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Une voix dans la foule/Ce pays

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Une voix dans la fouleMercure de France (p. 154-155).
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CE PAYS

Ce pays est si doux qu’on y voudrait mourir
En écoutant bêler, dans un bruit de sonnailles,
Là-bas, près de la mer, les paisibles ouailles
Qui sentent dans le vent le printemps refleurir.

On y voudrait mourir dès les premières roses
De trop rêver, de trop pleurer, de trop aimer.
Car ils pressent, ce cœur que rien ne peut calmer,
Qu’au-delà de la vie est le secret des choses.


S’endormir à jamais dans le jardin des morts !
Ne plus entendre au loin la voix vaine des hommes !
Mais quelle est donc encor cette ombre que tu nommes ?
Quel est ce souvenir obscur comme un remords ?

Oh ! ne crois pas tuer le printemps en toi-même
Ni dérober les yeux aux lueurs du réveil !
Salue à chaque aurore, en chantant, le soleil !
Toute la Terre est là qui demande qu’on l’aime !

N’entends-tu pas bêler de désir les brebis ?
Ne vois-tu pas fleurir cette saison féconde ?
Feins alors qu’il fait clair dans ton cœur et le monde,
Et, comme pour danser, mets tes plus beaux habits !