Une épopée babylonienne/I.2

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I
ANALYSE DU POÈME
AMITIÉ DE GILGAMÈS ET D’EABANI
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Gilgamès se montre, au premier abord, comme une sorte de héros populaire. Nous le surprenons en pleine vogue. Il est aimé et recherché à l’envi. Tous, hommes et femmes, se sentent portés d’une ardeur folle pour Gilgamès. C’est l’homme à belles fortunes, le premier ancêtre authentique de Don Juan. Issu de la race des dieux, — il semble bien que sa mère ait été Aruru, celle qui créa Eabani, « celle qui sait tout, » — pasteur incontesté d’Uruk, d’ailleurs vigoureux, brillant, sage, tel enfin que nous le représentent les monuments figurés : un type de beauté antique, aux muscles saillants, avec une longue chevelure torse et une barbe soigneusement calamistrée, la tête ceinte de la tiare des prêtres, étreignant de son bras gauche contre sa poitrine un lion ; il profite de tous ces avantages pour opérer de faciles conquêtes. Il fait ravage dans les familles… Aussi les habitants d’Uruk sont-ils dans le plus complet désarroi. Tous, pères, mères, époux, ils supplient ardemment le dieu Anu de délivrer leurs fils, leurs filles, leurs femmes, de tourner ailleurs les pensées du héros, de lui donner quelque grand coup à férir[1].

Le dieu Anu ne resta point sourd à leurs prières. Aussitôt il manda Aruru, la grande déesse, et lui ordonna de procurer à Gilgamès un compagnon, afin qu’il pût entrer en lutte avec lui et se rendre illustre parmi les hommes. Aruru conçut d’abord le modèle du serviteur d’Anu, ensuite, ayant lavé ses mains, elle pétrit de l’argile, l’étendit sur le sol et la façonna. Ainsi fut créé Eabani, le héros illustre, attaché à la personne du dieu Ninib[2].

Il était d’aspect étrange Eabani et de mœurs singulières. Tout son corps était velu ; il portait, à la manière des femmes, la chevelure longue, et retombant sur ses épaules en flots onduleux, comme celle de Nirba, le dieu des moissons ; il était vêtu à la façon de Ner, le dieu des champs. Il broutait l’herbe en compagnie des gazelles, allait à l’abreuvoir de pair avec les bêtes et se plaisait avec les reptiles en ses ébats[3]. Eabani est souvent figuré sur les monuments, à peu près tel que nous le trouvons ici dépeint, comme une espèce de monstre, à la barbe inculte, à la crinière flottante, avec la tête et le buste de l’homme, les cornes, la queue et les pieds du taureau, portant les attributs de la virilité.

Or, Zaïdu, le grand chasseur, s’étant posté à l’affût, plusieurs jours de suite, aux environs de la source, aperçut enfin Eabani. À la vue d’un pareil monstre, Zaïdu recula d’épouvante et rentra chez lui plus mort que vif[4].

Il s’en vint trouver son père pour lui confier sa peine. Il lui conta quelle frayeur fut la sienne, au jour où il se rencontra face à face, inopinément, avec Eabani, ce héros venu des cieux, ce suivant d’Anu, ce monstre étrange, qui erre sur les monts et fraye avec les bêtes… Il se plaignit de ses empiétements. Eabani n’était-il pas venu chasser sur ses terres ! Il avait comblé ses fossés et enlevé ses filets. Même il avait poussé l’audace, jusqu’à lui arracher le gibier des mains. Voici que maintenant, à cause d’Eabani, il ne pourrait seulement plus battre la plaine ![5]

Le père, en cette occurrence, conseilla à son fils Zaïdu de se rendre à Uruk, auprès de Gilgamès, afin de le saisir du délit. Sans doute, Gilgamès, le héros puissant, lui ferait justice et donnerait remède à sa peine[6].

Zaïdu courut donc en toute hâte à Uruk. Là, en présence de Gilgamès, il recommença le récit de son aventure et ses doléances[7].

Gilgamès, ayant écouté attentivement, ordonna dans sa sagesse à Zaïdu[8], d’amener avec lui deux prostituées du temple d’Istar, Harimtu et Samhatu et d’aller, ainsi accompagné, à la rencontre d’Eabani. Que Samhatu se montre seulement, à son approche, dans sa beauté impure de courtisane ! Cela lui paraissait un moyen sûr, de tirer le monstre loin de ses bêtes. Eabani se laisserait séduire infailliblement, car, il est bien fort celui qui résiste à l’amour[9].

Zaïdu, suivant de point en point les ordres de Gilgamès, partit escorté des femmes Harimtu et Samhatu. Au bout de trois jours de marche, ils parvinrent au terme de leur voyage. Un moment, Zaïdu et Harimtu firent halte… S’étant placés ensuite en embuscade aux environs de la source, après deux jours d’attente, ils aperçurent enfin Eabani, l’enfant de la montagne, parmi les gazelles, les bêtes et les reptiles. Dès que Zaïdu le vit s’avancer de loin, au milieu de la plaine, il le montra du doigt à Samhatu…[10].

Ici se place une scène de séduction, dans laquelle, par l’intermédiaire du chasseur Zaïdu, Eabani est mis en présence de Samhatu ; une action, conçue dans le goût antique, avec les trois personnages obligés et traitée avec un réalisme, qui laisse bien loin derrière lui nos modernes licences. Ces anciens avaient l’impudeur de la nature. La situation d’ailleurs, pour être risquée, n’en est pas moins piquante du naïf Eabani en face de Samhatu, savante, elle, aux choses d’amour. L’issue ne pouvait être douteuse. La courtisane, comme bien on le pense, n’eut pas de peine à capter ce rustique. Eabani donna lourdement dans le piège avec cette sottise aveugle des fauves…[11].

Après six jours et sept nuits, quand le charme fut rompu, Eabani revenu à lui-même se ressouvint de son troupeau. Il s’aperçut alors, que les gazelles s’étaient enfuies, que ses bêtes l’avaient quitté. À cette vue, il tomba dans un abattement profond. Tout d’abord, il demeura interdit, bouche béante, comme ahuri par son malheur. Puis il alla s’asseoir aux pieds de Harimtu…[12].

Harimtu, fixant ses yeux dans ses yeux, lui prodigua des consolations. Elle se mit en devoir de le raisonner. Voyons ! pourquoi se lamenter ainsi ? Lui, si beau et semblable à un dieu, n’était point fait pour vivre avec les bêtes. Ne valait-il pas mieux pour lui, venir à Uruk, dans la brillante demeure, dans le sanctuaire d’Anu et d’Istar, là où réside Gilgamès, le héros accompli, fort comme un buffle, dominateur des peuples[13].

Eabani, à mesure qu’il écoutait, se sentait amolli par cette parole de femme. Peu à peu, croissait silencieusement en son cœur le désir d’une amitié tendre. Enfin il est gagné ; sa résolution est prise. Allons ! qu’on appelle Samhatu ; tous ensemble ils iront à Uruk, à la rencontre de Gilgamès. Il veut voir par lui-même, se porter juge de la haute valeur de ce héros dont on dit merveilles[14].

Il semble bien qu’Eabani venait à Uruk, dans l’intention de mettre à l’épreuve la force de Gilgamès, de se mesurer avec lui en un combat singulier [15].

Mais Gilgamès, le favori de Samas, le confident d’Anu, Bel et Ea, avait été averti en songe par les dieux de l’arrivée d’Eabani. Du fond de sa résidence d’Uruk il l’avait entrevu de loin, avant même qu’il quittât ses montagnes. Il était venu raconter ce songe à sa mère. Durant son sommeil une étoile du ciel était tombée sur son dos. On eût dit d’un suivant d’Anu qui fondait sur lui. Toutefois, loin de demeurer abattu sous le coup, il s’était relevé victorieux. Il lui raconta encore un autre songe, qui l’avait fait augurer favorablement de l’issue de sa lutte contre Eabani [16].

Sa mère, « celle qui sait tout, » sans doute la déesse Aruru, expliqua à Gilgamès le sens caché de ces deux songes. En finissant, elle vanta très haut devant son fils, Eabani et lui conseilla de nouer amitié avec lui. Il ne paraît pas, autant qu’il est possible d’en juger, que Gilgamès se rendît de suite à son avis [17].

Sur ces entrefaites, était survenu Eabani. Les deux héros se trouvaient maintenant en présence [18]. Tout d’un coup l’homme primitif était mis en contact avec l’homme civilisé. Qu’allait-il advenir de Caliban entre les mains de Prospero ?

…………………………………

Eabani s’était laissé entraîner aux doucereuses paroles de la courtisane sacrée. Mais après l’avoir attiré dans Uruk, il fallait encore savoir l’y retenir. L’amitié dont se lia Gilgamès avec Eabani, avant d’être consolidée eut à subir maintes traverses.

Peut-être, quelque hostilité couvait-elle au cœur d’une divinité jalouse, contre l’alliance de Gilgamès et d’Eabani. En effet, l’un d’eux eut un songe effrayant. Durant son sommeil, il vit tomber du ciel sur terre un monstre, horrible d’aspect, avec des griffes pareilles aux griffes de l’aigle... [19].

Peut-être aussi, dans sa lutte contre Gilgamès avait-il eu le dessous, et, par là, s’était-il senti cruellement blessé, dans sa vanité de barbare [20].

Enfin, soit qu’il fût le jouet des dieux, soit qu’il fût irrité par la défaite, toujours est-il qu’Eabani n’était pas d’humeur facile. Cet homme si voisin de la nature avait des colères de sauvage. Il fallut l’apprivoiser. Un jour, il entra dans un transport si violent que le dieu Samas, lui-même, dut intervenir et lui faire, pour l’apaiser, les plus brillantes promesses. Il garderait Samhatu ; il serait revêtu tout à la fois des insignes royaux et divins ; il aurait un manteau ample ; en Gilgamès il trouverait un ami, un compagnon. Il serait roi : étendu sur un grand lit, sur un lit de repos, à gauche, à la place d’honneur, les rois de la terre viendraient baiser ses pieds. Il serait dieu : la lutte ayant pris fin, les gens d’Uruk, hommes et femmes, lui rendraient leurs hommages... Tout un rêve d’amour et de gloire, projeté sur le splendide décor d’une vie luxueuse, bien fait pour allumer les convoitises d’un barbare... Une riche tapisserie orientale, savamment étalée aux regards d’un sauvage ébloui... Le rude Eabani encore une fois se laissa prendre. Captivé par la parole de Samas, sa colère tomba comme par enchantement[21].

Gilgamès, à son tour, renchérit sur les promesses du dieu et se porta garant de sa parole. Eabani ne sut plus résister ; il fut désormais conquis[22].

Voici maintenant la traduction du texte que nous venons d’analyser.


IS-ṬU-BAR — GILGAMÈS[23]

PRÉLUDE[24]


[Tab. I.] … celui qui a vu l’abîme[25]. Histoire (?) de Gilgamès.
[Col. I.] ………… il a tout su…………….
……………. et en présence…………….
……… la connaissance de toutes choses,……
5 ce qui est tenu secret il l’a vu et ce qui est caché, …
il apporta la nouvelle de ce qui eut lieu avant le déluge ;
il arriva d’un lointain voyage exténué et. .
………… sur une tablette, tout lieu de repos,
……………..le mur d’Uruk supuri,
10……………..pur, temple (?) brillant,
…………qui, pareil à un métal, ………
……son maléfice, qui ne lâche pas prise, ……
………il réjouit (?) celui qui depuis……
……………………………………
15………… …(il) quitte……………
……………………………………

AMITIÉ DE GILGAMÈS ET D’EABANI

 
[Tab. II.]
[Col. II.] [26]. «………………….
15………………
Gilgamès ne laisse pas la vierge à sa mère,
la fille du guerrier, l’épouse du noble,
Le dieu……. entendit leur plainte,………
dieux du ciel, seigneur d’Uruk, …………  :
20 « Tu as fait de nos fils eux-mêmes les partisans (?) [27].
il est sans rival, ……………………
brillant parmi les bûkki, ……………
Gilgamès ne laisse pas le fils à son père ; jour et nuit, ………
lui, pasteur d’Uruk

, ………………
25 lui, leur pasteur, et ………………
vigoureux, brillant, sage, ………………
Gilgamès ne laisse pas la vierge à sa mère,
la fille du guerrier, l’épouse du noble, …… »
Le dieu ……… entendit leur plainte, ………
30 il dit à Aruru, la grande déesse : « Toi, ô Aruru,
tu as créé ………………………
maintenant, crée son compagnon (?), qu’au jour où il lui plaira,
qu’ils luttent ensemble et qu’Uruk soit témoin, …
La déesse Aruru, ayant entendu cela, conçut en son cœur, l’image du serviteur (?) d’Anu.
La déesse Aruru lava ses mains, et, ayant pétri de l’argile, l’étendit sur le sol.
35………… elle créa Eabani, rejeton illustre, suivant (?) de Ninib.
Tout son corps (était couvert) de poils, sa chevelure (?) était faite comme celle des femmes,
………… de sa chevelure (?) ondulait comme celui du dieu Nirba.
………… il connaissait (?) les hommes et le pays ; il était vêtu comme le dieu Ner.
Il broutait l’herbe en compagnie des gazelles,
40 il allait à l’abreuvoir de pair avec les bêtes,
avec les reptiles des eaux il s’en donnait à cœur joie.
Zaïdu, l’homme destructeur,
vint à sa rencontre dans les environs de la source.
Il y revint un jour, deux jours, trois jours.
45 Enfin, Zaïdu l’ayant aperçu, sa face se contracta,
……et de ses bêtes, il rentra dans sa maison,
………………oppressé il gémit,
………… son cœur, sa face se décomposa,
la douleur (envahit) son âme,
50 son visage devint pareil au lointain……..


[Tab. II.] Zaïdu, ayant ou vert la bouche, parla et dit à son père
[Col. III.] « Mon père, un seul héros qui est venu, ………
devers les cieux, ………………
puissant comme un suivant (?) d’Anu, ………
5 il erre sur les monts, ………………
toujours vivant en compagnie des bêtes, ………
toujours il se tient aux environs de la source ; …
j’ai eu peur, je ne l’ai pas approché ;
il a comblé les fossés que j’avais creusés, ………
10 il a arraché les filets (?) que j’avais tendus,
il m’a soustrait la bête rampante des champs,
il ne m’a pas laissé battre la plaine (?). »
……………… parla et dit à Zaïdu :
………………… Uruk Gilgamès,
15……………… sur lui,
……………… sa vigueur,
……………… devant toi,
……………… la force de l’homme.
Va, Zaïdu, amène avec toi Harimtu et Samhatu,
20………………comme un puissant,
lorsque les bêtes (iront) vers l’abreuvoir,
qu’elle dépouille son vêtement, et, ………sa beauté ;
lui, la verra, l’approchera ;
ainsi, il s’aliénera des bêtes, qui ont grandi à ses côtés [28]. »
25 Sur le conseil de son père, ………………
Zaïdu alla ………………………
il se mit en route pour Uruk, ………………
……… Gilgamès ………………
« Un seul héros qui est venu, …………


30 devers les cieux, ………………………
puissant comme un suivant (?) d’Anu, ………
il erre sur les monts, ………………
toujours vivant en compagnie des bêtes, ………
toujours il se tient aux environs de la source ;
35 j’ai eu peur, je ne l’ai pas approché ;
il a comblé les fossés que j’avais creusés, ………
il a arraché les filets ( ?) que j’avais tendus,
il m’a soustrait la bête rampante des champs,
il ne m’a pas laissé battre la plaine ( ?). »
40 Gilgamès, s’adressant à Zaïdu. lui dit :
« Va, Zaïdu, amène avec toi Harimtu et Samhatu,
lorsque les bêtes (iront) vers l’abreuvoir,
qu’elle dépouille son vêtement, et, ……… sa beauté ;
lui, la verra, l’approchera ;
45 ainsi, il s’aliénera des bêtes, qui ont grandi à ses côtés. »
Zaïdu partit, amenant avec lui Harimtu et Samhatu.
S’étant mis en route, ils allèrent droit leur chemin,
si bien qu’au troisième jour, ils atteignirent l’endroit fixé.
Zaïdu et Harimtu firent halte pour se reposer ;
50 un jour, deux jours, ils se tinrent aux environs de la source.
Lui, allait à l’abreuvoir de pair avec les bêtes,

[Tab. II.] avec les reptiles des eaux il s’en donnait à cœur joie.
[Col. IV.] Et lui, Eabani, était un enfant de la montagne,
il broutait l’herbe en compagnie des gazelles,
il allait à l’abreuvoir de pair avec les bêtes,
5 avec les reptiles des eaux il s’en donnait à cœur joie.
Or, Samhatu aperçut l’homme de volupté (?),
le puissant lutteur, là-bas, au milieu de la plaine.
« Le voici, Samhatu, étale tes grâces,
dévoile tes appas, afin qu’il s’empare de toi ;

10 ne te dévêts point, tout d’abord, empare-toi de lui,
il te verra, t’approchera ;
puis, dépouille tes vêtements pour qu’il t’obombre,
et opère sur lui le charme, œuvre de femme ;
ainsi, il s’aliénera des bêtes, qui ont grandi à ses côtés ;
15 et c’est sur toi, que se répandra son amour. »
Donc, Samhatu étala ses grâces, dévoila ses appas,
alors, lui, s’empara d’elle ;
elle ne se dévêtit point, tout d’abord, elle s’empara de lui,
puis, elle dépouilla ses vêtements, alors, lui, l’obombra,
et elle opéra sur lui le charme, œuvre de femme ;
20 ainsi, ce fut sur elle, qu’il répandit son amour. [29]
Durant six jours et sept nuits, Eabani vint et posséda Samhatu ;
mais, quand il fut soûl de plaisir,
de nouveau, il tourna son visage devers son troupeau.
Eabani vit alors, que les gazelles s’en étaient retournées,
25 que les bêtes des champs s’étaient éloignées de lui.
Et Eabani fut tout défait, son corps demeura en suspens,
ses genoux se roidirent, car, son troupeau s’était enfui.
Eabani défaillit, ……… il ne fut plus aussi prompt à la course (?),
il se fit vieux (?), …………… l’intelligence.

30 Il revint, tout amolli (?), s’asseoir aux pieds de Harimtu.
Harimtu, d’abord, le regarda en face.
Maintenant, Harimtu parlait, lui, écoutait.
Et Harimtu, s’adressant à Eabani, disait :
« Tu es beau, Eabani, tu es semblable à un dieu !
35 Pourquoi t’en retourner avec les bêtes rampantes ?
Viens ! je t’introduirai au sein d’Uruk supuri,
dans la brillante demeure, dans le sanctuaire d’Anu et d’Istar,
là où réside Gilgamès, le héros accompli,
qui, tel qu’un buffle, domine sur les hommes. »
40 Tandis qu’elle discourait, attentif à sa parole,
le sage, lui, sentait germer en son cœur le désir de l’amitié.
Eabani, s’adressant à Harimtu, lui dit :
« Allons ! fais-moi venir Samhatu, (que nous allions)
dans la brillante demeure, dans le temple saint d’Anu et d’Istar,
45 là où réside Gilgamès, le héros accompli,
qui, tel qu’un buffle, domine sur les hommes.
Moi, je le ferai requérir, et, en qualité de juge, je prononcerai.

[Tab. II.] ………… au milieu d’Uruk, moi, un lion (?),
[Col. V.] ………………… il changera le destin,
…… né dans la plaine, il est doué de vigueur,
……………………… en ta présence,
5……………… (ce qui) est, moi je le sais.
……… Eabani ……… Uruk supuri,
... les braves ……………… [……] (ils) ont suspendu (?),
au jour (?) ……… au milieu …… fut célébrée une fête,
là où (?) ……………… un alû,

10………………………… créature,
……………………… de joie,
dans…………… les grands (?) sortirent,
Eabani……………………… la vie.
Il était (bien) vêtu, certes, Gilgamès, l’homme de joie (?) ;
15 je le vis, ……… je contemplai son visage,
………celui qui fut l’honneur de la noblesse, recueillit la honte,
une secousse (?)…………… tout son corps,
il eut sur lui une force redoutable,
ne se reposant pas, ……… qui, jour et nuit,
20 Eabani, change l’objet de ton ressentiment (?),
Gilgamès est le favori de Samas,
Anu, Bel et Ea lui ont élargi l’intelligence [30].
Avant même que tu vinsses de la montagne,
Gilgamès, du sein d’Uruk, t’aperçut en rêve.
25 Or Gilgamès vint, et, s’adressant à sa mère, il lui raconta ce songe :
« Ma mère, j’ai eu un songe, durant mon sommeil :
il y avait une étoile au ciel,
qui, comme un suivant (?) d’Anu, fondait sur moi ;
je l’ai élevé, en sa qualité de juge ( ?), au-dessus de moi ;
30 [………], il n’y en a pas eu au-dessus (?),
le pays d’Uruk s’est maintenu haut et ferme.

[Tab. II.]………………………………
[Col. VI.]……………… tes songes. »
20……………… à sa mère :
«……………… j’ai eu un second songe :
…… une hache a été levée et s’est abattue (?) sur lui,
……………………… a frappé sur lui,
………………………………

sur sa tête,
25 ……………………………… sur son dos,
……………… je l’ai mis à tes pieds,
……… comme une femme, il a dirigé sur lui,
…………… tu l’as placé à côté de moi (?). »
30………… sage et connaissant toutes choses, elle dit à son fils,
………… sage et connaissant toutes choses, elle dit à Gilgamès :
«……………… l’homme que tu as vu,
………comme une femme, tu diriges sur lui,
………… tu ne le places pas à côté de toi (?),
……………… un puissant allié, sauveur de son ami,
35……………………… il est doué de vigueur,
……………………………… redoutable est sa force. »
……………………… il dit à sa mère :
«…………………… grand, qu’il tombe,
……………………………… moi, que j’obtienne,
40……………………………………… moi,
……………………………… ses songes. »
……………………………… dit à Eabani :
«……………………………… tous les deux,
……………………………… sa présence. »
45………………………………………
……………………………… du pays,
………………………………………
…………………………… se confiant en Belit,
………………………………………
50…………………………………… Assur.


[Tab. III.] … de loin qu’il retourne en son chemin, ……
[Col. III.] ……… et que les grands aiment, ………
……………………… son action (?),
……………… dont la pousse est frêle (?),
5……… herbe, cyprès, ton jeune homme [31],
………… de pierre ka, de pierre uknu et d’or,
……………… qu’il retourne, qu’il te donne,
…… son kununu, ses testicules, ses lèvres (?),
… des dieux, que je te fasse entrer en personne.
10 ……… fut abandonnée la mère 7 [32], l’épouse,
……………………… son ventre malade,
……………………… il vit, à lui tout seul,
……………………… son cœur à son ami :
«……… j'ai eu un songe, durant mon sommeil :
15……………… du ciel tombait sur le sol,
……………………… moi, je me tins coi,
……………………… son visage était noir,
son visage était pareil à………………………
…ses griffes étaient comme les grilles de l’aigle (?).
20 ……………… moi-même, il me fortifia,
……………… de la bouche (?) il enlève,
……………………… ayant fondu sur moi,
……………………… sur moi,
………………………………………
………………………………………

[Tab. III.] ………………………………
[Col. IV.] 25 ……………………………… moi,
……………………………… sur moi,
……………………………… sa bouche,
……………………… des

cieux, il lui dit :
» ……………… tu garderas Samhatu ;
30……………… les insignes de la divinité ;
……………… les insignes de la royauté ;
……………………… un grand vêtement ;
……… en Gilgamès, je te procurerai un allié,
……… en Gilgamès, un ami, un compagnon ;
35 je te ferai coucher sur un grand lit,
sur un lit bien fait, je te ferai étendre ;
je te ferai asseoir sur un siège de repos, un siège placé à gauche ;
les rois de la terre baiseront tes pieds ;
il y aura trêve d’armes, je ferai que les habitants d’Uruk t’implorent,
40 que femmes et hommes te comblent d’hommages.
Et moi, à ta suite, je ferai porter les restes (?) de son cadavre ;
……………… au milieu et il s’en est retourné. »
……… Eabani, la parole de Samas, le guerrier,
……………… son cœur courroucé s’apaisa.
45………………………………………
………………………………………

[Tab. III.] « ………………………………
[Col. V.] sur un lit bien fait je te ferai étendre,
je te ferai asseoir sur un siège de repos, un siège placé à gauche,
5 les rois de la terre baiseront tes pieds ;
il y aura trêve d’armes, je ferai que les habitants d’Uruk t’implorent,
que femmes et hommes te comblent d’hommages.
Et moi, à ta suite, je ferai porter les restes (?) de son cadavre ;

je vêtirai le corps ( ?), ……………… »
10 Aux premières lueurs de l’aube, ………………
son lieu ………………………
………………………………………
son…………………………………
………………………………………

[Tab. VI.] ………………………………………
[Col. VI.] ……………………………… moi-même,
……………………………… ton frère (?),
……………………………… a été fait,
5 ……………………………… à mon côté,
……………………………… de ma face,
……………………………… ma plénitude,
……………………………… moi-même,
……………………………… au milieu de la plaine.
10 ………………………………………
………………………………………




Notes[modifier]

  1. Tab. II. Col. II, I. 15-28.
  2. Tab. II. Col. II, l. 29-35.
  3. Tab. II. Col. II, 1. 36-41.
  4. Tab. II. Col. II, I. 42-50.
  5. Tab. II. Col. III, I. 1-12.
  6. Tab. II. Col. III, I. 13-24.
  7. Tab. II. Col. III, I. 25-39.
  8. Si la restitution des l. 19-24 est exacte, Gilgamès aurait simplement accédé, en agissant ainsi, à une demande faite par Zaïdu à l’instigation de son père.
  9. Tab. II. Col. III, l. 40-45.
  10. Tab. II. Col. III, l. 46-51 et Col. IV, l. 1-8.
  11. Tab. II. Col. IV, I. 8-20.
  12. Tab. II. Col. IV, l. 21-30.
  13. Tab. II. Col. IV, l. 31-39.
  14. Tab. II. Col. IV, l. 40-47.
  15. Cette conclusion est tirée de la comparaison de divers passages de cette tablette et de la suivante. V. tab. II. Col. II, l. 32 ; col. IV, l. 47 ; Col. V, l. 1-3, 16, 18 (Cf. le récit des deux songes par Gilgamès et la réponse d’Aruru où nous pour rions relever, outre le sens général, maintes expressions en confirmation de cette vue) et tab. III, Col. IV, l. 39. (Cf. Col. V, l. 6).
  16. Tab. II. Col. V, l. 21-31 (le début delà col. V est tellement fragmentaire qu’on ne saurait hasarder que des conjectures ; nous avons préféré n’en rien dire) et col. VI, l. 20-28.
  17. Tab. II. Col. VI, l. 19 et 29-41.
  18. Tab. II. Col. VI, l. 42-44.
  19. Tab. III. Col. III, l. 12-19. Le début de la col. III est très obscur.
  20. V. plus haut p. 315, note 1.
  21. Tab. III. Col. IV.
  22. Tab. III. Col. V. La col. IV est trop fragmentaire pour qu’on puisse rien en tirer.
  23. Sur le poème de Gilgamès il n’existe, en dehors des essais de traduction encore informes de G. Smith et Fr. Lenormant, qu’une seule étude d’ensemble : Izdubar-Nimrod von Dr. Alfred Jeremias (1891).
  24. Tout ce morceau doit être rapproché d’un passage de la tab. XI. 1. 302-313 auquel il semble faire directement allusion.
  25. Naqba signifie, d’une façon précise, « le creux. » Suivant la
    conception des Chaldéens, la terre était une montagne creuse
    reposant sur l’abîme.
  26. D’après A. Jeremias, le début des col. I et II de cette tablette
    nous aurait été conservé sur un fragment publié dans Isdubar-Nimrod pl. II. De la col. I on ne saurait rien tirer ; sur la col. II
    on lit encore : l. 1, qu’il le place et que le dieu…… l. 2, la statue de son corps……
  27. Le sens de cette ligne est très obscur.
  28. Tout ce passage l. 19-24 a été restitué avec quelque vraisemblance d’après l. 41-45 (dans Haupt : l. 40-44, noire numérotage
    des lignes différant un peu du sien, à cause de celle restitution
    même) sur des indications précises du texte.
  29. Nous avons essayé, d’un bout à l’autre de cette scène, de
    traduire l’image physique par son expression la moins matérielle.
    Ainsi, notre traduction est une sorte de transposition perpétuelle
    du texte. Pour reproduire cette scène dans sa vérité exacte, l’emploi
    du latin eût été de rigueur...
  30. Mot à mot : « son oreille. »
  31. Le sens des mots est clair ; mais leur liaison nous échappe.
  32. Chaque divinité avait son chiffre. Quelle était la divinité
    désignée par le nombre 7 ? Nous ne saurions le dire.




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