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Une oubliée — Madame Cottin d’après sa correspondance/Appendice 4

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IV

Extrait du procès-verbal de l’Assemblée Nationale 20 septembre 1791.

Un membre a représenté que les sieurs Jauge et Cottin, citoyens de Paris et Bordeaux, avaient ensemble ou séparément rendu des services importants à diverses époques de la Révolution. Qu’en 1789, quand la disette se faisait sentir, ils ont ouvert sur leur maison de commerce un crédit de 600000 francs à la municipalité de Paris, qu’ils ont escompté pour 297 000 francs de billets donnés aux ci-devant gardes françaises pour l’acquisition des casernes et autres objets appartenant à cette troupe ; qu’ils rendirent ainsi la plus grande confiance et la circulation la plus facile à ces billets, qui n’étaient reçus qu’avec une perte considérable ; enfin qu’ils ont fourni aussi, sans intérêt et sans commission, dix mille livres sterling de traites sur l’Angleterre à l’effet de payer des farines dont la France avait le plus urgent besoin et que le gouvernement était alors dans l’impossibilité de payer. Que le sieur Jauge, en qualité de premier aide-de-camp ayant rang d’aide-major général de la Garde Nationale parisienne, avait servi avec le plus grand zèle dans toutes les circonstances difficiles depuis le mois de juillet 1789. — Que le plus grand moyen de multiplier les vertus et les actes civiques est de témoigner la reconnaissance publique aux citoyens qui ont bien mérité de la Patrie.

Ce membre a demandé qu’il fut fait, dans le procès-verbal, une mention honorable des services rendus par les sieurs Jauge et Cottin, et que le président de l’Assemblée fût chargé d’écrire, au sieur Jauge, une lettre pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur la manière dont lui et le sieur Cottin se sont comportés depuis le commencement de la Révolution. La motion, mise aux voix, a été adoptée et décrétée en ces termes :

« L’Assemblée Nationale décrète qu’il sera fait une mention honorable dans le procès-verbal des services rendus par les sieurs Jauge et Cottin dans le cours de la Révolution ; et que le Président écrira au sieur Jauge pour lui témoigner que l’Assemblée Nationale est satisfaite des services que lui et le sieur Cottin ont rendus à la chose publique depuis le commencement de la Révolution. »

Copie de la lettre du Président de l’Assemblée Nationale à M. Jauge.


« 30 septembre 1791.

« L’Assemblée Nationale, Monsieur, a entendu avec sensibilité les détails qui lui ont été présentés, des services importants que vous et M. Cottin avez rendus à la chose publique depuis le commencement de la Révolution. Si quelquefois le récit d’événements désastreux a fait naître dans l’Assemblée Nationale le silence de la douleur, souvent aussi le tableau des scènes consolantes pour les amis de l’humanité a excité de vifs applaudissements. Plusieurs citoyens vrais amis de la liberté ont déployé tout le courage et toute l’énergie que le patriotisme seul peut donner pour prévenir et pour adoucir les maux inséparables d’une grande révolution. Votre nom. Monsieur, et celui de M. Cottin seront toujours cités avec avantage parmi ceux des Français qui dans ces temps difficiles se sont distingués par leur zèle et leur dévouement civiques ; ils sont voués à la reconnaissance de vos concitoyens et de la postérité qui n’apprendra pas sans être touchée, que dans les circonstances les plus orageuses, tout ce qui était à vous, tout ce que vous aviez de plus cher, votre temps, votre fortune et votre vie, étaient à la Patrie. L’Assemblée Nationale me charge de vous en exprimer sa satisfaction.

« Le Président de l’Assemblée Nationale :
« Thouret. »