Une muse et sa mère/3

La bibliothèque libre.
Éditions Émile-Paul frères (p. 102-127).
◄  II
IV  ►


III


La maison de banque de Sigismond Gay à Aix la-Chapelle lui reste. Il garde toujours la maison d’habitation de la rue des Mathurins où sa femme passe l’hiver. C’est là que, le 20 septembre 1813, Joseph de Canclaux, consul de Sa Majesté l’Empereur à Nice (États sardes), vient chercher, pour la mener à l’autel, la fille aînée de Sophie Gay, Aglaé Liottier. Les cinq sœurs se marieront, suivant la règle d’autrefois, par ordre de primogéniture. Le père de Joseph de Canclaux est propriétaire à Estagel, dans les Pyrénées-Orientales ; son oncle est le général de division J.-B.-C. de Canclaux, membre du Sénat conservateur, grand officier de la Légion d’honneur, comte de l’Empire, alors âgé de soixante-treize ans. La cérémonie est brillante et les témoins retentissants : outre le général de Canclaux, ils s’appellent pour le marié André de Malzar, ancien officier de cavalerie, Antoine-Xavier Froidefont de Bellisle, auditeur au Conseil d’État, qui va devenir un familier de la maison Gay, et Rémond Rivals, receveur général du département de l’Aude ; pour la mariée, rien moins que Son Excellence Mgr le comte Regnault de Saint-Jean d’Angély, ministre d’État et conseiller d’État, président de la section de l’Intérieur, grand procureur général de Sa Majesté près de sa Haute Cour, secrétaire d’État de la famille impériale, grand officier de la Légion d’honneur, etc., et Louis-Gustave Doulcet de Pontécoulant, sénateur, comte de l’Empire, commandeur de la Légion d’honneur.

Dix jours plus tard, un premier convoi de prisonniers autrichiens défile à Aix-la-Chapelle, où Marie-Louise avait passé, au début d’août, sous les derniers arcs de triomphe qu’on y éleva pour l’Empire. La guerre se rapproche. Pendant l’hiver, Gay reste à son poste ; il ne communique plus que difficilement avec sa femme. Elle a envoyé sa seconde fille à Montreuil-sur-Mer, dans la famille Enlart, et lui écrit, le 14 mars 1814, une lettre où l’on saisit sur le vif plusieurs traits de la psychologie parisienne à la veille de l’occupation étrangère, l’atmosphère de fausses nouvelles mêlées aux vraies, les alternatives d’espoir et de découragement, et, quant aux plaisirs, la ferme volonté de n’en pas perdre une bouchée.

« Puisque l’on est tranquille à Montreuil, tu fais bien d’y rester, car notre sort est bien incertain dans la grande ville. Cependant nous avons de fortes raisons d’espérer que l’ennemi n’y viendra pas. L’empereur emporte chaque jour des avantages qui affaiblissent l’armée alliée, et remontent le courage des citadins. Paris est décidé à se bien défendre, et l’on assure que les ennemis sont très effrayés de cette détermination, qui les empêchera probablement de tenter le siège, à moins d’avoir remporté une victoire décisive sur nous. Un événement fort triste pour l’armée et pour mes amis, c’est la blessure du général Grouchy. Il a la cuisse cassée par un biscaïen ; on espère lui conserver la jambe, mais il est hors de service pour plus de trois mois, et comme il commande toute la cavalerie, c’est une perte irréparable. L’empereur la sent vivement. Gustave est aussi de retour avec une blessure au pied, mais peu dangereuse ; il s’est couvert de gloire dans les dernières affaires, et a acquis un grade sur le champ de bataille. Sa mère en est bien heureuse. C’est elle qui doit donner l’hospitalité à toute ma famille si Paris est menacé… J’ai des nouvelles indirectes de ton ami (ainsi désigne-t-elle son mari pour ses filles du premier lit). Je sais qu’il est tranquille et son pays gouverné assez paisiblement. Au milieu de tous nos désastres les Parisiens vont à la comédie comme [dans] les plus beaux jours de la monarchie. La Joconde a du succès, et toute la salle de la Comédie-Française est louée ce soir pour voir la pièce de M. Arnaud. Comme on m’a fait cadeau d’une loge, j’y mène ta sœur, c’est toujours autant de pris sur l’ennemi[1]. »

Lorsque les Cosaques campent à Paris, Sophie Gay n’en peut supporter la vue, et se calfeutre chez elle, où ses amis lui apportent les nouvelles et la tiennent au courant de ce qui se passe dans les salons les plus à la mode[2].

Elle a écrit son premier roman à une époque où son mari ne jouissait pas de la situation brillante qu’il eut depuis. Elle se contente de petits vers pendant la période dorée de la recette générale, vers légers à la manière du chevalier de Boufflers ; il en paraît dans l’élégant Chansonnier dédié aux dames pour l’année 1814, un coquet petit volume orné de fines gravures d’après des dessins de Sébastien Leroy, relié en moire violette dont les ornements dorés sont du plus pur style empire, le tout dans un boîtier de même. Ceux-ci sont tout à fait typiques : des Couplets sur l’absence, que l’on chante sur l’air : « J’ai vu partout dans mes voyages » :

    Toujours on médit de l’absence,
    Moi j’en veux dire un peu de bien ;
    C’est elle qui de la constance
    Est le véritable soutien.
    Dans l’absence l’amant ignore
    S’il est trahi par ses rivaux,
    Et loin de l’objet qu’il adore,
    Il n’aperçoit plus ses défauts.

    À quinze ans Linval sut me plaire,
    Je lui jurai constant amour ;
    Linval, jaloux par caractère,
    Ne me quittait pas un seul jour ;
    Bientôt souffrant de sa présence
    L’ennui vint rompre mon serment ;
    Ah ! s’il eût fait la moindre absence,
    Il serait encor mon amant.

    Survint après le beau Ménandre,
    Perfide, indiscret et léger ;
    À tant d’attraits il faut se rendre,
    Et sans peine il sut m’engager :
    Iris lui promit sa tendresse,
    Pour ses beaux yeux il me trahit :
    J’allais en mourir de tristesse…
    Un mois d’absence me guérit.

    L’objet de ma flamme nouvelle
    Depuis longtemps est loin de moi.
    Je vais le retrouver fidèle
    Et saurai lui garder ma foi ;
    Mon cœur ému jouit d’avance
    De tous les plaisirs de l’amour,
    Puis-je médire de l’absence ?
    C’est elle qui fait le retour.

Ce n’est encore signé que « Madame Sophie G… ». Mais elle a jugé l’heure venue de reprendre sa plume de romancière ; l’année précédente, au mois d’avril, elle a publié sous les initiales S. G. un nouveau roman, Léonie de Montbreuse. Sainte-Beuve s’est arrêté à ce « roman gracieux, où il n’entre rien que de choisi, et où elle a semé de fines observations de société et de cœur ». Elle l’écrivit à l’intention de sa fille aînée Aglaé, pour l’inciter à ne pas se marier sans son aveu, et inscrivit cette dédicace sur l’exemplaire qu’elle lui donna le 20 septembre 1813, le jour même où Aglaé épousait Joseph de Canclaux :

À ma fille Aglaé.

    
    Comme un doux souvenir accepte cet ouvrage ;
    Tu sais que pour toi seule il fut imaginé ;
    Alors que du malheur nous ressentions l’outrage,
        À te distraire il était destiné.

    Parfois de ses chagrins tu plaignais Léonie
    Et, sans les imiter, tu riais de ses torts ;
    Plus sage en tes projets, sans ruses, sans efforts,
    Tu m’as laissé le soin du bonheur de ta vie.
    Le choix de cet époux qui devait te chérir
    À ma tendresse fut confié par toi-même ;
    Je le vois t’adorer presqu’autant que je t’aime.
    Et ce que j’ai rêvé, tu viens de l’accomplir[3].

En 1815, elle publie Anatole, à coup sûr un des meilleurs romans parus à cette époque, d’ailleurs inféconde à ce point de vue. Il reçoit le meilleur accueil. Une amie de Gœthe informe Sigismond Gay que le dieu de Weimar place les romans de Sophie Gay sur les rayons de sa bibliothèque, et regarde celui-ci « comme l’ouvrage le mieux écrit et le plus rempli d’idées fines, spirituelles, d’appréciations profondes, de connaissance du cœur humain qui ait été imprimé depuis vingt-cinq ans ». Des visiteurs le verront à Coppet, dans la bibliothèque de Mme de Staël, où, par une singulière rencontre, il voisine avec les ouvrages de Mme de Genlis[4].

On composerait aisément un florilège d’observations mondaines et de pensées curieuses en cueillant, deci delà, une phrase dans les pages de ce livre : « L’amour-propre rend plus souvent injurieux qu’injuste. — Le plus grand malheur d’une femme n’est pas de succomber au sentiment qu’elle a éprouvé, mais au caprice qu’elle inspire. — Je vous demande pour ma franchise la même indulgence que l’on accorde ordinairement à la dissimulation. Mme de Saverny ne savait pas combien le silence d’une seule personne peut gâter un succès. — Si parfois l’amour rend fous les gens d’esprit, l’amour-propre les rend souvent imbéciles ». Dans l’ordre littéraire : « Pour un grand nombre de gens, le jugement qu’on doit porter sur un ouvrage est tout entier dans le nom de l’auteur. » Au point de vue féministe : « Les succès littéraires des femmes ne peuvent être disputés que par des hommes médiocres », pensée ambiguë, qui suggère une habileté tactique aux femmes de lettres. Au point de vue social, l’auteur a la perspicacité de discerner que, chez ses contemporains, la préoccupation de sacrifier l’individu à la famille n’est déjà plus dans les idées courantes, observation dont l’importance se vérifie de nos jours, puisqu’elle est à la base du mouvement de dépopulation qui inquiète tant de bons esprits.

Preuve indubitable du succès d’Anatole : ce prénom devient à la mode. Et consécration historique de ce succès : au matin du jour où Napoléon quitte la Malmaison pour prendre le chemin de son dernier exil, il tend un volume au baron Fain en lui disant :

— Voilà un livre qui m’a distrait cette nuit.

L’exemplaire d’Anatole qui adoucit pour l’empereur les heures d’insomnie de la dernière nuit passée à la Malmaison, va recevoir une magnifique reliure, et rester dans la bibliothèque du baron Fain[5].

Peu après, une singulière aventure apprend à Sophie Gay une forme inattendue de la célébrité.

Dans la nuit du 27 août 1813, le bombardement de Dresde mit le feu à une maison où demeurait Mlle Amélie de X… ; le jeune et brave colonel du 6e régiment de lanciers, Victor de Galbois, la sauva de l’incendie ; une idylle s’ensuivit. Idylle brève, idylle interrompue comme la plupart de celles de ce temps-là.

Victor écrivit. Amélie, s’imaginant qu’un lien aussi rapidement noué ne résisterait sans doute pas aux hasards d’une longue séparation, ne répondit point tout d’abord. Il insista. Au moment où elle se décidait à répondre, un empêchement survint, et retarda le départ du billet destiné à Galbois.

Amélie était la fille d’un officier de l’ancien régime, qui, en garnison à Boulogne-sur-Mer, avait épousé la comtesse Mac Carthy. À la Révolution, l’officier noble alla servir dans l’armée de Condé ; on confisqua ses biens ; sa femme dut quitter la France. Ils confièrent leur enfant encore au berceau à sa marraine, la duchesse de Deux-Ponts, sœur du roi de Saxe et veuve du frère aîné du roi de Bavière. La duchesse fit élever Amélie dans un couvent de Franconie jusqu’à l’âge de quinze ans, puis la garda auprès d’elle une année en Bavière, d’où Amélie se rendit en Saxe.

Son premier billet à Victor de Galbois amena un malentendu, comme il s’en produit souvent entre amoureux, gens d’humeur susceptible. Tout s’arrangeait cependant, lorsque le retour de Napoléon de l’île d’Elbe retarda la solution de l’aventure, et compliqua la situation. La cour intervint pour donner à Amélie un époux de son choix. La Jeune fille ne voulut accepter qu’après avoir écrit une nouvelle lettre au colonel de Galbois. La première qu’elle expédia ne parvint pas à destination. Elle apprit que son héros avait reçu une blessure, et se trouvait à l’armée de la Loire. Dans une longue lettre du 26 décembre 1815, elle entrait dans le détail de son existence, lui apprenait qu’elle s’était confiée à sa marraine, et terminait ainsi : « Je connais son cœur, elle ne veut que mon bonheur, et je suis sûre que non seulement je n’ai pas d’obstacles à craindre d’elle, mais qu’elle fera son possible pour aplanir ceux qui pourraient s’élever du côté de la cour d’ici. Vous voyez avec quelle franchise je vous parle, Victor ; j’espère que vous en ferez autant. J’attendrai votre lettre avec la plus vive impatience ; elle me dira si je suis destinée à être heureuse en partageant le sort de mon ami, quel qu’il soit, ou bien si je suis condamnée à unir mon sort à un être qui est étranger à mon cœur. »

Pareille missive appelle une réponse décisive. Galbois, perplexe, se dit qu’une femme experte en psychologie féminine et mondaine peut lui donner un utile conseil ; le nom de l’auteur d’Anatole se présente aussitôt à son esprit ; justement, un de ses bons amis est des intimes de Sophie Gay : intermédiaire tout trouvé. Sophie Gay, promue docteur ès sciences amoureuses, examine les faits de la cause, et rend sa sentence : « Je suis si fière de l’honneur que vous me faites, mon ami, en me demandant un conseil pour votre intéressant colonel, que j’ai presque envie de vous répondre avec toute la gravité d’un arbitre : mais mon métier de romancière ne me permet pas de traiter ainsi le plus joyeux dénouement. Plaisanterie à part, je pense du fond de mon âme que votre héros doit accepter le noble dévouement de sa belle. L’état de l’amant, sa position politique, tout justifie la conduite de cette jeune personne dont le caractère peu commun ne doit pas être jugé moins favorablement par une démarche que la nécessité motive, et que le mariage légitimera. Heureux celui qui peut consacrer sa vie à payer de son amour un sentiment si désintéressé. Je lui fais bien mon compliment de posséder le cœur d’une femme si rare et d’un ami tel que vous. Avec de semblables biens, on peut braver tous les malheurs et se moquer du qu’en dira-t-on ? Je remercie votre aimable inconnue de l’occasion qu’elle m’offre de vous répéter les expressions de ma tendre amitié[6]. »

On ne pouvait répondre plus galamment.

Cet épisode ne la distrait pas de ses autres préoccupations. Elle commence à témoigner d’une activité « académique » que les années ne ralentiront pas. Toujours, elle a compté des académiciens parmi ses familiers. Elle travaille au recrutement des premiers parmi les seconds. Six jours après la mort du chevalier de Boufflers, elle intrigue avec vivacité auprès d’un comte académicien, qui ne peut guère être que Regnault de Saint-Jean d’Angély, pour asseoir Benjamin Constant, « bon prosateur, fort instruit en politique et littérature, courageux dans ses opinions, ingénieux dans ses ouvrages », dans le fauteuil qu’occupa son vieil ami, le chantre d’Aline. Baour-Lormian l’emporte, hélas ! sur le candidat de son choix[7].

Le grand événement de sa vie est alors le mariage de sa fille Euphémie, et d’Élisa. Le 15 février 1817, la première épouse François-Maurice Enlart, juge, puis président du tribunal à Montreuil-sur-Mer. Sa mère ne manque pas de composer des couplets de circonstance pour les lire au dessert. Deux mois après, jour pour jour, Élisa épouse Jean-Louis Barthélemy, comte O’Donnell, maître des requêtes au Conseil d’État du roi. Dix témoins, triés sur le volet, signent au contrat de mariage : le comte de Semonville, pair de France et grand référendaire à la Chambre des pairs ; le comte Alexandre de Lameth, lieutenant général ; le comte de Montguyon ; le comte de Sparre, lieutenant général ; le comte de Pontécoulant ; le comte de Choiseul, pair de France ; Froidefont de Bellisle, maître des requêtes, et Alexandre Duval, de l’Académie française. Le cœur de Sophie Gay, heureuse du bonheur de sa « petite comtesse », saute de joie ! « Tant de bonheur m’avait rajeunie, écrit-elle ; cette réunion de tous nos vieux amis, mêlés aux jeunes compagnes d’Éliza, avait quelque chose de si touchant qu’il était impossible de n’en être pas ému[8]. »

Bientôt après, des heures tristes : son beau-frère Allart meurt ruiné. Mme de Staël, sa constante admiration depuis le roman de Delphune, tombe dans un état de santé présageant sa fin. Les médecins ordonnent la campagne ; les forces de la malade ne lui permettent pas de supporter les fatigues du transport. Elle demande à Sophie Gay de lui louer le rez-de-chaussée de sa maison qui donne sur un jardin bien exposé, et procurera à la malade le calme et le bon air dont elle a besoin. Après un premier refus, Sophie Gay cède aux instances personnelles du baron de Staël, si bien que c’est dans sa chambre, dans son propre lit, que Mme de Staël rend le dernier soupir, le 14 juillet[9]. Quant à elle, retirée dans sa maison de campagne de Villiers-sur-Orge, elle écrit à sa fille Euphémie Enlart : « La mort de mon beau-frère et celle de Mme de Staël m’ont causé assez de tristesse pour en être un moment accablée ». Mais une vague de tristesse ne saurait engloutir sa débordante activité, son besoin de mouvement et d’action. Elle s’attelle à un roman, les Malheurs d’un amant heureux, qui paraît avec succès en 1818, et, la même année, elle aborde le théâtre[10].

Depuis le Directoire, elle connaît Edme-Sophie Garre, fille d’un médecin-major de l’École royale militaire, devenue Sophie Gail par son mariage en 1794 avec le célèbre helléniste de ce nom. Sophie Gail a un an de plus que Sophie Gay[11]. La nature ne la dota pas d’un beau physique. On les appelle la belle et la laide, ou encore « Sophie de la parole », et « Sophie de la musique », parce qu’elles ont collaboré. J’ai vu chez Mme Détroyat deux ravissantes petites tasses, du plus pur style empire : l’une représente un amour qui couronne un cahier de musique, avec une lyre derrière lui, et ces paroles en exergue : « Elle fait plus de deux jaloux ». Les Deux Jaloux sont un opéra-comique de Sophie Gail. L’autre représente une vue du château de Frankenberg, sous laquelle on lit un couplet de romance et des portées de musique ; en pendant à cette vue, le buste d’un personnage vêtu d’un uniforme militaire ; Sophie Gay pour les paroles, et Sophie Gail pour la musique, ont composé une romance, le Château de Frankenberg, qu’elles ont dédié à S. A. R. le prince Charles de Prusse.

L’helléniste Gail est un fort savant homme, qui mit sa science au service des Merveilleuses le jour où, supprimant la poche de leur vêtement, elles rétablirent l’usage de l’escarcelle, qu’elles ne veulent pas appeler par son nom. Comment disait-on en grec ? « Balantine », répond Gail sans hésiter. Et voilà « balantine » à la mode, en attendant le règne de « réticule ». Bien que parrain d’un accessoire de la toilette des femmes, il ne s’entend guère avec la sienne. Après quelques mois de mariage, le ménage se sépare. Sans fortune, très musicienne, Sophie Gail utilise son talent, accompagne Garat, voyage, donne des concerts en France et à l’étranger. Chanter la romance ne lui suffit pas ; en 1797, elle a composé deux airs pour un drame d’Alexandre Duval : en 1813, elle écrit une partition tout entière pour le théâtre Feydeau, puis cinq autres jusqu’en 1816, où elle part pour une tournée en Angleterre. Elle est l’âme des concerts qu’Isabey donne dans son hôtel, où l’on joue aussi la comédie. Il lui est arrivé une aventure dans son petit appartement de Paris : son ami le mathématicien de Prony, de l’Académie des sciences, passionné de musique, vient un soir lui rendre visite ; elle est au spectacle ; en l’attendant, il s’installe au piano, et compose une romance ; le piano est dans la chambre à coucher ; le temps passe vite ; lorsque Prony s’avise de regarder l’heure à sa montre, il constate qu’il est deux heures du matin. Distrait comme un mathématicien, il se déshabille et se couche. On entend d’ici les cris de frayeur que pousse Sophie Gail, rentrant chez elle à cette heure tardive, et apercevant un homme dans son lit[12].

À son retour d’Angleterre, elle s’associe avec la baronne Lydie Roger pour louer, rue Vivienne, un appartement mal commode, mais dont le salon, très vaste, permet de donner des concerts et des fêtes. La baronne Lydie Roger est une des cinq filles du fermier général Vassal. Lydie et sa sœur Albine ont épousé les deux frères Roger, millionnaires suisses récemment créés barons. Albine, la mère de Roger du Nord, a divorcé pour épouser Montholon qu’elle suit à Sainte-Hélène. Lydie, de son côté, s’est séparée de corps et de biens de son mari. Elle a des bras, des mains admirables, des pieds si parfaits que le statuaire Delaître les a moulés pour une Vénus de marbre, qui décore au Luxembourg le bas de l’escalier conduisant à la galerie. Amie de Benjamin Constant, elle distribue généreusement ses diamants et ses perles pour venir en aide à des républicains et à des bonapartistes dans le besoin.

L’association Sophie Gail — Lydie Roger dure une saison. On voit à leurs soirées la belle princesse de Chimay ; Mme de Pontécoulant, ancienne libraire du Palais-Royal sous le nom de Mme Lejay, que de mauvaises langues accusent d’avoir été quelque peu la maîtresse de Mirabeau : elle a donné asile à Pontécoulant traqué sous la Terreur, et cette aventure s’est terminée par un mariage, comme dans les comédies bien faites ; Mme de Lacan, qui a enlevé Talma à sa mère Mme Dubuc de Sainte-Olympe, et qu’accablent d’attentions le magistrat Cotta, le conseiller d’État de Formont, et d’autres ; Mme Blondel de La Rougerie à qui, sous l’Empire, le ministre Montalivet n’a pu refuser une place d’auditeur au Conseil d’État pour Alexandre Soumet ; Mme Hutchinson, femme de l’un des trois officiers anglais qui coopérèrent à l’évasion de Lavalette ; la comtesse de Furstenstein, nièce de Benjamin Constant ; l’historien Lemontey ; de Prony ; Vatout, le spirituel secrétaire du duc Decazes ; et des chanteurs, Henri Mouton, Berthon, Nicolo, Fétis. Dans ce salon, Sophie Gay accompagne ses deux filles, Mme  O’Donnell et Delphine, et patronne le jeune Salvandy. Les invités assurent le succès des compositions de la maîtresse de la maison. Ils mettent à la mode O pescatore dell’onda ; le célèbre baryton Martin triomphe dans les savantes variations de cette « barcarolle vénitienne ». Après le concert, on danse, et Hippolyte Auger fait valser les treize printemps de la blonde et grasouillette Delphine Gay.

La jeune fille sort de la pension tenue, 59, rue des Martyrs, par Mme Clément, avec le concours de Mme Allix et Richer, et où le célèbre Blangini fut professeur de musique. À douze ans, Delphine y apprenait l’harmonie. Sans doute pour travailler le soir, elle réclamait à son père une chandelle qu’il lui expédie avec ce mot : « Je t’ai envoyé, chère Delphine, la chandelle si désirée et si attendue. Puisse-t-elle faire briller avec éclat ton talent, et employer utilement les moments qu’il te faut dérober à la tendresse de ta mère et de ton père ! Ainsi soit-il ! » Elle apprend par cœur Racine et Boileau, des poésies allemandes et italiennes. Son père est un admirateur passionné de Racine, et toujours elle se rappela sa voix aimée qui les lui disait avec flamme. Lorsqu’elle sera femme, elle verra en Racine un ami d’enfance : elle ne le juge pas, elle l’aime. Peut-être est-ce à la pension de Mlle Clément qu’elle reçut, avec Isaure, sa sœur cadette, les leçons de ce fameux maître d’écriture, dont pendant plus de deux ans la perruque « aux reflets ondoyants, mêlés de pourpre et d’or », servit de pâture à sa gaîté.

   Cette perruque-là, c’était tout un poème ;
   Ses malheurs surpassaient ceux d’Hécube elle-même !…

Le caractère primesautier de l’enfant, son rire exubérant et franc, éclate déjà ; elle le rappelait en ces vers :

    Combien nous avons ri quand nous étions petites,
    De ce rire bien fou, de ces gaîtés subites
    Que rien n’a pu causer, que rien ne peut calmer,
    Riant pour rire, ainsi qu’on aime pour aimer.

Après la saison d’hiver, sa mère l’emmène se reposer à Villiers-sur-Orge. Ce séjour à la campagne ne suffit pas à rétablir la santé de la jeune fille. À la fin du mois d’août, elle rejoint son père, pour « prendre les eaux dans sa ville natale, écrit Sophie Gay à Euphémie Enlart. Elle est tellement grandie qu’il faut la soigner un peu. Ton ami (c’est-à-dire Sigismond Gay) est enchanté d’avoir avec lui cette petite Antigone, mais je ne la prête qu’à condition qu’il me la rendra bientôt. Elle fait de grands progrès sur le dessin et parle fort bien l’anglais, ainsi qu’Isaure[13]. »

La maison de campagne de Sophie Gay à Villiers-sur-Orge s’appelle la Maison Rouge, construction datant du règne de Louis XIII, à laquelle son appareil de briques a valu ce nom. Dans la seconde moitié du xviie siècle, elle appartenait à la famille d’Aligre. En 1775, Mme Du Barry, qui habitait non loin de là le château de Saint-Vrain près d’Arpajon, l’acheta de son ami le financier Buffault, pour y installer sa mère et son beau-père, les Ranson de Montrob. Buffault, homme opulent, avait fort bien fait les choses, et la propriété avait fort bon air. Outre le pavillon principal, elle comportait divers bâtiments, cour et basse-cour, caves, écuries, remises, chapelle, colombier, parterre, jardin avec bassins, statues de pierre, orangerie, un vaste réservoir, des jets d’eau, un canal, des cascades, des potagers, le tout clos de murs. Des terres labourables, des prés, des vignes en dépendaient. Le tout fut confisqué à la Révolution, et vendu comme bien national. La propriété ne souffrit guère, sauf la chapelle, démolie, et les statues du parc, déménagées. Elle appartenait en 1813 à un ancien fabricant de plaques, Jean Robert, de qui Sophie l’acheta le 3 juin, pour le prix de 36.000 francs. Le pavillon comporte toujours la cuisine, la salle à manger, un grand salon à six fenêtres au rez-de-chaussée, trois pièces par étage, et les dépendances, y compris le réservoir des eaux. Les boiseries du salon sont les mêmes que du temps de M" Du Barry, avec leurs dessus de portes peints en camaïeu bleu, copiés d’après Lancret, et figurant des scènes champêtres ; une admirable console est restée fixée au mur[14].

Le site est ravissant. Le terrain dévale doucement en pente vers un ruisselet qui se jette dans l’Orge quelques mètres plus loin ; on le passe sur une porte qui s’abaisse en pont-levis. On se trouve alors devant une fraîche vallée ; une allée de peupliers offre une poétique promenade, le soir, au clair de lune, et « comme une galerie pour la conversa tion ». Souvent, des amis de Paris y font un court séjour. Ils découvrent une Sophie Gay bien différente de celle qu’ils ont connue l’hiver dans les salons. « Là, plus d’envie de briller, plus de rivalités inquiètes, plus de prise d’armes, moins de duels au premier sang. Du naturel, de la bonté, de la sérénité, les occupations domestiques et champêtres, une châtelaine à la fois et une fermière, une mère de famille surtout. Le calme des champs, le travail chacun chez soi, les lectures en commun avec les nouvelles qu’apportent les visiteurs ou la correspondance, cela se voit partout ; mais le mouvement d’une imagination qui ne tombait jamais dans les lieux communs, cette intelligence ouverte à tout, enrichissant tout, portant partout la vie, une âme à la fois sensible et éloquente, avec tous les enseignements d’une existence si pleine et si variée, il est rare de le trouver deux fois ». Là, on ménage, en 1816, un séjour à Fétis, convalescent. On voisine avec l’illustre auteur de l’Almanach du gourmand, Grimod de La Reynière, qui depuis l’année précédente s’est retiré dans son château de Villiers. Vers la fin de 1816, Grimod, près d’épouser une actrice du théâtre de Lyon, consulte Sophie Gay, qui ne cache pas ce qu’elle en pense. Il se froisse quelque peu de l’opinion exprimée, mais invite quand même sa voisine à la cérémonie. Il en reçoit ce billet, daté du 31 décembre 1816 : « Il est certain que j’ai eu tort de dire la vérité à mon voisin ; les rois, les femmes et les amoureux la reçoivent toujours mal ; mais qu’il soit tranquille, elle ne m’attirera plus désormais tant d’amertume de sa part, et il ne l’en tendra qu’à propos des sentiments d’amitié que je lui ai voués. Mon prochain départ pour Paris me privera du plaisir d’accepter son invitation nuptiale ; mais je n’en prendrai pas moins de part au succès de tout ce qui pourra contribuer à son bonheur[15]. »

En l’été de 1817, le comte Alexandre de Lameth s’y rencontre avec Emeric David, un archéologue ami de la famille Enlart. Sophie Gail y passe plusieurs jours. Elle retouche une romance dont Sophie Gay signe les paroles et la musique, Moeris, et dont la vogue va être considérable. Cette œuvrette correspondait exactement à la sensibilité à la mode.

   Mais d’où me vient tant de langueur ?
Qui peut causer le chagrin que j’ignore ?
   Près des objets de son bonheur,
Mon triste cœur, hélas, soupire encore.
   Pourtant zéphir est de retour,
On dansera ce soir sous le feuillage,
   Rien n’est changé dans ce séjour…
Moeris lui seul a quitté le village (bis).

   Quoi ! Ces bouquets, ces prés fleuris
Dont j’aimais tant la fraîcheur, le silence,
   Ces chants d’amour, de jeux suivis,
Tous ces plaisirs n’étaient que sa présence.
   Hélas ! Combien je hais le jour
Qui l’éloigna de notre humble ermitage.
   Tout renaîtrait dans ce séjour
Si Moeris seul revenait au village (bis).

Les deux femmes jettent en cette rencontre les bases d’une collaboration plus importante. Sophie Gay arrange le texte d’une comédie de Regnard, la Sérénade, de telle sorte que Sophie Gail puisse y adapter les morceaux de chant qu’elle a exécutés dans son salon avec le plus de succès, notamment le fameux Pescatore dell’onda [16].

La première représentation de la Sérénade a lieu au théâtre Feydeau, le 2 avril 1818. Le baryton Martin s’y taille un succès. Hippolyte Auger y assiste dans la loge des auteurs. Il rapporte que l’accueil douteux du public suscite un débat d’amour-propre entre les deux Sophie, « rejetant naturellement l’une sur l’autre cette froideur » dont il certifie l’injustice. La partition contient de fort jolies choses, de l’avis même de Garcia qui en fredonnait tous les morceaux ; sans compter qu’à l’esprit de Regnard, Sophie Gay a ajouté le sien, « ce qui n’est pas peu dire ». La Quotidienne affirme au contraire que la pièce « a été vivement applaudie ; un dialogue plein de naturel et de franchise, une musique variée et spirituelle en ont amené le succès ». La suite donne raison à ce pronostic. Le Dictionnaire des opéras, de Clément et Pierre Larousse, cède à des préoccupations antiféministes : « Il est singulier que les femmes qui écrivent pour le théâtre soient moins réservées dans le choix des situations et même dans celui des expressions que les hommes. La pièce de Mme Sophie Gay non seulement offense ce qu’on appelle les mœurs dramatiques, mais elle offre des images et des mots qui choquent la bienséance… Que des enfants désirent la mort de leurs parents pour en hériter, cela ne s’est vu que chez les Romains, au temps de Plaute et de Térence. » Et s’il concède que la musique est agréable, il y découvre la main de Boïeldieu[17].

Pour leur pièce, les deux auteurs rêvent maintenant sinon un parterre de rois, au moins un public de diplomates. Le Congrès d’Aix-la-Chapelle se prépare : belle occasion d’ajouter la Sérénade à toutes les comédies qui s’y joueront. En attendant, après les émotions d’une première, le calme des champs : Sophie Gay s’installe à Villiers-sur-Orge avec sa fille Isaure. Elle récolte des foins superbes et considère avec satisfaction sa vigne qui « promet des vendanges fort belles ». Toutes deux se préparent à transporter leurs « petites puissances » au Congrès. Elle sait déjà que l’on étouffe à Aix tant il y a de monde. On fait de grands préparatifs de fêtes, « et Dieu sait combien les petites et grandes filles vont danser !… Je me serais très bien passée de tout ce vacarme, ajoute-t-elle, mais puisque j’y suis condamnée, je tâcherai d’en tirer parti, en observant les fils de toutes les grandes marionnettes. » Un mois après, elle se met en route[18].

Son mari et Delphine l’attendent, et sa nièce Hortense Allart, qui a déjà fait un séjour à Aix-la-Chapelle en 1815 ; depuis, elle a perdu son père. À Aix elle dévore la bibliothèque de son oncle, « tout ce qui se trouve là, de l’histoire et de la philosophie[19] ».

Les grands personnages arrivent l’un après l’autre : le prince Auguste de Prusse le 2 août, et Mme Récamier le 3. Le prince s’est jadis fiancé avec elle, à Coppet, bien qu’elle fût mariée. Chaque soir, il lui rend visite, escorté par un peloton de cavaliers porteurs de torches, qui stationnent à la porte. Sophie Gay connaît de longue date Mme Récamier dont le mari était un ami du sien ; ici, leur liaison devient plus intime. Elles s’inquiètent ensemble de la santé de Benjamin Constant qui s’est cassé la jambe, et lisent ses articles de la Minerve française qu’elles prêtent aux diplomates étrangers. Le prince de Prusse rappelle à Sophie Gay le vœu exprimé autrefois par Mme de Staël : voir un grand peintre représenter Corinne « dans un des moments où elle se livre à son inspiration poétique ». Il désire réaliser le vœu, et charger David d’exécuter le tableau. Sophie Gay prêche en vain en faveur de son ami le baron Gérard. Pour complaire au prince, Sigismond Gay écrit à David alors exilé à Bruxelles. Mais l’ancien conventionnel commet la maladresse de marchander d’une façon si peu digne, que Mme Récamier à son tour prend le parti de Gérard, à qui va la commande. Il peindra cette Corinne au cap Misène, qui ornera le salon de l’Abbaye-aux-Bois[20].

Sophie Gay escomptait la venue d’une troupe de comédiens français ; hélas ! Aix-la-Chapelle est rentrée dans le domaine du roi de Prusse, et l’empereur d’Autriche estime que de telles représentations constitueraient une mesure antigermanique : il s’y oppose. On en sera réduit à se moquer des burlesques acteurs patronnés par ces deux monarques de peu de goût. Et notre auteur déploie toute sa verve à se donner le plaisir, assez piquant, « de jouer le rôle d’une bonne Française à la barbe de tous ces Cosaques ». Si seulement le comte Decazes venait ! Il amènerait Villemain et Vatout, deux familiers du salon de la rue des Mathurins. Sophie Gay le souhaite vivement : « Les grands seigneurs me ragoûtent d’autant plus des gens d’esprit, et je descendrais sans le moindre regret des beaux équipages où l’on me traîne avec six chevaux dans la ville, pour m’y promener, bras dessus, bras dessous, avec un homme de lettres aimable. Je n’ai pas plus de vanité que cela. »

Est-ce l’ostracisme prononcé contre les comédiens français par l’empereur d’Autriche ? La Sérénade ne sera pas jouée. Elle est « au croc », écrit Sophie Gay à Sophie Gail le 10 septembre, en la pressant de venir et lui offrant l’hospitalité. « Mon mari fait déjà provision du meilleur thé pour le prendre avec vous ; Isaure vous apprête un café délicieux ; Delphine veut être votre copiste de musique, Hortense, votre secrétaire. Moi, je me réserve l’emploi de confidente, et Dieu sait comme nous bavarderons. »

Hippolyte Auger accuse « Sophie de la parole » d’avoir fait de son amie un moyen de séduction. Quoiqu’elle parlât beaucoup, elle ne pouvait toujours parler ; alors « Sophie de la musique » occupait l’attention sans lui porter ombrage. « La diplomatie européenne se reposait de l’une par l’autre. » Sophie Gay garde encore un grand éclat de beauté, qui ne nuit en rien à ses autres prétentions, l’esprit les primant toutes. Sophie Gail la fait valoir par contraste : la beauté lui manque, et elle se fagote mal. Elle se sauve par sa distinction naturelle, sa simplicité de langage et de manières, par la douceur de son regard ; à l’extrémité de ses grands bras, sa jolie main devient « un trait d’union entre l’instrument et les sons qui révèlent son âme ».

Les ministres des quatre cours arrivent du 20 au 25 septembre, le roi de Prusse le 26, les empereurs d’Autriche et de Russie le 28. Wellington — « on ne fit jamais un grand homme à si peu de frais » disait une dame, — les accable de revues, et leur en inflige jusqu’à neuf heures de suite. Après leur arrivée, Mme Récamier regagne Paris. Fidèle à un engagement pris alors que toutes deux visitaient la cathédrale, elle adresse à Sophie Gay une lettre dont la destinataire « se pare » à un bal « étonnant » donné par d’Alopéus, ambassadeur de Russie à Berlin. Ce sera le dernier : elle ne s’attarde pas aux ultimes fêtes. Le duc de Richelieu a obtenu la libération du territoire français. Le traité est signé. Grandes et petites, les puissances réunies à Aix-la-Chapelle s’en vont l’une après l’autre. Sophie Gail entreprend en Allemagne une tournée de concerts avec Mme Catalani, et mourra prématurément peu après son retour en France. La jeune Hortense Allart a écrit au tsar pour le supplier d’adoucir la captivité de Napoléon ; lorsque le bruit court d’une maladie de l’empereur, elle demande au général Bertrand l’autorisation d’aller le soigner à Sainte-Hélène. Devant un tel zèle bonapartiste, Mme Bertrand la prend chez elle pour lui confier le soin d’élever ses filles. Hortense quitte les Gay avec lesquels toutes relations cesseront : Sampayo va fixer sa destinée, et bien d’autres après lui[21].

  1. Lettre de Sophie Gay à Euphémie Liottier, 14 novembre 1814, arch. Enlart. — Arch. nat., Ftc, lll, Roër, 3 et 4.
  2. S. Gay : Salons célèbres, p. 23.

  3. Sainte-Beuve : Lundis, VI, 52. — Lov., D, 2058, f. 46.
  4. Lettre de Sigismond Gay à Delphine Gay, 31 août 1821, Arch. Détroyat. — Coulmann : Réminiscences, II, 114.
  5. Manecy : Une famille de Savoie, p. 29. — Th. Gautier : Portraits contemporains, p. 28.
  6. Lettres d’Amélie de X… à Victor de Galbois, et lettre de Sophie Gay à X…, communiquées par M. Léonce Grasilier.
  7. Lettre de Sophie Gay au comte [Regnault de Saint-Jean d’Angély], 15 janvier 1815, arch. Détroyat.
  8. Arch. Enlart. — Poésie autogr. à la fin du Chansonnier dédié aux dames pour l’année 1815, exemplaire appartenant à Mlle Enlart.
  9. Edm. Biré : l’Année 1817, p. 243, citant un article de S. Gay sur Mme de Staël dans le Plutarque français, édit. par Mennechet, Paris, 1847, in-8o, ill., VI, 255. — Comte Molé : Mémoires, dans Revue de Paris, 15 décembre 1923, p. 732.
  10. Lettre de S. Gay à Euphémie Enlart, 18 août 1817, arch. Enlart.
  11. Sophie Gail, née le 28 août 1775, morte le 24 juillet 1819.
  12. Ed. et J. de Goncourt : Histoire de la société française sous le Directoire, p. 414. — Mme de Bawr : Souvenirs, Paris, 1853, in-8°, p. 304. — Fétis : Biographie universelle des musiciens, art. Gail. — Edm. Taigny : Isabey, sa vie et son œuvre, p. 43.
  13. Hipp. Auger ; Mémoires, dans Revue rétrospective, p. 149 (1891). — Lettre de S. Gay à Euphémie Enlart, 18 août 1827, arch. Enlart. — Lettre de S. Gay à Delphine, 5 mars 1816, arch. Détroyat. — Mme de Girardin : Œuvres (r.d. Plon), I, 139-147. Lettres parisiennes (Éd. Michel-Lévy), II, 28. — Blangini : Souvenirs, p. viii.
  14. Coulmann : Réminiscences, I, 327. — Lettres de Sigismond Gay à Delphine, sans date, et 5 mars 1816, arch. Détroyat. L’adresse porte : La Maison Rouge, par Linas, Seine-et-Oise. — Titres de propriété de la Maison Rouge, arch. Ernault. — Ch. Vatel : Histoire de Madame Du Barry, Versailles, 1883, trois volumes in-18, II, 295.
  15. Lettre de Sigismond Gay à Sophie Gay, 1816, arch. Détroyat. — Pinard : Histoire, Archéologie, Biographie de Longjumeau, Paris, 1864, in-8°, p. 333.
  16. Lettre de S. Gay à Euphémie Eulart, 18 août 1817, arch. Eulart. — Hipp. Auger : Mémoires, p. 149 et s.
  17. Hipp. Auger : Mémoires, p. 149. — La Quotidienne, 3 avril 1818. — Clément et Pierre Larousse : Dictionnaire des opéras, mis à jour par Pougin, Paris, sans date, in-8o, art. « Sérénade ».
  18. Lettre de Sophie Gay à Euphémie Enlart, 27 juin 1818, arch. Enlart.
  19. P. de Saman, les Enchantements de Prudence, p. 234. — L. Séché : Hortense Allart dans ses rapports avec Chateaubriand, Paris, 1908, in-8o, p. 45. — Manecy, Une Famille de Savoie, p. 17.
  20. Ed. Herriot : Madame Récamier, Paris, 1904, deux volumes in-8o. II, p. 55. — Turquan ; Madame Récamier, p. 113. — Lettres de Sophie Gay, dans L. Séché : Muses romantiques, Delphine Gay (Mme de Girardin) dans ses rapports avec Lamartine, etc., Paris, 1910, in-8o, p. 16, 33.
  21. Lettre de Sophie Gay à Mme Récamier, 15 octobre 1818, arch. Détroyat. — Baron de Barante : Souvenirs, Paris, 1890-1899, sept volumes in-8o, II, 339. — A. de Vaulabelle : Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, Paris, 1860, huit volumes in-8o, IV, 491. — L. Séché, Hortense Allart, p. 45. — Fétis : Biographie universelle des musiciens.