Une petite gerbe de billets inédits/08

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Une petite gerbe de billets inédits : Beaumarchais, sa femme, Mme Campan
(p. 15).

VIII


Ma chère douce Épine,

Mantoue a capitulé le 14 ou 15 pluvios comme aussi sa forteresse. Je vous embrasse. Voilà l’aurore de notre liberté.

Votre frère et ami,

Serbelloni[1].

  1. Tout est singulier dans ce billet, son extrême brièveté qui permet de le citer comme un modèle de laconisme, la plaisanterie initiale sur le nom de l’horloger, douce épine étant une imitation de douce amère, l’orthographe de quelques mots, la bouillante ardeur qui règne en ces deux lignes, sans date (la capitulation de Mantoue suivit l’armistice du 16 janvier 1801) et qui sont signées d’un nom oublié dans nos recueils biographiques. Ce nom fut pourtant célèbre. Thiers (Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 1, p. 225) cite « M. Serbelloni, envoyé de la république cisalpine » parmi les hauts personnages étrangers qui assistèrent à la première audience du Corps législatif aux Tuileries (21 février 1800), et il le mentionne encore (tome III, p. 385) comme ayant eu à Lyon, en janvier 1602, une entrevue avec le premier Consul au sujet de l’organisation de la République cisalpine. Napoléon, du reste, appréciait depuis longtemps déjà Serbelloni, comme le prouve ce passage d’une de ses lettres au Directoire, écrite de Milan le 11 juin 1791, passage qu’a bien voulu m’indiquer le savant historien des guerres de la révolution, mon cher confrère M. A. Chuquet : « Serbelloni est patriote, il jouit d’une grande considération, étant de la première famille du Milanais, et fort riche. » (Correspondance tome I, p. 387). Voir sur la famille Serbelloni et les divers personnages de marque qui lui ont autrefois appartenu, les dictionnaires de Bayle, de Moréri, etc. Je reproduis, à la suite du dernier document de la première série, une petite pièce moitié imprimée, moitié manuscrite, billet de convocation adressé par le ministre Fouché au neveu de Beaumarchais :
    Imprimé LIBERTÉ (Vignette) ÉGALITÉ
    ministère de la police générale
    Paris, le 13 thermidor an 9 de la République, une et indivisible.
    Le Ministre de la police générale de la République,
    a
    Au Citoyen l’Épine, horloger

    Je vous invite, citoyen, à vous rendre à mon ministère, demain à midi, pour une affaire pour laquelle vous pouvez donner des renseignenents.

    La présente vous servira de carte d’entrée au bureau de l’inspecteur général.

    Le ministre de la police générale,
    Fouché.
    Le chef du bureau particulier,
    Desmarets.