Une muse et sa mère/5

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Éditions Émile-Paul frères (p. 158-180).
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V


La première inspiration poétique jaillit dans son âme à Villiers-sur-Orge. Le cadre est d’autant plus facile à imaginer qu’il n’a presque pas changé. Allez à Villiers-sur-Orge. Suivez la route qui mène à Longpont. À la sortie du village, vous trouverez la Maison Rouge. Le pavillon qu’habitèrent Sophie Gay et sa famille subit à peine quelques réfections, qui en sauvegardèrent la physionomie ; elle a belle allure ; on la débarrassa du badigeon jaune dont elle était enduite en 1816 ; l’appareil de briques soutenu par des chaînages en pierre de taille a reparu ; il s’éclaire délicieusement de rose lorsque les rayons du couchant frappent la façade qui regarde vers Montlhéry, dont la haute tour domine le paysage. À l’intérieur, les boiseries du salon sont intactes, avec leurs dessus de portes peints en camaïeu bleu d’après Lancret, et figurant des scènes champêtres. L’admirable console de style Louis XV est toujours fixée au mur. Au premier étage, on voit encore l’alcôve de la chambre où Sophie Gay couchait.

Tous les aspects que décrivent les correspondances du temps, vous les verrez aussi : voici le bois, où des arbres magnifiques ont grandi, et la prairie dont Sophie Gay récoltait les foins. La vigne fut arrachée au cours du xixe siècle ; il en subsiste quelques pieds en espalier sur des murs. Entre le bois et la prairie, les jeunes romantiques disaient leurs vers au clair de lune. Du côté qui dévale vers l’Orge, voici le petit ruisseau que l’on passait sur une porte abaissée en manière de pont-levis. Voici enfin la belle allée de peupliers : les vieux sont morts, d’autres ont repoussé à leur place. Le tout dans une vallée fraîche et verdoyante, dont les hauteurs qui l’enserrent sont bordées de bois d’un côté, de champs cultivés de l’autre.

À un kilomètre de là, voici Longpont avec sa vieille basilique où le style roman se mêle au début de l’architecture gothique ; la façade n’a pas changé depuis lors, comme en font foi des estampes de 1817 et de 1824. Elle évoque le souvenir des premiers rois capétiens. C’était l’église paroissiale où Delphine venait le dimanche assister à l’office. À gauche du chœur, une série d’inscriptions indique ceux des Maillé de La Tour Landry enterrés là ; trois noms s’accompagnent de dates récentes, les noms de trois Maillé tombés pour la France pendant la grande guerre. Mais voici Charles-François-Armand, duc de Maillé de La Tour Landry, qui fut premier gentilhomme de la chambre de Louis XVIII, et que connut Delphine ; voici Blanche-Joséphine Le Bascle d’Argenteuil, duchesse de Maillé, celle-là même qui demandait à Delphine de dire des vers dans son château de Lormois. Le château se dresse emmi le parc, non loin de l’église. Lui seul est défiguré, et l’on ne saurait sans doute retrouver dans ses dépendances la chaumière de Lormois où Delphine s’isolait parfois pour écrire, et d’où elle data plusieurs de ses poèmes.

Il faut aller là par une belle journée d’automne, lorsque le soleil dore les vignes et que les premières feuilles commencent à tomber des peupliers. L’atmosphère est douce, à peine embuée d’une brume impalpable qui enlève aux contours des choses ce que leurs lignes pourraient avoir de dur ou de tranchant. Le ciel est bleu, du bleu léger de l’Ile-de-France. On se sent au cœur du pays de l’équilibre et de l’harmonie. Les souvenirs d’un lointain passé jaillissent de la ligne onduleuse d’un coteau, de l’épaisseur d’une frondaison, d’une pierre grise où le maître tailleur d’images, le franc et sincère artiste médiéval, fixa sa pensée d’un coup de ciseau. Ils baignèrent les premières rêveries de celle qui s’intitula la Muse de la Patrie.

À la tombée du jour, l’or des feuillages s’avive. Les brumes montent de la rivière, étendant un voile de gaze blanche et diaphane sur la prairie, et peuplant de mystère les bois épais qui s’assombrissent. Au loin, la vieille tour haut perchée sur la motte seigneuriale grandit encore à l’horizon, avant de s’évanouir dans l’ombre. La première étoile s’allume. La pâleur du clair de lune va se glisser en flèches d’argent parmi les troncs des arbres qu’elle stylise en imposantes colonnades. Une émotion intense se dégage des choses.

Un jour pareil à celui-là, la belle jeune fille aux boucles blondes, aux yeux couleur de ciel, à la blanche robe de mousseline, erre à pas lents dans la grande allée de peupliers. Sa gaîté rieuse s’éteint au coin de ses lèvres. Une douce mélancolie voile son front rêveur. Elle a seize ans. Une élégie monte de son cœur à ses lèvres :

     Jeune fille, où vas-tu si tard ?
     D’où vient qu’à travers la vallée
     Tu portes tes pas au hasard ?
  Pourquoi les égarer dans cette sombre allée ?

Ainsi commence la Noce d’Elvire, timbrée d’une épigraphe de Mme Dufrénoy. La pièce est datée de septembre 1820.

Sa mère s’inquiète de cette vocation littéraire qui s’annonce. Elle en connaît trop les risques et les inconvénients. Elle en connaît aussi les joies, et n’en détourne pas sa fille. Mais elle lui donne deux conseils : « Si tu veux qu’on te prenne au sérieux, donnes-en l’exemple, étudie la langue à fond, pas d’à-peu-près, remontres-en à ceux qui ont appris le latin et le grec. » Et deuxièmement : « N’aie dans ta mise aucune des excentricités des bas-bleus ; ressemble aux autres par ta toilette, ne te distingue que par ton esprit ». Delphine, tendre orgueil de sa mère, lui voue un touchant amour. Elle suit ses conseils de point en point. Enthousiaste de Racine, elle étudie la poésie avec Alexandre Soumet, la prose avec Villemain. Elle apprend le latin. Pas une de ses œuvres qu’elle ne documente sérieusement : pour son poème de la Magdeleine, elle se plonge dans l’histoire des Hébreux, et s’informe des termes hébraïques désignant jusqu’aux accessoires de la toilette des femmes juives ; elle inscrit des citations à la suite du Dernier Jour de Pompéï : il existe encore des chemises bondées de notes historiques et archéologiques qu’elle a prises en vue de ses poèmes et de ses pièces de théâtre. D’autre part, elle conserve dans sa mise une extrême simplicité : jamais de fleurs dans les cheveux, une robe de mousseline blanche unie, une écharpe de gaze bleue comme ses yeux. Pas de coquetterie : la conscience de ses avantages matériels, dont elle n’use ni pour tourmenter les hommes, ni pour accabler les femmes. Qu’une femme à la mode la félicite après qu’elle a dit des vers, elle répond :

— Ce serait plutôt à moi, madame, à vous com plimenter. Pour nous autres, femmes, il vaut mieux inspirer des vers que d’en faire[1].

Lui demande-t-on d’en réciter, elle ne se fait pas prier. Quand on est à Villiers, elle va soupirer ses élégies à Longpont, au château de Lormois, chez la duchesse de Maillé, où l’on donne des séances littéraires, où la duchesse joue le Misanthrope avec l’acteur Lafon sur un théâtre improvisé, dit Coulmann : « on est bien heureux d’être invité et de voir du faubourg Saint-Germain » ; après quoi la jeune fille retourne jouer dans le jardin, ou se disputer avec le même Coulmann au point de s’arracher mutuellement les cheveux ; la couleur en est si bien la même que, dit Sophie Gay, on ne sait à qui appartiennent les uns ou les autres[2].

Elle est, comme il convient à son âge, très entière dans ses opinions, et se passionne dans la discussion. Un jour, en l’absence de Sophie Gay, Mme O’Donnell, Delphine, Vatout, Froidefont de Bellisle et Frédéric Soulié causent. Vatout, intime de Casimir Delavigne, conte que ce dernier retouche son poème sur lord Byron. Et voici, notée, la con versation. Il est bon de se souvenir qu’avant peu, dans certains milieux, l’enthousiasme pour Casimir Delavigne équivaudra à un impardonnable brevet de cuistrerie.

« Delphine. — Je préfère de beaucoup la pièce de Guiraud. Il a, lui, senti, compris, aimé Byron.

» Vatout. — Mais il n’y a chez lui ni élévation, ni force, ni couleur. C’est une éloquente médiocrité que votre Guiraud.

» Delphine. — Je suis sûre que Casimir Delavigne en parle différemment, mais c’est lui-même qu’il faudrait entendre, car on lui prête souvent des discours qui, quand nous l’avons vu, étaient fort peu conformes. Ainsi vous m’avez soutenu l’autre jour, et Horace Vernet l’a répété, que parce qu’on lui avait préféré Soumet à l’Académie, il ne s’y présenterait pas ; qu’on l’avait traîné dans la boue. Jamais Casimir Delavigne n’a pu se croire traîné dans la boue parce que Soumet était nommé à sa place ; il m’a parlé de Soumet, et il m’a parlé de lui avec admiration ; il a plus d’esprit que ses amis.

» Vatout. — Je n’ai jamais dit, mademoiselle, que Soumet a été traîné dans la boue.

» Delphine. — Vous me l’avez dit positivement, j’ai bonne mémoire.

» Vatout. — Et mauvaise langue.

» Bellisle. — Mais, Delphine, je vous en prie, modérez-vous ; que diriez-vous si on écorchait votre enfant ?

» Delphine. — C’est que je ne puis entendre des injustices. J’ai dernièrement pris le parti de Casimir Delavigne ; dois-je entendre de sang-froid attaquer mes amis chez moi ?

» Vatout. — Vous me faites tenir un langage sur Soumet qui m’empêcherait de lui serrer la main s’il venait ici.

» Delphine. — Vous l’avez tenu ce langage. Je suis lasse d’entendre déraisonner. Il faut ne pas savoir ce que c’est que la poésie, pour ne pas apprécier Soumet. Ses vers sont frappés au coin de Racine ; ils me touchent, ils parlent au cœur et ne sont pas un vain clinquant. C’est de la grâce, de la sensibilité vraie ; je m’y connais, moi.

» Vatout. — Comparez donc ses succès à ceux de Casimir Delavigne.

» Mme  O’Donnell. — Delphine, mais est-ce qu’une demoiselle discute ainsi, s’emporte ainsi ?

» Bellisle. — Comment parlerez-vous quand vous aurez cinquante ans ? Vous prenez souvent un ton peu convenable, vous tranchez avec votre mère même ; vous ne vous doutez pas à quel point c’est choquant.

» Vatout. — C’est Mme de Genlis empereur, Mlle de Scudéry hors des gonds.

» Delphine. — Je ne suis pas une demoiselle ; mon rang est fixé ; je ne me marierai jamais. Je peux tout dire, surtout quand je suis chez moi. Dans le monde, je me tiens dans les bornes, je garde le silence.

» Vatout. — Casimir Delavigne ne vous ressemble pas, lui : c’est une demoiselle.

» Mme  O’Donnell. — Delphine, tu es absurde. Voilà comme nous perdons tous nos amis ; et pour qui ? pour Soumet, qui ne vient pas seulement nous voir, et nous néglige.

» Delphine. — Il n’en est que plus beau de le défendre.

» Vatout sort en disant à Mme O’Donnell. — Au moins, écrivez cela à Rambouillet. »

Soumet y est bibliothécaire. Cette querelle n’empêche pas Delphine de rendre par ailleurs justice à Vatout ; elle déclare ne pas connaître d’homme plus spirituel ; et c’est alors son ami H. de Latouche qui corrige quelque peu ce jugement en comparant Vatout à un papillon en bottes à l’écuyère[3].

La scène, prise sur le vif, met à nu plusieurs des caractéristiques du tempérament de Delphine : son ardeur à défendre ses amis, sa passion pour les choses de l’esprit, et surtout son assurance, cette assurance imperturbable dont elle ne se départira jamais, qui l’empêchera de discerner ses propres ridicules — car il lui arrive d’en avoir — alors qu’elle découvre si aisément ceux des autres, mais qui sera pour elle en toutes circonstances un étai inébranlable, un puissant soutien, en somme, une grande force.

À peine un an après sa première élégie, elle se risque à un « chant ossianique sur la mort de Napoléon », qu’elle dédie à la comtesse Bertrand. Une épigraphe tirée de Mme de Sévigné voisine étrangement avec Ossian, Fingal, et la quincaillerie calédonienne présentée au public par Baour-Lormian ; double tendance subie par Delphine : l’une infligée par la mode, l’autre inhérente à sa nature. Elle se livre au courant du jour, mais, comme sa mère, elle se nourrit des lettres de Mme de Sévigné, et des grands classiques français.

En 1821, l’Académie française indique pour sujet du concours de poésie : « Le dévouement des médecins français et des sœurs de Sainte-Camille dans la peste de Barcelone ». Bercée dès l’enfance dans le luxe fin de l’esprit, excitée par sa mère à toutes les ambitions, élevée sur les genoux des académiciens, Delphine tente la partie. Elle a dix-sept ans. Elle ne traite pas complètement le sujet : ainsi en cas d’échec, elle se ménage une excuse ; et si son poème obtient un succès, elle en aura quand même le bénéfice moral.

Elle dit les vers, elle lit la prose avec art, intelligence et goût, d’une voix grave, bien timbrée, prenante. Aux soirées de sa marraine la marquise de Custine, elle lit des fragments d’Atala et des Martyrs. Chateaubriand daigne certains soirs se mêler à ses propres admirateurs, et Mme de Custine n’oubliera jamais l’émotion que Delphine provoque dans son salon en lisant la Lettre d’Amélie à René. Mme Récamier met à contribution ce talent de la jeune fille. Il y a grande réunion à l’Abbaye-aux-Bois. Entre autres célébrités, on remarque ce soir là le duc Mathieu de Montmorency, la maréchale Moreau, le prince Tufiakin, Mme Bernadotte dont le patronyme s’efface devant son titre de reine de Suède, Catellan, le comte de Forbin, Parseval de Grandmaison, Baour-Lormian, Ampère, Gérando, Ballanche, le baron Gérard. La conversation s’engage sur la poésie dont tout le monde parle, « un vrai chef-d’œuvre de sensibilité », la Pauvre Fille, de Soumet. Soumet, le maître, l’ami de Delphine. Sûrement, elle sait cette poésie par cœur. À la prière de Mme Récamier, elle la récite « avec une grâce, une justesse d’inflexions, un sentiment vrai et profond » qui tiennent l’auditoire sous le charme. Ravie de ce succès, Sophie Gay dit à mi-voix à Mme Récamier :

— Demandez à Delphine de vous dire quelque chose d’elle.

La jeune fille esquisse un geste de refus ; la mère insiste ; Mme Récamier craint d’exposer à la critique d’un aréopage difficile et pas toujours bienveillant, un talent dont elle n’a pas la moindre idée. Mais Sophie Gay n’en démord pas ; les personnes présentes joignent leurs instances aux siennes et à celles de Mme Récamier, que l’exemple a fini par entraîner. Delphine se lève, et dit « d’une façon enchanteresse » le poème qu’elle vient de composer et d’envoyer au concours de l’Académie. Dans ce salon où Lamartine a initié les amis de Mme Récamier, bien avant le grand public, à ses premières méditations, cette nouvelle primeur est hautement appréciée[4].

L’été suivant, le 24 août 1822, à deux heures et demie après-midi, l’Académie française entre en séance : en tête, le comte de Ségur, directeur, Laya, chancelier, et Raymond, secrétaire perpétuel. Une salle bondée, une assemblée brillante, surtout dans la première enceinte réservée aux dames. Sont-elles attirées par la nature du sujet du concours de poésie, « si bien approprié à la sensibilité naturelle à leur sexe » ? Ou bien le secret du concours a-t-il transpiré, et veulent-elles « par un mouvement d’amour-propre très légitime, prendre part au triomphe inaccoutumé d’une jeune personne de dix-sept ans » ? On chuchote : Villemain, élu l’année précédente, a rédigé un rapport, lu à la séance secrète qui précède la séance publique ; les juges ont pleuré en entendant une poésie dont ils ne connaissaient pas l’auteur…

La séance est ouverte. Le secrétaire perpétuel, après le rapport sur les prix de vertu, lit celui sur les prix d’éloquence, de prose et de poésie. Saintine avec une épître, Mennechet avec une ode sur la Restauration des lettres et des arts sous François Ier, emportent le prix ; Malitourne et Patin se partagent celui d’éloquence dont le sujet est un Éloge de Le Sage. Et ces différents partages inspirent au Journal des Débats cette observation : « Voilà matière à réflexion pour ceux qui connaissent les lois de l’équilibre ». Lemercier lit les vers de Saintine, Laya la première partie de l’œuvre de Malitourne, et Picard la deuxième partie de celle de Patin. Après quoi, l’on passe au concours auquel Delphine a pris part avec cent trente autres concurrents. Le secré taire perpétuel proclame : premier prix, M. Alletz, qui est couvert d’applaudissements ; premier accessit, M. Chauvet : deuxième accessit, M. Pichat. Il ajoute : « Si l’auteur du numéro 103, en ne traitant qu’une partie du sujet, n’avait donné pour excuse et son sexe et son jeune âge, l’Académie, à la perfection et au charme de plusieurs passages, aurait pu croire que la pièce était l’ouvrage d’un talent exercé dans les secrets du style et de la poésie ; mais la simplicité touchante de divers tableaux, la délicatesse, je dirai même la retenue des pensées et des expressions, auraient permis d’attribuer l’ouvrage à une personne de ce sexe qui sait si bien exprimer tout ce qui tient à la grâce et au sentiment. En se restreignant à l’éloge des sœurs de Sainte-Camille, l’auteur se plaçait, en quelque sorte, hors du concours, et dès lors l’Académie, qui a jugé l’ouvrage digne d’une mention honorable, a cru juste de lui assigner un rang distinct et séparé de celui des autres mentions ». La séance s’achève sur la lecture de plusieurs fragments du poème de Delphine par le vieil ami de son père et de sa mère, Alexandre Duval. Duval lit parfaitement bien. « Il ne s’est trouvé que des larmes pour la poésie de sa jeune amie ». À la sortie, la foule élégante se rue à la porte de l’Académie pour escorter le triomphe de la Muse nouvellement consacrée, qui s’avance au milieu d’un concert de murmures flatteurs.

Toute la presse retentit de son nom. Le Journal des Débats, la Quotidienne publient son éloge. Le Moniteur dit que la lecture de ses vers « a produit un effet difficile à décrire… Cette séance doit être comptée au nombre de celles où le mérite des productions couronnées s’est trouvé le mieux en proportion de l’intérêt des sujets donnés au concours ». Une note de bas de page ajoute : « La pièce de vers de Mlle Delphine Gay sur le dévouement des médecins français et des sœurs de Sainte-Camille dans la peste de Barcelone, paraîtra lundi, chez Ambroise Tardieu, rue du Battoir, n° 14, et chez les libraires du Palais-Royal. Prix : 75 centimes ». La nomenclature des poètes lauréats de l’Académie française, de Biré et Guiraud, prétend qu’elle a déployé à elle seule plus de talent que tous ses rivaux ensemble. Elle reçoit des lettres enthousiastes de Roger, le grand électeur de l’Académie, qui insiste sur ce qu’à la séance secrète son succès ne fut dû qu’à la séduction de son talent, et n’a rien emprunté aux charmes de sa personne ; de Guiraud, qui l’accuse de disposer de paroles magiques, « car il le fallait bien pour séduire des oreilles d’Académie » ; de Soumet, qui lui annonce avoir lu son poème à Jacques Deschamps de Saint-Amand, le père d’Émile et d’Antony Deschamps : vieillard de plus de quatre-vingts ans, il conserve une étonnante fraîcheur d’impressions ; il réunit dans son salon un groupe de jeunes littérateurs qui commencent à révolutionner les lettres ; il a pleuré d’attendrissement et de joie ; « de toute la jeune littérature, écrit Soumet, vous êtes le seul poète qui trouve grâce à ses yeux, et il pardonne presque à la barbarie du siècle présent en faveur de tant de jeunesse, de talent et de sensibilité ».

La reine Hortense, à qui Sophie Gay prête parfois l’appui de son inspiration musicale, fait demander à Delphine par Le Bas, précepteur du prince Louis, les paroles d’une romance pour les mettre en musique. De Londres, Chateaubriand envoie ses félicitations ; sa lettre ne parvient pas à son adresse ; il l’apprend par Mme Récamier, et griffonne aussitôt un nouveau billet : « Je sais pourquoi vous dites si bien les vers : vous parlez votre langue ». Un retard de cinq mois n’enlève au compliment rien de sa valeur.

Si ce concert d’éloges flatte l’amour-propre de celle qui en est l’objet, il n’y paraît pas. Elle a le succès « fort humble et fort gentil ; elle dit sur sa renommée académique des folies qui vous feraient mourir de rire en dépit de soi ». En quoi elle est bien elle-même. Mais de toutes les lettres reçues, celle-ci va droit à son cœur : « Aix-la-Chapelle, 31 août 1822. J’ai éprouvé, ma chère enfant, un chagrin bien amer en n’assistant pas au triomphe dont tu viens d’être l’objet, mais mon attendrissement au récit de ton beau-frère n’en a pas été moins vif. Le sentiment dont il était pénétré a passé dans mon âme, et j’ai pleuré comme si j’eusse été témoin ; ta tante et ta sœur ont partagé l’émotion, et nous avons été aussi bêtes les uns que les autres. Ma satisfaction dans cette circonstance est d’autant plus vive que je ne doute pas de l’heureuse influence qu’elle exercera sur l’esprit de ta mère en lui rendant le courage et l’espérance. Nous te devons d’autant plus, ma chère Delphine, de nous procurer de semblables jouissances, que, très maltraités par la fortune, tu nous en procures que tous les millions de la terre ne sauraient donner. Nous avons lu avec avidité le récit des journaux relatif à la mémorable séance. L’article de Mély-Janin nous a paru le mieux. Je t’envoie celui du Nouvelliste d’Aix-la-Chapelle publié ce matin ; voilà la ville de Charlemagne pour jamais intéressée à tes succès, et la postérité, pour connaître le lieu de ta naissance, n’éprouvera pas la cruelle incertitude qui a si fort tourmenté les commentateurs d’Homère ; « on ne s’attendait guère à voir Ulysse en cette affaire ». Je sais un gré infini à mon bon ami Duval de s’être chargé de lire tes vers, et en lui écrivant, comme ta mère le désire, je suivrai l’impulsion de mon cœur. Il est bien démontré aujourd’hui que si tu avais traité le sujet dans son entier, tu aurais obtenu sinon le premier prix, du moins la seconde place. Tu prouveras encore mieux cette vérité à la première occasion, en effaçant tous tes concurrents. Nous disions hier que tu vas servir d’exemple à toutes les demoiselles qui savent un peu écrire, qu’au premier concours il y aura un numéro douze ou quinze cents, tant l’émulation sera grande, et qu’alors au lieu de te savoir gré on te maudira. En attendant, moque-toi des envieux, continue ton vol, et reste persuadée que le premier succès est le plus difficile. Je te dirai que ta mère a un admirateur des plus flatteurs pour elle : c’est Gœthe, l’auteur de Werther. J’ai vu ici une dame qui est très liée avec lui, qui m’a assuré qu’il avait la collection de ses œuvres, et qu’il regardait Anatole comme l’ouvrage le mieux écrit et le plus rempli d’idées fines, spirituelles, d’aperçus profonds, de connaissance du cœur humain, qui ait été imprimé depuis vingt-cinq ans, époque, ajoute-t-il, d’autant plus honorable que plusieurs femmes distinguées ont exercé leur plume. Cette dame m’a supplié de lui donner un Chevalier, en m’assurant qu’avant douze jours il serait dans les mains de Gœthe, ce que je n’ai pas cru devoir refuser, persuadé que je serais approuvé. Je suis sûr que dans le monde tu as déjà un Gœthe qui te suit des yeux et t’attend au deuxième triomphe, qu’il arrive donc ! Isaure nous a lu une boutade de ta façon sur « le Bonheur d’être belle » aujourd’hui. Si je faisais des vers, la mienne aurait pour titre : « le Bonheur d’être père ». Crois, mon enfant, que j’apprécie cette jouissance, et que jamais rien de ce qui sera grand, beau, généreux, élevé, ne me surprendra de ta part, tant il est dans ta nature d’être distinguée et noble. Si l’affection est en raison des motifs qui l’inspirent, tu dois juger de l’étendue de celle que te porte le meilleur des pères[5]. »

Cette lettre charmante déborde de tendresse et de fierté paternelles. Elle finit par une si juste appréciation du caractère de Delphine qu’à vingt-trois ans de là, son mari, pleurant sa perte, n’en portera pas d’autre, en termes presque identiques. Elle montre, au surplus, le moral de Sophie Gay affecté à cette époque. Le Chevalier en question est une comédie en trois actes et en vers, Une Aventure du chevalier de Gramont, qu’elle fit jouer au Théâtre Français le 5 mars précédent, et qui sombra. Les affaires de la banque ne semblent pas non plus prospères comme jadis, et l’avenir l’inquiète.

Elle réalise cependant un projet depuis longtemps caressé. En 1821, elle comptait profiter d’un séjour de Coulmann en Suisse pour lui demander de la guider dans ce pays qu’elle rêve de visiter. Le voyage ne s’arrange pas ; sur le point de partir avec Pontécoulant qui s’y rendait, elle renonce, au dernier moment, à l’accompagner. À la fin du mois d’avril 1822, elle éprouve quelque velléité d’aller voir sa fille de Canclaux, mais le projet pour la Suisse revient sur l’eau. Elle arrête le plan de son voyage suivant les indications de Coulmann : elle s’arrêtera à Lyon, à Genève, et de là gagnera Berne, où elle le rejoindra. Il lui fera les honneurs de la Suisse.

La cérémonie de l’Institut retarde le départ. De Villiers, le 19 août, elle l’annonce à Coulmann : « Ce jeune auteur qui vient d’être si glorieusement mentionné, j’ai promis à mes vieux amis de l’Académie de le conduire à leur grande solennité du 24, pour entendre les vers cités par le père des Templiers. C’est quelque chose que d’être louée à dix-huit ans par un homme de ce mérite, et ma fierté maternelle n’a pu se refuser cette petite jouissance. » La cérémonie a lieu… et le départ est encore reculé. Au dernier moment, les passeports font défaut ; il faut surmonter « des difficultés imbéciles ».

Ces difficultés, la police de la Restauration les suscite. Elle a fort à faire, la police de la Restauration, et elle se donne beaucoup de mal pour remplir sa mission ! À peine est-il bruit que Sophie Gay doit se rendre dans le Midi, qu’une mouche le recueille, et le fixe sur le papier. « 27 juin 1822. On vient d’apprendre que M" Sophie Gay était il y a peu de jours à Bordeaux, d’où elle doit se rendre aux eaux de Bagnères après avoir parcouru néanmoins plusieurs villes du Midi, qui ne sont point sur la route de Bordeaux à Bagnères. C’est chez Mme Gay à Paris que se réunissent un grand nombre d’individus connus par leur haine du gouvernement. Mme Gay a été longtemps attachée à plusieurs polices, à celle du Directoire ainsi qu’à celle de Bonaparte ; elle est l’amie d’un certain Froidefont de Bellisle actuellement dans une grande intimité avec M. le duc de Choiseul, Doulcet de Pontécoulant, le général Maison et autres gens de cette espèce. Elle est aussi très liée avec le duc d’Alberg. D’après des données particulières, on a lieu de soupçonner que Mme Gay pourrait bien voyager dans ce moment pour le compte du Comité directeur [du parti libéral], comme elle a voyagé autrefois pour le Directoire et pour Fouché. On croit qu’il serait important de surveiller ses démarches de très près ».

Voilà qui est grave ! Le directeur de la Sûreté générale demande aussitôt : « Mme Gay a-t-elle un dossier ? Dans l’affirmative, me le remettre. » Une deuxième note, adressée à Duplay, sous-chef du bureau politique, pose encore une question : « De quels ouvrages Mme Gay est-elle auteur ? »

Le 2 juillet suivant, le préfet de Police apprend au ministre de l’Intérieur que Mme Gay, femme d’un ancien receveur général, femme d’esprit, fort intrigante, liée avec tout ce que le parti libéral compte de plus hostile, a quitté Paris pour aller à Bagnères en passant par plusieurs villes du Midi qui ne sont pas sur la route de Paris à Bordeaux, et qu’elle est l’auteur de :

« Léonie (c’est Léonie de Montbreuse) ;

» Rodolphe ou Astolphe, histoire d’un muet (c’est Anatole) ;

» On lui attribue une histoire dont il n’est paru qu’un volume intitulé, je crois, histoire d’un valet de chambre révolutionnaire (c’est le premier volume de : les Malheurs d’un amant heureux) ;

» Plusieurs pièces au Français dont la dernière est tombée, etc.

» Plusieurs petits théâtres, et beaucoup d’articles de journaux, etc. »

Bref, de quoi faire frémir un bibliographe ! Ces premiers renseignements ne tardent pas à se compléter. Le 5 juillet, le préfet de Police continue à éclairer, si l’on peut dire, le ministre de l’Intérieur : « Monseigneur, j’ai l’honneur d’ajouter aux renseignements que j’ai transmis à Votre Excellence, le 2 de ce mois, relativement à Mme Gay, que la fille de cette dame est mariée à Perpignan avec le général Canclaux, dont l’esprit d’opposition au gouvernement du roi et le zèle pour le parti d’Orléans est généralement reconnu. Ainsi par le moyen du voyage de Mme Gay à Bayonne et du séjour de Mme Canclaux à Perpignan, les Pyrénées orientales et occidentales sont en quelque sorte livrées aux intrigues de cette famille qui est entièrement dévouée aux ordres du Comité directeur. Je tiens les rapports que j’ai l’honneur de vous communiquer touchant cette affaire, d’une personne en qui je puis avoir confiance, et je crois qu’ils méritent que Votre Excellence les prenne en considération. » À coup sûr, le général Canclaux, qui a fait tirer sur les royalistes vendéens sous la Révolution et que l’Empire a fait comte, peut légitimement susciter les soupçons de la police. Mais si seulement Sophie Gay n’avait pas bougé de Paris, si le général Canclaux n’était pas mort depuis cinq ans, et si on ne le confondait pas avec son neveu, l’ancien consul de l’empereur à Nice, ces renseignements mériteraient sans doute de ne pas soulever aussi complètement la méfiance de l’historien. Quatre jours plus tard, le 9 juillet, pour éviter que Sophie Gay et le général Canclaux ne soulèvent tout le Midi de la France, les préfets des départements de la Gironde et des Hautes-Pyrénées sont armés de tous les renseignements précités, et reçoivent l’ordre de faire surveiller activement ces deux dangereux personnages.

À ce moment même, Sophie Gay se prépare à partir en Suisse avec Delphine. « J’arrache ma Delphine à tous les hommages d’un succès enivrant, dont pourtant sa simplicité n’est pas dérangée. Elle est aussi étonnée qu’amusée, et moi seule en suis fière… Delphine me charge de vous dire qu’après le char de triomphe rien ne lui paraît plus glorieux que votre char-à-bancs. Si vous nous renversez du haut de cette gloire, vous aurez affaire maintenant à la postérité ; ce sera votre affaire personnelle, et nous nous en lavons les mains. » Elle compte retirer son passeport le lendemain 2 septembre : elle ne montera en voiture que le 4, avec Delphine et sa femme de chambre, car elle aura « quelques toilettes à faire » à Lyon et à Genève.

La mère et la fille traversent une première fois cette dernière ville pour gravir le Montanvert et explorer la vallée de Chamonix. Elles ont la chance d’excursionner en compagnie de « l’homme le plus piquant et le plus intéressant par son esprit et l’étendue de ses connaissances… Jean Sbogar-Nodier » ; elles s’arrachent au plaisir de parcourir avec lui ces contrées miraculeuses pour ne pas manquer le rendez-vous de Berne, et voilà que de retour à Genève, une lettre de Coulmann annonce qu’il a quitté Berne, et ajoute que si elles veulent l’y attendre trois semaines, il viendra les prendre pour un voyage dans le nord de l’Italie. Désolée de ce contretemps, Sophie Gay ne veut pas mettre le pied en Italie sans pousser jusqu’à Rome, et les couches de Mme O’Donnell la rappellent à Paris. Elle se contentera de faire le tour du lac de Genève. En cette ville, elle applaudit au triomphe dans Mérope de Mlle Georges, qui le lendemain visite Ferney où on lui rend « de vrais hommages ». Elle rencontre Hippolyte Auger, qui voyage en Suisse en compagnie et aux frais d’un Allemand, Charles Delmar, dont le père s’enrichit en payant à Napoléon les frais de la guerre perdue par la Prusse ; Auger prétend avoir dès cette époque pres senti « la future M"° de Girardin, se faisant une auréole des vers qu’elle récitait ».

Le 20 septembre, nos deux voyageuses visitent Lausanne, puis Vevey et La Meillerie. Sophie Gay rêve aux impressions que lui procurera la vue de Coppet. « Là, dit-elle, m’attendent les souvenirs des plus vives émotions que jamais aucun livre m’ait produites, et je commence à ne plus compter que sur les souvenirs, eux seuls sont fidèles. » Hélas, « le duc de Broglie, en qualité d’ancien ami à moi, a voulu nous faire lui-même les honneurs de son château, et cela m’a privée du plaisir de rêver à mon aise dans ce triste lieu ; je n’ai pu avoir un pauvre petit tête-à-tête avec Mme de Staël. »

Contrairement à son précédent projet, elle va à Berne, y rend visite au baron de Krudener qu’elle a connu à Aix-la-Chapelle, et au ministre de France, comte Auguste de Talleyrand, qu’elle prie de viser son passeport pour retourner en France. Le 1er octobre, elle traverse une dernière fois Genève où une lettre de Coulmann lui apprend que la santé de sa sœur l’a rappelé à Strasbourg. Elle prend le chemin du retour par la Bourgogne, ne séjourne guère à Paris, et dans les premiers jours de novembre se réfugie à Villiers-sur-Orge avec Delphine, pour s’y reposer des fatigues du voyage.

Elle ne se doute certes pas que la police de la Restauration, ne la trouvant pas dans le midi de la France, l’a rattrapée sur la route de Suisse. M. Schmidt-Meyer, syndic de Genève, a adressé au comte Auguste de Talleyrand le rapport demandé sur elle et sur Odilon Barrot dont les allées et venues au même moment dans le même pays ne paraissent pas moins suspectes. Le comte de Talleyrand a transmis le tout à son ministre, s’excusant d’envoyer d’aussi maigres renseignements — ils sont en effet totalement insignifiants, — sur ce « qu’à l’exception de Berne, les cantons n’ayant point de police organisée, il est bien difficile de connaître la conduite politique des étrangers qui voyagent en Suisse, et dont le nombre est si grand que souvent à Berne même ils ne trouvent pas à se loger ».

Une première mauvaise nouvelle trouble la calme solitude de Villiers : le 30 novembre, le courrier annonce que Coulmann a perdu sa sœur. Trois semaines plus tard, un coup de foudre : Sigismond Gay meurt subitement à Aix-la-Chapelle, le 19 décembre, à onze heures et demie du matin ; il n’a pas encore cinquante-cinq ans[6].

  1. Henri Girard : Un Bourgeois dilettante à l’époque romantique, Émile Deschamps (1791-1871) Paris, 1921, deux volumes in-8°, I, 92. — Victor Hugo raconté, II, 55. — 29 juin 1855, Mme Émile de Girardin, née Delphine Gay, 29 juin 1856, Paris, 1856, in-12. Discours de Jules Janin, p. 3. — Arch. Détroyat.
  2. Coulmann : Réminiscences, I, 327 et s. — Solms : Madame de Girardin, p. 11.
  3. Coulmann : Réminiscences, I, 327 et suiv. — Sainte-Beuve : Lundis, XI, 155.
  4. A. Bardoux : Madame de Custine, p. 341. — Mme Récamier : Souvenirs et Correspondances, publiés par Mme Lenormant, Paris, 1859, deux volumes in-8e, I, 329.
  5. Journal des Débats, 31 juillet et 26 août 1822. — Quotidienne, 25 août 1822. — Moniteur, 1822, p. 1251. — Biré et Guiraud : les Poètes lauréats de l’Académie française, Paris, 1864, deux volumes in-18, l,311. — L. Séché : le Cénacle de la Muse française, p. 182-188. — Henri Girard : Émile Deschamps, p. 27. — Stéphane-Pol : la Jeunesse de Napoléon III, correspondance inédite de son précepteur Philippe Le Bas, Paris, sans date, in-8°, p. 119. — Coulmann : Réminiscences, II, 125. — Delphine Gay : Essais poétiques, p. 29. — Lettre de Sigismond Gay à Delphine, 31 août 1822, arch. Détroyat.
  6. Arch. nat., Ft 6905, doss. 7404. — Lettres de S. Gay à Coulmann, dans Réminiscences, II, 125-128, 177. — Hipp. Auger : Mémoires, p. 334. — Extrait de l’acte de décès de Sigismond Gay, dans Manecy, Une Famille de Savoie, p. 57.