont permis de lire, avec des larmes de reconnaissance, votre lettre du 16. Il est impossible de faire une commission importante avec plus d’activité, de courage et de célérité. Je vais promptement mettre ordre à mes affaires et aller vous porter tous les renseignements que j’ai sur mon arrestation et mes dix-neuf jours d’horrible captivité. Je vous préviens d’avance qu’ils sont de peu d’importance, à cause de la circonstance des yeux bandés. Recevez, citoyen Ministre, l’assurance de ma vive et éternelle gratitude. Salut, fraternité, et reconnaissance éternelle[31]. »

Cette lettre fut insérée au Moniteur du 25 vendémiaire. Un rapport de Fouché au Premier Consul y était joint. Il ne faisait guère que la paraphraser, et concluait : « Les brigands ne m’échapperont pas. Il y a en déjà trois d’arrêtés. Mes mesures sont tellement prises que je suis certain de les tenir avec leurs complices. » S’exalter soi-même, exploiter l’heureuse issue de l’affaire au bénéfice de son crédit personnel, ou la faire exploiter par des journaux à sa dévotion, telle désormais sera la tactique de Fouché. Déjà, dans les Débats du 22 vendémiaire, une note, inspirée par lui, vantait « l’habileté de ce Ministre auquel on ne saurait donner trop d’éloges », et se terminait par cette raillerie, cruelle à Savary : « Le citoyen Savary, aide de camp du Premier Consul, ne soupçonnait pas, non plus que le Préfet, que ce fût aux agents secrets du Ministre qu’ils devaient attribuer l’heureux dénouement de cette affaire. » Renchérissant, le Moniteur, organe officiel du Gouvernement, imprimait à son tour, le 30 vendémiaire : « Le Ministre de la Police a montré autant de sagacité que de zèle. C’est un bel emploi du talent, de la part d’un magistrat, que celui qui a pour but de déjouer les tentatives des brigands, et de sauver les jours d’un citoyen aussi précieux à la République que le Sénateur Clément de Ris. » Dans cet assaut d’hyperboles, quelle était la part de la vérité ? Par quels moyens, par quels intermédiaires Fouché avait-il mis la main sur des gens assez puissants ou assez adroits pour arracher aux brigands leur otage ? Le moment est venu de le dire.


V

Au cours des débats qui s’ouvrirent, en brumaire an X, pour le jugement, le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal spécial d’Angers insinua que l’enlèvement du Sénateur avait été l’acte d’anciens officiers de l’armée de Bourmont, et qu’ils avaient agi par son ordre. Les Débats du 15 brumaire reproduisirent l’imputation. Au nom de son mari, interné depuis le 21 messidor an IX à la citadelle de Besançon[32], et dont elle avait obtenu de partager la captivité, Mme de Bourmont protesta : loin d’avoir été de connivence avec les brigands, Bourmont et Sourdat avaient travaillé efficacement à la délivrance du prisonnier. La protestation fut insérée, mais l’accusation lancée garda ses croyants. On la réédita, grossie de commentaires d’autant plus perfides qu’il était plus difficile à Bourmont de faire entendre sa défense. Il l’essaya pourtant. Du fond de sa prison il rédigea, en fructidor an XI, un mémoire justificatif, sous ce titre : Mémoire sur toutes les accusations dont la voix publique a pu m’instruire, adressé par Bourmont au Grand Juge, Ministre de la Justice, de la citadelle de Besançon, le 15 fructidor an XI.

Cette pièce[33] éclaire d’un jour singulier les circonstances qui ont précédé, accompagné, suivi la libération de Clément de Ris. Il faut y joindre une lettre écrite par Carlos Sourdat, lors des débats, au Président du Tribunal de Maine-et-Loire. Il y expose tout au long son rôle[34], et ses révélations complètent, confirment, ou parfois corrigent les déclarations faites à l’instruction par le fermier Jourgeon et par les époux Lacroix. Avec les Mémoires de Desmarets, ce seront nos principales sources pour cette partie de notre étude.

Devant l’impuissance des autorités locales à découvrir la cachette du Sénateur, Fouché avait pensé que le plus sûr moyen d’obtenir des indications était de s’adresser à ceux qui pouvaient avoir conçu l’idée, ou contribué à la préparation, ou reçu la confidence du coup. Dans sa conviction, celui-ci était l’acte des chouans ; il fallait donc s’adresser aux royalistes. Sa tactique vis-à-vis d’eux était de s’en prendre aux chefs du parti pour les écarts des subalternes. En pareil cas, il avait trouvé aide en Bourmont, un des hommes les plus compromis, mais le mieux informé de la faction royaliste. Il le fit pressentir. Refuser était dangereux ; c’était s’exposer à la prévention de complicité[35]. D’ailleurs Bourmont ne cessait de recommander aux anciens chefs de sa division de prévenir, et, au besoin, de concourir à réprimer les actes de brigandage commis dans leur pays : des gens capables de piller les particuliers et de les voler ne différaient pas à ses yeux des malfaiteurs de grand chemin et déshonoraient le parti. Il se prêta à la requête du Ministre. En échange de ses bons offices, il obtint la mise en liberté de M. de Lion, et la promesse de plusieurs radiations, qui ne furent jamais délivrées[36].

On a prétendu que Fouché avait agi par menaces et l’avait sommé de faire rendre le prisonnier, dont il répondait sur sa tête[37]. « C’est une imposture, écrit Bourmont. Si le Ministre m’avait parlé sur ce ton, je lui en aurais fait sentir vivement l’inconvenance, et je ne me serais mêlé en aucune façon de l’affaire. M. de Luxembourg vint chez moi et me demanda si je connaissais Clément de Ris. ─ Non, répondis-je ; quel est cet homme ? ─ C’est un Sénateur ; il a été enlevé, on ne sait par qui, et emmené près de Loches. Il est l’ami de Sieyès. Le Sénat est en l’air. » Après récit de ce qu’on savait de l’événement, M. de Luxembourg s’enquit « si j’avais des connaissances dans le pays. ─ Peu, répondis-je, mais M. Sourdat y en a beaucoup. Je le prierai d’y aller et de s’informer, au cas où cela ferait plaisir au Ministre ». L’offre fut agréée. Bourmont présenta Sourdat au Ministre qui lui expliqua son désir, observa qu’on ne voyageait pas sans argent, et lui en fit remettre.

Sourdat partit pour Tours, porteur d’instructions de Bourmont à l’adresse de Guillot de La Poterie, « la personne la mieux à portée, par son influence dans le pays, d’arrêter les suites fâcheuses d’un événement pareil ». Sourdat le trouva disposé à le seconder : « Tous les amnistiés déploraient, en effet, le trouble apporté, par l’enlèvement de Clément de Ris, à la tranquillité publique, à laquelle ils étaient résolus de contribuer de tout leur pouvoir. » Guillot de La Poterie s’employa loyalement à faciliter les recherches et y employa ses amis. Toutefois, ils auraient abouti difficilement, si Mme Lacroix n’était venue d’elle-même au-devant de leurs désirs[38].

À l’entendre, elle était dans un cruel embarras. Dans la nuit du 1er au 2 vendémiaire, des gens armés, inconnus d’elle et de son mari, et conduisant un prisonnier qu’ils ne connaissaient pas davantage, s’étaient présentés à La Beaupinaie une heure avant le jour. Ils s’étaient égarés et demandaient asile pour eux et pour leur captif ; en cas de refus, ils le fusilleraient, disaient-ils, et, avec lui, les époux Lacroix. Cédant à leur impérieuse volonté, ceux-ci les avaient menés au Portail et avaient donné ordre au fermier de leur obéir. Le soir, les bandits avaient révélé aux Lacroix le nom et la qualité de leur victime. Dès lors, sauver le prisonnier avait été l’unique pensée des Lacroix. Encore fallait-il attendre une occasion propice, et, jusque-là, dissimuler ; les brigands avaient déclaré que, découverts, ils mettraient à mort Clément de Ris et rendraient sa famille responsable de ce qui leur arriverait de mal. Voilà pourquoi les Lacroix s’étaient tu. Les mesures prises par les autorités de Tours avaient arrêté chez eux une dénonciation dont les conséquences eussent été funestes à celui qu’ils voulaient sauver. Cependant ils ne renonçaient pas à leur projet. Sur le bruit que l’aide de camp du Premier Consul était attendu à Loches, ils y étaient venus. Questionné par eux[39], le Sous-Préfet avait répondu : « Il doit venir, mais il n’est pas encore là. » Que faire ? L’attendre à Loches ? Aller le chercher à Tours ? Se rendre à Paris et tout découvrir directement au Ministre ? Mme Lacroix hésitait, quand elle apprit l’arrivée à Loches d’un agent de ce dernier. C’était Carlos Sourdat. S’adresser à lui était plus simple. Il avait employé naguère une personne de la connaissance de Mme Lacroix. Par cette personne, elle fit passer avis à Sourdat de venir chez elle. Il y fut. Elle le mit dans la confidence des faits qu’on vient de lire, et, sous promesse qu’il ne parlerait jamais d’elle ni de son mari, lui fournit les notes et les renseignements nécessaires pour mener sa mission à bonne fin[40].

Réserves faites sur les réticences de Mme Lacroix en ce qui concerne ses relations avec les ravisseurs et la bienveillance de ses dispositions à l’égard du prisonnier, son embarras n’avait rien d’improbable. En accueillant celui-ci sous son toit, elle avait pu croire à la courte durée ou au provisoire du recel ; elle avait cédé soit à la promesse d’une participation aux profits ; soit au désir d’obliger des amis, défenseurs de la bonne cause ; soit à un sentiment plus tendre : « C’était, dit Desmarets, une assez belle personne, avec qui Gondé était lié. » Les choses traînant, le retard de la rançon prolongeant la détention, les soupçons des autorités circonscrivant de plus en plus les investigations aux abords de La Beaupinaie, la responsabilité encourue par elle et par son mari les inquiéta. Qu’on découvrit le Sénateur chez eux, ils seraient impliqués de complicité dans l’attentat ; les conséquences seraient terribles ; ne valait-il pas mieux prendre les devants, et, par une dénonciation dont la Justice leur tiendrait compte, s’assurer le bénéfice de circonstances atténuantes ? Peut-être même avait-elle agi d’accord avec les brigands, embarrassés et inquiets, eux aussi, depuis qu’ils voyaient l’intérêt pris à l’affaire par le Gouvernement[41].

Toujours est-il que, renseigné par elle, Carlos Sourdat s’aboucha avec Gondé, qui avait servi sous ses ordres[42]. Il revint ensuite à Paris, et, accompagné de Bourmont, alla conférer avec le Ministre : il avait vu « l’homme qui avait dirigé l’entreprise » ; cet homme s’était refusé à indiquer la cachette du prisonnier, mais il avait promis de respecter sa vie jusqu’au retour de Sourdat ; il exigeait, pour rendre le Sénateur, une somme de cinquante à soixante mille francs, et l’assurance que ni lui, ni les siens, ne seraient poursuivis pour cette affaire. Les siens, c’étaient ses cinq compagnons ; il n’avait pas été question de Jourgeon ni de sa femme, ni, semble-t-il, du couple Lacroix. C’était la porte ouverte, par où l’affaire allait, quand même, être introduite devant la Justice.

Le Ministre était disposé à accorder l’impunité. Pour l’argent, il consulta Bourmont, qui fut d’avis de ne rien promettre. Sur son conseil, Fouché manda à Mme Clément de Ris de ne pas verser de rançon. Bourmont, de son côté, écrivit au chef des chouans ravisseurs une lettre « qu’il fit voir à M. de Luxembourg, et que celui-ci trouva très dure[43] ». Sourdat repartit alors pour Blois, où il vit Mme Clément de Ris et Gondé. À la première il dit les recommandations du Ministre ; au second il communiqua les propositions dont il était porteur. Après débat, elles furent acceptées et il revint encore une fois à Paris, où tout fut définitivement arrangé pour que le Sénateur retournât chez lui sain et sauf. Il fallait que tout le monde, surtout le principal intéressé, attribuât la délivrance au hasard seul. La chose n’allait pas sans difficulté. Fouché imagina une combinaison toute à son avantage. « Il désirait[44] que cette délivrance donnât une haute opinion de son adresse à diriger la police. En conséquence, il exigea qu’on fît une farce, qu’on convînt avec les enleveurs de Clément de Ris de le remettre en liberté à l’entrée de la forêt de Loches entre les mains des personnes qui devaient le reconduire chez lui, et sans qu’il pût s’apercevoir du changement de gardes ; qu’arrivé dans l’intérieur de la forêt, on simulerait un combat. Et le Ministre recommanda surtout de faire grand’peur au Sénateur, afin qu’il fût mieux dupe. »

Les choses se passèrent, ou peu s’en faut, comme il avait été décidé. Sourdat réunit ses auxiliaires, se rendit avec eux à Loches pour faire viser les passeports, et ensuite à Loches. On a dit[45] sa rencontre avec le Sous-Préfet. Vers le milieu de la nuit, Robert Couteau et le prétendu Guillot de La Poterie prirent les devants et portèrent les ordres de Gondé à Gaudin, le brigand de garde, qui monta aussitôt à cheval avec le frère de Carlos[46]. Vers une heure du matin, Carlos et Salaberry quittèrent Loches à leur tour et gagnèrent directement la forêt. Arrivés dans un carrefour[47], ils aperçurent le prisonnier, les yeux bandés, en compagnie de Couteau et du véritable Guillot de La Poterie. Ils les suivirent à distance, puis mirent leurs chevaux au galop, et, parvenus près du groupe, tirèrent un coup de pistolet. Carlos demeura près du Sénateur pendant que Couteau, Salaberry et de La Poterie faisaient mine de donner la chasse aux brigands. Peu après ils revenaient, et tous quatre ramenaient Clément de Ris chez lui[48].

Telle fut, – car c’en fut bien une – la comédie de la délivrance. S’ensuit-il que l’enlèvement en ait été une autre, comme le veut Carré de Busserolle ? Il ne paraît pas, nous en avons indiqué les raisons[49], que l’un implique l’autre. En embrouillant les choses de manière à cacher la vérité, Fouché cédait à la nécessité. Il fallait donner le change sur les moyens mis en œuvre et la qualité des intermédiaires requis. Il voulait aussi, par une preuve de son habileté, inspirer au Premier Consul cette confiance, que le Ministre de sa police était son plus sûr gardien contre les tentatives des royalistes.

Au rapport de Sourdat[50], cette comédie n’aurait pas été la seule jouée en la circonstance... Constante en son attitude, attentive à se prémunir contre toute prévention de complicité dans l’enlèvement, Mme Lacroix aurait cherché à laisser aux brigands eux-mêmes l’illusion que l’intervention des libérateurs et la surprise de la forêt de Loches étaient l’effet du hasard[51]. « Je me concertai avec Mme Lacroix, écrit Sourdat, pour donner de l’inquiétude aux brigands et les déterminer à transférer leur prisonnier. Je m’entendis également avec elle pour découvrir le chemin qu’ils prendraient et parvenir ainsi à la délivrance. » Les faits, on l’a vu par le récit qui précède, se passèrent différemment. Sourdat le savait mieux que personne. Mais sa lettre, adressée aux membres du Tribunal, était, en fin de compte, un plaidoyer en faveur des Lacroix. La complaisance s’y montre en plus d’un passage, celui-ci entre autres : « Il s’est répandu le bruit que le citoyen Lacroix était à la tête de ces mêmes brigands. Ce bruit est sans fondement, j’en suis convaincu. Le citoyen Lacroix s’est borné à faire prêter malgré lui, dans sa ferme, un asile qu’il n’aurait pas été prudent de refuser. » Peut-être serait-il tout aussi imprudent d’accepter sans réserve et sans contrôle toutes les assertions de Sourdat. Constatons seulement, pour l’heure, que, si sa déclaration n’épargna pas aux époux Lacroix la rigueur d’une infamante condamnation, elle contribua à sauver leur tête.




  1. Déclaration de Clément de Ris devant le lieutenant Gaultron, qui a signé, ainsi que les gendarmes et le déclarant (19 vendémiaire).
  2. Lettre du 20 vendémiaire. Archives historiques de la Guerre.
  3. Voir la dernière partie du présent chapitre.
  4. Voir page 53.
  5. Dossier d’Angers.
  6. Il avait cinquante ans passés.
  7. Carré de Busserolle, sous réserves, et d’après A. de Beauchamp, dit qu’il préférait les œufs à tout autre aliment, par crainte d’être empoisonné. Crainte peu vraisemblable. Si les brigands eussent voulu se débarrasser de leur victime, ils avaient à leur disposition bien d’autres moyens que le poison.
  8. Ce brigand, haut de 5 pieds ½, était vêtu d’une veste de drap rapiécée au coude, et d’un pantalon enfoncé dans des demi-bottes.
  9. Craignant d’être découverts, lors de la battue des 16-17 vendémiaire, les brigands sommèrent le fermier du Portail de trouver pour le prisonnier une autre cachette. Il les conduisit à une grange isolée, peu loin de Ferrières-sous-Beaulieu, et appartenant à un de ses cousins, nommé, comme lui, Jourgeon. Déposition de Jourgeon à l’instruction.
  10. Grand coffre oblong, où les paysans de Touraine pétrissent le pain et serrent leur manger.
  11. Liébert au Ministre de la Guerre (20 vendémiaire).
  12. Celui de la Pyramide de Montaigu.
  13. Entre le 1er et le 6 brumaire.
  14. Voir page 15, note 1. ─ Selon de Beauchamp, certains des ravisseurs, celui, entre autres, dont il reproduit les confidences, se seraient joints aux libérateurs pour faire la conduite à Clément de Ris : « Nous ne voulions pas que d’autres que nous ramenassent le Sénateur à Beauvais. Il nous présenta l’un après l’autre comme ses libérateurs, mais lui seul en était dupe. »
  15. Page 12 et suivantes.
  16. Sur Carlos Sourdat, voir page 86, note 1. ─ Charles Marie d’Irrumberry Comte de Salaberry (1776-1847) émigré, capitaine de cavalerie à la 8e légion de l’armée du Maine, s’était, dit un rapport de police, « mis dans le parti sans trop savoir pourquoi, et plutôt pour contrarier son père, qui était Jacobin ». Il fut, sous la Restauration, député ultra royaliste. ─ Robert Couteau, lié avec Salaberry, avait été chef du 2e bataillon de la 8e légion de l’armée du Maine. ─ A. Guillot de La Poterie passait pour le meilleur chef de la 8e légion de la dite armée ; c’était un homme très aimé et très estimé à Château-du-Loir, son pays (renseignements tirés des cartons de la Police aux Archives nationales, F7 6229-6230).
  17. Voir page 102.
  18. Correspondance privée de Clément de Ris. ─ François Sourdat (voir page 86, note 1) arrêté après l’attentat de nivôse, auquel il n’avait aucune part non plus qu’aux soulèvements de la Vendée, réclamait en sa faveur l’intervention de Clément de Ris. Le Sénateur apostilla sa demande : « Il est, écrivit-il, père de deux fils qui ont sauvé le Sénateur des mains des brigands. »
  19. Voir page 87. ─ Un rapport de police dit de lui : « Il est plus fou que méchant et n’a jamais trempé dans aucun attentat. »
  20. Originaire de Lannion, ancien officier au régiment de Penthièvre, émigré, ancien combattant aux armées de Condé et de Normandie, courrier royaliste attitré de l’armée de Frotté, il devait, après l’attentat de nivôse, être arrêté (ainsi que Carlos Sourdat et G. de La Poterie) et interné à la citadelle de Besançon, d’où il s’échappa en même temps que Bourmont, dans la nuit du 14 au 15 thermidor an XII.
  21. Archives nationales, F7 6229-6230.
  22. Ce qui donne vraisemblance à la supposition c’est qu’on lit dans la déclaration d’un des libérateurs relative à la délivrance : Nous partîmes cinq ! Le cinquième ne pouvait être Bernard Sourdat, qui attendait les autres au Portail (voir page 111). Quant à l’hypothèse que le faux Guillot aurait été Lacroix, le propriétaire de La Beaupinaie, lequel déclara, à l’instruction, avoir été se concerter à Loches avec les libérateurs, elle ne soutient pas l’examen. Lacroix, qui habitait Loches durant l’hiver et que tout le monde y connaissait, ne pouvait se présenter à la Sous-Préfecture sous un nom d’emprunt (voir page 124 et note 1).
  23. Sur la liste des suspects, dressée par Radet après la délivrance, figure un certain Couteau-Péan, ami de Lemesnager. Était-ce le même ? L’incertitude orthographique des noms propres, le mystère qui a enveloppé cette affaire, l’intérêt de beaucoup à entretenir ou à faire naître des confusions, rendent la lumière très difficile.
  24. Les auteurs de l’enlèvement furent, dit-il, Gondé, Renard, Gaudin, Mauduisson, Canchy, et un cinquième personnage qu’il ne nomme pas.
  25. Voir page 58.
  26. On sait que le fameux Romain, défenseur du pont Sublicius, était borgne.
  27. Voir page 53.
  28. « On l’a vu à Blois le jour de la venue de Mme Clément de Ris ; sa réputation est mauvaise ; il est souvent en carmagnole. » Liste des suspects de Radet.
  29. Voir notre article sur la Cour des Prés dans le numéro des Annales de l’alliance scientifique de février-mars 1908.
  30. Voir la Commission de Fouché, page 103.
  31. A. de Beauchamp et Carré de Busserolle font honneur à Fouché de la paternité de cette lettre, dont le brouillon avait, disent-ils, été apporté par Sourdat. Nous ne nous attarderons pas à discuter cette insinuation, suggérée par l’esprit de parti.
  32. Arrêté le 27 nivôse, il avait été d’abord enfermé au Temple.
  33. Elle figure au dossier Bourmont. Archives nationales, F7 6232.
  34. Contemporaine des faits, cette lettre, – dans laquelle il faut toutefois tenir compte du désir d’atténuer la responsabilité de la femme Lacroix – a, selon nous, une tout autre valeur qu’une lettre du même, dont Carré de Busserolle appuie ses conclusions. Cette seconde lettre, écrite « à un moment où Sourdat n’avait plus rien à craindre de Fouché » c’est-à-dire sur souvenirs, et dont le brouillon, conservé, aurait été, en 1888, recopié par M. de Loverdo, rentre dans la catégorie des arguments invoqués par Crétineau-Joly qui aurait reçu, plus tard, les confidences de Bourmont.
  35. Mémoires de Desmarets.
  36. Mémoire de Bourmont.
  37. Loin d’agir par menaces alors, Fouché procédait avec Bourmont par insinuations enveloppantes. Ils se rencontraient dans les salons royalistes, et une mutuelle bienveillance existait entre eux. Madelin, Fouché, tome I, chapitre 12.
  38. Lettre de Carlos Sourdat (dossier d’Angers).
  39. Nouvelle preuve que l’individu qui avait pris à Loches le nom de Guillot de La Poterie ne pouvait être Lacroix (voir page 116, note 1).
  40. Lettre de Carlos Sourdat, et dépositions des époux Lacroix à l’instruction (18-19 brumaire an IX).
  41. Une note du Grand Juge au Ministre de la Police – postérieure de trois ans aux événements – dit que Gondé, chef de l’enlèvement de Clément de Ris, « ne sachant plus que faire, et craignant le succès des démarches de la Police, vint offrir de le remettre, ce qui eut lieu en effet. On lui promit qu’il ne serait pas recherché pour cette affaire ». Archives nationales.
  42. Gondé était, en outre, connu de Guillot de La Poterie, auquel, en août 1799, il avait rendu visite à Château-du-Loir, et de Bernard Sourdat avec qui il s’était rencontré au Mans en janvier 1800. Archives nationales, F7 6229-6230.
  43. Mémoire de Bourmont.
  44. Ibid.
  45. Voir pages 101-102.
  46. D’après la déposition de Jourgeon, c’est Lacroix qui aurait amené au Portail les libérateurs, dont l’un, « qu’il n’avait pas encore vu, portait un habit bleu, des bottes, un chapeau rond haut de forme. Il montait un cheval noir et était âgé de quarante ans environ ».
  47. Celui de la Pyramide de Montaigu. Voir page 111.
  48. Récit de Salaberry.
  49. Voir le chapitre Ier.
  50. Dossier d’Angers, lettre de Sourdat.
  51. Déposition du 18 brumaire, de Mme Lacroix.