Une voix du Père-Lachaise/Suite des concessions a temps et a perpétuité
SUITE DES CONCESSIONS A TEMPS ET A PERPÉTUITÉ.
Toi dont l’amour pour nous ranimait les vieux ans,
O toi qui fus toujours la plus tendre des mères,
Dans ce champ de repos tes malheureux enfants
Ne peuvent que t’offrir des larmes amères.
Tout en lui respirait la grâce de l’enfance,
Quand un souffle de mort flétrit ce front si beau.
Mais non, d’un sommeil pur cet ange d’innocence
Ne fit que s’endormir, et c’est là son tombeau.
Il est des chagrins que nul ne peut décrire,
Quand ils sont incrustés sur la pierre de mort
Tel ainsi qu’un fanal lorsqu’il cesse de luire
Arrête le navire aux approches du port.
Un père est un pilote et sans boussole… lui,
Des faibles passagers, seul il reste l’appui
Veiller au gouvernail, c’est vivre pour défendre
Les erreurs de l’enfance et mourir dans l’ennui.
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Et secouant ses blanches ailes,
L’ange à ces mots prit son essor
Vers les demeures éternelles.
Pauvre mère ! son fils est mort.
Aux plus rares vertus, à la sagesse, au goût,
Le ciel joignit en elle un jugement solide,
Modeste avec esprit, la raison fut son guide,
Et sans prétendre à rien elle eut des droits sur tout.
Pendant sa longue et douloureuse maladie il répétait souvent : Mon Dieu, ayez pitié de moi ! Il demanda lui-même et reçut les secours de l’église ; il fut aimé et il est regretté.
Sur la façade de la chapelle Léger :
Hélas ! à la douleur mon âme s’abandonne,
L’impitoyable mort, cédant à ses désirs,
Vient de frapper celle dont l’âme douce et bonne
De tant de malheureux accueillait les soupirs.
Si mes larmes pour prix de ses vertus sublimes
D’un miracle obtenaient les divines faveurs !
Mais le cercueil, hélas ! ne rend pas ses victimes ;
Je ne puis sur son sort que répandre des pleurs.
Repose en paix, ombre chérie,
On ne peut qu’envier ton sort.
Qui fut bonne toute sa vie
Ne doit rien craindre après sa mort.
Sur un cippe :
Son époux, ses enfants, objets de sa tendresse,
Pensent à ses vertus ne pouvant l’oublier,
Et ses nombreux amis accablés de tristesse
Comme moi, pour son repos, ne cessent de prier.
Toutes deux dont leurs vies
Étaient unies d’âme et de cœur,
La mort les a réunies
Dans ce lieu de malheur.
Bonnes sœurs, bonnes épouses, bonnes mères.
Exemple de vertus jusqu’au dernier soupir.
Et d’elles maintenant sur la terre
Que reste-t-il, hélas !… qu’un souvenir !
Celui qui dort sous cette pierre
A su mériter mon amour.
Pour son épouse sur la terre
Le bonheur a fui sans retour.
Repose en paix, mon cher époux,
Que la terre te soit légère,
Que ton ombre veille sur nous.
Hélas ! ma fille n’a plus de père.
Jeune encore il est mort ; des douleurs de ce monde,
Il passa doucement au repos de la tombe.
Pour ses frères, sa sœur, il fut un second père.
En amitié toujours il se montra sincère,
Il vécut honnête homme et mourut en chrétien.
Passants, priez : ici gît un homme de bien.
Elle fut quinze ans à s’éteindre,
À s’éteindre en souffrant, en pleurant, en priant ;
Quinze ans ! Mon Dieu, ayez pitié de son tourment,
Mais malgré ses douleurs, malgré son dévouement,
L’époux qui lui servit est bien le plus à plaindre.
Tu nous as précédés, le sort fut bien injuste.
De la voix, du regard, de ton regard si doux,
Tu dis, parents, amis, dans ce séjour des justes,
Venez, je vous attends au triste rendez-vous.
Adieu, notre meilleure amie,
Adieu !!! tes talents, tes vertus
Faisaient l’espoir de notre vie.
Pleurons, Adrienne n’est plus.
Pour ta pauvre amie
Que la perte est cruelle,
Et pour ta fille chérie !
Quelle douleur pour elle !
Les dernières volontés d’une mère chérie
Furent qu’auprès des dépouilles de son époux,
On déposât les siennes, et leurs enfants, jaloux
De reposer près d’eux dans ma terre chérie,
Firent construire ce caveau à tous destiné
Devenu pour eux le bien le plus sacré.
De même sa vie s’éteignait
Et notre ange au ciel s’envolait.
Tu dors, enfant chéri, du plus cruel sommeil,
La douleur, les regrets, dans notre réveil.
C’était trop de bonheur de ton aimable enfance,
Le ciel, hélas ! jaloux nous ravit l’espérance
Adieu, cher fils ! adieu ; d’une joie éphémère,
Rien ne consolera et ton père et ton frère !!!
Ici reposent Eugène-Alexandre SANÉ. 1822, âgé de 22 ans. Edmond Pierre SANÉ, étudiant en
droit. 1823, âgé de 21 ans.
J’avais deux fils, hélas ! de mon triste veuvage,
Tous deux ils consolaient mes récentes douleurs.
L’aîné me fut ravi, je m’armai de courage,
Espérant que du moins l’autre essuyerait mes pleurs.
Vain espoir ! sous ses pas s’est ouvert un abîme,
Je le vois, c’est le même où son frère a péri !
Il attendait, grand Dieu, la seconde victime,
L’abîme est refermé, rien n’avait donc servi,
Mes veilles ni mes soins, mes pleurs ni mes prières !
Oh ! du moins dors en paix à côté de ton frère.
Reprenant votre route ici bas inconnue,
Vous retournez aux cieux d’où vous êtes venue,
Âme sainte de mère et si noble envers tous !
Au sein de l’Éternel tout entière absorbée,
N’oubliez pas ce monde où vous étiez tombée !
Veillez sur vos enfants qui pleurent à genoux.
Seul charme de mes jours avec peine élevée,
Mon Eugénie faisait ma félicité !…
Mon Dieu, pourquoi me l’avoir enlevée
Cette fleur de bonté !…
Toi qui sur cette terre ne connus que la souffrance,
Reçois de ton époux les douloureux adieux !
Tu vas de tes vertus trouer la récompense,
À qui souffre ici bas Dieu réserve les cieux.
Pauvre petite créature,
Dans le cours de ton existence,
Privée des bienfaits de la nature,
Tu n’en connus que la souffrance.
Oh ! malgré mes douleurs et d’affreuses misères,
De souvenir ma Louise reçois l’hommage,
Plus d’une larme a mouillé mes paupières,
En t’édifiant ce modeste entourage ;
Mais ta Louise, ton Albert tant regretté,
Orphelins si jeunes privés d’une mère,
Viendront souvent l’âme émue de piété,
À deux genoux prier sur cette terre !
Ils te prieront de cœur, bonne mère adorée,
Que tu veilles sur eux au céleste séjour,
Femme du prolétaire, ô Louise tant aimée !
Le souvenir, la prière c’est toujours de l’amour.
Terre où repose ta dépouille mortelle,
Depuis que l’âme est remontée aux cieux,
Nous t’arroserons de larmes éternelles,
Jusqu’au revoir, amie, reçois nos adieux !
Il vécut comme les roses,
L’espace d’un moment,
Treize printemps c’est peu de chose,
Quand on est aimé tendrement.
Il y avait près d’ici, sur une pierre de 1836, qui a été, comme toutes celles non réclamées, enlevée d’office pour faire place à de nouvelles concessions, l’épitaphe suivante :
Ici, dans le sein de la terre,
Un roi doit finir sa grandeur,
Le riche mondain son bonheur,
Et le malheureux sa misère.
Je pleure ici ma femme.
Passant, si tu me crois,
Viens faire pour son âme
Le signe de la croix.
Petit temple des plus remarquables, avec vitrage, quatre colonnes dorées ; dedans sont des couronnes blanches, une lampe, un oreiller de satin blanc sur lequel est déposé un bouquet de fleur d’oranger, le tout d’une fraîcheur extraordinaire.
19 septembre 1851, âgée de 19 ans.
Ô ma douce compagne, ô ma fille adorée,
Tu m’as quittée trop tôt pour ne plus revenir.
Que ferai-je, ô mon Dieu ! pauvre veuve éplorée !
Te regretter sans cesse est mon seul avenir.
Adieu, femme chérie et digne de regrets,
Femme au cœur excellent, adieu, repose en paix.
Adieu, pauvre martyre, héroïque victime.
Ta mémoire commande une profonde estime.
Un digne et saint respect ! que de regrets cuisants
Pour ceux qui près de toi n’ont été que méchants.
Ô ma sœur bien aimée, depuis ta perte, hélas !
Nos cœurs sont navrés en voyant venir ton trépas.
Un cœur si bon ne méritait pas un si grand malheur,
Toi qui nous as fait jurer notre amitié, ma bonne sœur,
Nous accomplirons tes dernières volontés en pensant à toi,
Ton époux, ta sœur à ton souvenir versent des larmes avec moi.
Adieu ! sœur et amie que nos cœurs aimaient,
Nous jurons sur ta tombe de ne t’oublier jamais.
Dors, ô toi que la mort enlève à cette terre,
Dors ; en quittant la vie on quitte la douleur.
Ce Dieu t’a rappelé au sein de son parterre,
C’est qu’il manquait au ciel une nouvelle fleur.
Pauvre père, comme on t’aimait !
Et comme à présent on te pleure !
Sans être ému qui passerait
Devant ta dernière demeure !
À toi, père, ces humbles fleurs,
Et puissent nos cœurs qui t’aimaient
Empêcher qu’elles ne s’altèrent
En les arrosant de leurs pleurs.
Que ton dernier baiser semble doux à ta mère !
Car elle avait encor l’espoir de l’embrasser ;
Mais une mort trop prompte a fini ta carrière,
Il ne lui reste plus que des pleurs à verser.
Passants, sous ce gazon que le deuil environne,
Repose un bon ami, vertueux sans efforts ;
Jamais de son vivant il n’affligea personne,
Il n’en est pas de même, hélas ! après sa mort.
À quelques pas se trouvent la tombe et le buste d’une ressemblance parfaite de Charles NODIER, tant connu par ses nombreux et spirituels écrits.