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Une voix dans la foule/À celle qui se mirait dans l’eau

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À CELLE QUI SE MIRAIT DANS L’EAU

Sous ton chapeau de primeroses,
Chère amoureuse du printemps,
Je t’ai surprise en maintes poses
Te mirant dans l’eau des étangs

Ou bien dans celle des fontaines
Qui s’égoutte des mascarons
Grimaçant sur les vasques pleines
Où tu trempes tes poignets ronds.


Que demandes-tu donc à l’onde,
Miroir d’un fugitif décor
Où, dénouant ta toison blonde,
La brise effeuille tes fleurs d’or ?

Te souviens-tu que ces images
D’oiseaux, de verdure et d’azur,
Se flétriront sous les nuages
Et les frimas d’un temps moins pur ?

Pourtant l’automne est bien lointaine
Qui, voilant de brumes le ciel,
Viendra ternir mare et fontaine
De feuilles jaunes et de gel.

Crains plutôt de voir ton visage
S’évanouir au fond du soir
Et de comprendre le présage
De ton trop magique miroir.

Quitte, ô sœur, ce qui t’ensorcelle,
Rêve inutile du sommeil.
Et loin d’ici redeviens celle
Oui rit aux rayons du soleil.


Ailleurs c’est la belle contrée
Dont les torrents ne pourront pas
Réfléchir ta face éplorée
Sous les lauriers et les lilas.

Car il ne faut pas trop connaître,
Amoureuse des calmes eaux,
Le regard éteint de son être
Pour crier sa joie aux oiseaux.