Un mystérieux enlèvement/9

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A. Lefrançois (p. 158-183).

CHAPITRE VII

L’INSTRUCTION ET LES ARRESTATIONS

I. Nouvelles perquisitions : arrestation des fermiers Jourgeon. ─ II. Arrestation de Mme Lacroix. ─ III. Arrestation de Lacroix. ─ IV. Lenteurs de l’instruction : irritation des détenus. ─ V. L’attentat du 3 nivôse ; sa répercussion sur l’Affaire. Transfert des Lacroix à Tours. ─ VI. Arrestation de de Canchy, de de Mauduison et d’Aubereau. ─ VII. État des esprits à Tours ; attitude de Clément de Ris ; institution d’un Tribunal spécial. ─ VIII. Arrestation de Gaudin ; clôture de l’instruction.


I

Sous le coup de fouet de la lettre du Ministre[1], le Préfet d’Indre-et-Loire s’était remis, ou plutôt avait remis ses agents en campagne. Stimulé dans son zèle, il avait stimulé le leur. Coûte que coûte il fallait aboutir ; on y était engagé d’honneur. Le premier point était de retrouver la maison où le Sénateur avait été séquestré. Ses habitants parleraient et leurs indications guideraient vers d’autres recherches. La mission fut confiée au capitaine Folliau qui partit aussitôt.

Huit jours s’écoulèrent, et Fouché perdait encore une fois patience[2] quand la nouvelle arriva que le capitaine avait trouvé[3] ce qu’il cherchait.

Le danger passé, les langues s’étaient déliées. Des habitants de Beaulieu-lès-Loches[4] racontaient, d’après dits et redits, que le prisonnier avait été à La Beaupinaie ; que les chevaux avaient été reçus au Petit-Breuil, commune de Perrusson. Le capitaine visita toutes les maisons d’alentour. Dans l’une, le Portail, il trouva sous un lit le garde-fesse d’une selle de cheval. Le fermier n’en put indiquer la provenance. La maison fut fouillée de fond en comble, et, dans une cour close de murs, sous un hangar encombré de planches, de fagots, de débarras, on découvrit le souterrain décrit par Clément de Ris, et la pierre qui en fermait l’ouverture. Arrêtés, le fermier, sa femme, sa fille, ses fils et deux valets furent conduits à Tours, où leur arrivée dans une petite charrette fit sensation[5].

Le lendemain (3 brumaire) le Directeur du Jury les interrogea[6]. Jourgeon raconta comment, le 2 vendémiaire, vers cinq heures du matin, Lacroix avait amené les brigands, le chirurgien, et « un grand monsieur, vêtu d’un manteau bleu, tête nue, et les yeux bandés d’un mouchoir ». Il avait donné ordre de recevoir ces Messieurs et de descendre le prisonnier dans le souterrain. La femme Jourgeon avait représenté qu’il serait mieux dans leur chambre : « Paix-là, interrompit le chef, il sera bien ici » ; Lacroix ajouta : « Nous sommes les maîtres, et nous voulons qu’on nous obéisse. » Jourgeon énuméra, – on les sait déjà, – les services qu’on avait exigés de lui : la conduite faite à Petit ; son rôle dans la délivrance ; ses gardes dans le souterrain, de conserve avec l’un des brigands ; ses soins pour alléger la rigueur de la réclusion ; son espoir de trouver pour lui chez les Juges autant de compassion qu’il en avait montré pour le prisonnier. Son crime, son seul crime était d’avoir obéi aux ordres de ses maîtres. Ceux-ci venaient de temps à autre, Lacroix, à pied, en chassant ; sa femme, en charrette, apportant des vivres qu’elle préparait elle-même. À chaque voyage ils avaient de longs conciliabules avec le brigand de garde. On lui demanda pourquoi il n’avait pas averti les autorités ? ─ Par ordre de Lacroix, dit-il, et aussi par crainte des menaces de mort des brigands. ─ S’il avait revu ceux-ci ? ─ Il n’en avait revu aucun. Seul Lacroix, au lendemain de la délivrance, était venu s’informer du lieu où l’on avait laissé le prisonnier.

Tous les gens amenés du Portail avec lui confirmèrent sa déposition. Faute de preuves, on relaxa les enfants et la femme, qui, toutefois fut avertie de se tenir à la disposition de la Justice. Les deux valets furent gardés en dépôt, comme ayant l’âge de la réquisition : « Cela permettra, écrivait le Directeur du Jury, de les avoir sous la main en cas de nouvelles charges. » Jourgeon fut retenu « encore qu’il n’eût été qu’un instrument ».

L’affaire passait du domaine de la Police dans celui de la Justice. Il fut alors facile de mesurer la faute commise en ne comprenant pas Jourgeon parmi les personnes placées sous la sauvegarde de l’impunité promise. Sur ses déclarations, des mandats d’amener furent lancés contre Droulin[7], qui n’eut pas de peine à prouver son innocence ; contre Lacroix ; contre la femme Lacroix, dont la complaisance à mettre ses bons offices au service tour à tour des ravisseurs et des libérateurs rendait aux uns comme aux autres la discrétion suspecte. Ils s’en ouvrirent à Fouché : « Que diable ! s’exclama-t-il gouailleur, quand on conspire on n’y met pas une femme[8] ! » On a d’autant plus tort de l’y mettre que la Police, quand elle tient la femme, la fait parler. Fouché, par promesses et cajoleries, allait tirer de Mme  Lacroix des confidences, qui, plus tard, complétées et confirmées par les révélations de Gondé, devaient provoquer l’arrestation de de Canchy, de de Mauduison et de Gaudin.


II

Le mandat d’amener contre Mme  Lacroix avait été signé le 3 brumaire. Le 4, on la surprit à Tours, comme elle montait dans la diligence de Paris. La nouvelle de l’arrestation du fermier avait éveillé en elle des appréhensions. Dans quelle mesure pouvait-elle compter sur les dires de Sourdat ? Arrêtée, que devait-elle faire ? Interrogée, que devait-elle répondre ? Une seule personne était en état de la renseigner, en situation de la sauver, le Ministre de la Police. Il fallait le voir au plus vite ! Le hasard, qui l’avait bien servie jusqu’alors, la servit mal cette fois. Elle fut arrêtée, et, conduite devant le Directeur du Jury, dut s’expliquer sans personne pour lui suggérer son attitude et lui inspirer ses réponses.

Elle ne se démonta pas pour si peu ; elle était femme de ressources. Elle le prit de haut, de questionnée se fit questionneuse, et s’étonna qu’on se fût permis de l’arrêter comme elle se rendait à Paris près du Ministre de la Police. On lui demanda si elle avait un ordre, une invitation à cet effet : « Je n’ai pas à répondre sur ce point, répliqua-t-elle. Menez-moi au Ministre ; sinon, informez-le, et, je vous en requiers, donnez-moi acte de ma déclaration. » On lui en donna acte, et l’on passa à la lecture de la déposition de Jourgeon. Elle nia tout. Elle ignorait que Clément de Ris eût été interné dans sa ferme ; elle ignorait qu’il y eût au Portail un souterrain ; elle n’avait donc pu ni visiter le prisonnier, ni lui porter des vivres. Malgré son assurance et la logique de ses conclusions, on la garda. La déposition si précise de Jourgeon ne permettait pas le doute sur sa complicité. Le Préfet demanda au Ministre ses intentions à son égard, et s’il fallait l’envoyer à Paris[9].

Un nouvel interrogatoire eut lieu, le 11, en présence du fermier. Il maintint ses affirmations ; elle maintint ses dénégations ; elle ne voulait pas répondre aux magistrats de Tours ; qu’on la conduisît devant le Ministre ; là, elle verrait ce qu’elle avait à dire... Le lendemain, l’ordre de transfert arrivait.

Il fut exécuté le 14. Elle partit sous la conduite du capitaine Folliau. En route, ils rencontrèrent de Salaberry, porteur d’une lettre de Fouché, invitant à la traiter avec égards. Ce mot égards surprend, indigne M. Carré de Busserolle. « Fouché aurait eu des égards pour quelqu’un ? Quelle plaisanterie ! Nous allons les voir bientôt les égards qu’il eut pour cette malheureuse femme, victime de ses machinations et d’une tyrannie atroce ! » N’est-ce pas tirer des mots au delà de ce qu’ils contiennent ? Pourquoi voir autre chose ici qu’une invitation à traiter, avec les attentions refusées à un prévenu quelconque, une femme dont les déclarations avaient servi la cause de la délivrance, et pouvaient servir encore les recherches ? La menace et la rigueur sont-elles l’unique ou le meilleur moyen d’arracher des aveux ou de provoquer des confidences[10] ? Depuis quand témoigner des égards à un prévenu implique-t-il complicité avec lui ou trahison envers lui ?

Reçue et interrogée par le Ministre[11] (18 brumaire) Mme  Lacroix renouvela les déclarations faites à Sourdat. Elle reconnut la vérité du récit de Jourgeon. Elle redit sa compassion pour le prisonnier, son constant désir de le sauver. Elle nia avoir eu des relations avec les brigands antérieurement à la séquestration. Si, le 2 vendémiaire, elle avait couru à leur rencontre, c’est qu’à cette heure matinale elle avait cru à une visite de son père : grand avait été son émoi, en découvrant son erreur. Son départ pour Paris le 4 brumaire avait pour unique objet d’apporter au Ministre la nouvelle de l’arrestation du fermier, car il pouvait avoir intérêt à la connaître d’urgence. Tels sont du moins les seuls détails qui aient transpiré de l’entretien.

Le Ministre retint de ces déclarations ce qu’il crut à propos d’en retenir, et, – l’Histoire ne dit pas si ce fut pour mettre Mme  Lacroix à l’abri des questionneurs indiscrets ! – à l’issue de la conférence, signa l’ordre de l’interner au Temple, comme prévenue de complicité avec les brigands qui avaient enlevé Clément de Ris[12]. Le mari n’allait pas tarder à y rejoindre la femme.


III

Noté, sur la liste des suspects dressée par Radet, comme royaliste militant, antérieurement (1793-1794) patriote sanguinaire, et l’un des auteurs ou des complices certains de l’attentat de Beauvais ; signalé, dans une lettre adressée de Tours, le 2 frimaire, au Ministre de la Police[13], comme le voleur présumé du cheval de Dansault[14] ; connu pour être en relations avec des parents de Gondé et avec Gondé lui-même[15] ; sous le coup, depuis le 4 brumaire, d’un mandat d’amener, Lacroix s’était soustrait à toutes les recherches, quand, le 5 frimaire, il fut (on se rappelle en quelles circonstances[16]) arrêté à Paris chez Gondé.

Conduit au dépôt de la Préfecture de Police, il s’appliqua à ne fournir aucun renseignement susceptible d’établir son identité. Il se nommait, dit-il, Claude Armand, âgé de 33 ans, habitant chez des amis dont il ne pouvait révéler le nom, et depuis huit jours à Paris, où il était venu pour se promener. Questionné sur ce qu’il faisait avant la Révolution : « Rien ! » répondit-il. Il pensait aller étudier la médecine à Montpellier, quand, en 1795, il s’était marié. Où ? avec qui ? il ne voulut pas le dire. Employé, jusqu’en l’an V, aux subsistances militaires, il s’était ensuite retiré chez son père, chirurgien de son état. Sa présence chez Gondé s’expliquait d’elle-même ; il était son parent. Sur cette déposition, qu’il refusa de signer, il fut écroué au Temple, sous les noms de Claude Armand.

Ces noms, cet âge, par leur concordance avec les prénoms et l’âge de Lacroix, éveillèrent le flair de Fouché. Il réclama à Tours le signalement de Lacroix, et, sur le registre d’écrou, en marge des noms Claude Armand, écrivit de sa main : Armand est Lacroix, prévenu d’avoir conduit chez son fermier les brigands ravisseurs de Clément de Ris. Ce fut tout. Il ne l’interrogea pas : on le sait par les déclarations mêmes de Lacroix, qui, aux débats, dit avoir donné le nom d’Armand parce qu’on l’interrogeait chez le Préfet de Police ; si on l’eût mené chez le Ministre, qui savait son innocence, il n’eût pas hésité à faire connaître son vrai nom.

On voit que, soit promesses réellement reçues, soit fausse interprétation des paroles de Sourdat, les époux Lacroix se croyaient couverts par la protection du Ministre. Seule, à l’entendre, cette confiance avait amené Lacroix à Paris, où il était venu pour obtenir la mise en liberté de sa femme.


IV

Son arrestation portait à huit le chiffre des prévenus retenus. C’était peu, si l’on observe que, dans le nombre, pas un ne pouvait être inculpé, avec certitude, d’avoir fait partie des ravisseurs. C’était beaucoup, c’était trop au sentiment de certains : « On a fortement crié et soulevé des haines contre moi, écrivait le Directeur du Jury, à cause des mandats que j’ai pu lancer. On m’a même accusé d’avoir voulu faire arrêter une commune entière[17]. » Si excessif que fût le reproche, qu’avait-on recueilli, depuis deux mois, des confrontations multipliées entre les détenus et les témoins ? Contre Cassenac et Monnet, aucun indice. Contre Jourgeon, la preuve qu’il était étranger à l’enlèvement, et la preuve, résultant de ses propres aveux, qu’il avait, par ordre et sous contrainte, prêté concours à la séquestration. Contre Lacroix et Mme  Lacroix, de fortes présomptions, sans plus, car, des révélations faites à Paris par celle-ci les magistrats de Tours ne savaient encore rien. Restaient Leclerc et Lemesnager, au sujet desquels les affirmations étaient, les unes contradictoires, les autres hésitantes.

Seuls Mme  Bruley et Boissy reconnaissaient Leclerc. Mais Boissy reconnaissait tout le monde ! Par contre, deux témoins certifiaient que, le 1er vendémiaire, Leclerc était entré à l’hôpital de Blois et y avait séjourné trois jours. Une femme Rochefort, aubergiste à Sorigny, raconta que, le 6 du même mois, étant descendu chez elle, il s’était enquis si elle connaissait Clément de Ris et lui avait raconté son aventure, ajoutant que le Sénateur avait été enlevé pour avoir acheté des biens d’émigrés et s’être fait dénonciateur sous la Révolution. On vit dans ce propos, simple appréciation des motifs de l’enlèvement, une preuve de complicité, et cela suffit à couper court à tout élargissement.

Lemesnager, de son côté, produisit plusieurs témoins attestant sa présence à Blois ou dans les environs le jour et le lendemain de l’attentat. Le 1er il avait été vu à Chouzy vers huit heures du matin et dans l’après-midi[18] ; le 2 il avait assisté à une revue à Blois[19]. Malgré ces témoignages, on le garda : un habitant de Tours[20] l’avait, disait-il, aperçu dans la rue le 1er vendémiaire ; divers domestiques ou journaliers de Beauvais le reconnaissaient et le désignaient comme le chef des brigands[21] ; qui croire ?

On fit appel à Petit, à Mme  Clément de Ris, à son fils. Le chirurgien répondit ce qu’il avait toujours répondu : il ne pouvait reconnaître ce qu’il n’avait pas vu, et il n’avait pu voir ce que le bandeau lui cachait. Mme  Clément de Ris fit certifier, par médecin, que son état de santé ne lui permettait pas, sans danger, de venir déposer. Paulin Clément de Ris s’en référa à sa déclaration du 2 vendémiaire devant le Juge de paix de Montlouis : il avait dit alors tout ce qu’il savait, et il n’avait, depuis, rien su de plus que ce qu’il avait dit. Bref les choses restèrent en l’état, et l’impression fut que, si l’on tenait des complices, on ne tenait aucun des coupables. Les tiendrait-on jamais ?

Tout concourait à compliquer et à prolonger l’instruction. Aux termes de la loi, la délégation la confiant à Japhet expirait le 14 brumaire. À cette date, un de ses collègues, Roussereau, lui succéda dans les fonctions de Directeur du Jury. Qu’en ces conditions Japhet ait apporté quelque mollesse à amorcer des recherches propres à amasser contre lui colères, haines et rancunes, il n’est pas surprenant. Il ne l’est pas davantage que l’obligation pour son successeur d’étudier le dossier dont il prenait la charge en cours de route ait retardé l’activité des poursuites.

D’autre part, le déplacement du Préfet d’Indreet-Loire avait été décidé. Il eut lieu aux derniers jours de brumaire. Brusquement, brutalement peut-on dire, on notifia à Graham sa nomination à Gand. Son successeur était le Général Pommereul. « L’estimable Graham a pris en sage sa disgrâce, écrit, le 3 frimaire, le citoyen Bruley. Cependant, il n’en est pas moins affecté. Il ne tenait pas à sa place. Mais il n’aime pas la manière dont on le force de la quitter. Nous penserions tous de même. Son successeur est annoncé pour le 6 courant. Comme de raison, tous les vœux et tous les regards seront dirigés vers le soleil levant[22]. »

Une intimité assez étroite existait entre le Général Pommereul et Clément de Ris. On en profita pour insinuer que la disgrâce de l’ancien Préfet était l’œuvre du Sénateur. Insinuation gratuite ; les relations qu’ils conservèrent l’un avec l’autre le montrent. Le 30 pluviôse an X (janvier 1802), Graham, nouvellement marié, invitait le Sénateur et Mme  Clément de Ris à venir passer chez lui quelques jours, en amis « qu’il portait particulièrement dans son cœur[23] ». Vers le même temps, le fils aîné du Sénateur, engagé au 16e dragons, faisant, avec son régiment, séjour à Gand, c’est chez le Préfet que ses parents lui adressaient sa correspondance. On voit quel crédit méritent les imputations auxquelles ce déplacement donna naissance.

La mesure n’en eut pas moins pour effet un nouvel atermoiement, qui irrita justement les détenus. De la maison de Justice de Tours, Leclerc protestait de son innocence auprès du Premier Consul ; il demandait son jugement ; il invoquait l’appui de Clément de Ris.

« J’ai, disait-il, souffert depuis cinq mois tout ce que la misère peut offrir de plus affreux, à la suite d’une accusation, aussi fausse que ridicule, de complicité dans votre enlèvement. La Révolution m’avait déjà frappé si cruellement que j’avais renoncé pour toujours à habiter le territoire français. Jeté par un coup de vent sur les côtes de Flessingues, j’allais dans mon lieu natal chercher quelques titres de famille pour m’établir à Hambourg. Le crime que j’expie, et qui, pour peu que cette affaire[24] eût traîné en longueur, m’eût coûté la vie, est d’avoir traversé ce pays-ci à l’époque des vexations atroces que vous avez endurées. Je suis bien innocent, Monsieur. Je ne sais si vous voudrez bien me rendre justice sur ce point ; mais j’espère qu’après avoir souffert si longtemps pour vous, vos démarches auprès du Premier Consul me rendront définitivement la liberté sitôt que je serai déchargé de l’accusation capitale de complicité dans les brigandages exercés chez vous. Je ne murmure point des fléaux de la Révolution. On doit se résigner aux volontés suprêmes. Mais mes jours sont exempts de crimes et mes malheurs seuls sont de nature à intéresser une âme sensible et délicate comme la vôtre[25]. »

De même Lemesnager adressait lettres sur lettres, requêtes sur requêtes au Premier Consul, au Ministre de la Police, au Sénateur[26]. Il écrivait à ce dernier : « Je suis détenu comme chef de l’attentat commis contre votre personne. Je n’entre dans aucun détail de justification. Vous devez à ma position la célérité dans cette tortueuse affaire. Je viens demander votre confrontation et ma mise en jugement. Si je suis coupable, que la loi m’atteigne ; si je suis innocent, qu’elle m’élargisse. Je n’ai jamais souillé mes jours par une lâcheté[27]. »

Saisi de ces plaintes, accusé de négligence, le nouveau Directeur du Jury se rendait compte que de la même main qui signait les ordres venaient aussi les entraves apportées à leur exécution. Visiblement on tirait l’affaire en longueur. Dans quel but ? Il eût été aussi indiscret de poser la question que périlleux d’avouer ses conjectures. Un événement inattendu allait précipiter le dénouement. On avait tenté d’assassiner le Premier Consul.


V

Chacun sait l’émotion provoquée par cet attentat dans toutes les classes de la société ; l’indignation des uns, la consternation des autres ; la colère de Bonaparte contre le Ministre qui n’avait su ni prévenir le forfait présent, ni découvrir les auteurs de crimes récents, préparation de celui-ci. Il y avait quelque part un nid de conspirateurs : il fallait le trouver, le détruire. De là des perquisitions, des arrestations, qui, dirigées contre les assassins de nivôse, atteignirent par contre-coup plusieurs des coupables de l’attentat de Beauvais. « Jusque-là, dit un de ses adversaires les moins suspects[28], le Ministre de la Police avait paru de bonne foi. » Tout va changer. C’en est fini de la mansuétude. Intéressé à convaincre les chouans d’un crime où beaucoup sont disposés à voir la main des républicains, Fouché laissera poursuivre ceux qu’il a promis d’oublier. S’ils n’ont pas personnellement participé à l’attentat de la rue Nicaise, ils ont eu vent du complot, ils ont été des affidés, les rapports de ses agents en font foi. Trois d’entre eux s’étaient rangés sous sa bannière, on gardera pour eux des ménagements. Les autres ont dédaigné ses offres ; la promesse qui le liait vis-à-vis d’eux ne le lie plus ; à eux de veiller à ne pas se laisser prendre.

Les époux Lacroix furent les premières victimes de ce revirement. Le nouveau Directeur du Jury, Roussereau[29], les avait réclamés : propriétaires du Portail et de La Beaupinaie, ils avaient vu tous les brigands ; ils connaissaient tous les coupables ; d’eux on pouvait espérer les indications que la Justice avait le devoir de chercher et qu’il était urgent d’obtenir, « la punition des grands crimes perdant une partie de son effet, lorsqu’elle ne suit pas de près le délit ». Fouché étant resté sourd à la requête, Roussereau la réitéra le 4 nivôse. Arrivée à Paris en une heure de trouble et de confusion, elle ne reçut pas de réponse. Enfin, le 16, sur appel au Ministre de la Justice, Abrial, et par son intervention, ordre était donné d’expédier à Tours les deux prévenus réclamés.

Ils furent mis en route dès le lendemain. Le voyage s’effectua sans incident jusqu’à Angerville[30]. Là prétextant un besoin à satisfaire, la femme Lacroix s’enferma et écrivit deux billets, qui furent surpris entre les mains de la fille d’auberge : « Me voilà sur la route d’Orléans, disait le premier. Il n’y a plus de doute sur ma destination. Écrivez-moi tout de suite à l’adresse de M. Carlos, défenseur officieux, Grande Rue. » Le second portait : « Lorsque j’ai parti de votre ville, j’ai voyagé au nom du Ministre de la Police. Je reviens au nom de celui de la Justice, pour paraître devant le Juge de paix. Je voudrais bien que vous fussiez prévenu avant mon arrivée. Je ne sais lequel, de moi ou de ma lettre, arriveront les premiers. J’ai un compagnon de voyage[31]. Tâchez de nous voir avant que nous soyons interrogés. »

Quels étaient les destinataires ? Il est évident qu’on s’en est enquis ; probable qu’on les a connus ; certain que leurs noms ont été tenus secrets. Ils ne furent pas prononcés aux débats et ne figurent dans aucune pièce du dossier. Il apparaît, d’après la teneur des billets, que le premier était destiné à l’intermédiaire chargé de remettre le second à Carlos Sourdat, qu’on supposait à Tours. Il était à Paris et y fut arrêté quelques jours plus tard.

Interrogés par le Directeur du Jury, Lacroix et sa femme se renfermèrent dans leurs dénégations premières. Le Commissaire du Gouvernement réclama (5 pluviôse) communication des déclarations que le Ministre avait reçues[32] de Mme  Lacroix. Après un long mois, celui-ci se décida[33] à en envoyer copie, à titre de renseignement : « Ces déclarations, n’ayant pas été reçues par un officier de police judiciaire, n’étaient pas pièce de procédure » ; d’ailleurs « elles n’apportaient aucune révélation importante ». Quand la pièce parvint à Tours, trois nouveaux prévenus, Aubereau, de Canchy et de Mauduison, étaient aux mains de la Justice. Il y avait de fortes présomptions qu’elle tenait cette fois trois des ravisseurs.


VI

Sur les dénonciations de Gondé[34], Fouché avait enjoint, le 16 nivôse, aux Préfets d’Eure-et-Loir et du Calvados, de mettre en arrestation, comme voleurs de diligences, les sieurs de Canchy et de Mauduison, de Nogent-le-Rotrou, et le citoyen Gaudin, de Caen. L’ordre concernant les deux premiers fut exécuté le 1er pluviôse. C’étaient des gens aisés, réputés paisibles, et bien apparentés.

Jean David Charles, comte de Mauduison[35], de Nogent-le-Rotrou, appartenait à une famille, propriétaire, depuis le XVe siècle, du domaine de Préval (Sarthe). Capitaine, à dix-neuf ans, dans l’armée de Bourmont, amnistié à la suite de la capitulation de Bellesme, il vivait d’ordinaire à Préval, où il avait pris domicile pour échapper à la conscription.

Auguste Louis Nicolas de Moustier, marquis de Canchy, âgé de vingt-huit ans, originaire de Chartres, descendait d’une ancienne famille parlementaire de Normandie[36]. Une blessure, causée par une explosion de poudre, l’avait laissé sourd. Marié, depuis quinze mois, à la sœur de de Mauduison, il résidait presque toujours à Nogent-le-Rotrou, chez sa belle-mère, où il payait pension. – Tous deux étaient alliés à Joséphine Tascher de la Pagerie, femme du Premier Consul[37].

Leur surprise parut grande d’apprendre l’imputation dirigée contre eux. Celle de leurs concitoyens et du Préfet d’Eure-et-Loir ne fut pas moindre : « En général, écrivait ce dernier, je crois ces deux jeunes gens très inconsidérés dans leurs propos. Mais je suis loin de les croire coupables des crimes qui leur sont imputés. Le commandant et le Sous-Préfet de Nogent, le chef d’escadron de la Gendarmerie et le lieutenant qui y résident, ont, sur leur compte, la même opinion que moi. J’attends vos ordres pour m’y conformer. » Les ordres furent : « Les maintenir en arrestation. Ces deux jeunes gens sont certainement deux des brigands qui ont arrêté Clément de Ris. » Il n’est plus question d’arrestation de diligences : le Ministre vise, pour retenir les prisonniers, un grief tout nouveau. L’ignorait-il en lançant l’ordre d’arrêt ? Ne nous attardons pas à cette supposition. Croyons plutôt qu’attaché avant tout aux résultats, et sans scrupule sur le choix des moyens, il avait espéré, par cette supercherie, assurer mieux et plus vite l’exécution d’ordres dont l’invraisemblance de l’accusation rendait les suites moins redoutables pour les inculpés.

Internés d’abord à Chartres, ceux-ci furent, le 14 pluviôse, transférés à Tours, avec invitation au Préfet de les retenir en prison au cas où ils seraient acquittés dans l’affaire du Sénateur. De plus en plus la politique pénétrait la Justice.

Interrogés le 19, ils déclarèrent n’avoir connu le motif de leur arrestation que par le libellé de l’écrou ; de Canchy ignorait l’existence de la commune d’Azay-sur-Cher et celle de Clément de Ris lui-même, qu’il ne savait pas avoir été enlevé ; de Mauduison n’était jamais venu en Indre-et-Loire et n’avait appris l’enlèvement que par les gazettes. On les mit en présence des témoins[38]. Huit d’entre eux reconnurent en de Canchy l’homme roux qui avait envahi les appartements avec le chef et brisé les pistolets sur le rebord de la fenêtre ; d’autres l’avaient vu dans les rues de Tours en compagnie de Gaudin et de de Mauduison. Ce dernier fut reconnu par Goupil comme celui qui avait tiré sur lui, par Blondeau, Métayer et Créhelleau, comme celui qui gardait les portes. D’autres furent moins affirmatifs ; la distance où ils étaient ne leur permettait pas de distinguer les traits. D’autres enfin ne reconnaissaient pas. L’ensemble des charges fut néanmoins accablant pour les accusés.

Ceux-ci, pour leur défense, invoquèrent des alibis. Ils en invoquèrent trop. Le même jour (1er vendémiaire) ils avaient, sur les dix heures du matin, acheté du foin à Bonneval[39] ; à trois heures, dîné à Verdes (30 kilomètres de Bonneval), chez le sieur Gosset, maire de la localité[40], et été vus à Troo[41] (environ 80 kilomètres de Bonneval et autant de Verdes), et seraient, de là, rentrés à Nogent-le-Rotrou, où trois témoins[42] affirmaient les avoir vus le lendemain. Ce luxe les perdit. Les témoins, mis en demeure de s’expliquer sur des affirmations si difficiles à concilier, avouèrent que, s’ils étaient certains des faits, ils ne l’étaient pas autant des dates ; ils reportèrent au 2, au 3, et même, plus vaguement encore, aux premiers jours de vendémiaire[43], les faits d’abord portés à la date du 1er. C’était prêter gain de cause à l’accusation : elle ne retint, de tant de témoignages, que leurs contradictions.

Le mandat d’arrêt contre de Mauduison et de Canchy auteurs et complices d’attentat avec menaces de tuer, venait d’être signé à Tours, quand fut arrêté, à Blois, Pierre Aubereau[44], recherché depuis le 18 nivôse. Il prétendit ignorer les causes de son arrestation. On les lui fit connaître. Il nia toute participation à l’enlèvement, qu’il « n’avait connu que comme tout le monde », et s’appliqua à produire un alibi[45]. Deux pistolets furent saisis chez lui. Qui n’a pas deux pistolets ? Les siens étaient une précaution contre les chiens enragés ; rien de plus ! Son passé plaidait mal pour lui : on le garda, et, comme pour les précédents, il fut enjoint, s’il était acquitté du fait de l’enlèvement, de l’écrouer à titre de voleur de diligences. Personnage de moindre marque, son arrestation ne souleva pas l’émotion qu’avait excitée celle de de Canchy et de de Mauduison.


VII

C’est qu’en ceux-ci des royalistes attitrés étaient en cause, et, dès la première heure, les royalistes s’étaient élevés contre l’attribution du crime à des gens de leur parti. Ils avaient plus que protesté ; ils avaient agi. Tout avait été mis en œuvre pour circonvenir certains témoins, arrêter la procédure comme on avait entravé les recherches[46], assurer dans le Tribunal une majorité favorable aux prévenus.

Les républicains s’attendaient à ce que Japhet, au terme de sa délégation à la Direction du Jury, fût appelé aux fonctions de Commissaire du Gouvernement près le Tribunal criminel. On lui préféra le citoyen Douant, suspect de connivence avec les royalistes, choix qui alarma les patriotes et le Préfet lui-même[47]. À quel degré la surexcitation s’éleva, une lettre du citoyen Person, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal civil, le montre : « Quantité de personnes, dit-il, se mêlent de cette affaire et travaillent à arrêter le progrès des preuves. On veut justifier les prévenus. Il paraît qu’on se sert de toutes les voies. J’apprends que mes lettres ont été interceptées entre les mains des personnes de confiance chargées de les mettre à la poste[48]. »

L’attitude équivoque du Sénateur favorisait cette agitation. Invité à se prêter à une confrontation sollicitée par les prisonniers eux-mêmes, ou bien il ne répondait pas, ou bien il s’excusait sur l’état de sa santé. Cette abstention, fort commentée, s’expliquait au début par l’affaissement, physique et moral, qui paralysait sa volonté[49], et aussi par le sentiment que sa déposition serait impuissante à rien modifier. Que dirait-il, sur les faits, que ne contînt sa déclaration du 19 vendémiaire ? Quant aux inculpés ou aux détenus, n’était-il pas, en pure perte, intervenu en faveur de Cassenac et de Monnet[50] ? N’avait-il pas proclamé sa foi en l’innocence de Lemesnager, affirmé son désir que personne ne fût frappé à cause de lui[51] ? Plus tard, l’arrestation de de Canchy et de de Mauduison le jeta en de cruelles perplexités. Il les savait coupables ; il savait aussi qu’on leur avait promis l’oubli. Pouvait-il comparaître sans le dire ? Pouvait-il le dire sans découvrir Fouché, à qui, somme toute, il était redevable de sa liberté ? Abstraction faite de ce problème de conscience, qui servait mieux les accusés, d’une abstention laissant place au doute, ou d’une intervention, qui, affirmant leur participation au crime, ne les sauvait pas et risquait de créer d’autres victimes ? La Justice ne lâcherait pas ceux qu’elle tenait, et assurée, par sa déposition, de leur culpabilité, elle rechercherait les autres et les poursuivrait jusqu’à complète expiation. Finalement, il se retrancha derrière une disposition de la loi du 20 thermidor an IV, qui dispensait les membres des premières autorités de se rendre aux citations les appelant hors des communes où ils exerçaient leur emploi.

Voilà, semble-t-il, où il faut chercher les raisons d’un silence si âprement reproché, et non dans la crainte d’encourir la haine du Ministre « qui l’avait fait enlever de ses foyers[52] », ou dans une poussée d’amour-propre « l’empêchant de raconter la mystification dont il avait été à la fois l’objet, et inconsciemment l’un des meilleurs acteurs[53] ». Sa perplexité, son trouble d’esprit à cette date, sont attestés, à mots plus ou moins couverts, par plusieurs lettres de sa correspondance : « Dieu a permis que tu sois tourmenté, lui écrivait, le 4 ventôse, un de ses parents[54], mais il t’a prouvé combien il veille sur toi. Tâche de ne plus penser à tes peines, et ne t’affecte pas de ce qui peut arriver à ces malheureux. Ils méritent plus de mal qu’il ne leur en arrivera. Tu n’en es pas cause. C’est leur noirceur qui les met entre les mains de la Justice. »

Écho des sentiments de vengeance qui hantaient les cœurs depuis l’attentat contre la vie du Premier Consul, ces lignes expliquent la hâte apportée au vote de la loi établissant des Tribunaux spéciaux pour connaître « des crimes commis sur les grandes routes et dans la campagne par des bandes armées, des attentats dirigés contre les acquéreurs de biens nationaux, et enfin des assassinats tentés contre les chefs du Gouvernement ». Ces Tribunaux se composeraient de six juges, pris, trois parmi les membres des Tribunaux ordinaires, trois parmi les militaires, et de deux adjoints, au choix du Gouvernement, et possédant les qualités requises pour être juges. Ce n’étaient donc pas, comme on l’a dit[55], de véritables commissions militaires : la prépondérance y appartenait, au contraire, à l’élément civil. La sentence était sans appel et immédiatement exécutoire. Il avait été décidé, malgré une assez vive opposition, que la loi pourrait s’appliquer aux prévenus actuellement en détention.

Maître d’établir un Tribunal de ce genre-là où il jugerait utile, le Gouvernement avait estimé que les départements d’Indre-et-Loire et de Maine-et-Loire étaient dans ce cas. La loi avait été votée le 18 pluviôse. Le 19 parut le décret instituant à Tours un Tribunal spécial. Le 7 ventôse, une lettre du Préfet exposait au Ministre de la Police l’opportunité, vu l’esprit du pays et les dispositions du jury, préventivement favorable à un acquittement, de porter l’affaire Clément de Ris devant ce Tribunal. Le 13, le Directeur du Jury déposait des conclusions à cet effet et le Gouvernement donnait suite à la requête. Quelques jours plus tard, et bien qu’il manquât encore un accusé, l’instruction était déclarée close. Neuf mois avaient été nécessaires pour en réunir les éléments. Le 18 prairial, le Tribunal spécial se déclara compétent et ordonna qu’il serait procédé sans délai au jugement sur le fond du procès.


VIII

Un délai se produisit pourtant, par suite de l’arrestation de Gaudin, vainement cherché depuis le mandat d’amener lancé contre lui le 26 nivôse, et le signalant comme voleur de grand chemin, sous le coup d’une condamnation à la peine capitale.

L’état civil de Gaudin est assez difficile à établir avec certitude. On constate, en effet la présence, à l’armée royale du Morbihan, comme chef du 3e bataillon de la Ve légion, d’un certain de la Houssaye, dit Gaudin, chevalier de Saint-Louis. Est-ce le même ? ou exista-t-il deux individus de même nom, dont l’un profita, l’autre souffrit de cette homonymie ? La chose est possible, sans qu’on puisse l’affirmer, le rapport de police[56], qui mentionne le fait, étant assez obscur, comme on va le voir :

« De la Houssaye, de Normandie ; a encore un autre nom, mais je l’ignore. Il est du côté de Cherbourg. Je ne le crois pas noble. Vint d’Angleterre avec M. de Bourmont, fut nommé par lui capitaine de cavalerie, forma une compagnie de vingt à trente hommes qui méritaient mieux le nom de brigands que celui de soldats. Pendant la suspension d’armes, commit plusieurs brigandages, et même, depuis la paix, il arrêta des diligences. Il y eut, à cette époque, une dénonciation du Commissaire du Tribunal criminel de Laval contre lui ; mais, comme il était peu connu, ce fut M. de la Houssaye, dit Gaudin, qui fut arrêté pour lui, mais relâché après cinquante jours de détention, la méprise ayant été reconnue au Mans. C’est un très mauvais sujet. Il peut avoir à présent vingt-huit ans. Je le crois de Normandie. La méprise de nom est malheureuse pour M. de la Houssaye, dit Gaudin ; je vous prie d’y faire attention. »

Quoi qu’il en soit, le 15 prairial, était arrêté à Caen, où il venait d’arriver, le citoyen Étienne Gaudin, dit Monte-au-Ciel, se disant ancien officier vendéen, et dénoncé par Gondé comme un des ravisseurs de Clément de Ris. Il avait un œil couvert d’une taie de taffetas noir, ce qui correspondait au signalement d’un des brigands vus à Tours, à Saint-Avertin, à Véretz et à Beauvais, et à la remarque faite, dans le souterrain, par le Sénateur, que le voile du brigand préposé à sa garde portait ouverture vis-à-vis d’un seul œil. Mis au secret, Gaudin fut d’abord envoyé à Paris, puis dirigé sur Tours. Il y arriva le 21 prairial, et fut aussitôt confronté avec les témoins. Malgré l’affirmation d’habitants de Caen, appelés par lui et déclarant l’avoir vu dans cette ville le 2 vendémiaire, formellement reconnu par Mme  Bruley et par un habitant de Tours, il fut gardé et rangé au nombre des accusés.

Il ne restait plus à ceux-ci qu’à faire choix de leurs avocats, préparer leur défense, et attendre l’heure des débats, dont l’ouverture fut fixée au 26 messidor.



  1. Voir pages 144-145.
  2. Lettre au général Radet.
  3. Le 1er brumaire.
  4. Les sieurs Desroses et Rougé père et fils.
  5. « Ces hommes m’ont paru avoir une bien mauvaise mine », dit un témoin oculaire. Lettre d’André Pain. (Correspondance privée de Clément de Ris.)
  6. Lettre du citoyen Bruère. Ibid.
  7. Père de Mme  Lacroix.
  8. Mémoires d’A. de Beauchamp..
  9. Lettre au Ministre de la Police (4 brumaire).
  10. Nous lisons dans Vandal, à propos de Fouché : « Cet homme qui s’était fait massacreur par opportunisme, qui faisait entrer l’assassinat et le vol par effraction dans les moyens de sa police, n’était cruel et sanguinaire qu’à proportion de ses intérêts. Ses employés appréciaient sa facilité d’humeur, son travail aisé, sa facétieuse bonhomie ; ils admiraient ce Ministre que rien ne déconcertait et qui, dans les moments les plus critiques, avait le mot pour rire. Les prévenus interrogés par lui le préféraient de beaucoup à ses subordonnés : ils le trouvaient causeur, dépourvu de toute morgue, montrant le désir d’arranger leurs affaires ; au lieu d’un questionneur sévère, c’était pour eux presque un ami. » Tome II, page 172.
  11. Cet interrogatoire devait être tenu secret jusqu’au 12 ventôse. Voir plus loin, pages 172-174.
  12. Bulletin d’écrou, en date du 21 brumaire. Archives nationales, AF4 1637.
  13. Lettre du citoyen H. Fontenay (Correspondance privée de Clément de Ris).
  14. Voir page 67.
  15. Lettre du Préfet d’Indre-et-Loire au Ministre de la Police. ─ 9 frimaire.
  16. Voir page 151.
  17. Lettre du 14 brumaire. Archives nationales, F7 6265.
  18. Dépositions de la femme Rouillaud, à qui il avait demandé de la monnaie pour payer le péage, et de la femme Renard qui avait reçu sa visite.
  19. Déposition du commandant Surville.
  20. Déposition du citoyen Voillon, culottier à Tours.
  21. Dépositions d’Anne Tasse, Métayer, Créhelleau, Élisabeth Dansault, Blondeau. – Lemesnager était victime d’une ressemblance avec Gondé.
  22. Correspondance privée de Clément de Ris.
  23. Correspondance privée de Clément de Ris.
  24. La séquestration du Sénateur.
  25. Lettres du 24 nivôse. ─ Correspondance privée de Clément de Ris.
  26. Les 27 brumaire, 4 et 15 nivôse.
  27. Lettre du 8 nivôse. ─ Correspondance privée de Clément de Ris.
  28. A. de Beauchamp. Mémoires inédits.
  29. Voir page 168.
  30. Vingt kilomètres au delà d’Étampes.
  31. Son mari.
  32. Le 18 brumaire. Voir pages 163-164.
  33. Le 12 ventôse.
  34. Voir pages 154-155.
  35. C’est lui qui avait été surpris en visite chez Gondé. ─ Voir pages 152-153.
  36. Un de ses frères avait été tué à Quiberon.
  37. Elle avait été ramenée des Îles en France par un de leurs parents.
  38. Le 23 pluviôse et jours suivants.
  39. Témoignage de Heurtault, aubergiste à Bonneval.
  40. Témoignages de Gosset et des frères Pigneux.
  41. Témoignage de Gourdin, jardinier à Chartres.
  42. Les sieurs Loisé, Gervais, Hoguet.
  43. Compte rendu des audiences du procès d’Angers.
  44. Complice de Gondé en plusieurs attentats (voir page 140).
  45. Il était, dit-il, le 1er vendémiaire, à la campagne, chez le citoyen Bereuil.
  46. Voir, page 61, les déclarations du lieutenant Gaultron.
  47. Lettre du citoyen Bruin. Correspondance privée de Clément de Ris.
  48. Lettre du 5 pluviôse, au Ministre de la Police (Archives nationales).
  49. Voir page 134.
  50. Voir page 136.
  51. Voir page 138.
  52. Crétineau-Joly. Histoire de la Vendée militaire. Voir pages 8-16 ce qui a trait à cette hypothèse.
  53. Hypothèse de Carré de Busserolle. Elle explique le silence du sénateur après la clôture de l’affaire ; elle n’est pas exacte en ce qui concerne son abstention au cours de l’instruction et des débats.
  54. Le citoyen Montardier, ancien Représentant. Même note dans une lettre de Mme  de La Roncière, tante du Sénateur (Correspondance privée).
  55. Carré de Busserolle, page 68.
  56. Rapport d’un agent sur les officiers de l’armée de Bourmont. ─ Archives nationales, F7 6229 et 6230.