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Une Campagne de vingt-et-un ans/Chapitre VII

La bibliothèque libre.
Librairie de l’Éducation Physique (p. 54-64).


vii

TOUS LES SPORTS



Ce qui caractérisa l’année 1891, ce fut, en ce qui concerne l’Union, l’extension indéfinie de son programme. La vélocipédie força la première la porte. Je dis força car son installation parmi nous semblait un peu prématurée et, pour ma part, je ne voyais pas sans quelque inquiétude se compliquer des rouages encore si frêles. Mais le moyen de résister à l’éloquence persuasive de M. Reichel. Il amenait l’Association Vélocipédique d’Amateurs qu’il présidait ; il fallut bien la recevoir, elle et tous les beaux projets conçus par ses dirigeants et dont un bon nombre d’ailleurs se réalisèrent. L’admission de la société de Longue Paume souffrait moins de difficultés. J’aurai à revenir tout à l’heure sur l’entrée à l’Union d’un groupe de sociétés d’aviron, événement qui s’opéra, bien malgré moi, à l’automne de 1891 tandis que se fondaient une société d’escrime, la Jeune Épée et une société interscolaire de tir lesquelles peu après devaient demander à être reconnues. L’Association française de Marche le fut au cours de l’année. Il ne tint pas qu’à moi, du reste, que l’Union n’englobât encore un sport de plus. Si j’étais hostile à l’annexion de l’aviron et un peu méfiant à l’égard de la vélocipédie, toutes mes sympathies allaient à la boxe. J’y voyais l’utile emploi des brèves récréations au lycée et un excellent auxiliaire pour la rapide virilisation de notre jeunesse. Strehly ayant écrit, dans la Revue Athlétique, un article sur ce sujet, je le priai de m’aider à fonder une association interscolaire de boxe dont il assumerait la direction. À ma grande surprise, M. Gréard appuya plus chaleureusement ce projet qu’aucun autre ; il mit une salle du lycée Buffon à la disposition de l’association et en fit répandre les feuilles d’adhésions dans les lycées. La cotisation était des plus modestes. Nous ne doutâmes pas du succès et annonçâmes la réunion inaugurale pour le 19 avril. Mais comme, au bout de trois semaines, il nous était venu trois adhésions, la réalisation du projet dut être ajournée. « Il est trop tôt » me dit Strehly. « Beaucoup trop tôt » confirma un universitaire qui ajouta ; « Les parents ne sont pas encore mûrs pour un sport pareil ! » Ah ! mon Dieu, pauvres parents ! Comme ils mûrissaient lentement.

L’annexion du père Didon compensa pour nous, et bien largement, la faillite de la boxe. Je ne le connaissais pas mais à peine avais-je appris sa nomination comme prieur d’Arcueil que j’avais deviné en lui un appui futur de notre œuvre. J’avais aussitôt été le trouver dans ce cabinet de la rue Saint-Jacques où il recevait une après-midi par semaine. Je lui avais raconté le refus opposé par son prédécesseur à nos invites et le grand désir que nous éprouvions de voir se fonder à Arcueil une association scolaire dont les jeunes champions lutteraient avec ceux des lycées. « Venez la fonder, me répondit le père Didon ; j’en serai ». Le 4 janvier 1891, je m’en étais donc allé faire une conférence aux élèves de l’école Albert le Grand et je leur avais annoncé pour le 13 courant, un rallye. Le rallye eut lieu à la date fixée ; j’emmenai trois élèves pour faire les lièvres avec moi ; le père Didon nous accompagna ; je le vois encore sautant des fondrières au flanc d’un coteau labouré près de Bourg-la-Reine. L’Association athlétique Albert le Grand était fondée ; elle donna ses premiers championnats le 7 mars.

Le premier mois de l’année avait, du reste, été bien employé. Le 8 janvier avait eu lieu, comme l’année précédente, l’assemblée générale du Comité de propagation des exercices physiques tenue à la Sorbonne sous la présidence de M. Jules Simon et, le 18 du même mois, un grand banquet, organisé conjointement par le Comité et l’Union, avait réuni chez Lemardelay soixante-dix convives parmi lesquels le général Parmentier, le père Didon, les proviseurs des Lycées Louis le Grand, Buffon, Lakanal, Janson de Sailly, MM. Hébrard de Villeneuve, Dérué, etc…, ainsi que M. Lepère, le nouveau président de l’Union des Sociétés d’aviron. Jules Simon y avait prononcé un fort beau discours. L’Union prospérait ; le chiffre de ses membres honoraires montait à 106 et huit équipes se présentaient pour le championnat de foot-ball. Enfin elle avait un magnifique local sis 131 rue Montmartre. Jusque-là, le comité sans asile s’était en général réuni chez le président puis chez moi. M. Reichel dont l’ingéniosité égalait le zèle obtint pour elle l’usage gratuit des bureaux d’une affaire dont il était, je crois, liquidateur. La rédaction des Sports Athlétiques s’y installa très au large et nos séances prirent une grande majesté grâce aux chaises curules et au tapis vert autour duquel elles se prolongèrent nocturnement.

Ces progrès n’étaient pas sans inquiéter la Ligue de l’Éducation physique qui commença à nous chercher noise par toutes sortes de moyens. Dès le mois de février, je dus en écrire à M. Marey, le célèbre membre de l’Institut qui était un des vice-présidents de la Ligue dont il s’occupait peu, du reste. J’ai là sa réponse datée de Naples dans laquelle il me dit être intervenu aussitôt et me prie de lui faire savoir si son intervention n’a pas produit d’effet. Jules Marcadet
m. jules marcadet
Secrétaire du Comité de l’U. S. F. S. A.
Non, elle n’en produisit pas beaucoup et l’on continua de nous susciter des ennuis si j’en juge par un billet désolé de M. Heywood, daté du 23 mars et me disant qu’on a expulsé, la veille, ses joueurs de football d’une des pelouses du Bois. Que faire ? Où trouver des terrains ? Perplexité et mécontentement. D’un autre côté, M. Gréard avait pris l’initiative inattendue de convoquer les dirigeants de la Ligue et ceux de l’Union à la Sorbonne avec les proviseurs et chefs d’établissements de Paris. Je me gardai d’assister à la réunion parce que je savais que, sous couleur d’unifier des programmes rivaux, on désirait nous contraindre à une sorte de fusion avec la Ligue. M. Gréard fut ennuyé de mon absence et s’en plaignit aussitôt à Jules Simon qui me pressa de céder : « La paix, grand Dieu ! Quand vous aurez quatre-vingt ans, vous en serez affamé comme moi ». Mais je sentais très bien que nous étions à un tournant dangereux et qu’il fallait, avant tout, conserver son autonomie à l’Union sans quoi elle risquait d’être absorbée, dépouillée, et les résultats déjà obtenus compromis. Je préférais notre aurea mediocrilas doublée d’indépendance à la richesse stérile de la Ligue qui, sur un budget de 14.000 francs, n’avait trouvé que 2.850 francs à appliquer aux jeux scolaires, le reste passant en administration et faux frais ; ce dont M. Paul Champ s’indignait véhémentement. Et puis les clubs maintenant prospères, qu’en fût-il advenu ? La crise se dénoua plus vite et plus facilement que je n’aurais osé l’espérer. M. Gréard m’écrivit le 19 mars (la Louis-Philippe Reichel
m. louis-philippe reichel
Trésorier de l’U. S. F. S. A., président de l’Association Vélocipédique d’Amateurs.
réunion avait eu lieu le 10) : « Cher Monsieur, j’ai vivement regretté que vous n’ayez pu assister à la réunion générale des chefs des différents sports athlétiques. J’avais prié M. Godart de vous rendre compte des décisions prises. Ces décisions n’ont d’ailleurs touché que fort légèrement les arrangements que vous avez arrêtés. Et pour ceux-là même, il a été convenu que les chefs du sport intéressé s’entendraient avec vous. Quant à la question qui doit être délibérée au commencement de l’année scolaire prochaine, elle reste naturellement ouverte et l’assemblée en délibérera (sic) ». Cela voulait dire que le vice-recteur ne renonçait pas à son projet et se bornait à l’ajourner. Pour y parer, les Sports athlétiques du 21 mars publièrent une note spécifiant la nature fondamentale des divergences entre la Ligue et l’Union et indiquant pour quelles raisons une fusion ne pouvait se faire et ne se ferait point. Nous n’entendîmes plus parler par la suite de cette affaire. Par contre M. Jules Simon se fâcha un tantinet de la façon dont ses conseils avaient été écartés. Il voulut démissionner. « Je ne puis en appeler au Conseil, m’écrivit-il le 24 mars. Vous êtes d’ailleurs, je le reconnais, l’association à vous tout seul. Vous l’avez fondée, développée, dirigée. Je vous donne donc ma démission et je vous prie de la transmettre à ces messieurs. Cela ne fait que précipiter les événements car je suis occupé, en ce moment, à me retirer de tout. Je crois que vous avez fait une bonne chose. Je suis bien aise de m’y être associé. Il était naturel que je le fisse ayant été comme ministre un ardent promoteur des exercices physiques et il paraîtra naturel à tout le monde que je continue à m’intéresser à vos succès en spectateur ». Je répondis à M. Jules Simon que je refusais sa démission et ne la transmettrais à personne. Il n’insista pas et ne m’en parla plus. Un pas redoutable se trouvait franchi.

J’ai nommé à l’instant M. Heywood. Professeur au lycée Buffon, grand amateur de sport, M. Heywood fut véritablement, pendant ces années 1891 et 1892, l’âme du football. Son dévouement infatigable, son juvénile entrain, l’empire considérable qu’il exerçait Général Février
le général février
Grand Chancelier de la Légion d’Honneur
Président d’honneur du Stade Français
sur la jeunesse constituèrent pour notre œuvre un de ses meilleurs atouts. En dehors des scolaires, M. Heywood s’intéressait vivement au progrès du Stade Français et j’en étais ravi. Cette vaillante société dont l’esprit sportif me paraissait très supérieur à celui du Racing avait beaucoup de peine à percer franchement et je n’apprendrai rien à personne en disant que le Racing ne l’y aidait guère. La rivalité entre les deux clubs doyens s’exacerbait souvent de façon inquiétante. À la fin de l’année 1890 (sa lettre d’acceptation est datée du 17 octobre), j’avais obtenu du général Février, grand chancelier de la Légion d’honneur qu’il devint président d’honneur du Stade. Mais ce qui importait bien davantage, c’était de lui trouver un terrain. La loi du 31 juillet 1890 avait autorisé la cession du Champ-de-Mars à la ville de Paris.

Celle-ci se proposait de l’aménager et M. Bassinet, alors conseiller municipal du quartier de Vaugirard, avait été chargé du rapport sur les travaux à effectuer. Il concluait à l’établissement de chaque côté de la galerie dite de trente mètres, de deux pistes entourant des pelouses de jeu, puis au delà de « quinconces » pour la paume et le tennis. Il ajoutait que ce projet recevait déjà des sociétés intéressées l’accueil le plus enthousiaste. Seulement, on avait oublié de les consulter sur le détail technique des aménagements. Je demandai une audience à M. Alphand qui me montra les plans, prit note de mes observations et me promit qu’une commission composée des représentants des diverses sociétés intéressées aurait à donner son avis définitif. Effectivement, la commission fut constituée ultérieurement ; elle se réunit une fois et s’évanouit en bonne commission officielle qu’elle était et, quand les terrains du Champ-de-Mars furent enfin livrés à la jeunesse, on s’aperçut qu’ils étaient amèrement défectueux. On les utilisa néanmoins pendant quelques années pour jouer au foot-ball ; les écoles primaires où la rage du sport succéda un moment à celle de l’exercice militaire, les disputèrent d’ailleurs âprement aux lycéens. Ils disparurent avec les premiers préparatifs de l’exposition de 1900. J’avais toujours eu l’espoir d’obtenir là une concession permanente pour le Stade mais mes efforts ne devaient aboutir qu’à lui ménager des droits intermittents et insuffisants.

Le 25 mars, l’Union fit sa visite annuelle à l’Élysée ; je priai cette fois M. le général Lewal et M. Heywood d’y venir avec moi. Le président Carnot nous accueillit avec sa bienveillance coutumière et promit, sur nos instances, de venir au Bois de Boulogne, non plus officiellement cette fois mais « en simple promeneur ». Je dois confesser ici la petite gaminerie dont je me rendis coupable en cette occasion. Le jeudi 12 avril, l’association du lycée Michelet donnait ses championnats sur le terrain du Racing-Club. Les élèves m’écrivirent une dépêche ce matin-là, très indignés d’apprendre que leur proviseur n’assisterait pas à la fête. Je courus à l’Élysée et, par l’entremise d’un officier d’ordonnance, je rappelai au Président sa promesse, suggérant que nulle occasion n’était meilleure pour la remplir que celle des championnats de Michelet. M. Carnot me fit répondre qu’il viendrait très probablement mais qu’il ne voulait pas que personne le sut. Effectivement il arriva vers trois heures, passa une heure au milieu de nous et nous quitta, chaudement acclamé par une assistance enthousiaste. Qui fut bien ennuyé le soir d’apprendre ce qu’il avait manqué ?

Ce fut le proviseur. Je lui demande mille pardons de lui avoir joué ce tour d’autant que c’était un bien aimable homme qui fut, en somme, très dévoué à l’Union et fit même partie de son conseil. Mais mes actions avaient un peu baissé dans l’Université depuis la réunion du 10 mars à la Sorbonne : ce simple petit fait leur assura une hausse immédiate.

Le 4 juin eurent lieu les régates scolaires organisées cette fois, sur délégation du Comité de propagation des exercices physiques, par la Société de Sport de l’Île de Puteaux avec le concours des Sociétés nautiques parisiennes. Elles furent très belles. M. de
La réunion de Michelet

la réunion de michelet, au racing-club (mars 1891)
M. de Lafreté, M. Godart, M. F. Reichel
M. de Coubertin, M. Carnot et M. L-P. Reichel.
Janzé avait bien fait les choses selon son habitude. Le chalet et le garage de la société étaient pavoisés. Les yachts de MM. Lebaudy, Gordon-Benett et Menier portaient les invités. Dans l’île, la musique du 82e de ligne jouait entre les courses. Le temps était radieux et le spectacle vraiment enchanteur. Le 4 juillet ce fut, au Racing-Club, la grande réunion internationale en l’honneur de l’équipe du Manhattan Athletic-Club de New-York. C’est M. L.-H. Sandford, un des plus dévoués et des plus persévérants parmi nos collègues du Comité de l’Union qui avait, se trouvant en Amérique quelques mois plus tôt, jeté les bases de ce voyage. Les athlètes transatlantiques qui se rendaient en Angleterre acceptèrent volontiers de venir à Paris. Mais comment les recevoir ? Le Racing-Club m’avait prié d’assister à la réunion de son comité tenue le 13 mai et de faire partie avec MM. de Pallissaux et Champ de la commission chargée d’organiser la réunion. Une belle tâche, en vérité ! Il fallait construire des tribunes, enclore, prévoir mille frais. Je ne possède pas les comptes de cette réunion mais je me souviens d’être intervenu auprès d’un certain nombre de mes amis pour les prier de constituer un fonds de garantie ; ne devait-on pas prévoir le mauvais temps ? Les parts étaient de 50 francs. J’en pris moi-même et en plaçai le plus que je pus. Belloir était trop cher ; je cherchai un sous-Belloir et le trouvai hors Paris ; il fit à bon marché une clôture et des estrades convenables. Le plus difficile, chose étrange, fut d’avoir le ministre des États-Unis pour présider la réunion. J’avais diné chez lui peu de temps avant et il m’avait fallu beaucoup d’arguments et d’insistance pour le convaincre. Un président, des tribunes et de l’argent, telle fut ma part dans la préparation de cette fête audacieuse. Palissaux se chargea de toute la partie technique. Finalement tout alla à souhait. Le soleil vint et avec lui la foule et avec la foule, les entrées payantes. M. Whitelaw Reid vint aussi encadré entre la fille et la belle-fille du président des États-Unis. Les membres de l’équipe avaient été un peu ahuris en se trouvant, le jour de leur arrivée, en présence du très modeste petit cabanon à deux fenêtres qui constituait alors le « chalet » du Racing. Je vois encore la grimace comique que m’adressa Palissaux qui les amenait avec moi depuis la gare. Évidemment le contraste était un peu saisissant avec les splendeurs du Manhattan ! Mais quand les drapeaux flottèrent au vent et qu’une élégante assistance eut empli le cadre ensoleillé, ils se dirent enchantés et nous nous séparâmes, après quatre jours, les meilleurs amis du monde.

Le lendemain de ce jour mémorable, le dimanche 5 juillet, se tint à l’École des Sciences politiques la deuxième assemblée générale de l’Union. Elle nous donna un président qui fut le vicomte Léon de Janzé. Depuis l’automne, M. de Saint-Clair, obligé par le souci que lui causait la santé de Madame de Saint-Clair de résider dans le midi n’avait pas reparu parm nous. Il semblait croire que cette situation pouvait se prolonger indéfiniment. Mais j’y voyais de nombreux inconvénients, surtout au moment où se menait au Racing-Club contre Saint-Clair la plus véhémente et la plus injuste des campagnes. Il s’était pendant quelque temps chargé de la trésorerie de cette société en plus du secrétariat général et les comptes, paraît-il, avaient été laissés dans un grand désordre. D’où les pires accusations lancées contre lui et des menaces d’enquête et de radiation. D’autre part, je ne voulais à aucun prix de la présidence à laquelle me poussaient un certain nombre de mes collègues. Je sentais mon action beaucoup plus puissante comme secrétaire général et je désirais la continuation du triumvirat formé par MM. Reichel, Marcadet et moi. M. Reichel était infatigable dans ses initiatives et son entrain ; il nous faisait en même temps de bonnes finances par son excellente comptabilité. Marcadet personnifiait le dévouement sous la forme la plus méritoire, celle qui se renouvelle à petites doses tous les jours de l’année. À chacune de nos réunions, c’était lui qui publiait les avis, recevait les engagements, les classait, veillait à tous les petits détails dont l’oubli eût enlevé à l’Union ces apparences d’ordre, d’exactitude et de minutie qui faisaient, aux yeux des scolaires, son mérite et une bonne part de son prestige. On ne dira jamais assez tout ce que l’Union doit à Marcadet.

Pour les motifs que je viens d’exposer, je m’étais décidé depuis quelque temps déjà à faire élire M. de Janzé. Cela ne fut pas très commode. Certains groupes trouvaient que l’Union s’aristocratisait par trop. M. de Janzé, par ailleurs, ne manifestait pas beaucoup d’enthousiasme. Il acquiesça par dévouement à une œuvre qui avait toutes ses sympathies. De caractère fier, un peu hautain, Léon de Janzé dominait absolument son milieu par ses grandes qualités de sang froid, de persévérance et de lucidité d’esprit. Partageant son existence active entre la Société de Sport de l’Île de Puteaux : qui était entièrement son œuvre et le canton de Neufchâtel qu’il représentait — et représente encore — au conseil général de la Seine-Inférieure, il n’était pas ambitieux et n’aimait guère les palabres. Du reste, de par la constitution établie en 1890, le Conseil où siégeaient aussi les représentants des membres honoraires était distinct du Comité composé des seuls délégués des sociétés affiliées. M. de Janzé n’étant pas délégué, ne pouvait présider le Comité. Cette tâche échut au nouveau président du Racing-Club, M. Michel Gondinet dont l’habileté, le tact et la prudence s’employèrent fort utilement dans cette tâche délicate. Veut-on savoir comment fonctionnait ce mécanisme d’aspect un peu compliqué ? Ouvrons les Sports Athlétiques du 24 octobre 1891. Nous y voyons que le Comité de l’Union s’est réuni le samedi soir, 17 octobre, au siège de l’Union, rue Montmartre, qu’il a reconnu de nouvelles sociétés, décidé la création d’un championnat de football interclubs, arrêté le programme des M. Gréard
m. gréard
de l’Académie Francaise
Vice-recteur de l’Université de Paris
réunions de 1891-1892 et estimé à 6.000 francs le montant des crédits nécessaires pour l’exécution de ce programme. Le lendemain matin, 18 octobre, le Conseil de l’Union s’est réuni à l’École des Sciences politiques sous la présidence de M. de Janzé. Il a examiné à son tour le programme arrêté par le Comité, l’a approuvé et a voté le crédit de 6.000 francs demandé. Enfin, il a reçu de nouveaux membres honoraires et enregistré l’acquiescement de Mgr le grand-duc Wladimir à sa nomination de membre d’honneur. Les membres du Conseil étaient alors MM. de Janzé, Reichel, Dalimier, proviseur du lycée Michelet, Fringnet, proviseur du lycée Lakanal, Godart, directeur de l’École Monge, le marquis de Jaucourt, le docteur Lagrange, Ed. Manœuvrier, le comte Jacques de Pourtalès et Richefeu, auxquels s’adjoignaient les membres du Comité délégués par les sociétés affiliées. C’étaient MM. Gondinet, Marcadet, Champ, Heywood, Jung, Lantz, de Pallissaux, Périllier, Saint-Chaffray, Vannacque, Waroquet et moi.

À cette séance du 17 octobre que je viens de rappeler, fut votée une médaille commémorative à offrir à M. de Saint-Clair en reconnaissance des services rendus par lui à l’Union. Quels efforts pour obtenir ce vote ! Au Racing, l’animosité dépassait toutes bornes et je tremblais de voir le projet de radiation de notre ancien président prendre corps, mesure inique car j’étais bien sûr qu’il n’avait point fait tort sciemment d’un centime à son club. On le reconnut plus tard.

Pendant l’été, un membre du Stade Français, un dévoué aussi celui-là — Georges Gaulard, fonda à Saint-Valery, le premier de L. H. Sandford
m. l. h. sandford
Membre du Conseil de l’U. S. F. S. A.
ces « clubs de vacances » qui entretinrent si utilement l’émulation et la camaraderie unionistes d’une saison sportive à l’autre. À mentionner enfin quelques réunions en province. À Orléans, le 24 mai, à Béthune, le 16 juin, j’étais allé porter la bonne parole et assister à des concours très bien organisés. À Orléans, plusieurs ligues avaient envoyé des délégations ; la fête réunissait l’inspecteur d’Académie et le préfet du Loiret. À Béthune, où je m’arrêtai en revenant de faire une conférence aux étudiants de Lille, le principal, M. Siomboing, avait su développer admirablement le goût des exercices physiques parmi ses élèves. Peu à peu, le mouvement gagnait en étendue et en intensité et surtout la confiance de l’Université — effarouchée par les procédés de la Ligue — nous revenait.