Une muse et sa mère/2

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Éditions Émile-Paul frères (p. 65-101).
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II


Aix-la-Chapelle tend à devenir une station thermale de plus en plus fréquentée. Sophie Gay y retrouve des amis parisiens, et s’en crée de nouveaux. Après ses relevailles, elle est venue à Paris, où son état de santé la retient encore, lorsque le bruit court que l’impératrice doit faire à Aix une saison d’eau, et « essayer » sa cour naissante. La nouvelle répand la joie dans le pays. Les vrais malades cèdent leurs appartements aux malades ambitieux, en quête, sous prétexte d’eaux à prendre, d’une place encore vacante dans la Maison impériale. Pour des raisons de santé ou de fortune, M. et Mme de Semonville, M. et Mme de Montholon et leurs fils, Mme Mac Donald, M. et Mme de Turenne, M. de Villoutreix, le duc d’Arenberg, les principaux châtelains des rives du Rhin, arrivent ou vont arriver. De là l’obligation pour Sophie Gay de quitter Paris afin d’aider son mari à faire les honneurs de sa maison, enchantée, au fond, d’assister au spectacle qui va se dérouler.

À Liège, elle a soin d’abandonner sa voiture et de prendre un cheval. L’empereur ne vient jamais dans ce pays, et le corps des Ponts et Chaussées ne juge à propos d’entretenir que les routes par où il passe. Celle de Liège à Aix-la-Chapelle va de fondrières en précipices. Les voyageurs y laissent les débris de leurs voitures. Sophie Gay en a déjà cassé deux ; elle se résout à ne plus faire le trajet qu’à cheval. Comme on ne peut imposer à l’impératrice le même mode de locomotion, Crété, directeur des Ponts et Chaussées, donne l’ordre de boucher les trous avec du sable. Les Aixois estiment la réparation insuffisante, et déblaient ce sable de la route au moment précis où M. le Directeur va la suivre pour se rendre auprès de l’impératrice… et ce haut personnage, d’un embonpoint extrême, verse comme un simple particulier[1].

Mu par des motifs politiques, l’empereur achète pour l’impératrice et sa cour la maison de M. Jacobi, président du collège électoral. Petite et mal com mode, il la paie quatre fois sa valeur. Pfiffer, maître d’hôtel contrôleur de Sa Majesté, s’en rend vite compte, lors de son inspection préliminaire, le dimanche 22 juillet. Il la réserve aux dames du palais, et le préfet Méchin dispose son hôtel pour recevoir la souveraine. En dépit des inconvénients de cette maison, Joséphine, aveuglément soumise aux ordres de l’empereur, décide d’y descendre quand même.

Le 27 juillet, le préfet, les membres du Conseil de préfecture, le secrétaire général, les présidents et membres de la Cour de justice criminelle, M. l’évêque, son vicaire général et deux de ses chanoines, les présidents et membres des tribunaux de première instance de l’arrondissement, l’ingénieur en chef du département, l’inspecteur des forêts, les directeurs des domaines et des contributions, d’autres personnages de moindre envergure, endossent leur plus brillante tenue, et se groupent pour aller au-devant de l’impératrice. Le général de brigade Franceschi, commandant la subdivision militaire d’Aix, et le général Jacobi Trigny, commandant celle de Cologne, se sont portés en avant avec leurs escortes dès le matin.

À midi, solennellement, engoncé dans la raideur des uniformes neufs, le cortège se met en marche, préfet en tête. Il s’arrête au sommet d’une montagne, au bas de laquelle passe la limite du département. « L’avantage de pouvoir saluer notre impératrice chérie, écrit le préfet à son ministre, dans un lieu d’où se découvrait la plus riche et la plus magnifique perspective, m’avait fait choisir de préférence ce local pour l’attendre. Le ciel était assez beau, malgré les orages fréquents qui avaient régné depuis plusieurs jours, et au moment où nous aperçûmes les voitures de Sa Majesté, il sembla s’éclaircir encore. »

Vers quatre heures, le colonel Fuhler, écuyer cavalcadour, annonce l’approche de Joséphine. Des détachements de cavalerie le suivent de près. L’impératrice a parcouru assez rapidement le trajet de Liège à Aix-la-Chapelle : non que l’on ait réparé les routes, mais le préfet du département de l’Ourthe a habilement tourné la difficulté : il a donné l’ordre d’abattre les haies aux endroits les plus périlleux, pour permettre aux voitures impériales, — celle de l’impératrice est un monument, aménagée pour qu’elle puisse y coucher et y faire sa toilette[2], — de les éviter en passant à travers champs et prairies.

La suite de Joséphine se compose ainsi : la duchesse de La Rochefoucauld, dame d’honneur, et quatre dames du palais, la comtesse de Luçay, Mme Lannes, la comtesse de Colbert, la baronne de Vaudey ; le général d’Harville, grand écuyer, et deux chambellans, MM. de Beaumont et d’Aubusson de La Feuillade ; le colonel Fuhler, écuyer cavalcadour, et M. Deschamps, secrétaire des commandements.

Joséphine arrive au sommet de la montagne où l’attendent hommages et discours. M. l’évêque est très bref. M. le préfet adorne ses phrases de fleurs de rhétorique. « Ici, devant Votre Majesté Impériale, est l’antique cité qui fut il y a dix siècles la capitale de l’empire que recommence votre auguste époux. Sous le dôme de cette basilique reposent les cendres de Charlemagne ; ce temple a vu couronner sous ses voûtes trente-six empereurs des Romains, et ses lévites vont saluer dans l’adorée Joséphine la onzième impératrice qui se soit prosternée devant les autels qui les entourent. » En route pour la ville. Le général d’Harville a interdit au maire et aux fonctionnaires municipaux de se rendre aux portes suivant leur désir : il y a là des fossés profonds, sans parapets ; crainte d’accidents, ils restent sur la place d’armes, devant l’hôtel de ville. Là aussi attend le clergé de la cathédrale, avec le dais destiné à Sa Majesté. Le commandant de place est aux portes avec son état-major et un détachement d’artillerie.

À cinq heures, salves d’artillerie : la souveraine entre en ville. Sur le parcours qu’elle doit suivre, la foule stationne, les rues sont décorées d’arbres et d’arcs triomphaux. Un ordre mal compris engage le cortège dans le chemin le plus court qui va des portes à la maison Jacobi, et qui n’est pas du tout celui prévu. Sur la place, le dais, le clergé, le maire, attendent en vain. Désolée, l’impératrice, malgré la fatigue de la route, veut remonter en voiture pour parcourir le trajet fleuri de mâts et garni de foule ; le préfet l’en dissuade. Elle reçoit le maire, le commandant et les officiers des gardes d’honneur, et leur exprime ses regrets. Dans la journée, elle ne reçoit personne. Le soir, se rendant compte de l’impossibilité de se loger dans la maison Jacobi, elle s’installe à la préfecture, tandis que la ville s’illumine.

Le lendemain, 28 juillet, le général d’Harville lui présente les autorités locales. Le 1º août, on lui montre à la cathédrale les reliquaires et objets pré cieux, et un coffret, le Noli me tangere, fermé depuis l’an 1356, qui ne doit être ouvert qu’en une circonstance extraordinaire ; bien entendu, il s’ouvre tout seul sous ses doigts ; il contient quelques fragments de reliques. La présentation des dames est réservée pour le premier cercle tenu par l’impératrice, et les 5 et 6 août elle reçoit les dames de la ville qui sollicitent l’honneur de lui être pré sentées. À ce cercle, la beauté de Mme Méchin et l’esprit de Mme de Semonville brillent de tout leur éclat ; Mme de Turenne se contente de faire briller ses diamants ; on remarque pour leur élégance et leur beauté la femme du général Franceschi, celle d’un commissaire des guerres Mme M…, et, pour la singularité caricaturale de leurs modes arriérées, quelques Allemandes, la baronne de Fuhrt, la baronne de Lovenich, d’autres encore.

Depuis le dîner Fonfrède, Sophie Gay n’a revu Joséphine qu’aux fêtes données en l’honneur du vainqueur de Lodi et d’Arcole. Elle s’en croit complètement oubliée : elle se trompe. L’impératrice lui adresse gracieusement la parole, et admire la coupe de sa robe où elle reconnaît la main de Mme Germond ; son regard s’arrête aussi sur une coiffure qui, « sauf la différence d’une couronne de fleurs à une couronne de diamants », ressemble singulièrement à la sienne. « La pose de la guirlande, le fini des nattes » portent la signature de Duplan. Pour une ancienne pratique, que ne ferait-on pas ? Devenu premier valet de chambre de l’impératrice et libéré de son service avant l’heure du cercle, Duplan avait mis ses talents à la disposition de Sophie Gay… à la suite de quoi il reçoit l’ordre formel de ne plus travailler pour des têtes non couronnées. Il s’appliquera uniquement à coiffer l’impératrice en s’efforçant de cacher ses rides[3].

Peu avant son départ de Paris, Joséphine assista à la première distribution des croix de la Légion d’honneur. L’empereur a décidé qu’elle présidera à Aix-la-Chapelle la distribution des croix qu’il affecte au département de la Roër. La cérémonie a lieu le 10 août, jour où l’on célèbre la fète de Char lemagne. Le clergé, évêque en tête, reçoit la souve raine à la porte de la basilique ; elle traverse sous un dais la longueur de la nef et s’assied sur un trône préparé pour elle dans le chœur. Le front ceint d’un diadème en diamants, elle a revêtu pour la première fois le manteau de cour ; sa robe de moire blanche brodée d’or s’étale sur les degrés du trône ; ses dames l’entourent ; les grands officiers de sa maison se tiennent derrière elle. Uniformes, broderies et parures brillent près des ornements ecclésiastiques, des riches chasubles semées de perles fines données jadis à la cathédrale par l’empereur Othon. Sur l’autel, la couronne et le sceptre de Charlemagne. Le peuple prosterné chante les cantiques de Mozart. « Sous les voûtes de ce temple gothique où Charlemagne donnait l’accolade à ses vaillants chevaliers, à Roland, à Roger, à Renaud, les chevaliers de la Légion d’honneur s’inclinent devant Joséphine, en recevant de ses mains les décorations de l’ordre. »

Le chanoine Gauzargues prononce un sermon émouvant. « Un héros ordonne qu’on célèbre la mémoire d’un héros. Napoléon rétablit les honneurs de Charles, et c’est sous les voûtes antiques de ce temple érigé au Dieu vivant par ce puissant monarque, sur la tombe qui pendant trois siècles enferma ses cendres, en présence des restes de la dépouille mortelle de ce grand homme, devant Votre Majesté Impériale enfin que le restaurateur de l’empire d’Occident veut que l’on renouvelle les hom mages religieux que cette église rendait chaque année à son illustre fondateur. » Mais, pour la joie de Sophie Gay, voici la note comique : le général L… s’avise de prononcer « un discours adapté à la circonstance », où il se félicite de voir « la vertu sur le trône, et la beauté à côté ». Les vertus et les beautés présentes s’en offensent également, chacune faisant peu de cas de la beauté sans vertu, et encore moins de la vertu sans beauté.

L’entourage de l’impératrice apprécie les qualités de Sophie Gay. « Aussi belle que spirituelle, elle embellit notre cercle et l’anime par le charme de son esprit », dit l’une des dames du Palais, la baronne de Vaudey[4]. Ce soir-là, Joséphine lui demande ce qu’elle pense du discours du général L… Question embarrassante ! L’interpellée ne veut déplaire ni au général, ni à la souveraine. Elle s’en tire platement, en répondant que, distraite par le pompeux spectacle de la cérémonie, et très persuadée que le général orateur ne pouvait adresser à Sa Majesté « que des vérités agréables », elle n’a pas pensé à l’écouter.

— Ce qui ne vous empêchera pas d’en rire de bon cœur ce soir avec vos amis, lui dit tout bas Joséphine.

Sophie Gay, étonnée, ignore que Deschamps, le secrétaire des commandements, a parlé des charmants soupers que donne M. le Receveur général. Ami de Gay, Alexandre Duval passe la saison chez lui ; précurseur de Scribe et de Dumas père, Duval, après avoir tracé au crayon noir des portraits de conventionnels avec Isabey pour six francs pièce, après avoir été le rival de Trénitz, et demeurant toujours le camarade de Garat[5], n’est pas moins joyeux convive que Picard, directeur de la troupe du théâtre Louvois, lequel a reçu ordre de transporter sa scène à Aix pendant le séjour de José phine. Mi-comédiens, mi-auteurs, ces deux futurs académiciens ont la langue affilée. Ils font partie du groupe d’amis qui entoure habituellement le comte Daru, et se réunit régulièrement en un déjeûner dominical[6].

Le soir, on soupe, on s’en donne à cœur-joie de railler les ridicules de la nouvelle cour, la bassesse de ceux qui se prosternent là où on ne leur demande que de s’incliner, et de rire aux dépens des braves officiers dont la brusquerie se plie mal aux manières de l’ancienne cour. Jeune, beau et brave, le général qui commande le département ignore ces usages. L’impératrice est assise sur un canapé la première fois qu’il lui rend visite ; sans la moindre gêne, il s’assied à ses côtés. Le chambellan lui avance un siège, la dame d’honneur lui fait signe de s’y asseoir, il les salue, et ne bouge pas. Joséphine a la charité de ne pas s’en apercevoir ; mais l’officier de gendarmerie chargé de l’espionner envoie son rapport à l’empereur, et c’est elle qui reçoit la réprimande pour avoir supporté une pareille familiarité.

Un autre officier, « intrépide soldat des armées républicaines, adorant Bonaparte, grognant sur ses décrets, mais lui obéissant en esclave », apprenant chez Sophie Gay l’arrivée à Aix de M. et de Mme de Turenne, s’écrie :

— À la bonne heure : puisque le général a la rage de vouloir mêler des noms aristocratiques aux nôtres, qu’il nous en donne comme celui-là ; il n’y a pas un colonel qui ne soit flatté d’être le camarade du petit-fils de Turenne !

Impossible de lui faire admettre que Turenne n’eut pas de fils, et que les ancêtres des muscadins d’émigrés ne se battaient pas moins bravement. Celui-là, le capitaine d’H…, commanda le peloton de gendarmerie d’élite qui fusilla le duc d’Enghien. Il pâlit à ce souvenir qui surgit dans une conversation avec Sophie Gay. À peu de jours de là, il lui dit :

— Vous m’en voulez d’avoir fait mon devoir ?

— C’est vrai ; mais c’est une injustice qui passera, j’espère.

— Jamais ! Les femmes sont comme les généraux en chef : il ne faut jamais leur raconter que ce qui nous fait honneur.

À dater de ce jour, elle ne l’a plus revu. « Il a été tué à l’une de nos victoires », dit-elle[7].

L’impératrice a fait une allusion à Mme Tallien ; pour en parler plus à son aise, elle engage Sophie Gay à lui demander une audience. La jeune femme retrouve là Mme de Beauharnais dans sa simplicité et sa bienveillance. Joséphine parle de Thérésia : l’empereur ne lui pardonne pas d’avoir dédaigné le grand rôle qu’elle était appelée à jouer après avoir délivré la France de Robespierre. « Bonaparte en veut à tous ceux qui manquent leur destinée. » Pourtant, il n’oublie pas les services qu’elle leur rendit à tous deux autrefois. Il est plus sensible et reconnaissant qu’on ne croit.

La conversation saute aux souvenirs de la Malmaison. Méhul, Ducis et Népomucène Lemercier, des habitués que Joséphine aimait, l’ont abandonnée ; les deux derniers viennent de renvoyer à l’empereur la croix de la Légion d’honneur ; elle les blâme. Puis elle revient à M" Tallien en regardant, comme dans les comédies, si personne n’écoutait.

— Il faut que vous engagiez Thérésia à rompre ses rapports d’amitié avec Ouvrard. Bonaparte le croit un de ses plus grands ennemis ; c’est là, à vous dire vrai, l’unique cause de son animosité contre elle. Tâchez d’obtenir ce sacrifice, et je suis sûre qu’il lui rendra son ancienne affection et me permettra de la revoir comme autrefois.

Commission pénible, sans aucune chance de succès.

— N’importe ! promettez-moi de l’engager à suivre mon conseil. Mon Dieu ! on n’a pas toujours une aussi bonne raison pour…

Elle n’achève pas ; Sophie ne peut retenir un sou rire. De fait, sans s’arrêter à des pamphlets comme celui qui valut au marquis de Sade une prison définitive et qui compromit Joséphine elle-même, on conviendra que Thérésia ne donnait pas précisément l’exemple de l’ordre que Napoléon voulait rétablir dans la société et dans les mœurs. Après avoir eu un fils de M. de Fontenay, elle avait eu, probablement d’Ouvrard, un fils et une fille pendant que Tallien était en Égypte, et encore une fille pendant la procédure en divorce. Le divorce prononcé le 8 avril 1802, elle se remarie le 18 juillet 1805 avec le comte Joseph de Caraman, bientôt prince de Chimay. Elle en aura trois enfants. Elle ne sera, d’ailleurs, jamais reçue à la cour des Tuileries ni à celle de Bruxelles, et se consolera en s’en créant une à Chimay[8].

Ce sujet épuisé, Joséphine parle chiffons. Mme de Saint-Hilaire, première femme de chambre, apporte la dernière parure de Leroi.

— Qui vous a coiffée hier ? Vous aviez un turban drapé à merveille.

— Ah, mon Dieu ! Votre Majesté va encore sévir contre celui-là ?

Le turban est d’Herbault, second valet de chambre de l’impératrice, qui se promet d’employer son jeune talent.

Des chiffons, on passe au théâtre. Picard devrait bien varier son répertoire :

— Ne trouvez-vous pas que ses continuelles satires contre les parvenus sont passées de mode ?

Normande, Sophie Gay répond :

— Je crois qu’il donne demain une pièce nouvelle.

— En savez-vous le titre ?

« J’allais le dire… quand un instinct femelle m’arrêta tout à coup », a-t-elle écrit. La pièce s’appelait : la Femme de quarante-cinq ans. Or, Joséphine arrivait à cet âge où l’on a besoin du mystère de la toilette pour réparer des ans l’irréparable outrage[9]. Picard, en affichant ce titre, manque de tact. À la représentation, Sophie voit de sa loge la figure de l’impératrice se contracter à chaque plaisanterie lancée contre la femme de quarante-cinq ans. Elle préférerait ne pas avoir à donner son opinion, mais par son chambellan Joséphine l’invite à venir dans son salon après le spectacle. « À peine avais-je fait mes révérences, que l’impératrice me dit avec un sourire tant soit peu amer :

» — Eh bien, madame Gay, comment trouvez-vous la pièce nouvelle ? Moi, je ne saurais la juger. On devrait conseiller à Picard de ne la jouer que devant des femmes de vingt-cinq ans.

» — Il me semble, madame, qu’il y pourrait comprendre celles qui ne paraissent pas en avoir davantage.

» Cette flatterie assez mal tournée me valut un regard affectueux. »

Pour punir Picard, Joséphine ménage une faveur à Alexandre Duval. Elle sait par Deschamps que Duval doit lire une comédie chez Sophie Gay : la lecture aura lieu au palais impérial. Duval revient d’un tour en Russie où il a fui le mécontentement provoqué chez le Maître par son Édouard en Écosse. Il craint quelque mésaventure nouvelle, et n’a pas envie de retourner chez les Moscovites. Mais on l’assure de la bienveillance de Joséphine, et Sophie Gay l’introduit à la cour.

À leur entrée, le salon est bondé. Grosse affaire que de régler l’étiquette d’un cercle où pour la première fois tout le monde est assis ! Mme de La Rochefoucauld est au supplice ! Il y a eu des hésitations, de l’inexpérience, des vanités froissées ; Sophie remarque que ce spectacle captive Alexandre Duval au point de lui faire oublier qu’il y doit jouer son rôle. D’un geste, l’impératrice invite l’auteur à prendre place à la table préparée pour lui ; un signe du général d’Harville, et hommes et femmes s’asseoient. Un silence. « Et le premier acte s’écoule comme un ruisseau sur un terrain plat. »

Le titre de la pièce : le Tyran domestique, a mis quelques courtisans en défiance. Ils se rassurent vite. L’attention et les éloges de l’impératrice décident du succès de la lecture, qui s’achève sur une mésaventure de M. le Directeur des Ponts et Chaussées, Crété : il a bravé ses propres routes pour assister à la soirée, et en éprouve une telle fatigue que, dans l’excellent fauteuil où le hasard l’a installé, ses gros membres se détendent, son gros corps se délasse, et il s’assoupit. Le bruit des voix qui complimentent l’auteur le réveille. Voyant tout le monde debout, confus d’être le seul assis, il veut se relever précipitamment : « Mais les beaux cygnes blancs sculptés par Jacob et qui soutiennent les bras du fauteuil, se sont incrustés pendant son sommeil dans les cuisses du dormeur ; rien ne peut les en séparer, et c’est armé de ce bouclier tenace qu’il vient mêler ses éloges à tous ceux dont on accable l’auteur ». Il n’y a pas de sérieux qui tienne devant le comique d’une telle situation. L’impératrice s’efforce de n’en rien voir ; le rire qui gagne l’assistance s’égare sur l’un des personnages de la pièce, que l’auteur n’aurait jamais cru si drôle…, jusqu’à ce que le fauteuil lâche sa proie.

Entre temps, une expérience personnelle apprend à Sophie Gay la confiance que méritent les récits officiels. Elle reçoit une lettre très détaillée, très exacte, relatant le désastre arrivé à la Flottille de Boulogne par la faute de l’empereur, qui n’a pas voulu revenir sur un ordre inconsidérément donné à l’amiral Bruix. L’impératrice en reçoit une également ; elle en fait part à son entourage : simplement, une imprudence de Bruix a failli être funeste à la Flottille, et, pour finir, l’empereur s’accuse d’avoir beaucoup ri d’une mésaventure survenue au ministre de la Marine, Decrès : peu ingambe et fort replet, le ministre a voulu passer sur une planche, du quai à bord d’une canonnière ; il perdit l’équilibre, tomba à l’eau, et ne fut repêché qu’à grand’peine. À ce récit chacun de rire, comme avait ri l’empereur.

Soudain, l’arrivée de quelques grands personnages annonce celle de Napoléon. Parti de Saint-Cloud le 18 juillet, il a surveillé les opérations du camp de Boulogne jusqu’au 23 août, et de là s’est rendu à Coblentz[10]. Le mardi, 2 septembre, à midi, il fait son entrée dans Aix-la-Chapelle. Le maréchal Mortier, le général Mouton, deux grands et beaux hommes qu’admire fort le peuple allemand ouvrent la marche, avec un état-major éblouissant. Sans débrider, Napoléon donne ses audiences. Il visite les manufactures de draps, les fabriques d’épingles, et prend des décrets qui en favorisent l’essor. Il assiste aux fêtes que la ville donne en son honneur. Le 7 septembre, il se fait montrer à la cathédrale les reliques envoyées à Charlemagne par l’impératrice Irène. La grande dimension d’un os du bras de Charlemagne qu’on lui exhibe attire son attention. Il demande à Corvisart à quelle partie du bras cet os correspond. Corvisart sourit, et ne répond que sur une nouvelle interpellation. L’os est un tibia.

— Eh bien ! Gardez cette découverte pour vous. Il faut respecter tous les préjugés.

L’impératrice admire fort un camée tenant à l’une des châsses du Trésor ; le clergé le lui offre ; l’empereur lui défend d’accepter : « Action toute impériale qui fut médiocrement approuvée par Joséphine ». Mais Napoléon fera transporter au Louvre le pseudo-bras de Charlemagne, qui y restera jusqu’en 1815[11].

En sortant du Trésor, Napoléon s’assied sur le fauteuil de marbre où s’asseyaient pour leur couronnement les empereurs d’Allemagne, et sur lequel Othon III avait découvert le corps de Charlemagne. Que de rapprochements alors dans les esprits ! et que n’augure-t-on pas du règne qui commence !

Sophie Gay admire ces grandeurs. Le respect ne lui enlève pas sa présence d’esprit. Le jour où Napoléon l’aborde à sa manière brusque, elle lui répond du tac au tac.

— Madame, ma sœur vous a dit que je n’aimais pas les femmes d’esprit ?

— Oui, Sire, mais je n’en ai rien cru.

— Vous écrivez ? Qu’avez-vous fait depuis que vous êtes ici ?

— Trois enfants, Sire.

Il sourit, et passe, à ce rappel de sa réplique fameuse à Mme de Staël en 1797.

De fait, une des amies de Sophie Gay disait :

— Est-elle heureuse, cette Mme Gay, elle fait tout bien : les enfants, les livres, et les confitures[12].

— Peut-on un éloge plus complet ?

Elle et son mari ont connu Maret, et sollicité l’honneur de l’héberger. Maret travaille la nuit jusqu’à deux heures du matin. S’il entend encore parler dans le salon, il entr’ouvre la porte de son cabinet, et demande s’il n’est pas de trop. On l’accueille avec joie dans ce cercle de bons rieurs et de causeurs spirituels, artistes, aides-de-camp, maréchaux en herbe, qui jouent à la bouillotte tout en se racontant des histoires. Un soir, voilà Picard au désespoir : son jeune premier, Clozel, beau, pré somptueux et galant, admis dans une maison de la ville, fait la cour à la maîtresse du lieu ; il ne remarque pas la jalousie d’un ami de la dame. Ce dernier surprend un rendez-vous donné pour le lendemain dans un bois voisin. Pour l’empêcher sans scandale, il a recours à la pharmacie, et laisse tomber deux grains d’émétique dans la tasse de thé de Clozel. L’avantageux jeune premier absorbe la boisson, se sent mal, et se croit beaucoup plus grave ment atteint qu’il ne l’est en réalité. À cette nouvelle, Picard s’affole : le jeune premier doit jouer le soir même dans la seule représentation à laquelle assistera l’empereur. Que faire ?

Picard s’indigne des rires qui accueillent son désespoir. Sophie Gay lui conseille de confier l’histoire au secrétaire des commandements de l’impératrice ; Deschamps la contera à Joséphine, qui ne manquera pas d’en amuser l’empereur, et sûrement tout ira bien. En effet, on voit M. de Rémusat se rendre au domicile de Clozel ; il vient prendre de ses nouvelles… de la part de l’empereur, sans nul doute. Électrisé par ce témoignage d’intérêt, Clozel jouera, mort ou vif. Et jamais le rôle de Rifflard ne fut mieux tenu, et jamais il ne fit rire le public d’aussi bon cœur.

Sophie Gay adore veiller. Elle veillerait, dit-elle, même avec des ennuyeux, si les ennuyeux aimaient à veiller, ce qui ne s’est jamais vu. Maret la ravit chaque fois que son arrivée prolonge la soirée. Quel intérêt, aussi, à écouter la parole d’un personnage qui passe sa vie dans l’intimité du grand homme, et qui sait causer en homme du monde et en lettré ! Quelle saveur il donne à une simple anecdote datant de l’armée d’Italie : les soldats rient de voir leur chef les commander avec son petit chapeau râpé, déformé, imprégné de la poussière des batailles ; ils se cotisent pour lui en payer un neuf, et le général Bonaparte s’amuse de cet hommage, qui le flatte.

Maret a les poches pleines de lettres de soldats dans le goût de celle-ci : « Votre Majesté est trop juste et connaît trop bien mon oncle Eustache pour croire qu’il me donnera jamais un sou du bien de ma mère, à moins que je n’aille au pays lui parler de la bonne encre. C’est pourquoi il me faut un petit congé. » Quand par hasard une de ces lettres tombe sous les yeux de l’empereur, il est rare qu’il n’y fasse pas une réponse favorable.

Son séjour à Aix-la-Chapelle dure une semaine. Le 11 septembre, à cinq heures du matin, il se met en route pour visiter le nord du département de la Röer. Le lendemain 12, l’impératrice part à son tour pour Cologne où elle doit le rejoindre, et où les dames qui prétendent à la présentation s’exer cent à des révérences compliquées et comiques[13]. Cette visite a lancé Aix-la-Chapelle comme ville d’eaux. Les séjours qu’y feront les membres de la famille impériale augmenteront sa vogue.

La préfecture est presque chaque année palais impérial ou palais royal. En août et septembre 1806, séjour du roi et de la reine de Hollande[14]. En 1809 et 1810, saisons particulièrement brillantes : les étrangers affluent pour voir Madame Mère qui vient soigner ses névralgies, le roi et la reine de Hollande, la princesse Pauline à qui les médecins prescrivent les eaux. Pauline apporte tant d’agrément dans les réunions que, dit Beugnot, le roi Louis lui-même ne parvient pas à les attrister. Joséphine, depuis le divorce, y vient beaucoup plus souvent qu’à Plombières, qu’elle préférait auparavant. Chacune de ces puissances a sa cour, et chaque cour s’orne « de femmes aimables et de gens bien élevés ».

Sophie Gay assiste à toutes les fêtes. Elle savoure des couplets comme ceux que l’on chante à l’inauguration des portraits de l’empereur et de l’impératrice, le 1er  juin 1809 :

    Répétons donc, Messieurs, d’une voix unanime,
    Vive Napoléon, ce héros magnanime.
    Il versa ses bienfaits sur l’heureuse Cité,
    Qui date son bonheur du jour qu’il a régné.

N’a-t-il pas de quoi déchaîner son enthousiasme, ce programme de la fête donné pour la naissance du roi de Rome ? Salves d’artillerie ; le portrait que Sa Majesté a daigné donner à la ville sera orné de guirlandes de fleurs ; les eaux jailliront devant la statue de Charlemagne ; la grande effigie de ce monarque sera promenée dans la ville, portée par plusieurs hommes cachés sous son manteau ; de dis tance en distance, elle jettera des bonbons, et d’une main elle portera son sceptre sur lequel sera écrit en gros caractères français et allemands : Je ne suis surpassé que par Napoléon. L’hôtel du préfet, l’hôtel de ville seront décorés de verdure et d’emblèmes analogues à la fête. Trois rosières seront mariées à des militaires blessés, etc.

Les relations de Sophie avec la reine Hortense datent probablement de son séjour à Aix. Ses grandes amies, Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély et Mme Hainguerlot, s’y rencontrent avec la princesse Pauline. Le préfet, Alexandre de Lameth, est un vieil ami de la famille Gay. On continue à s’amuser beaucoup chez le receveur général. Des plus assidus à ces réunions, Barthélemy, jeune sous-préfet, se rappelle avec joie les heureux moments qu’il passa chez ce « fastueux ménage »[15].

Mme Gay vient de passer la trentaine. Sa physionomie vive, mobile, « pétille d’esprit » — l’expression revient sous la plume de tous ceux qui la décrivent, — mais d’un esprit plus malin que fin ; la taille belle, la figure régulière, l’air impérieux, le ton décidé, la parole prompte, la réponse vive, l’allure un peu masculine, la distinguent. Elle anime ses salons, où chacun se sent bien chez soi, mais amuse plus qu’elle n’attire. Elle ouvre sa mai son tous les soirs. On joue au whist, au quinze ou à la bouillotte. À onze heures, les personnes sérieuses se retirent : restent les intimes, Alexandre de Lameth et son état-major, M. de Pontécoulant et d’autres bons amis venus de Paris. Le maître de la maison va se coucher. Alors commence la seconde, la vraie soirée, qui se prolonge au moins jusqu’à deux heures ; l’entrain de la maîtresse de maison fait toujours paraître le temps trop court ; quel feu roulant d’anecdotes vivement contées ! Que de chansonnettes, de petits vers souvent passablement gaulois ! On met les tables de jeu bout à bout, et chacun s’installe à sa guise pour souper. On rit, on cause, on chante des couplets ; Sophie Gay en compose, et Montozon lui en inspire : originaire du Midi, son imagination l’incite à aventurer en son parler gascon des histoires peu vraisemblables, et voici la flèche qu’elle lui décoche :

    En passant par l’Estramadure,
    En franc amateur de gibier,
    On avait mis sur la voiture
    D’œufs de perdrix un plein panier.
    Mais la chaleur était horrible :
    De chacun sortait un petit.
    — Eh ! Messieurs, ce n’est pas possible !
    — C’est Montozon qui me l’a dit !

Barthélemy s’installe à un bout de table, Sophie se met à sa gauche, et un intime de la maison à sa droite. Bientôt il sent un petit pied effleurer son pied gauche ; pareille attaque se prononce sur sa droite. Il répond à ces tendres pressions. Soudain, au milieu d’un rire général provoqué par quelque saillie, il se relève brusquement en retirant sa chaise : les intéressés voient clairement qu’il était en tiers dans leur entretien. Ils se regardent, sur pris, mais ne lui témoignent aucune mauvaise humeur. Par contre, il se fait vertement tancer un jour qu’il revient de Paris avec un paquet et une lettre pour une dame de leurs relations. La lettre devait être remise personnellement. Il n’y voit pas malice, et la porte au logis du ménage, où elle provoque un violent orage. Sophie Gay le prêche de la belle façon, et conclut :

— J’aimerais mieux coucher avec quatre hommes que d’écrire une lettre !

Ce qui prouve que les belles dames du Directoire parlaient un langage aussi franc que les honnestes dames de Brantôme.

L’été à Aix-la-Chapelle, l’hiver à Paris, elle goûte fort cette existence. Depuis 1803, elle habite dans la capitale une grande maison avec jardin, 9, rue des Mathurins, au coin du passage Sandrié. Son salon dénote une artiste aimant l’éclat, la fanfare, l’élégance, les beaux-arts. Le meuble est couvert de casimir écarlate ; le piano demeure ouvert ; deci, delà, des miniatures d’Isabey et de Cicéri, des objets de bon goût. En bonne place, un buste de la princesse Borghèse sur un piédestal, et un grand portrait de la maîtresse de la maison alors qu’elle était dans sa fleur, par Bonnemaison. La peinture en est bonne, la pose gracieuse, l’expression fine, mutine, intelligente, les bras beaux et purs de ligne, les cheveux bouclés ; les seins roses transparaissent à travers la gaze légère de la robe blanche[16]. Elle a sa loge à l’Opéra et au Théâtre-Français. Le spectacle finit à onze heures ; elle n’attend pas le baisser du rideau pour rentrer chez elle, car elle reçoit tous les soirs. Les amis d’élite viennent causer des événements de la journée, usage de ce temps qui favorise les conversations intimes, les rapports d’esprit et d’amitié. On continue l’entretien de la veille, on échange des éloges et des épigrammes qui ne blessent pas, et l’on ne parle pas politique[17]. On discute littérature et beaux-arts ; si l’on chante des romances élégiaques, où les chevaliers gémissent sur leurs coursiers, où les troubadours plaintifs jurent d’aimer toujours, on se rattrape en riant à cœur-joie des saillies spirituelles qui fusent à tous propos.

Ces habitués, ce sont le comte de Pontécoulant, qui ne passe pas deux jours sans venir ; Népomucène Lemercier ; Étienne dit de Jouy, militaire sous la Révolution, aujourd’hui publiciste, bientôt académicien : Charles de Longchamps, chambellan de Caroline Murat, surintendant de ses théâtres, auteur d’ouvrages spirituels aujourd’hui bien éventés ; d’Aure ; Coupigny, le roi de la romance, à d’autres heures honnête employé au Ministère de la Marine, puis à celui des Cultes ; Musson le mystificateur et Lenoir son compère ; Alexandre Duval ; Dupaty ; Garat la mousique, comme disait Piccini, avec ses gilets prodigieux, son zézaiement d’incroyable, ses cravates Directoire ; le jeune J. de Norvins, à la fois amusant conteur et remarquable causeur, fils d’un ancien receveur général des finances, ancien émigré rentré en France pour accompagner le général Leclerc à Saint-Domingue d’où par chance il est revenu sain et sauf au printemps de 1803 ; d’Alvimare et sa harpe ; Frédéric Duvernois et son cor. Du côté des femmes, Sophie Gail, Mme Récamier, l’ex-Mme Tallien devenue princesse de Chimay, Mme Pelleport, la marquise de Custine, Mme Regnault de Saint-Jean-d’Angély, Mme de Barral, et une cousine de Sophie Gay, Mme de Grécourt. Elle reçoit aussi : Mlle Contat, Mlle Mars, Mlle Duchesnois ; des musiciens comme Spontini, Méhul, et Paër avec sa grosse tête, sa verrue sur le nez, et ses gros doigts que l’on s’étonne de voir caresser les touches avec autant de précision et de délicatesse ; des chanteurs comme Della Maria, Dalayrac, Elleviou aux cheveux blonds et bouclés, et le castrat romain Girolamo Crescentini, qui triomphait en ce temps dans Romeo e Giulietta, l’opéra de Zingarelli. Alexandre Soumet, dont tout Paris récite l’élégie de la Pauvre Fille, fait la connaissance de Talma dans ce salon où se réfugie l’aristocratie ralliée, et où l’on accueille d’illustres mécontents : le duc de Laval-Montmorency, Benjamin Constant, le duc de Broglie, Chateaubriand vers la fin de l’Empire, le duc de Choiseul, Lamoignon, le duc de Léry, l’élégant comte de Forbin, Perregaux, le comte Germain. L’aimable et charmant vicomte de Ségur n’est malheureusement plus là : la mort l’a emporté en 1805. Le chevalier de Boufflers est devenu un vieillard maigre et pâle, avec deux petites ouvertures en manière d’yeux, une petite tête poudrée « à l’oiseau royal » sur un corps de taille ordinaire, habillé tant bien que mal d’un habit râpé dont la broderie verte indique l’Institut ; tel quel, il fait le tour du salon ; quoique bien laid, il sourit avec grâce ; il dit à chaque femme un mot, un mot d’esprit d’une qualité fine et rare.

Quels agréables souvenirs se ménagent les jeunes gens ! On jouit là d’une complète liberté ; la vie se dépense et se paie argent comptant ; nulle prétention, rien ne gêne l’essor des esprits. Les talents de Sophie Gay qui joue du piano et de la harpe en virtuose, son culte pour les arts et pour les lettres, l’égalité de son affection, donnent un charme unique à ces réunions. « Jamais, dit J. de Norvins, l’hospitalité de la civilisation n’avait eu cet attrait, cette couleur, ce caractère. » Franche gaîté, causerie imprévue, musique délicieuse concourent au plaisir. Un prince prie Sophie Gay de le faire dîner avec Musson, Musson, le mystificateur professionnel, l’air bonhomme et un peu lourd, dont l’œil éteint s’allume lorsqu’il a lâché quelque balourdise bien conditionnée. Le prince se voit présenter, au lieu de celui qu’il espérait connaître, un mineur, Goffin, qui a sauvé plusieurs de ses camarades et mérité la croix : il en porte une énorme, pendant jusqu’au bas de son gilet. Il parle houilles sans arrêter.

— Vient-il des femmes dans les mines ?

— Beaucoup. Elles paraissent blanches dans le charbon.

En partant, le prince dit à son hôtesse :

— Ce brave homme m’a beaucoup amusé, mais je crois que Musson me fera encore plus rire.

— Eh bien ! répond-elle, je vous promets de vous le faire revoir.

Ainsi apprend-elle au prince qu’il a dîné avec Musson, et non avec Goffin.

Le jour de la fête d’Alexandre Duval, Sophie Gay joue chez elle un impromptu distribué entre Boïeldieu, le prince de Chimay, Mme Grassini, d’Alvimare, et Talma qui pour la première fois remplit un rôle bouffe.

On veillerait toute la nuit, si l’on n’était rappelé à l’heure et à la réalité par les invectives d’un perruquier, logé vis-à-vis, qui l’hiver, bien après minuit, vient arracher sa femme de la fenêtre ouverte où elle s’oublie aux mélodies de Garat, de d’Alvimare, de Duvernois, et des autres[18].

Sophie Gay retrouve plusieurs de ses amis chez le comte Regnault de Saint-Jean d’Angély. On raille la brune Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély de ne se laisser jamais voir que de profil, un profil, au reste, beaucoup moins pur et grec que des flatteurs l’ont dit. Pauline Bonaparte va répétant : « Avez-vous remarqué comment elle entre dans un salon ? En marchant de côté, comme les crabes ! » Pourtant le portrait qu’en fit Gérard la montre de face ; on remarque l’écartement des yeux, qui n’enlève rien au charme extrême d’un ensemble séduisant. Le portrait peint à Milan par Appiani confirme cette impression[19]. Faisant allusion à ces images, plus tard, devenue vieille, Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély dira à la plus jeune fille de Sophie Gay, en mettant de l’ampleur dans sa phrase, et des accents circonflexes :

— Va voir dans le salon comme j’étais belle ![20].

On la surnomme, en effet, belle et bonne. L’empereur se montre quelquefois dur pour elle : sous la Restauration, elle ne se rappellera que ses bienfaits, et ne demandera jamais aux Bourbons sa pension de veuve d’un conseiller et ministre d’État. Elle sculpte et chante ; toute jeune, elle assista au fameux souper grec de Mme Vigée-Lebrun ; elle a affronté la Conciergerie avec calme ; aujourd’hui, elle est fort « de la cour », et réunit dans son salon une société d’élite, bien que le duc de Broglie, qui en est, remarque que l’on y voit « plus d’hommes que de maris ». Les femmes, outre Sophie Gay, sont Mme Récamier, Mme de Staël, Mme Hamelin, et les hommes, Garat, Gérard, Millin, Arnault, Foureroy, Chaptal, le duc de Bassano, La Fayette, Benjamin Constant, Auguste de Colbert, le comte de Fuentès, Alphonse Pignatelli[21].

Sophie Gay fréquente le salon de Talma, où grands du jour, courtisans de l’ancien régime, artistes, hommes de lettres, savants, intrigants, agioteurs se donnent la main et jouent au boston. « Tourbillon d’esprit », elle enveloppe, enlève, étourdit l’helléniste Clavier, qui n’en peut plus et suffoque. Gérard cause finement, comme toujours, avec le bon vieux Ducis, patriarche à cheveux blancs, à l’air inspiré, au regard étincelant ; le mathématicien Legendre écoute Musson qui joue des proverbes ou mystifie un provincial frais débarqué. Mme de Bawr brille de tout son éclat, Mme de Bawr, auteur de huit pièces de théâtre et de trente volumes, pas un de moins, dont elle a consacré six à l’histoire, un par siècle du xive au xixe, et cela sans frémir. Arnault, Chénier et Lemercier vont de pair, les trois tragiques qui se sont partagé la succession de Voltaire « comme Antiochus, Cassandre et Lysimaque se sont distribué l’héritage d’Alexandre ». En dépit du ton réservé de la maîtresse du lieu, des écarts de langage pimentent parfois la conversation de ces hommes et de ces femmes d’esprit[22].

Souvent aussi, Sophie Gay se montre chez la princesse de Chimay. Elle y rencontre le duc de Gaëte, qui va bientôt jouer un rôle dans son existence, le cardinal Caprara, de Saint-Just, Arnault, Legouvé. Elle y entend pour la première fois chanter la comtesse Merlin. Lorsque les Chimay habitent leur château, où ils ont établi un théâtre, elle donne sur cette scène « un mauvais vaudeville de circonstance, le jour de saint Joseph, en l’honneur du patron du prince de Chimay ». Elle a pour interprètes Isabey, Ciceri, et Mme Grassini qui joue le rôle, conçu à son intention, d’une marchande de chansons[23].

Comédie encore chez Mlle Contat, devenue ouvertement Mme de Parny, et logée au château d’Ivry. Pour habituer sa fille à la scène, Mme de Parny fait jouer chez elle Tartufe ; Charles de Longchamps remplit le rôle de Tartufe ; Alissan de Chazet, réputé pour sa maniêre de lire la comédie, celui de Cléante ; Mme de Parny fait Mme Pernelle, Mlle Mars, Elmire, et Fleury, Orgon ; ainsi entourées, Amalric et Émilie Contat se tireront bien des rôles de Dorine et de Flipote. Un grand dîner précède la représentation, qui offre pour grosse attraction le début de Mlle Mars dans l’emploi où elle va triompher au Théâtre-Français : date notable dans les fastes de la scène ; Sophie Gay se trouve là, comme elle se trouvera jusqu’à son dernier jour à toutes les manifestations un peu marquantes de la vie parisienne[24].

Elle assiste aux fêtes du mariage de l’empereur. Le 1er  juillet 1810, elle conduit sa fille Aglaé, qui a dix-sept ans maintenant, au bal de l’ambassade d’Autriche. Elle est près de l’empereur lorsque le feu prend. Elle juge aussitôt qu’une salle de bois risque de flamber subitement. Elle crie : « Ma fille ! ma fille ! » Le danseur de la jeune fille la sauve du feu et de la foule. Un colonel aide la mère à gagner une porte du jardin par un escalier qui s’écroule sous leurs pieds. « Les hommes de ma société, écrit-elle à Mme de Grécourt, se sont tous distingués dans cet incendie par des traits héroïques. Il n’est pas jusqu’à ce brave colonel Hulot qui n’ait employé le seul bras qui lui reste à sauver en se brûlant lui-même les femmes que le feu dévorait[25]. »

Cette constante activité mondaine ne l’empêche pas de surveiller de près l’éducation de ses filles. En pareille matière, elle ne prêche pas dogmatiquement la théorie : elle réalise la pratique. Ses idées sur l’éducation ont beau ne pas concorder avec celles de la docte Mme de Genlis : elle n’en a pas moins fait de ses filles des femmes remarquables, et de l’une d’elles une femme exceptionnelle. Comment s’y prend-elle ? Voici de quelle encre elle écrit, le 17 juin 1809, à sa fille Euphémie, « chez Mmes Mascarier, barrière Chaillot », à la veille de la première communion de l’enfant : « Reçois, ma chère enfant, toutes les bénédictions de mon cœur et les vœux qu’il forme pour ta félicité. Elle sera durable si tu conserves les bons sentiments qui remplissent en ce moment ton âme ; car le malheur n’atteint jamais complètement ceux que leurs vertus font chérir. Sois douce, mon Euphémie, et surtout indulgente ; apprends de bonne heure à sacrifier les intérêts de ton amour-propre aux petites faiblesses des gens qui voudront t’humilier. Venge-toi de l’injure par le bienfait, et, ce qui est peut-être plus difficile encore, de l’impolitesse par l’obligeance ; et tu verras que le ciel récompense généralement tous les sacrifices que le devoir impose par le plaisir d’avoir mérité sa protection, et le charme d’être aimé de tout ce qui nous entoure[26]. » Elle ne cherche pas à se mettre à la portée de son enfant : elle en élève l’esprit au niveau du sien. Ce qu’une observation intelligente du monde lui a appris, elle le condense en une phrase, en un conseil qui enferme non seulement une morale mondaine, mais encore une philosophie humaine.

D’ordinaire, elle ne semble guère occupée des choses de la politique. Pourtant, en 1811, elle se mêle à une intrigue que, par la suite, on ne débrouillera pas sans peine. Cette année-là, Cha teaubriand a vu s’élever des nuages entre l’empereur et lui : d’abord à propos de son discours à l’Académie que Napoléon corrige, puis à propos du temple de Jérusalem que Chateaubriand veut reconstruire, enfin à propos d’un ministère des Bibliothèques dont Chateaubriand demande la création à son bénéfice. La situation se tend au point qu’il se croit menacé. À ce sujet, il écrit dans ses Mémoires d’outre-tombe[27] : « Des personnes pleines de grâce, de générosité et de courage, que je ne connaissais pas, s’intéressaient à moi. Mme Lindsay, qui, lors de ma rentrée en France en 1800, m’avait ramené de Calais à Paris, parla à Mme Gay ; celle-ci s’adressa à Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély, laquelle invita le duc de Rovigo à me laisser à l’écart. Les femmes de ce temps-là interposaient leur beauté entre la puissance et la fortune. »

Les Mémoires d’outre-tombe commencèrent à
Illustration, médaillon d’un buste de femme, chevelure noire en bouclette, voile vaporeux encadrant le visage.
Illustration, médaillon d’un buste de femme, chevelure noire en bouclette, voile vaporeux encadrant le visage.
Sophie Gay

Miniature par Isabey

(Collection C. Enlart)
paraître dans la Presse en 1849. Ce passage n’est

pas plutôt publié que Fortunée Hamelin, dont l’âge n’a pas glacé les ardeurs, le déclare « ridicule et fait pour des bonbons », et parfaitement inexact. Le 1er  août, elle écrit à la comtesse Kisseleff une lettre qui paraît en feuilleton dans le Constitutionnel ; elle y raconte comment, dans les serres de Boursault, elle ménagea une entrevue entre Chateaubriand et le duc de Rovigo ; la conclusion en fut que Chateaubriand put se retirer tranquillement dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups. Parlant des personnes pleines de grâce auxquelles René fait allusion, Mme Hamelin ajoute : « J’étais liée avec ces aimables et belles personnes, et la comtesse Regnault est l’amie de toute ma vie. Or, elle ne parla pas à son mari, parce qu’elle savait que l’illustre écrivain n’était nullement menacé. Dire comment le nom de Mme Gay a remplacé le mien, je l’ignore, et ne relèverais pas cette substitution si elle ne prouvait jusqu’à l’évidence qu’une belle petite menotte, celle de Juliette, hélas ! a fait des corrections à l’usage de ses propres rancunes. » Il est certain que Mme Récamier n’aimait guère Mme Hamelin, à qui elle voulut enlever Montrond, sans toutefois compromettre l’éternelle blancheur de sa robe.

Dans la Presse du 14 août, Sophie Gay répond : puisque ce soupçon de substitution peut faire croire qu’elle a usurpé la reconnaissance de Chateaubriand et s’est rendue complice d’un acte d’ingratitude, elle détaille ses démarches en faveur du grand homme, sa visite au comte Daru au sujet du discours de l’Académie que l’auteur refusait de corriger comme l’empereur le voulait, et l’entretien qui décida Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély à intervenir. Comme pièce justificative, elle publie ce billet que Chateaubriand lui envoya en avril 1811 : « Vous êtes, madame, si bonne et si douce pour moi que je ne sais comment vous remercier. J’irais à l’instant même mettre ma reconnaissance à vos pieds, si des affaires de toutes sortes ne s’opposaient à l’extrême plaisir que j’aurais à vous voir. Je ne pourrai même aller vous présenter tous mes hommages que jeudi prochain, entre midi et une heure, si vous êtes assez bonne pour me recevoir. Je suis obligé d’aller à la campagne. Pardonnez, madame, à cette écriture arabe. Songez que c’est une espèce de sauvage qui vous écrit, mais un sauvage qui n’oublie jamais les services qu’on lui a rendus et la bienveillance qu’on lui témoigne. » À ce billet, il est curieux de comparer celui par lequel, étant ministre, le vicomte répondit le 9 février 1823 à Mme Hamelin : « Je n’oublie jamais, madame, les services qu’on m’a rendus ! C’est à l’intérêt que vous avez bien voulu me témoigner que je dois de n’avoir pas été fusillé ou enfermé par Bonaparte. Aussi, madame, si je puis vous être utile, je suis prêt à payer la dette de la reconnaissance. Je voudrais pouvoir me rendre à vos ordres ; mais la multitude des affaires ne me laisse pas le temps de sortir pour d’autres affaires. Si je ne craignais d’abuser de vos bontés, je vous prierais de fixer le jour et l’heure où je pourrais avoir l’honneur de vous recevoir chez moi ; je serai bien heureux de pouvoir vous offrir à la fois mes remercîments et mes hommages. »

Voilà les données du problème. Comment les démêler ? « Sophie Gay, dit M. Gayot, bienveillante et d’esprit sagace, s’y est essayée, et, tout en blâmant Chateaubriand de son oubli, de son geste ingrat envers une bienfaitrice, a mis cette « correction » au compte d’un scrupule de conscience et d’un respect honorable envers Juliette vieillie qu’il ne voulait pas offusquer, même avec un nom pro noncé devant elle et qui, seul, faisait surgir les fantômes attristants du passé. L’excuse est délicieuse. Elle vient de Sophie Gay. » En réalité, l’intervention de l’une et de l’autre en 1811 en faveur de Chateaubriand est certaine, et l’attitude peu chevaleresque du vicomte envers Fortunée Hamelin ne l’est pas moins[28]. Il est juste d’ajouter qu’au moment de la guerre d’Espagne, Chateaubriand lui donnera ce que les gens de bourse appellent un « tuyau », grâce auquel elle pourra acheter pour 200.000 francs de terrains.

Vers le mois de mars de cette même année 1811, une fâcheuse mésaventure, qui change du tout au tout sa situation pécuniaire, advient à Sophie Gay. Le pis est qu’elle-même peut se la reprocher : son mari est suspendu de ses fonctions. Pourquoi ?

Leur ami Alexandre de Lameth a quitté la préfecture d’Aix-la-Chapelle au début de l’année 1809. Le 19 février, Merlet le remplace pour peu de temps, et, le 31 mai, Jean-Charles-François Ladoucette devient titulaire du poste. Aix-la-Chapelle est désormais la station thermale la plus fréquentée du continent. Il faut à la préfecture un homme du monde, capable de bien recevoir les baigneurs de marque. Lameth remplissait parfaitement ce rôle. Son successeur n’y semble pas moins apte : lettré, affable, bienveillant, Ladoucette se montre désireux de plaire à son tour. Réal note en lui une indulgence et un optimisme destinés à lui ménager les sympathies des habitants. Avec cela, désintéressé, aimant le travail, concevant facilement, et sachant représenter. Mais le plus doux des moutons peut devenir soudain le plus enragé des fauves, à moins que la bénignité de Ladoucette n’allât pas plus loin que ses administrés.

Un soir, dans son salon, Sophie Gay donne cours à sa verve caustique ; Ladoucette en est l’objet ; on rit beaucoup ; il l’apprend, et jure de se venger. Il provoque un examen de la comptabilité du receveur général. Il sait bien qu’il est fort difficile que la comptabilité d’un receveur général soit rigoureusement en règle. Il sait aussi que le comte Defermon des Chapelières, un ancien conventionnel devenu directeur au Ministère des finances de l’Empire, montre une excessive rigueur à l’égard des comptables, et agira fortement sur l’esprit du ministre. Sigismond Gay a beau être bien noté : « Il acquitte très exactement ses obligations en bons à vue. Il jouit d’un crédit très solide comme financier. Il est généralement considéré », disent les renseignements confidentiels fournis au ministre par le précédent préfet. On découvre qu’au 24 décembre 1810, il est comptable envers le Trésor d’une somme de 720 fr. 52 c., plus les intérêts pendant quinze mois, somme qu’il a payée sans être due et qu’il doit rembourser, sauf son recours.

Suspendu de ses fonctions, il continue à toucher son traitement. On espère autour de lui qu’il obtiendra un changement de recette ; malheureusement, son ministre est violemment prévenu contre lui. À la demande de Mme de Lacaux, car Sophie Gay n’a pas osé, dit-elle, solliciter elle-même cette nouvelle preuve de bienveillance, la princesse de Chimay intervient en sa faveur auprès du duc de Gaëte. Longtemps on hésite en haut lieu. On serait disposé à lui donner une autre recette générale ; par un fâcheux hasard, aucune ne devient vacante. Cette situation se prolonge pendant vingt-deux mois. Elle ne peut durer davantage. Un décret du 22 décembre 1812 nomme à Aix le baron Dalton, receveur général du département de Rhin-et-Moselle, à la place de Gay. Ce dernier continue à arborer son titre d’ancien receveur général tout en dirigeant sa banque d’Aix-la-Chapelle. À titre de consolation, peut-être, le prince de Wagram lui confie une fourniture de trois cent mille francs de tentes, mais il perd du coup plus de cent mille francs par an[29].

  1. Arch. nat., Fic, III, Roër, 4. — Moniteur, an XII, p. 1413, 1429, 1438, 1460, 1482, 1491, 1522, 1548, 1556 ; an XIII, p. 70. — Sophie Gay : Salons célèbres, p. 255 et suiv.
  2. Fleischmann : Dessous de princesses et maréchales d’Empire, p. 36.
  3. Fleischmann : Dessous de princesses et maréchales d’Empire, p.58.
  4. Baronne de V[audey] : Souvenirs du Directoire et de l’Empire, Paris, 1848, in-8°, p. 47.
  5. Edm. Taigny : Isabey, sa vie et ses œuvres, extr. Revue européenne, Paris, 1859, in-8°, p. 22.
  6. Sainte-Beuve : Lundis, IX, 442.
  7. L’adjudant qui commanda le feu s’appelait Pelé ; le lieutenant, Noirot. — Nougarède de Fayet : le Duc d’Enghien, Paris, sans date, in-18, p. 201.
  8. Lairtullier : les Femmes célèbres de 1789 à 1795 et leur influence pendant la Révolution, Paris, 1840, deux volumes in-8°. — Marquis de Sade : Zoloé et ses deux acolytes, Paris, 1800, in-12.
  9. Baronne de V[audey] : Souvenirs du Directoire et de l’Empire, p. 64.
  10. Baron Fain : Mémoires, Paris, 1908, in-8o, annexe 2.
  11. Docteur Max Billard : le Squelette du bras droit de Charlemagne, extr. de l’Asepsie, avril 1909.
  12. Th. Gautier : Portraits contemporains, p. 22.25.
  13. Baronne de V[audey] Souvenirs du Directoire et de l’Empire, p. 47. — Moniteur, an XIII, p. 70. — Alissan de Chazet : Memoires, III, 41.
  14. Arch. nat., Fte, III, Roër, 4. — Sophie Gay : Un mariage sous l’Empire, Paris, 1832, deux volumes in-8°, I, 130. — Turquan : les Sœurs de Napoléon, Paris, 1896, in-18, p. 288. — Fleischmann : Dessous de princesses et de maréchales d’Empire, p. 35.
  15. Barthélemy : Souvenirs d’un ancien préfet, 1787 à 1848, Paris, 1886, in-18, p. 38.
  16. J.-J. Coulmann : Réminiscences, Paris, 1862-1869, trois volumes in-8°, I, 327. — Portrait appartenant à la famille de Canclaux.
  17. Sophie Gay : Un Mariage sous l’Empire, II, 160.
  18. J. de Norvins : Mémorial, III, 298. — Th. Gautier : Portraits contemporains, p. 20 et suiv. — Jacques Boulenger : Marceline Desbordes-Valmore, Paris, sans date, in-18, p. 62. — Arnault : Souvenirs d’un sexagénaire, IV, 302. — L. Séché : le Cénacle de la Muse française (1823-1827), Paris, 1909, in-18, p. 22. — Duchesse d’Abrantès : Histoire des salons de Paris, Paris, 1837-1838, six volumes in-8o, V, 363. — Edm. Biré : l’Année 1817, Paris, 1895, in-8o, p. 338. — Baron Honoré Duveyrier : Anecdotes historiques, Paris, 1907, in-8o, p. 231. — Alissan de Chazet : Mémoires, III, 92. — Philarète Chasles : Mémoires, Paris, 1876-1877, deux volumes in-18, I, 297.
  19. Le portrait de Gérard est au Louvre ; celui d’Appiani à Versailles.
  20. Rapporté par Mme Détroyat.
  21. Coulmann : Réminiscences, I, 179. — Mme Vigée Lebrun : Souvenirs, Paris, 1835, deux volumes in-8o, I, 100. — P. de Saman : les Enchantements de Prudence, p. 10. — Duchesse d’Abrantès : Histoire des salons de Paris, VI, 363. — Turquan : les Sœurs de Napoléon, p.268.
  22. Brifaut : Souvenirs d’un académicien, introduction par le Dr Cabanès, Paris, sans date, deux volumes in 8°, I, 93.
  23. Gazette de France, 1er  avril 1843.
  24. S. Gay : Salons célèbres, p. 49.
  25. Lettre de Sophie Gay à Mme de Grécourt, 8 juillet 1810, arch. Du Manoir de Juaye. — L. Grasilier : l’Incendie de l’hôtel de l’ambassade d’Autriche, extr. le Vieux Montmartre, fasc. 79, 1913-1918, p. 263-295.
  26. Lettre de Sophie Gay à Euphémie Liottier, 11 juillet 1909, arch. Enlart.
  27. Chateaubriand : Mémoires d’outre-tombe, édition Biré, III, 50.
  28. Constitutionnel, 1er  août 1811. — Presse, 14 août 1811. — Gayot : Fortunée Hamelin (une ancienne muscadine), Lettres inédites (1839-1851), Paris, sans date, in-8°, p.16, 22, 301-305. — Marquiset : Une merveilleuse, p. 148. — Chateaubriand : Mémoires d’outre-tombe, III, 50, note de Biré.
  29. Arch. nat., F1b, Roër, 3 ; A Fiv, Décrets, plaquette 4375 ; A Fr, 5573 n° 12. — Moniteur, 27 décembre 1812, p. 1423. — De Lanzac de Laborie : la Rive gauche du Rhin, dans Revue hebdomadaire, 11 janvier 1919, p. 164. — Mme de Solms : Madame de Girardin, Bruxelles, 1837, in-12, p. 7. — Lettre de Mme Allart, dans Manecy, Une famille de Savoie, p. 30. — Lettre de Sophie Gay à la princesse de Chimay, arch. Détroyat.