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Letouzey et Ané (Volume IIp. ft-1533-1534).

ENCYCLOPEDIE

DES

SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES

RÉDIGÉE PAR

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS

DE FRANCE ET DE L’ÉTRANGER

1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE

Publié par F. VIGODRODX, prêtre de Saimt-Sulpice

Ancien professeur à l’Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commitrion biblique.

2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE

Commencé sous la direction de A. VACANT, prol. au Sém. de Nancy, Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur i l’Institut catholique de Paris.

3° DICTIONNAIRE D’ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE

ET DE LITURGIE

Publié par le R me dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ.

DICTIONNAIRE D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE

ECCLÉSIASTIQUES

Publié par Mgr Alfred BAUDRILLART, recteur de l’Institut catholique de Paris, Albert VOGT, docteur as lettres, et Urbain ROUZIÈS.

o° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE

(En préparation) DICTIONNAIRE.

DE LA BIBLE’CONTENANT

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, d’ANIMAUX

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES

RELATIVES À L’ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES

PUBLIÉ PAR

F. VX&0UR0UX

flETRE DE SAINT-SULPICE

AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS

DEUXIÈME TIRAGE

TOME DEUXIEME G^<" ~’^

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PARIS

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS

76 bis, RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis

1912

TOUS DROITS RÉSERVÉS Imprimatur Parisiis, die 21 Octobris 1899.

f Franciscus, Card. RICHARD,

Arch. Par.
D

D, quatrième lettre de l’alphabet hébreu. Voir Daleth.


DÂ’ÂH, mot hébreu qui vient du verbe dâ’âh, « voler, » et qui désigne un oiseau de proie rangé parmi les animaux impurs. Lev., xi, 14. Dans le passage parallèle, Deut., xiv, 13, ce nom est remplacé par râ’âh, qui vient du verbe râ’âh, « voir. » Dans les deux cas, les Septante traduisent par γύψ, « vautour ; » la Vulgate rend le premier mot par milvus et le second par ixion. Faut-il voir dans dà’âh et dans râ’âh deux noms différents du même oiseau, considéré tantôt à raison de son vol, tantôt à raison de sa vue, comme le croient quelques interprètes ? Ou bien faut-il supposer une faute de copiste, par suite de la confusion si facile et si fréquente entre les deux lettres daleth, ד, et resch, ר ? C’est ce que donnerait à penser le texte samaritain, qui dans les deux cas lit dâ’âh. Voir plusieurs cas de la confusion entre le daleth, ד, et le resch, ר, dans Rosenmüller, Scholia in Leviticum, Leipzig, 1798, p. 63. Gesenius, Thesaurus, p. 309, 1247, incline à croire qu’il faudrait lire dâ’âh dans les deux passages. C’était aussi l’avis de Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. ii, p. 777, qui pensait qu’un nom d’oiseau tire plus convenablement son étymologie du verbe qui signifie « voler » que de celui qui signifie « voir » Rosenmüller, loc. cit., rapproche de dâ’âh le nom arabe du milan, hida. D’autre part, Tristram, The natural history of the Bible. Londres, 1889, p. 186, ne fait aucune mention du dà’âh, et s’en tient au râ’âh du Deutéronome, qui désigne probablement le busard. Voir Busard. Il est probable que les deux mots dà’âh et râ’âh doivent être ramenés à la même leçon. La place qu’ils occupent dans les deux passages parallèles montre assez qu’ils désignent des oiseaux de proie à peu près semblables et faciles à prendre l’un pour l’autre. Si le râ’âh peut s’identifier avec le busard, le dâ’âh désignerait le milan ou le vautour. Voir Milan, Vautour. Aquila, Deut., xiv, 13, a traduit râ’âh par ἴξος, et la Vulgate par ixion. Ces deux mots n’ont le sens d’oiseau ni en grec ni en latin. Leur emploi prouve que les traducteurs n’ont pu saisir la signification du mot hébreu.

H. Lesêtre.
En cours


DABÉRETH (hébreu : had-Dâberat, avec l’article, Jos., xix, 12 ; Dâberaf, Jos., xxi, 28 ; Dobrat, I Par., vi, 57 f Vulgate, 72] ; Septante : Δαβιρώθ ; Δαβράθ, dans le Codex Atexandrinus et plusieurs autres manuscrits, Jos., xix, 12 ; τὴν Δεββά ; Codex Alexandrinus : Δεβράθ, Jos., xxi, 28 ; τὴν Δεβερὶ… καὶ τὴν Δαβώρ, répétition fautive, I Par., vi, 72), ville située sur les frontières de Zabulon, Jos., xix, 12 ; mais attribuée à Issachar, Jos., xxi, 28 ; I Par., vi, 72, où elle est comptée parmi les cités lévitiques données aux fils de Gerson. C’est sans doute « le village de Dabaritta », Δαβάριττα, Δαβαρίττῶν κώμη, mentionné par Josèphe, « à l’extrême frontière de Galilée, dans la grande plaine » d’Esdrelon, Bell. jud., Il, xxi, 3 ; Vita, 62. Reland, Palseslina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 737, nie sans raisons suffisantes cette assimilation, admise par les auteurs modernes. C’est aussi la localité appelée Dabalarfah par le Talmud de Jérusalem, Orlali, 1, 1 ; cf. A. Neubauer, La Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 265. Eusèbe et saint Jérôme, Ononmsiica sacra, Goetlingue, 1870, p. 116, 250, la nomment également Δαβράθ, Dabrath ; mais elle doit en même temps correspondre à Δαβειρά, Dabira, « bourg des Juifs, » qu’ils signalent « sur le [au pied du] mont Thabor, dans la région de Diocésarée » ; Sepphoris, aujourd’hui Sejfouriijéh, au nord de Nazareth), p. 115, 250. Ces diverses identifications jointes à celles de l’Écriture, qui place Dabérelh sur la limite des deux tribus de Zabulon et d’Issachar, et dans le voisinage de Céseleth Thabor (Ihsdl), nous amènent à reconnaître avec certitude la cité biblique dans le village actuel de Debouriyéh, à l’ouest et au pied du Thabor. L’arabe دبورية, Debûriyéh, reproduit exactement l’hébreu דָֽבְרַת, Dâberaṭ, sauf la différence des deux terminaisons féminines. Les écrivains du moyen âge ont défiguré le nom en retranchant la première syllabe ; mais Buria ou Bourie, situé près de Naïm et de la montagne de la Transfiguration, désigne bien le même endroit. Cf. Les chemins et les pèlerinages de la Terre Sainte (avant 1265), dans les Itinéraires français publiés par la Société de l’Orient latin, Genève, 1882, t. iii, p. 197. » Ce village [Debouriyéh], peu considérable, est assis en amphithéâtre sur différents monticules au bas du Thabor. Des jardins bordés de cactus l’environnent. On remarque au milieu des maisons les restes d’un ancien édifice, mesurant vingt-deux pas de long sur dix de large et orienté de l’ouest à l’est. Il avait été construit en pierres dé taille, et un certain nombre d’assises sont encore debout. L’intérieur est actuellement occupé par une habitation particulière et par une écurie, au-dessus desquelles s’élève le medafeh ou maison affectée à la réception des étrangers. Tout porte à croire, à-cause de son orientation, que cet édifice était jadis une église chrétienne. Dans ce cas, il aurait été probablement bâti à l’endroit où Notre —Seigneur guérit un possédé du démon et en souvenir de cet événement… C’est à Daberalh que, d’après une tradition très accréditée, les neuf apôtres attendirent Notre —Seigneur, pendant qu’avec Pierre, Jacques et Jean, son frère, il gravit le Thabor et s’y transfigura en la présence de ces trois disciples privilégiés. En redescendant de la montagne, le Sauveur rejoignit en cet endroit ses autres disciples, et guérit devant eux un jeune homme possédé d’un démon qu’ils n’avaient pu chasser eux-mêmes. Matth., xvii, 14-17 ; Marc, ix, 16-26 ; Luc, ix, 38-43. » V. Guérin, Galilée, 1. 1, p. 141, 14’2. — Lors de la conquête de Chanaan par les Israélites, Dabéreth devait avoir une certaine importance, puisqu’elle est mentionnée, I Par., vi, 72, « avec ses faubourgs, » c’est-à-dire des hameaux voisins placés sous sa dépendance. Elle marque exactement la limite de Zabulon vers le sud-est.

A. Legendre.


DABIR, nom d’un roi d’Églon et. de deux villes situées, l’une à l’ouest du Jourdain, appartenant à la tribu de Juda ; l’autre à l’est, de la tribu de Gad.

1. DABIR (hébreu : Debîr ; Septante, Δαβίν ; Codex Alexandrinus : Δαβείρ), roi d’Églon, auquel Adonisé-

dech, roi de Jérusalem, demanda du secours pour attaquer Gabaon, qui avait passé du côté de Josué. Avec Adonisédech et trois autres rois alliés il fut pris, mis à mort et pendu. Josué, x, 3, 23.

2. DABIR (hébreu : Debir, défectivement écrit, Jos., xi, 21 ; xir, 13 ; xv, 15, 49 ; xxi, 15 ; pleinement écrit, Jud., 1, 11 ; I Par., vi, 43 [Vulgate, 58] ; Debirâh, avec hé local, Jos., x, 38, 39 ; Septante : Aaêîp ; Codex Alexandrinus : Aa6eip), ville royale chananéenne, Jos., xii, 13, habitée par les Énacim, Jos., xi, 21 ; prise par Josué, x, 38, 39 ; xii, 13, et par Othoniel, Jos., xv, 15 ; Jud., i, 11 ; assignée à la tribu de Juda et rangée parmi les villes de « la montagne », Jos., xv, 49 ; donnée « avec ses faubourgs » aux enfants d’Aaron, Jos., xxi, 15 ; I Par., vi, 58 ; primitivement appelée Cariath-Sépher, Jos., xv, 15 ; Jud., I, 11, et Cariathsenna, Jos., xv, 49.

I. Nom. — L’hébreu debir signifie « la partie la plus reculée » d’un édifice, d’un temple ; cf. Gesenius, Thésaurus, p. 318. C’est le nom que portait le Saint des saints dans le tabernacle de Moïse et dans le Temple de Salomon. NI Reg., vi, 5, 19-22 ; viii, 6, 8, etc. Aussi quelques auteurs, comme A. H. Sayce, La lumière nouvelle apportée par les monuments anciens, trad. franc., in-8°, Paris, 1888, p. 126, appliquent-ils à l’antique cité biblique le titre de « sanctuaire », qui rappelle celui de Cadès, « la ville sainte. » D’autres, rattachant le mot à la racine dâbar, « parler, » voient plutôt ici le sens de « parole, oracle », et veulent rapprocher cette étymologie de celle de Cariath-Sépher, hébreu : Qiryaf-Sêfér, « ville du livre, » cherchant parfois dans d’autres langues certains points de comparaison plus ou moins problématiques. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1888, p. 282 ; J. Furst, Hebrâisches Handworterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 281. Il convient de ne pas trop insister sur ces sortes d’explications. Ce qu’il y a de certain, c’est que non seulement le vocabulaire, mais la tradition et l’histoire, donnent un réel fondement à l’interprétation de Cariath-Sépher, la mSXi ; Ypajijiâtwv des Septante, la civitas litterarum de la Vulgate, la « ville des archives » de la paraphrase chaldaïque. Voir Cariath-Sépher et Cariathsenna, t. ii, col. 278.

II. Identification. — L’emplacement de Dabir n’est pas encore connu d’une manière certaine. Pour le fixer, au moins approximativement, examinons d’abord les indications de l’Écriture. Cette ville se trouvait dans la contrée « montagneuse » de la Palestine « méridionale », dont Hébron occupe un des points culminants. Jos., x, 36-39 ; Xi, 21 ; xii, 13. L’ensemble du groupe auquel elle appartient dans la tribu de Juda, Jos., xv, 48-51, détermine parfaitement le rayon dans lequel nous la devons chercher ; c’est le preinier de « la montagne », comprenant les localités suivantes, dont la plupart sont bien identifiées : Samir (aujourd’hui Khirbet Sômerah, au sud-ouest d’Hébron), Jéther (Khivbet’Attir), Socoth (Khirbet Schouéikéh), Anab (’Anab), Istemo (Es-Semou’a), Anim (Gliououéin et Fôqâ ou’et-Tahta). Elle est citée entre Hébron et Anab, Jos., xi, 21 ; Danna (inconnue.) et Anab, Jos., xv, 49-50 ; Ilolon (inconnue) et Ain (voir Ain 2, t. i, col. 315), Jos., xxi, 15-16. Voir la carte de la tribu de Juda. Elle devait être dans une position importante et d’un siège difficile, puisque Caleb, pour stimuler le courage de ses gens, promit sa fille Axa en mariage à celui qui réussirait à s’emparer de la place. Jos., xv, 16 ; Jud., I, 12. L’eau était peu abondante sur son territoire, car Othoniel, après l’avoir reçu comme prix de sa victoire, eut soin de faire demander un sol mieux pourvu et plus fertile. Axa dit donc à son père : « Vous m’avez donné une terre au midi et desséchée ; ajoutez-en une autre bien arrosée. Caleb lui donna donc en haut et en bas des lieux arrosés d’eau » (hébreu : « des sources supérieures et inférieures » ). Jos., xv, 19 ; Jud., i, 15. Il s’agit sans dgute de champs situés sur le flanc d’une colline ou

dans une vallée, et possédant à différente niveaux des sources d’eaux vives ; ils devaient être dans les parages de Dabir.

C’est sur ces bases qu’ont été établies les trois hypothèses suivantes. — 1° Le D r Rosen, dans la Zeitschrift des deutschen morgenlândischen Gesellschaft, 1857, t. ii, p. 50-64, a cru retrouver l’emplacement de la ville, à cinq quarts d’heure à l’ouest d’Hébron, sur une haute colline très abrupte, dont le nom Daouirbdn lui semble une altération de celui de Debir. VAïn Nunkûr (ou plutôt Unqur, selon la carte anglaise du Palestine Exploration Fund), descendant d’un petit plateau dans une riante et. fertile vallée, représenterait, d’après lui, les « sources supérieures et inférieures » signalées dans le texte sacré. Cette position expliquerait aussi l’expression dont se sert, la Bible à propos de la conquête de Josué, qui, d’Églon (Khirbet’Adjlân) marchant en droite ligne sur Hébron, « revint ensuite à Dabir, » Jos., x, 36-38, ce qui permet de supposer que cette dernière ville était sur la route de la première à la seconde, et par là même à l’ouest de celle-ci. Il est facile de répondre, d’abord, que le rapprochement entre les deux noms n’offre aucun fondement solide. Ensuite, le groupe auquel appartient notre antique cité, Jos., xv, 48-51, marque sa place non pas aux environs immédiats ni à l’ouest d’Hébron, mais plus bas vers le sud. Enfin l’hébreu sûb, « retourner, » ne signifie pas nécessairement « revenir sur ses pas » ; il indique simplement un « détour », un changement de direction, et c’est ce que fit Josué en « tournant » au sud pour venir attaquer Dabir : Ajoutons à ces raisons, avec M.V. Guérin, Judée, t. iii, p. 264, 266, l’absence de ruines tant soit peu considérables sur la colline de Daoulrbân, bien que la cité chananéenne ait pu, comme beaucoup d’autres jadis importantes, en Palestine, être presque effacée du sol. Il n’y a plus là que quelques tombeaux creusés dans le roc et divers amas de pierres qui peuvent provenir de constructions démolies. Le terrain a été, en effet, depuis bien des siècles sans doute, livré à la culture et envahi par des plantations de vignes.

2° Van deVelde, Memoir to accompany the map ofthe Holy Land, Gotha, 1858, p. 307, adopte une autre conjecture, en cherchant, avec le D r Stewart, la ville de Dabir au Khirbet Dilbéh, situé sur le sommet d’une colline, au nord de Youadi Dilbéh, à deux heures au sud-ouest d’Hébron. La conformité du nom avec celui de la ville ancienne, l’existence d’une belle source dont les eaux descendent par un conduit jusqu’à un réservoir appelé Birkét edDilbéh, au pied de la colline, enfin les ruines éparses au milieu des broussailles sur la hauteur qui domine le bassin : telles sont les raisons invoquées en faveur de cette hypothèse, auxquelles on ajoute la proximité d’Hébron et d’Anab. L’ouadi Dilbéh est peut-être Vouadi Dibir que R. J. Schwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 59, signale, d’après les Arabes, au sud-ouest d’Hébron. Cette opinion est admise, mais. non sans réserve, par Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 88 ; Riehm, Handworterbuch des biblischen Altertunis, Leipzig, 1884, 1. 1, p. 265 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1889, t. ii, p. 43, etc. Elle paraît très problématique à M. V. Guérin, Judée, p. 265-266. « D’abord, dit-il, les ruines de Delbéh (Dilbéh) sont seulement celles d’un simple village et non point d’une ville de l’importance de Dabir, dont la conquête, regardée sans doute comme difficile, valut à Othoniel la main d’Axa, fille de Caleb. En second lieu, le mot Delbéh n’a qu’un rapport assez éloigné avec celui de Dabir. Enfin, si l’Ain Delbéh dérive d’un peu plus haut avant d’aboutir au réservoir mentionné, sa position n’explique pas le verset de Jos., xv, 19. Ces expressions irriguum superius et inferius… font supposer un plateau et une vallée ou bien deux vallées, l’une haute, l’autre plus basse, arrosées soit par des sources différentes, soit par la même source s’écoulant de la première vallée dans la seconde. Or l’Ain Delbéh U99

DABlîl

1200

semble sortir des flancs inférieurs de la colline dont les pentes sont couvertes par les ruines du Khirbet Delbéh, et cette source ne fertilise que la vallée au milieu de laquelle est le birket en question. »

3° Une troisième hypothèse, adoptée par les explorateurs anglais, place Dabir plus bas encore, à quatre ou cinq heures au sud-ouest d’Hébron, au village d’edh-Dhâherîyéh. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, in-8°, Londres, 1889, p. 49. Ce village, situé sur un plateau rocheux, visible d’une assez grande distance dans toutes les directions, occupe une position remarquable. Plusieurs maisons sont bâties avec de beaux matériaux, provenant d’anciennes constructions ; quelques-unes même paraissent dater, soit en totalité, soit seulement dans leurs assises inférieures, de l’époque romaine. On y remarque un ouali construit, du moins en partie, avec des blocs antiques équarris avec soin, et un édifice carré, mesurant seize pas sur chaque face et bâti en belles pierres de taille, avec un soubassement en talus. II renferme plusieurs compartiments voûtés, en pierres fort bien appareillées ; c’est actuellement l’habitation d’un des scheikhs du village. Sur la colline et aux alentours, on trouve de nombreuses citernes, des tombeaux et des pressoirs creusés dans le roc, des caveaux qui servent encore aux besoins des habitants. Ce bourg semble appartenir à la ligne des petites forteresses qui apparemment existaient autrefois le long de la frontière méridionale de Palestine. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 361 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. î, p. 211 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1883, t. iii, p. 402, 406-407. Cette opinion s’appuie sur les raisons suivantes. — 1° On a cherché un

rapprochement entre les deux noms : <Jo » AUi, Zâheriyéh (doybLô, Dâherîyéh, d’après V. Guérin), et ~ai, Debir, mai, Debir&h. Le premier ne serait-il point une corruption du second ? On peut encore admettre le changement du i, daleth hébreu, en la lettre emphatique arabe jâ, et surtout en dâd ; mais le remplacement du a, beth, par l’aspirée ha est inoins facile à expliquer. Quelques auteurs ont cru trouver une certaine similitude de sens entre les deux mots ; mais leur interprétation nous paraît plus subtile que fondée. Cf. Keil, Josua, p. 88, note 1 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 402. Ce premier argument philologique ne serait donc pas, à notre avis, suffisant pour établir l’identification.

— 2° Le second a, pour nous, une tout autre portée : EdhDhâheriyéh rentre parfaitement dans le territoire où l’énumération de Josué, xv, 48-51, circonscrit le groupe dont fait partie Dabir, et dont nous avons plus haut rappelé les principaux points. Il suffit de jeter un coup d’oeil sur la carte pour saisir l’exactitude de ce détail, et, quand on connaît l’ordre ordinairement précis qu’a suivi l’auteur sacré dans ses listes, on ne peut guère n’être pas frappé par cette raison. — 3° La position de ce village correspond à l’importance que l’Écriture attribue à l’antique cité chananéenne. La colline sur laquelle il est assis forme le centre d’où partent plusieurs routes anciennes, par lesquelles Dabir communiquait avec les villes qui en dépendaient. Ces routes vont ainsi vers Khirbet Zânoûta (Zanoé) et Khirbet’Attir (Jether) au sud - est ; vers Khirbet Schouéikéh ( Socoth) et Es-Semou’a (Istemo) à l’est ; vers’Anâb (Anab) à l’ouest ; Bir-es-Séba’(Bersabée) au sud, et Hébron au nord, tous chemins fréquentés dans les temps les plus reculés. D’un autre côté, les excavations pratiquées dans le roc sont en Palestine de sûrs vestiges d’antiquité. — 4° La nature du sol représente bien cette « terre desséchée », qui était loin de satisfaire Othoniel et Axa. Jos., XV, 19. Les environs paraissent nus et stériles ; les roches calcaires sortent en larges blocs des flancs et du sommet

des collines, donnant au paysage une teinte blanchâtre. L’eau n’est fournie que par la pluie du ciel : aucune source de quelque importance ; pas d’arbres ; quelques champs de blé seulement au fond d’étroites vallées. Ce terrain n’est guère favorable qu’aux troupeaux, qui y trouvent de bons pâturages. — 5° Mais, dans ces conditions, où placer « les sources supérieures et inférieures » ajoutées par Caleb au patrimoine de sa fille ? Rien n’indique dans le texte sacré qu’elles fussent nécessairement auprès de Dabir. Il suffit de les trouver dans les environs, dans le district montagneux d’Hébron appelé « le midi de Caleb ». I Reg., xxx, 14. Voir Caleb 4. On peut les reconnaître dans VOuadi ed-Dilbéh, dont nous avons déjà parlé, mais en le prenant dans toute son étendue. Il y a là une provision d’eau assez rare en Palestine, et plus extraordinaire encore dans le négéb ou a le midi ». Du haut en bas de la vallée, on rencontre des sources assez abondantes pour représenter la « terre bien arrosée », réclamée par Axa. On en compte jusqu’à quatorze, divisées en trois groupes. Le premier comprend : ’Ain el Mddjour, ’Ain et Fouréidis, ’Ain Abou Khelt, ’Ain Schekhâkh Abou Thôr, et une autre plus petite, ’Ain Abou Saif, sur la pente du Ras et Biâth, au sud de Doura ; le second : ’Ain ed-Dilbéh, ’Aïn el-Hedjari, et trois autres plus petites, situées dans une large vallée et s’écoulant dans le torrent ; la plus forte est’Ain ed-Dilbéh, qui alimente un petit réservoir. L’ouadi, quittant la direction de l’est, tourne au sud et s’avance vers le troisième groupe, composé d’'Aïn et Foûouâr et de trois autres moins importantes. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 302, et la grande carte, Londres, 1880, feuille xxi. Les arguments que nous venons d’apporter nous semblent donner à l’hypothèse une assez grande probabilité. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1875, p. 48-56.

III. Histoire. — L’importance historique de Dabir ne correspond pas à son importance topographique ou à celle qu’elle avait au début de l’histoire israélite ; tout se borne pour elle à cette époque et à la période chananéenne. Ville royale, Josué marcha droit sur elle après la conquête d’Hébron ; « il la prit et la ravagea ; il en fit aussi passer le roi au fil de l’épée avec tout ce qui se trouva dans la place et dans les villes d’alentour, sans y rien épargner. » Jos., x, 38, 39 ; xii, 13. Il extermina les Énacim qui l’habitaient. Jos., xi, 21. Mais, comme cette race de géants était restée encore assez nombreuse dans le pays philistin, à Gaza, Geth et Azot, Jos., xi, 22, il est probable qu’elle reprit possession de l’antique cité, pendant que les Hébreux combattaient les Chananéens du nord. Nous voyons, en effet, Caleb, qui avait obtenu ce territoire en partage, Jos., xiv, 12-15, « marcher vers les habitants de Dabir, appelée auparavant Cariath-Sépher, » et s’en emparer par la valeur d’Othoniel. Jos., xv, 15-17 ; Jud., i, 11-13. Assignée à la tribu de Juda, Jos., xv, 49, elle devint ville sacerdotale. Jos., xxi, 15 ; I Par., vi, 58. Après cela elle tombe complètement dans l’oubli : Eusèbe et saint Jérôme, qui résument son histoire, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 115, 250, ignorent son emplacement. A. Leoendre.

3. DABIR (hébreu : Debir ; on le trouve pleinement écrit dans un certain nombre de manuscrits, cf. B. Kennicott, Vet. Test. heb. cum variis lect., Oxford, 1776, t. i, p. 463 ; Septante : Aacëûv ; Codex Alexandrinus : àaêtlp), ville frontière de la tribu de Gad, à l’orient du Jourdain. Jos., xiii, 26. L’hébreu porte : naib boj-jy, ’ad-gebûl Lidbir, « jusqu’à la frontière de Lidbir ; » on ne saurait, en effet, prendre ici le b, lamed, pour un préfixe ; voir la même locution dans ce chap. xiii, 3, 10, et ailleurs. Mais un copiste n’aurait-il point par erreur répété devant Debir là dernière lettre du mot précédent, gebûl ? Quelques-uns l’ont cru. Cf. E. F. C. Rosenmùller,

Scholia in Vet. Test., Josua, Leipzig, 1833, p. 255. A part la paraphrase chaldaïque, qui offre la même leçon Lidbîr, les autres versions anciennes, Septante, Vulgate, Peschito (Dobir), arabe (Doubîra’), semblent donner raison à cette hypothèse. D’un autre côté cependant, on ne trouve aucune variante sous ce rapport dans les manuscrits hébreux. Aussi a-t-on généralement supposé que Lidbir était identique à Lodabar, hébreu isilb, Lôde bâr, iniNS, Lô’debâr, localité transjordanienne, dont il

est question II Reg., ix, 4, 5 ; xvii, 27. Cf. Reland, Pàlxstina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 734 ; Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 109 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 335, etc. Voir Lodabar.

A. Legendre.
    1. DABRI##

DABRI (hébreu : Bibri ; Septante : Aagpd), Danite, père de Salumith, la mère de cet Israélite qui fut lapidé dans le désert du Sinaï pour avoir blasphémé le nom de Jéhovah. Lévit., xxiv, 11.

    1. DACUS##

DACUS, insecte de l’ordre des diptères et de la famille des athéricères. Il existe plusieurs espèces de dacus, dont la plus importante est celle du dacus olese ou dacus des olives (fig. 459). Cette mouche, moitié moins

[[File: [Image à insérer]|300px]]
459. — Dacus de l’olive.

En bas, à gauche, olive entière, et, à droite, olive coupée

par le milieu, l’une et l’autre ravagées par le dacus.

grosse que notre mouche commune, a la tête jaune, le dos gris et les ailes à reflets de diverses couleurs. Ces ailes demeurent habituellement étendues, et l’insecte sautille plutôt qu’il ne vole. Le dacus exerce les plus désastreux ravages dans les récoltes d’oliviers, et ces ravages se chiffrent par cinq ou six millions de perte, rien qu’en France, les années où l’insecte abonde. Quand les olives sont formées, la femelle du dacus vient se poser sur un des fruits, et en perce la peau à l’aide d’un petit dard contenu dans une espèce de gaine cornée qui caractérise les athéricères. Elle dépose alors un œuf dans le trou, et va ensuite répéter la même opération sur d’autres olives, jusqu’à ce qu’elle ait placé les trois ou quatre cents œufs dont elle dispose. Ces œufs deviennent des larves blanchâtres, qui passent quinze ou seize jours dans la pulpe de l’olive et s’y creusent une galerie, aboutissant d’abord au noyau et se rapprochant ensuite de la surface. La larve devient alors chrysalide, et douze jours après la mouche est éclose et sort par le trou primitivement foré par la mère. Les pontes commençant au début de l’été, plusieurs générations de dacus ont le temps de se produire et d’exercer leurs ravages avant la fin de l’automne. Voir Guérin-Méneville, Mémoire sur le dacus des olives,

dans la Revue nouvelle, Paris, 15 juillet 1847, — La Bible ne nomme pas cet insecte, mais elle parle plusieurs fois de la perte des récoltes d’olives. Deut., xxviii, 40 ; Ara., iv, 9 ; Mich., vi, 15 ; Hab., iii, 17 ; Agg., ii, 20. Il est présumable que dans bien des cas les olives ont manqué en Palestine par suite de la multiplication du dacus.

H. Lesêtre.
    1. DADAN##

DADAN, nom de deux chefs de tribus, l’un descendant de Cham par Chus et Regma, Gen., x, 7 ; I Par., i, 9 ; l’autre descendant de Sem par Abraham et Jecsan. Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32.

1. DADAN (hébreu : Deddn ; Septante : AaSdcv, Gen., x, 7 ; Codex Vaticanus : ’IouSaSiv ; Codex Alexandrinus : AaSiv, I Par., i, 9 ; Codex Vaticanus.’Poôlcov ; Codex Alexandrinus : ’Apaoïmv, Ezech., xxvii, 15, Aou-Sâv, Ezech., xxxviii, 13 ; Vulgate : Dadan, Gen., x, 7 ;

I Par., i, 9 ; Bedan, Ezech., xxvii, 15 ; xxxviii, 13), second fils de Regma, descendant lui-même de Cham par Chus. Gen., x, 7 ; I Par., i, 9. Les Septante, du moins dans un passage, I Par., i, 9, et d’après certains manuscrits, semblent avoir lu pli », Youdedan, avec iod préfixe, au lieu de pn, ve-Dedan. On trouve la même lecture dans Josèphe, Ant. jud., i, VI, 2, qui, de plus, retranche lé noun final, et donne ainsi’IouSaSaç comme le père des Judadéens, peuple de l’Ethiopie occidentale.

II est certain qu’il y a eu des Couschites ou fils de Chus au sud de l’Egypte, voir Chus 1, col. 743 ; mais cette grande famille, en descendant du berceau primitif de l’humanité, a laissé de ses rameaux sur une immense étendue de pays, depuis le bassin méridional du Tigre et de l’Euphrate jusqu’au Haut-NiL en passant par les bords du golfe Persique et de la mer Rouge, vers la pointe sud de l’Arabie. Comme on s’accorde généralement à placer Regma, père de Dadan, sur la rive arabe du golfe Persique, et que plusieurs même placent Soba, son frère, sur la côte de l’Oman actuel, on est plus en droit de chercher la tribu dont nous parlons dans la même contrée. « Bedan, dit M. Lenormant, correspond sûrement à l’appellation de Daden, donnée à l’une des îles Bahréïn. » Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., Paris, 1881, t. i, p. 267. C’est ce qu’avaient déjà reconnu S. Bochart, Phaleg, iv, 6, Cæn, 1646, p. 248 ; Gesenius, Thésaurus, p. 322 ; Rosenmûller, Scholia in Genesim, Leipzig, 1821, p. 208, etc.’Ce point ainsi déterminé nous permet d’appliquer à cette première famille, plutôt qu’à la suivante, les paroles d’Ézéchiel, dans son oracle contre Tyr, xxvii, 15 : « Les enfants de Dédan trafiquaient avec toi ; le commerce d’îles nombreuses était dans ta main ; on échangeait contre tes marchandises des dents d’ivoire et de l’ébène. » Le prophète nous représente ici les Dédanites comme un peuple commerçant, transportant sur les marchés de Palestine et de Phénicie des objets de provenance étrangère, apportés sur leurs côtes par les vaisseaux, en particulier l’ivoire et l’ébène, que les anciens faisaient venir soit de l’Inde, soit de l’Ethiopie. En échange, ils rapportaient de Tyr d’autres produits. Les « îles » peuvent indiquer celles du golfe Persique ou des rives lointaines. Au lieu de « fils de Dédan », les Septante ont mis : uîol’PoSîmv ou’Apa8(ci)v ; le syriaque, Doron. La confusion entre le i, daleth, et le i, resch, se comprend très bien ; mais on ne voit pas pourquoi Tyr, avec un port si fréquenté, aurait reçu de Rhodes ou d’Arad les richesses de l’Inde, tandis qu’une route toute naturelle et la plus courte pouvait amener les marchandises à la côte orientale de l’Arabie, pour être de là transportées par les caravanes sur la côte méditerranéenne. — Faut-il également rapporter à ces premiers Dédanites ce qu’Ézéchiel dit, au chap. xxxviii, 13, de « Saba, de Dédan et des marchands de Tharsis s ? Ce n’est pas sûr. Ces trois noms représentent les peuples commerçants que mettent en émoi les entreprises guerrières de Gog. Les deux premiers pourraient désigner les

trafiquants de l’extrême orient aux yeux des Israélites, comme Tharsis désignait pour eux l’extrême occident ; mais, d’un autre côté, rien n’indique qu’il ne soit pas question ici des Sabéens et Dédanites de l’Arabie méridionale et septentrionale, également renommés pour leur commerce, comme nous allons le voir, Dàdan 2.

A. Legendre.

2. DADAN (hébreu : Dedân, Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32 ; Jer., xxv, 23 ; xlix, 8 ; Ezech., xxvii, 20 ; Dedânéh, avec hé local, Ezech., xxv, 13 ; au pluriel, Deddnîm, Is., xxi, 13 ; Septante : AeSâv, Gen., xxv, 3 ; AaiSdw, I Par., i, 32 ; Is., xxi, 13 ; Jer., xxv, 23 ; Ezech., xxvii, 20 ; AaiSau., Jer., xlix, 8 ; Sswxô’u.evoi, Ezech., xxv, 13 ; Vulgale : Dadan, Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32 ; Dedan, Jer., xxv, 23 ; xlix, 8 ; Ezech., xxv, 13 ; xxvii, 20 ; Dedanim, Is., xxi, 13), second fils de Jecsan, un des enfants qu’Abraham eut de Cétura. Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gcettingue, 1870, p. 116, 256, plaçaient le peuple qui en descendait « dans l’Idumée, à quatre milles (six kilomètres) au nord de Phana ou Phceno ». Ce n’est pas exact ; mais ce qui est certain, c’est que la proximité d’Édom est nettement indiquée dans les différents passages prophétiques où il est question de cette famille. C’est bien d’elle que parle Isaïe, xxi, 13-15, quand il dit :

ꝟ. 13. Oracle sur l’Arabie.

Dans la forêt, au soir, vous ferez votre halte,

Caravanes de Dédan.

ꝟ. 14. Venez au-devant de ceux qui ont soif,

Et portez-leur de l’eau,

Habitants du pays de Tèma.

Venez avee du pain au-devant des fugitifs ; t. 15. Car ils fuient devant les glaives,

Devant le glaive menaçant,

Devant l’arc tendu,

Devant la terreur de la guerre.

Le prophète nous montre ici une caravane obligée, pour échapper à un ennemi qui approche, d’abandonner la route ordinaire, de camper, de se cacher dans la forêt. Le danger venant du nord, elle s’élance au plus vite dans la direction du midi. Voilà pourquoi l’homme de Dieu s’adresse aux habitants de Têma (Vulgate : de la terre du midi), et les exhorte à porter des vivres aux fugitifs, mourant de faim et de soif. Têma est une ville de l’Arabie septentrionale, située au sud du désert de Néfoud, et au sud-est d’Élath (Akabah). Voir la carte d’Arabie, t. i, col. 858. Jérémie unit de même Dédan à Têma et aux tribus arabes, lorsque, parlant de la coupe de la colère divine, il dit, xxv, 23-24, qu’il la fit boire, entre autres peuples :

?. 23. À Dédan, à Tèma, à Buz,

A tous ceux qui se coupent la chevelure,

ꝟ. 24. À tous les rois de l’Arabie,

A tous les rois i du mélange » ( Vulgate : « de l’occident » ) qui habitent au désert.

Voir Buz 3, t. i, col. 1982. Le même prophète, qui distingue ici Dédan de l’Idumée, xxv, 21, fait allusion plus loin, xlix, 8, au voisinage de cette contrée et aux relations des Dédanites avec elle : « Fuyez et tournez le dos, descendez dans les profondeurs, habitants de Dédan, car c’est la ruine d’Ésaù que j’amène sur lui, le temps où je dois le visiter. » Notre tribu est ainsi invitée à cesser tout rapport commercial avec Édom, et même à se cacher jusque sous terre, si elle ne veut point partager sa ruine. C’est ce qui ressort également de l’oracle d’Ézéchiel, xxv, 13 :

J’étendrai ma main sur Edom,

J’en exterminerai hommes et bêtes.

J’en ferai un désert depuis Téman ( Vulgate : du côté du midi),

Et jusqu’à Dédan ils tomberont par l’épée.

Et, deux chapitres après, xxvii, 20, l’auteur sacré, distin guant cette peuplade de celle qu’il mentionne au ꝟ. 15, l’associe encore à l’Arabie et à Cédar. Il la représente comme faisant avec Tyr le trafic des housses de chevaux (Vulgate : tapis pour s’asseoir). De tous ces détails, nous tirons la conclusion que le Dédan jecsanite habitait aux confins du royaume édomite, dans le Hedjaz septentrional, et que le souvenir en est rappelé par la ruine Daïdân, à l’est de Téimâ et au sud-est d’Aïla. Voir Arabie, t. i, col. 861. Plusieurs auteurs pensent que les deux familles couschite et sémite se sont mêlées par suite d’émigrations et de mariages. Rien d’étonnant à cela, étant donné le caractère nomade et le rôle commercial de ces tribus. Le nom de Dédan, uni à celui de Saba dans les deux généalogies, se retrouve dans les inscriptions sabéennes. Voir Saba. Dédan eut pour descendants les Assurim, les Latusim et les Loomim. Gen., xxv, 3 ; 1 Par., i, 32.

Voir ces mots.
A. Legendre.
    1. DAGON##

DAGON (hébreu : Dâgôn ; Septante : Aotfwv), dieu principal des Philistins, moitié homme moitié poisson.

I. Nom et caractères. — Le nom de Dagon vient de la racine dag, qui signifie « poisson » dans les langues sémitiques. Il était le dieu de la force génératrice. Le livre des Juges et les monuments nous font connaître la forme sous laquelle il était représenté. Malgré les différences de détails, il apparaît toujours comme un monstre, homme par la partie supérieure et poisson ou animal marin par l’extrémité inférieure. Sur une médaille, il

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460. — Dagon sur une monnaie d’Ascalon.

Dagon ichthyomorphe, à gauche, tenant une couronne et un

trident. — ^. 4-±. Lion marchant adroite sur des rochers.

est figuré nageant ; la queue est celle d’un dauphin, F. Lajard, Recherches sur le culte de Vénus, atlas in-f°, Paris, 1837-1847, pi. xxxiv, n° 20, cf. n° 19 ; sur une autre il a des pieds de quadrupède. F. Lajard, Recherches, pi. xxxiv, n° 16. Sur les deux il tient un poisson à la main et paraît au milieu des Ilots. D’autres monuments le montrent tantôt se terminant en poisson, F. Lajard, Recherches, pi. xxxii, n° ! 3, 4, 6, 7 a, 9 ; tantôt sous une forme purement humaine. Ibid., n os 5, 6, 8. Une médaille d’Ascalon ou d’Azot le représente droit sur une queue de dauphin (fig. 460). E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque Nationale ; les Achéménides, in-4°, Paris, 1893, pi. viii, fig. 3. Cf. Ohnefalsch Richter, Kypros, die Bibel und Homer, in-4°, Berlin, 1893, p. xcvn. Les monnaies d’Aradus en Phénicie portent l’effigie du même dieu, mais il a les cheveux nattés en cordelettes et la barbe frisée à l’assyrienne. E. Babelon, Les Achéménides, pi. xxii, fig. 1-9, 23-25. Le type de Dagon est, en effet, originaire d’Assyrie. Dagân est nommé parmi les dieux protecteurs des rois assyriens, avec Anou, Western Asia inscriptions, t. iv, 20, 1. 16 ; 79, 1. 7-8 ; cf. t. iii, 68, 1. 21 ; Catalogue de la collection de Clercq, t. i, in-f°, Paris, 1888, p. 188. Le dieu est parfois représenté assistant les prêtres qui offrent des sacrifices. Catalogue de la collection de Clercq, p. 189, n° 343 et pi. xxxii ; J. Menant, Glyptique orientale, in-8°, Paris, 1886, p. 51, fig. 6. Sur une plaque de bronze de la collection de Clercq (fig. 461), Dagon est figuré près d’un mort placé sur son lit funèbre ; le dieu accomplit les rites de la purification ; on le retrouve aussi au pied du lit, se disposant à livrer le défunt à ceux qui doivent le conduire outre

tombe. Ce travail assyrophénicien montre que Dagôn jouait un rôle important dans les mythes relatifs à la vie future. J. Menant, Glyptique orientale, p. 54, fig. 42. Cf. Clermont-Ganneau, dans la Revue archéologique, 2e série, t. xxxviii, 1879, p. 345. Son culte persista jusque sous la domination perse. La figure de Dagon se retrouve en effet sur l’empreinte d’un cachet apposé à un contrat passé à Babylone, en 500, sous Darius, fils d’Hystaspe. J. Menant, Glyptique orientale, p. 50. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, gr. in-8°, Paris, 1897, p. 167, 170, n" 2, appelle le dieu-poisson assyrophénicien : le Baal marin. Dans la cosmogonie chaldéenne, il est souvent question de dieux moitié homme moitié poisson. Bérose, i, dans Eusèbe, Chronic., i, 2, t. xix, col. 109-112 ; cf. Fragm. histor. grsec, édit. Didot, t. ii, p. 496, dit que la première année du monde Oannès sortit de la mer Erythrée. Il avait tout le corps d’un poisson ; mais au-dessous de sa tête de poisson il avait une tête humaine. Des pieds d’homme sortaient de sa queue de poisson. Cet Oannès vivait pendant le jour

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461. — Dagon des deux côtés d’un Ut funèbre.

au milieu des hommes, et la nuit il rentrait dans les flots. Dans le récit qu’il a laissé de la création et que Bérose a recueilli, il est plusieurs fois question d’hommespoissons. Bérose, i, fragm. 6, Fragm. hist. grsec, t. ii, p. 500. Cf. Fr. Lenormant, Essai de commentaire sur Bérose, in-8°, Paris, 1871, p. Il et 12. Les monuments le représentent à peu près tel que le décrit Bérose ; loufois on voit apparaître une queue d’aigle sous la queue de poisson, et la tête d’homme est, pour ainsi dire, coiffée de la tête de poisson. Layard, Discoveries in the ruins of Nineveh, in-8°, Londres, 1853, p. 350 ; F. Lajard, Introduction à l’étude du culte public de Mithra en Orient et en Occident, atlas in-f°, Paris, 1848, pi. xvi, n° 4 ; Ohucfalsch Bichter, ouvr. cité, pi. xcvn. Bérose, i, fragm. 5, Fragm. hist. grsec, t. ii, p. 496, parle d’un autre monstre moitié homme moitié poisson, qu’il nomme’QSâxtiw ou’Oââxuv. Ce nom paraît être celui de Dagon, précédé de l’article grec. D’après Philon de Byblos, ii, 14, 16, dans Eusèbe, Prsep. Evang., i, 10, t. xli, col. 81 ; cf. Fragm. hist. grsec, édit. Didot, t. iii, p. 567, Dagon est le même qu’un dieu phénicien, fils d’Ouranos et de Gê, c’est-à-dire du Ciel et de la Terre, frère d’El, de Kronos, de Baityle et d’Atlas. Kronos se révolta contre Ouranos, et après l’avoir vaincu il donna une des concubines de son père pour épouse à Dagon. Philon ajoute que Dagon s’appelait aussi Siton, parce qu’il inventa la charrue et la culture du blé, et que les Grecs l’honorent sous le nom de Zeus Arotrios. Cette légende est née d’une fausse étymologie du nom de Dagon, qu’on a fait venir du mot hébreu dâgân, qui signifie « blé ». J. Selden, De diis Syriis, in-12, Londres, 1667, t. ii, c. iii, p. 173. Dagon avait pour compagne la déesse Atargatis ou Dercéto, moitié femme moitié poisson, souvent confondue avec Astarthé. Voir Atargatis, 1. 1, col. 1199-1203, et Astarthé, 1. 1, col. 1180-1187. Le couple est représenté ensemble sur un certain nombre de monuments. F. Lajard, Essai sur le culte de Vénus, pi. xxiv, n° 12 ; pi. xxxii, n » la.

II. Dagon dans l’Écritdre. — Il est plusieurs fois question de ce dieu dans l’Ancien Testament. — 1° Lorsque les Philistins se furent emparés de Samson, ils résolurent,

en signe de réjouissance, d’offrir un sacrifice à Dagon, dans le temple qu’il avait à Gaza. Ils firent venir leur prisonnier pour insulter à son malheur. Celui-ci, à qui les forces étaient revenues en même temps que ses cheveux étaient repoussés, ébranla les colonnes du temple et périt sous les décombres, qui écrasèrent aussi les principaux de ses ennemis. Jud., XVI, 22-31. — 2° Au temps de Samuel, les Philistins, après s’être emparés de l’arche, la conduisirent à Azot (voir Azot, t. i, col. 1307-1311) et la placèrent dans le temple de Dagon, à côté de la statue du dieu. lis considéraient, en effet, leur victoire comme un triomphe de leur dieu sur Jéhovah. Le lendemain matin, les prêtres, en entrant dans le temple, trouvèrent Dagon étendu la face contre terre devant

Wïh

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462. — Dagon assyrien. Bas-relief du Musée du Louvre.

l’arche. Ils le remirent à sa place. Le jour suivant, ils trouvèrent de nouveau la statue du dieu dans la même position ; mais cette fois la tête et les mains étaient abattues sur le seuil, et il ne restait en place que le tronc. A partir de ce jour, les prêtres de Dagon ne foulèrent plus le seuil à l’endroit où était tombé le dieu. I Reg. (I Sam.), v, 1-6. — Un bas-relief du palais de Sargon, à Khorsabad, ’conservé aujourd’hui au Musée du Louvre (fig. 462) (Botta, Le monument de Ninive, t. i, pi. 32 et 34 ; cf. F. Lajard, Introduction à l’étude du culte de Mithra, pi. iii, n" 4), fait très bien comprendre ce qui se passa alors dans le temple de Dagon. On y voit le dieupoisson nageant en avant de la flotte assyrienne. Le haut du corps est purement humain, les cheveux et la barbe sont ceux d’un Assyrien ; il est coiffé d’une sorte de tiare. Le buste est placé verticalement, les bras en avant. La queue est celle d’un poisson, et il n’y a pas de jambes humaines. Elle est placée horizontalement. Le texte hébreu de I Sam. (I Reg.), v, 4, dit qu’il ne restait que dâgôn après la chute de la partie supérieure du corps, c’est-à-dire que la queue de poisson seule resta et que le buste humain tomba. — 3° Après la mort de Saûl, les Philistins déposèrent dans le temple de Dagon, à Azot, la tête et les armes du roi qu’ils avaient vaincu. I Par., x, 10. D’après I Reg. (Sam.), xxxi, 10, ce fut dans le temple des Astaroth, forme plurielle qui désigne le couple des dieuxpoissons Dagon et Atargatis. — 4° Ce temple fut incendié par Jonathas en même temps que la ville. Un grand nombre de Philistins, qui s’y étaient réfugiés, périrent dans l’incendie. I Mach., x, 83, 84 ; xi, 4. — 5° Deux villes de Palestine, l’une dans la tribu de Juda, l’autre dans la tribu d’Aser, portaient le nom de Bethdagon, c’est- à - dire maison de Dagon, parce que ces villes avaient appartenu autrefois aux Philistins et possédaient un temple de leur dieu. Voir Bethdagojj, 1. 1, col. 1668-1071.

III. Bibliographie. — Outre les ouvrages cités : F. Movers, Die Phônizier, in-8°, Bonn, 1841, t. i, p. 143-145 ; Stark, Gaza und die Philistâische Kûste, in-8°, Iéna, 1852, p. 248 et 308 ; Layard, Miiiw and its remains, in-8°, Londres, 1849, p. 466-467 ; I. P. Six, Numismatik Chronicle, 1878, p. 125-128 ; A. de Longpérier, Œuvres, in-8% Paris, 1883, t. i, p. 104 ; W. Roscher, Ausfùhrliches Lexicon der Griechischen und Rômischen Mythologie, in-8°, Leipzig, 1884, t. i, col. 933 ; Ohne, falsch Richter, Kypros, die Bibel und Homer, in-4°, Berlin, 1893, p. 296-297 ; E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque Nationale, Les Achéménides, gr. in-8°, Paris, 1893, pi. lv, lvi, lxv, fig. 47, 123-125 ; F. Yigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., in-12, Paris, 4896, t. i, p. 210-214 ; t. iii, p. 226-229. E. Beurlier.

DAIM, quadrupède du genre cerf (voir Cerf), appelé par les naturalistes cervus dama ou dama vulgaris. La taille du daim, intermédiaire entre celle du cerf et du chevreuil, est d’environ un mètre au garrot. La femelle n’a pas de bois (fig. 463). Chez le mâle, les andouillers supérieurs « 3.

Le daitn.

s’aplatissent dans le sens de la longueur et prennent une forme palmée. L’animal vit en troupes. Il est très timide et très rapide. Il habite les régions à climat tempéré et se rencontre communément en Europe. Mais il est rare en Palestine, et c’est à peine si l’on en aperçoit quelques-uns de temps à autre dans les parties boisées du pays, entre le Thabor et le Liban, particulièrement dans les gorges du Litâni, ou ancien Léontès. Il ne paraît pas qu’autrefois le daim ait été plus commun dans le pays. Toutefois on a trouvé de ses dents parmi les ossements des cavernes du Liban. L’animal n’existe pas eii Arabie. On le rencontre abondamment en Arménie et dans le nord de la Perse, d’où on le croit originaire. L’absence d’eau et de bois ont dû l’empêcher de s’établir dans la presqu’île sinaïtique. Aussi est-il fort à présumer que Moïse ne l’a pas nommé. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 85, 1M. — S’il est fait mention du daim dans la Bible, l’animal est certainement compris dans le nom hébreu du cerf, ’ayyàl. La Yulgate mentionne deux fois la daine, damula. Mais dans les deux passages, Prov., vi, 5 ; Is., un, 14, il est question du sebi, Septante : Sopxi ; , SopxiSiov, l’antilope dorcas ou gazelle. Voir Gazelle. Du reste, ce qui est dit de

l’agilité de la gazelle à prendre la fuite s’applique aussi fort bien au daim. H. Lesêtke.

    1. OALAIA##

OALAIA (hébreu :

de trois Israélites.

Délâyâh ; Septante : AiWa), nom

1. DALAIA, sixième fils d’Élioénaï, l’un des descendants de Zorobabel. I Par., iii, 24.

2. DALAIA, père de plusieurs personnes qui, au retour de la captivité de Babylone, ne purent donner les preuves de leur origine israélite. I Esdr., ii, 60 ; II Esdr., vii, 62.

3. DALAIA, père de Sémaias et fils de Métabéel, au temps de Néhémie. II Esdr., vi, 10.

    1. DALAIAS##

DALAIAS (hébreu : Delâyâhû ; Septante : AaXaiaç), un des trois officiers du roi qui prièrent Joakim de ne pas brûler le livre des prophéties de Jérémie. Il était fils de Séméïas. Jer., xxxvi, 12, 25.

    1. DALAIAU##

DALAIAU (hébreu : Delâyâhû ; Septante : A8aXXat), prêtre de la branche d’Ithamar et chef de la vingt-troisième (Septante : vingt-deuxième) famille sacerdotale au temps de David. 1 Par., xxiv, 18.

    1. DALETH##

DALETH, 1, nom de la quatrième lettre de l’alphabet hébreu, exprimant la consonne d. Daleth signifie « porte ». Dans l’ancienne écriture phénicienne, cette lettre avait, en effet, la forme triangulaire de la porte

d’une tente, 4, laquelle s’est à peu près conservée dans

le delta grec, à, et d’où dérive, avec des modifications linéaires, notre propre D. Sur les différentes formes du daleth, voir t. 1, col. 407.

    1. DALHER Jean-Georges##

DALHER Jean-Georges, théologien protestant, né à Strasbourg le 7 décembre 1760, mort dans cette ville le 3 juin 1832. Il fit ses études dans sa ville natale et dans les universités allemandes. En 1807, il obtint la suppléance du cours de théologie, à Strasbourg ; puis devint titulaire de cette chaire, et enfin doyen de la faculté de cette ville. On a de cet auteur : De lïbrorum Paralipomenon auctoritate, atque fide historica, in-8°, Strasbourg, 1819 ; Les prophéties de Jérémie traduites en

français, 3 in-8°, Strasbourg, 1825.
B. Heurtebize.
    1. DALILA##

DALILA (hébreu : Delîlâh ; Septanter : AaXiSa), femme célèbre dans l’histoire sainte par sa trahison envers Samson, qu’elle livra aux Philistins. Ce fait dut avoir lieu peu de temps après que ce juge d’Israël, surpris et enfermé dans Gaza par les Philistins, se fut échappé en emportant les portes de la ville. Jud., xvi, 3-4. Ce dernier exploit avait achevé de convaincre ses ennemis qu’ils ne pourraient jamais triompher du héros ou se rendre maîtres de lui par la force ; ils résolurent donc de recourir" à la ruse pour le faire tomber entre leurs mains. Une occasion favorable ne tarda pas à s’offrir. Après son aventure de Gaza, Samson « aima, dit l’Écriture, une femme qui habitait la vallée de Sorec », probablement l’ouadi Serâr actuel. Jud., xvi, 4. C’était Dalila. Les chefs des Philistins, c’est-à-dire sans doute les cinq serânîm ou princes de la nation, cf. Jos., xiii, 3 ; Jud., m, 3 ; I Reg., vi, 16, lui promirent onze cents pièces d’argent chacun, en tout plus de quinze mille cinq cents francs, si elle parvenait, en abusant de la confiance de Samson, à se faire livrer par lui le secret de cette force mystérieuse, qu’ils devaient attribuer à quelque vertu magique. Jud., xvi, 5. Dalila accepta cette proposition sans répugnance. Elle se mit aussitôt à l’œuvre, et après plusieurs tentatives infructueuses elle réussit enfin à arracher son secret à Samson, qu’elle livra immédiatement à ses ennemis. Jud., xvi, 13-21. Voir Samson.

4209

DALILA — DALMANUTHA

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Le livre des Juges ne nous apprend rien touchant la nationalité de Dalila et sa condition sociale. Sur le premier point il se contente de dire qu’elle « habitait la vallée de Sorec », Jud., xvi, 4 ; or nous ignorons si cette vallée faisait alors partie du territoire des Philistins ou de celui des Hébreux. Cependant le sentiment presque général est que Dalila était Philistine, et tout, dans le récit, semble l’insinuer : la démarche des serânim, la facilité avec laquelle leur proposition est accueillie, l’espèce de mépris et de haine que cette femme montre au dernier moment pour Samson, Jud., xvi, 19 ; les antécédents de celui-ci, Jud., xiv, 1 ; xvi, 1, le silence de l’Écriture, qui serait assez surprenant, s’il s’agissait d’une Israélite.

En ce qui touche la condition sociale de Dalila, quelques Pères, entre autres saint Chrysostome, Homil. xvii, ex variis in Matth., dans Cornélius a Lapide, In Jud., Paris, 1859, t. iii, p. 210, et saint Éphrem, Adversus improbas tnulieres, Anvers, 1619, in-f°, p. 103, ont pensé qu’elle était l’épouse de Samson. Leur sentiment a sans doute sa raison dans leur respect pour la mémoire d’un juge d’Israël. Mais une mission divine et les dons gratuits dont Dieu l’accompagne ne garantissent pas la vertu de l’homme qui reçoit cette mission et ne le rendent pas impeccable. Cf. I Cor., xiii, 1-2. La plupart des interprètes regardent Dalila comme une courtisane. C’est du reste l’idée qu’éveille d’abord dans l’esprit la manière dont l’Écriture parle de ses rapports avec Samson, Jud., xvi, 4 a ; et c’est l’impression que laisse au lecteur l’ensemble du récit comme les divers détails de la conduite de la Philistine. — Il n’est pas vraisemblable, d’autre part, que les chefs philistins aient proposé avec tant de confiance à une femme mariée de trahir son mari et de le vendre à ses ennemis, ni que celle-ci ait accepté si facilement un pareil marché ; Il ne serait guère moins invraisemblable que Dalila eût pu, à plusieurs reprises, faire entrer un certain nombre de Philistins dans une maison dont Samson aurait été le maître sans qu’il s’en aperçût ou qu’il en fût averti de quelque manière. Enfin comment expliquer que Samson n’eût pas emmené dans sa patrie une femme dont il aurait fait son épouse ? Cf. Jud., xiv, 8, où le mot « prendre sa femme » doit s’entendre dans le sens de la prendre pour la ramener. Josèphe, Ant. jud., V, viii, 11, partage l’opinion commune.

E. Palis.

    1. DALMANUTHA##

DALMANUTHA (AaX^ocvouQâ) n’est mentionné qu’une seule fois dans les Écritures. Nous lisons dans saint Marc, viii, 10, qu’après la seconde multiplication des pains, Matth., xv, 32-38 ; Marc, viii, 1-9, Notre-Seigneur « entra dans la barque et vint dans la région de Dalmanutha », où il eut une discussion avec des pharisiens, qui lui demandèrent un signe du ciel. Matth., xvi, 1-4 ; Marc, vin, Il et suiv. Le texte parallèle de saint Matthieu remplace « la contrée de Dalmanutha » par celle « de Magadan »,

— nom qui s’est glissé aussi dans quelques manuscrits grecs et deux versions de saint Marc (l’ancienne version latine et la version syro-sinaïtique). Malheureusement la leçon de saint Matthieu est plus ou moins douteuse. On lit Magdal, Magdala ou Magdalan dans bon nombre de manuscrits onciaux et dans les versions copte, arménienne, syro-sinaïtique, peschito et éthiopienne, auxquelles il faut ajouter des manuscrits minuscules et les versions copte et gothique de saint Marc. Quoique les critiques s’accordent à préférer la leçon Magadan, les exégètes sont plutôt d’accord avec le correcteur ancien qui l’a changée en Magdala, — en ce sens que tout en lisant Magadan ils voient dans ce nom une forme plus ou moins corrompue de Magdala, aujourd’hui El-Medjdel, au nord de Tibériade, à l’entrée méridionale de la plaine de Génésareth ou du Guweir actuel. Aussi a-t-on fait l’impos.sible pour retrouver dans ces environs quelques traces de Dalmanutha. Les diverses hypothèses énoncées à ce sujet nous semblent tout à fait dénuées de

fondement. Celle de Lightfoot, Decas chorogr. in Marcum, v, 2, dans Ugolini, Thésaurus antiq. sacr., t. v, col. 1054, qui confond Dalmanutha avec un $almôn talmudique, ne donne aucune lumière, le site de ce dernier étant parfaitement inconnu. Voir Neubauer, La géographie du Talmud, p. 275. — Le rabbin Schwarz, dans Das heilige Land, Francfort, 1852, p. 150, prétend avoir trouvé un « document » juif, d’âge inconnu, où il était dit que Magdala lui-même portait le nom de Telîmân. Cf. Sepp, Jérusalem und das heilige Land, Schaffhausen, 1853, t. ii, p. 166. Mais l’existence simultanée de deux noms sémitiques pour le même endroit est invraisemblable, et la ressemblance entre les noms Telîmân et Dalmanutha est loin de prouver leur identité. — Sepp, Jérusalem, p. 165-167, ?. commencé par vouloir retrouver, sans aucune preuve, Dalmanutha dans le Qal’at Ibn Ma’an, « château du fils de Ma’an, » grandes cavernes dans les montagnes à l’ouest de Medjdel. Voir Arbèle, t. i, col. 884-886. Dans un opuscule récent, Kritische Beitrâge zum Leben Jesu und zur neutestamentlichen Topographie Palâstinas, p. 31-35, 142, le savant bavarois ne mentionne même plus son opinion antérieure, et transporte Dalmanutha au bord du lac, à l’endroit appelé aujourd’hui’Ain el-Fûlîyéh, à environ trois quarts d’heure au nord de Tibériade. Mais les quatre pages d’une érudition variée qu’il a consacrées à ce sujet n’offrent guère que des combinaisons fausses ou du moins arbitraires et invraisemblables, comme la correction arbitraire de AaX(ji.avou6à en AaXjiioùvTï, accusatif supposé, mais inadmissible dans le contexte, de AaXjjuxoO ; , et l’identification de celui-ci avec le Beth-Mâ’ôn de Josèphe, Vita, 12, et du Talmud, Jer.’Erûbin, , 22 b ; cf. Neubauer, Géographie, p. 218, qui de fait n’était qu’à quatre stades (à l’ouest) de Tibériade, et qui porte encore le nom de Tell Ma’ûn. — Enfin le docteur Furrer, Die Ortschaften aniSee Genezareth, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. ii, p. 58-63, a cherché Dalmanutha dans la Khirbet Minyéh, située dans la partie septentrionale de la plaine de Génésareth, et identifiée par les uns avec Bethsaïde de Galilée (voir Bethsaïde, t. i, col. 1718-1721), par les autres avec Capharnaùm. Voir Capharnaùm, col. 201-210. Il pensait que le nom de Dalmanutha avait pu être abrégé en Manûtâ ou Menôlô et arabisé ensuite en Minyéh. Cette opinion a été réfutée solidement par Gildemeister, dans un article intitulé Der Name Chân Minje, dans la même revue, t. iv, p. 194-199. Minyéh ou plutôt, selon la prononciation ancienne, Munyéh, ne saurait s’expliquer d’après les lois phonétiques comme dérivé de l’araméen Manûtâ ou Menôtô. C’est un mot arabe, signifiant une « maison de campagne », un « hameau », une « ferme », et très répandu dans tous les pays de langue arabe, quoique dérivant (parole copte) du grec [iovV ; , « habitation. » La Minyéh qui nous occupe ici est appelée par Qazouini : Munyet Hisâm, « la maison de campagne de Hisam, d probablement d’après le khalife Ommayade de ce nom (723-742 après J. -C), qui bâtit plusieurs maisons de campagne.

— Toutes les opinions que nous venons d’énumérer se heurtent du reste au fait connu, que nos deux évangélistes, Matth., xiv, 34 ; Marc, VI, 53, désignent les environs de Magdala sous le nom de « pays de Génésareth ». Pour plus de détails, voir Notes de géographie biblique, dans la Revue biblique, janvier 1897, p. 93-99. — Le pays de Dalmanutha ou de Magadan doit être la partie septentrionale de la vallée du Jourdain, au delà de ce fleuve : le premier nom étant conservé dans EdDelhamiyéh ou peut-être EdDelhamiyéh (voir Survey of Western Palestine, Name lists, p. 160, 164), le second dans Mâ’ad. Voir Schumacher, Pella, p. 73, 75. Ces deux localités, peu connues jusqu’ici, sont marquées sur le Old and New Testament Map d’Armstrong. Le premier y est à environ sept kilomètres de la pointe méridionale du lac, vis-à-vis du point où, sur la rive droite, le ruisseau de VOuâdî Walhàn se jette dans le Jourdain. Aussi h

gué voisin s’appelle Makhâdet ed-Delhamîyéh. Md’ad est plus loin vers le midi, au delà de VOuâdî el-Egseir, « vallée du petit château, » à environ sept kilomètres à’Ed-Delhamîyéh et à deux ou trois kilomètres du Jourdain. On y trouve un sanctuaire musulman, appelé Seikh Mâ’ad, et tout près, à la Khirbet es-Sâkhinéh, Schumacher a trouvé des restes de sépultures juives, des grottes avec kokim ou tombeaux en forme de four. Voir Schumacher, Pella, Londres, 1888, p. 73. Victor Guérin, dans son voyage de 1875, dit que Ed-Delhamîyéh « s’élève sur une colline, tout près de la rive gauche du Jourdain. Les maisons sont bâties en pisé et avec de menus matériaux, et la plupart sont surmontées de huttes en roseaux ». Galilée, t. i, p. 284. Mâ’ad alors était abandonné depuis quelque temps. Il ne formait qu’  « un petit groupe d’habitations », également situé sur une colline, près du oualy (sanctuaire) que nous venons d’indiquer. Galilée, t. i, p. 287. — Le tombeau de Seikh-Ma’ad était connu des auteurs du moyen âge. P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1895, p. 508.

Le nom de Mâ’ad se rattache sans difficulté à la forme grecque MayocSâv. D’abord le y correspond souvent à un’aïn hébreu. La finale etv peut représenter un on hébreu, qui a pu disparaître, comme il a disparu dans Beth-Jfôrôn = Beit’Ur. Peut - être nous avons à faire tout simplement au mot hébreu ma’âdan ou ma’âdân, « délices, endroit délicieux. » Si le’aïn de cette racine avait chez les Hébreux la prononciation dure qu’il a retenue en arabe (gadana avec gain), le y grec serait parfaitement clair. — Quant à la transition de Dalmanutha en Ed-Delhamîyéh, il n’y a rien de bien certain à dire, puisque la dérivation et même la forme primitive sémitique du mot ne sont pas claires. Toujours est-il que les deux noms présentent les trois consonnes fixes dans le même ordre, et suivis d’une terminaison dissyllabique, dont la première appartient à certains noms féminins araméens, la seconde à certains adjectifs féminins arabes. Le h arabe peut être original, puisque cette consonne disparaît fréquemment dans la transcription grecque. Si le mot primitif est composé, le h peut représenter l’article hébreu. Dal hammenât pourrait être : « la porte de la portion [de l’héritage]. » D’un autre côté, le h arabe peut s’expliquer aussi comme l’effet d’une étymologie populaire, rattachant le nom ancien à l’arabe delham, « loup, » ou le conformant à l’autre Delhamiyéh, située près de VOuâdî homonyme dans le Djaulan occidental, au sud-est d’El-Qouneitra. — Ajoutons qu’Eusèbe, au IVe siècle (Onomasticon, 2e édit. deLagarde, p. 141. 282), nous parle d’un district du nom de MayeSaviî, Magedena, qu’il place près de Gérasa, évidemment beaucoup trop loin du lac de Tibériade pour qu’on y cherche le Magadan de saint Matthieu. Si au lieu de Tepaaâv on pouvait lire TaSapocv, nom de la ville célèbre qui dominait la partie de la vallée du Jourdain dont nous venons de parler, tout s’expliquerait. C’est ainsi, on le sait, que les ra8ap7|vot de saint Matthieu, viii, 28, sont dans plusieurs sources critiques devenues des Tepoto-rivoi. — En somme, sans résoudre tous les problèmes de détail, cette dernière opinion semble la plus probable.

J. VAN KaSTEREN.

    1. DALMATIE##

DALMATIE ( Aa/^arfa), province de l’empire romain, située au nord-est de la mer Adriatique. Saint Paul, II Tim., IV, 10, dit qu’il a envoyé Tite en Dalmatie. C’est probablement pendant la seconde captivité de saint Paul que fut écrite la seconde Épltre à Timothée, et par conséquent pendant cette captivité ou un peu auparavant que Tite fut envoyé en Dalmatie. La Dalmatie faisait partie du groupe des provinces comprises dans Vlllyricum. Tacite, Hist., i, ii, 76, etc. Saint Paul, Rom., xv, 19, dit qu’il a prêché l’Évangile jusqu’à I’Illyrie. S’est-il arrêté à la frontière ou a-t-il pénétré dans le pays ? Nous l’ignorons.

La Dalmatie est très accidentée ; elle est divisée en

deux parties par la chaîne de l’Adrius, qui court parallèlement à la mer. La côte est coupée par des rades nombreuses et sûres. Le sol, qui eût pu être fertile, était peu cultivé par les habitants, qui se livraient à la piraterie. Ils ne se servaient pas de monnaie, et faisaient un nouveau partage des terres tous les huit ans. Ce pays fut un de ceux que les Romains eurent le plus de peine à conquérir. Strabon, VII, v, 5 et 10. Ils y apparurent pour la première fois en 229 avant J.-C. Polybe, ii, 12 ; Appien, IUyric, vu. Mais on ne trouve des traces certaines de l’existence d’une province d’IUyrie que vers les derniers temps de la république. César en fut gouverneur en l’an 59 avant J.-C. Dion Cassius, xxxviii, 8 ; Suétone, Cœsar, xxii ; César, De bell. gall., ii, 35 ; v, 1 et 2. Octave se fit donner cette province en 40. Dion Cassius, xlviii, 28. Eu 27, elle fut attribuée au sénat et gouvernée par un proconsul. Dion Cassius, Lin, 12 ; liv, 20. Corpus inscript. latin., t. iii, n° 2973. Aussitôt après Auguste, la province d’IUyrie reçut le nom de Dalmatie. Dion Cassius, xlix, 36 ; Tacite, Annal., iv, 5 ; Josèphe, Bell, jud., II, xvi. La Dalmatie eut pour gouverneur un légat propréteur de rang consulaire. Suétone, Claude, xm ; Tacite, Annal., xa, 52 ; Hist., ii, 36 ; Corpus inscript. latin., t. iii, n # " 2908, 4023 ; J. Marquardt, Organisation de l’empire romain, trad. franc., t. ii, p. 178, n. 1. Le légat résidait à Salonæ aujourd’hui Spalato. Corpus inscript. latin., t. iii, n os 1985, 2075. Il y avait peu de villes en Dalmatie. Auguste brûla celles qui existaient. Ses successeurs y fondèrent cinq colonies romaines : Épidaure, Narone, Salon », jEquum et Jader. Pline, H. N., iii, 141-143 ; Corpus inscript. latin., t. iii, n « 1933, 2026, 2909, 2932. Saint Jérôme était originaire de Slridon, ville située sur la frontière de Dalmatie. — Voir A. Poinsignond, Quid prescipue apud Romanos adusque Diocletiani tempora Illyricum fuerit, in-8°, Paris, 1846 ; IL Cons, La province romaine de Dalmatie, in-8°, Paris, 1882 ; Th. Mommsen, Corpus inscript. latin., t. iii, p. 278 ; J. Marquardt, L’organisation de l’empire romain, trad. franc. (Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, t. îx), in-8°, Paris, 1892, t. ii, p. 171-180.

E. Beurlier.

1. DALMATIN Antoine, prédicateur protestant, né en Dalmatie, et propagateur du protestantisme à Ljubljan (Laibach). Sur l’invitation du baron J. Ungnad, grand promoteur de la réformation dans les pays croates, il s’occupa avec Etienne Istrian à traduire en croate les livres religieux, à Tubingue. En 1566, il quitta le Wurtemberg pour aller à Ratisbonne ; on ne sait pas ce qu’il devint dans la suite. Il traduisit et publia : le Nouveau Testament, Novy Zakon, en écriture glagolitique, en 1562, et en cyrillique, en 1563, à Tubingue ; Postula, ou l’explication des évangiles d’après les écrits des réformateurs. J. Sedlacek.

2. DALMATIN Georges, théologien luthérien, né à Kersko (Gurkfeld), en Carniole, en 1550, mort en 1589. Il fit son éducation à Bebenhausen, près de Tubingue, devint maître d’école protestant et pasteur, en 1572, à Ljubljan, capitale de la Carniole. Il voyagea beaucoup pour propager le protestantisme, et fut curé de la paroisse de Saint-Kancian (Auersperg). Il perfectionna l’orthographe Slovène (croate) avec le primat Trubar et Bohoric, et travailla pour donner aux Croates une version complète de la Bible. Ses écrits sont : Jésus Sirach (Ecclésiastique), en Slovène, Ljubljan, 1575 ; Passion is usih shtirih Euangelistou, « La Passion d’après les quatre Évangiles, » Ljubljan, 1576. Les états de Carniole éditèrent le premier volume de la version Slovène de la Bible, faite par Dalmatin, à Ljubljan, en 1578 : Biblia tu je : Vsega svetiga pisrna pervi dil. La Bible entière fut imprimée à Wittemberg, en Saxe, en 1584 : Biblia tu je vse svetu pismu slovenski talmacenu skuzi Juria Dalmatina (traduite en Slovène par G. Dalmatin). — Voir Schnurrer’s, Slavischer

Bûcherdruck in Wurtemberg, Tubingue, 1799 ; Ivan Kostrenic, Urkundttche Beitrâge, Vienne, 1874 ; Th. Elze, Die Universitât Tubingen und die Studenten aus Krain ; D r K. Glaser, Zgodovina slovenskeho slovstva I, Ljubljan, 1894. J. Sedlacek.

DAMAN. Voir Chœrogrylle.

    1. DAMARIS##

DAMARIS (Aâ(ictpiç), femme d’Athènes, couvertie a la foi par la prédication de saint Paul. Act., xvii, 34. D’après saint Jean Chrysostome, De sacerdot., iv, 7, t. XLViii, col. 669, elle aurait été la femme de Denys i’Aréopagite, mais rien ne le prouve. Les Grecs célèbrent sa fête le 4 octobre.

    1. DAMAS##

DAMAS (hébreu : Damméèéq ; à la pause : Damméèéq ; une fois, Dûmméèéq, IV Reg., xvi, 10 ; dans les Paralipomènes, Darméèéq, I Par., xviii, 5, 6 ; II Par., xvi, 2 ; xxiv, 23 ; xxviii, 5, 23 ; Septante : Aa[iaoxAç ; une fois, Aajiaséx ; Codex Alexandrinus : Aa[iasx<jç, III Reg., xi, 24 ; Vulgate : Damascus, Damascenus), capitale de la Syrie, Is., vii, 8, et, par son antiquité, son histoire et sa grandeur constante, la beauté de son site, une des villes les plus importantes de l’Asie.

I. Nom. — Le nom hébreu, ptew, Damméèéq, dont

l’origine est obscure (cf. Gesenius, Thésaurus, p. 345), se retrouve exactement avec la même forme dans les langues anciennes. Sur les murailles de Karnak, il est

écrit 1 (Il lk, Ti-ms-qu, ou Dimasqou. Cf. A. Ma riette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 17 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmès III qu’on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoi-ia lnstitute, or Philosophical Society of Great Britain, 1886, p. 4 ; W. Max Mùller, Asien und Europa nach altàgyptischen Denkmàlern, Leipzig, 1803, p. 98. Une inscription de Salmanasar II le transcrit ^E^r — |- ]i=. Di-maS-qi. Cf. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. 5, n°6 ; A. Amiaud et V. Scheil, Les Inscriptions de Salmanasar II, Paris, 1890, p. 60. Les monuments assyriens le représentent ainsi avec ou sans le redoublement de la seconde radicale : Di-ma-aS-qi =j= Dimasqi ; Dimaiqa ; Dim-mas-qa = DimmaSqa. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Giessen, 1883, p. 138, 209, 213.

— Le livre des Paralipomènes nous a conservé la forme araméenne, ptraiT, Darméèéq, dans laquelle le daguesch

fort s’est, suivant le dialecte syrien, résolu en resch ; c’est ainsi que l’hébreu hissé’devient en chaldéen korsê’, en arabe koursî, « siège, trône. » Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1245. Le scribe égyptien de la Liste de Ramsès III l’a reproduite, avec un léger changement de l’orthographe

ancienne (k pour q ; i pour u) : 1 I (Il |l ii, Ti-ra mas-ki. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 234.

Elle existe également dans le syriaque, tjDj&£Oâoj}< Darmsûq, et le talmudique, j’pODTn, Dôrmasqîn. Cf. F. Mûhlau et W. Volck, W. Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1890, p. 197 ; A. Neubauer, La Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 296. — Le nom ancien s’est maintenu chez les Arabes, ( 3 > i, .. « >>, Dimascfiq (cf. Àbulféda, Tabula Syrise, édit. Kœhler, Leipzig, 1766, p. 50, 100), bien que celui de f L£Jl, Esch-Schâm, « . la Syrie, » soit plus usité, suivant leur habitude de donner le nom du pays à sa capitale, comme le Caire est appelé Misr, « l’Egypte. » — Le mot Damméèéq est employé une fois-, Ezech., xxvir, 18, pour « habitant de Damas », avec ellipse de’is, « homme. » Enfin dans le Deméséq d’Amos, iii, 12, les plus vieilles versions,

grecque, syriaque, latine, ont reconnu la ville de Damas, tandis que plusieurs exégètes modernes attribuent plutôt à l’expression bi-dméséq’âréè le sens de « coussin en soie ou en velours ». Cf. Trochon, Les petits Prophètes, Paris, 1883, p. 156 ; pour la critique textuelle, voir J. B. de Rossi, Variæ lectiones Vet. Testamenti, Parme, 1785, t. iii, p. 186.

II. Description. — 1. Site. — Damas est située dans une vaste plaine, appelée El-Ghoûtah, bornée au nord, au nord-ouest et au sud par des montagnes, et ouverte à l’est du côté du désert. C’est une admirable oasis qui a été célèbre de tout temps, et dont la beauté réalise, aux yeux des Arabes en particulier, l’idéal de toutes les magnificences terrestres. Bien plus, c’est le reflet du paradis pour les disciples du Coran, qui conçoivent le ciel comme un splendide jardin, arrosé d’eaux vives, plein de fruits et embaumé de senteurs. Nous ne pouvons sans réserve souscrire à ces louanges, et il est tel coin de l’Italie, de la France ou des bords du Rhin, qui les mériterait mieux. Ce qui rend plus sensibles les merveilles de la nature dans ce lieu de délices, c’est le contraste avec le cadre qui l’entoure. Après les longues marches dans un désert brûlé, on comprend l’éblouissement du voyageur oriental, tombant tout à coup au sein d’une végétation luxuriante. De quelque côté qu’on aborde la grande cité, il faut traverser des pays rocailleux et nus, d’une morne tristesse. Tous ceux qui ont fait le voyage de Jérusalem à Damas se rappellent les cris de joie avec lesquels ils ont salué l’espèce d’Ile enchantée qui apparaît à l’horizon comme le rivage longtemps attendu. Pour mieux en juger, du reste, jetons un premier coup d’œil sur le splendide panorama qui se déroule aux regards du spectateur placé non loin du village de Doummar, sur les hauteurs du Djebel Qasioûn (voir fig. 464). À ses pieds s’étend la ville, inondée de lumière, avec un fond de verdure qui se détache admirablement sur le jaune doré du désert. Une vaste ceinture de vergers, de prairies, de massifs d’arbres, entoure l’amas confus des maisons en terrasses, dominé par d’innombrables coupoles et minarets. A l’ouest, la montagne s’élève jusqu’au grand Hermori, qui semble très rapproché et dresse sa tête blanche dans l’azur du ciel. À gauche, vers le nord-est, l’Anti-Liban s’abaisse en collines arrondies et marque d’une ligne violacée la direction que suivent les caravanes qui s’en vont à Homs, Palmyre et Bagdad. En face, au delà de la Ghoùtah, se dressent, regardant l’un pardessus l’autre, le Djebel el-Asouad et le Djebel el-Mâni’a. Enfin, comme fond de tableau, se dessinent à l’horizon les cimes bleues du Djebel Hauran et, plus à l’est, les collines coniques du Touloùl.

2. Eaux et jardins. — Le plateau sur lequel est bâtie Damas est à une altitude de 697 mètres. Assez froid en hiver, en raison même de cette élévation, il devient brûlant en été, sous le souffle des vents desséchés qui arrivent des déserts de la Mésopotamie et de l’Arabie. La température moyenne de l’année est assez forte pour donner aux orangers et aux palmiers une belle venue dans les endroits abrités. Mais ce qui fait la richesse de ce territoire, au milieu des contrées sablonneuses et rocheuses qui l’enserrent, c’est le Barada, l’Abana de l’Écriture. IV Reg., v, 12. Sorti, à travers de profondés crevasses, des gorges de l’Anti - Liban, ce torrent débouche dans la plaine de Damas, coupe un coin de la ville au nord, et va se perdre, à une vingtaine de kilomètres à l’est, dans un grand lac, le Bahr eUAtéïbéh.’Soxc Abana, t. i", col. 13. Ses eaux, distribuées par une multitude de canaux, portent partout dans les jardins la fraîcheur et la vie, alimentent de nombreuses fontaines, se répandent même, par un aménagement très bien entendu, jusqu’au sein des demeures les plus importantes. Grâce à ce système de canalisation, pratiqué dès les temps les plus reculés, et sous les rayons d’un soleil qui, au printemps et en été, brille dans un ciel toujours pur, les jardins de


464. — Vue de Damas, prise de Es-Salahiyéh. D’après une photographie.

Damas sont ce qu’on peut rêver de plus délicieux. Séparés les uns des autres par des murs en pisé pétri avec de la paille hachée, ils sont aussi riches par la variété que par la beauté des arbres qu’ils renferment. Amandiers, figuiers, grenadiers, pêchers, cerisiers, citronniers, mûriers, noyers, etc., y étendent et y entremêlent leurs branches vigoureuses, chargées à la saison de fruits abondants, et auxquelles la vigne entrelace ses rameaux grimpants. Les abricotiers surtout y sont superbes ; leurs produits, appelés mischmisch, sont petits, mais d’un jaune doré, à peau lisse, et d’un goût excellent. Les habitants « n font des pâtes célèbres dans tout l’Orient. Les raisins, à grains allongés et à peau épaisse, sont mangés frais, secs, ou sont transformés en un sirop qui remplace le

que la ville avait des faubourgs autrefois comme aujourd’hui. Neuf portes donnaient accès dans la cité, qui, partout où elle n’est pas protégée par le Barada, était défendue par un large fossé, a présent aux trois quarts comblé, et par un avant-mur, presque entièrement détruit. L’une des plus remarquables actuellement est celle qu’on désigne sous le nom de Bâb esch-Scharqi, « la porte orientale. » D’un caractère monumental et de construction romaine, elle se compose d’une grande arcade centrale accostée de deux autres moitié plus petites, l’une au sud, l’autre au nord. Cette dernière seule est restée ouverte, les baies centrale et méridionale ayant été murées, il y a plusieurs siècles, par les musulmans. L’entrée actuelle est défendue par une tour surmontée d’un minaret, du

S » Buil

brvda SVIbul ?

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465. — Plan de Damas.

sucre. Enfin dans ces vergers et dans les champs on cultive le sorgho, dont la graine sert à faire une farine grossière ; des fèves, des courges, du lin et du chanvre, d’énormes ricins dont on recueille précieusement l’huile ; le maïs, le blé et l’orge occupent d’assez grandes étendues, et sont semés suivant la nature du sol, selon qu’il est humide ou plus sec.

3. Murs de la ville. — Telle est la couronne de verdure qui ceint le front de Damas. La ville proprement dite, telle qu’elle est délimitée par son ancienne enceinte, plusieurs fois remaniée, mais debout encore en grande partie, forme un ovale long d’environ i 700 mètres sur 850 dans sa plus grande largeur. (Voir fig. 465.) Elle a débordé au nord avec le faubourg El Afnàra, mais surtout au sud, où le faubourg du Méidân constitue comme un immense appendice, long de plus de i 600 mètres, les assises inférieures de l’enceinte, d’origine romaine, sont construites avec de belles pierres de taille, bien agencées entre elles ; les assises supérieures accusent des restaurations d’époques diverses, arabe et turque. De distance en distance, la muraille est flanquée de tours rondes ou carrées, dont la plupart menacent ruine. Le pourtour ce devait pas être très considérable ; ce qui fait supposer

DICT. DE LA. BIBLE.

haut duquel on peut admirer le panorama de Damas et des environs. En dehors, un peu plus loin, une colline formée de décombres a révélé, dans les fouilles qu’on y a pratiquées, l’existence d’anciennes fabriques de poteries émaillées autrefois célèbres. Une léproserie abandonnée passe pour occuper l’emplacement de la maison de Naaman le Syrien, miraculeusement guéri par Elisée. IV Reg., v, 1-19. En suivant le mur de la ville vers le sud, on arrive bientôt à un angle saillant où l’on voit encore les débris d’une puissante tour, dont les blocs sont taillés en bossage. L’enceinte tourne alors brusquement à droite, et après quelques centaines de pas on arrive près d’une seconde porte, aujourd’hui murée et appelée Bâb Kisân, du nom du gouverneur qui la bâtit, vers le VIIe siècle, sur l’emplacement d’une plus ancienne. C’est près de là que, suivant la tradition actuelle, il faudrait chercher l’endroit par où s’évada saint Paul (voir fig. 466). L’Apôtre nous apprend lui-même, en effet, que, pour le soustraire aux mains des Juifs, ses disciples le descendirent jusque dans les fossés, à l’aide d’une corbeille, par une fenêtre surplombant l’enceinte ou s’ouvrant dans la muraille. II Cor., xi, 32, 33 ; Act., ix, 24, 25. C’est ainsi que, longtemps auparavant, Rahab avait, à Jéricho, sauvé les espions

II. — 39

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DAMAS

1220

Israélites qui s’étaient abrités dans sa demeure, adossée au rempart. Jos., ii, 15. En face de cette porte, quelques noyers ombragent une petite coupole désignée comme le tombeau de saint Georges, le soldat qui, chargé de garder la tour, aurait favorisé l’évasion de saint Paul et aurait été martyrisé pour cela. Un peu plus loin, près des vestiges d’une voie romaine et d’un cimetière chrétien, un rocher de forme allongée marquerait le site de la conversion de saint Paul. Act., IX, 3. C’est une tradition relativement assez récente, et l’on place plus généralement le théâtre de ce grand événement près du village de Kaoûkdb, à douze kilomètres au sud-ouest de Damas. En remontant de ce point pour longer, dans la direction de

mais il a été remanié à plusieurs reprises. Le fossé qui l’environne peut recevoir l’eau du Barada. Cette rivière borde l’enceinte au coté septentrional, et sur ses rives ombragées s’étendent de frais jardins. Pour terminer cette excursion autour de la ville, citons les portes qui la ferment au nord ; ce sont, en allant de l’ouest à l’est, Bdb el-Faradj, Bâb el-Faradis, Bâb es-Sélam et Bâb Tourna, « porte de Thomas, » un guerrier chrétien qui, en 634, sut relever le courage abattu de la ville assiégée. De ce côté encore les fondations sont anciennes.

4. Maisons et rues. — Si nous pénétrons maintenant dans l’intérieur de la grande cité, nous y rencontrerons un dédale de rues généralement étroites, mal bâties, plus

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460. — Partie des mura de Damas où, selon la tradition, eut lieu l’évasion de saint Paul. D’après nne photographie.

l’ouest, la face méridionale de l’enceinte, on entre dans l’immense faubourg du Méidân, où la muraille ne s’aperçoit plus que par intervalles au milieu des maisons. On atteint ainsi la porte Bâb es-Saghir, près de laquelle on remarque le double mur qui entourait autrefois la ville. Après un détour vers le nord, on arrive à la porte occidentale appelée Bâb el-Djabyah, du nom d’un village qui l’avoisinait anciennement. Elle fait le pendant de Bâb esch-Scharqi, qui se trouve à l’autre extrémité de la rue Droite, et se composait comme elle de trois arcades, dont celle du sud, seule visible aujourd’hui, a été réparée par Nour-ed-Dln, suivant une inscription gravée sur le linteau.

Vers l’angle nord-ouest de la cité se trouvent, près de la porte Bdb el-Hadid, « la porte de fer, » d’un côté le Serai ou palais du gouverneur, avec de vastes casernes ; de l’autre le château, El-Qasr. Ce dernier forme un quadrilatère irrégulier, de 280 mètres de long sur 200 de large. Flanqué de grosses tours carrées, il est bâti en pierres de taille dont beaucoup sont relevées en bossage. Les fondations semblent remonter à la période romaine,

mal entretenues, s’enchevêtrant souvent d’une façon déconcertante pour l’étranger. Couvertes pour la plupart de nattes ou de toits en planches, pour intercepter la chaleur, elles sont bordées de maisons bâties avec de laboue et de la paille hachée ou de larges briques cuites seulement au soleil. Cependant, derrière ces murs à l’aspect délabré, se cachent plusieurs habitations splen<dides, où s’étale un luxe inouï. Dans une vaste cour plantée de rosiers, de lauriers, d’orangers et de jasmins, de gracieuses vasques eu marbre blanc laissent jaillir une eau limpide. On entre ensuite dans de magnifiques salles d’une richesse d’ornementation impossible à décrire : murs en marbres de plusieurs couleurs, incrustés demille entrelacs creusés dans la pierre ; plafonds à caissons en bois découpé, où s’entrecroisent de légères et capricieuses arabesques ; vitraux enchâssés dans l’albâtre ; bassin supporté par un faisceau de piliers multicolores avec un mince jet d’eau pour rafraîchir l’atmosphère ; meubles précieux : en un mot, toutes les délicatesses d’un art dont nous avons peine à nous faire une idée, Damas est coupée dans sa plus grande longueur, de

l’est à l’ouest, par une rue connue des musulmans sous le nom de Es-Soultânl, « la Royale, » et qui va du Bâb esch-Scharqi au Bâb el-Djabyah. Elle s’appelle aussi en arabe Derb ou Tarîq el-Moustaqim, « la rue Droite, » et occupe, en effet, l’emplacement de la Via Recta des Romains. C’est donc le Vicus Reclus, pO[i.T) e-iôeta, où saint Paul aveugle alla loger chez un certain Jude. Act., IX, 11. Jadis large de trente mètres, elle était ornée de deux rangées de colonnes corinthiennes qui constituaient trois magnifiques avenues répondant à chacune des trois baies que nous avons signalées aux portes. Cette colonnade, qui se prolongeait sur une longueur de seize cents mètres, comme à Palmyre, Djerasch et ailleurs, a depuis

de moulures fines et délicates représentant des espèces de stalactites d’un gracieux aspect. Leurs colonnes, en marbre, en pierre du pays, parfois même en porphyre, ont été d’ordinaire empruntées à des édifices plus anciens, et leurs fûts, presque tous monolithes, sont surmontés de chapiteaux divers, antiques, byzantins ou arabes. Nous n’en pouvons citer qu’une, la plus grande et la plus remarquable, une des plus belles même de l’Orient, la Djâmi’el-Kébir, « la grande mosquée, » ou Djàmï el-Oumaoui, « la mosquée des Ommiades. » Nous la décrivons telle que nous l’avons vue en mars 1893 ; car, le 14 octobre de la même année, un incendie qui dura douze heures l’a détruite en partie, avec quantité

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467. — Ancien arc de triomphe, & Damas. D’après une photographie.

longtemps disparu. En creusant des ondations, on en trouve çà et là des débris épars et même des bases encore en place. Les nombreux remaniements qu’a subis cette rue l’ont rendue tortueuse et très resserrée en beaucoup d’endroits. Elle sépare les trois principaux quartiers de la ville : au sud, le quartier des juifs, au nord-est celui des chrétiens, et au nordouest celui des musulmans. Vers l’extrémité occidentale, une petite mosquée occupe le site traditionnel de la maison de Jude, où saint Paul reçut l’hospitalité. En la remontant vers l’est et en tournant au nord, on arrive à un sanctuaire bâti, dit-on, sur l’emplacement de la maison d’Ananie. Act., ix, 10-18. C’est une petite et pauvre chapelle, une crypte à laquelle on aborde par un escalier, débouchant en face d’un arceau en ciment et pierre basaltique qui ne semble pas très ancien.

5. Monuments. — Les principaux monuments de Damas sont les mosquées, très nombreuses, mais la plupart très dégradées. Avec leurs sveltes minarets et leurs belles coupoles, elles produisent un effet pittoresque au-dessus des maisons de la ville. Leurs portes sont souvent ornées

d’objets d’art et de manuscrits précieux qu’elle contenait. Située au centre de la ville et enfermée dans les bazars, elle forme un rectangle long de 160 mètres de l’est à l’ouest sur 105 de large du sud au nord, clos d’un mur en belle maçonnerie. Le côté septentrional est occupé par une grande cour, de trois côtés environnée de cloîtres dont les arcades reposent sur de magnifiques colonnes corinthiennes en granit. Jadis pavée de marbre précieux, elle possède au centre une fontaine, ornée de huit colonnettes et surmontée d’une coupole octogone, et de chaque côté, à l’est et à l’ouest, deux autres petites coupoles. La mosquée proprement dite, à la partie méridionale, mesure 140 mètres de long sur 40 de large. Elle est divisée en trois nefs, parallèles au grand axe de Pédifice, par une double colonnade d’ordre corinthien. Ces nefs sont elles-mêmes coupées vers le milieu par un transept à fronton triangulaire que supportent intérieurement quatre immenses piliers et couronné à son centre par un dôme assez élevé. Près du transept, un gracieux monument entouré d’une grille, appelé <i Tombeau de saint Jean s, Maqàm Nébi Yayha, passe aux yeux des musulmans

pour renfermer la tête du saint Précurseur. Trois hauts minarets dominent la mosquée : celui de « la Fiancée » au nord, celui de « Jésus » à Test, et celui qui est appelé « de l’ouest ». Ce monument occupe évidemment l’emplacement d’un ancien temple païen, primitivement peut-être, dédié à Rimmon, la principale divinité de Damas (IV Reg., v, 18), et plus tard, à l’époque grécoromaine, à Jupiter. Ce temple était, comme celui de Palmyre, entouré de magnifiques colonnades, dont une partie se voit dans la cour actuelle de la mosquée, et dont l’autre, incrustée dans les constructions modernes, se retrouve dans le bazar des cordonniers et celui des orfèvres. A l’est et à l’ouest s’élevaient deux entrées triomphales. Celle de l’ouest forme une des plus belles ruines de Damas (voir fig. 467). Quatre énormes colonnes, dont les fûts seuls sont visibles, sont ornées de ravissants chapiteaux corinthiens. Elles supportaient un arc magnifique, dont il reste encore une portion considérable. La frise et la corniche sont finement sculptées. Ce monument avait environ 25 mètres de large sur 20 de hauteur : il se rattachait au temple par une double colonnade d’environ 60 mètres de longueur. Le sanctuaire païen fut transformé en église chrétienne, sous le vocable de saint Jean-Baptiste : une inscription grecque, découverte près de la porte orientale de la grande cour, nous apprend que « l’église du bienheureux saint Jean-Baptiste fut restaurée par Arcadius, fils de Théodose » (395-408). Lors de la prise de la ville par les Sarrasins, elle fut partagée entre les chrétiens et les musulmans ; mais ceux-ci l’occupèrent totalement en 705. Cependant, sur ces murailles profanées par l’islamisme, le nom du Christ vainqueur est toujours resté gravé dans une belle inscription grecque, qui porte : « Ta royauté, ô Christ, est une royauté qui embrasse tous les siècles, et ta domination s’étend de génération en génération. »

6. Population et commerce. — Damas n’a point, comme le Caire ou Constantinople, de grandes places ni de larges promenades ; mais elle a pour nous un attrait que ne présentent pas, du moins au même degré, ces deux villes, c’est qu’elle a gardé presque sans mélange le caractère complètement oriental. Il y a dans sa physionomie quelque chose de la grandeur sauvage et mystérieuse des déserts qui l’entourent. Sa population, loin d’offrir, comme beaucoup d’autres cités de la Syrie, la variété des types et le mélange des races, a conservé dans la beauté et la fierté de ses traits la pureté du sang arabe. Elle passe cependant pour avoir assez mauvais caractère, s’il faut en croire le proverbe arabe : Schâmi schoûmi, « Dainasquin, coquin. » Son fanatisme cruel ne s’est que trop révélé dans les massacres de 1860. Si elle laisse maintenant plus de liberté aux étrangers, ceux-ci n’en doivent pas moins montrer une très grande prudence.

Damas, avec ses 120000 habitants (d’après la statistique officielle de 1888 ; mais ce chiffre n’a qu’une valeur approximative), fait un commerce considérable et n’est qu’un vaste entrepôt pour les produits de l’Orient. Admirablement située au.carrefour des grandes routes qui mènent de l’Euphrate à la Palestine, du Hauran à la grande plaine de Cœlésyrie et aux côtes méditerranéennes, elle est le rendez - vous de toutes les caravanes qui sillonnent ces chemins. Les Bédouins des contrées les plus éloignées y apportent leurs marchandises et s’y approvisionnent de tout ce qui leur est nécessaire. Aussi une des principales curiosités de la ville, ce sont ses bazars, qui forment tout un immense quartier. Le long de ces rues couvertes, entrecoupées de cours bien éclairées, s’ouvrent de petites échoppes assez étroites ; mais dans tous ces quartiers distincts sont entassés les objets les plus variés, depuis les vieilles armes, les porcelaines précieuses, les pièces d’orfèvrerie, jusqu’aux manteaux, sandales ou, matières de première nécessité. Rien de plus pittoresque que de voir la foule bigarrée qui se presse, crie, gesticule dans ce dédale de ruelles, au milieu des quelles passent chameaux et ânes chargés. Damas fabrique beaucoup de soieries et d’étoffes pour abayéh (sorte de manteau), pour kouffiéh (voile dont les Arabes se couvrent la tête pour la protéger contre les ardeurs du soleil). Elle est maintenant reliée aux riches plaines du Hauran par un tramway ; une route carrossable et un chemin de fer la mettent en communication avec Beyrout. De nombreuses caravanes établissent ses rapports avec Bagdad, Alep, Tripoli et Saint-Jean-d’Acre.

III. Histoire. — L’admirable site qu’occupe Damas est, on le voit, un de ceux qui semblent avoir été de tout temps destinés à l’emplacement d’une grande ville. Aussi celle qu’on a appelée « la perle » ou « l’œil de l’Orient a peut-elle être rangée parmi les plus antiques cités du monde. Son origine et sa puissance n’égalent point celles des grandes capitales des bords du Nil et de l’Euphrate ; mais elle a sur elles l’avantage d’avoir, presque sans éclipse, gardé sa splendeur jusqu’à nos jours. Babylone et Ninive, longtemps même ignorées, ne sont plus que des collines pleines de débris ; Memphis est devenue un champ de palmiers, et Thèbes n’est plus qu’un splendide amas de ruines : Damas est toujours là vivante et gracieuse, dominant en reine, au moins par ses richesses et son commerce, les pays qui l’asservirent autrefois. C’est un exemple assez rare dans les annales de l’humanité.

I. psemièbe période. — 1° Origines. — Nous ne savons rien de précis sur l’origine de cette ville. D’après Josèphe, Ant. jud., i, vi, 4, elle aurait été fondée par Us, Oî<toç, fils d’Aram et petit-fils de Sem. Elle apparaît pour la première fois dans la Bible avec Abraham. Gen., xiv, 15 ; xv, 2. Placée sur la route de Mésopotamie en Palestine, elle vit passer la caravane du grand patriarche descendant de Haran sur les rives du Jourdain. Suivant une tradition locale, rapportée par Nicolas de Damas dans Josèphe, Ant. jud., 1, vii, 2, Abraham y aurait même fait séjour et en aurait été roi. Des souvenirs plus ou moins authentiques désignaient encore, au temps de l’historien juif, Ant. jud., i, vii, 2, près dé Damas, l’emplacement de son habitation. Le texte sacré n’a pas expressément mentionné cette station de l’élu de Dieu, mais en nous montrant la ville comme la patrie d’Éliézer, son serviteur de confiance, Gen, , xv, 2, il indique bien que, si celui-ci n’est pas’le trophée d’une victoire sur les habitants, il est au moins la preuve d’un séjour au milieu d’eux. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 452. Plus tard, le saint patriarche poursuivit avec sa petite troupe, jusqu’au nord de Damas, Chodorlahomor et ses alliés vaincus, qui suivaient en sens inverse la route de Mésopotamie, par lui parcourue pour venir en Palestine. — D’Abraham à David, l’Écriture ne nous dit absolument rien, et les monuments anciens très peu de chose, sur Damas. « Si le nom que les inscriptions cunéiformes donnent à Damas et au pays de Damas, Gar - ImiriSu, ImiriSu, ImiriM, signifie réellement ta forteresse des Amorrhéens (Sayce, dans The Academy, 1881, p. 161 ; Hommel, Die Semitischen Vôlker und Sprachen, p. 178 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 288, 338), on y trouverait la preuve que ce peuple possédait réellement la Syrie Damascène : elle leur aurait été enlevée par les Hittites, d’après Hommel vers le xxe siècle avant notre ère, selon Lenormant tout à la fin de la XVIIIe dynastie. Si, d’autre part, le nom a été lu réellement par les Assyriens Saimiri-Su, de manière à signifier ta ville de ses ânes (Haupt, Der keilschriftliche Name des Reiches von Damaskus, dans la Zeitschrifl fur Assyriologie, t. ii, p. 321-322), ce serait par un jeu de mots purement assyrien, qui ne préjugerait rien sur la valeur primitive du nom. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 140, note 3. Soumise par Thoutmès III, elle reconnut la suzeraineté de l’Egypte, et son nom, comme nous l’avons dit plus haut,

est inscrit sur les pylônes de Kamak dans la liste des villes de la Syrie que signale le bulletin de victoire.

2° Du temps de David et de Salomon. — À l’époque de David, la Syrie était morcelée en divers royaumes, ceux de Damas (hébreu : ’Aram Damméèéq, Vulgate : Syria Damasci), de Soba (’Aram Sôbd’; Syrus Soba), de Rohob (’Aram bêt-Rehôb ; Syrus Rohob) et de Maacha (’Aram Ma’âkâh ; Syria Maacha). Le prince qui régnait alors sur Soba, Adarézer, fils de Rohob, s’apprêtait à les englober tous et rêvait même de porter ses armes jusqu’à l’Euphrate, profitant de l’abaissement de la puissance assyrienne, quand David, déjà vainqueur des Philistins et des Moabites, fondit sur lui et remporta une" victoire signalée. Alarmés de cette défaite, les voisins du roi vaincu, principalement ceux de Damas, envoyèrent des troupes à son secours. Mais David leur tua vingt-deux mille hommes, plaça une garnison dans la Syrie Damascène, qui lui fut assujettie et paya un lourd tribut. II Reg., viii, 5-6 ; I Par., xviii, 5-6. Le roi de cette contrée, selon Nicolas de Damas, cité par Josèphe, Ant. jud., VII, v, 2, s’appelait alors Hadad, et sa postérité aurait occupé le trône de Syrie pendant dix générations. Si ce dernier détail est exact, il faut cependant dire que ce ne fut pas sans interruption ; car un des principaux adversaires de Salomon fut Razon, fils d’Éliada, qui, après avoir quitté Adarézer, son maître, assembla des gens contre lui, se fit chef d’une bande de voleurs, qui vinrent habiter Damas et l’y établirent roi. « Et il fut ennemi d’Israël pendant tout le règne de Salomon, … et il régna en Syrie. » III Reg., xi, 23-25.

II. DEUXIÈME PÉRIODE. GUERRES DE DAXAS À VEC ISRAËL

st L’Assyrie. — Voici, pour l’intelligence de cette époque, la liste des rois de Damas, tels qu’ils nous sont connus par la Bible et par l’épigraphie assyrienne, d’après 6. Smith, The Assyrian Eponym Canon, p. 191 :

Noms. Dates.

Razon ( Rasin I"). 990-970

Tabrémon 970-950

Bénadad I"… 950-930 Roi dont le nom est inconnu… 930-910

Bénadad II 910-886

Hazaël I" 886-857

Bénadad III… 857-844

(Hazaël II 844-830)

(Bénadad IV… 830-800)

Mariha 800-770

Hadara( ?)… 770-750

Rasin II 750-732

Contemporains de Salomon ; III Reg., xi, 23-25 ;

appelé Hézion III Reg.,

xv, 18. Jéroboam I « ; III Reg., xv, 18. Baasa ; III Reg., xv, 18-20.

Amri ; III Reg., xx, 34.

Achab ; III Reg., xx.

Jéhu ; IV Reg., viii, 9.

Joachaz ; IV Reg., xiii, 3 ; Inscription de Salmanasar.

Joachaz et Joas ; IV Reg., xii, 17 ; xiii, 22.

Joaset Jéroboam II ; IV Reg., xm, 24.

Jéroboam II ; Inscription de Rammannirar III.

Manahem ; Inscription de Théglathphalasar III (Extract xvi, 11).

Phacée ; IV Reg., xv, 37 ; Inscriptions de Théglathphalasar III.

M. Smith fait suivre, non sans raison, ce tableau en partie hypothétique des réflexions suivantes : « Les deux rois les plus douteux dans cette liste sont Hazaël II et Bénadad IV ; il est possible qu’ils ne soient que des dédoublements de Hazaël I" et de Bénadad III. » La date des premiers rois n’est pas non plus exacte. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 457-458.

Sous les descendants de Razon, la puissance de Damas s’accrut au point que les deux royaumes d’Israël et de Juda, dont elle était pourtant l’ennemie naturelle, se disputèrent son amitié. C’est ainsi qu’  « Asa, prenant tout

l’argent et l’or qui étaient restés dans les trésors de la maison du Seigneur et dans les trésors du palais du roi, les mit entre les mains de ses serviteurs, et les envoya à Bénadad, fils de Tabrémon, fils d’Hézion, roi de Syrie, qui demeurait à Damas, et lui fit dire : Il y a alliance entre vous et moi, comme entre mon père et le vôtre. C’est pourquoi je vous ai envoyé des présents, de l’argent et de l’or ; et je vous prie de venir et de rompre l’alliance que vous avez avec Baasa, roi d’Israël, afin qu’il se retire de dessus mes terres. Bénadad, s’étant rendu à la prière du roi Asa, envoya les généraux de son armée contre les villes d’Israël, et ils prirent Ahion, Dan, Abel-Beth-Maacha, et toute la contrée de Cennéroth, c’est-à-dire toutes les terres de Nephthali ». III Reg., xv, 18-20 ;

II Par., xvi, 2-4. Cette puissante diversion sur la frontière nord d’Israël força Baasa d’abandonner ses conquêtes temporaires’dans la partie septentrionale de Juda. Mais une telle alliance, conclue avec un roi païen, déplut à Dieu, qui par la bouche d’un prophète adressa de graves reproches à Asa. II Par., xvi, 7-9.

Le prophète Élie reçut un jour du Seigneur l’ordre d’aller à Damas et de sacrer Hazaël roi de Syrie. III Reg., xix, 15. Cette mission ne fut remplie que plus tard, et par Elisée, IV Reg., viii, 7-15 ; mais le prince syrien n’en fut pas moins dès lors désigné comme le futur instrument des vengeances divines, III Reg., xix, 17, et son glaive devait, en effet, être terrible pour le royaume d’Israël. Cf. IV Reg., viii, 28-29 ; x, 32-33 ; xiii, 3. Cependant Samarie, à peine fondée par Amri, avait vu un de ses quartiers occupé par les Syriens, sous le successeur de Bénadad I", dont le nom est inconnu. III Reg., xx, 34. Bénadad II vint l’assiéger, sous Achab, avec trente-deux dynastes, ses vassaux, et une nombreuse armée. Vaincu, il recommença la guerre un an après ; mais, battu de nouveau et fait prisonnier à Aphec, il sut fléchir son vainqueur et en obtenir une paix honorable. Entre autres conditions, il proposa de lui rendre certaines villes enlevées précédemment, et lui permit « de se faire des places publiques dans Damas », c’est-à-dire probablement d’y occuper, pour le commerce, certains emplacements ou des rues qui appartiendraient en propre aux Israélites. Achab accepta ses propositions avec une étonnante légè-> reté, sans consulter celui qui lui avait donné la victoire.

III Reg., xx. Peut-être cependant le roi d’Israël, alors inquiet des progrès menaçants de la puissance assyrienne, et en particulier des excursions d’Assurnasirabal sur le littoral de la Méditerranée, était-il bien aisé de ménager le roi de Damas, qui devait servir de rempart à son royaume contre les attaques de ces nouveaux ennemis. Si le texte sacré ne nous dit pas que l’alliance fut faite dans ce but, cela résulte des documents assyriens. Bénadad II régnait quand Salmanasar II monta sur le trône d’Assyrie. C’était le plus puissant prince à l’ouest de l’Euphrate ; la ligue dont il était le chef comprenait douze rois, parmi lesquels Irkulini de Hamath et Achab d’Israël. Cette confédération entreprit d’arrêter le monarque de Ninive dans sa marche triomphante vers l’occident. Celui-ci nous raconte, dans une inscription, la victoire qu’il remporta sur elle. Voici ce qu’il dit sur Damas et Israël : « 90. …Il réunit à son secours 1200 chars, 1200 cavaliers et 20000 hommes de Benhadar « 91. de Damas (du pays d’imeriiu), 700 chars, 700 cavaliers et 10000 hommes d’Irkulini de Hamat, 2000 chars et 10000 hommes d’Achab « 92. d’Israël (Sirlaai), etc. « 95. …Ces douze rois ensemble se liguèrent… « 97. …De Karkar à Gilzau j’achevai leur défaite : 14000 hommes « 98. de leurs troupes je tuai. »

Cf. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. 8 ; Kurkh Monolilh, Reverse, 1. 78-102 ; E. Schrader, Die

Keilinschriften und das Aile Testament, p. 193-198 ; A. Amiaud et V. Scheil, Les irise riptions de Salmanasar II, p. 40-41 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 458-461. Achab profita sans doute de cet échec pour rompre son alliance avec Bénadad. Après trois années de paix entre la Syrie et Israël, lit Reg., XXII, 1, la guerre recommença à propos de Ramoth-Galaad, et c’est sur ce champ de bataille que mourut Achab. 1Il Reg., xxii, 1-37. Son fils et successeur, Ochozias, fut probablement obligé par Bénadad, comme condition de paix, de fournir son contingent à la ligue formée par les puissances de l’Asie occidentale contre le redoutable empire de Ninive. Il dut donc être l’un des douze princes alliés contre l’Assyrie dont parlent les inscriptions de Salmanasar. Il en fut de même pour Joram, son frère, qui lui succéda au bout de deux ans, et qui dut être au nombre des rois vaincus, avec Damas, par le monarque assyrien, la dixième, la onzième et la qualorzième année de son règne. Cf. E. Schrader, .Die Keilinschriften und das A. T., p. 202 ; Amiaud et Scheil, Les inscriptions de Salmanasar II, p. 52-57 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 475-477. Il avait cependant été d’abord en bons termes avec Bénadad, comme le prouve la lettre de recommandation que lui écrivit ce dernier en faveur de Naaman, le chef de son armée, bien que la façon dont la reçut le roi d’Israël nous montre aussi ses sentiments de défiance à l’égard de son puissant et exigeant voisin. IV Reg., v, 5-7. On sait comment l’officier lépreux, d’abord irrité et humilié qu’Elisée préférât les eaux du Jourdain à celles des « fleuves de Damas, l’Abana et le Pharphar », trouva la guérison dans le fleuve sacré, en s’y lavant sept fois. IV Reg., v, 10-14. Voir Abana. Plus tard, le prince syrien forma un plan d’invasion du royaume d’Israël. Anéanti une première fois, le projet fut repris, et le roi de Damas vint assiéger Samarie, qui fut réduite aux horreurs de la famine ; mais une panique miraculeuse mit son armée en déroute. IV Reg., v i, 8-33 ; vii, 1-16. Bénadad, malade, touchant à sa fin, envoya un de ses principaux officiers, Hazaël, consulter sur sa guérison Elisée, qui se trouvait alors à Damas. Il fit présenter au prophète, sur quarante chameaux, de riches présents, « tous les biens de Damas, » c’est-à-dire ses plus beaux produits et les objets les plus précieux que renfermaient ses entrepôts. L’homme de Dieu prédit la mort du roi, la prochaine élévation d’Hazaël au trône, et les cruels traitements que celui-ci militerait aux enfants d’Israël. Bientôt, en effet, l’officier assassinait son prince et régnait à sa place. IV Reg., viii, 7-15.

Joram semble avoir mis à profit ce qui se passait à Damas pour fortifier sa frontière orientale et reprendre Ramoth-Galaad. Hazaël se vengea de la perte de cette ville eu battant les Israélites dans les environs de Ramoth et blessant le roi dans le combat. IV Reg., viii, 28. Jéhu, qui succéda à Joram, chercha dès le commencement à se prémunir contre les attaques des Syriens, et, inaugurant la politique fatale que devait suivre plus tard Achaz, roi de Juda, il implora contre Hazaël la protection de Salmanasar II, et s’assura son appui en lui payant tribut. C’est ce que nous permettent de croire les inscriptions cunéiformes, qui nous racontent la campagne du roi de Ninive contre Hazaël, peu de temps après l’avènement de ce dernier au trône. Cf. Bull Inscription, Cuneiform lnscript. of West. Asia, t. iii, pi. 5, n » 6 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das A. T., p. 209-210 ; Amiaud et Scheil, Les inscript. deSalm., p. 58-61 ; F. Vigouroux, La Bible et les découv. mod., p. 482. L’obélisque de Nimroud mentionne brièvement une dernière campagne de Salmanasar contre Hazaël, la vingt et unième année de son règne. Cf. Black Obelisk, Layard, Inscriptions, pi. 92, L 102-104 ; Schrader, p. 207 ; Amiaud et Scheil, p. 60-61 ; F. Vigourouxi p. 481. Le roi de Damas fut, suivant la prédiction d’Elisée, le constant ennemi d’Israël et lui

causa les plus grands maux, principalement sur les frontières orientales, qui étaient en contact avec la Syrie, « depuis le Jourdain, vers l’orient, [il ruina] tout le pays de Galaad, de Gad, de Ruben et de Manassé, depuis Aroër qui est le long du torrent d’Àrnon, cl Galaad et Basan. » IV Reg., x, 33. C’est ainsi que Damas se vengeait des défaites essuyées et punissait Jéhu de s’être reconnu vassal du grand roi. Elle fit également une expédition contre le royaume de Juda, et Joas obtint la paix à prix d’argent. IV Reg., xii, 17, 18 ; II Par., xxiv, 23, 24.

Cependant, à mesure que la puissance ninivile se développait, le pouvoir de Damas s’affaiblissait. Il déclina surtout sous Bénadad III, fils et successeur d’Hazaël, prince faible, qui n’avait ni la valeur ni l’habileté de son père. Du reste les crimes de ce dernier, qui « aflligea Israël pendant tous les jours de Joachaz », fils de Jéhu, IV Reg., xiii, 22, criaient vengeance, et le berger de Thécué, Amos, i, 3-5, lui prédit le châtiment qui l’attendait. L’Assyrie, par les armes de Rammanirar III, accomplit en partie cette prédiction, en dévastant la ville. Cf. Cuneiform Inscriptions of West. Asia, t. i, pî. 35, 1. 1-21 ; E. Schrader, Die Keilinschriften, p. 212-216 ; F. Vigouroux, La Bible et les découv. mod., t. iii, p. 488. En attendant que Théglathphalasar III en achevât l’exécution, Jéroboam II, roi d’Israël, sut mettre à profit l’affaiblissement de la puissance syrienne, pour reconquérir l’est du Jourdain et pour faire cette pointe contre Damas dont il est question IV Reg., xi v, 28.

Le dernier roi cité dans notre liste, Rasin II, tributaire de Théglathphalasar III, mais toujours prêt à se révolter contre l’Assyrie, se ligua avec Phacée, roi d’Israël, et tous deux cherchèrent à s’emparer de la Judée, pour se la partager, et peut-être faciliter ainsi l’attaque du pharaon, leur allié, contre le monarque ninivite. Ils avaient commencé à inquiéter Juda vers la fin du règne de Joatham, fils d’Ozias. IV Reg., xv, 37. Achaz, son fils et successeur, jeune encore, faible et sans caractère, se voyant assailli de tous côtés, se laissa aller au découragement malgré les assurances d’Isaïe, vii, 1-9, qui annonçait que bientôt « la force de Damas » serait enlevée, et montrait déjà l’invasion assyrienne, viii, 4. Cependant les deux confédérés avaient infligé à Juda des pertes sanglantes. II Par., xxviii, 5, 6. Ils étaient allés mettre le siège devant Jérusalem, qui avait résisté à leurs efforts. IV Reg., xvi, 5 ; Is., vii, 1. Isaïe disait, en effet, au roi de ne pas craindre « devant ces deux bouts de tisons fumants », que « Damas, capitale de la Syrie », rie remplacerait point Jérusalem pour le royaume de Juda. Is., vii, 4, 8. Mais Achaz, effrayé de la puissance dé ses ennemis et ne comptant que sur les ressources de la politique humaine, implora le secours de Théglathphalasar III, en lui envoyant l’argent et l’or qu’il put trouver dans le Temple et dans ses propres trésors. IV Reg., xvi, 7 ; II Par., xxviii, 16. Cette requête servait à merveille les desseins du monarque assyrien, qui rêvait précisément de soumettre à son pouvoir toute l’Asie occidentale. Il partit, en 734, à la tête d’une armée considérable, et tailla en pièces les troupes alliées. Dans une inscription, il raconte comment les chars du roi de Damas furent détruits, et les divers corps de son armée, cavaliers, archers, lanciers, faits prisonniers. Le prince lui-même, « pour sauver sa vie, s’enfuit seul, et, semblable à une gazelle, dans la porte de sa ville il entra. » Ses généraux, pris et empalés, furent exposés en spectacle à leur pays. Damas fut assiégée, et le roi enfermé « comme un oiseau dans sa cage ». Les plantations d’arbres et de roseaux furent saccagées, et « seize districts de Damas comme une inondation furent balayés ». Cf. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, plate 72 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das A. T., p. 261-263 ; F. Vigouroux, La Bible et les découv. mod., t. iii, p. 521. Cependant le vainqueur ne put se rendre tout de suite maître de la ville. Laissant autour d’elle une partie de ses troupes, il alla châtier les

alliés de Rasin. Il revint ensuite consommer la ruine de celui-ci, chef de la confédération, désormais isolé. Il lui fallut deux ans pour réduire complètement Damas. Après un long siège, elle succomba ; Rasin fut tué, et les habitants furent transportés à Kir. IV Reg., xvï, 9. Alors Achaz alla rendre hommage à son suzerain dans la ville conquise, et, ayant vu un autel païen, peut-être un de ceux que les rois d’Assyrie emportaient avec eux dans leurs expéditions pour y offrir leurs sacrifices, il en fit faire un semblable, qu’il établit dans la cour du Temple, à Jérusalem. IV Reg., xvï, 10-12.

/II. troisième période, décadence. — Combien de temps Damas resta-t-elle sous le coup de cette humiliation ? nous ne savons. Mais, une fois relevée, elle devait encore subir des jours mauvais. Elle reçut, comme les autres tributaires de l’Asie occidendale, les sommations de Nabuchodonosor (Assurbanipal), Judith, i, 7, et un jour Holopherne « descendit dans la plaine de Damas, aux jours de la moisson du froment, et il mit le feu à tous les champs, et il enleva les brebis et les bœufs, et il pilla leurs villes, il ravagea leurs campagnes, et il. fit passer tous les jeunes gens au fil de l’épée ». Judith, H, 27 (texte grec). La Vulgale, ii, 17, ajoute qu’  « il fit couper tous leurs arbres et leurs vignes ». Et d’autres épreuves l’attendaient dans la suite. De même qu’Isaïe avait autrefois annoncé qu’elle cesserait d’être une ville, qu’elle serait comme un monceau de pierres en ruines, perdant la royauté, comme Éphraïm perdrait tout appui, Is., xvii, 1, 3, ainsi Jérémie la contemplait plus tard en proie à une indicible douleur, xlix, 23-27. Quand et comment s’accomplirent ces prédictions ? Aucun monument ne l’indique. On peut croire cependant que les Chaldéens furent pour elle ce qu’avaient été les Assyriens. Ézéchiel néanmoins nous la montre, XXVil, 18, faisant avec Tyr un important commerce de « vin d’Helbon » ^d’après l’hébreu ; voir Helbon) et de « laines d’une couleur exquise ». Le même prophète la cite plusieurs fois dans sa description des nouvelles limites de la Terre Sainte, xlvii, 16, 17, 18 ; xlviii, 1. Enfin une parole de Zacharie, IX, 1, nous fait voir que la colère divine n’était pas encore apaisée à cette époque et pesait toujours sur la ville.

Damas va maintenant suivre les vicissitudes des différents empires qui se succéderont en Asie. Après une éclipse momentanée, elle reprit une place brillante, et Strabon, xvï, p. 756, trad. franc., Paris, 1805-1819, t. v, p. 219, nous dit qu’elle était une des villes les plus remarquables de la Syrie au temps de la domination des Perses. Avant la bataille d’Issus, Darius y envoya, pour plus de sécurité, une bonne partie du trésor royal. Après cette bataille (333 avant J.-C.), la Syrie tomba tout entière au pouvoir d’Alexandre, et Damas fut livrée à Parménion. A l’époque des Séleucides, Antioche seule lui disputa le premier rang. C’est pendant les démêlés qui agitaient le trône de Syrie que Jonathas put pousser ses expéditions jusqu’à la Damascène. I Mach., xi, 62 ; xii, 32. Vers l’an 112 avant J.-C, la grande cité devint la capitale du roi Anliochus IX Cyzizène, dont les possessions comprenaient la Phénicie et la Cœlésyrie. Voir Cœlésyrie, col. 820. Ensuite Démétrius Eucoerus, le quatrième fils de Gryphus, avec l’aide de l’Egypte se fit reconnaître roi de Damas, et, l’an 88, appelé par les Juifs, il envahit la Palestine et défit Alexandre Jannée à Sichem. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 4 ; xi’v, 1. Renversé à son tour par son frère Philippe, allié des Parthes, il mourut en captivité. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiv, 3. Son autre frère, Anliochus XII Dionysus, régna en Syrie pendant trois ans ; mais il périt dans une bataille contre Arétas III Philhellène, roi des Arabes (85), qui devint roi de Damas. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 1, 2. Plus tard, la ville tomba aux mains de Tigrane, roi d’Arménie, et fut ensuite conquise par le général romain Métellus. Josèphe, Ant. jud., XIV, ii, 3. Pompée y reçut, l’an 61, les am bassadeurs et les présents des princes voisins, et, en 65, la Syrie fut réduite en province romaine. Josèphe, Ant. jud., XIV, iii, 1. C’est là que le jeune Hérode rendit visite au proconsul Sexfus César et obtint de lui le territoire de la Béqà’a, entre le Liban et l’AntiLiban. Bien que Damas ne fit point partie de son royaume, il y fit néanmoins construire un théâtre et un gymnase. Josèphe, Bell, jud., i, xxi, II.

Damas subit naturellement l’influence de la civilisation gréco-romaine, qui dut y jeter des racines plus profondes que chez les Juifs, opposés à toute innovation païenne. Ceux-ci y formaient toutefois une importante colonie, comme le montre l’histoire de saint Paul. Si, en effet, la brillante cité est célèbre dans l’Ancien Testament, elle l’est aussi dans le Nouveau par la conversion et la première prédication du grand Apôtre. Elle était à ce moment gouvernée par Arétas IV Philodème, roi des Arabes, qui y avait établi un ethnarque pour l’administrer. Les Nabatéens avaient étendu jusque-là leur royaume. Voir Arétas 2, t. i, col. 943. La communauté juive y avait alors une grande puissance. D’après Josèphe, Bell, jud., II, xx, 2, on comptait parmi les Israélites qui l’habitaient dix mille hommes en état de porter les armes, ce qui suppose une population totale de cinquante mille Juifs environ. Leur influence était telle, qu’ils avaient attiré presque toutes les femmes au culte de Jéhovah. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1, 3. C’est donc dans des vues politiques, pour gagner le corps le plus considérable de la cité, qu’Arétas lui avait octroyé les libertés dont jouissait Israël dans tout l’empire romain, lui attribuant une véritable autonomie, des tribunaux qui décidaient des questions religieuses et possédaient la puissance coercitive, tout en relevant de Jérusalem. C’est ce que nous montrent les instructions dont se munit saint Paul pour les synagogues de Damas, Act., ix, 2 ; xxii, 5 ; il savait aussi qu’au besoin les officiers d’Arétas lui prêteraient main-forte : il devait lui-même en faire plus tard l’expérience au péril de sa vie. On sait comment le lion fut changé en agneau, « comme il approchait de Damas. » Act., ix, 3 ; xxii, 6 ; xxvi, 12. Pour le lieu probable de cette conversion, cf. V. Guérin, La Terre Sainte, t. i, p. 409. Introduit dans la ville, et logé chez Jude, dans la rue Droite, Act., ix, 11 ; xxii, 10, 11, il y reçut le baptême des mains d’Ananie, puis se mit à prêcher Jésus-Christ, confondant les Juifs par la force et l’éclat de sa parole. Act., ix, 8-22 ; xxvi, 20. Exposé à leur haine et à de pressants dangers, appelé d’ailleurs à la solitude par la voix du divin Maître, il quitta Damas et se retira en Arabie. Mais il revint ensuite, Gal., i, 17, et parut de nouveau dans les synagogues, pour y annoncer la doctrine du Sauveur. Aux arguments irréfutables de leur ancien coreligionnaire, les Juifs répondirent par la violence, et cherchèrent par toute sorte d’embûches à mettre à mort le vaincu de Jésus, qui devenait leur vainqueur. Pour s’en emparer sûrement, ils tirent garder nuit et jour les portes de la ville, Act., IX, 24, aidés dans leurs poursuites par l’ethnarque d’Arétas. II Cor., xi, 32. C’est alors que les disciples de l’Apôtre « le prirent et, durant la nuit, le descendirent dans une corbeille, par une fenêtre, le long de la muraille ». Act., ix, 25. Malgré cela, le christianisme ne tarda pas à faire des progrès à Damas, qui fut plus tard le siège d’un évêché, le second du patriarcat d’Antioche. Mais là s’arrête pour nous l’histoire de la ville.

Nous avons vii, en parcourant Damas, les souvenirs qui restent de l’époque grécoromaine, les plus anciens constatés jusqu’ici ; car l’étude archéologique de la ville est encore à faire. Les traditions relatives à saint Paul s’y sont maintenues, malheureusement avec un caractère d’authenticité que nous aimerions à voir mieux affermi, en ce qui concerne la détermination des lieux historiques. Nous avons un assez grand nombre de monnaies de Damas, autonomes ou non, avec ou sans date. Il y en a

entre autres de Cléopâtre, frappées dans les années 37, 36 et 32 avant J.-C, offrant le type de la ville assise sur un rocher, avec le fleuve Chrysorrhoas (Abana) à ses pieds (fig. 468). Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4°, Paris, -1874, p. 30-56, 401, pi. 2. La Bible, nous l’avons vu aussi, fait plusieurs fois allusion à la beauté, à la richesse et au commerce de la capitale syrienne. Elle mentionne également un des dieux qu’on y adorait, Remmon, IV Reg., v, 18, dont le nom se retrouve dans celui d’un roi, Tabrémon, comme le nom

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468. — Monnaie de Damas.

Buste de Cléopâtre. à droite. — r). AAMAEKHNQN | EŒ, ou plutôt COS (275 on 276). Femme coiffée de tours, assise sur un rocher, tournée à gauche, le bras droit étendu, et tenant de la main gauche une corne d’abondance. Devant ses pieds, un épi ; sous ses pieds, un Fleuve vu à mi-corps. Le tout dans une couronne.

de Hadad revient dans celui de Bénadad. Pour la civilisation, la langue et la religion, voir Syrie.

IV. Bibliographie. — G. H. von Schubert, Reise in das Morgenland, 3 in-8°, Erlangen, 1840, t. iii, p. 276-304 ; J. Wilson, The Lands of the Bible, 3 in-8°, Edimbourg, 1847, t. ii, p. 325-369 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, 2 in-8°, Londres, 1855, 1. 1, p. 24-148 ; The giant çities of Bashan, in-8°, Londres, 1871, p. 336-353 ; U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, etc., 4 in-8°, édit. Kruse, Berlin, 1854, 1. 1, p. 264-285 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8°, Londres, 1856, t. iii, p : 443-472 ; A. P. Stanley, Sinai and Palestine, in-8°, Londres, 1866, p. 414 g-m ; A. Chauvet et E. Isambert, Syrie, Palestine, in-8°, Paris, 1887, p. 632-644 ; K. Bædeker, Palestine et Syrie, Leipzig, 1893, p. 308-334 ; W. M. Thomson, The Land and the Book, 3 in-8°, Londres, 1886, t. iii, p. 361 - 417 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xiiv, p. 358-384 ; V. Guérin, La Terre Sainte, 2 in-f°, Paris, 1882, t. i, p. 383-420 ; E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, 3 in-8°, Paris, 1890, t. ii, p. 296-311 ; C. R. Conder, Tent Work in Palestine, in-8°, Londres, 1889, p. 123-129 ; H. Sauvaire, Description de Damas, dans le Journal

asiatique, 1894, 1895 et 1896.
A. Legendre.
    1. DAMNA##

DAMNA (hébreu : Dimnâh ; Septante, Codex Alexandrinus : Aau.vdt ; omis par le Codex Vaticanus ou remplacé par SsXXà), ville de la tribu de Zabulon, donnée aux Lévites fils de Mérari. Jos., xxi, 35. Mentionnée une seule fois dans l’Écriture, elle ne se trouve point dans l’énumération des cités assignées à la tribu. Jos., xix, 10-16. La liste parallèle de I Par., vi, 77 (hébreu, 62), ne donne que deux noms au lieu de quatre, et le premier est Remmono, dans lequel on a voulu voir la vraie forme du mot, dont Dimnâh ne serait qu’une lecture fautive. Il est, en effet, facile de comprendre comment "liai, Rim mônô, ou peut-être n : fai, Rimmônàh, a pu devenir

ïi : dt, Dimnâh, par le changement assez fréquent du

resch, i, en daleth, "i, deux lettres qu’il est aisé de confondre. La Peschito appuie cette hypothèse, car elle a mis, Jos., xxi, 35, Remîn au lieu de Dimnâh, que la paraphrase chaldaïque a conservé. Cependant les manuscrits hébreux n’offrent pas de variantes. Il faut dire aussi

que le texte sacré a bien pu subir quelque altération. A la place des quatre villes lévitiques indiquées par Josué, xxi, 34-35, Jecnam, Carlha, Damna et Naalol, le premier livre des Paralipomènes, vi, 77, n’en désigne que deux, et encore sont-elles différentes, Remmono et Thabor. Les Septante, dans le Codex Vaticanus, ne mentionnent que trois villes, Jos., xxi, 35, Maàv, KâSniç et SsXXà, et deux, comme l’hébreu, I Par., vi, 77, ’Ps|jiu.ù- » et @&xxt{a ou ôaêùp. Le Codex Alexandrinus, qui suit assez exactement le texte original, Jos., xxi, 35, le complète, I Par., vi, 77, d’après Josué. Malgré ces difficultés, la conjecture : Damna = Remmono, reste plausible, et dans ce cas la cité lévitique dont nous parlons serait actuellement représentée par Roummanéh, village situé au nord de Nazareth, et qui n’est autre que l’ancienne ville de Zabulon appelée Remmon (hébreu : Rimmôn). Jos., xix, 13. Cette identilication est admise, quoique avec réserve, par G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 51. Van de Velde, Reise durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. i, p. 216, note 2, avait cru reconnaître Damna dans le bourg de Damoun, qui, à l’ouest de Kaboul (l’ancienne Cabul de Jos., xix, .27), domine la plaine de Saint-Jean-d’Acre ; mais cette localité

appartient à la tribu d’Aser.
A. Legendre.
    1. DAMNATION##

DAMNATION, DAMNÉS. Voir Enfer.

DAN (hébreu : Dan ; Septante : Aiv), nom d’un des fils de Jacob, de deux ou trois villes et d’un pays.

1. DAN, cinquième fils de Jacob, le premier qu’il eut de Bala, servante de Rachel. Celle-ci, désolée de n’avoir pas d’enfants, pria Jacob de lui en donner de sa servante, comme Sara avait demandé à Abraham de lui donner un fils d’Agar, Jacob eut ainsi de Bala un premier fils, et Rachel dit : s Dieu a jugé (dan) en ma faveur, il a exaucé ma voix et m’a donné un fils. C’est pourquoi elle l’appela du nom de Dan. » Gen., xxx, 1-6. Le nom de Dan (sous-entendu : Dieu) correspond, comme l’a observé Josèphe, Ant. jud., i, xix, 8, à celui de Théocrite : Aâv, OsixptTOv av tiv£5 sîjcoiev xarà rrçv’EXXrjvtôv y^< « >tvav. Le patriarche Jacob fait aussi allusion au sens du nom de Dan dans sa bénédiction. Gen., xlix, 16. Bala eut plus tard un second fils, qui fut Nephthali. Le nom de Dina, fille de Jacob, paraît être, à part le changement de genre, le même que celui de Dan. — Nous ne savons rien de particulier sur l’histoire du fils aîné de Bala. Son nom apparaît seulement, Gen., xxxv, 25, dans l’énumération des fils de Jacob, et Gen., xlvi, 23, dans la liste généalogique des enfants des douze patriarches, où nous lisons : « Fils de Dan : Husim. » C’est le seul de ses descendants qui soit nommé ; mais comme Husim est en hébreu (Husim) une forme plurielle, il est possible que ce mot désigne une famille, non un individu. Cette explication permettrait de comprendre plus facilement comment la tribu de Dan, lors de l’exode, était la plus nombreuse de toutes, après celle de Juda ; elle ne comptait pas moins de 62700 hommes capables de porter les armes. Num., i, 38-39. Tous les autres passages de l’Écriture où se lit le nom de Dan, même dans la bénédiction de Jacob, Gen., xlix, 16-17, et dans celle de Moïse, Deut., xxxiii, 32, se rapportent, non à la personne du patriarche, mais à la tribu issue de lui. Voir Dan 2. Le plus célèbre des descendants de Dan fut Samson. F. Vigourobx.

2. DAN, une des douze tribus d’Israël. — I. GÉOGRA-PHIE. — La tribu de Dan était bornée au nord et au nordest par celle d’Éphraïm, à l’est par celle de Benjamin, an sud par celle de Juda, et à l’ouest par la mer Méditerranée. Le territoire assez restreint qu’elle occupait comprenait la partie septentrionale de la plaine de Séphéla et les premiers contreforts de la montagne. Après avoir 4

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énuméré ses villes, dont plusieurs sont aujourd’hui bien identifiées, nous essayerons de tracer ses limites, pour la décrire ensuite dans son ensemble. Voir la carte.

1° tilles pmncipalbs. — Les principales villes de Dan sont mentionnées dans Josué, xix, 40-48. Nous donnons ici, en suivant l’ordre même de l’auteur sacré, leurs identifications ou certaines, ou probables, ou douteuses ; on devra chercher les développements dans les articles qui concernent chacune d’elles en particulier.

1. Saraa (hébreu : Sor’âh ; Septante : SapàO ; Codex Alexandrinus : Eapaà ; ailleurs : Eapaà, Sapa, ’P « à ; Vulgate : Sarea, Jos., xv, 33), comptée d’abord parmi les villes de la Séphéla appartenant à Juda, Jos., xv, 33 ; assignée plus tard à Dan, Jos., xjx, 41 ; patrie de Samson. Jud., xiii, 2, 21-25. Elle porte encore aujourd’hui exactement le même nom, Sûr’ah, suivant le Survey of Western Palestine, Names List, Londres, 1881, p. 329 ; Sara’â, selon M. Guérin, Judée, t. ii, p. 15. Elle couronne une colline assez élevée, en dehors du massif proprement dit des montagnes de Judée, et forme groupe avec les deux suivantes au sud-est de la tribu.

2. Esthaol (hébreu : ’ÉSfà’ôl : Septante : ’Airdi ; Codex Alexandrinus : Eabotôl ; ailleurs : ’Eo-OxôX, ’AoxatiX ; Vulgate : Estaol, Jos., xv, 33), citée parmi les villes de Juda situées « dans la plaine », Jos., XV, 33 ; puis attribuée à Dan. Jos-, xix, 41. Elle est toujours mentionnée avec Saraa, sa voisine, ce qui permet de la reconnaître dans le village actuel d’Eschou’a ou Aschou’a, placé à peu de distance au nord-est de cette dernière : identification qui devient certaine si l’on en croit une ancienne tradition recueillie sur les lieux par M. Guérin, Judée, t. ii, p. 13, et d’après laquelle Aschou’a se serait primitivement appelé Aschou’al ou Aschthou’al.

3. Hirsémés (hébreu : ’/r SéméS, « ville du soleil ; » Vulgate : Civitas solis ; Septante : itôXeiç 2âu, ii, ctu ;  ; Codex Alexandrinus : rrfXts Eajtéç). C’est, sous un nom dont le premier élément seul a été changé, la même ville que Bethsamès (hébreu : Bê( séméS, « maison du soleil » ), située sur la frontière nord de Juda, entre Cheslon (Kesla) et Thamna (Khirbet Tibnéh), Jos., xv, 10, donnée aux prêtres, Jos., xxi, 16 ; puis comptée parmi les cités de Dan. Jos., xix, 41. Nous croyons, en effet, inutile de distinguer ici deux localités (voir Bethsamès 1, t. i, col. 1732) ; elles ont leur correspondant exact dans’Ain Schems, « la source du soleil, » au sud de Sara’âh.

4. Sélébin (hébreu : Sa’âlabbin, Jos., xix, 42 ; Sa’albîm, Jud., i, 35 ; III Reg., iv, 9 ; Septante : SaXaixiv ; Codex Alexandrinus : EaXâ[ieiv ; ailleurs : ©aXaëfv, Jud., I, 35 ; SaXotëiv ; Codex Alexandrinus : EaXaëet’jt, III Reg., iv, 9 ; Vulgate : Salebim, Jud., i, 35 ; III Reg., iv, 9). La mention de cette ville avec Aïalon, qui suit, a fait conjecturer qu’elle subsistait peut-être dans Selbît, au nordouest de Yâlô (Aïalon). Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 159. Si la correspondance onomastique laisse à désirer, il y a conformité au point de vue de l’emplacement.

5. Aïalon ( hébreu : ’Ayyâlân ; Septante : ’Ajijiùv ; Codex Alexandrinus : IaaXwv ; ailleurs : AiXovv, AÏXù ; Codex Alexandrinus : 'IaXo>v, Jos., xxi, 24 ; ’HXtiv, I Par., vi, 69 ; AtaXùv, II Par., xi, 10 ; AtXùv ; II Par., xxviii, 18 ; Vulgate : Helon, I Par., vi, 69), immortalisée par la parole de Josué arrêtant le soleil et la lune, Jos., x, 12, est universellement reconnue aujourd’hui dans le village de Yâlô, au nord de la route de Jaffa, entre Ramléh et Jérusalem. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 253 ; V. Guérin, Judée, t. i, p. 290.

6. Jéthela (hébreu : Ytlâh ; Septante : 21Xa8 « ; Codex Alexandrinus : ’IeOXà). On a voulu l’identifier avec Deit Toûl, au sud-est de Yâlô. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1883, t. iii, p. 43. C’est le voisinage d’Aïalon qui a suggéré cette idée ; le rapprochement

entre les deux noms est insuffisant. C. F. Tynvhitt Drake s’est appuyé sur le EiXaôi des Septante pour chercher cette localité dans Schilta, à l’est de Ramléh, au nord de Yâlô. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Slatement,

1873, p. 101. Ce serait bon si le mot grec représentait le nom primitif ; ce qui n’est pas sur. Enfin, suivant d’autres, Youadi’Atallah, à l’ouest de Yâlô, rappellerait notre cité biblique. Cf. Riehnl, Handwôrterbuch des Biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 726. En somme, identification incertaine.

7. Élon (hébreu : ’Êlôn ; Septante : ’EXwv ; Codex Vaticanus : AîXùv). On a proposé de la reconnaître dans le village de Beit Ello, au nord-ouest de Béthel, au nord de Béthoron. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places, etc., p. 56. Ce point appartient plutôt à la tribu d’Éphraïm. Quelques-uns ont pensé à’Ellin (’Alin, suivant la carte anglaise), au sud-est et tout près à." Ain Schems (Bethsamès). Cf. Keil, Josua, Leipzig,

1874, p. 163.

8. Themna (hébreu : Timnâfâk, Jos., xix, 43 ; Jud., xiv, 1, 2, 5 ; Timnâh, Jos., xv, 10 ; Septante : 0au.vâ8a ; Codex Alexandrinus : ©otjivi, Jos., xix, 43 ; Vulgate : Thamna, Jos., xv, 10 ; Thamnatha, Jud., xiv, 1, 2, 5), sur la limite septentrionale de Juda, Jos., xv, 10, non loin de Saraa, Jud., xiv, 1-6, est généralement identifiée avec Khirbet Tibnéh, à l’ouest d"Aïn Schems. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 29-31. Nous préférons cette opinion à celle des explorateurs anglais, qui placent, bien que d’une manière douteuse, Themna de Dan à Tibnéh, au nord-est et assez loin de Lydda. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 299 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places, etc., p. 175. — Themna est la Ta-am-na-a ou Tam-na des inscriptions cunéiformes. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und dasvlte Testament, Giessen, 1883, p. 170.

9. Acron (hébreu : ’Éqrôn ; Septante : ’Axicoeptov ; Vulgate ordinairement : Accaron, Jos., xiii, 3, et ailleurs), une des cinq satrapies philistines, se retrouve aujour . d’hui, sans aucun doute, sous le nom à peine changé, simplement privé de la désinence finale, d"Aqir, au sudouest de Ramléh. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, t. ii, p. 227 ; V. Guérin, Judée, t. ii, p. 37. Les inscriptions assyriennes la mentionnent sous la forme Am-qar-ru-na. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 164.

10. Elthécé (hébreu : ’Élfeqêh ; Septante : ’AXxaOà ; Codex Alexandrinus : ’EXŒxw, Jos., xix, 44 ; ’EXx<o60u[i ; Codex Alexandrinus : ’EXôexù, Jos., xxi, 23 ; Vulgate : Eltheco, Jos., xxi, 23) n’a pu jusqu’ici être identifiée. Les auteurs anglais, G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places, p. 57, ont proposé Beit Liqia, au sud de Béthoron inférieur ; mais il n’y a là aucune analogie de nom, ni même de position. Elthécé est bien VAltaqu (Al-ta-qu-u) des inscriptions assyriennes. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 171. Or celles-ci fixent très approximativement notre ville dans les environs d’Accaron et de Thamnatha.

11. Gebbéthon (hébreu : Gibbepôn ; Septante : Be-feOwv ; Codex Alexandrinus : raë16<iv, Jos., xix, 44 ; ailleurs : TeôeSâv, Jos., xxi, 23 ; raga6(ov, III Reg., xv, 27 ; xvi, 17 ; Taëaùv, III Reg., xvi, 15 ; Vulgate : Gabathon, Jos., xxi, 23). Nous n’avons rien de certain sur son emplacement. On peut cependant reconnaître cette localité dans le village actuel de Qibbiyéh, au sud-est d’El-Yehoudiyéh, la ville de Jud, qui vient presque immédiatement après. Cf. Names and places, p. 69.

12. Balaath (hébreu : Ba’âlât ; Septante : TegeeXâv ; Codex Alexandrinus : BaaXûv, Jos., xix, 44 ; BaXâS, III Reg., ix, 18 ; BaXaâS, II Par., viii, 6 ; Vulgate : Baalath, III Reg., ix, 18). Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Hohj Land, Gotha, 1859, p. 291, pense qu’elle se retrouve probablement dans Deir Balloût, au

nord-est d’El-Yekoudiyéh. Ce point pourrait, en effet, croyons-nous, rentrer dans les limites de Dan. Mais Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 1, la place plus bas : si son indication est vraiment basée sur la tradition, il est permis d’accepter la conjecture qui assimile Balaath à Beîa’în, un peu au nordouest de Béthoron inférieur.

13. Jud ( hébreu : Yehud ; Septante : ’AÇùp ; Codex Alexandrinus : ’Io-J6). Il n’y a pas lieu, ce nous semble, d’hésiter, comme Eobinson, Biblical Researches, t. ir, p. 242, et V. Guérin, Judée, t. i, p. 322, à l’identifier avec El-Yehoudiyéh, à l’est de Jaffa : la correspondance est exacte au point de vue du nom et de la position.

14. Bané et Barach (hébreu : Benê-Beraq ; Septante : BavaiSaxit ; Codex Alexandrinus : Bivi, gapâx). Ces deux mots, comme l’indiquent l’hébreu et le grec, ne désignent qu’une seule ville, qui, mentionnée après Jud, subsiste encore près d’elle, sous le nom à peine changé d’Ibn-Ibrâk. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 251. La même situation lui est assignée dans l’inscription de Sennachérib, où elle est citée sous la forme Ba-na-ai-bar-qa, parfaitement semblable à l’hébreu. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriflen, p. 172, 289.

15. Gethremmon (hébreu : Gat-Rimmôn ; Septante : TeOp£|jiH(iv, Jos., XIX, 45 ; ailleurs : VtQip£ uî>y, Jos.,

xxi, 24 ; re6(i>pi>v ; Codex Alexandrinus : re6p£u.[i(Jv, I Par-, VI, 69) ; inconnue.

16. Méiarcon (hébreu : Mê hayyarqôn, « les eaux du Yarqon, » ou aqu.se flavedinis, « eaux de couleur jaune ; » Septante : i ; To"6 « ).aærr]c’hpâxwv, ce qui suppose la lecture : miyyâm Yeraqôn, « à partir de la mer, Yeraqon » ) se retrouve peut-être dans le Nahr el-Aoudjéh, qui se jette dans la mer au nord de Jaffa. Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 262.

17. Arécon (hébreu : Hà-Raqqôn, avec l’article) a été assez justement identifiée par les explorateurs anglais avec Tell er-Reqqeit, localité située sur les bords de la mer, au nord du Nahr el-Aoudjéh. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Narnes and places, p. 147.

18. Joppé (hébreu : Yâfô ; Septante : ’lômtr]) est le port bien connu de Jaffa ; arabe : Yafa. Son nom se retrouve sous la forme Iopou ou Tapou dans les listes géographiques des pylônes de Karnak. (n° 62). Cf. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de’T/ioutmès III qu’on peut rapporter à la Judée, 1888, p. 1. Les inscriptions assyriennes le donnent sous celle de Ia-ap-pu-u = Iap-pu. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriflen und das Alte Testament, p. 172.

On peut ajouter à cette liste quelques villes, mentionnées ailleurs dans l’Écriture et englobées dans le territoire de Dan, comme Gazer (Tell-Djezer), Gamzo (Djimzou), Modin (El-Midiyéh), Lod (Loudd) et Ono (Kefr’Ana).

2° limites. — Dans cette énumération, Josué, fidèle à sa méthode, suit un ordre régulier, comme pour Aser, Benjamin et d’autres tribus. (Voir, en particulier, notre remarque sur ce sujet, à l’article Aser 3, t. i, col. 1086.) On y distingue deux groupes bien déterminés, celui du sud et celui du nord, reliés entre eux par quelques localités du centre et de l’est. Le groupe méridional comprend : Saraa, Esthaol, Hirsémès, Sélebin, Aïalon, Jéthéla, Elon, Themna, Accarpn et Ellhécé. L’auteur sacré passe ensuite par Gebbéthon et Balaath pour arriver au groupe septentrional, formé de Jud, Bané et Barach, Gethremmon, Méiarcon, Arécon et Joppé.

Josué n’a pas pris soin, comme pour Juda et Benjamin, Jos., XV, 1-12 ; xviii, 11-20, de nous décrire lui-même les limites de Dan. Cependant l’énumération seule des villes principales nous donne des jalons bien suffisants. Si la Méditerranée forme une barrière naturelle à l’occident, Arécon (Tell er-Reqqeit), de ce côté, marque la frontière nord, tandis que le point opposé, Accaron (, ’Aqîr), l’arrête vers le sud. Le coin sud-est est parfaitement déterminé par la ligne courbe que dessinent

Themna (Khirbet Tibnéh), Hirsémès (’Aïn-Schems), Saraa (Sara’a) et Esthaol (Eschou’a) ; peut-être même pourrait-on y faire rentrer Élon en la plaçant à’Alîn. L’orient, enfin, est délimité par Aïalon (Ydlô), Balaath (Bela’in) et Gebbéthon (Qibbiyéh). Ce tracé est encore précisé davantage au sud et à l’est par celui que Josué nous offre des tribus de Juda et de Benjamin. Voici, en effet, comment l’auteur sacré établit la frontière septentrionale de Juda, et par là même celle de Dan, du côté du midi, à partir de Baala ou Cariathiarim (Qariet el-’Enab), point de jonction des trois tribus voisines : « Et de Baala elle tourne vers l’occident jusqu’à la montagne de Séir (Sorts), passe à côté du mont Jarim au septentrion vers Cheslon ( Kesla), descend vers Belhsamès (’Aïn-Schems), passe jusqu’à Thamna [Khirbet Tibnéh), vient vers le côté d’Accaron vers le nord, incline vers Séchrona, passe le mont Baala, s’étend jusqu’à Jebnéel (Yebna), et se termine enfin du côté de l’occident par la grande mer. » Jos., xv, 10, 11. Cette ligne de démarcation nous semble assez bien suivre, d’une façon générale, ïouadi es-Sowar et le Nahr Boubin. D’autre part, déterminant la limite occidentale de Benjamin, Josué nous dit : s Elle descend à Ataroth-Addar (Khirbet ed-Dâriyéh), près de la montagne qui est au midi de Béthoron inférieur (Beit’Our et-Tahta) ; puis elle tourne en inclinant vers la mer, au midi de la montagne qui regarde Béthoron du côté du midi, et elle se termine à Cariathbaal, qui s’appelle aussi Cariathiarim, ville des enfants de Juda. » Jos., xviii, 13, 14. Comme on le voit, il n’y a guère que la frontière nord dont les contours restent un peu indécis. Josèphe, Ant. jud., V, i, 22, nous paraît exagérer les possessions de Dan, du côté de l’ouest, en les étendant d’Azot (Esdoûd) au midi jusqu’à Dora (Tantourah ) au nord, c’est-à-dire à la plus grande partie de la plaine fertile qui longe la Méditerranée.

3° description. — La ti’ibu de Dan occupait, on le voit, comme celle de Benjamin, sa voisine, un territoire assez restreint, mais qui avait l’avantage de la richesse et l’importance de la position. Il comprenait deux parties distinctes : la plaine et les premiers contreforts de la montagne. La plaine était le centre de cette large bande de terre, d’une merveilleuse fertilité, qui s’étend, parallèlement à la mer, de Gaza au Carmel, et porte, au sud de Jaffa, le nom de Séphéla, au nord celui de Saron. Elle se développait, dans la région dont nous venons de tracer les limites, sur une longueur approximative d’une dizaine. de lieues et une largeur de sept à huit. Après les dunes de sable qui longent la côte, on rencontre cette vaste plage légèrement ondulée, qui, aux dernières époques géologiques, émergea du sein des eaux, quand la mer cessa de battre le pied des montagnes calcaires d’Éphraïm et de Juda. Les hauteurs dont elle est parsemée vont de 50 à 60, 80 mètres et plus au-dessus du niveau de la mer. Elle est composée d’une arène fine et rougeâtre que la pluie ou de fréquentes irrigations transforment en un véritable terreau extrêmement fertile. En dehors de la saison des pluies, il est facile de l’arroser ; car, si l’on veut se donner la peine de creuser, on est à peu près sur de trouver l’eau partout, à quelques mètres seulement de profondeur. Aussi, malgré la déchéance du pays, même au point de vue physique, la richesse de ses produits rappellet-elle l’Egypte. À certains moments de l’année, cette vaste plaine n’est qu’une immense nappe verte ou jaune d’or suivant le degré plus ou moins avancé des moissons, s’étendant à perte de vue. D’endroits en endroits, son uniformité est coupée par des bouquets de verdure qui marquent les villages. Ceux-ci sont placés sur de petits monticules élevés de trois ou quatre mètres, collines souvent artificielles formées par les restes des anciennes habitations écroulées. Ils sont entourés de palmiers élancés, de figuiers, de sycomores et d’impénétrables haies de cactus. Les maisons sont bâties en pisé ou terre mélangée de paille hachée ; parfois de petites

pierres non taillées entrent dans la construction. Plusieurs villes importantes, comme Jaffa, Ramléh, Lydda, ont de magnifiques jardins, qui rappellent la beauté première de cette Terre Promise, si brillamment dépeinte par la Bible, et en particulier de cette plaine de Saron, dont Isaïe, xxxv, 2, chantait « la magnificence ». Les vergers de Jafla surtout sont célèbres ; on croirait, en les parcourant, errer dans les fabuleux jardins des Hespérides. C’est dans cette plaine, qui faisait l’orgueil et la richesse des Philistins, que Samson lança les trois cents chacals qui devaient, pour le venger, détruire sur pied les blés déjà mûrs. Jud., xv, 1-5.

A mesure qu’on avance vers l’est, la plaine ondule davantage, et le terrain se relève en collines plus ou moins accentuées. La partie montagneuse forme le pied de la grande arête qui traverse la Palestine du nord au sud et en constitue comme l’épine dorsale. Elle n’atteint guère, dans ses points les plus élevés, que la moitié de la hauteur moyenne de celle-ci, de 3 à 400 mètres, excepté vers la frontière sud-est, où, dans les enviions de Sàris et de Qariet el-Énab, l’altitude dépasse 700 mètres. Cette chaîne, qui domine la plaine et la ferme comme une barrière, prend, sous les rayons du soleil couchant, des teintes aussi belles que variées. Les nombreux ouadis <nii en descendent, se dirigeant tous vers la Méditerranée, la coupent en fossés plus ou moins profonds, et de larges vallées ou d’étroits ravins, s’abaissant graduellement vers la Séphéla, la relient aux plateaux élevés de Benjamin et d’Éphraïm. Les vallées sont parfois bien cultivées. Les rochers, quoique dénudés, sont néanmoins souvent tapissés d’une belle végétation de fleurs. Étages sur les hauteurs, les villages s’élèvent, entourés de verdure, avec de nombreuses grottes creusées dans la montagne et servant de tombeaux ou de silos, magasins souterrains destinés à ramasser la paille, le blé, l’orge, etc. Des citernes également taillées dans le roc gardent les provisions d’eau si nécessaires dans une contrée où les sources sont rares et les torrents seulement temporaires. Si l’on veut avoir une belle vue d’ensemble du territoire de Dan, il faut monter au sommet de la tour de Ramléh.

Les principaux ouadis, dont nous ne citons que les plus importants, ouadis Nousrah, Deir Balloût, En-Nâtûf, ’Aly, Es-Souràr, alimentés par des branches secondaires, vont se déverser dans la mer par deux canaux, dont l’un est situé au nord de Jaffa, le Nahr el-Aoud/éh, et l’autre au sud, le Nahr Roubin, tous deux marquant à peu près, nous l’avons dit, les frontières de la tribu.

La tribu de Dan n’avait pas seulement la richesse du sol ; sa situation était des plus importantes. Et d’abord elle possédait le port de Jafla, de tout temps le plus fréquenté dans cette partie de la côte méditerranéenne. Il ouvrait à ses vaisseaux, objet de toutes ses préoccupations, Jud., v, 17, les routes du commerce maritime. Quoique d’un accès assez difficile, il n’en était pas moins la clef de toute la contrée. De là partent maintenant les routes qui aboutissent au cœur même du pays, Jérusalem. Le chemin de fer traverse d’un bout à l’autre le territoire danite, suivant la plaine et l’ouadi Sourar pour entrer en Juda. Une route carrossable passe par Yazoûr, Sarfend, Ramléh, El-Qoubâb, Lâtroun, Qariet el-Enab, et va directement à la ville sainte. Un autre chemin, passant par Loudd (Lydda), se ramifie à Djimzou, une do ses branches se dirigeant vers les deux Beit’Our (Béthoron inférieur et supérieur), l’autre plus bas, allant par’Annâbéh, Berqah, Beit Nouba, etc., sans compter une voie intermédiaire et quelques embranchements, aboutissant à Jérusalem. C’est par les vallées et les sentiers qui unissent la plaine à la montagne que les Philistins faisaient leurs incursions dans le haut pays. Ensuite, outre ces communications qui reliaient le rivage aux plateaux élevés, la grande route d’Egypte à Damas et en Assyrie, suivant la plaine côtière, traversait du sud au nord la tribu de Dan. Il y avait là des places importantes ;

c’est pour cela que tant de noms dans ce petit coin nous ont été conservés par les monuments égyptiens et assyriens : lopou, lap-pou (Jaffa), A-zou-rou (Yàzoûr), Bit-Da-gan-na (Beit-Dedjan ; Vulgate : Bethdagon, selon l’identification adoptée par quelques auteurs), Ba-nai-bar-qa (lbn lbràk, Bané-Barach), Aounaou (Kefr’Ana, Oxo), Houditi (Hadithéh, Hadid, Addus), Salouli (Schilta), Gaziro (Tell Djézer, Gazer), Am-qarrou-na (’Aqir, Accaron), Tam-na (Khirbet Tibnéh, Thamnatha).

Certaines particularités naturelles du territoire de Dan se reflètent dans les noms mêmes des cités bibliques : les charmes et la richesse dans Joppé (hébreu : Yâfô, « beauté » ), Élon (hébreu : ’Êlôn, « chêne » ), Gethremmon (hébreu : Gat-rimmôn, « pressoir de grenades » ) ; la faune dans Sélebiri (hébreu : Sa’âlabbîn ou Sa’albîm, « les chacals » ), Aïalon (hébreu : ’Ayyâlôn, « gazelle » ). Les lions, mentionnés avec les chacals dans l’histoire de Samson, Jud., xiv, 5, 8, ont aujourd’hui disparu de ces montagnes ; mais ces derniers y sont encore très nombreux. Les différents aspects de la contrée sont indiqués par des mots comme Séphéla (hébreu : Sefélàh), « pays bas ; » Gebbethon (hébreu : Gibbefôn), « hauteur ; » comme Seir (hébreu : Sê’ir) qui veut dire « escarpé ». Le nom arabe de Ramléh, « sable, » caractérise bien la nature du sol sur lequel la ville est bâtie.

II. Histoire. — L’histoire de Dan n’offre en somme rien de bien extraordinaire, à. part son expédition dans le nord de la Palestine et l’épisode de son héros principal, Samson. Au dénombrement du Sinaï, elle comptait soixante-deux mille sept cents hommes en état de porter les armes. Num., i, 38-39 ; ii, 26. Son contingent était ainsi le plus nombreux après celui de Juda (74600). Num., i, 27. Elle avait alors pour chef Ahiézer, fils d’Àmmisaddaï. Num., i, 12. Dans les campements, elle était placée au nord du Tabernacle, avec Aser et Nephthali, issus comme Dan de femmes secondaires. Num., ii, 25-30. L’effectif total de ce corps d’armée était de cent cinquante-sept mille six cents hommes, et leur ordre de marche à l’arrière-garde. Num., ii, 31 ; x, 25. Les offrandes que fit au sanctuaire, au nom de la tribu, Ahiézer, son prince, sont ainsi énumérées : « Un plat d’argent qui pesait cent trente sicles, et un vase d’argent de soixantedix sicles au poids du sanctuaire, tous deux pleins de farine mêlée d’huile pour le sacrifice ; un petit vase d’or du poids de dix sicles, plein d’encens ; un bœuf de troupeau, un bélier, un agneau d’un an pour l’holocauste, un bouc pour le péché, et, pour les hosties pacifiques, deux bœufs, cinq béliers, cinq boucs, et cinq agneaux d’un an. » Num., vii, 67-7 1. Parmi ses personnages remarquables à cette époque, l’Écriture cite Ooliab, habile artiste, qui fut adjoint à Béséléel de Juda pour la fabrication des objets destinés au culte divin, Exod., xxxi, 6 ; xxxv, 31 ; xxxviii, 23, et Ammiel, fils de Gémalli, qui fut un des explorateurs de la Terre Promise. Num., xiii, 13. La Bible a également conservé le nom de la mère du blasphémateur lapidé par ordre de Moïse : c’était Salumith, fille de Dabir, de Dan. Lev., xxiv, 11.

Pendant le séjour au désert, le nombre des guerriers danites varia beaucoup moins que celui de plusieurs autres tribus. Au second recensement qui se fit dans les plaines de Moab, le long du Jourdain, ils étaient soixante-quatre mille quatre cents, c’est-à-dire avec une augmentation de dix-sept cents. Num., xxvi, 42^43. Le prince qui fut choisi parmi eux pour travailler au partage de la Terre Sainte fut Bocci, fils de Jogli. Num., xxxiv, 22. Dans la scène solennelle des bénédictions et malédictions, à Sichem, la tribu de Dan se tenait sur le mont Ébal, « pour maudire, » avec celle de Buben ( le fils aîné, dépouillé de ses droits), Gad (le dernier fils de Lia), Aser, Zabulon et Nephthali (fils d’esclaves). Deut., xxvii, 13. Nous avons vu la part qui lui revint dans le pays de Chanaan. Jos., xix, 40-47. Elle fournit quatre villes aux Lévites, fils do

Caath : Elthéco, Gabathon, Aïalon et Gethremmon, avec leurs faubourgs. Jos., xxi, 23, 24. Mais elle ne put jouir en paix de la riche contrée qui lui était échue. Les Amorrhéens, vaincus, mais non exterminés, « tinrent les fils de Dan resserrés dans la montagne, sans leur permettre de s’étendre en descendant dans la plaine (la Séphéla) ; et ils habitèrent sur la montagne d’Harès, c’est-à-dire la montagne de l’argile, dans Aïalon et dans Salebim. » Jud., i, 3Î, 35. Il fallut le secours de la maison de Joseph pour réduire l’ennemi ; mais c’est sans doute en raison de ces difficultés et de l’exiguïté de leur territoire que les Danites allèrent fonder une colonie à l’extrémité de la Palestine ; tel est le sens qu’il faut donner à ces paroles du texte sacré : « La tribu de Dan cherchait des terres pour y habiter ; car jusqu’alors elle n’avait point reçu sa part du territoire avec les autres tribus. » Jud., xviii, 1. Nous les voyons néanmoins tranquillement occupés de leurs vaisseaux pendant que les tribus du nord combattaient avec Débora et Barac. Jud., v, 17. Ils eurent la gloire de donner à Israël un de ses Juges les plus célèbres, Samson. Jud., xm-xvi. Les Philistins avaient remplacé les Amorrhéens dans la plaine et exerçaient les mêmes ravages. On sait quelles représailles exerça contre eux le fils de Manué. Voir Samson. C’est pendant cette même époque des Juges que six cents d’entre eux partirent de Saraa et d’Esthaol pour aller faire la conquête de Laïs, qu’a ils appelèrent Dan, du nom de leur père ». Jud., xviu. Voir Dan 3.

Au temps de David, notre tribu maintenait son rang et son caractère guerrier. Elle fournit, pour l’élection royale, à Hébron, vingt-huit mille six cents hommes bien armés. I Par., xii, 35. Son chef, sous ce prince, était Ezrihel, fils de Jéroham. I Par., xxvil, 22. Un des plus habiles artistes envoyés à Salomon par le roi de Tyr, et appelé lui-même Hiram ou Hiromabi, était fils d’une Danite. II Par., ir, 13, 14. Dans le partage de la Palestine entre les douze tribus, tel qu’il est décrit par Ézéchiel, Dan est placé au nord du territoire sacré, probablement à cause de la colonie dont nous avons parlé. Ezech., xlviij, 1, % Le même prophète, dans sa reconstitution idéale de la cité sainte, indique à l’est une « porte de Dan ». Ezech., XLViii, 32. La Vulgate cite ce nom dans un autre passage de l’auteur sacré, Ezech., xxvii, 19 ; mais on lit généralement, avec l’hébreu, Vedân, que quelques auteurs identifient avec la ville d’Aden, en Arabie. Notons en dernier lieu l’omission qui est faite de Dan en deux endroits de la Bible, d’abord dans les listes généalogiques des tribus, I Par., ii-x, bien que le patriarche lui-même soit cité parmi les fils d’Israël, et à la même place que lui donne la prophétie de Jacob (Gen., xlix, 16), I Par., ii, 2 ; ensuite dans l’énumération de saint Jean, Apoc, vii, 4-8, à propos des élus marqués du sceau de Dieu. Ou a apporté, principalement pour cette dernière, différentes explications plus ou moins plausibles, qu’on peut voir dans les commentateurs. Cf. Drach, Apocalypse de saint Jean, Paris, 1879, p. 92-93.

III. Caractère. — Le caractère des Danites se résume dans la ruse et la force, deux éléments de la valeur guerrière, surtout à ces époques reculées de l’histoire. Il avait été parfaitement dépeint dans les deux prophéties de Jacob et de Moïse. Le patriarche mourant avait dit de son fils, Gen., xux, 16, 17 :

Dan juge son peuple,

Comme une des tribus d’Israël.

Dan est un serpent dans le chemin,

Un céraste dans le sentier,

Qui mord le cheval au talon,

Et fait tomber à la renverse le cavalier.

Le premier trait est, avec paronomase, une explication du mot Dan, « juger, » appliqué à une circonstance particulière de l’histoire. « Dan juge (hébreu : Dân yâdîn) son peuple, » c’est-à-dire, quoique né d’une esclave, il

ne sera pas inférieur « aux autres tribus d’Israël ». Les Juifs, saint Jérôme et beaucoup d’interprètes voient là une allusion à la judicature de Samson. Le second est une comparaison très frappante, qui peint un esprit parfois cruellement rusé. Le mot nâhâS désigne le serpent en général, symbole de l’astuce ; mais le terme Sefifôn indique le « céraste » ou « serpent à cornes », xlpas, qui est un reptile extrêmement dangereux. Ayant une couleur de terre, il se cache facilement dans les creux ou les ornières du chemin, sur le passage des caravanes. Ne laissant dépasser que ses cornes ou antennes qui surmontent chacune de ses paupières, et dissimulé dans le sable, il guette les oiseaux ou d’autres proies. Si un homme à cheval s’approche trop près, il se roule tout à coup autour d’un des pieds de l’animal et le mord. Saisi par la douleur, celui-ci se cabre et renverse son cavalier. Voir Céraste, col. 432. La ruse, loin d’être méprisée chez les Orientaux, est, au contraire, estimée à l’égal de la bravoure. Cette finesse est personnifiée dans Samson ; mais le caractère du céraste paraît surtout dans l’expédition de six cents Danites contre Laïs : espions envoyés « pour explorer le pays et l’examiner avec soin », Jud., xvin, 2, promptitude de l’exécution : « point de négligence, point de retard ; allons et possédons-la [cette terre fertile], nous entrerons chez des gens qui se croient en sûreté, » ^. 9, 10 ; surprise de l’attaque et destruction de la ville, ꝟ. 27. Il y a en particulier, dans la façon dont ils dépouillent le sanctuaire de Michas, certains traits pittoresques qui nous montrent le sarcasme se joignant à l’astuce, la menace audacieuse succédant à l’ironie. Pour faire main basse sur les idoles de Michas, ils occupent le prêtre en avant de la porte, et pendant ce temps-là les cinq explorateurs, qui connaissent les lieux, dérobent les objets de leur convoitise, ꝟ. 16, 17. Ils savent habilement attirer le jeune lévite, lui exposant les avantages supérieurs qu’il trouvera auprès d’eux. ^. 19, 20. Puis, loi-sque le propriétaire volé vient réclamer ses dieux, ils lui répondent avec une tranquille assurance : « Que demandez-vous ? Pourquoi criez-vous ? » ^. 23. Enfin, se sentant les plus forts, ils passent d’un faux étonnement à la menace tragique : « Gardez - vous de nous parler davantage, disent-ils, de peur qu’il ne vous arrive des gens qui s’emportent de colère, et que vous ne périssiez avec toute votremaison, » ! 25. Moïse, Deut., xxxiii, 22, dépeint aussi par une comparaison la force qui caractérisera la tribu :

Dan est comme un jeune lion ;

H s’élance de Basan.

Dans le pays de Basan, à l’est du Jourdain, et particulièrement sur les pentes boisées du Hauran, les cavernes et les fourrés servaient de retraites à des lions qui se ruaient sur les troupeaux et causaient d’affreux ravages. Ainsi les Danites se jetaient sur leurs ennemis. Cette force est encore représentée par Samson. L’Écriture nous dépeint d’ailleurs les guerriers de cette tribu comme « des hommes très vaillants s, Jud., xviir, 17 ; « bien armés, » jL 16 ; « ceints d’armes guerrières, » ^. Il ; « préparés au combat. » I Par., xii, 35. Le lion de Dan dominait au nord, comme celui de Juda au sud.

A. LEGENDRE.

3. DAN (hébreu : Dân ; Septante : Aiv ; une fois À « (TîvSàv ; Codex Vaticanus : AauevvSix, par l’union des deux noms Lésem et Dan ; Codex Alexandrinus : Aéuev Aiv, Jos., xix, 47), ville de Palestine, appeléeaussi Laïs (hébreu : Lais, Jud., xviii, 14, 27, 29 ; Lâyesdh, avec hé local, Jud., xviii, 7 ; Septante : Aaio-i, Jud., xviii, 7, 14, 27 ; Oj), au, âi{ ; Codex Alexandrinus : ’AXei ; , Jud., xviii, 29) et Lésem ( hébreu : LéSém, Jos., xix, 47 ; Septante : A<x-/t ; Codex Alexandrinus : Aiuepi), conquise par six cents guerriers de la tribu de Dan, qui lui donnèrent le nom de leur père, Jos., xix, 47 ; Jud., xviii, 29, et servant, chez les auteurs sacrés, à désigner la frontière septen

trionale de la Terre Sainte, dans la locution bien connue : « depuis Dan jusqu’à Bersabée. » Josèphe l’appelle Aâva, Ant. jud., V, III, 1, et Aivov, Ant. jud., i, X, 1. I. Situation et description. — L’Écriture et les auteurs anciens nous donnent sur sa situation des détails précis, qui nous permettent de l’identifier avec certitude, bien qu’elle ait complètement disparu (fig. 470). Outre la locution que nous venons de mentionner, et qui fixe sa place à l’extrémité nord du pays deChanaan, d’autres passages de la Bible nous la montrent sur le territoire de Nephthali, avec Ahion, dont le nom est rappelé par celui de Merdj’Ayoun, vallée fertile, située entre le Nahr Hasbàui et. le Léontès, et avec A.bel - Beth - Maacha, aujour Dan, « fleuve de Dan. » ) Le voisinage de Panéas a fait confondre par quelques auteurs ces deux villes parfaitement distinctes. Cf. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 919. D’après le Talmud de Babylone, Megillâh, 6 a, Panéas serait également identique avec la Lésem biblique ; mais le Targum de Jérusalem, Gen., xiv, 14, rend le mot Dan par Dan de Qisriôn, « Dan de Césarée, » c’est-à-dire près de Césarée (Banias). Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 236. Ajoutons que, dans les Listes de Karnak, Laïs, appelée Louisa (n° 31), vient immédiatement avant Azor, Ilouzar (n° 32), dont elle ne devait pas par là même être très éloignée. Cf. A. Mariette, Les Listes géographiques des

r

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470. — Tell el-Qadi.

d’hui Abil el-Kamh, village élevé sur une colline, à l’est du Derdarâh, petit affluent du Jourdain, et à une heure et demie environ au nord-ouest de Tell el-Qadi. III Reg., xv, 20 ; II Par., xvi, 4. Voir la carte de Nephthali. Probablement colonie sidonienne, elle était cependant loin de la métropole, Jud., xviii, 7, 28, dans une contrée d’une merveilleuse fertilité, Jud., xviii, 9, 10, « dans la vallée qui était près de Beth-Rohob » (Septante : èv t>j xiii).â81 toû ot’xou’Paie, « dans la vallée de la maison de Raab ; » Vulgate : « dans la région de Rohob » ), Jud., xviii, 28 ; malheureusement cette dernière indication est trop obscure pour que nous puissions en tirer parti. Voir Rohob. Josèphe nous la représente « non loin du Liban et des sources du petit Jourdain, dans la grande plaine et à un jour de marche de Sidon ». Ant. jud., V, iii, 1 ; I, x, 1 ; VIII, vin, 4. Enfin Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 114, 249, signalent « le bourg (xûiu), viculus) de Dan à quatre milles (six kilomètres) de Panéas (Banias), sur le chemin de Tyr, limite septentrionale de la Judée, et d’où sort le Jourdain ». (Saint Jérôme en tire même une fausse étymologie du Jourdain : Ior pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 23 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos III qu’on peut rapporter à la Galilée, p. 5, extrait du Journal of Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, 1887, t. XX, p. 301. Tous ces détails nous conduisent sûrement à l’emplacement de Dan, c’est-à-dire à Tell el-Qadi, dont le nom même, « colline du juge, » reproduit la signification du mot hébreu. Situé au sud-est de Sidon, dont il est séparé par la base méridionale du Liban, cet endroit se trouve au-dessous et à l’ouest de Banias, l’ancienne Césarée de Philippe, et est un des plus pittoresques de la Palestine. Le tell ou monticule s’élève, pour ainsi dire, au pied de l’Hermon, à deux ou trois kilomètres de l’angle sud-ouest. De forme quadrangulaire, avec coins arrondis, il peut avoir treize cents mètres de pourtour, sa plus grande longueur s’étendant de l’est à l’ouest (voir fig. 471). Il repose sur deux, étages inégaux de la plaine, ce qui donne à sa face nord une simple élévation de dix à douze mètres, tandis que celle du sud domine d’une hauteur de plus de vingt mètres. Son sommet, qui se relève un peu vers l’est,

est à une altitude de 216 mètres au-dessus de la mer. Le plateau culminant de cette colline, que plusieurs regardent comme un cône d’éruption, est occupé par un fourré impénétrable de chênes, de figuiers sauvages, de térébinthes, de platanes, etc., mêlés à des ronces et à des rosiers superbes. La partie centrale ressemble à un vaste bassin, comparable à l’arène d’un immense amphithéâtre. Le bord supérieur avait été jadis environné d’un mur d’enceinte, dont la trace est encore visible sur plusieurs points. Les ruines les plus apparentes sont du côté sud ; ce sont des monceaux de pierres taillées, la plupart de nature volcanique ; d’autres sont des blocs calcaires dé grandes dimensions. Là avait été bâti un village musulman, actuellement renversé de fond en comble.

A l’ouest du monticule, au milieu d’épais buissons de lauriers-roses, s’échappe, entre les roches basaltiques,

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471. — Plan de Tell el-Qadl.

une source qui a dix mètres de large sur soixante-cinq centimètres de profondeur ; l’eau est d’une fraîcheur glaciale et d’une extrême limpidité. Elle forme un ruisseau qui se précipite avec rapidité à travers un épais fourré de platanes, de vignes grimpantes, de roseaux gigantesques, de ronces et de hautes herbes. Ce torrent perce au sudouest les flancs de la colline, en s’y ouvrant un passage, à l’entrée duquel s’élèvent les deux plus beaux arbres qu’on puisse voir. C’est d’abord un vieux chêne ( Quercus ïthaburensis), qui ombrage le tombeau d’un scheikh musulman, puis un magnifique térébinthe (Pistacia Palestina), dont le tronc mesure sept mètres de développement. A l’ouest de la source, on observe plusieurs tas de blocs basaltiques assez régulièrement taillés et qui proviennent probablement d’un édifice antique. Une autre source aussi considérable jaillit au pied du tell, vers l’angle nordouest : les eaux froides et transparentes se répandent dans un grand bassin où viennent se baigner les buffles et qui est entouré de buissons d’agnus castus et de plantes herbacées de toute hauteur. Le ruisseau qu’elle forme va rejoindre le premier vers le sud, et tous deux réunis prennent le nom de Nahr Ledddn ; c’est cette branche du fleuve que Josèphe appelle « le petit Jourdain ». Le mot Leddân semble n’être qu’une corruption de ed-Dân ou Dan. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 392. Les Arabes de la contrée regardent ce nahr ou torrent comme la véritable source du Jourdain, puisqu’il fournit trois fois plus d’eau que le Nahr Hasbâni, et deux fois plus que les sources de Banias, avec lesquelles ils se réunissent à un kilomètre plus loin. — Tel est ce ravissant petit coin de la Terre Sainte, qui en constituait la limite naturelle, même au point de vue géologique ; c’est là que finit le calcaire de Palestine et que commence le terrain volcanique de Syrie. En le visitant, au mois de mars 1898, je ne pouvais détacher mes regards du splendide panorama qu’il dé roulait devant moi. Du sommet de la colline, je voyais à mes pieds une large vallée couverte d’une luxuriante végétation et fermée par une double muraille : à l’ouest, les monts de Galilée avec leurs déchirures plus ou moins profondes ; à l’est, la ligne plus unie des montagnes du Djôlan. Le lac Houléh étendait sa nappe triangulaire au milieu des marécages et derrière une bordure de gigantesques papyrus. Plus loin, tout à fait au fond de l’immense bassin formé par les deux chaînes parallèles, se dessinait l’étroite fente par laquelle le fleuve se jetle dans le lac de Tibériade. Vers le nord-est, presque au-dessus de ma tête, se dressait le rocher pointu que couvre le vieux château de Banias. Enfin, au nord, le grand 11ermon dominait majestueusement toute cette scène avec son sommet couronné de neige. Je comprenais le tranquille bonheur au sein duquel l’Écriture nous représente les habitants de Laïs, vivant « sans aucune crainte, à la manière des Sidoniens, en paix et en assurance, personne ne les troublant, avec de grandes richesses, loin de Sidon, et séparés de tous les autres hommes ». Jud., xviii, 7. Mais ce furent précisément cette richesse et cet isolement qui causèrent leur perte : la première attira les Danites, le second priva de tout secours les trop confiants possesseurs de cette terre privilégiée. — Pour la description, on peut voir Robinson, Biblical Researches, t. iii, p. 390-393 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1831, t. i, p. 139-142 ; V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 338-339 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans Le Tour, du monde, t. xliv, p. 346-347 ; J. Macgregor, The Rob Roy on ihe Jordan, in-8°, Londres, 1869, p. 213-219. H. Histoire. — Dan paraît dès les premières pages de l’histoire sacrée, à propos delà victoire d’Abraham sur Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 14. Mais s’agit-il bien ici de la cité biblique que nous venons de décrire ? Quelques-uns, comme Keil, Genesis, Leipzig, 1878, p. 175, le nient, parce qu’elle n’est sur aucune des deux routes qui, dé la vallée de Siddim ou du Jourdain, conduisaient à Damas, l’une passant par Fik et Naoua, l’autre par le Pont de Jacob. Et puis, ajoutent-ils, si les ennemis, au lieu de s’en retourner directement par Damas et Palmyre vers l’Euphrate, étaient remontés parle pays de Chanaan jusqu’aux sources du Jourdain, ils se seraient évidemment, une fois surpris et battus, plutôt enfuis vers Émath par la plaine de Cœlésyrie. Il y a encore, suivant d’autres, la difficulté d’expliquer, dans ce cas, la poursuite des fuyards jusqu’à Damas et Hobah. Le lieu où le patriarche atteignit les rois vainqueurs doit donc être cherché à l’est, du côté de Galaad, et n’est autre sans doute queDan-lVcmfVulgate : Dansilvestria), mentionné llReg., xxiv, 6. Voir Dan-¥aan. Cette opinion serait plausible si elle n’avait contre elle le témoignage formel de Josèphe, Ant. jud., i, x, 1, et de saint Jérôme, Hebr. Quxst. in Genesim, xiv, 14, t. xxiii, col. 961, qui placent la défaite de Chodorlahomor aux sources du Jourdain. Qui nous dit du reste que les Élamites, au lieu de reprendre le chemin direct de leur pays, ne cherchaient pas, en retournant de leur expédition, à faire des razzias comme en venant ? La fertile contrée de Laïs devait les attirer, et leur déroute s’explique très bien. « Surpris par Abraham, [ils] songent à échapper au carnage, non à se défendre. Dans la précipitation de leur fuite, ils se noient au milieu des marécages qui abondent dans ces régions, ou bien ils sont déchirés par les fourrés épineux du Baniasy. Ceux qui parviennent à se sauver traversent la vallée duYafoury, et, descendant dans la grande plaine par Beit Djenn, ils ne s’arrêtent dans leur course qu’à Hobah, à main gauche de Damas. » F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 500. — Mais comment se faitil que la ville soit appelée Dan par l’auteur de la Genèse, alors que ce nom lui fut seulement imposé au moment de la Conquête des Danites ? Jud., xviiï, 29. On répond à cela que l’antique nom de Laïs ou Lésem a pu être plus tard remplacé dans

le texte sacré par celui de Dan plus usité. On apporte aussi une autre solution, d’après laquelle Dan aurait été la dénomination primitive de la vieille cité biblique, et que les conquérants la lui auraient restituée, en lui don^ nant une origine et une signification différentes. Il y avait, en effet, près de Laïs ou Lésem, un temple fameux consacré au dieu Pan, que les Phéniciens appelaient Baal Yaan ou Dan-Yaan (le maître ou le juge joueur de flûte) ; d’où la ville aurait été appelée Dan-Yaan. Rien donc d’étonnant à ce que les Dauites aient ressuscité ce nom, mais en y rattachant le souvenir de leur père. Telle est l’opinion adoptée par R. Cornely, Cursus Scriptural Sacras, Introductio, Paris, 1887, t. ii, part, i, p. 91, d’après Smith, The Pentateuch, p. 446-454, et d’autres. Voir Dan Yaan. La difficulté est la même et les réponses doivent être identiques pour Deut., xxxiv, 1, où Dieu montre à Moïse, du sommet du Nébo, « toute la terre de Galaad jusqu’à Dan. » Au lieu de chercher ici une localité inconnue, ne serait-il pas plus naturel d’y reconnaître la ville frontière dont le nom devait, pour ainsi dire, passer en proverbe ?

: La conquête de Laïs, résumée dans Josué, xix, 47, est

racontée tout au long au chapitre xviii du livre des Juges. Les fils de Dan, se trouvant à l’étroit dans la portion de leur héritage, et d’ailleurs refoulés dans la montagne par les Amorrhéens (voir Dan 2), choisirent parmi les vaillants de la tribu cinq hommes de Saraa et d’Esthaol, et les envoyèrent explorer le pays. Arrivés à la montagne û’Éphraïm, ceux-ci rencontrèrent dans la maison de Michas un jeune lévite qui, après avoir, à leur demande, consulté le Seigneur, les encouragea dans leur entreprise : la consultation d’ailleurs était peu orthodoxe, et la réponse assez vague, puisque l’auteur la tirait de son propre fonds. Les explorateurs vinrent donc à Laïs, et y virent un peuple vivant « sans aucune crainte, à la manière des Sidoniens », ꝟ. 7, c’est-à-dire pacifiques, préférant le commerce à la guerre, comme les habitants de Sidôn, dont ils étaient une colonie. Émerveillés de la richesse de la contrée et frappés du peu de résistance qu’offrait la ville elle-même, isolée au pied des montagnes, ils revinrent, et, dans un compte rendu enthousiaste, pressèrent leurs frères de hâter l’expédition. Six cents hommes bien armés partirent alors de Saraa et d’Esthaol, avec leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux. Le rassemblement eut lieu à l’ouest de Cariathiarim [Qariet él-’Enab), et l’endroit porta depuis le nom de « Camp de Dan » (hébreu : Mahânêh San). Ils passèrent de là dans la montagne d’Éphraïm, suivant à petites journées le chemin du nord. L’heureux présage reçu naguère dans la maison de Michas leur donna l’idée d’assurer le succès de l’expédition en s’appropriant les objets sacrés qui servaient au lévite, « un éphod, des théraphims, une image taillée et une autre coulée en fonte, » ꝟ. 14. Avec une ruse dénuée de scrupule, ils firent main basse sur le trésor de Michas, et réussirent même, par de brillantes promesses, à emmener le lévite avec eux, pour leur « tenir lieu de père et de prêtre ». ꝟ. 19. Aux justes réclamations du propriétaire ainsi dépouillé ils ne répondirent que par l’ironie et la menace. Enfin, continuant leur route, ils arrivèrent à Laïs, qui, sans défiance et sans secours, fut facilement prise. Vouée à l’anathème, elle fut livrée aux flammes, et les habitants furent passés au fil de l’épée. Les Danites la rebâtirent et l’habitèrent, en changeant son nom de Laïs en celui de Dan, « du nom’de leur père, qui était fils d’Israël. » ꝟ. 29. Elle fut dès l’origine le centre d’un culte idolâtrique, mais d’une idolâtrie restreinte, puisqu’on y honorait Jéhovah, tout en violant par les images un des premiers préceptes du Décalogue. « Ils se dressèrent l’image taillée, et ils établirent Jonathan, fils de Gersam, qui était fils de Moïse, et ses fils, en qualité de prêtres dans la tribu de Dan, jusqu’au jour de leur captivité, » ꝟ. 30, c’est-à-dire, suivant plusieurs auteurs, non pas la captivité des dix tribus

d’Israël, mais l’état d’oppression auquel les Philistins réduisirent les Hébreux jusqu’au règne de David. I Reg., iv, 11, 22. Cf. Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1889, t. ii, p. 172. Cette interprétation semble confirmée par le détail ajouté au dernier verset, 31 : « Et l’idole de Michas demeura parmi eux pendant tout le temps que la maison de Dieu fut à Silo. » Sur la difficulté que présentent ces deux versets, on peut voir F. de Hummelauer, Comment, in libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 310-312 ; R. Cornely, Cursus Scripturx Sacrx, Introductio, t. ii, part, i, p. 221.

Dan devint alors si connue, qu’elle servit à désigner, avec Bersabée, toute l’étendue de la Terre Sainte. Jud., xx, 1 ; I Reg., iii, 20 ; II Reg., iii, 10 ; xvii, 11 ; xxiv, 2, 15 ; III Reg., iv, 25 ; I Par., xxi, 2 ; II Par., xxx, 5 (dans ces deux derniers passages, on lit : « de Bersabée jusqu’à Dan » ). C’est aussi à sa situation de ville frontière qu’elle dut d’être choisie par Jéroboam pour recevoir l’un des veaux d’or destinés à éloigner de Jérusalem les Israélites du royaume schismatique. III Reg., xii, 29, 30 ; IV Reg., x, 29. « Vive ton dieu, Dan ! » tel est le serment qu’Amos, viii, 14, met dans la bouche de ceux qui couraient après ces fausses divinités. À la prière d’Asa, qui était en guerre avec Baasa, roi d’Israël, Benadad, de Syrie, « envoya les généraux de sqn armée contre les villes d’Israël, et ils prirent Ahion, Dan, Abel-Beth-Maacha, et toute la contrée de Cénéroth, c’est-à-dire toute la terre de Nephthali. » III Reg., xv, 20 ; II Par., xvi, 4. Par sa position même, la brillante cité devait être la première exposée aux coups d’un ennemi venant du nord. Voilà pourquoi Jérémie, montrant déjà l’invasion chaldéenne, s’écriait : « Une voix de Dan l’annonce, » iv, 15, et plus loin : « Depuis Dan on entend le frémissement de ses coursiers ; tout le pays est ébranlé par les hennissements de ses chevaux de guerre. » viii, 16. À partir de ce moment, il n’en est plus question dans la Bible.

A. Legendrb.

4. DAN (CAMP DE). La Vulgate appelle Castra Dan, « camp de Dan, » une localité située près de Cariathiarim, Jud., xviii, 12, traduisant ainsi l’hébreu MaJiânàh-Dân. Lorsque les Danites qui habitaient à Saraa et à Esthaol partirent de ces deux villes pour aller conquérir Laïs, dans le nord de la Palestine, ils campèrent près de Cariathiarim, « _derrière » la ville, dans la tribu de Juda, ce qui fit donner à cet endroit le nom de Mahânêh-Dân. Jud., xviii, 11-12. Le Camp de Dan est aussi nommé Jud., xiii, 25, où il est dit que l’esprit de Dieu commença à animer Samson « à Mahânêh-Dân, entre Saraa et Esthaol ».’5. DAN LA SYLVESTRE (hébreu : Dan-Yaân). Voir Dan-Yaan.

6. DAN, ville ou région mentionnée dans Ézéchiel, xxvii, 19, avec Javan (Vulgate : Grxcia et Mosel ; hébreu : Ydvân de’Uzzâl), comme fournissant au commerce de Tyr du fer travaillé et des parfums (casse et roseau aromatique). La plupart des manuscrits des Septante omettent Dan dans ce passage. Il est d’ailleurs difficile de déterminer la situation de Dan. Les uns le placent dans l’Arabie méridionale et croient que Dan ne diffère pas de Dadan, Gen., xxv, 3 ; Ezech., xxvii, 20 ; voir Dadan 2 ; d’autres lisent Vedàn, au lieu de « et Dan », et l’identifient avec Aden, ville d’Arabie (col. 1239) ; d’autres enfin supposent que ce nom désigne simplement la tribu de Dan, parce que l’Écriture mentionne des Danites habiles à travailler les métaux, tels que Ooliab, Exod., xxxv, 34, et Hiram le Tyrien, fils d’une femme de la tribu de Dan. II Par., ii, 13-14. Cette troisième opinion n’est guère satisfaisante, et les deux premières ne sont que des conjectures. Il y a néanmoins lieu de penser que Dan ou Vedan était situé dans le Yémen, où l’on trouve toutes les productions indiquées dans Ézéchiel, xxvii, 19.

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DANÉE — DANIEL LE PROPHÈTE

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    1. DANÉE ou DANEAU Lambert##

DANÉE ou DANEAU Lambert, théologien protestant, né à Beaugency vers 1530, mort à Castres le Il novembre 1595. Né de parents catholiques, il étudia le droit civil à Orléans, sous Anne Dubourg, et après le supplice de ce dernier (décembre 1559) se déclara partisan des nouvelles erreurs. Il alla étudier la théologie à Genève, où il fut un auditeur assidu de Calvin, et Théodore de Bèze l’accueillit avec honneur. En 1562, il était pasteur à Gien, d’où, dix ans plus tard, il revint à Genève, et il obtint d’y être nommé pasteur et professeur de théologie. En 1582, il avait à remplir les mêmes fonctions à l’université de Leyde ; mais il ne put rester dans cette ville, d’où, après un court séjour à Gand, il vint demander asile au roi de Navarre. Il fut pasteur et professeur de théologie à Orthez, puis à Lescar. Enfin, en 1593, il était à Castres, où il mourut. On a de cet auteur : Commentarius in Joelem, Anws, Michmurn, Nahum, Habacuc, Sophoniam, Haggseum, Zachariam et Malachiam, in-8°, Genève, 1578 ; Commentarius in D. Pauli priorem Epistolam ad Timotheum, in-8°, Genève, 1578 ; Methodus Sacrée Scripturse utiliter tractandx quse exemplis aliquot et perpétua in Epistolam Pauli ad Philemonem commentario illustratur, in-8°, Genève, 1581 ; Tractatus de Anti-Christo, in quo anti-christiani locus regni, tempus, forma, ministri, fulcimenta, progressio, exitium et intérims demonstrantur ubi difficiliores Danielis et Apocalypseos loci explicantur, in-8°, Genève, 1582 ; Commentarius in très Epistolas D. Joannis et unicam Judse, in-8°, Genève, 1585 ; Commentarius in Joannis Evangelium, iri-8°, Genève, 1585 ; Commentarius in Prophetas minores, in-8°, Genève, 1586 ; Commentarius in Matthœum, in-8°, Genève, 1593 ; Quœstiones et scholia in Marcum, in-8°, Genève, 1594. Une partie des ouvrages de Danée a été publiée sous le titre : Opuscula theologica omnia, in-f°, Genève, 1554.

— Voir Walch, Bibliotheca theologica, t. iv, p. 565, 576, etc. ; Haag, La France protestante, t. iv, p. 192.

B. Heurtebize.

DANIEL. Hébreu : Dâniy’êl, « Dieu me juge, me protège ; s Septante : Aavi’ïjX. Nom de quatre Israélites.

1. DANIEL (Septante : Act[m^X ; Codex Alexandrinus : AaXouta), second fils de David, qu’il eut d’Abigaïl à Hébron. I Par., iii, 1. Dans le passage parallèle, Il Reg., m, 3, il est appelé Chiléab. Voir Chiléab.

2. DANIEL, prêtre de la branche d’ithamar. Il revint de la captivité de Babylone avec Esdras. I Esdr., viii, 2.

3. DANIEL, prêtre qui signa l’alliance solennelle avec Dieu à l’exemple de Néhémie. Esdr., x, vi. Rien ne s’oppose à ce que ce soit le même personnage que Daniel 2.

4. DANIEL LE PROPHÈTE (hébreu : Dânîyê’l, Dan., l, 6, 7, 8, ou simplement Dâni’êl, Ezech., xiv, 14, 20, xxviii, 3 ; Septante : Aavri)X), le dernier des quatre grands prophètes. — Étymologiquement, ce nom signifie : « Mon juge (défenseur) est Dieu. » Voir J. Knabenbauer, In Danielem prophetam, Paris, 1891, p. 3. Cf. A. Hebbelynck, De auctorit. histor. libri Danielis, Louvain, 1887, p. 2, not. 2.

I. Origine et éducation de Daniel. — On ne connaît de certain sur sa vie que ce que nous en apprend son livre. D’après le Pseudo-Épiphane, De proph., x, t. xliii, col. 403, il serait né à Bethabara, non loin de Jérusalem, mais ce n’est pas certain. Il n’est pas certain non plus qu’il fût de race royale, comme le prétend Josèphe, Ànt. jud., X, x, 1. Cf. S. Jérôme, In Dan., i, 3, t. xxv, col. 518. Mais ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il sortait de la tribu de Juda, Dan., i, 6, et, sinon de race royale, au moins d’un sang noble, ꝟ. 3 (Vulgate : desemine tyrannorum [parfemîm = principum]. Cf. Pusey, Daniel the prophet, Oxford, 1876, p. 574J. — Il fut déporté

à Babylone en 605 ou 601, la troisième année du roi Joakim, par ordre de Nabuchodonosor ; il avait, selon toute apparence, quatorze ans. On le confia, lui et d’autres jeunes gens de son âge et de son pays, à Asphenez, le rab-saris (= chef des eunuques) du palais. Il devait y être élevé pendant trois ans, mangeant des mets et buvant du vin du roi, apprenant la science des Kasdim. Son nom hébreu fut changé en celui de Baltassar (hébreu : Bêllesa’sar ; assyrien : balâtsu-usur, pour Bel-balàtsuusur = Bel, vitam ejus protège. Dan., i, 7. Cf. Dan., iv, 5. Glossæ Frid. Delitzschii babylonicæ, dans S. Bær, Libri Danielis, Ezrse et Nehemix, Leipzig, 1882, p. ix). Il pria l’échanson (hébreu : hammélsar, nom d’origine douteuse, peut-être babylonienne : amil-usur ; voir Fr. Lenormant, La divination chez les Chaldéens, Paris, 1875, p. 196) à qui Asphenez l’avait spécialement confié, de le laisser manger et vivre selon la loi. Dan., i, 11-13. Après une épreuve, on le lui permit. Il devint très habile dans tout ce qu’on lui enseigna. Il apprit ainsi l’écriture (hébreu : sêfér ; Vulgate : Utteras) dite cunéiforme et la langue des Kasdim, c’est-à-dire la langue assyro-babylonienne, avec les sciences qui s’y rattachent. Il eut, de plus que ses trois compagnons, le don et l’intelligence des visions et des songes, don si estimé en Babylonie. Dan., i, 17. Lorsque leur éducation fut terminée, ils furent présentés à Nabuchodonosor, qui les interrogea lui-même (hébreu : biqqês) ; et, les trouvant dix fois plus sages et plus savants que les mages et les devins, les admit à sa cour pour le servir, Dan., i, 20 : c’était en 602 ou 001.

IL Sagesse de Daniel. — Elle parut avec éclat très peu de temps après. On peut rapporter, en effet, à cette date l’épisode de Susanne, Dan., ira, l-61, qu’il sauva de la mort en confondant les infâmes vieillards qui calomniaient son innocence. Voir Susanne. — L’interprétation d’un songe lui valut aussi devant les Babyloniens un grand renom. Cet événement arriva peu de temps après, Dan., ii, 1, la deuxième année du règne de Nabuchodonosor (c’était la troisième depuis son association au trône par son père [J. Knabenbauer, In Daniel., p. 77 ; cf. J. M. Fuller, dans The Holy Bible, Londres, 1882, t. vi, p. 239], à moins qu’il ne faille en reculer la date à la douzième année, par la correction du texte a = 2 en a » = 12, ce qui peut être). Le roi Nabuchodonosor avait eu un songe, qui l’avait effrayé et dont il ne lui restait qu’un vague souvenir. Il fit appeler tous les sages de Babylone (hakkîmê Bâbél, nom générique comprenant les quatre ordres, Dan., ii, 2, 18, 27), pour obtenir d’eux et le songe et le sens du songe ; mais ils furent impuissants à lui répondre, et il ordonna qu’on les fît mourir. Daniel, qui l’apprit par Arioch (voir t. i, col. 963), le chef des exécuteurs (rab-tabbâhayyâ’), obtint du roi un délai, et par ses prières auprès de Dieu et celles de ses compagnons, il arriva à connaître le songe et ce qu’il signifiait. Il parut devant le roi et ayant confessé que le Dieu du ciel peut seul, à l’exclusion des sages, révéler un tel mystère, il lui rappela son songe : Nabuchodonosor avait vu une statue, selém, ayant forme d’homme, d’une taille extraordinaire, d’un éclat effrayant, variée de couleurs, diverse de matériaux, de qualité inférieure à mesure que l’on descendait de la tête aux pieds : la tête, — la poitrine avec les bras, — le ventre avec les cuisses, — les jambes avec les pieds, qui étaient de fer mêlé d’argile, statue combinée de manière à offrir tout le contraire de la solidité. J. M. Fuller, ouvr. cité, p. 259. Une pierre, ’ébén, se détacha soudain, frappa la statue par ses pieds, et tout se broya en une fine poussière, que le vent dissipa. Puis cette pierre devint une haute montagne, tûr rab, qui remplit toute la terre. Daniel donna alors au roi l’interprétation du songe. Quatre grands empires correspondent aux métaux divers de la statue : les Babyloniens à l’or, les Perses à l’argent, les Grecs à l’airain, les Romains au fer ; ils seront détruits et brisés par un royaume, l’Église, qui viendra du

Dieu du ciel et qui durera éternellement. Luc, i, 32-33. Quand le songe eut été expliqué, Nabuchodonosor se prosterna devant Daniel en confessant que son Dieu est le Dieu des dieux et le maître des rois, et il conféra au prophète les honneurs promis avec des dons magnifiques. Il le mit à la tête de la Babylonie, le plaça comme prince (rab signîn) sur tous les sages de Babel, et lui donna en qualité d’auxiliaires ses trois compagnons. C’est ainsi que Daniel se fit un grand nom parmi « les enfants de la captivité » et. dans cette monarchie chaldéenne, vers laquelle il fut envoyé de Dieu comme son prophète et son représentant.

III. Second songe et folie de Nabuchodonosor. — La haute situation qu’il avait conquise si jeune et si rapidement, Daniel l’occupa avec éclat jusqu’à la fin. Dan., i, 21. Son livre n’entre pas d’ailleurs dans les détails, parce qu’il n’est pas une biographie du prophète ; il rapporte seulement trois ou quatre épisodes plus caractéristiques, et donne quelques indications historiques qui forment le cadre des visions. — Il n’est pas question de Daniel (en voir quelques raisons dans J. Knabenbauer, In Daniel. , p. 109) lorsque Dan., iii, 1-19, Nabuchodonosor fit jeter dans la fournaise les trois jeunes Hébreux, ses compagnons, Sidrach, Misach et Abdénago, qui refusaient d’adorer la colossale statue d’or du roi. Mais le prophète intervient avec éclat dans l’épisode de la folie du monarque. Le fait, selon plusieurs indices, dut arriver probablement dans la seconde moitié de son long règne. Lui-même le raconte dans un manifeste aux peuples de sa domination. Dan., iii, 98-iv, 34 (hébreu, iii, 31-iv, 34). Il vivait en paix et glorieux (ra’ânàn == virens, IV, 1) dans son palais, quand il eut un songe, que tous les sages de Babel ne surent lui expliquer. Il appela Daniel, « en qui était l’esprit des dieux saints, » et lui fit connaître le songe. C’était un arbre haut comme les cieux, large comme les extrémités de la terre, séjour et abri des bêtes de la création. Un ange descendit du ciel, et il cria de couper l’arbre et d’en lier, avec du fer et de l’airain, la racine restée dans l’herbe et la rosée. « Qu’on lui change son cœur d’homme et qu’on lui donne un cœur de bête, et sept temps passeront ainsi sur lui. » Daniel troublé se recueille, et, tremblant, il explique le songe. L’arbre, c’est Nabuchodonosor. On le chassera d’entre les hommes et il habitera avec les bêtes, et comme le bœuf il mangera de l’herbe, mouillé par la rosée du ciel, pendant sept temps, jusqu’à ce qu’il confesse que le Très-Haut (’illây’â') domine sur les royaumes et qu’il les donne à qui il veut. Le prophète lui conseille de racheter ses péchés par la pratique de la justice et par des œuvres de miséricorde ; ainsi son royaume lui sera conservé. Un an s’écoula et la prédiction s’accomplit. Dans un moment de suprême orgueil, le glorieux roi fut frappé de folie subite, du genre de celles que les savants appellent lycanthropie. Il errait dans les bois autour de son palais, vivant avec les bêtes, ayant tout l’aspect de celles-ci. Il demeura ainsi sept temps, trois ans et demi, croyons-nous. (Voir à ce sujet les différentes opinions rapportées par G. Brunengo, L’Impero di Babiloni e di Ninive, Prato, 1885, t. ii, p. 237 ; E. B. Pusey, Daniel the prophet, Oxford, 1870, p. 428.) L’empire, dans cette crise, fut gouverné sans révolution, on ignore par qui. Après quoi il leva les yeux au ciel, se reconnut, et l’esprit ainsi que la gloire du visage lui fut rendu avec l’empire. Alors il béni} et glorifia le Très-Haut, qui vit éternellement, devant qui les hommes sont comme le néant, et à qui personne ne peut résister et dire : Pourquoi as-tu fait cela ? Voir Nabuchodonosor.

IV. Vision des quatre animaux. — Nabuchodonosor mourut en 561. Daniel ne perdit, semble-t-il, ni ses charges ni son crédit sous ses successeurs, Évilmérodach, Nériglissor, Laborosoarchod, Nabonide et son fils Baltassar, qui lui fut associé comme roi trois ans avant la « hute de Babylone et en fut le dernier souverain. II n’est

pas douteux qu’il ne soit le Baltassar de Daniel. Voir t. i, col. 1370 et 1420. Le prophète resta sans doute étranger à toutes les révolutions politiques qui précédèrent l’avènement de Nabonide.

Il eut vers cette époque deux révélations. L’une, Dan., vii, est datée de l’association de Baltassar au trône de son père, 542. Il voyait quatre grands animaux « qui montaient l’un après l’autre de la mer immense » : le lion ailé, l’ours ayant sa proie dans la gueule, le léopard avec quatre têtes et quatre ailes, et un quatrième plus terrible que les autres, portant dix cornes, d’où sort une corne plus petite, qui en détruit trois des autres. L’Ancien des jours vient ensuite en grand cortège, pour exercer le jugement. La quatrième bête est livrée au feu ; les autres sont aussi abattues, et le Fils de l’homme reçoit du Juge « le royaume des saints du Très -Haut ». Daniel tremblant interroge un des anges sur le sens de la vision. On le lui donne : elle a le même objet que le songe expliqué Dan., n. Il en est très impressionné. Deux ans plus tard il en a le complément. Dan., viii, l b. Le prophète était (ou en réalité ou en vision, on ne sait, J. M. Fuller, dans The Holy Bible, t. VI, p. 310 ; J. Knabenbauer, In Daniel., p. 208), — à Suse, en Élam. Il vit d’abord un bélier donnant des cornes à l’ouest, au nord et au sud, et nul ne pouvait lui résister. Puis un bouc accourut de l’ouest par bonds prodigieux, sans presque toucher terre, et il se jeta sur le bélier et l’abattit et le piétina. La corne qu’il avait entre les yeux se rompit, et il en sortit quatre autres, et, peu après, de cellesci il en surgit une petite, qui fit à Dieu et au peuple des saints une guerre terrible : elle dura 2300 jours. L’intelligence de cette vision lui fut donnée, sur sa prière, par l’ange Gabriel : elle marquait le développement historique de l’empire médoperse (le bélier) et de l’empire grec (le bouc), avec une prédiction sur le règne d’Antiochus IV Épiphane. L’esprit de Daniel demeura troublé de cette vision, et il lui fallut plusieurs jours pour se remettre. Dan., viii, 27.

V. Festin de Baltassar. — Cependant les armées médo-perses se concentraient autour de Babylone. Nabonide venait d’être battu à Rulu, et, après avoir essayé de tenir dans Borsippa, il s’était rendu à Cyrus. Baltassar s’était jeté avec le gros de ses troupes et les principaux Babyloniens dans la ville, qu’ils croyaient imprenable et d’où ils défiaient les ennemis. G. Brunengo, L’Impero, t. ii, p. 423, 430 ; J. Knabenbauer, In Daniel., p. 157. Il donna, dans une nuit de fête, un grand festin. Ivre déjà, il fit apporter du trésor du temple de Bel, Dan., v, 2 ; cf. i, 2, les vases d’or et d’argent ravis au temple deJéhovah par son aïeul, et il les profana, lui, ses officiers, ses femmes et ses concubines. Mais voici que des doigts comme d’une main d’homme parurent sur la paroi blanche d’en face, écrivant quelques mots. Nul des sages appelés ne put même les lire, loin de pouvoir en donner le sens. On fit venir Daniel. Le prophète, dans cette salle, parla en termes magnifiques de Nabuchodonosor, le père du roi, qui après une épreuve terrible avait reconnu que « le Très - Haut domine sur les royaumes humains », tandis que son successeur venait de s’élever contre « le Maître du ciel », en buvant dans ses coupes sacrées et en louant des dieux qui ne vivent pas. Puis il lut l’écriture : Mené’mené’feqêl ûfarsîn, et l’interpréta de l’empire babylonien dont le temps est décidément achevé, compté, mené’(numeratum), le poids trop faible, feqel (appensum), et qui est divisé, pharsin (dividentes — divisum, v, 28) et transporté aux Médo-Perses. Voir t. i, col. 1422. Daniel reçut alors les honneurs royaux qui lui avaient été promis, la robe de pourpre, le collier d’or et le troisième rang ; et sa prédiction s’accomplit quelques heures à peine après. Baltassar fut tué, la hache symbolique à la main, dans le tumulte causé par l’irruption subite des Perses dans la salle royale : c’était le 3 de marchesvan 538. Tablette des À nnales de A’a&o II. — 40

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DANIEL LE PROPHÈTE

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nide, verso, col. 1, lig. 18, 19 ; F. Vigoureux, La Bible et tes découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 369.

VI. Daniel sous Darius le Mède. — Babylone prise, Darius le Mède en fut établi roi par le vainqueur ou du moins gouverna la ville avec un titre équivalent. Voir Darius le Mède. Il tint Daniel, quoique celui-ci eût servi la dynastie vaincue, en très haute estime. C’est peut-être à ce moment que le prophète eut sa fameuse vision des soixante-dfx semaines ; c’était, en effet, la première année de Darius. Dan., ix, 1. Il méditait de toute son âme sur les soixante-dix ans prédits par Jérémie, ^. 2, qu’il voyait sur le point de finir, et il adressait à Dieu, dans la pénitence et le jeune, une prière humble, touchante, très fortement motivée. Le même ange Gabriel, qui déjà lui avait parlé, ch. viii, lui annonça alors, dans un avenir lointain, les soixante-dix semaines d’années, qui commencent à la publication de l’édit (dâbâr) pour rebâtir Jérusalem, « les places (portes) et les murs » de la ville, et se terminent à la mort violente du Messie par une alliance remplaçant l’ancienne désormais abolie, ch. ix. Il était encore tout rempli de cette vision, lorsqu’il fut placé par Darius, avec deux autres, à la tête des cent vingt gouverneurs (’âhaSdarpenayyâ’; Vulgate : satrapse) que ce roi venait d’instituer. Il leur était supérieur à tous, « parce que l’esprit de Dieu était plus vaste en lui » qu’en eux. Cf. v, 12 ; vi, 2. Darius songeait même à l’établir sur tout le royaume, lorsque la jalousie des grands de Babylone l’en empêcha. Ils lui firent porter un édit qui interdisait d’adorer pendant trente jours tout autre que le roi. Daniel, qui n’en tint aucun compte, fut surpris, dénoncé et, malgré les efforts et la douleur du roi, jeté dans la fosse aux lions. Cf. Ezech., xix, 6-9. Étant venu de grand matin, Darius fut joyeux de trouver le prophète sain et sauf ; il livra ses accusateurs et leurs familles aux lions, qui les dévorèrent sur-le-champ, et il promulgua un décret ordonnant « de révérer et de craindre le Dieu de Daniel, Dieu vivant et éternel, Dieu libérateur et sauveur, dont le royaume ne sera pas détruit ». Or Daniel fut en faveur (haslafy = prospère egit, vi, 29 ; Vulgate, 28) auprès de Darius et auprès de Cyrus le Perse.

VII. Dernières années de Daniel. — Il était survenu à cette date dans la vie d’Israël un changement qui dut émouvoir profondément l’àme du prophète. Cyrus, inaugurant au lendemain de sa conquête une politique nouvelle vis-à-vis des peuples vaincus, leur permit de rentrer en paix dans leur patrie (voir I Esdr., i, 1) : c’était la première année de son règne, l’année de la chute de Babylone ; car Cyrus prit immédiatement le titre de roi de Babylone (sar Babilu) simultanément avec Darius, qu’il établit avec lui gouverneur de cette ville. J. Knabenbauer, In Daniel., p. 345. Il fit rendre à la première caravane les vases saints emportésjadis de Jérusalem par Nabuchodonbsor, et voulut qu’on vint à son aide de toute manière.

Pourquoi Daniel ne retourna-t-il pas en Judée avec ses frères ? On ne le sait pas sûrement, mais c’est sans doute parce qu’il était chargé d’années (plus qu’octogénaire) ; qu’il pouvait être très utile, nécessaire même à ceux qui restaient pour les protéger, et à ceux qui partaient pour les aider à la cour dans la restauration de Jérusalem, qui allait se heurter à tant d’obstacles. Il demeura donc et fut le conseiller plus que jamais écouté du roi persan. Il en était l’hôte ordinaire (Septante : (ru[16twTTK) et le convive. Un jour le roi de Babylone (Cyrus) lui reprocha de ne pas adorer Bel, voir t. i, col. 1556, ce dieu qu’il révérait lui-même par politique, qui vivait, puisqu’il mangeait et buvait. Daniel répondit en souriant, et par un stratagème très simple, il convainquit devant le roi de supercherie et de mensonge les soixantedix prêtres qui desservaient le temple. Le sanctuaire (eîSwXsïov), partie du temple (B^tov) ou peut-être le temple lui-même (rien ne s’y oppose historiquement), fut ensuite détruit. — Une autre fois, c’est le serpent adoré par les

Babyloniens, un dieu vivant, disait le roi, que Daniel fait mourir, selon sa promesse, « sans épée et sans bâton, avec un gâteau de poix, de graisse et de poils, » et dont l’étouffement porte au comble la fureur des Babyloniens contre le roi, « devenu juif, » disent-ils. Ils s’ameutent et exigent la mort du prophète. Le roi cède. Daniel est jeté dans une fosse où il y avait sept lions, dont on irritait intentionnellement la faim. Il y reste six jours, nourri miraculeusement. Au septième, Cyrus vient à la fosse, où il le voit vivant, « assis au milieu des lions. » Jetant un cri, il l’en fait retirer, et, comme ses prédécesseurs, Nabuchodonosor, Baltassar et Darius, il proclame la grandeur de Dieu par toute la terre, ch. xiv.

— Une dernière révélation, datée du 24 nisan 536, achève d’éclairer Daniel sur l’avenir de son peuple au milieu des puissances de ce monde, et clôt la vie du prophète ; Dan., x, 1, 4. Il était sur le Tigre lorsqu’un ange de forme humaine et rayonnant lui apparut et l’instruisit « de ce qui devait arriver au peuple de Dieu dans les derniers jours ». Après la monarchie médo-perse viendra un roi vaillant, l’auteur de la monarchie grécomacédonienne. Il y aura entre les rois des deux royaumes du nord (Syrie) et du sud (Egypte), qui en sortiront, des luttes sanglantes et opiniâtres et pleines de vicissitudes. Un de ces premiers nommément (Antiochus IV Épiphane) fera une guerre terrible et causera des maux inouïs « au pays de gloire », enjeu de toutes ces rivalités. A la fin il périra, et le peuple sera sauvé par le secours de l’ange Michel. Le temps de l’épreuve est ensuite fixé dans une vision complémentaire à 1290 et à 1 335 jours. Après quoi Daniel fut laissé par l’ange pour toujours. — Il n’est plus question nulle part du prophète. Une foule de légendes ont couru sur sa mort et sa sépulture. Babylone, Ecbatane, Suse, passent pour avoir son tombeau (fig. 472). Voir Àcta sanctorum, julii t. v, p. 117-131. Cf. Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1888, t. i, p. 20-22. Il pouvait être nonagénaire lorsqu’il mourut. Pour la vie de Daniel, voir notamment : Payne Smith, Daniel, Londres, 1886 ; H. Deane, Daniel, his life and times, Londres, 1888. Cf. Fabre d’Envieu, Daniel, t. i, p. 1 et suiv. ; R. Cornely, Introductio specialis, t. ii, 2, p. 466. Voir le beau portrait de Daniel, tracé par E. B. Pusey, Daniel, p. 15-20.

VIII. Mission de Daniel. — On peut voir ce qu’elle fut par tout ce qui précède. On peut dire qu’il eut une triple mission et qu’il la remplit avec éclat. 1° Vis-à-vis des captifs, ses frères, il fut un docteur de justice et de piété, et, par sa haute influence auprès des rois qui se succédèrent en Babylonie, un très puissant protecteur. Transportés dans le monde chaldéen, si semblable à eux pour les habitudes religieuses, la forme cultuelle, les formules même de prières (Lenormant, Études accadiennes, t. iii, p. 161), ils étaient très exposés au péril d’apostasie. Il est certain qu’ils passaient par une crise où leur foi et leur religion, espérance de l’avenir, pouvaient périr. Dieu leur envoya des prophètes qui les secoururent, Ézèchiel ( voir Ézéchiel) et Daniel. Daniel, par sa rigide fidélité à la loi, par sa piété intrépide et par ses visions mystérieuses, affermit la foi des captifs et les préserva de l’idolâtrie ou de l’apostasie ; c’est pour cela que la Providence l’envoya à Babylone dès le commencement, dans la première des quatre grandes transmigrations chaldéennes. Il fut ainsi le protecteur et le défenseur de ses frères. Vivant au milieu de leurs vainqueurs, leur condition était misérable. On sait en général, par les tablettes et les représentations venues jusqu’à nous, à quels travaux d’esclaves et à quelle vie très dure ils étaient assujettis. Ps. cxxxvi. Certainement Daniel, que Dieu avait fait si grand et si puissant à Babylone, mêlé activement à toutes les affaires, sut adoucir leur sort et leur assurer la bienveillance des rois. Cf. IV Reg., xxv, 27-30. On en trouve la preuve dans son livre. — 2° Il eut aussi une mission pour les Babyloniens eux

mêmes. Leur orgueil était extrême ; ils voyaient la terre entière ( moins l’Egypte, et encore combien aflaiblie ! ) c faire silence devant eux, » et ils en rapportaient la gloire à leurs dieux. C’était pour eux un dogme que la victoire d’un peuple était la victoire de son dieu sur le dieu des vaincus. Israël et Juda avaient succombé. Donc Jéhovah, leur Dieu, était censé vaincu par Bel-Mardouk, ou Nébo ; il n’était plus qu’un dieu local, secondaire, abaissé et diminué. Telle était leur conviction, qui risquait d’être partagée par les Juifs, hésitants et troublés. Daniel fut suscité pour écarter ce scandale, et relever aux yeux des Chaldéens la gloire humiliée du Dieu unique et souverain. C’est pourquoi, à cinq ou six reprises, des faits d’un surnaturel extraordinaire se produi p. 24-36 ; C. Keil, Der Prophet Daniel, Leipzig, 1869, p. 4, 5-10. E. Philippe.

5. DANIEL (LE LIVRE DE). — T. CARACTÈRE DE CE livre. — Il a pour objet général de montrer le souverain pouvoir de Dieu sur les peuples et dans le gouvernement de l’univers. Il est visible, à la simple lecture, que telle est la conclusion des récits historiques et des prophéties proprement dites qui le composent. Les récits où Daniel intervient, — récits choisis et comme détachés, — tombent uniformément sur cette finale, que Dieu est le Dieu des dieux, le maître des vois ; qu’il donne et qu’il enlève l’empire à qui il lui plaît. Dan., ii, 47 ; iii, 96, 99, 100 ; iv, 34 ; VI, 26, 27. Les prophéties le révèlent encore mieux en

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472. — Tombeau de Daniel, 4 Snse.

sirent, qui exaltaient pardessus tous les dieux le Dieu de Daniel, « dont le pouvoir est éternel, s Dan., ii, 47 ; m, 95, 96, 99, 100 ; iv, 31, 32, 31 ; vi, 26, 27 ; xiv, 42 : c’est manifestement le sens final de ces chapitres. — 3° Une autre mission de Daniel fut de conserver et de développer au sein du monde païen les idées et les espérances messianiques. La forme dans laquelle on les voit présentées, c’est la vision du royaume qui aura une origine invisible, qui succédera aux grands empires et aux royaumes issus d’eux, et qui, formé du « peuple des saints du Très-Haut s, avec le Messie pour prince, s’établira à travers mille vicissitudes et des luttes constantes, et ne sera jamais détruit. C’est pour faire paraître ces vérités que Dieu suscita Daniel. C’est lui qui les publia et qui contribua puissamment par sa parole et son action prédominante à créer dans tout l’Orient ce courant d’opinion qui remplit plus tard l’Occident comme « une vieille et constante tradition : que des hommes partis de Judée prendraient enfin le gouvernement du monde ». Daniel fut le prophète des nations comme saint Paul devait en être l’apôtre. R. Cornely, Introductio in libros tacros, t. ii, p. 472, 4 ; Fabre d’Envieu, Daniel, t. i,

exposant dans une synthèse saisissante, répétée quatre fois, la succession des empires de ce monde, qui doivent disparaître devant le Messie et être remplacés par son impérissable empire.

II. Division du livre. — Il est formé de deux parties et de deux appendices. Les deux appendices rentrent dans la première partie, où ils trouvent place, par ordre de temps : l’un, le chap. xiii, 1-64, avant le chap. ii, et l’autre, le chap. xiii, 65-xiv, 42, après le chap. vi. La première partie est historique, la seconde prophétique. Très communément, on fait commencer la seconde au chap. vu ; la partie historique comprend seulement les six premiers chapitres, le premier excepté. Telle est, en effet, la division admise par les anciens et par beaucoup de modernes, même rationalistes. J. Knabenbauer, In Daniel., p. 16. Mais il en est d’autres qui joignent le chap. vu à la première partie, parce qu’il reprend, dans une autre forme, le chap. ii, et qu’il est, comme celui-ci, écrit en araméen. Ces raisons ne sont pas convaincantes. Cf. Auberlen, dans Trochon, Daniel, Paris, 1889, p. 8.

III. Analyse du liviie. — I. Isiuoductios, — Trans

porté à Babylone, Daniel est élevé dans le palais du roi, avec trois jeunes Hébreux de sa tribu, et s’y livre à l’étude de la littérature chaldéenne. Resté Adèle à Dieu et à la loi, il est admis, pour sa sagesse et son intelligence des visions et des songes, au service du roi, I.

il. Première partie : partie historique. — (1° Histoire de Suzanne, xm. — Susanne, très belle et très pieuse, est sollicitée au mal par deux juges, deux vieillards, qui se sont entendus pour la séduire, 1-20. Susanne résiste, 22-24. Les vieillards l’accusent d’adultère et la font condamner à mort, 25-41. Daniel, suscité de Dieu, intervient, revise le procès, convainc les juges de faux témoignage et justifie Susanne. Grandeur de Daniel, 42-64. [ Addition deutérocanonique.]) — 2° Songe de Nabuchodonosor, n. — Le roi a un songe que personne d’entre les sages ne peut ni rappeler ni expliquer, 1-13. Daniel en obtient de Dieu, par ses prières > le récit et l’intelligence, 14-23. Il le révèle au roi, et l’interprète : c’est la vision delà statue aux quatre métaux symboliques, détruite par une pierre qui devient une montagne, 24-45. Le roi, très ému, proclame Dieu le Dieu des dieux, le nullre des rois, et élève Daniel à une très haute dignité, 4C-49. — 3° Les trois amis de Daniel dans la fournaise, m. — Les trois jeunes Hébreux ayant refusé d’adorer, comme le roi le commandait sous peine d’être condamnés à périr dans le feu, le grande statue de la plaine de Dura, sont jetés avec leurs vêtements dans la fournaise, chauffée ce jour-là à l’excès, 1-23. (Azarias et ses deux compagnons marchent dans les flammes en chantant. Prière d’Azarias, puis cantique d’action de grâces, où toutes les œuvres de Dieu sont invitées par groupe à le louer, chanté par tous les trois, 24-90. [Addition deutérocanonique.]) Le roi, qui s’est approché et a constaté qu’ils étaient vivants, ayant au milieu d’eux comme un fils des dieux (un ange), bénit et loue Jéhovah, et porte un décret pour défendre de le blasphémer, 91-97. — 4° Édit relatif au songe et à la folie de Nabuchodonosor, n, 98- iv. — Inscription. Salut. Doxologie. 98-100. Ayant eu un songe, que les sages babyloniens ne peuvent expliquer, le roi appelle Daniel, qui le lui explique. Le grand arbre qu’il a vii, c’est lui-même. Il sera privé du royaume pendant sept temps et vivra parmi les bêtes, après quoi il sera rétabli. Qu’il fléchisse donc la colère de Dieu par des bonnes œuvres, iv, 1-24. La prédiction se vérifie un an après, tout entière. Revenu à lui, il reprend le pouvoir. Fin de l’édit, qui est une louange du « Roi du ciel », 25-34. — 5° Festin et mort de Baltassar, v, — Dans un grand banquet, la nuit, le roi profane les vases du Temple de Jérusalem, qu’il a fait retirer du trésor. Apparition sur la muraille d’en face de doigts traçant des mots fatidiques, que les sages se déclarent incapables même de lire, 1-8. Daniel, après avoir reproché au roi son impiété et son orgueil, les lit et les interprète, 9-29, col. 1250. Réalisation de la prédiction, 30-31. — 6° Daniel jeté dans la fosse aux lions, et sauvé, vi. — Darius le Mède, par le très grand crédit qu’il accorde à Daniel, excite contre celui-ci la jalousie des satrapes, qui lui font lancer un décret obligeant à n’adorer pendant trente jours que lui seul, 1-9. Daniel, surpris à prier malgré le décret, est dénoncé et jeté aux lions, 10-17. Préservation miraculeuse du prophète. Joie du roi, qui ordonne à ses sujets de révérer le Dieu de Daniel, 17-28. — (7° Destruction de Bel et du dragon, xiv, 1-42. — Daniel, invité par le roi à adorer Bel, lui prouve l’imposture des prêtres qui servent ce dieu. Mort des imposteurs. Renversement du sanctuaire, xiii, 65-xiv, 21. Invité de nouveau à adorer le grand serpent, vivant celui-là, Daniel le tue sans épée ni bâton, 22-26. Émeute dans Babylone contre lui. Il est jeté dans la fosse aux lions. Il en sort six jours après. Ordre royal d’adorer avec crainte le Dieu de Daniel, 27-42. [Addition deutérocanonique.])

/II. Deuxième. partie : partie pboprétiqve. — 1° Vision des quatre animaux, gui représentent les

quatre grands empires, auxquels succédera le royaume du Messie, vu. — 1. Vision des quatre grands animaux, 1-8 ; — 2. Apparition de l’  « Ancien des jours », et son jugement, 9-15 ; — 3. Explication par un ange de cette vision, 16-28. — 2° Vision du bélier et du bouc, qui représentent le second et le troisième des grands empires, vin. — 1. Description de la vision, 1-14 ; — 2. Son explication par un ange, 15-27. — 3° Vision des soixante-dix semaines, rx. — 1. Prière de Daniel pour son peuple ; 1-14 ; — 2. en faveur de qui il implore la miséricorde de Dieu, 15-19 ; — 3. Révélation par l’ange Gabriel du temps précis de la venue du Messie et de la conclusion de la nouvelle alliance, 20-27. — 4° Vision des empires et spécialement de l’empire grec et de l’Antéchrist, x-XH. —

1. Apparition d’un ange resplendissant de lumière, qui révèle à Daniel ce qui doit arriver à son peuple, x ; —

2. Révélation sur les deux empires perse et grécomacédonien, puis spécialement sur les deux royaumes issus de ce dernier et sur les persécutions d’Antiochus IV Épiphane, figure de l’Antéchrist, xi-xh, 3 ; — 3. Autre révélation sur la durée de ce qui a été prédit, xii, 4-13.

IV. Unité du livre. — Ce livre, quoi qu’il en soit des apparences, forme un tout logique, dont l’unité est assez évidente. — 1° Tout se tient dans la première partie. La mention des vases sacrés, I, 2, prépare l’ordre de Baltassar, v, 2, 3, 23. L’éducation chaldéenne des trois amis de Daniel et leur piété rigide expliquent les dignités dont ils sont revêtus et leur résistance au roi, i, 4, 17, 19, 20 ; cf. m. L’intelligence des visions et des songes, don spécial fait à Daniel, rend très naturelle son intervention dans le procès de Susanne, xiii, et dans le songe de Nabuchodonosor, n. Très connu du roi pour ce motif, on conçoit qu’il lui explique la vision du chap. iv. Son apparition dans la salle, chap. v, n’a plus rien ensuite qui surprenne. Et toute cette extraordinaire réputation qu’il s’est faite ainsi justifie les faits racontés chap. vi et chap. xiv : c’est le même genre de prodiges et la même raison d’influence à la cour babylonienne. — 2° Tout se tient aussi dans la seconde partie. Les quatre visions dont elle est composée se complètent l’une l’autre. On peut dire que les trois dernières sont implicitement dans la première. Voir vii, 4, 5, et vm ; vii, 22 b, 26, et ix ; vii, 6, 26, et x-xii. Voir aussi viii, 9-14, 22, 23-26, et x-xii. Ajoutez qu’une vision commune les relie et les domine, — celle de ]’  « Ancien des jours », dont les empires sont dits, ici et là, dépendre et relever. — 3° Les deux parties, à leur tour, s’appellent mutuellement. Même objet général : ainsi le chap. vu est le chap. H autrement symbolisé. Même espèce de prédiction, par vision et par songe. Même esprit, mêmes vues sur l’avenir prochain et éloigné. Même ordre : ordre de temps suivi dans le classement des chapitres des deux parties. Même fin : prouver que Dieu est le Dieu des dieux, le maître des rois et des empires. L’unité est donc certaine. Gall, Die Einheitlichkeit des Bûches Daniel, Giessen, 1895 ; J. Knabenbauer, In Daniel., p. 17-19 ; Hebbelinck, De Auctoritate, p. 19-25, et surtout Pusey, Daniel, p. 9-15. — Cette unité n’est contredite ni par l’usage successif de la première et de la troisième personne (on le trouve dans Isaïe, vi, 1, 5 ; vii, 3 ; viii, 1 ; xxxvii, 6) ; ni par l’usage des deux langues que l’on constate dans le livre, car on le trouve dans Esdras, dont l’écrit n’a jamais été attribué à deux auteurs. Du reste, la manière dont la transition de l’hébreu à l’araméen est faite, en plein verset ii, 4* et 4 b, écarte toute dualité d’auteurs. Aussi cette unité est-elle reconnue aujourd’hui par les rationalistes eux-mêmes. A. Kuenen, Histoire critique des livres de l’Ancien Testament, trad. A. Pierson, Paris, 1868, t. ii, p. 519, 520 ; Bleek-Wellhausen, Einleitung in das Alte Testament, Berlin, 1886, p. 414, 415.

V. Auteur du livre. — Si le livre est un, il faut qu’il n’ait qu’un seul auteur. Et en effet, quoi qu’on ait dit et soutenu autrefois (J. Knabenbauer, In Daniel., p. 19). il est communément reçu qu’il n’a qu’un auteur. — Il a

pour auteur un contemporain de Daniel, vivant en Chaldée, au vi » siècle, et c’est Daniel lui-même.

I. Preuves positives. — 1° Preuves internes, tirées du livre lui-même. — Il est certain que Daniel a écrit la partie prophétique du livre, vn-xii. — 1. Il l’affirme implicitement, car il y parle constamment à la première personne. Dan., vii, 2, 6, 7, 8, 9, 11, 13, 15, 16, 19, 21, 28 ; vm, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 26, 27 ; ix, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 13, 20, 21, 22 ; x, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15-21 ; xi, 2 ; cf. xii, 1, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 13. Il l’atfirme, en outre, explicitement. Dan., vii, 1. Araméen : B’êdayin helmâ’kefab re’S millin’amar, « alors il écrivit le songe, et il en dit le sommaire. » Le moins qu’on puisse conclure, c’est que Daniel écrivit cette vision ; ce que l’on doit aussi dire des autres, qui en sont le complément nécessaire. Voir Dan., viii, 26, et surtout xii, 4, cꝟ. 9 (avec le commentaire de J. Knabenbauer, In Daniel. , p. 221 et 317). Mais, s’il faut attribuer à Daniel les prophéties, il faut lui attribuer aussi les récits, à cause du lien qui unit étroitement ceux-ci à celles-là, et à cause de l’unité prouvée du livre, — c’est-à-dire, en somme, le livre tout entier. — 2. Cette preuve est confirmée en premier lieu par la dualité des langues usitées dans le livre. Il est écrit, en effet, en deux langues, l’hébreu et l’araméen oriental ou chaldéen. L’hébreu aramaïse quelque peu, et le chaldéen hébraïse légèrement. L’usage de ces deux idiomes y est tel, qu’ils paraissent à n’en pas douter très familiers à l’auteur. Donc a) cet auteur était Juif : un Juif seul peut ainsi se servir de l’hébreu ; et b) il vivait au milieu du vje siècle, exactement ; car c’est alors seulement, vers l’an 550, que l’emploi simultané, par un Juif, de l’hébreu et de l’araméen est possible, historiquement parlant : plus tôt, l’araméen n’est pas encore vulgaire. Ajoutez en particulier que l’araméen de Daniel ressemble autant à l’araméen d’Esdras, qu’ils diffèrent également tous deux de celui des Targums postérieurs. Voir plus loin sur la langue.— Elle est confirmée en second lieu par la coïncidence merveilleusement exacte qui existe entre les données du livre, données historiques, archéologiques, orientales, et par ce que nous savons sûrement d’ailleurs. Il serait trop long de l’exposer en détail. Quelques savants l’ont fait. Nommons entre autres : F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iv, p. 255-419 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1891, t. v, p. 171-228 ; G. Brunengo, L’impero di Babiloniae di Ninive, Prato, 1885, t. ii, p. 244-522 ; Fr. Lenormant, La divination et la science des présages chez les Chaldéens, Paris, 1875, Appendice, p. 169-226 ; F. Kaulen, Assyrien und Babylonien, Fribourg-en-Brisgau, 2e édit., p. 103-129. — Résumons très rapidement cette preuve avec F. Kaulen. « La partie historique du livre, dit-il, répond exactement aux données de l’Ancien Testament. Les autres livres ne parlent pas du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, mentionné 1, 1 ; mais il est exigé par IV Reg., xxiv, 1, et II far., xxxvi, 6. La troisième année de Joakim est justement désignée comme date du départ de Nabuchodonosor, N3, bâ’} et la quatrième comme date de son accession au trône, Jer., xxv, 1 ; xlvi, 2 ; et cette antinomie ne fait que confirmer la crédibilité du récit. » — À partir du moment où les jeunes Hébreux entrent au palais du roi, le livre a souvent occasion de rappeler les institutions babyloniennes. Par suite des découvertes que l’on a faites, ces institutions, identiques du reste à celles d’Assyrie, sont très connues. Or à cet égard tout ce qui a paru jusqu’ici confirme le livre de Daniel. Ainsi l’intendant de la maison du roi s’appelle bien « le chef des eunuques, » comme il paraît dans de nombreuses figures, i, 3. Les jeunes Hébreux destinés au service du roi sont « instruits dans l’écriture et la langue des Chaldéens ». On sait aujourd’hui qu’à Babylone il existait une écriture et une langue étrangères, création d’une race non sémitique, dont les débris vivaient

en caste séparée, sous le nom de Kasdim. J. M. Fuller, Daniel, p. 252. Que les classes élevées dussent apprendre cette langue, c’est ce que prouvent les syllabaires et les vocabulaires que donnent les tablettes. Parmi les noms imposés aux jeunes Hébreux, i, 7, ceux de Baltassar et d’Abdénago sont si clairement babyloniens, qu’il faut aussi regarder comme tels les deux autres, quoiqu’ils ne soient pas encore expliqués. Que les mages aient été très considérés en Babylonie et par les rois, comme on le voit i, 20 ; ii, 2 ; iv, 3, on le sait de reste par les écrivains classiques, et une série de rapports faits par eux le confirme. Records of the Past, t. i, p. 153. Les sciences occultes, qui sont en faveur auprès des rois, étaient en effet, si l’on en croit F. Lenormant, une partie intégrante de la culture babylonienne. Les sciences occultes en Asie, 2 in-8°, Paris, 1874-1875. La formule « Rex in aeternum vive », par laquelle on salue les rois chaldéens, ii, 4 ; m, 9 ; v, 10 ; vi, 6, 21, est commandée par l’étiquette orientale. II Esdr., ii, 3 ; Cf. Judith, xii, 4 ; ^Elien, llist. var., i, 32 ; Quinte-Curce, vi, 5. Cf. F. Kaulen, Assyr. und Babyl., 2e édit., p. 185-192. Même formule dans les suppliques aux monarques assyriens. Smith, Assyrian Discov., Londres, 1875, p. 230, 309, 409, 414. Les exigences absurdes de Nabuchodonosor, ii, 3, s’expliquent parfaitement par le despotisme babylonien. Menacer de fuite « des maisons un amas de boue », c’était menacer, en style ordinaire, d’une entière destruction. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 34. Le titre de « roi des rois », donné par Daniel au monarque babylonien, se lit couramment sur toutes les tablettes royales de l’Asie antérieure. F. Kaulen, Assyrien, p. 109. La plaine de Dura, iii, 1, a été retrouvée par M. Oppert dans l’enceinte de la vieille Babylone, et l’on y voit aujourd’hui encore la substruction d’un colossal monument. Expédition en Mésopotamie, t. i, p. 239, 240. L’endroit porte toujours le même nom, Journal of the Royal Geographical Society, t. x, 1840, p. 93, qui signifie « remblai ou enceinte », selon la version des Septante : Iv neMu> toO rcspt60Xou. L’érection d’une statue dans un but politique ou religieux était chose fréquente en Assyrie et en Chaldée. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, p. 181. Dans la bouche des rois comme en Daniel, elle s’appelle zalam. Les dimensions de la statue élevée par Nabuchodonosor pourraient paraître invraisemblables, si l’on ne pensait qu’elles comprennent à la fois le piédestal et la statue elle-même. Hérodote, II, 149, en vit de pareilles en Egypte. Le supplice du feu, surtout pour cause politique, était très commun en Assyrie et en Babylonie, comme nous l’apprennent les inscriptions : c’est ainsi, par exemple, qu’Assurbanipal punit son frère révolté, Samassumukin, « en le jetant dans une fournaise incandescente. » Smith, History of Assurbanipal, Londres, 1871, p. 163 ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 263. Le même monarque raconte comment il avait imité son aïeul Sennachérib, en faisant jeter aux lions un certain nombre de révoltés. Smith, Assurbanipal, p. 166 ; F. Talbot, Illustrations of the Prophet Daniel from the Assyrian writings, dans les Transactions of the Society of Bïblical Arcliseology, t. ii, 1873, p. 361. Les édits de Nabuchodonosor sont conçus exactement dans la forme officielle que révèlent des édits analogues. Cf. I Esdr., iv, 17 ; vu, 12 ; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 252. Les conceptions religieuses de Nabuchodonosor sont d’une vérité historique frappante, comme il apparaît de sa reconnaissance du Dieu très-haut au sein de l’idolâtrie et de l’incrédulité babyloniennes. En particulier, iv, 29, répond parfaitement aux idées que l’on se faisait en Babylonie de l’action des dieux dans le monde. F. Lenormant, Les premières civilisations, 2e édit., Paris, 1874, t. ii, p. 166, 1. Que si Nabuchodonosor, enivré, s’écrie ^N’estce pas là cette grande Babylone, » etc., IV, 27, c’est une phrase qu’on lit presque mot à mot dans une inscription de ce roi. Voir Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, Ô

f. iii, 2, p. 25 ; Flemming, Diè grosse Steinplalteninsckrift Nebukadnezars II, Gœttingue, 1883, p. 18. Les « dieux d’or, d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre », dont il est parlé, v, 4, sont déjà connus par la lettre de Jérémie. Bar., vi. La main effrayante écrivit, v, 5, « sur la chaux de la muraille ; » les monarques assyriens et chaldéens ne connaissaient, en effet, pour décorer l’intérieur de leurs appartements, qu’un léger enduit de chaux blanche. F. Kaulen, Assyr., p. 52, 109. Une connaissance parfaite des temps de l’histoire se trahit dans l’expression « Mèdes et Perses », v, 28 : au début de Cyrus, on admettait encore que le royaume des Mèdes était passé à une autre dynastie, les Perses leur étant toujours volontairement soumis ; ce n’est que plus tard, quand les Achéménides furent devenus maîtres incontestés du pouvoir, que les Perses s’affirmèrent partout, dans ce vaste empire, comme nation privilégiée. Voir Spiegel, Die persische Inschriften, p. 3, 5, etc. — Cette parfaite exactitude se retrouve également en matière d’histoire. La vérité de l’Écriture est justifiée plus victorieusement encore ici que partout ailleurs. On sait présentement par les tablettes de Nabonide, comme aussi par celles de Cyrus, son vainqueur, qu’il eut un flls premier-né du nom de Belsassar (assyrien : Bel-sar-usur) ou Baitassar, qui fut associé au trône, comme Nabuchodonosor l’avait été au temps de la bataille de Charcamis. Jer., xlvi, 2. On peut donc parler de la « troisième année du roi Baitassar », viii, 1. Pinches, dans les Transactions of the Society of Biblical Archœology, vii, 1, 1880, p. 139. Baitassar dut défendre Babylone, pendant que son père tenait la province avec une armée ; mais il périt dans la catastrophe rapportée v, 30, et dans Hérodote. Voilà comment Nabonide était le premier et Baitassar le second personnage de l’empire, et c’est ce qui explique pourquoi, lorsqu’il s’agit du plus haut rang pour Daniel, v, 29, on ne lui promet et on ne lui donne que « le troisième ». Après sa victoire, Cyrus fit gouverner Babylone par Darius le Mède. Voir Darius le Mède. — Le silence des auteurs classiques sur ces détails n’infirme en rien la véracité du livre, et les pages de Daniel entrent sans effort dans la trame de l’histoire inattaquée. F. Kaulen, Einleitung in die Heilige Schrift, 3e édit., p. 392, 393. Cf. Foigl, Cyrus und Herodot, in-8°, Leipzig, 1881, p. 2 et suiv. ; Schrader, Die Keilinschriften und das Allé Testament, p. 443 et suiv. — De ces deux dernières preuves il ne résulte pas que le livre est nécessairement de Daniel ; mais on doit en conclure qu’il a pour auteur un Juif, vivant à Babylone, au temps du prophète. Que ce Juif soit précisément Daniel, c’est une conclusion que l’on tire d’ailleurs avec certitude. Voir Fr. Lenormant, La divination, p. 188, 189. Cf. A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 275-280.

2° Preuves externes, tirées de la tradition juive et de la tradition chrétienne. — 1. Daniel est nommé dans Ézéchiel, xiv, 20 ; mais nous n’insisterons pas sur ce passage, qui n’est pas explicite, non plus que sur la prière de Néhémie, II Esdr., ix : les. pensées et la forme de cette prière rappellent certainement Dan., ix, 5-19 ; mais il n’est pas certain qu’elles soient prises de Daniel. Cf. E.-B. Pusey, Daniel, p. 345-359. Dans Zacharie, i, 8-10 ; VI, 1-8, la vision des quatre cornes, des quatre chars et des quatre vents a pu être inspirée par Dan., vu ; mais cela est douteux. — Le canon hébreu de l’Ancien Testament, que l’on dit avoir été clos alors, contient parmi les hagiographes le livre de Daniel. — La version des Septante, par ses allusions, son adaptation visible aux temps d’Antiochus, prouve que le livre ainsi traduit est au moins antérieur à l’an 163, date à laquelle les rationalistes rapportent, en effet, cet écrit. — Le troisième livre sibyllin, composé par un Juif, vers l’an 170-168 (E. B. Pusey, Daniel, p. 364, note 6), s’inspire manifestement de Daniel. Sib. iii, v.’397, 400 : « Il y aura dix cornes. Près d’elles il en fera pousser une autre… Et alors la corne

qui aura poussé régnera… » Cf. Dan., vii, 7, 8, 11, 20.

— On ne saurait nier non plus que Mathathias n’ait emprunté à ce livre les deux faits de cette époque qu’il rappelle I Mach., ii, 59, 60 : le contexte l’exige évidemment.

— Plus explicites encore sont les textes de l’historien Josèphe. On peut les discuter, et avec A. Kuenen, Hist. crit., t. ii, p. 515 et suiv., les trouver incohérents, invraisemblables ; mais on ne peut méconnaître que le prêtre historien attribue à Daniel, en pleine conviction, le livre et les prophéties qui portent son nom. « Les livres qu’il a écrits et laissés (|316Xîa ôoa êvj auyypi’^âiJievo ; xaToO.eloretv), nous les lisons encore aujourd’hui. » Il parle nettement d’un livre de Daniel qui fut montré à Alexandre, quand, de Gaza, il vint en Judée. Ant. jud., X, xi, 7 ; cf. Bell, jud., IV, vi, 3 ; VI, ii, 1. Nul doute que telle ait été à cet égard la tradition juive de son temps.

2. La tradition chrétienne n’est pas moins expresse et a plus d’autorité encore. — Jésus attribue à Daniel une prophétie qui se trouve dans son livre. Matth., xxiv, 15 ; cf. Marc, xiii, 14. Il lui prend des expressions, par exemple, « Fils de l’homme, » qui lui sont spéciales. Math., xxiv, 30 ; Marc, xiii, 26 ; Luc, xxi, 27, cf. Dan., vu, 13, 14. Saint Paul a des idées et des manières de dire qui sont propres à Daniel. Il Thess., ii, 3, 4, 8, cf. Dan., vu, 8, 25, 11, 19 ; I Cor., vi, 2, cf. Dan., vii, 22 ; Hebr., xi, 33, allusion à Dan., vi et xiv ; I Petr., i, 10, cf. Dan., xii, 8. L’auteur de l’Apocalypse a certainement connu Daniel : c’est le même genre d’écrire, ce sont les mêmes révélations et souvent les mêmes images. A. Hebbelynck, op. cit., p. 64. — Avec le temps, la tradition sur l’origine du livre s’accentue de plus en plus. Les Pères et les écrivains ecclésiastiques se prononcent nettement pour l’attribution à Daniel. Porphyre, au me siècle, est le premier qui s’écarte de l’opinion traditionnelle. Il recule la composition du livre au temps d’Antiochus IV Épiphane, selon cette règle posée par lui, qu’un écrit où se lit une prophétie est postérieur à l’événement prédit. Il a fait école, non pas immédiatement, mais quinze siècles après, parmi nos rationalistes. Dans l’intervalle, l’authenticité du livre, défendue contre Porphyre par Methodius, Apollinaire, l’historien Eusébe (S. Jérôme, In Dan., Prol., t. xxv, col. 491), est affirmée par Théodoret nommément, et sans ombre d’hésitation, In Dan., vii, t. lxxxi, col. 1411, et par tous ceux qui vinrent ensuite. Il faut descendre jusqu’à Semler et surtout à Bertholdt pour trouver ce système de négation, qui est suivi aujourd’hui par la foule des exégètes et des critiques protestants et rationalistes. La base de leur système est l’axiome de Porphyre, et leurs thèses ne sont pas différentes au fond des siennes. « En présence des faits rapportés dans le livre, dit S. B. Driver, An Introduction to the Littérature of the Old Testament, Edimbourg, 1891, p.. 467, l’opinion qu’il est l’œuvre de Daniel n’est plus soutenante. L’évidence interne amène irrésistiblement à cette conclusion, qu’il n’a pas dû être écrit avant l’an 300 environ, et il est au moins psobable qu’il fut composé pendant la persécution d’Antiochus IV Épiphane, en l’an 168 ou 167. » Le plus fameux de ses adversaires par la science est A. Kuenen, qui, dans son Histoire critique, a recueilli et fait valoir avec talent (t. ii, p. 515-582, notes explicatives xxx-xxxv) toutes les objections possibles contre la composition du livre de Daniel. — Il n’en est aucune qui soit insoluble, comme nous allons le voir.

il. Preuves négatives. — Elles consistent dans la réfutation des objections soulevées contre l’authenticité. Les objections que nous discuterons, nous les prendrons non pas à A. Kuenen, à qui M. Trochon, Daniel, p. 16-58, a largement répondu, mais à S. R. Driver, qui est plus récent, et dont la critique est plus objective et moins radicale. Il en a trois séries, dont l’une se rapporte aux données historiques du livre, l’autre à la langue, l’autre aux doctrines particulières qu’il renferme.

1° Objections historiques. — « Les faits historiques sui-1261

    1. DANIEL##

DANIEL (LE LIVRE DE)

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vants sont une preuve plus ou moins décisive que l’auteur est plus jeune que Daniel : — 1. La place donnée au livre dans le canon, non pas avec les prophètes, mais dans la classe mixte des écrits que Ton nomme hagiographes, et encore au dernier rang de ceux-ci, dans le voisinage d’Esther. On sait peu de chose de certain sur la formation du canon. On sait cependant que « les Prophètes » furent antérieurs aux hagiographes. Si le livre de Daniel eût existé alors, on peut croire qu’il eut été admis comme œuvre de prophète et classé avec les prophètes. — 2. Jésus, fils de Sirach (environ 200), dans son « numération des gloires d’Israël, Eccli., xliv-l, parle d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel et des douze petits prophètes (collectivement). Il est muet sur Daniel. — 3. Que Uabuchodonosor ait assiégé Jérusalem et emporté les vases du Temple « la troisième année de Joakim », Dan., 1, 1, c’est bien improbable, quoiqu’on ne puisse, strictement parlant, démontrer le contraire. Non seulement le livre des Rois n’en dit mot, mais Jérémie, l’année suivante, parle (xxv et ailleurs) des Chaldéens de manière à faire croire que leurs armées n’avaient pas encore été vues en Juda. — 4. Les « Chaldéens », Dan., i, 4 ; ii, 2 et suiv., sont une expression qui équivaut à la caste des sages. Ce sens « est inconnu » au vocabulaire assyro-babylonien ; il n’apparaît qu’après la chute de l’empire babylonien, son emploi dans Daniel prouve ainsi que ce livre a été composé après l’exil. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 4’29. Il date nommément du temps où, en fait, les seuls Chaldéens connus appartenaient à la caste en question. Cf. Meinhold, Beitràge, 1888, p. 28.

— 5. Baltassar est donné comme roi de Babylone, et Nabuchodonosor, chap. v, 2, 11, 13, 18, 22, comme son père. Mais en réalité, c’est Nabonide (Nabu-nahid) qui fut le dernier roi de Babylone ; c’était un usurpateur, sans lien avec Nabuchodonosor, et dont un fils est connu sous le nom de Belsarusur. Schrader, Keilinschriften, p. 433 et suiv. On peut regarder comme probable, quoique nous n’en ayons encore aucune preuve dans les textes cunéiformes, que Baltassar commanda à Babylone pour son père, quand celui-ci (voir Sayce, Fresh Light, 1883, p. 170 et suiv.) marcha contre Cyrus ; mais il est difficile de croire qu’un contemporain ait pu, à cause de cela, lui donner le titre de roi. Pour sa parenté avec Nabuchodonosor, il est possible que Nabonide ait pu songer à s’affermir en prenant pour femme une fille du grand roi, lequel alors aurait été le père (le grand-père, en style hébreu) de Baltassar. Les termes du chap. v causent d’ailleurs l’impression que, dans l’idée de l’auteur, Baltassar est vraiment le fils de Nabuchodonosor. Quoique Baltassar soit un personnage historique, ayant probablement occupé une haute position au temps de la conquête, il faut bien avouer que le portrait qui en est tracé confirme l’opinion qu’il provient de la tradition juive postérieure. Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 434 et suiv. — 6. Darius, fils d’Assuérus, un Mède, est « établi roi sur le royaume des Chaldéens », après la mort de Baltassar, "V, 31 ; vi, 1 et suiv. ; ix, 1 ; xr, 1. Il semble qu’il n’y ait pas place pour ce roi. D’après tous les auteurs, c’est Cyrus qui succéda immédiatement à Nabonide, et devint roi de l’empire perse tout entier. On a conjecturé que Darius avait pu régner comme un vice-roi, — par conséquent, qu’on peut l’identifier avec Cyaxare II (de Xénophon ) ou un plus jeune frère d’Astyage, — que Cyrus aurait établi sur Babylone. D’ailleurs, vi, 1, où il organise l’empire en le partageant en cent vingt satrapies, et VI, 27, il est représenté comme roi absolu de la Babylonie, sans aucune limitation de pouvoir. De plus, vi, 1, on est très incliné à croire à une confusion avec Darius, fils d’Hystaspe. Toutefois les circonstances marquées ne sont pas telles qu’on ne puisse, absolument parlant, les adapter au rôle et à l’existence de Darius le Mède ; et le critique prudent n’appuiera pas trop sur le silence des inscriptions, car il en est encore qui n’ont pas paru au

jour. — 7. Il est dit, ix, 2, que Daniel o comprit par les livres », bas-sefârim, le nombre d’années pendant lesquelles Jérusalem devait être dévastée, selon Jérémie. L’expression dont on se sert implique que les prophéties de Jérémie faisaient partie d’une collection de livres saints, laquelle cependant, on peut l’affirmer hardiment, n’existait pas en 536. — 8. D’autres indications montrent que le livre n’est pas d’un contemporain, telles que les suivantes : l’improbabilité que Daniel, un Juif si religieux, ait consenti à entrer dans la classe des Chaldéens « sages », et que ceux-ci l’aient reçu parmi eux (i ; cf. ii, 13) ; la folie septennaire de Nabuchodonosor (lycanthropie), et l’édit qui s’y rapporte ; les termes absolus qu’ils emploient tous deux, lui et Darius (iv, 1-3, 34-37 ; VI, 25-27), pour, tout en persévérant vraisemblablement dans leur idolâtrie, confesser la suprématie du Dieu de Daniel et ordonner qu’on lui rende hommage. » S. R. Driver, Introduction, p. 467, 468, 469.

Réponses aux objections. — 1. Il est vrai que le livre se trouve actuellement parmi les hagiographes, mais primitivement il se trouvait parmi les Prophètes, comme on. l’a conclu de l’état des manuscrits des Septante et du texte de Josèphe, Contr. Apion., i, 8. Le Talmud et les talmudistes l’ont fait passer dans les hagiographes pour une raison d’école, très probablement parce qu’ils s’avisèrent de distinguer entre les prophètes d’office et les prophètes de grâce. Daniel étant plutôt un de ceux-ci, ils le séparèrent de ceux-là, et reléguèrent son livre, avec Esther et les autres ; dans la classe inférieure. Voir R. Cornely, lntroductio generalis, 1. 1, p. 29. Mais cette manière d’agir n’est certes pas une preuve de l’origine postérieure du livre. D’autant plus que les auteurs du canon n’ont pas suivi dans leur classement l’ordre du temps de composition. — 2. Le silence du livre de l’Ecclésiastique n’est pas une meilleure preuve. L’auteur ne se propose pas de donner une liste complète des gloires d’Israël ; il en est, et des plus pures, dont il ne dit mot. Puis, il n’observe aucun ordre dans l’éloge de celles qu’il célèbre. Enfin il n’est pas impossible que le manuscrit sur lequel la version fut faite n’ait été en mauvais état. On soupçonne fort les derniers chapitres d’être mutilés et interpolés. J. Fabre d’Envieu, Daniel, i, t. i, p. 764-765. — 3. « Il n’est pas improbable » que Nabuchodonosor ait assiégé Jérusalem « la troisième année de Joakim ». Du moins, ce qu’affirme Daniel (i, 1), c’est qu’  « il vint », bâ", se mit en marche pour cette campagne, la troisième année de Joakim. Nul ne peut convaincre d’erreur cette date ainsi comprise. Il marcha donc sur la Judée cette année, mais ce n’est que l’année suivante qu’il prit la ville. L’expédition est attestée non pas seulement par cet endroit, mais expressément par II Par., xxxvi, 6-7, et implicitement par IV Reg., xxiv, 1, 2. Cf..1er., xlvi, 2. Et c’est bien « l’année suivante », savoir, en fait, la quatrième année, que le prophète (xxv, 1) rappelle l’arrivée prédite des Chaldéens, que l’on allait voir à Jérusalem incessamment. Voir A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 75-78. — 4. Le mot « Chaldéens » (hébreu : Kasdim) offre, dans Daniel, deux sens : l’un général, i, 4, celui de « sages » babyloniens ; l’autre plus strict, ii, 2, celui d’  « astrologues », une des cinq classes dans lesquelles les premiers se divisaient. Le sens strict n’apparaît pas, que l’on sache, dans les textes cunéiformes publiés jusqu’ici ; mais dira-t-on pour cela que notre livre est écrit après l’exil ? Ce serait illogique. Que savons-nous d’ailleurs de l’assyro-babylonien, de ses éléments, de l’histoire de ses mots ? Peu de chose. E. B. Pusey, Daniel, p. 423, à propos de cette difficulté, se contente de dire : « Ce titre [de Chaldéens] ne s’applique pas à tous les mages, comme on l’a prétendu ; mais il est pris cette fois seulement dans son sens historique. » Cf. J. M. Fuller, Holy Bible, t. vi, p. 252. — 5. On refuse d’admettre que Baltassar ait porté le titre de roi. Or on ne peut guère douter aujourd’hui qu’il n’ait eu le titre de roi ou au moins de vice-roi, 11 était fils da Nabonide, et fut

associé au trône par son père. Cette opinion est fondée sur les inscriptions. On sait, par une tablette d’argile, que Nabonide étant à Téva ou Ténia, les septième, neuvième, dixième et onzième années de son règne, « le fils du roi, les officiers et les soldats étaient [ dans les forteresses du pays d’] Accad. » lig. 5, 10, 19, 23 (T. Pinches, Transactions, t. vii, p. 139-176) ; cette expression de la tablette : « le fils du roi, » abal sarru, doit se traduire, selon le P. Delattre (Salomon, Assurbanipal, Baltassar, Bruxelles, 1883), par « le fils-roi », ou mieux « le roi associé », ce qui prouve que Nabonide s’associa dans le gouvernement son fils. Il est naturel que ce fils associé ait été son premierné. Or son premier-né, « le rejeton de son cœur, » s’appelait Bel-sar-usur (Baltassar), suivant un des quatre cylindres trouvés à Mughéir ( Western Asiatic Inscriptions, t. i, p. 68 ; voir J. Menant, Babylonie et Chaldée, Paris, 1875, p. 258, col. ii, lig. 24, 25, 26), et plusieurs autres documents cunéiformes. Il est donc fort croyable qu’un contemporain ait pu parler de lui comme d’un roi.

— L’association de Baltassar au trône se justifie en outre par d’autres faits analogues, et surtout par Dan., v, 16 : « Tu seras le troisième dans mon royaume. » Pourquoi le troisième, et pas le second ? Parce que le second était Baltassar lui-même, le corégent. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes, t. iv, p. 464. — Nabuchodonosor est appelé son père, dans le texte, à plusieurs reprises, et c’est avec raison. Le mot « père », ’ab, a, en assyrien comme en hébreu, un sens large. Il signifie aussi « prédécesseur », comme des exemples le prouvent. Il veut dire sans doute ici « grand-père » ou s aïeul ». Baltassar était en réalité le petit-fils de Nabuchodonosor, son père Nabonide ayant épousé, pour s’affermir sur un trône usurpé, l’une des filles de ce glorieux monarque, peut-être la veuve de Nergal-sar-usur. Le fait est qu’il eut après Baltassar un autre fils portant ce grand nom, puisque dans l’inscription dite de Behistun, on lit que la Babylonie fut soulevée successivement par deux aventuriers « criant faussement : Je suis Nabuchodonosor, le fils de Nabonide ». La preuve, sans être péremptoire, n’est pas sans valeur.

— 6. On ne sait pas encore avec certitude à quel personnage historique répond Darius le Mède, vi. Il existe à cet égard sept ou huit hypothèses (voir G. Brunengo, L’impero, p. 452 et suiv. ; A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 191) que nous n’avons pas à discuter ici. Voir Darius le Mède. — La création des cent vingt satrapies, dont il est parlé vi, 1, n’est pas incroyable, pourvu que l’on entende ces satrapies de simples districts, et ces satrapes de simples gouverneurs assez semblables aux pihat assyriens. Y voir une copie de l’organisation faite par Darius Hystaspe, plus tard, c’est forcer le texte. Nous pensons, au contraire, que les divisions administratives du Mède furent comme le germe de ce qui se fit postérieurement, avec extension. Voir J. M. Fuller, Holy Bible, t. VI, p. 315. Rien d’ailleurs, dans vi, 23, ne nous oblige à croire que sa juridiction fût universelle et sans limite ; et il n’est pas à craindre, ce semble, que les inscriptions à découvrir ou à déchiffrer ne viennent donner raison à M. Driver. — 7. Le mot bas-sefarim, « par les livres, » Dan., ix, 2, ne signifie pas nécessairement une collection de livres saints. Il signifie simplement les livres, des livres déterminés, peut-être les seuls écrits de Jérémie, qui certes existaient avant Daniel. J. M. Fuller, op. cit., p. 352. Cf. J. Knabenbauer, In Daniel., p. 224. — 8. Il n’est pas improbable que Daniel ait pris rang parmi les « mages », et que ceux-ci lui aient fait place parmi eux. Moïse a été instruit par les prêtres égyptiens, Act., vii, 22 ; pourquoi Daniel ne l’auraitil pas été par les chaldéens ? Il a très bien pu s’initier aux secrets de leur science sans professer leurs doctrines. Il est vrai que les Perses n’instruisaient jamais de non-Perses, à moins d’un ordre du roi. Et on doit en dire autant des Babyloniens, par analogie. Mais cet ordre, les mages ici l’avaient explicite et formel. Cf. i, 3, 4. On sait par les textes cunéiformes que

les Assyriens faisaient élever à leur cour de jeunes étrangers, dont ils se servaient ensuite pour le gouvernement des pays conquis. — 9. La folie de Nabuchodonosor était une lvcanthropie. Le texte, Dan., iv, 22, rend la chose indubitable. Voir E. B. Pusey, op. cit., p. 428-440. Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints, t. iv, p. 331 et suiv. ; A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 159-169. La difficulté, à proprement parler, n’est donc pas là. La. difficulté est plutôt historique. Il n’est parlé nulle part de cette longue folie. Donc elle n’a pas existé, c’est une légende. Notons d’abord que sa durée n’est pas définie. Le texte annonce « sept temps », ce qui peut être, selon nous, trois ans et demi ; moins encore, suivant d’autres. Puis, du silence des contemporains on ne saurait conclure à l’inexistence du fait. Le silence est explicable. Parmi ceux qui pouvaient écrire ou écrivirent de Nabuchodonosor, plusieurs, comme Jérémie et Ézéchiel, étaient morts sans doute ; du reste rien ne les amenait à traiter ce sujet ; d’autres vinrent plus tard, comme Esdras et Néhémie, assez longtemps après ; d’autres ne nous ont laissé que de simples fragments ou se sont bornés à une partie du règne, comme l’auteur des Annales des Phéniciens et Philostrate. Mais encore n’est-il pas absolument vrai qu’il n’y a aunune trace du fait. On s’accorde généralement à le reconnaître, quelque peu défiguré, dans un texte d’Abydène. (Voir Eusèbe, Prsep. Ev., ix, 41, t. xxi, col. 760 ; Chron. arm., édit. Aucher, t. i, p. 59.) De plus, ne pourrait-on pas voir, avec des assyriologues de renom, une allusion à cette folie dans la Standard Inscription of Nebuchadnezzar, rapportée par les Western Asiatic Inscriptions, t. i, tabl. 56-64, col. vin. Cf. G. Brunengo, L’impero, p. 251 et suiv. et p. 340, 341. On ne s’attend pas d’ailleurs à la voir rappelée par les successeurs ; car c’est une loi des rois d’Assyrie et de Babylonie de taire tout ce qui peut, à certains égards, obscurcir leur gloire ou celle de la dynastie. Et enfin, cet accident singulier n’a pas dû laisser de trace bien sensible, parce qu’il dura peu, et qu’il est censé n’avoir été connu dans l’immense empire que très discrètement, les affaires continuant d’être dirigées fermement, comme d’habitude, ou par la femme favorite, ou par le rab-mag Bel-labar-iskun, ou même, a - 1 - on dit, par un conseil ayant Daniel à sa tête. L’édit qui annonce aux peuples, en style de curie, cet étrange événement, pour irrégulière qu’en paraisse la rédaction, n’offre vraiment aucune difficulté. Il n’y en a pas non plus dans les termes de suprême louange dont il se sert, lui, et après lui Darius et Cyrus même, pour. exalter le grand Dieu d’Israël ; car ils pouvaient en agir ainsi tout en restant idolâtres. Leur polythéisme, car ils étaient polythéistes, même Cyrus (on n’en doute plus aujourd’hui), excluait le monothéisme, mais non pas la confession et le culte d’un premier et souverain Dieu, — Deus exsuperantissimus, — dominant la foule des dieux inférieurs. Il n’y a donc pas contradicition. Cf. E. B. Pusey, Daniel, p. 440.

2° Objections philologiques. — « Le verdict de la langueest clair. Les mots persans [qu’on y rencontre] font conclure à une époque postérieure à l’établissement de l’empire des Perses. D’autre part, les mots grecs demandent, les mots hébreux appuient, les mots araméens permettent une date postérieure aussi à la conquête de la Palestine par Alexandre le Grand (332). » S. R. Driver, Introduction, p. 469. — Réponse. — Ni les mots ni la langue ne réclament cette date et cette époque. Les mots persans ne sont pas si nombreux qu’on prétend, « probablement quinze au moins, » dit M. Driver, p. 469, note 1. Du reste, on n’est pas encore fixé sur leur véritable origine (E. B. Pusey, Daniel, note A, p. 569 et suiv.) ; mais, quoi qu’il en soit, Daniel ayant vécu à la fin de sa vie sous la domination perse, rien n’empêche qu’il y ait des mots perses dans son livre. En tout cas, leur présence renverse l’opinion de la date machabéenne du livre ; car très certainement, en 163, l’influence persane n’existait

plus en Judée. Leur très petit nombre enfin n’exige pas qu’on reporte après l’exil la composition de l’ouvrage. — Il en faut dire autant au sujet des mots grecs. Il y en a quatre, y compris même sabeka, ?a|16ùxi], iii, 5, 7, 10, 15, qu’on reconnaît aujourd’hui comme asiatique, savoir : g « ; ercis = x£9<xpi ; , iii, 5, 7, 10, 15 ; pesantérin = <|/aXT>5pcov, m, 5, 7 (pesantérin), 10, 15 ; et sumfônîah = iu|i ?o)via, m, 5, 15. Or il n’est pas prouvé que ces mots soient certainement grecs. De bons critiques en doutent et retrouvent en Asie, bien avant Daniel, les instruments qu’ils désignent. J. M. Fuller, Holy Bible, t. vi, p. 281 (Excursus on the Musical Instruments). Et quand même ils seraient de racine grecque, il n’en résulterait pas que le livre où ils sont mentionnés fut écrit après l’exil : on établit très bien que dès le vin 8 siècle les Grecs étaient en relations avec les Assyriens et les Babyloniens. Les auteurs ont là-dessus les plus curieux détails. Voir Trochon, Daniel, p. 36 et suiv. On s’explique par là que ces instruments aient passé avec leur nom grec, — « le nom voyage avec la chose, » — dans l’Asie. — La conclusion que l’on tire du caractère de l’hébreu et de l’araméen de Daniel n’est pas plus juste. On l’a dit déjà, ces deux langues du livre sont bien du temps de la captivité, et non pas des siècles qui vinrent même immédiatement après. Nous donnerons les preuves à l’appui.

3° Objections doctrinales. — « La théologie du livre, dans ce qui la distingue, prouve qu’il a été composé après l’exil. Cette preuve, certes, a été présentée maintes fois, avec exagération. Par exemple, lorsqu’on avance que la doctrine de la résurrection ou la distribution hiérarchique des anges que l’on y rencontre est due à l’influence du parsisme, ou que l’ascétisme de Daniel et de ses compagnons et la fréquence de leurs prières sont des traits particuliers au judaïsme synagogal. Ces exagérations se justifient difficilement. Néanmoins il est indéniable que les doctrines du livre sur le Messie, les anges, la résurrection, le jugement du monde, y sont enseignées plus clairement, plus distinctement et plus largement que partout ailleurs dans l’Ancien Testament, et avec des traits approchant fort, sans être identiques, de ce qui se remarque dans la première partie du livre d’Hénoch, cent ans avant notre ère. Quoi qu’il en soit de quelques-uns de ces développements, qu’ils soient dus ou non, en partie, à des influences étrangères, ce qui n’est pas douteux, c’est qu’ils trahissent dans l’histoire de la révélation une période postérieure à la date traditionnelle du livre. Et cette conclusion est confirmée par le souffle général qui le traverse et le ton qui y règne : ce souffle et ce ton ne se rencontrent dans aucune des écritures appartenant au temps de l’exil. Ils sont plutôt de l’époque qui sépare la littérature postexilienne de la littérature juive qui surgit après le dernier écrit inspiré. Un certain nombre de considérations indépendantes l’une de l’autre, et dont plusieurs sont très pressantes, s’unissent ainsi pour établir que le livre de Daniel n’a pas été écrit avant l’an 300. » S. R. Driver, Introduction, p. 477.’— Réponse. — Tout cela ne prouve pas que le livre n’a pu être écrit dans l’exil ; encore moins qu’il l’a été vers l’an 300, et plus radicalement en l’an 163. — 1. Les doctrines dont il s’agit ne, proviennent certainement pas du parsisme. On a soutenu que les deux systèmes religieux, parsisme ou mazdéisme et judaïsme, ont puisé à une source commune ; mais on a soutenu aussi que c’est le parsisme qui a emprunté à l’autre, et cette affirmation de Ms r de Harlez, dans le Journal asiatique, 1880, t. xvi, p. 150, n’a pas été réfutée. Il est donc faux de rapporter au parsisme l’angélologie du livre, en particulier. Les rationalistes, en le faisant, vont même contre leur thèse, en un sens ; car enfin, en l’an 163, si une influence dominait parmi les Juifs, ce n’était pas celle des Perses, mais celle des Grecs. L’auteur avait du reste, sans aller en Perse, dans les théogonies chaldéennes de l’exil de quoi se créer une angélologie très développée. On trouve,

en effet, dans le vieux système accadien et dans le système plus épuré des Babyloniens, une hiérarchie très compliquée et très exactement classifiée d’esprits bons et d’esprits mauvais, que les études des assyriologues nous ont révélés. Voir Fr. Lenormant, La magie chez les Chaldéens, p. 23, 138, 139 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, 1895, p. 630 et suiv. — 2. D’ailleurs pourquoi serait-il sorti du judaïsme ? Toute sa théologie se retrouve dans les écrits parus avant la captivité. Le peu qu’il a surajouté ne sont que des développements attendus, appropriés au temps et au degré de culture de l’époque. Les anges, — leur existence, leur nombre, leur office, leur condition, même leurs classes, — sont mentionnés dans les livres historiques, les Psaumes, les Prophètes. Voir E. B. Pusey, Daniel, p. 517 et suiv. Il n’a de nouveau que les deux noms d’anges, Michel et Gabriel. La résurrection des corps est exprimée dans Job, xix, 25-27, et très clairement enseignée dans Is., xxvi, 10. Il y est fait allusion dans Ose., vi, 2, et l’on ne peut en méconnaître l’idée dans Ezech., xxxvii, 1-10. Ôr Ézéchiel est contemporain de Daniel. — Toutes les pratiques d’ascétisme, qu’on rapporte au bas judaïsme, on en constate l’origine et l’exercice avant Daniel, comme ces abstinences rigoureuses, dont parlent les livres des Rois et des Prophètes ; comme ces prières faites trois fois par jour, dont parle déjà le Psaume Liv, 18. Il n’y a pas jusqu’au développement de l’idée messianique qui ne soit parfaitement à sa place, tel qu’il nous est offert par le livre, au temps de l’exil. Il n’est que l’évolution régulière des révélations antérieures sur le Messie, sa personne, son empire, contenues dans les Écritures. Ainsi les doctrines en question ne sauraient être invoquées contre l’origine que nous affirmons. Le souffle qui traverse les pages de ce livre vient bien de l’époque indiquée. Comment, du reste, en serait-il autrement, quand le livre tout entier respire les idées et la culture babyloniennes juives du vi 8 siècle ? — Et telles sont les difficultés qu’une critique prévenue a soulevées contre l’authenticité de Daniel. La plupart ont leur principe dans un préjugé dogmatique. Toutes, par les réponses qu’on y fait, contribuent en un sens à confirmer la thèse de la composition du livre par un contemporain, par Daniel lui-même.

4° Difficultés spéciales relatives aux Additions de Daniel ou parties deutérocanoniques de son livre. — Ce sont : 1. la prière d’Azarias et l’hymne Benedicite, iii, 24-90 ; 2. l’histoire de Susanne, xm ; 3. Bel et le dragon, xiv. Plusieurs anciens et des modernes en assez grand nombre les regardent comme inauthentiques : saint Jérôme les appelle fabulee, Jules l’Africain les traitait de pièces fausses, |iépo ; x165r)Xov ov, qu’il faut ranger parmi les apocryphes. Mais il n’en est pas ainsi. On peut établir, en effet, qu’elles ont Daniel pour auteur, ou du moins qu’elles complètent son livre. — 1. Il est certain qu’elles ont été écrites en hébreu, et non en grec. Actuellement nous avons de ces parties deux versions grecques, celle de Théodotion et celle des Septante. Or il est reconnu que la première diffère radicalement de la seconde, donc elle n’en vient pas ; donc elle a été faite sur l’hébreu (ou l’araméen), comme le reste de la version, de l’aveu de tous. De plus, on y constate des hébraïsmes tels qu’ils supposent un original hébreu. Cf. J. Knabenbauer, In Daniel. , p. 51. Enfin deux manuscrits, le chisianus et le syro - hexaplaire, portent les signes critiques d’Origène, révélateurs, comme on sait, d’un texte hébraïque, et dans le manuscrit 87, on voit distinctement, xiii, 1-5, les sigles AS© qui indiquent les trois traducteurs grecs (Aquila, Symmaque et Théodotion), ayant tous trois traduit de l’hébreu. — 2. Il est également certain que ces Additions sont historiquement vraies : il ne s’y trouve aucune trace d’erreur. Aucune, en effet, dans la prière d’Azarias et l’hymne Benedicite : ce qu’on y reprend est insignifiant. Wiederholt, Dos Gebet Azarias dans la lu

binger Quarlalschrift, 1871, p. 389 et suiv. Aucune dans l’histoire de Susanne : le jeu de mots (en grec) que l’on oppose comme preuve d’origine grecque n’est pas une difficulté, car il existe trois ou quatre façons de l’expliquer admises même par des rationalistes. Trochon, Daniel. , p. il et 12 ; F. Vigoureux, Mélanges bibliques, 1889, p. 477 ; Wiederhol’t, Die Geschichle Susanna, dans la Tûbinger Quarlalschrift, 1869, p. 583 et suiv. Aucune enfin dans Bel et le dragon : le culte du serpent à Babylone, le polythéisme politique de Cyrus, le renversement du vT|<S ; , et non de la pyramide elle-même de Bel, difficultés objectées, sont aujourd’hui des faits établis. L’identification d’Habacuc, dont il est question dans cet épisode avec le prophète de ce nom (Septante : ’A[iëïy.où|i), cf. Hab. i, 1, est bien douteuse. Wiederholt, Bel und der Drache, 1872, p. 555. Cf. J. Fiirst, Der Kanon des Alte Testament, Leipzig, p. 102, 140. — 3. Telles qu’elles sont enfin, les Additions font partie du livre. C’est l’opinion universellement reçue, avec quelques exceptions. Aussi bien cette opinion est-elle confirmée par le contexte. Ainsi, iii, 23, pris avec le ꝟ. 91, exige les versets deutérocauoniques intermédiaires. Ainsi le chap. xm et le chap. xiv rentrent dans le plan du livre, pour lui donner l’unité : accrédité auprès du roi, il faut que Daniel le soit aussi auprès de son peuple, or c’est ce qui a lieu chap. xm ; ayant, par des prodiges, fait confesser le Dieu d’Israël à Nabuchodonosor, à Darius, il faut qu’il le fasse confesser aussi au Perse Cyrus, par des prodiges analogues, or c’est ce qui a lieu chap. xiv. Les Additions se joignent donc parfaitement au livre, et font avec lui un seul et même tout. Mais le livre est de Daniel, donc aussi les Additions, qui le complètent et lui appartiennent. On ne saurait d’ailleurs objecter à cela l’existence séparée des Additions ; car, si on lésa détachées du livre, ce n’est que plus tard, et pour des raisons adventices. La première, m, 24-90, a été retranchée parce qu’elle retarde Je récit et est en dehors du but final. La seconde, chap. xiii, parce qu’elle est infamante pour les juges d’Israël (V. Ori£ène, t. xi, col. 61). La troisième, chap. xiv, parce qu’elle parut à tort, aux juifs, faire double emploi avec un récit pareil, vi. Voir J. Knabenbauer, In Dan., p. 56 ; R. Cor-Jiely, Introd. sp., ii, 2, p. 510 et suiv., et les auteurs cités.

— On peut d’ailleurs admettre, avec plusieurs critiques, que les chapitres xm-xiv ne sont pas de Daniel, mais d’un auteur différent, sans que leur valeur historique en soit diminuée ou atteinte.

VI. Inspiration et canonicité du livre de Daniel. — L’inspiration et la canonicité ne font aucun doute. Prenons seulement les cinq premiers siècles. Il est aisé de montrer que dans cet intervalle le livre de Daniel n’a « essé d’appartenir au canon. Il est cité comme prophétique dans deux évangiles, et il y est fait allusion ailleurs, tomme on l’a vu. Les deux premiers siècles en parlent peu. Nommons toutefois saint Paul, saint Jean, puis saint dément Romain, / ad Cor., édit. Gebhardt, p. 90 ; Il ad Virg., édit. Beelcn, p. 103. Mais peu après il se répand partout comme livre canonique. Voici trois séries de témoignages qui le prouvent : — 1° Il fait partie de la version des Septante transmise à l’Église par les Apôtres. Il est lu publiquement — et l’on sait la signification dogmatique de la lecture liturgique — dans l’office divin. Il sert à établir le dogme, à combattre les Juifs et les hérétiques, ce qui est assez dire qu’il est reçu universellement comme livre inspiré et canonique. La meilleure preuve d’une telle réception sont les manuscrits grecs que nous avons encore, V Alexandrinus, le Valicanus, le Sinaiticus, le Claromontanus. Le Sinaiticus ne l’a pas aujourd’hui, mais c’est par accident. Ajoutez les autres versions faites sur les Septante, ou Théodotion, qui dans les Septante succéda en son temps à la première version grecque. La syro-hexaplaire, la pesclnto actuelle, l’éthiopienne, etc., contiennent aussi Daniel et ses Additions. — 2° Il est cité très fréquemment par les Pères. Lisant le Daniel grec

complet, c’est lui qu’ils reproduisent. Indiquons les principales citations. Saint Irénée, t. vii, col. 984, 1054 : « Et ils entendront les paroles qui ont été dites par Daniel le prophète : Race de Chanaan, etc.- » Dan., xm. Cf. Dissert : , iii, a. 1, 247 suiv. Clément d’Alexandrie, t. viii, col. 327, 1330. Origène nommément défend tout Daniel comme canonique. Il s’en explique clairement dans sa réponse à Jules Africain, qui avait attaqué l’histoire de Susanne, parce qu’elle n’est pas dans l’hébreu et qu’elle renferme des erreurs et des jeux de mots tirés du grec. Il réfute « ex professe » cette série d’objections, affirmant entre autres qu’en matière de textes inspirés, ce ne sont pas les Juifs, c’est l’Eglise qu’il faut croire, t. xii, col. 405 ; t. xiv, col. 687 ; ꝟ. xi, 42-47, 47-80. Cf. L. Coletta, Del libro di Esther, Naples, 1869, p. 220-230. Tertullien, t. ii, col. 963 (Dan., xiii). Saint Hippolyte, t. x, col. 690, et suiv. 866 : il a composé un commentaire sur Daniel, édité par O. Bardenhewer, Des h. Hippolytus Commentât’zum Bûche Daniels, Fribourg en Brisgau, 1877, p. 71 (Susanne), p. 80 (Bel et le dragon). Lucifer de Cagliari, t. xiii, col. 894-899. Eusèbe de Verceil, t. xii, col. 952, 964. Zenon de Vérone est remarquable. Il a écrit neuf petits traités sur Daniel : De Daniele, qui sont très beaux. Il y rappelle, entre autres, l’hymne Benedicite (incensi hymnum canurit), et la seconde fosse aux lions (cœlesti prandio satur). Il loue éloquemment Susanne : De Susanna, t. xi, 443, 444, 299, 300 (magnifique), 523, 525, 526, 527. Saint Ambroise, t xv, col. 150, 151, cꝟ. 154, 594, 789. Saint Athanase, t. xxv, col. 35, 39, 387, 542, 547, 618, 671, 1192, H93, 1255, 1378. Didyme, t. xxxix, col. 374, 431, 548, 654 (quia apud Danielem in judicio de Susanna habito legitur : Suscitavit, etc.) ; xiii, 45 (Hic quoque Deum esse Spiritum sanctum ostendit Scriptura), 1084. Cf. Mingarelli, De sacra Script., 994, 995. Saint Cyrille de Jérusalem, t. xxxiii, 403, 639, 857, 962. Méthode, t. xviii, col. 390. Eusèbe de Césarée, t. xxi, 483. Saint Grégoire de Nazianze, t. xxv, col. 471, 699, 898, 1182 ; xxxvi, 270. Saint Grégoire de Nysse, t. xlv, col. 1235, 1284. Théodoret, t. lxxxi, col. 1159, 1251, 1314 (1316 touoî y, commentaire du chapitre iii, avec l’Addition deutérocanonique). Saint Jean Chrysostome, édit. Gaume, I, p. 710 ; iii, p. 676, 805, 191, 192 ; vi, p. 253, 294, 368 seqq. Cf. p. 363 (Synopse), x, p. 153. Les trois jeunes Hébreux, épisode familier au grand docteur, t. iv, p. 582, 851, 882, 899 ; t. v, p. 121, 183, 337, 352, 385, 589 ; t. ix, p. 119, 727 ; x, p. 182, 184 ; xi, p. 496, 564 ; xii, p. 346. Saint Isidore de Péluse, t. lxxvhi, 970, 1055, 1095, 1235, 730, 1130 (Susanne). Ammonius, Fragmenta in Daniel., t. lxxxv, col. 1363-1369. Rufin, t. xxi, 611. Saint Jérôme, t. xxii, col. 329, 332, 353, 1027 ; t. xxiii, 245, 568 (Daniel et omnes prophetse, Dan., iii, 27) ; xxv, 509, cꝟ. 511, 568, 569, 570, 580 seqq., 581, 582, 1274, 1542 ; t. xxvi, 350 ; t. xxviii. Il admet les Additions. Voir Prol., de can. hebr. verit., t. v, col. 87. Il affirme, t. v, col. 1291, cf. note ii, col. 1292, que les Additions ne sont pas dans l’hébreu, mais que cependant elles sont universellement reçues dans l’Eglise. Ses textes contraires expriment moins son opinion que celle d’autrui. Saint Augustin, édit. Gaume, t. vii, col. 448 (Sancta Scriptura), 2075, 1970 seqq. ; t. x, p. 1118. De tout cela il résulte que la foi ecclésiastique à l’inspiration du livre est, du moins à cette époque, très constante et très distincte. On peut donc ne pas rapporter les listes ou canons, officiels ou privés, qui la confirment, depuis la liste du concile de Nicée passée en Afrique, approuvée â Rome et reproduite ailleurs, jusqu’aux listes des grands docteurs et des écrivains moins autorisés. Toutes renferment Daniel et ses Additions. — 3° Il est encore un troisième genre de preuves qu’il faut exposer très rapidement. Il est tiré de l’archéologie chrétienne primitive, et il regarde moins le livre que les Additions. Il consiste dans des verres dorés, des fresques, des sarcophages de ce temps-là, représentant des sujets empruntés au Daniel

controversé. Voici une première série de sujets, mêlés à d’autres qui proviennent des protocanoniques : — Dans un verre à fond d’or du musée Kircher, les trois enfants dans la fournaise, les mains levées comme s’ils priaient, la tiare flottant au vent, comme pour rappeler ce verset : « Il envoya un vent, » etc. Dan., iii, 26 (R. Garrucci, Vetri ornati di figure in oro. Tavole. Roma, 1864, tav. i, ꝟ. 1). Dans deux Fragments de la patène de Cologne, un Daniel qui prie et un de ses lions, puis un des trois enfants avec sa mitre flottante (P. Allard, Rome souterraine, Paris, 177, p. 422). Voir aussi pi. xrx, p. 437 et 439, et Canon, col. 158, 159. La série des sujets isolés est plus considérable. — 1. Les trois jeunes Hébreux. — Un de ces jeunes gens sur un sarcophage du cimetière de Callixte, — le groupe tout entier, et en outre, par derrière, comme un ange ailé sur un arcosolium du même cimetière, — le même avec un ange en dehors sur un sarcophage du Vatican, — le même sur un ivoire du Ve siècle, — un ange au-dessus des trois enfants dont l’un, à droite, touche d’un instrument, Azarias sans doute, sur une très belle lampe d’Afrique (R. Garrucci, Vetri, tav. iii, fig. 8, 9, 11). Voir col. 156. — 2. Susanne.^ On la voit debout, voilée, entre deux vieillards lui parlant avec feu, sur trois sarcophages d’Italie, — la même sur des sarcophages du midi de la Gaule, avec cette différence que l’un d’eux représente deux arbres derrière lesquels les vieillards aux yeux ardents se dissimulent, et l’autre reproduit en plus un serpent enroulé autour d’un arbre qui cherche à atteindre, au sommet, un nid de colombes, — une brebis sur une colline entre un léopard et un loup, peinture symbolique très belle et très simple du cimetière de Callixte. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 447. — 3. Bel et le dragon. — Dans un bas-relief de sarcophage (me siècle), un autel, un arbre avec un serpent lové derrière l’autel, et devant lui Daniel donnant au serpent le gâteau qu’il a pétri, — le même, sur un sarcophage de Vérone, — le même, avec, auprès de Daniel, une autre figure (le Sauveur ?), qui lui communique son pouvoir. Garrucci, Vetri, tav. iii, fig. 13. Texte p. 38. — Sur une tombe de Brescia, le ciel figuré par sept étoiles, d’entre lesquelles sort une main tenant, par la tête, Habacuc avec sa corbeille de pains. U. Ubaldi, Introductio in S. Script., Rome, 1878, ii, p. 391, 395 (avec les planches), etc. De tout cela il ressort que le livre de Daniel et ses Additions était très connu dans cette période, et qu’il était connu et reçu comme inspiré et canonique, car c’est une doctrine affirmée par les théologiens, que, dans les travaux de ce genre, les premiers artistes chrétiens ne devaient s’inspirer que des Livres Saints universellement admis, ce qui du reste est confirmé par le voisinage de sujets exclusivement bibliques, et tirés des protocanoniques, mêlés à ceux que nous venons de décrire. Voir P. Allard, Rome, p. 357, cf. p. 285, 286, 369. Nul doute que ces Additions et le livre entier, comme l’entendent les conciles de Florence et de Trente, ne soient inspirés et canoniques.

VII. Texte du livre de Daniel. — 1° Texte original.

— Le texte primitif, que nous possédons encore, est en mauvais état, surtout la partie chaldéenne : aucun livre peut-être de la Bible hébraïque n’est aussi corrompu. Le nombre considérable des variantes placées en marge ou au bas des éditions imprimées en est la preuve. J.-B. de Rossi en a relevé plus d’une centaine dans ses Variée Lectiones Veteris Testamenti, Parme, 1788, t. iv, p. 139 et suiv., et il en est une foule d’autres qu’il n’a pas notées. Cf. S. Bær, Libri Danielis, Esdrae et Nehemiee, Leipzig, 1882, p. 62-85, et à la marge inférieure du texte. Ce sont en général des mots ajoutés, omis, altérés, des lettres tombées, changées, transposées, surtout des différences d’écriture et d’accent. En voici quelques exemples : mizzéra’pour ûmizzéra’, 1, 3 ; min kol pour min, i, 15 ; upiSerêh (ejus) pour ûpiserâ’[et interprelatio), ii, 4-5, y, 17 ; ûbe’ah pour iïbe’â', H 16 ; kol medinôt pour kol

medinat, ii, 48, et souvent’ad dî pour’al di, iii, 19 ; beSa’âh pour keSd’âh, iv, 16 ; Savîiv pour savii, v, 21 ; veliMar pour velistar, vii, 5 ; lehagîd lekd pour lehagid, IX, 23 ; lekalah (ad consumendum) pour lekalê’( ad cohibendum), IX, 24 ; ûlehatam (et ad finienda) pour ûlehâtêm (et ad sigillanda), ix, 24 ; hattat pour hatlâ’ôt, ix, 24 ; môlsd’(exilum) pour min môlsd’(ab exitu), IX, 25 ; mesîah nâgid (unctus ducis) pour mâsia/i nâgîd (unctus dux), ix, 25 ; seba’îm Sdnâh pour Sabu’ûn sibe’âh, ix, 25 ; ’dm (populus) pour’am nâgid (populus ducis), ix, 25 ; iSl.têt pour iâshît (destruet), ix, 20 ; ’im (cum) pour’am (populus), ix, 26 ; ve’ad (et usque) pour ve’al (et super), ix, 27 ; ’at (tcmpus) pour qêls (finem), ix, 26 ; ubeheikol ieheiêh siqûls (et in lemplo erit abominalio) pour ve’al kenaf siqûtsîm (et super alam abominâtionum). Cf. J.-B. de Rossi, Variée lectiones, p. 147, etc. Aucune de ces variantes n’affecte, on le voit, la substance du livre. Toutes portent sur les accidents et la forme. — On a très peu fait pour améliorer à cet égard le texte primitif. J. Norzi est le premier, je crois, qui ait essayé une correction critique dans son commentaire intitulé : Minhat Saî, Mantoue, 1742. Récemment, ce travail de révision a été repris par S. Bær, qui s’est aidé de manuscrits que ne connut pas J. Norzi. Voir S. Bær, Libri Danielis, p. i-vr. Son édition, plus parfaite certainement, ne saurait être définitive. Du resle, elle ne vise qu’à donner le texte massorétique. On pourrait élargir la base de reconstitution du premier texte. Il y aurait avantage à y faire figurer les anciennes versions immédiates trop négligées. On aurait par là, non pas toujours sans doute la leçon massorétique, mais souvent le texte vraiment original. Exemples : au lieu de USelêvelâke (tranquillitati tuse) on aura lesâlevâ(âke (peccatis tuis), IV, 24, que donnent quatre manuscrits de Théodotion, la peschito, la Vulgate (delictis tuis) ; au lieu de savi, on aura sovi, Théod. (èSôSrj), la peschito, Vulgate (position est), etc. Kaulen, op. cit., p. 402. Disons enfin que Hermann L. Strack vient de publier le texte araméen de Daniel, en prenant pour base celui de S. Bær. Il l’a modifié et corrigé, mais légèrement ; il a utilisé des manuscrits, dont il fait la description. Abriss des Biblischen Aramaïsch, Leipzig, 1896. Texte : Liber Danielis, ii-vii, p. 9* -29*. Voir aussi A. Kamphausen, The Book of Daniel, À critical édition of the Hebrew and Aramaic text printed in colors exhibiting the bilingual characler of the BoOk, Leipzig, 1896. — Le texte grec des Additions a suivi le sort du texte des Septante.

2° Versions. — Les versions immédiates du livre sont : les Septante, la version de Théodotion, la peschito et la Vulgate hiéronymienne, moins les Additions traduites de Théodotion. Les versions dérivées sont : l’italique (Muenter, Fragmenta vers, antiq. lat. antehier. Prophétie Danielis, Copenhague, 1819), la syro-hexaplaire de Paul de Tela, qui date de 617, du reste très fidèle, presque servile, la philoxénieniie revue en 616 par Thomas de Markel, les égyptiennes, sahidique et memphitique, Muenter, Spécimen versionum Danielis copticarum, Rome, 1786 ; P. Ciasca, Sacr. Bibl. fragmenta copto-sahidica Mus. Borg., II Rome, 1889 (Daniel, p. 306-324) ; Tattam, Prophète majores, Londres, 1852 (Daniel, t. ii, p. 270 suiv.), l’éthiopienne, l’arménienne et la géorgique, la slavonne et l’arabe. Toutes, excepté la seconde et la troisième, sont faites sur Théodotion, disent les uns. Selon d’autres, elles descendraient des Septante. A. Bludau, De Alexandrinæ Interp. libri Danielis indole critica, Munster, 1891, p. 31, 32. Quoi qu’il en soit de leur origine, elles sont d’une médiocre utilité. Ajoutez que plusieurs n’ont pas encore été imprimées. Il en est autrement des versions immédiates. Ne parlons pas de la peschito et de la Vulgate. La version de Théodotion, faite plus probablement vers l’an 120 ou 130, suit les Septante d’assez près, mais en les corrigeant sur l’original : elle donne le sens plus qu’elle ne rend les mots (S. Jérôme,

t. xxiii, 1024 ; xxix, 120 ; xxviii, 35) ; au fond, elle s’accorde avec l’hébreu et la Vulgate. Le Daniel des Septante, qui parut en Egypte en 140 à peu près, passa « aux églises où il fut lu » (S. Jérôme, t. xxv, 493) jusqu’au milieu du ne siècle, comme on le prouve par les citations des Pères. A. Bludau, op. cit., p. 12-20. Cette version « fut alors répudiée par un jugement des maîtres de l’Église » (S. Jérôme, t. xxv, col. 514) et remplacée par celle de Théodotion, qui est éditée parfois dans les Septante même. — On peut croire qu’elle fut abandonnée parce qu’  « elle s’éloignait beaucoup trop de la vérité hébraïque » et qu’elle était particulièrement infidèle dans ix, 25-27. Cf. A. Bludau, op. cit., p. 33 et suiv. Le fait est que, si on la compare au texte, elle en diffère beaucoup, surtout pour les récits. On y constate, en effet, fréquemment des additions, des omissions, parfois même un autre sens. Additions : i, 20 ; ii, 8 ; iii, 18, 24, 46 ; iv (très bouleversé). Omissions et abréviations : VI, 8 (omis) ; vi, 3, 6, 7, 10, 15 ; vii, 6 (abrégés). Autre sens : vii, 13, 18, 22, 23, 27, 28 ; viii, ii, 12, 25. Voir J. Knabenbauer, In Daniel., p. 47-50. A. Bludau, op. cit., p. 44 et suiv. E. B. Pusey, Daniel, p. 624-637, note E. Wiesler (Die 70 Wochen und die 63 Jahrwochen des Proph. Daniels, Gœttingue, 1839, p. 197 et suiv.), et F. Fraidl (Die Exégèse der Siebzig Wochen Daniels, Gratz, 1883, p. 4-11) nommément, ont noté avec soin les divergences des Septante et de l’hébreu dans ix, 24-27. Cf. A. Bevan, The Book of Daniel, Cambridge, 1892, p. 43-54. Les Septante de Daniel ainsi répudiés, on n’en lut plus les manuscrits. On les croyait disparus, lorsqu’on découvrit le Codex Ghisianus ( Bibliothèque Chigi), lequel fut publié à Rome en 1772, par Simeone de Magistris : Daniel secundum LXX ex Tetraplis Origenis nunc primum edituse singulari chisiano codice annorum supra DCCC. Il fut ensuite réédité par J. D. Michælis, in-8°, Gœttingue, 1773, et in-4°, 1774 ; par C. Segaar, in-8°, Utrecht, 1775, et par Pearsons, 1818 et 1848. Autres éditions : AavutjXxaTa tovç e680(iïixovtc<, e codice chisiano post C. Segaaram edidit secund. syro hex. recognovit A. Hahn, Leipzig, 1845 ; T. Cozza, Sacr. Bibl. vetustis. Fragmenta, P. iii, Rome, 4877. Le Codex chisianus, qui est du XIe siècle, cf. A. Bludau, op. cit., p. 38, est cependant moins précieux qu’un manuscrit de la Bibliothèque ambrosienne, attribué au vme siècle et publié sous ce titre : Daniel secundum editionem LXX Interpretum ex Tetraplis desumptus ex codice syro estrangelo Bibliothecse Ambrosianse syriace edidit latine vertit etnotis illustravit CaiusBugati, in-4°, Milan, 1788. M. J. Ceriani le réédita depuis avec ce titre : Codex Syro-hexaplaris Ambros. photolithographïce editus, Milan, 1874 (t. viii, Monumenta sacra et prof.). Il représente la version de Paul de Tela faite sur une copie des hexaples possédée par Eusèbe et Pamphile. Il offre en général un texte plus pur et plus complet. Il pourrait servir à reconstituer fidèlement le Daniel des Septante. Cf. S. Davidson, Introduction, etc., t. iii, p. 223, 227. 3° Langue. — Le livre est écrit en hébreu et en araméen. Il contient en outre, mais en petit nombre, des mots d’origine aryenne, mots grecs et mots persans. Hébr. i, 1-11, 4 1 et vii, 1 ; xii, 13. Aram. ii, 4 b ; vii, 28. Mots grecs : nous les avons cités plus haut. Mots persans : ce sont des noms d’office ou d’emploi, de vêtements, d’instruments de musique, de nourriture, et ils se trouvent presque exclusivement dans la partie chaldéenne. E. B. Pusey, d’après Max Muller, op. cit., 378 et 569. Notes À et C. Cf. J. N. Fuller, op. cit., p. 246 et suiv. Ajoutons-y les mots syriens’àSaf, ii, 10, 27 ; resam, vi, 10, 11, 13, 14 ; v, 24 ; aphadnô, xi, 47 ; palmônî, viii, 13. Reprenons. L’hébreu de Daniel est l’hébreu de l’exil, que distinguent les aramaïsmes. Gesenius, Geschichte der hebraïschen Sprache und Schrift, p. 25, 26. Il se rapproche en effet beaucoup des écrits de l’exil. Ézéchiel nommément a avec Daniel, à cet égard, l’affinité la plus étroite : — i, 10 hiiêb (reum fecit) Ezech., xvili, 7 ; viii, 9 ; xi, 16, 4L isebî [terra

décora = Israël) Ezech., xx, 6-15 ; x, 6 nehôUêt gâlal (ses lœve) Ezech., i, 7. x, 21 ketab (scriptum) pour séfêr (liber) Ezech., xiii, 9 ; xii, 3 zohar (splendor) ; Ezech., viii, 2. xii, 0 ; lebûé habbadim (indutus lineis ) Ezech., ix, 3. D’autre part, l’araméen de Daniel est l’araméen d’Esdras, c’est-à-dire qu’il reproduit, à quelques différences près, — différences justifiées du reste par le court espace qui sépare les deux écrivains, — l’araméen même d’Esdras, lexique et grammaire, et de plus qu’il s’écarte beaucoup de l’araméen des Targums postérieurs, ce qui est une preuve, répétons-le, que le livre est de l’exil. L’araméen ou chaldéen biblique a été l’objet de travaux récents. Nommons en particulier les grammaires de Fr. Delitzsch, dans S. Bær, Daniel, p. xm et suiv., de E. Kautzsch, Grammatik des Biblisch Aramaïschen, 1884, et de Hermann L. Strack, Abriss, etc. L’araméen de Daniel notamment a été scrupuleusement étudié par E. B. Pusey, Daniel, p. 45 et suiv., note D, p. 602 et suiv. sur la base d’un article de J. Mac-Gill (The Chaldee of Daniel and Ezra dans Journal for sacred Littérature, janvier 1861, p. 373-391). Malgré ces imperfections de langue, le livre est loin d’être, littérairement parlant, « un livre de complète décadence littéraire, … dont la langue soit détestable, plate, prolixe, incorrecte. » Il ne rappelle sans doute ni Isaïe, ni même Habacuc ; mais il a des chapitres (il, vi) qui par le grandiose des images et le relief extraordinaire de la pensée prophétique ne le cèdent en rien aux plus beaux. Le style en est très varié. « On y distingue, dit Pusey, Daniel, p. 37, quatre styles : 1. celui du simple récit, chap. î ; 2. celui de la prière ardente, chap. ix, joignez-y les versets d’actions de grâces en chaldéen, chap. ii, 20-24 ; 3. celui de la prophétie pure, dans la vision des soixante-dix semaines, chap. ix, et 4. celui delà description prophétique, chap. xi, où chaque phrase, presque chaque mot exprime tout un événement ou même une série d’événements. La simplicité du récit, l’ardeur émue de la prière, la noblesse et la grandeur de la prophétie, la vie intense de la vision historique, tout cela témoigne clairement de la maîtrise incontestable de l’écrivain. » Ses mérites littéraires peuvent être inégaux dans ce livre, mais nul ne lui refusera une rare vigueur d’imagination et un grand talent d’exposition. — Pour achever de faire connaître le livre, disons comment il diffère des autres Livres Saints par le fond et par la forme. Il en diffère par le fond de trois manières : — 1. Le prophète reçoit ses révélations, ou en songe, ou d’un ange qui lui en explique le songe ou la vision, ou encore simplement d’un ange qui lui raconte l’avenir : ce qui n’existe pas pour les autres prophètes. — 2. Il annonce le sort et la succession des quatre grands empires antimessianiques, ne parlant d’Israël qu’indirectement en général, si l’on peut dire. Vivant à Babylone, attaché au palais des rois, leur conseiller très influent et leur ami, il est moins le prophète des Juifs que le prophète des gentils. Tels ne sont pas les autres : dans ceux-ci l’horizon est circonscrit à la Judée, à Sion, au temple, aux prêtres, au peuple. Ont-ils des échappées sur le monde des nations, c’est qu’ainsi le veulent les rapports qu’ils ont avec Israël. — 3. Il recule l’arrivée du Messie bien au delà de ce que l’on se figurait suivant les autres prophéties, d’où l’on concluait, à tort, que la fin de l’exil amènerait nécessairement la fin des maux et coïnciderait avec l’avènement de la paix messianique. Désormais, par Daniel, on sait que de longs jours et de longues calamités sépareront le retour de l’exil, la venue du Messie et l’établissement de son royaume. Et c’est ainsi que ce livre se distingue des autres par son objet : il universalise, complète, précise ce qu’ils renferment. — Il s’en distingue aussi par sa forme. La forme est la forme dite apocalyptique. Deux éléments la constituent : 1. des révélations générales, à7toxiX « t| « ç, ayant pour objet principal la fin de toutes choses,-rà eo-^aia, et 2. de grandioses images, des symboles extraordinaires

perçus dans des visions divines. Ézéchiel (i) et Zacharie (i-vi) ont eu de ces visions, mais ni aussi nombreuses ni aussi pleines et larges que Daniel. L’étrangeté des figures et des emblèmes dont il s’est servi pour s’exprimer est providentiellement causée par le milieu babylonien et chaldéen dans lequel il a vécu. Cf. R. Cornely, Introd., il, 2, p. 483. Auberlen, Le prophète Daniel, trad. franc., Lausanne, 1880, p. 92 et suiv.

VIII. Prophéties de Daniel. — Elles comprennent deux visions, H et vil, viii, et deux révélations, ix-xii. I. visioy des quatre EMPIRES, il et vu. — Les visions du chap. il et du chap. vu ont le même objet en général. On peut donc les expliquer l’une par l’autre. La vision du chap. vu eut lieu dans un songe, la nuit, l’année même (542) où Baltassar fut associé au trône. On y distingue trois parties. — 1° La vision des quatre grands animaux, vii, 1-8. « Les quatre vents du ciel soufflaient avec rage sur la grande mer, l’un contre l’autre. » Voir cette image dans G. Smith, Transactions of the Society of Ihe Biblical Archéologie, t. ii, p. 221 ; t. iii, p. 530. Puis « il monta de la mer successivement, cf. ꝟ. 6, 7, quatre grands animaux différents », symboles d’empires selon la conception biblique connue, et surtout les idées babyloniennes et assyriennes. J. Fuller, Daniel, p. 324. « Le premier était un lion ( Vulgate : quasi lesena) avec des ailes d’aigle… Ses ailes lui furent arrachées, et lui-même enlevé de terre et mis sur ses pieds comme un homme (ke’énôS), et il reçut un cœur d’homme. » Après « une autre bête parut, pareille à un ours ». « Il avait un côté plus élevé que l’autre. » Voir dans J. Knabenbauer, In Daniel., p. 190, les sens donnés à cette expression. « Il avait entre les dents trois côtes ou trois proies, et on lui disait : Lève-toi et mange des chairs. » « Puis une autre bête semblable à un léopard, avec quatre ailes d’oiseau sur le dos et quatre têtes, et il eut l’empire. » « Voici maintenant après les autres la quatrième bête, » anonyme, un loup peut-être, J. Fuller, Daniel, p. 332, « différente des autres, avec des dents et des griffes de fer (d’airain) : elle dévorait et broyait tout, II, 40, et le reste elle le foulait aux pieds, et elle avait dix cornes. » Voir les dix doigts des pieds de la statue. Cf. ii, 41, 42. J. Fuller, Daniel, p. 326. « Je considérais attentivement ces cornes, quand une autre corne, plus petite, surgit du milieu d’elles et en arracha trois, et elle avait des yeux comme des yeux d’homme et une bouche disant de grandes choses, des blasphèmes, » 25 ; rx, 36. Apoc, xiii, 5. — 2° Le jugement, 9-16. Un changement se produit alors, s Des trônes de juges sont dressés entre ciel et terre, et l’Ancien des jours (’atiq iômîn) s’assied » avec ses assesseurs les anges. La gloire, la sainteté, la majesté divine, sont indiquées par son âge, son vêtement et sa blanche chevelure. « Son trône est de flammes, soutenu sur des roues de feu. Un fleuve de feu sort rapide devant lui, » ce qui donne l’impression d’un rayonnement infini de la gloire divine et d’une justice purifiant tout, au loin, irrésistiblement, très rapidement. Cf. Dcut., iv, 21 ; Ps. ciii, 2 ; lxxxviii, 46 ; xcvi, 3. « La justice (dinâ’—judicium—judices) prend place. » « Les livres » où sont relatées les actions humaines, base de la sentence, « sont ouverts. » Le jugement est rendu. Puis, quand le prophète a encore devant lui la petite corne qui blasphème, soudain, sans transition, il voit la sentence exécutée : la quatrième bête tuée et livrée au feu, et les autres bêtes, dont la durée de pouvoir était fixée, ꝟ. 12 b, détruites. Vient ensuite le Messie et son royaume. Il vient « sur les nuées comme un fils d’homme (kebar’ends) », et il s’arrête devant l’Ancien des jours, auquel il est conduit par des anges. Il reçoit de lui une puissance indéfectible et un royaume éternel. Nul doute qu’il ne s’agisse ici du Messie : c’est la tradition juive et chrétienne, et c’est le sens absolument exigé par le texte. Or Jésus-Christ s’est attribué ce mode d’apparition, ce titre de Fils <le l’homme et ce genre d’empire et de pouvoir. Matth.,

xxvi, 61 ; Marc, xiii, 26 ; Apoc, i, 7. Le prophète est très effrayé de cette vision, et il prie un des anges présents de la lui expliquer. — 3° L’interprétation sommaire, 17-27. L’ange le fait, en insistant sur le sort du dernier empire annoncé : « Les quatre grands animaux sont quatre empires (malekîn : rois pour royaumes, cf. ꝟ. 23), qui surgiront successivement de la terre. Ils seront remplacés par le peuple du Messie, qui régnera éternellement. Le premier, symbolisé par le lion ailé, est l’empire assyro-babylonien. Ce symbole, familier à ce peuple (voir col. 672, fig. 247), signifie combien grande fut sa puissance, et rapides ses conquêtes. Sa splendeur et son éclat sont indiqués par l’or, ii, 38 ; cf. ꝟ. 37. Il lui est donné un cœur d’homme, c’est-à-dire qu’il perdit enfin ses royales qualités et fut réduit à l’infirme condition humaine, qui est de périr. Nulle allusion à la folie de Nabuchodonosor. S. Jérôme, In Daniel., ad h. 1., t. xxv, col. 528). — Le deuxième, figuré par l’ours, est l’empire médoperse, dans lequel les Perses prévalent sur les Mèdes, et où l’ambition des conquêtes et la cruauté des supplices rappellent la nature gloutonne et féroce de l’ours. Il dévora, en effet, trois proies choisies, la Babylonie, la Lydie et l’Egypte, sans parler d’autres. Les Mèdes et les Perses qui le composent sont les deux bras de la statue, ii, 32.

— Le troisième, représenté par le léopard aux quatre ailes et aux quatre têtes, est l’empire gréco-macédonien. Il se forme très rapidement, en douze ans. Son auteur, Alexandre, ce héros aux dons extraordinaires, variés comme la robe d’une panthère, vole de victoire en victoire. Il meurt, et son empire, très peu après (312), est partagé en quatre grands royaumes, — les quatre têtes, vu, C, et les quatre cornes, viii, 22, — savoir : l’Egypte, la Syrie, la Thrace et la Macédoine. — Le quatrième enfin, signifié par la bête terrible, est l’empire romain ; il est impossible, en effet, d’y reconnaître aucun des empires précédents. Aucun, du reste, ne l’a égalé en étendue et en intensité de puissance et en gloire. Il dut se diviser ensuite, par manque de cohésion, pour former deux empires, et finit par périr, II, 33, 40-43. Il n’est pas nécessaire de rattacher chronologiquement à l’empire romain, quoique beaucoup l’aient fait, les dix rois ou royaumes et le roi impie symbolisés par les dix cornes et par la petite corne de la quatrième bête. Il y a là un contexte optique, explicable par la nature de la vision prophétique, qui voit souvent comme un tout indivisé un objet complexe, dont les parties sont séparées par des années et même de longs siècles de distance. Les dix rois qui doivent apparaître simultanément appartiennent, selon nous, au dernier avenir. Le roi impie qui sort du milieu d’eux est l’Antéchrist. Il est certain par le texte lui-même, vu, 8 ; cf. viii, 9, 23, que ce n’est pas Antiochus IV Épiphane, comme plusieurs le prétendent. Il s’agit donc enfin des luttes et des combats suprêmes qui marqueront la fin, et après lesquels le peuple de Dieu, le jugement ayant eu lieu, régnera éternellement dans les cieux. A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 223-238. « Là s’arrête l’explication. » Et Daniel, qui en est visiblement impressionné, la conserve religieusement.

II. VISI02T DU DEUXIÈME ET DU TROISIÈME EMPIRE,

vm ; cf. ii, vu. — Quoiqu’elle se rattache à la précédente, vm, 1, cette vision a cependant son objet propre, qui est l’histoire des rapports hostiles des deux seconds empires. On voit qu’elle eut lieu la troisième année de l’association de Baltassar au trône (539), Daniel étant, réellement ou en esprit, en esprit plutôt, à Suse en Élam, sur le fleuve Ulaï. — 1° Récit de la vision, 3-14. — « Je levai les yeux, et je vis un bélier qui se tenait en face du fleuve. Il avait deux cornes très hautes, l’une plus que l’autre, celle-là ayant grandi la dernière… » « Il donnait des cornes à l’ouest, au nord et au sud. Aucune bête ne pouvait lui résister, aucune lui échapper. Il faisait à sa guise. Et il devint grand. » — « Je cherchais à comprendre, quand voici venir de l’ouest, parcourant toute la terre, un bouc, chef de troupeau. Il ne touchait pas le sol. Il avait une corne insigne entre les deux yeux. » Il parvint jusqu’au bélier, et il bondit sur lui de toute sa force. Arrivé auprès, il se précipita, le frappa avec rage, lui brisa les deux cornes : le bélier était sans vertu contre lui. Il le jeta par terre et le foula avec fureur. Puis « le bouc devint extraordinairement grand », et, tandis qu’il était dans toute sa force, « sa grande corne fut brisée et remplacée par quatre cornes qui poussèrent vers les quatre vents. »

De l’une d’elles sortit une corne toute petite, qui prévalut au sud, à l’est et vers la terre de gloire, la Palestine, ’él hâssébî. Jer., iii, 19 ; Ezech., xx, 6, 15 ; xi, 16, 41. Et cette petite corne grandit jusqu’aux régions sidérales, dont elle jeta par terre une partie, et jusqu’au seigneur de l’armée céleste, à qui elle enleva le culte perpétuel (tâmid : sacrifice quotidien, pains de proposition, lampe du sanctuaire), et elle renversa le sanctuaire. L’armée du ciel, le tâmid, la vérité, lui seront livrés, et tout lui réussira. Le temps de ces choses est fixé par un ange à 2300 jours, chiffre corrigé dans le texte avec probabilité par J. Knabenbauer, In Dan., p. 215. Après quoi le culte sera rétabli.

Application, 15-27. Une voix qui vient de l'Ulaï ordonne à Gabriel d’expliquer à Daniel la vision.

Le bélier aux deux cornes symbolise la monarchie médo-perse. Le symbole du bélier à une ou deux cornes se voit dans la mythologie persane (G. Rawlinson, Ancient Monarchies, Londres, 1879, t. iii, p. 356) et encore ailleurs. Il convient du reste aux rois du second empire et aux deux peuples qui le composent. Le Mède, dominateur d’abord, finit par être absorbé dans l’autre, à qui reste le premier rang. Il s’étend dans trois directions ; il subjugue successivement : à l’ouest, la Lydie et les côtes de l’Asie ; au nord, l’Arménie et la Scythie ; au sud, Babylone et l’Arabie, et plus tard l’Egypte et la Libye. Nul ne peut lui résister. L’histoire en fait foi. Voir dans G. Rawlinson, Ancient Monarchies, t. iii, c. vii, p. 364 et suiv., l’origine et le développement, la gloire et la décadence et la chute de cet empire.

Il fait place au troisième, dont l'emblème est le bouc pétulant et indomptable : emblème très justement choisi pour exprimer le genre de gouvernement gréco-macédonien, si différent du régime plus pacifique et plus lourd des Perses. La grande corne du bouc est le premier roi de Javan, Alexandre. Il procède comme par sauts et par bonds. Le voilà au Granique (334), puis à Issus (333), puis enfin à Arbelles (332), et l’empire du bélier est par terre. Mais, étant dans toute sa force et à l’apogée de sa gloire, il meurt soudain (323) : la grande corne était rompue. A sa place, dans le même empire, apparaissaient aux quatre vents, après vingt-deux ans de compétitions sanglantes, quatre royaumes, n’ayant pas la force du premier : la Syrie, l’Egypte, la Macédoine et la Thrace. Il n’est rien dit de plus à leur sujet.

Mais, à la fin du temps, quand le mal eut empiré dans ces royaumes, il sortit de l’une de ces dynasties, des Séleucides de Syrie, un prince fier et cruel, intelligent et rusé : c’est incontestablement Antiochus IV Épiphane. Faibles sont ses commencements : il n’arrive au trône que par la ruse et protégé par l’étranger. Il grandit et se développe, Dieu le permettant ainsi. Il s’assujettit l’Egypte au sud. Il fait la guerre aux Perses à l’est. Il s’acharne particulièrement contre la terre de gloire. Il supprime le culte et profane le Temple. Il s’attaque avec fureur au peuple des saints sublimes, qadîšė’ėliônîm, et même à leur seigneur et maître. Il réussit par finesse et habileté dans ses desseins. Mais enfin il est brisé tout à coup, et personne n’y a mis la main. L’oppression avait duré de 170 à 163, juste 2300 jours.

Quelques-uns ont vu dans cette petite corne l’Antéchrist. Ils se trompent. Littéralement il s’agit d’Antiochus IV Épiphane, spirituellement, et encore dans certains traits seulement, de l’Antéchrist, dont Antiochus est reconnu généralement pour être le type et la figure. S. Jérôme, Comment. in Dan., viii, 14, t. xxv, col. 537.

Daniel, très frappé et malade de cette vision, reçoit l’ordre de la sceller, et il cherche à la comprendre.

III.RÉVÉLATION SUR LES RAPPORTS HOSTILES DU ROYAUME DU SUD ET DU ROYAUHE DU NORD, ET DE CEUX-CI AVEC LA TERRE DE GLOIRE (ISRAËL). L’ANTÉCHRIST, X, XI, XII.

Il faut distinguer dans cette révélation une préface, la révélation même et une conclusion.

La préface, x, xi, 1, est un récit des conditions et de l’origine de la vision-révélée. Elle est datée de la troisième année de Cyrus (536), vingt-quatrième jour du premier mois (nisan). L’occasion en est la tristesse et le long jeûne du prophète, très inquiet des hostilités que rencontre la reconstruction du Temple. I Esdr., iv, 1-5. Elle a lieu sur les bords du grand fleuve Isiddéqél, le Tigre. Elle lui est manifestée par l’intermédiaire d’une forme humaine merveilleusement splendide, c’est-à-dire par l’ange Gabriel, qui peu à peu le prépare à recevoir cette révélation. Il lui apprend qu’il est chargé, avec le prince Michel pour auxiliaire, de protéger et de défendre le peuple. Il l’a fait contre l’ange protecteur des Perses et contre celui des Grecs. Il va lui révéler quelque chose de l’avenir sur Israël. En même temps il lui inspire la force d’écouter et de comprendre. —

La révélation, xi, 2-xii, 4, se présente avec une forme particulière. Il est visible qu’elle tend à Antiochus IV Épiphane et à l’Antéchrist comme à son objet principal. C’est donc comme en passant seulement qu’elle touche, et à grands traits, à la succession des royaumes et des rois d’où Antiochus est sorti. Ainsi elle n’a guère qu’un mot sur les trois autres rois de Perse et sur un quatrième, qui vont se succéder, ꝟ. 2b ; un mot seulement aussi sur Alexandre, qui, une fois victorieux et maître assuré, meurt et laisse un empire qui se partage en quatre royaumes dont héritent non pas ses deux fils ou son frère, mais ses princes, des étrangers, ꝟ. 3, 4.

A partir de là, toute la révélation se concentre sur deux de ces royaumes, celui d’Egypte et celui de Syrie, entre lesquels la Palestine se trouvé placée comme un objet d’ardente convoitise. C’est du reste à cause de ces rapports étroits qu’a lieu cette vision : tout, dans le plan général de Dieu, converge vers Israël. Remarquons en outre qu’elle procède par grands traits, — je l’ai dit, — mais par grands traits très irréguliers, par mots vagues, et aussi parfois par mots très brefs, sans souci des liaisons réelles et de la suite des temps. Aussi est-il trop long de donner en détail l’explication du sens et l’application de l’histoire qui en rapporte l’accomplissement. Nous nous contenterons de renvoyer premièrement à saint Jérôme, qui est à cet égard excellent, et puis aux anciens historiens, Justin, Appien, Polybe, Tite-Live, dont on peut lire les textes dans les commentateurs. Cet accord merveilleux entre la prédiction et l’histoire cause la conviction que l’exégèse catholique est absolument dans le vrai et qu’il faut la suivre. Dressons un tableau synchronique des rois d’Egypte et de Syrie engagés dans les luttes qui sont racontées, et donnons à chaque roi nommé le verset ou les versets qui le concernent.

Rois de Syrie.

Séleucus Nicator,

ꝟ.5 . . . 310-281

Antiochus Ier Soter.. 261

Antiochus II Tlieus,

ꝟ. 6 . . . 241

Séleucus Cassinicus,

ꝟ. 7-9 . . . 220

Séleucus Ceraunus,

ꝟ— 10a . . . 222

Antiochus III Magnus,

ꝟ. 10-19 . . . 187

Séleucus Philopator,

ꝟ. 20 . . . 175

Antiochus IV Épiphane,

ꝟ. 21-45 . . . 164

Rois d’Egypte.

Ptolémée I er Soter (Lagus),

ꝟ. 5 . . . 323-285

Ptolémée II Philadelphe,

ꝟ. 6 . . . 247

Ptolémée 111 Évergète Ier,

ꝟ. 7, 8 . . . 221

Ptolémée IV Philopator,

ꝟ. 9-12 . . . 205

Ptolémée l’Épiphane,

ꝟ. 13-18 . . . 181

Ptolémée VI Philométor,

ꝟ. 22 . . . 167

Ptolémée VII Évergète II (Physcon),

ꝟ. 26, 27 . . . 117

Il est admis communément que les versets 21-36 se rapportent à Antiochus IV Épiphane, dont ils prédisent les intrigues pour obtenir le trône de son frère, ꝟ. 21, et les expéditions répétées en Egypte, ꝟ. 22-36. S’agit-il des versets 36-45, on n’est plus unanime. Il en est qui les entendent non pas d’Antiochus, mais de l’Antéchrist. Il en est aussi qui les appliquent à tous les deux, au premier comme à la figure du second. Il nous semble difficile d’adopter l’opinion de ceux-ci, car il y a des expressions qui ne peuvent se comprendre d’Antiochus. Cf. A. Rahling, Das Buch Daniel, p. 330-331. Avouons cependant que la première opinion n’est pas sans difficulté. Quoi qu’il en soit, la plupart expliquent xii, 1-4, des temps de l’Antéchrist. Voir A. Hebbelynck, Daniel, p. 244-268 ; F. Dusterwald, Die Wellreicke und das Gotlesreich, Fribourg, 1890, p. 145-176. — 3 8 La conclusion, XII, 5-13, est commune, par un côté, à toutes les visions de Daniel. Deux anges s’adjoignent comme témoins à celui qui a parlé, et le prophète demande quand donc viendra la fin. L’ange répond obscurément, en assignant pour terme un temps, deux temps et la moitié d’un temps. Il révèle cependant que le feu de la persécution d’Antiochus durera 1290 jours à partir de l’interruption du culte. Il donne bien encore une autre date, 1 335 jours, mais on ne voit’pas à quel fait elle aboutit. Puis il quitte le prophète pour toujours.

IV RÉVÉLATION DES SOIXANTE-DIX SEMAINES, IX. —

I. Texte. — Cette prophétie, très célèbre dans l’apologétique chrétienne, date de 539 ou 538, première année de Darius le Mède, 1, 2. Une prière humble et touchante en fut l’occasion. Daniel méditait sur les soixante-dix ans de captivité prédits par Jérémie, xxv, 11-12 ; cf. xxvi, 10. Il comprit qu’ils tiraient à leur fin. Il voulut donc prier, « non pas qu’il doutât des choses promises ; mais il craignait que la certitude de la foi n’engendrât une négligence, et la négligence, une offense. » S. Jérôme, In Daniel., t. xxv, col. 540. Sa prière a deux parties : l’une, ꝟ. 4-14, est une confession douloureuse dans laquelle il reconnaît ses péchés et les péchés de son peuple, péchés qui ont fait « fondre sur eux la malédiction écrite dans la loi de Moïse contre les prévaricateurs », IX, 11 ; l’autre, y. 15-19, est un appel véhément à la miséricorde divine, appuyé des raisons les plus pressantes. « Écoutez, Seigneur ! Ayez pitié, Seigneur ! Voyez, voyez et faites. Ne tardez pas, à cause de vous-même, ô mon Élohim ! » Rien n’est beau et pathétique comme cette prière. Il priait encore, sans autre désir, n’attendant aucune révélation, lorsqu’une forme humaine, l’ange Gabriel, vola rapidement vers lui, au moment où l’on offrait le sacrifice du soir. Il venait, lui dit-il, pour l’instruire, lui, le bienaimé de Dieu. Il l’exhorta à écouter attentivement et à comprendre le discours, dàbâr, qu’il lui apportait. Voici Ce discours ou cette révélation traduite aussi littéralement que possible de l’hébreu massorétique :

24. « Soixante-dix semaines ont été décrétées au sujet de votre peuple et de votre cité sainte, afin de terminer la prévarication, de faire cesser le péché et d’expier l’iniquité ; afin d’amener la justice (sainteté) éternelle, de fermer la vision et le prophète et d’oindre le Saint des saints. 25. Sachez donc et remarquez-le : Du décret porté pour rebâtir Jérusalem jusqu’au Prêtre -Roi (mâSiah nâgid, unctus princeps) il y aura sept semaines et soixante-deux semaines, et elle sera rebâtie, les places et l’enceinte, et cela dans l’angoisse des temps. 26. Et après soixante - deux semaines, le Prêtre (Christ) sera mis à mort, et il n’aura plus [le peuple qui est à lui]. Et la ville et le sanctuaire, le chef d’un peuple qui accourt sur eux les détruira, et leur fin [aura lieu] dans le débordement, et jusqu’à cette ruine finale, guerre et dévastation décidée. 27. Il confirmera l’alliance avec plusieurs dans une semaine. Le milieu de cette semaine fera cesser le sacrifice [sanglant] et l’oblation (sacrifice non sanglant), et l’abomination, cause de dévastation, sera dans

le Temple, et la dévastation se répandra jusqu’à la ruine absolue et décrétée. »

H. Interprétation verbale. — Le premier verset, 24, est un sommaire de la prophétie ; les autres, 25, 26, 27, en sont un développement. — 1° Soixante-dix semaines sont fixées et arrêtées, pour le peuple et la ville chers au prophète, comme époque de la rénovation messianique. Les soixante-dix semaines dont il s’agit sont des semaines d’années, en tout 490 ans, et non pas des semaines de jours, un peu plus de seize mois ; seize mois, en elfet, ne suffiraient pas pour remplir tout ce qui est annoncé. Les semaines sont fixées et arrêtées. Le verbe néhlak, usité ici seulement et dans les Targums, signifie exactement : « découpées [ dans le temps ], » ce qui revient à dire : « définies et déterminées. » Théodotion traduit : iruvETiir, 6r, dav. Leur terme final est la rénovation messianique, b = ad. La rénovation messianique, dont il est tant parlé dans les prophètes, comprend ici six choses distinctes ou deux séries de biens surnaturels. Les uns sont négatifs : 1. la cessation de l’apostasie ou de la rupture avec le Dieu de l’alliance : lekalè’est mis pour lekalêh, selon toutes les anciennes versions. On doit rejeter l’opinion de plusieurs Pères, saint Hippolyte, Origène, Eusèbe, saint Jean Chrysostome, Théodoret, Euthymius ; cf. F. Fraidl, Die Exégèse der siebzig Wochen Daniel, p. loi, qui entendent ce verset du déicide, qui fut le comble (ad consummandum) mis à leurs crimes par les Juifs coupables ; 2. l’abolition ou la rémission du péché : lehâfém (ad finiendum) ne s’écarte pas sensiblement de lehatém (ad cohibendum [ne serpat]), qu’ont lu Théodotion et la vieille Vulgate latine ; 3. l’expiation de l’iniquité originelle, ’âvôn, par la satisfaction due au Messie. Cf. D. Palmieri, De verit. hist. I. Judith, De Vaticinio Danielis, Gulpen, 1886, p. 71. — Les autres biens positifs sont : 1. l’avènement de la justice = la sainteté morale éternelle ; 2. l’accomplissement des visions et des prophéties : le verbe est lahelôm, qui peut signifier ou « accomplir » ou « faire cesser », plutôt « accomplir », croyons - nous, bien que l’autre sens ait sa valeur ; 3. l’onction du Saint des saints. Le Saint des saints, selon nous, est l’Église, cf. Ephes., ii, 21, 22 ; I Tim., iii, 15 ; Apoc, xxi, 2 ; mais l’Église dont la tête et le fondement est le Messie Jésus-Christ. Que ce soit le Messie, en tous cas, c’est certain ; il y a même obligation de le croire, à cause des Pères et des écrivains ecclésiastiques, qui làdessus sont moralement unanimes. Que ce soit le Messie, et son corps mystique l’Église, c’est ce que nous soutenons pour de très graves raisons. J. Knabenbauer, In Daniel., p. 239-242 ; D. Palmieri, Vaticinium, p. 72-76. Cf. J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, " 1881, 1. 1, p. 496. Et tels sont les grands biens qui doivent se réaliser dans l’intervalle ou à la fin des soixante-dix semaines : c’est « l’ordre des grands siècles » ou les temps messianiques qui s’annoncent. — 2° La distinction des semaines et la fixation à ces semaines distinctes des événements qui s’y rapportent sont exprimées dans les versets qui suivent, et c’est ce qui explique que la Vulgate ait rendu l’hébreu veféda’par « scilo ergo ». Les soixante-dix semaines sont donc divisées en trois groupes inégaux : 7 + 62 +’! Les deux premiers sont ouverts et fermés par un grand fait. Le fait initial des soixante - neuf semaines est la publication d’un décret. Le fait qui les ferme est l’avènement du Messie-Roi. Le décret a pour objet de rebâtir Jérusalem. Le mot lehâsîb, qui fait difficulté, se traduit avec quelques-uns par ad restituendum, mais avec la Vulgate, ce qui est mieux, par iterum. Pour l’autre terme, le « Messie -Roi », c’est un être déterminé, quoiqu’il manque de l’article. De plus, il faut prendre le second titre, nâgid (princeps), comme une apposition du premier, mâsiah (unctus). Et, en fait, c’est d’un Prêtre -Roi qu’il s’agit, puisque c’est par un sacrifice, cf. ꝟ. 27, qu’il remplit son rôle. Notons que Vatnach qui affecte le mot Sibe’dh n’est pas disjonctif. Il s’écoulera

donc d’après cela, entre le décret et le Messie -Roi, soixante-neuf semaines ou 483 ans. — Le fait assigné à la fin des sept semaines, premier groupe, est la reconstruction de Jérusalem, de ses portes et de ses murs ou de ses fossés dans des temps difficiles. Plusieurs précisent davantage. Ils pensent que la ville a été restaurée en 49 ans, comme il est dit ; mais, coupant le verset, ils avancent que les places et les murs l’ont été dans un temps plus court, très court. D. Palmieri, Vaticinium, p. 78. Il n’est pas nécessaire de faire cette coupure, car le féminin nibenefâh peut très bien avoir pour sujet le féminin rehôb, qui suit immédiatement. Mais remarquons, par contre, que la conjonction ve est tombée du texte devant fâHûb (iterum), car l’autorité et la critique s’accordent pour en réclamer la présence. — Le fait qui se rattache aux soixantedeux semaines, second groupe, est la mort violente du Messie, avec les deux effets terribles qu’elle entraîne. Il s’agit du déicide. Le verbe ikkàrép (occidetur) est usité des grands coupables à qui l’on applique une mort violenté. Voir Gen., xviii, 14 ; Num., ix, 13 ; Exod., xii, 15 ; Lev., vii, 20 ; xvii, 4, 9, etc. Il est donc bien affirmé que le Messie sera frappé de mort. Au lieu du Messie, plusieurs, entre autres Théodotion, ont lu l’abstrait : « onction » (x ?ia>a). Mais c’est manifestement une faute, le texte, Aquila, Symmaque, la Vulgate, portant uniformément le Messie. Le premier effet de cette mort violente est l’abandon et le rejet du peuple, ce qui est exprimé par : ve’én lô (et non ei). Phrase obscure, une croix pour les interprètes. Littéralement traduite, - elle donne ce sens : « il n’y a pas à lui, » ou mieux : « n’est pas à lui (le Messie). » Il y a évidemment ellipse. Le "supplément de l’ellipse doit se trouver dans le contexte. Parmi les hypothèses possibles, deux paraissent probables. L’une : « Il sera frappé de mort, mais il n’y aura pas de mort pour lui ; » opinion qui s’autorise du contexte prochain (logique) et d’une analogie étroite avec, en particulier, la doctrine d’Isaïe, qui, dans le même contexte, présente le serviteur de Dieu comme étant tué et comme n’étant pas tué. Is., lui, 3-9 ; cf. Ps.xxi, 22, 23 ; xv, 10. Voir J. Knabenbauer, In Daniel, p. 236. L’autre : « Il sera frappé de mort, et il n’aura pas ce qu’il doit avoir, ce qui lui appartient. » Or ce qui lui appartient comme Messie, c’est le peuple, qui en le répudiant cessera d’être un peuple à lui. La Vulgate, en ajoutant fopulus, qui eum negaturus est, a paraphrasé justement le texte : c’est le sens qu’il faut suivre. D. Palmieri, Vaticinium, p. 99. Le second effet prédit du déicide est, dans un intervalle imprécis, la destruction complète de la ville et du Temple et le renversement du culte et de la nation. Le peuple d’un prince marchera, habbâ’(= « venir » dans un sens militaire hostile, i, 1 ; xi, 10), contre la ville et le sanctuaire, et les ruinera. Cette destruction finale aura la violence rapide et l’enveloppement absolu de l’inondation ; du grand déluge sans doute. Le mot du texte rendu par vaslitas est basétéf (avec l’article), qui exprime l’image du cataclysme universel auquel est comparée l’armée vengeresse qui viendra. La guerre, en effet, durera jusqu’à l’extrême fin : c’est une dévastation irrévocablement décrétée. Hébreu : Et finis ejus (erit) in inundatione, et usque ad fineni (extremitatem ) ejus, bellurn ; decretum vastationum. — Il ne reste plus qu’une semaine, la soixante-dixième. Il s’y passe deux faits précis qui la distinguent : 1. l’affermissement de l’alliance et 2. la cessation du culte ancien. L’alliance, qui renferme les biens messianiques mentionnés plus haut, est confirmée ou affermie, en ce sens que de promise seulement elle devient un fait et une réalité ; et c’est le Messie qui en est l’auteur. C’est lui également qui fait tomber le culte ancien, au milieu, — non pas dans une moitié, — de cette dernière semaine. L’hostie et l’oblation, ce sont les deux grandes divisions des sacrifices mosaïques, désignent le culte tout entier, dont le sacrifice est le centre. Au fond, c’est la prédic tion que la nouvelle alliance est substituée à l’ancienne ; car, les sacrifices abrogés, il est nécessaire que l’économie dont ils font partie soit abrogée aussi : abrogation de droit d’ailleurs plutôt que de fait. — Ensuite, après cette semaine, à une date non fixée, il y aura dans le Temple des abominations qui causeront une irréparable et éternelle ruine. Les auteurs sontpartagés sur le sens de ces phrases difficiles, que nous entendons ainsi : « Il y aura (hébreu : ’al kenaf = « sur l’aile [dû Temple], » pour : dans le Temple ; Septante : lits to îepov ; Vulgate : in templo ; Matth., xxiv, 15) des choses abominables, savoir des idoles, des actes d’idolâtrie, des crimes horribles (Siqûçîm), qui amèneront comme châtiment la dévastation complète. Voir t. i, col. C9. Et ce sera ainsi jusqu’à la ruine finale décrétée, qui couvrira au loin, comme un voile de deuil étendu, ces lieux désolés (hébreu : Et [erit] usque ad internecionem eamque décrétant [quss] effundet se super vastatum). » Septante, Théodotion, Symmaque. — La prophétie ainsi comprise peut se ramener à ce qui suit : 1° Il y a soixante-dix semaines de fixées pour établir un nouvel ordre de choses, que distinguent la cessation du péché et l’avènement de la sainteté morale. 2° Il y aura soixante-neuf semaines qui s’ouvriront’au décret enjoignant de reconstruire Jérusalem et qui finiront à l’arrivée du Messie -Roi. Ces soixante-neuf semaines se divisent en deux séries : l’une de sept semaines, pendant lesquelles la ville sera rebâtie belle et forte ; l’autre de soixante-deux semaines, après lesquelles le Messie -Roi sera violemment mis à mort. L’effet de cette mort violente sera 1. la répudiation du peuple qui l’a sacrifié et 2. la destruction totale de la cité sainte et du Temple. 3° Il y aura une dernière semaine durant laquelle la nouvelle alliance sera conclue. Exactement au milieu de cette semaine le culte ancien cessera en droit. Puis l’abomination, qui causera la ruine, pXe-Suyixi tij ; Ipmuaaini, régnera dans le Temple, et il en sera ainsi jusqu’à la destruction complète décrétée. Voyons maintenant à qui s’applique cette prophétie.

m. Interprétation réelle. — Il existe présentement deux grandes conceptions de la prophétie, l’une rationaliste, l’autre catholique. Ajoutons-en une troisième, qui l’applique à la fin des temps. N’ayant pour elle ni le texte ni le nombre, il suffit de l’avoir nommée. Voir J. Knabenbauer, In Danielem, p. 266-268. — Les rationalistes rapportent donG cette prophétie aux temps d’Antiochus IV Épiphane, et ils en fixent l’accomplissement final avant l’an 163 au plus tard. Pour eux, c’est non pas une prophétie, — ils n’en reconnaissent point, — mais un vaticinium post eventum, c’est-à-dire une histoire passée écrite en style prophétique. Ils n’admettent pas qu’il y soit aucunement question du Messie. Ils l’interprètent à peu prés chacun à sa guise, et ils se divisent à l’envi les uns des autres en l’interprétant. Division sur le point de départ des soixante-dix semaines, sur leur point d’arrivée, sur la nature de ces semaines (les uns en faisant des semaines de jours, d’autres des semaines d’années, d’autres des semaines symboliques, imprécises), sur la fin des sept semaines, sur le commencement et la fin des soixante-deux semaines, sur la succession des différents groupes de semaines, et enfin sur la date initiale de la dernière semaine. Puis division sur les Messies nommés JK 25 et 26 : les uns les identifient, les autres les distinguent. Division sur la personne de ces Messies ; ils nomment, quand ils les séparent : pour le premier, Cyrus, Onias III, Josué, Zorobabel, Nabuchodonosor, Sédécias ; pour le second, Onias, Séleucus Philopator, Alexandre, le sacerdoce (unctio), le souverain pontificat suspendu par Antiochus ou interrompu après Onias. Naturellement l’exégèse du texte répond à cette divergence de conceptions, elle est d’une variété infinie : l’on s’y perd. Impossible donc d’exposer, même très rapidement, ce chaos d’opinions. On s’en fera quelque idée en lisant A. Rohling, Dos Buch Daniel, p. 302, et en étudiant le tableau des vingt-cinq

systèmes principaux qu’il a dressé, p. 290, et sur lesquels il porte avec raison le jugement suivant : « Ils sont unanimes, dit-il, à exclure de la prophétie le vrai Messie, le Rédempteur. En dehors de cela ils abandonnent tout le reste, libéralement, au gré et au caprice de chaque chercheur. Aussi le résultat est-il une vaine chimère où sont foulées aux pieds toutes les lois de la langue, de l’exégèse et de l’histoire, » p. 285. — La conception catholique, au contraire, regarde unanimement cette prophétie comme messianique, c’est-à-dire, pour parler nettement, comme se rapportant à Jésus-Christ Notre -Seigneur, à son temps et à son œuvre. Que s’il reste encore des points obscurs, ils ne nuisent pas à l’attribution générale, et l’on peut commodément les éclaircir.

Preuves. — 1° Aux dates et aux faits du texte répondent exactement les dates et les faits de la vie de Jésus, et seuls ils y répondent. Les soixante-dix semaines (490 ans) finissent à l’apparition des biens messianiques, dont nous avons parlé. La crucifixion de Jésus a amené la rémission des péchés, la réalisation des anciennes prophéties et l’onction par l’Esprit de l’Église naissante. La date du décret de reconstruction de Jérusalem, date qui ouvre la période totale des 490 ans et la période initiale des 49 ans, est, suivant un plus grand nombre, — car plusieurs ont préféré la septième année, ce qui en somme ne fait pas un grand écart, — la vingtième année d’Artaxerxès Longue-Main, c’est-à-dire, d’après un comput probable, l’an 290 de Rome fondée. Ajoutez les soixante-dix semaines ou 490 ans, et vous arrivez à l’an 780, date effective de la rénovation prédite. La ville est rebâtie dans les sept premières semaines (49 ans) ; dans quelles angoisses ! on le sait par Esdras. Soixante-deux semaines après (434 ans), le Christ est mis à mort Puis le peuple qui l’a renié. est rejeté. Puis, à une date qui suit, la ville et le Temple sont détruits par l’armée de Titus, et la ruine et la dévastation persévèrent. Dans la soixante-dixième semaine, Jésus inaugure l’alliance avec ses Apôtres d’abord, les sacrifices anciens sont abrogés, et peu après des horreurs se commettent dans le Temple par les idolâtres et par les zélotes eux-mêmes, et une guerre de dévastation amène une désolation irrémédiable. L’accord entre la prophétie et l’histoire de Jésus et de son temps est donc parfait. Tel est par conséquent le sens dans lequel il faut l’entendre. On objecte que les chiffres ne coïncident pas. Avouons-le. Mais il n’y a rien de « fort surprenant, dit Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, H" partie, ch. IX, s’il se trouve quelque incertitude dans les dates… Le peu d’années dont on pourrait disputer sur un compte de 490 ans ne fera jamais une importante question ». L’écart du reste est presque insignifiant, sept ou huit ans au plus, et il tient à l’ignorance où nous sommes de la date précise de la naissance de Jésus. « Mais pourquoi discourir davantage ? Dieu a tranché lui-même la difficulté. .., dit encore Bossuet, ibid. Un événement manifeste nous met au-dessus de tous les raffinements des chronologistes, et la ruine totale des Juifs, qui a suivi de si près la mort de Notre -Seigneur, fait entendre aux moins clairvoyants l’accomplissement de la prophétie. » — 2° Une autre preuve de la vérité de la conception catholique est l’unanime tradition des anciens et nommément des Pères et des écrivains ecclésiastiques. Il est fait allusion par Notre-Seigneur à 26e -" et à 27°- J dans Matth., xxiv, 15 ; Marc, xm, 14 : nul doute qu’il ne s’agisse de la catastrophe de l’an 70. L’historien Josèphe, Ant. jud., X, xi, 7, y rapporte aussi cette partie de la prophétie, et il voit ailleurs, Bell, jud., IV, vi, 3 ; v, 2 ; ii, 1, dans les profanations et les crimes des zélotes la cause de cette ruine. Cf. Fr. Fraidl, Die Exégèse, p. 19-23. Les premiers Juifs l’entendent aussi comme lui, notamment ceux du temps de saint Jérôme, In Dan., t. xxv, col. 552. Ils se divisent plus tard, mais les plus illustres maintiennent à cet oracle le caractère messianique et reconnaissent la ruine de leur nation dans les derniers versets. Nommons Saadias

ha-Gaon, R. Salomon Jarchi, Aben-Esra, Abarbanel. Cf. Fr. Fraidl, Die Exégèse, p. 124-134. — Les Pères et les auteurs chrétiens sont unanimes. Il en est quelques-uns, saint Justin, saint Cyprien, Lactance et saint Grégoire de Nysse, qui, ayant occasion de citer cette prophétie, ne la citent pas. Il faut attribuer ce silence à l’incertitude des dates et à des difficultés singulières d’interprétation, mais non à leur méconnaissance de sa messianité. Il n’y a, que l’on sache, que trois écrivains qui en doutent ou la nient. Deux modernes, le P. Hardouin et D. Calmet, tranchent sur le commun en ce sens qu’ils ne l’appliquent au Messie qu’au sens spirituel. À part cela, tous, les rationalistes exceptés, l’interprètent de Jésus de Nazareth et de son temps. Fr. Fraidl, qui a étudié consciencieusement les quinze premiers siècles à cet égard, en est arrivé comme résultat aux conclusions suivantes : Les auteurs qui l’ont commentée avec soin, à l’exception de Julius Hitarianius et des deux eschatologues Apollinaire et Hésychius, l’ont considérée tous comme étant messianique. La justice éternelle est le Christ lui-même ou les biens surnaturels apportés par lui. En somme : « À côté de l’unanimité dans l’explication générale de la prophétie, il règne une grande division sur le sens des phrases particulières et sur la computation des semaines. On doit admettre une interprétation traditionnelle de la prophétie, mais il faut dire qu’il n’en existe pas sur la manière de compter les semaines. » À cet égard, on distingue trois sortes d’opinions, les unes fixant la venue du Messie au milieu de la soixantedixième semaine, les autres exactement à la fin de la soixante-neuvième ou encore de la soixante-dixième, et les troisièmes après la soixante-neuvième, mais en la combinant avec l’oracle de Jacob sur le sceptre qui doit sortir de Juda. Voir Fr. Fraidl, Die Exégèse, p. 153-159 : on y voit un tableau de trente-deux computations diverses des soixante-dix semaines. Et ainsi l’histoire s’accorde avec la tradition exégétique pour rapporter à Jésus-Christ les grands traits de cette prophétie. Que si après tant d’éclaircissements elle offre encore quelque obscurité, disons que cette obscurité a été voulue de Dieu. « Il veut que sa révélation soit assez claire pour qu’un esprit attentif et droit puisse la saisir, mais il ne veut pas que l’évidence tue la liberté. Le langage de Daniel aurait pu être plus clair, si Dieu l’avait voulu ; mais il est suffisamment intelligible pour l’homme sincère. » M9 r Lamy, La prophétie de Daniel, p. 214, dans La Controverse, février 1886 Cf. E. B. Pusey, Daniel, p. 166. Telle est cette magnifique révélation, qui complète en les précisant les révélations précédentes, en particulier celle de Jacob, sur les temps messianiques. — À voir : Scholl, Comment, exeget. de Septuaginta hebdomad. Danielis, 1829 ; * Wieseler, Die 70 Wochen und die 63 Jarhwochen des Propheten Daniels, Goettingue, 1839 ; * K. Hoffmann, Die 70 Jahre des Jerem. und die 63 Jahreswochen des Daniels, Goettingue, 1839 ; Stawars, Die Weissagung Daniels in Beziehung auf das Taufjahr Christi, dans la Tùbing. Quarlalschrift, 1868, p. 416 ; Neteler, Die Zeit der 70 Jahreswochen Daniels, dans la Tùbing. Quartalschrift, 1875, , p. 133 ; Reusch, Patristische Berechnung der 70 Jahreswochen, dans la Tùbing. Quartalschrift, 1868, p. 536 ; Franz Fraidl, Die Exégèse der Siebzig Wochen Daniels, Grâtz, 1883 ; Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, 1. 1, p. 474-615 ; D. Palmiêri, De verilate hislorica libri Judith, Appendix, Vaticinium Danielis, Gulpen, 1886, p. 61-112 ; * J. W. van Lennep, De zeventig Jaarweeken van Daniel, Ulrecht, 1888 ; L. Reihke, Die Messianischen Weissagungen, Giessen, 1862, t. iv, p. 167-440 ; J. Bade, Christologie des Alten Testament, m, 2, Munster, 1852, p. 75-134 ; G. K. Mayer, Die messianischen Prophezien des Daniel, Vienne, 1866, p. 158.

IX. Bibliographie. — 1° Prolégomènes. — * Hengstenberg, Die Authentie des Daniel, Berlin, 1831 ; J. Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Introduction,

II. — 41

1283

    1. DANIEL##

DANIEL (LE LIVRE DE) — DANOISES (VERSIONS)

1284

critique, Paris, 1888 ; * Tregelles, Defence of the authenticity of the book of Daniel, 1852 ; * Zûndel, Kritische Untersuchungen ûber die Abfassungszeit des Bûches Daniel, Bàle, 1861 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, Paris, 1896 ; Ncteier, Die Gliederting des Bûches Daniel, Munster, 1870 ; A. Hebbelynck, De auctoritate historica libri Danielis necnon de interpretationeLXX ? iebdomadum, Dissertatio, Louvain, 1887 ; Dusterwald, Die Weltreiche und dos Gottesfeich nach den Weissagungen des Propheten Daniel, Fribourg, 1890 ; " A. von Gall, Die Einheitlichkeit des Bûches Daniel, Giessen, 1895 ; * A. Kamphausen, Das Buch Daniel und die neueste Geschichtsforschung, Leipzig, 1892 ;

  • F. W. Farrar, The Book of Daniel, 1895 ; *E. B. Pusey,

Daniel Ihe Prophet, Londres, 1876 (très érudit) ; Paynê Smith, Daniel, Londres, 1886 ; * H. Deane, Daniel, his life and Unies, Londres, 1888 ; * Auberlen, Le prophète Daniel et l’Apocalypse de saint Jean, traduit par H. de Rougemont, Lausanne, 1880..

2° Commentaires. — Nous ne nommerons qu’une partie des principaux : S. Hippolyte, Fragmenta et scholia, Migne, t. x, col. 638-700 ; Hippolyti romani qux ferunlur omnia grsece, Leipzig, 1855, édit. de P. de Lagarde ; S. Éphrem, Exposilio in Daniel., Opp. syr., ii, p. 203-233, Rome, 1740 ; Théodorct, Commentarius in visiones Daniel. , t. lxxxi, col. 1256-1549 ; S. Jérôme, Commenlariorum in Dan. liber unus, t. xxv, col. 513-610 ; — B. Albert le Grand, Expositio in Dan., Lyon, 1551 ; Opéra, t. viii, édit. Jemmy ; S. Thomas d’Aquin, In Danielem Expositio, Opéra, Panne, t. xxm (cette Exposition est communément attribuée à Thomas Vv’allensis) ; — H. Pinto, ]n divinum vatem Danielem, Commentarii, Coïmbre, 1582 ; B. Pereirius, Commentarii in Danielem, Rome, 1587 ; G. Sanctius, Commentarius in Danielem prophetam, Lyon, 1612, 1619 ; J. G. Kerkerdere, De monarchia Romse paganx secundum concordiam inter Danielem et Joannem, Louvain, 1727 ; G. Forti, Le profezie di Daniele nei capi 7-12 interpretate rnerc’e il rigore délia cronologia ê l’autorità délia storia, Capolago, 1845 ; Trochon, Daniel, in-8°, Paris, 1882 ; A. Rohling, Das Buch des Propheten Daniel, in-8°, Mayence, 1876 ; J. Knabenbauer, Commentarius in Danielem prophetam, Lamentationes et Baruch, in-8°, Paris, 1890. — Protestants, anglicans ou rationalistes : Hitzig, Das Buch Daniel, in-8°, Leipzig, 1850 ; Zœckler, Der Prophet Diniel, in-8°, Leipzig, 1870 ; F. C. Keil, Biblischer Commentar ûber den Propheten Daniel, in-8°, Leipzig, 1869 ; J. Meinhold, Das Buch Daniel, in-8°, Nordlingue, 1889 ; J. M. Fuller, Daniel, dans Holy Bible ivith Comtnentary, t. vi, in-8°, Londres, 1882, p. 210-398 ; A. A. Bevan, A short commentary on the Book of Daniel, in-8°, Cambridge, 1892 ; G. Behrmann, Das Buch Daniel, in-8°, - Gœttingue, 1894. E.Philippe.

    1. DANNA##

DANNA (hébreu : Danndh ; Septante : ’Pevvi, par suite de la confusion assez fréquente entre le daleth et le resch ; la version syriaque porte de même : Rano’), ville de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xv, 49. Elle fait partie du premier groupe de « la montagne », Jos ; , xv, 48-51, où elle est citée entre Socoth et Cariatiisenna ou Dabir. On a voulu l’identifier avec Idhnah, village situé entre Hébron et Beil Djibrin. , Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1883, t. ni, p. 305. Cette localité correspond bien à l’ancienne Iedna, qu’Ëusébe et saint Jérôme, Onomastka sacra, Gœttingue, 1870, p. 132, 266, signalent à six milles (près de neuf kilomètres) d’Éleuthéropolis (Beit Djibrin), sur la route d’Hébron ; mais nous ne pouvons guère y reconnaître Danna. Et la raison, pour nous, se tire principalement de la place qu’occupe cette ville dans l’énumération de Josué. L’auteur sacré suit, en effet, un ordre régulier dans ses listes, comme le prouvent de nombreux exemples, t. i, col. J086, 1092, etc., et il semble difficile

de chercher un nom en dehors du groupe où il est déterminé, fût-il parfaitement au sein de la même tribu. Or les limites dans lesquelles notre cité biblique est circonscrite sont bien marquées, car la plupart de celles qui l’entourent sont assez exactement identifiées : Samir, Khirbet Sômerah ; Jéther, Khirbet’A ttîr ; Socoth, Khirbet Schouéikéh ; Dabir, EdhDhâheriyéh ; Anab, ’Anab ; Istemo, Es-Semou’a ; Anim, Ghououeïn. Le territoire ainsi jalonné appartient à l’arête montagneuse qui se trouve au sud et au sud-ouest d’Hébron. Idhna, au contraire, semble plutôt rentrer dans le troisième groupe de « la plaine », Jos., xv, 42-44, avec Éther, Khirbet el-’Atr ; Nésib, Beit Nousib ; Ceila, Khirbet Qila, et Marésa, Khirbet Mérasch, ce qui nous transporte au nord-ouest d’Hébron, dans les environs de Beit Djibrin. Voilà pourquoi nous l’assimilerions plus volontiers à Esna, du ^.43. Voir Juda, tribu et carte. La difficulté est la même pour Khirbet Dahnéh, situé à sept kilomètres environ au sud de Beit Djibrin. Cf. G. Armslrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, . Londres, 1889, p. 48. Évidemment, le principe que nous émettons peut bien n’être pas absolu ; mais il faut, pour aller contre, d’autres motifs qu’un simple rapprochement de noms. Danna reste donc pour nous jusqu’à présent

inconnue.
A. Legendre.
    1. DANOISES##

DANOISES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRI TURES. — La plus ancienne version danoise de la Bible se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque royale de Copenhague, qui paraît être du XVe, selon quelques-uns du xiv » siècle. Cette traduction, qui suit pas à pas la Vulgate, s’arrête au second livre des Rois. Elle a été publiée par M. Chr. Molbech : Den seldste danske Bibel-overssettelse eller det garnie Testamentes otte forste Bogger, fordanskede efter Vulgala. Udgiven efter et Haandskrift fra det 15 aarh., in-8°, Copenhague, 1828. Hans Mikkelsen (appelé quelquefois Jean Michælis), secrétaire de Christian II, publia sous le patronage de ce roi la première version danoise de tout le Nouveau Testament. Pour les Évangiles, il se guida dans sa traduction sur la version latine d’Érasme, pour les Actes, les Épîtres et l’Apocalypse, il suivit mot à mot la version allemande de Luther. Sa langue n’est pas le pur danois, mais un dialecte moitié danois, moitié suédois. Cette version fut éditée à Leipzig, in-8°, 1524, et réimprimée à Anvers, en 1529. En 1528 parurent deux versions danoises des Psaumes : l’une de Fr. Wormord, in-8°, à Rostock ; l’autre publiée à Anvers, par Pedersen. Ce dernier eut sous les yeux et le texte hébreu et la traduction de saint Jérôme ; son style est pur ; en tête de son Psautier se lit une préface remarquable sur la beauté des Psaumes. Cet ouvrage fut réimprimé en 1531 et en 1584 et 1586, à Copenhague. Le même auteur traduisit le Nouveau Testament en se servant de l’œuvre de Mikkelsen : cette traduction, d’un meilleur style, parut à Anvers, en 1529, et fut très répandue. Une seconde édition, jointe aux Psaumes, fut publiée à Anvers, en 1531. Hans Tausen donna en 1535, à Magdebourg, une version du Pentateuque d’après le texte hébreu et à l’aide de la Vulgate et de la traduction de Luther. Une seconde édition fut imprimée l’année suivante au même endroit. C’est également en s’aidant de la Vulgate et de la version de Luther que Peter Tideman publia le livre des Juges à Copenhague, en 1539. Tous ces travaux préparaient la voie à une traduction de la Bible entière. Sous l’inspiration de Bugenhagen et la protection du roi Christian III, la faculté de théologie de Copenhague se mit à l’œuvre. Les professeurs P. Palladius, Olaus Chrysostome, Jean Synning, Jean Machabée ou Macalpine, furent aidés de Tideman et de Pedersen, qui avaient déjà donné des traductions partielles de l’Écriture. On suivit la version de Luther. En 1550 parut la première édition, tirée à trois mille exemplaires, in-f » de 552 pages, avec figures sur 1285 DANOISES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRITURES — DANSE 1280

bois, à Copenhague. Une seconde édition en beaux caractères et augmentée des introductions et notes marginales de Luther et des sommaires de Vite Théodore fut donnée en 1589. L’amélioration du texte consista presque exclusivement à supprimer les archaïsmes de la première édition. J. Wandalin, Epistola apud J. F. Mayerum de versione Lulheri, p. 69. Une seconde édition revisée en fut publiée en 1633, 2 in-f », Copenhague. Les éditions in-8° imprimées depuis (1670, 1690 et 1699) l’ont reproduite. J. Wandalin, Epistola, p. 70. Les Psaumes, extraits de cette version de Palladius, furent publiés a Copenhague, en 1591 et 1598, et accompagnés de l’allemand, à Lubeck, en 1599. Hans Poulsen Resen (Joannes Paulus Resenius), évéque de Seeland, ne trouvant pas assez littérales les versions précédentes de 1550 et de 1589, faites d’après celle de Luther, entreprit de les reviser et de suivre de plus près l’hébreu et le grec. Le Nouveau Testament fut publié en 2 vol. in-8°, en 1605 ; la Bible entière fut terminée en 1607 : Biblia paa Danske, det ér : Den gantske hellige Skriftis Bogger, igennemseete effter King Chr. 1III Befaling. ved Hans Poulsen Resen, in-£°,

quand ces sentiments atteignent un haut degré d’intensité, le corps entre en mouvement comme pour se mettre à l’unisson des vibrations de l’âme. Ce mouvement instinctif du corps a été soumis à des règles et est devenu la danse, de même que l’expression verbale de la pensée et l’émission de la voix, soumises à des cadences particulières, ont donné naissance à la poésie et à la musique. Ces trois arts, poésie, musique et danse, se trouvèrent associés par la force même des choses. « L’exemple des enfants prouve que la poésie et la musique réunies conduisent naturellement à la danse. Les sensations vives, vivement exprimées par des paroles et par des sons, demandent l’accompagnement du geste. » Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. de Carlowitz, Paris, 1851, p. 445. Sur les monuments égyptiens, on voit les danseurs exécutant des mouvements cadencés et se présentant dans les attitudes les plus gracieuses. Ils sont souvent deux à deux, et reproduisent avec leurs bras et leurs jambes les mêmes figures symétriques (fig. 473-475). Chez les Hébreux, il n’est pas question de danse à l’époque patriarcale. Mais après le passage de la mer Rouge, Marie,

&m Anji

473. — Danseur » égyptiens. v « dynastie. Pyramides de Ghizéh. D’après Lepsius, Denlcmaler, Abth. ii, Til. 52.’Copenhague, 1607. Une seconde édition en fut préparée et donnée par Hans Swaning, archevêque de Seeland : Biblia paa Danske, det er : Den gandske hellige Skriftis Bogger, paa ny igiennemseete efter den Ebrseiske oe Grxkiske Text (ved. Hans Svane), 2 in-4° ou 4 vol. in-8°, Copenhague, 1647. Cette édition revisée fut réimprimée en in-8°, dans la même ville, en 1715, en 1717-1718, en 1722, grâce au collège des Missions, fondé en 1714, qui répandit un nombre considérable d’exemplaires. Les éditions qui suivirent, de 1732 à 1748, reproduisent le même texte : en cette dernière année le Nouveau Testament fut retouché, mais la traduction de l’Ancien fut laissée intacte. Depuis des réimpressions en furent données en 1760, 1766, 1771, 1780, 1787, 1791, 1799, toutes in-8°. La Société biblique répandit à profusion deux éditions faites en 1810 et 1814, d’après celle de 1799. En 1819 parut une édition in-8° revisée du Nouveau Testament par l’évêque Mùnter et cinq autres savants, réimprimée en 1820, in-8° ; et en 1824 le même travail fut achevé pour l’Ancien Testament, qui fut publié avec le Nouveau en in-4°. Une édition avec des notes de plusieurs théologiens fut donnée à Copenhague, en 2 vol. gr. in-8°, 1846-1847. — Voir Le Long, Bibliotheca sacra, in-f°, 1723, t. i, p. 415-417 ; S. Bagster, The Bible of every Land, in-4°, 1860, p. 217-221 ; Chr. V. Bruun, Bibliotheca Danica, in-4°, 1877, t. i, p. 10. E. Levesque.

    1. DANSE##

DANSE (hébreu : mâhôl et mehôlâh, de hûl ou hil, « danser en rond ; » Septante : x°P<Sî> Vulgate ; chorus), suite de sauts et de pas exécutés en cadence, ordinairement avec accompagnement de musique.

I. La danse en général. — 1° Chez tous les anciens peuples, la danse est née naturellement du besoin d’exprimer extérieurement certains sentiments de l’âme ;

sœur d’Aaron et de Moïse, se montre habile à chanter et à danser. Exod., xv, 20. Même dès cette première époque, la danse n’est point un privilège de certaines classes de la société ; c’est tout un peuple qui danse autour du veau d’or, quelques semaines seulement après la sortie d’Egypte. Exod., xxxii, 6, 19. — 2° Ce qui montre quelle place tenait la danse dans les habitudes des anciens Hébreux, c’est qu’ils n’ont pas moins de huit verbes pour désigner l’action de danser : Ijûl et hîl, Jud., xxi, 21, d’où dérivent les deux substantifs qui signifient « danse » ; — dûs, « sauter, » Job^ xli, 13 (s’il ne faut pas lire rûs, « courir » ) ; — hàgag, « danser, » I Reg., XXX, 16, verbe qui a cet autre sens caractéristique de « célébrer une fête », un hag ; danse et fête apparaissent donc ici comme choses connexes ; — kârar, « sauter, aller en rond, danser, » II Reg., vi, 14, 16 ; — pâzaz, « sauter et danser, » II Reg., vi, 16 ; — pâsah, « boiter, » et par ironie « danser » ridiculement, III Reg., xviii, 26 ;

— râqad, « sauter de joie et danser, » I Par., xv, 29 ; Job, xxi, 11 ; Eccl., iii, 4 ; Is., xiii, 21 ; — silfaq, a. danser, » pihel de iâl.iaq, qui veut dire « rire, jouer », Ttxt’fetv, ludere, Jud., xvi, 25 ; II Reg., vi, 5, 22 ; I Par., xiii, 8 ; Jer., xxx, 19 ; xxxi, 4. Cf. Prov., viii, 30. Le verbe grec naîÇeiv, « faire l’enfant, jouer, » a également le sens de « danser ». Odys., vm, 251 ; xxiii, 147 ; Hésiode, Scut., 277 ; Aristophane, Thesmophor., 1227. — 3° La Sainte Écriture fait plusieurs allusions au goût des Hébreux pour la danse. Job, xxi, 11, parle des heureux du siècle dont « les enfants dansent ». Ailleurs, xli, 13, par une figure hardie, il dit que a l’épouvante danse devant le crocodile ». Dans le Cantique des cantiques, vii, 1, Salomon compare la Sulamile à « une danse des deux camps », c’est-à-dire à deux troupes de danseuses qui se répondent. L’Ecclésiaste, iii, 4, rappelle qu’il y a « temps de pleurer et temps de danser ». Dans

les Proverbes, xxvi, 7, on compare « la parabole dans la bouche des sots à l’élévation des jambes », c’est-à-dire à la danse « d’un boiteux ». Vulgate : « De même que le boiteux a en vain de belles jambes, ainsi la parabole est indécente dans la bouche des sots. » Il y a à conclure de cette sentence que les boiteux eux-mêmes ne se privaient pas de danser. Il n’est question de danseuse de profession que dans l’Ecclésiastique, ix, 4, qui dit : « Ne

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474. — Danseuses égyptiennes. xix « dynastie.

Thèbes. El-Gournah.

D’après Champollton, Monuments de l’Egypte, t. ii, pi. clxxxvi.

fréquente pas la danseuse. » Le texte grec parle de joueuse d’instruments, <]/aXXo’J<T7|. Mais, comme nous l’avons remarqué plus haut, la danse ne se séparait pas de la musique. IReg., xviii, 7 ; xxi, 11 ; II Reg., VI, 5 ; Jer., xxxi, 4. Les enfants aimaient à imiter ce dont ils étaient fréquemment témoins. Notre-Seigneur daigne lui-même répéter un de leurs refrains : « Nous avons chanté, et vous n’avez pas dansé. » Matth., xi, 17 ; Luc, vii, 32. — 4° Nous ne savons pas de quelles sortes de mouvements se composaient les anciennes danses hébraïques. Les verbes qui expriment l’action de danser montrent toutefois que, chez les Hébreux comme partout ailleurs, la danse comportait

sions, III Reg., xviii, 26 ; toutefois David paraît avoir excité quelque étonnement par sa danse devant l’arche. II Reg., vi, 5, 22 ; I Par., xv, 29. Dans les temps voisins de la venue de Notre-Seigneur, la danse fut considérée comme indécente pour des hommes. À Rome, on disait que « pour danser, il faut qu’un homme soit ivre ou fou ». Cicéron, Pro Muren., 14. Cf. Corn. Nepos, xv, 1 ; Suétone, Domit., 8 ; Horace, Od., xxi, 11, 12 ; xxxii, 1, 2. Antipater, (ils de Salomé, accusait Archélaûs de s’enivf er pendant la nuit et de se livrer à des danses bachiques. Josèphe, Bell, jud., II, ii, 5. Cependant, s’il faut en croire le Talmud de Babylone, Ketuboth, ꝟ. 16 b, les hommes les plus graves ne dédaignaient pas de danser devant les nouveaux mariés dans les festins de noces.

II. Les danses religieuses. — La danse avait sa place marquée dans les cérémonies religieuses, soit comme accompagnement naturel du chant et de la musique, soit comme moyen de faire participer le corps tout entier au culte de la divinité. — 1° Elle n’était point exclue du culte du vrai Dieu. Au jour d’une « fête de Jéhovah », les jeunes filles de Silo sortaient dans les vignes pour danser, et les Benjaminites en profitèrent pour s’assurer des épouses qu’on leur refusait, Jud., xxi, 19-23, comme plus tard les Romains devaient le faire vis-à-vis des Sabines. Si ces danses de Silo ne constituaient pas un acte strictement religieux, du moins avaient-elles lieu à l’occasion d’une fête du Seigneur. — La danse de David devant l’arche a un caractère plus tranché. C’est en l’honneur du Seigneur que le roi se livre à cet exercice. II Reg., vi, 5, 14, 16 ; I Par., xiii, 8. Quand Michol lui reproche de s’être déshonoré devant des servantes et de s’être conduit comme un rêq, un homme de rien, David répond : « Devant Jéhovah, qui m’a choisi de préférence à ton père, … je danserai, et je m’abaisserai plus encore que je n’ai fait. » II Reg., vi, 20-22 ; I Par., xv, 29. — Dans 1* liturgie du second Temple, des chants étaient exécutés avec accompagnement de danses, au son du tambourin. Ps. cxlix, 3 ; cl, 4. — 2° La danse jouait un grand rôle

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475. — Danseurs égyptiens. D’après P. E. Newberry, BéniHassan, part, ii, pi. 13.

dos sauts, des tours sur soi-même, des mouvements circulaires exécutés par une ou plusieurs personnes, et en général une allure vive et joyeuse. Tout permet donc de supposer que ces danses ne différaient pas essentiellement des danses actuelles des peuples orientaux. La gesticulation qui les accompagnait devait être vive et expressive, mais sans jamais rien présenter d’immoral. De nos jours, les Bédouines exécutent des danses très caractéristiques, mais en gardant toujours cette réserve particulière à l’Orient, dont les danseuses égyptiennes ont le tort de s’exempter trop facilement. Winer, Biblisches Realwôrterbuck, Leipzig, 1833, p. 655. — 5° C’étaient les jeunes filles qui dansaient le plus ordinairement, soit seules, Exod., xv, 20 ; Jud., xi, 31 ; Matth., xiv, 6, etc., soit en chœur, Jud., xxi, 21 ; Jer., xxxi, 4, 13, etc. Mais elles ne dansaient qu’entre elles, et à part des jeunes gens. Jud., xxi, 21 ; Jer., xxxi, 13. Les femmes dansaient aussi, I Reg., xviii, 6, 7, etc., et parfois toute une population se livrait à cet exercice. Exod., xxxii, 6, 19 ; Judith, Jii, 10, etc. Les hommes dansaient dans certaines occa dans les cultes idolâtriques. Les dieux d’Egypte avaient leurs collèges de musiciennes et de danseuses, Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 126 ; on dansait en l’honneur de l’Astarthé chananéenne, t. i, col. 1187, et du Dionysos des Grecs, t. i, col. 1376. À Rome, les prêtres de Mars portaient le nom de Saliens, à cause des danses (satire) qu’ils exécutaient par la ville à la fête de leur dieu. La danse idolâtrique se rencontre chez les Hébreux dès leur sortie d’Egypte, quand tout le peuple est réuni autour du veau d’or. Exod., xxxii, 6, 19. D’autres danses ; analogues se pratiquèrent chaque fois que les Israélites s’adonnèrent aux cultes étrangers ; mais la Bible n’en parle pas. — À l’époque du prophète Élie, on voit les prêtres de Baal danser longuement devant leur autel. III Reg., xviii, 26. La danse était en grand usage dans le culte de Baal. Il existait même près de Béryte (Beyrouth), en Phénicie, un temple en l’honneur de Ba’al-Markoâ, ou « Baal de la dansé », ïtarkod venant de râqad, « danser. » On y a trouvé des inscriptions dont l’une mentionne -1289

DANSE — DAN-YAA.N

1290 « Balmarkos maître des danses ». Corpus inscript, grœc, I a 4536 ; Corpus inscript, lat., t. iii, n° 155 ; Ph. Le Bas et W. H. Waddington, Inscriptions grecques et latines recueillies en Grèce et en Asie Mineure, t. iii, Paris, 1870, ii os 1855-1857 ; Clermont-Ganneau, Une nouvelle dédicace A Baal-Marhod, dans le Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, p. 94-96, 101-114 ; F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit-, t. iii, p. 600-601.

III. Les danses profanes. — Elles ont lieu dans toutes les circonstances où la joie a besoin de se manifester avec plus d’éclat qu’à l’ordinaire. On danse donc : 1° à la suite d’une victoire, comme Marie après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 20 ; la fille de Jephté, après la victoire de son père sur les Ammonites, Jud., xi, 34 ; les femmes d’Israël, après la victoire de David sur Goliath, I Reg., xviii, 6, 7 ; xxi, 12 ; xxix, 5 ; les Amalécites, après leur victoire sur les Philistins. I Reg., xxx, 16. Chez les Égyptiens, on trouve des représentations de danses guerrières avant la bataille (voir 1. 1, fig. 232). Rosellini, Monumenti civili, pi. cxvii, 2 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1897, t. ii, p. 220. La Bible ne fait aucune allusion à des danses de ce genre chez les Hébreux.

— 2° Dans les festins solennels. À la suite d’un festin, les Philistins font venir Samson pour qu’il danse devant eux. Jud., xvi, 25. Le fils de Sirach parle de la musique qui accompagnait les festins, et il recommande aux vieillards de ne pas l’empêcher. Eccli., xxxii, 5, 7 ; XL, 20 ; xlix, 2. À cette musique se joignait habituellement la danse. — Quand le prodigue revient à la maison paternelle, on y fait un festin avec accompagnement de musique et de danse. Luc, xv, 25. — Au jour anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade danse devant l’assistance à la suite du festin. Malth., xiv, 6 ; Marc, vi, 21, 22. L’Évangile remarque qu’elle plut à Hérode et à l’assistance. Pour obtenir ce résultat, il fallait sans doute une de ces danses lascives, introduites avec les coutumes grecques à la cour des Hérodes. Une danse simplement gracieuse eût été peu goûtée de convives mis en un tel état par le festin, que le roi promettait inconsidérément à la danseuse tout ce qu’elle demanderait, même la moitié Je son royaume. Marc, vi, 23. — 3° Après les vendanges. A l’époque des Juges, les Sichimites « vont dans leurs champs, vendangent leur vigne, foulent [le raisin] et célèbrent les louanges », c’est-à-dire les chants joyeux accompagnés de danses. Vulgate : « et font des chœurs de chanteurs ; » chaldéen : « font des danses. » Jud., ix, 27. Cf. Is., xvi, 10 ; Jer., xxv, 30. — 4° En général, en signe de joie et de prospérité. Les habitants des villes de Syrie accueillent en dansant les envoyés de Nabuchodonosor. Judith, iii, 10. Ici sans doute la joie n’a rien de spontané. Les danses cessent à Jérusalem pendant les jours de la captivité. Lam., v, 15. Mais les chœurs de danse reprendront dans Sion restaurée. Jer., xxx, 19 ; xxxi, 4, 13.

H. Lesêtre.
    1. DANTINE Maur François##

DANTINE Maur François, bénédictin, né le 1 er avril 1688 à Gouriem, dans le diocèse de Liège, mort à Paris le 3 novembre 1746. Il fit profession dans l’ordre de Saiut-Benoit le 14 août 1712, à l’abbaye de SaintJulien de Beau vais, et enseigna la philosophie à Saint -Nicaise’de Reims. Appelé à Saint-Germain-des-Prés, il travailla à la collection des lettres des papes et à une édition du Glossaire de Ducange. Son attachement aux doctrines du jansénisme le fit envoyer à Saint-Martin de Pontoise, où il s’appliqua avec un soin tout particulier à l’étude de l’Écriture Sainte. Étant revenu à Paris, à l’abbaye des BlancsManteaux, il publia une traduction des Psaumes bous ce titre : Les Psaumes traduits sur l’hébreu avec des notes, par un religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, in-8°, Paris, 1739. La même année, il dut donner une seconde édition de ce travail. Une troisième, corrigée et augmentée des cantiques et de diverses prières, parut l’année suivante, in-12, Paris, 1740.

— Voir dom Tassin, Histoire littéraire de la congréga tion de Saint-Maur (1770), p. 631 ; dom François, Bibliothèque générale de tous les écrivains de l’ordre de Saint-Benoît (1777), 1. 1, p. 235 ; Polain, Notice sur dom Maur Dantine, dans la Revue belge, t. i, p. 265.

B. Heurtebize.
    1. DAN-YAAN##

DAN-YAAN (hébreu : Dânâh (avec hé local) Ya’an ; Septante : AavtSiv xoù OùBiv ; Codex Vaticanus : Aiv EiSàv xaï O08âv ; Codex Alexandrinus : Aàv’Iapâv xa’louSiv ; Vulgate : Dan silveslria), ville de Palestine nommée une seule fois dans l’Écriture, II Reg., xxiv, 6, comme un des points visités par Joab et les chefs de l’armée qui firent le dénombrement du peuple ordonné par David. Est-ce une localité distincte, ou n’est-ce point plutôt la cité de Dan-Laïs, bien connue dans la Bible ? Telle est la question. Le nom lui-même, on le voit d’après les versions, offre quelque confusion. La Vulgate et les Septante, au moins d’après le Codex Alexandrinus, ont lu

ny fïï, Dân ya’ar, « Dan de la forêt, » au lieu de jï » ii,

Ddn Ya’an. Cependant Kennicott et de Rossi ne donnent aucune variante pour le texte original, et la paraphrase chaldaïque maintient la leçon de l’hébreu.

Quoi qu’il en soit du nom, qui ne peut rien trancher pour la question d’emplacement, nous nous trouvons en présence de trois opinions. — 1° Plusieurs auteurs regardent Dan Yaan comme une ville inconnue de la Pérée septentrionale, située au sud-ouest de Damas, identique à celle qui est mentionnée Gen., xiv, 14, à propos de la victoire d’Abraham sur Chodorlahomor et ses alliés. Cf. Keil, Die Bûcher Samuels, Leipzig, 1875, p. 393. Cette opinion s’appuie, d’une part, sur les difficultés que nous avons signalées au sujet de la route et de la fuite des Élamites (voir Dan 3, col. 1244) ; de l’autre, sur ce que Dan est ici, comme Deut., xxxiv, 1, citée avec la terre de Galaad. Cette dernière raison ne nous paraît pas suffisante. L’auteur sacré trace à grandes lignes l’itinéraire des officiers de David. Commençant leur recensement par l’est du Jourdain, ils remontent du sud au nord ; après avoir traversé le pays de Galaad et la « terre inférieure d’Hodsi » (le pays des Héthéens, col. 369), ils viennent à « Dan la Sylvestre » ; puis, « tournant du côté de Sidon, » ils passent près des murailles de Tyr, pour parcourir du nord au sud la région occidentale. Rien n’indique ici qu’il faille chercher notre ville du côté de Damas. Dan-Laïs, située au nord de Galaad, à la frontière septentrionale du royaume, sur la route de Tyr et de Sidon, nous paraît fort bien rentrer dans la route suivie par les gens du roi. Pourquoi d’ailleurs donner comme point de repère dans ce jalonnement une ville mentionnée pour la première ou la seconde et dernière fois, alors que la vieille cité des Danites était proverbiale ? Il serait même étonnant que celle-ci ne fût pas comprise dans la liste, du côté du nord, comme son opposé, Bersabée, l’est du côté du sud. II Reg., xxiv, 7.

— 2° Depuis la découverte par le D r Schultz, consul prussien à Jérusalem, des ruines appelées Khirbet Dâniân, à l’est et non loin du Râs en-Nàqourah, sur la côte méditerranéenne, quelques - uns ont voulu y retrouver Dan Yaan, que le nom moderne semble rappeler. Cf. Van de Velde, Memoir to accompany tke Map ofthe Holy Land, Gotha, 1858, p. 306 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881, t. i, p. 152 ; Name Lists, p. 47 ; G. Armstrong, ’W. Wilson et Conder, Names and places in tke Old and New Testament, Londres, 1889, p. 48. Nous ferons remarquer que la ressemblance onomastique n’est pas tout dans les identifications, il faut de plus l’accord avec les indications du texte sacré. Or c’est ce qui manque ici. Nous voyons bien les envoyés de David tourner de l’est à l’ouest en passant de Galaad à Dan pour parcourir les environs de Sidon et de Tyr, et de là descendre vers le sud ; mais nous ne comprenons pas du tout qu’ils soient venus de l’est directement à Khirbet Dânîân, pour remonter vers Sidon et revenir « près des murailles de Tyr », ꝟ. 6, 7, c’est-à-dire faire double trajet dans cette visite du nord-ouest. — 3° Reste donc l’identité de Dan Yaan avec Dan-Laïs. Elle ressort des arguments apportés contre les deux opinions précédentes, et est admise par un certain nombre d’auteurs, R. von Riess, Bibel-Atlas, % édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 9 ; Mûhlau, dans le Handwôrterbuch des Biblischen Altertums, de Riehm, 2e édit., Leipzig, 1893, t. i, p. 294, etc. Aux raisons déjà données s’ajoutent les suivantes. Si l’on accepte la leçon de la Vulgate, le nom de Dân Ya’ar, « Dan de la forêt, » peut très bien s’appliquer à Tell el-Qadi, avec ses magnifiques fourrés d’arbres, surtout par opposition au territoire de la tribu de Dan, qui se composait en grande partie de la plaine de Séphéla. Si l’on maintient l’hébreu Ya’an, il s’explique par le nom phénicien de Ba’al Ya’an, « le seigneur joueur de flûte, » donné au dieu Pan sur certaines monnaies de Panéas (Banias), où il était honoré. Dan Yaan aurait été ainsi la dénomination primitive de la célèbre cité voisine, appelée ensuite Laïs ou Lésem, et à laquelle les conquérants danites n’auraient fait que restituer son ancien nom, en y rattachant une autre signification. Cf. Fiirst, Hebrâisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 303 ; F. de Hummelauer, Comment, in ïibros Samuelis, Paris, 1886, p. 448.

A. Legendre.
    1. DAPHCA##

DAPHCA (hébreu : Dofqàh ; Septante : ’Pa<paxâ, par suite de la confusion entre le i, dalelh, et le ii, resch), une des stations des Israélites dans la péninsule du Sinaï, mentionnée seulement au livre des Nombres, xxxiii, 12, 13. Elle forma, avec Alus, un des deux points d’arrêt entre le désert de Sin, Exod., xvi, 1 ; Num., xxxiii, 11, c’est-à-dire la plaine d’El-Markha, sur les bords du golfe de Suez, et Raphidim, Exod., xvii, 1 ; Num., xxxiii, 14, ou Youadi Feiran. On n’a pu jusqu’ici déterminer d’une manière certaine la position de ce double campement, qui ne fut marqué par aucun événement de quelque importance, puisque l’Exode le passe sous silence. Nous avons cependant des probabilités en faveur de Daphca. Pour aller d’El-Markha à l’ouadi Feiran, les Hébreux avaient deux routes principales. Ils pouvaient longer la côte jusqu’à l’embouchure de l’ouadi, à quarante-six kilomètres de l’Aïn Dhafary, la source d’eau douce qui les avait alimentés dans le désert de Sin, puis remonter la vallée jusqu’à Hési el-Khattatin. C’est le chemin le plus facile, mais le plus long : il n’a pas moins de soixante-dix-huit kilomètres. Une voie plus courte s’ouvrait par Youadi Sidréh, à douze ou treize kilomètres au sud d’Ain Dhafary : suivant la vallée jusqu’aux mines de Magharah, elle tourne à droite dans Youadi Mokatteb, la fameuse « Vallée écrite », remarquable par ses inscriptions, et franchit par une penle douce un large col pour retomber dans l’ouadi Feiran, à vingt-sept kilomètres au-dessus de son embouchure. La brièveté du chemin et d’autres motifs dont nous parlerons tout à l’heure portent à croire que Moïse choisit cette dernière roule, du moins pour la principale colonne qu’il conduisait. Il est probable, en effet, qu’il fit passer les bagages et les troupeaux par la première, plus facile, mieux garnie d’herbages. Une telle multitude, du reste, avait avantage à se diviser sur des routes parallèles. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ii, p. 478.

Dans ces conditions, où chercher Daphca ? Plusieurs pensent que le nom s’est conservé dans celui d’el-Tabbaccha, localité signalée par Seetzen à une heure et demie au nord-ouest de l’ouadi Mokatteb, dans l’étroite vallée de Youadi Gné ou Kenéh. Cf. Riehm, Handwôrterbuch des Biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 285. — Un savant égyptologue allemand, M. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, in-8°, 2e édit., Leipzig, 1881, p. 149, a rapproché Daphca du nom égyptien Mafka, donné à la région des mines du.Sinaï. Il y a, en effet, vers le point de jonction des ouadis Sidréh, Gné ou Igné, et Mokatteb,

dans un endroit appelé Magharah, i la caverne, » des excavations dont les richesses métalliques furent exploitées par les pharaons, longtemps avant l’exode. Mafka désigne la matière précieuse qu’on extrayait de ces mines, c’est-à-dire la turquoise, d’après M. Birch ; le cuivre, d’après MM. Lepsius et Ebers ; la malachite, d’après M. Chabas. La contrée était nommée « le pays du mafk ». Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa nach altàgyptischen Denkmâlern, iir-8°, Leipzig, 1893, p. 133. Or, dit M. Ebers, le mot, précédé de l’article féminin ta, se prononçait Tmafka, d’où serait venu Dafka par la chute de la consonne nasale, comme de Tmermut est venu Thermuthis, 0ép(iou61 ; . « Cette similitude de nom, la situation du lieu sur la route de Raphidim, à une petite journée du désert de Sin, la vaste plaine qui fait suite à l’ouadi Sidr, la source située à une demi-heure au bord de la plaine, l’eau que d’anciennes inscriptions supposent voisine des mines : tout cela constitue en faveur de l’opinion qui place ici la station de Daphca un ensemble considérable de probabilités. » M. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 75. Si l’on objecte contre cet itinéraire des Hébreux la crainte qu’ils auraient pu avoir des Égyptiens qui gardaient Magharah, nous répondrons que l’exploitation de ces mines paraît avoir cessé sous la XIIe dynastie, longtemps avant le passage des Israélites à travers, la péninsule. — M. Léon de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et tes Nombres, in-f°, Paris, 1841, p. 98, place Daphca dans l’ouadi Feiran.

A. Legendre.
    1. DAPHNÉ##

DAPHNÉ (Aâçvïi), lieu célèbre, près d’Antioche de Syrie, avec un temple d’Apollon et-de Diane qui possédait le droit d’asile. II Mach., iv, 33. C’est là que se réfugia le grand prêtre Onias III, quand il voulut dénoncer le vol sacrilège commis dans le Temple de Jérusalem par Ménélas. Celui-ci, pour se débarrasser de son accusateur, vint trouver Andronique, dont il avait d’avance payé la complicité avec une partie des vases dérobés, et le pria de le mettre à mort. Le Grec, qui ne pouvait rien refuser à son corrupteur, s’en alla à Daphné, et, tendant la main à Onias, lui affirma par serment qu’il n’avait rien à craindre et lui persuada de sortir du lieu de refuge. Malgré sa défiance, le grand prêtre se laissa prendre à cette promesse ; mais à peine avait-il franchi les limites de l’asile, qu’il tomba percé de coups. Le meurtre d’un homme si vénérable souleva, non seulement parmi les Juifs, mais chez les Grecs eux-mêmes, une indignation générale. Aussi le roi, à son retour de Cilicie, reçutil des deux côtés une accusation formelle contre celui qui était en même temps traître à sa parole et bourreau. Antiochus Épiphane, peu facile pourtant à émouvoir sur les malheurs des Juifs, ne put s’empêcher de pleurer la mort d’un pontife dont il connaissait la conduite digne et la modération. Plein de colère, il ordonna qu’on dépouillât Andronique de la pourpre, qu’on le menât à travers toute la ville, etque ce sacrilège fût tué au même lieu où il avait accompli son crime : c’était un juste rétour de la justice divine. II Mach., iv, 32-38.

Au point de vue" topographique comme au point de vue historique, Daphné et Antioche sont tellement unies, qu’on les désigne l’une par l’autre. On disait : « Daphné d’Antioche, » Aa<pyi) tîj ; ’Avrio^ei’oc ; , Josèphe, Ant. jud., XIV, xv, 11, ou « près d’Antioche », Josèphe, Bell, jud., I, XII, 5, et « Antioche près de Daphné de Syrie », êv’Avïto^Eii Trj im Aaçvîj tt|C Supfaç. Josèphe, Ant. jud., XVII, ii, 1. C’est ainsi que le Codex Alexandrinus, II Mach., iv, 33, porte : èitl Adtçvrn tÏ|{ itpôt’Avuoxei « c xEiuivuc, e Daphné qui est située près d’Antioche. » Cf. H. B. Swete, The Old Testament in Greek, Cambridge, 1894, t. iii, p. 673. La première était regardée comme un faubourg de la seconde, bien qu’elle en fût distante de quarante stades ou huit kilomètres. Cf. Ammien Marcellin, xix, 12, 19 ; Strabon, xvi, p. 750. Elle se trouvait au sud-ouest, près d’un coure d’eau qui descendait vers

l’Oronte. Un chemin pratiqué au flanc de la montagne y conduisait, bordé de gracieux édifices, maisons privées, jardins publics, sanctuaires, lieux de réjouissances. Ce site délicieux s’appelle aujourd’hui Beit el-Mâ, « la maison de l’eau. » Il a, comme beaucoup de localités orientales, perdu de sa fraicheur et de ses charmes d’autrefois ; mais il en a assez gardé pour laisser entrevoir les ressources que la nature offrait là à la main et à l’imagination de l’homme. Le laurier, l’arbre sacré dont Phébus Testa épris, y croit en vastes massifs, des bouquets de fleurs aux vives couleurs parfument l’air ; çà et là quelques roses rappellent celles qui avaient lait donner à une partie de la route le nom de Rhodion. Quelques vieux cyprès représentent ceux qui entouraient jadis le téménos d’Apollon. Tels sont les vestiges de ces bosquets ou bois sacrés dans lesquels un culte immoral amollit et souilla tant de générations. Nulle trace de la ville elle-même, de ses thermes, de ses théâtres, des temples d’Isis, de Diane et de Vénus, du stade où se célébraient les jeux olympiques. Cf. E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1890, t. iii, p. 03-66.

Et pourtant quel lieu de plaisance, quel pèlerinage fréquenté fut longtemps Daphné ! Son origine, comme celle d’Antioche, remonte à Séleucus Nicator, qui y localisa, dans un but de vaine gloire, des traditions mythologiques écloses ailleurs, les fables d’Apollon et de Daphné métamorphosée en laurier. Il bâtit, au milieu d’un bois de lauriers et de cyprès, un magnifique temple à Apollon. La cella, entre deux portiques, était ornée de marbres précieux et de bois rares habilement sculptés ; elle renfermait la statue colossale du dieu, chef-d’œuvre de Bryaxis d’Athènes. Plus tard, Antiochus Épiphane associa à ce culte celui de Jupiter, dont il plaça dans le sanctuaire la statue d’ivoire et d’or, également colossale, rappelant celle de Phidias à Olympie. Les cortèges sacrés, partant d’Antioche, se rendaient au temple, et la foule se répandait partout où bains, théâtres, jardins, fontaines, la conviaient à tous les plaisirs, à toutes les débauches. La célébrité de Daphné continua sous les Romains, de Pompée à Constantin, et les Daphnici mores passèrent en proverbe. Elle commença à décliner sous Julien l’Apostat, après la mort duquel autels et idoles furent jetés à terre, et des sanctuaires chrétiens, aujourd’hui également disparus, remplacèrent les temples païens.

Josèphe, qui ne donne pas sur la mort d’Onias le récit biblique, Ant.jud., XII, v, 1, a gardé le souvenir d’autres événements relatifs à l’histoire juive, qui se passèrent à Daphné. C’est là qu’Antoine reçut la députation composée de cent membres, choisis parmi les personnages les plus puissants et les plus éloquents de la nation, qui venait renouveler des accusations contre Hérode et ses partisans. Après avoir écouté les parties et demandé l’avis de Hyrcan, qui fut favorable aux fils d’Antipater, il donna à Phasaël et à Hérode le titre de tétrarques, et par un décret en forme leur confia l’administration de la Judée. Quant à leurs adversaires, il en jeta quinze en prison, et il s’apprêtait à les faire conduire au supplice, lorsque Hérode intercéda pour eux et obtint leur grâce. Ant. jud., XIV, xiii, 1 ; Bell, jud., i, XII, 5, 6. C’est aussi à Daphné que ce dernier apprit la mort de son frère Joseph, qui s’était imprudemment lancé, avec six cohortes, sur Jéricho, dont il voulait enlever les moissons. Ant. jud., XIV, xv, 11 ; Bell, jud., i, xvii, 1, 3. Voir Antioche

de Syrie, t. i, col. 676.
A. Legendre.
    1. DAPHNIS##

DAPHNIS, nom qui ne se trouve que dans la Vulgate, Num., xxxiv, 11, et désigne une « fontaine » (hébreu : lâ’âyin, avec la préposition et l’article ; Septante : étc 7T7|Yâ ; , * aux sources » ) près de laquelle était située Rébla, une des villes frontières de la Terre Sainte, du côté de l’orient. L’absence du mot dans le texte original et dans les versions anciennes montre qu’il y a eu ici interpolation. Plusieurs manuscrits même de la Vulgate

omettent Daphnim. On*croit généralement que c’est une glose empruntée aux commentaires de saint Jérôme, qui, identifiant Rébla avec Antioche de Syrie, en concluait naturellement que la fontaine en question était celle de Daphné, à quarante stades ou huit kilomètres de la grande cité. Comment, in Ezech., t. xxv, col. 478. Voir Daphné. Un copiste aura plus tard introduit dans le texte ce qui n’était qu’une explication, et une explication erronée, car la Terre Sainte ne s’étendit jamais si loin. Cf. C. Vercellone, Variai lectiones Vulgalse lat’mse, Rome, 1860, t. i, p. 475. —Josèphe, Bell, jud., IV, i, 1, signale bien au-dessus du lac Semechonitis ou Mérom un lieu appelé Daphné, Aâçvi), « endroit délicieux sous beaucoup de rapports et abondant en sources qui alimentent du tribut de leurs eaux ce que l’on appelle le petit Jourdain, au-dessous du temple de la génisse d’or, puis aboutissent au grand. » C’est aujourd’hui Tell Difnéh, situé à trois petits quarts d’heure de marche au sud de Tell el-Qadi, l’ancienne ville de Dan, où Jéroboam fit placer un veau d’or. Voir Dan 3. Cette dénomination, qui a bien une apparence grecque, peut dériver soit des lauriers - roses (en grec Sï^/vt)) dont sont bordés, en beaucoup d’endroits, les divers bras du Nahr Leddan et les ruisseaux qui en découlent, soit d’un ancien culte en l’honneur d’Apollon et de la nymphe Daphné, culte qui aurait jadis fleuri dans la contrée. Cf. V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 342. Sans l’origine probable de l’interpolation et l’interprétation formelle de saint Jérôme qui s’applique à une autre Daphné, on pourrait croire que’la Vulgate a voulu déterminer ici « la source » du Jourdain dont se rapprochait la frontière orientale de la Terre Promise. Voir Aïn 3, t. i, col. 316. Mais il y a dans le tracé de ces limites de nombreuses difficultés qui ne sont pas encore résolues. Cf. Van Kasteren, La frontière septentrionale de la Terre Promise, dans le Compte rendu du 3’congrès scientifique international des catholiques, 2e section, Bruxelles, 1895, p. 132-134, ou dans la Revue biblique, Paris, 1895, p. 31-34.

A. Legendre.

DARA (hébreu : Dârâ ; Septante : AapâS ; Codex Alexandrinus : Aapâ), cinquième et dernier fils de Zara, de la tribu de Juda. I Par., ii, 6. Plusieurs manuscrits hébreux ont Darda, et ainsi ont lu le Targum, la Peschito et l’arabe : c’est vraisemblablement la bonne leçon.

    1. DARCON##

DARCON ( hébreu : Darkôn ; Septante : Aotpxtiv, Aopxwv), chef de Nathinéens qui revinrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. II Esdr., vii, 58. La Vulgate l’appelle Dercon. I Esdr., ii, 56.

DARDAR. Mot hébreu rendu dans la Vulgate par tribulus. Voir Centaurée.

DARIQUE. Hébreu : ’adarkemôn, darkemôn ; Septante : xP u< k>0ç, v6[iidjii ypiioiov, v6|iia|ia -/pyoou, [ivi ; Vulgate : solidus, drachma.

I. Description. — La darique fut créée par Darius 1°, fils d’Hystaspe, après qu’il eut organisé son empire en satrapies, auxquelles il imposa un tribut en or et en argent, Hérodote, III, 89 ; la monnaie nouvelle fut destinée à en faciliter le payement. Le nom complet de cette monnaie est (rraxrip Sotpeixôç, statère darique, et par abréviation, darique ( fig. 476). La darique était en or, Hérodote, IV, 166 ; Etymologicutn magnum, au mot Aapcixôç ; le monnayage de l’or était, en effet, réservé au souverain. Cet usage fut conservé par Alexandre et par les empereurs romains. — L’or de la darique, dit Hérodote, iv, 166, était très pur. L’analyse chimique n’y trouve que 3 °/ d’alliage. B. Head, The Coinage of Lydia and Persia, in-4°, Londres, 1877, p. 25. Ce fut évidemment là, avec la constance du poids, la cause de l’emploi universel de la darique dans le monde grec comme dans le royaume des Perses. Hérodote, vii, 28, 29 ; Thucydide, vnr, 28 ; Aristophane, Ecclesiaz., 602 ; Corpus inscript, greec., n° 1511 ; Lebas et "Waddington,

Inscript. d’Asie Mineure, n° 40. Ce fut même surtout pour le payement des mercenaires grecs qu’ils avaient à leur solde, et pour le commerce qu’ils entretenaient avec les villes grecques, que les Perses se servirent des dariques. Presque toutes furent frappées dans des ateliers d’Asie Mineure, en Cilicie, en Syrie, et probablement aussi à Tyr. B. Head, Coinage, p. 33. Pour leur propre usage, ils continuèrent à peser les lingots, comme l’avaient fait les Assyriens et les Babyloniens. Strabon, XV, iii, 21 ; E. Babelon, Catalogue des monnaies grecques de la Bibliothèque Nationale, Les Achéménides, in-8°, Paris, 1893, p. vu. Cela explique pourquoi on n’a trouvé aucune monnaie perse ni dans les fouilles de Persépûlis ni dans

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476. — Darique.

I<e roi Darius I", en archer, à demi agenouillé, coiflé de la cldaris et vêtu de la candys, tenant un arc et une javeline. — B). Carré creux très irrégulier.

celles de Suse, tandis qu’on y a trouvé en très grand nombre des monnaies des rois parthes et surtout des Sassanides. G. Perrot, Histoire de l’art, t. v, 1890, p. 855.

— La darique pèse.normalement 8a r 42. C’était le poids du demi-statère de l’étalon phocéen, de l’ancien statère d’argent eubéen et de la petite darag-mana assyrienne, c’est-à-dire de la soixantième partie de la mine qu’on appelle légère. Voir Mine. Le poids de la darique correspondait donc aux poids auxquels étaient habitués les peuples d’Asie et les Grecs. Cf. Hérodote, iii, 81). Il n’y eut jamais de dëmi-darique. Si Xénophon, Anab., i, iii, 21, emploie ce mot, c’est pour désigner une valeur de compte, mais qui ne pouvait être payée qu’avec une autre monnaie. La double darique fut créée sous les derniers Achéménides. Quoiqu’on l’appelle statère, la darique n’est en réalité qu’un demi-statère.

Le roi de Perse est représenté sur la darique portant sur la tête une couronne crénelée, appelée cidaris, qui est son attribut spécial (fig. 476). Il lléchit les genoux, la jambe droite en avant, le genou gauche à terre. Il tient l’arc de la main gauche, et de la droite une javeline terminée par une grenade. C’est pourquoi ce type est désigné sous le nom d’archer mélophore. Cette attitude, qui était celle des archers perses dans le combat, Diodore de Sicile, xvii, 115, avait fait donner à la darique la dénomination populaire d’  « archer », qui donnait lieu à des plaisanteries sur l’intervention des archers perses dans les affaires grecques. Plutarque, Artaxerx., 20 ; Xénophon, Hellenic., iv, 2. Le type de l’archer, sauf do très rares exceptions, est resté uniforme jusqu’à la fin de la dynastie. Il en est de même du poids et de l’aspect extérieur de la monnaie. Elle ressemble à une lentille épaisse, de forme ovale, aplatie et arrondie sur ses bords. Le revers, où l’on avait cru voir les figures les plus variées, n’en porte aucune. L’empreinte qui s’y trouve n’est que la trace laissée par l’enclume. E. Babelon, Les Achéménides, p. vin. On trouve cependant une proue de navire au revers d’une darique frappée en Carie, au moment de l’invasion d’Alexandre. E. Babelon, Les Achéménides, p. vin ; et. n° 124, p. 15. La frappe des dariques cessa avec la conquête d’Alexandre. Toutefois, même après cette époque, on rencontre des doubles dariques sans caractère officiel dans la Bactriane et dans l’Inde. Elles sont de frappe barbare. E. Babelon, Les Achéménides, p. 16, n os 137 et 138. Le classement des dariques est très difficile à faire. On ne peut guère se guider d’après les caractères iconographiques ; il faut avoir recours soit aux circonstances dans lesquelles ont été faites les trouvailles,

soit à d’autres données. E. Babelon, Les Achéménides, p. xiii ; B. Head, Coinage, p. 26.

La darique telle que nous venons de la décrire, c’est-à-dire la monnaie d’or au type de l’archer, n’exista pas avant Darius, fils d’Hystaspe. Le fait est incontestable. Cependant Xénophon, Cyrop., V, ii, 7, parle de darique au temps de Cyrus ; de même le scholiaste d’Aristophane, Ecclesiaz., 602, attribue l’invention de la darique à un autre Darius, antérieur au fils d’Hystaspe. Ces passages sont considérés par la plupart des auteurs comme étant sans valeur historique. E. Babelon, Les Achéménides, p. iii, n° 1 ; B. Head, Coinage, p. 22. D’autres, comme H. Brown, dans Kitto, Cyclopxdia, 3e édit., t. i, p. 66 ; J. Fuller, Speaker’s commentary, t. vi, p. 314, y ajoutent foi. Les considérations suivantes expliqueront peut-être cette divergence d’opinion. La monnaie n’est en somme qu’une pièce de métal dont le poids est garanti par le souverain qui y a apposé sa marque. Avant de se servir de monnaie, on pesait chaque fois le métal. Or, chez les peuples orientaux, la division de la mine, qui fut un poids avant d’être une monnaie, est désignée par un mot dans lequel entre une racine qui signifie « division », que l’on rencontre en Perse sous la forme darag, en assyrien sous la forme dariku. B. Head, Historia numorum, in-8°, Oxford, 1887, p. 698 ; Berlin, dans les Transactions of Ihe Society of biblical Ajrchœology, 1883, p. 87. Cette racine a formé en assyrien le mot darak-mana ou daragmana, division de la mine. Fr. Lenormand, Études accadiennes, in-4°, Paris, 1879, t. iii, p. 6 ; J. Menant, La bibliothèque du palais de Ninive, in-12, Paris, 1882, p. 68. C’est très probablement l’origine du mot grec Spa^(iTJ. Hussey, Essai on the ancient weights and money, in-8°, Oxford, 1836, p. 1883 ; A. von Werlhof, dans Cavedoni, Numismatica biblica, in-4°, Modéne, 1849, t. ii, p. xvii ; Ch. Lenormant, dans la Revue numismatique, 1860, p. 17, n. 4 ; Oppert et Revillout, Annuaire de la Société de numismatique, 1884, p. 119-122 ; E. Babelon, Les Achéménides, p. iii, n. 1 ; B. Head, Historia numorum, p. 698 ; G. Perrot, Histoire de l’art, t. V, p. 858, n. 2. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la darique était l’équivalent en poids de la petite darag-mana assyrienne. La darique, quoique son nom vint de celui de Darius, était également une darak ou darag dé la mine. Après son apparition, les Grecs n’ont plus pensé qu’au nom du roi de Perse . qui l’avait institué, et trouvant la preuve de l’existence en Orient d’une monnaie portant un nom à peu près semblable à une époque antérieure, ils en ont conclu, à tort, à l’existence d’un autre Darius, qui aurait donné son nom à cette monnaie. Telle paraît être l’origine de la confusion qui embarrasse les numismatistes et les orientalistes. Le nom biblique de la darique, darkemôn ou’adarkem &n, n’a d’ailleurs rien de commun avec le nom de Darius. Les hébraïsanls de nos jours sont unanimes à le reconnaître, et ils rapprochent ces mots de darag-mana et de SpaxR. J. Levy, Neuhebrâisches und chaldâisches WôrterbucH, in-8°, Leipzig, 1876, t. i, p. 425 ; Gesenius, Hebrâisches und aramâisches Handwôrterbuch, 12e édit., in-8 J, Leipzig, 1895, p. 13 ; Payne-Smith, Thésaurus syriacus, in-f », Londres, 1879, t. i, p. 948 ; G. Hoffmann, Ueber einige phôniskische Inschriften, dans les Abhandlungen der Gesellschaft der Wissenschaften zu Gôttingen, t. xxxvi (1890), fasc. 4, p. 8 ; cf. Zeitschrift furvssyriologie, t. n(1887), p. 49-51.

II. Usage de la darique chez les Juifs. — La darique est mentionnée : 1° dans I Esdr., viii, 27, au temps d’Artaxerxès I er Longuemain. Parmi les dons offerts pour le Temple sont comptés vingt coupes d’or valant mille dariques. Le texte hébreu emploie le mot’adarkemôn ; les Septante disent simplement xîàioi, c mille, » sans indiquer de quelle valeur il s’agit. La Vulgate traduit par solidi. Le solidus romain en or valait la soixante-dixième partie de la livre, soit environ 49’50, c’est-à-dire un peu plus que la moitié de la darique. La traduction est donc -1297

DARIQUE — DARIUS LE MËDE

1298

inexacte. — 2° Sous le même roi, les chefs de famille et le peuple versèrent au trésor du Temple une offrande dans le compte de laquelle figurent, avec une somme en argent, vingt mille dariques d’or pour les chefs de famille et vingt mille pour le peuple. II Esdr. (Nehem.), vii, 70-72. Dans ce passage le texte hébreu emploie le mot darkemôn, que les Septante traduisent au ^. 70 par vô[u ! T[ia xpuioù, « monnaie d’or, » et au J. 71 par xpiitnov. Dans l’un et l’autre verset, la Vulgate emploie le mot drachma. La drachme d’or équivalait au demi-statère et par conséquent à la darique. Hésychius et Suidas, au mot 8paxi"i XP U(I ' 0U > Corpus inscript, grssc, n° 150 ; cf. Fr. Lenormant, dans la Revue de numismatique, 1868, p. 422. On l’appelait ainsi parce que son poids était celui de la drachme d’argent. Le Talmud de Jérusalem compte également en dariques pour indiquer la somme que les Juifs payèrent au Temple après le retour de la captivité. Shequalin, ii, 3 (Le Talmud de Jérusalem, trad. Schwab, t. v, 1882, p. 271 ; cf. ii, 1, p. 268 et 273).

— 3° Les mêmes mots sont employés dans l’Écriture pour une époque antérieure à Darius. Après le retour de la captivité, dans le compte dès offrandes faites par les Juifs pour la reconstruction du Temple, l’auteur sacré, I Esdr., H, 69, dit qu’ils donnèrent soixante mille dariques d’or et une somme d’argent. Le mot dont se sert le texte hébreu est darkemôn. Les Septante traduisent par (ivaî, « mines, » et la Vulgate par solidi. — 4° De même dans I Par., xix, 7, dans le compte des offrandes faites pour l’érection du Temple au temps de David, nous trouvons le mot darkemôn, traduit dans les Septante par -/puaoCs, et dans la Vulgate par solidus. L’emploi de ces mots à une époque où la darique n’existait pas s’explique par un fait dont nous sommes témoins tous les jours, savoir l’évaluation d’une monnaie antérieure d’après une unité qui est en usage de notre temps. Esdras a parlé dans les premiers chapitres de son livre en se servant d’un terme qui a commencé à être en usage au temps où se sont passés les événements racontés dans les chapitres suivants, et si, comme ou le croit généralement, il est l’auteur des Paralipomènes, il est tout naturel qu’il se soit servi du même mot dans cet écrit. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. i, p. 309. Il était encore plus en droit de le faire si, comme nous l’avons dit, le mot darkemôn pouvait aussi s’appliquer au poids du soixantième de la mine, même avant le temps où fut frappée la darique proprement dite. — Voir, outre les ouvrages cités, J. Eckel, Doclrina numorum, in-4°, Vienne, 1794, t. iii, p. 551-553 ; S. Brandis, Das MïmzHaas s und Gewichtswesen in Vorderasien, in-8°, Berlin, 1864 ; E. Bouché-Leclercq, Atlas pour servir à l’histoire grecque de Curtius, in 8°, Paris, 1883, p. 97-101 ; G. Perrot, Histoire de l’art, t. v, in-8°, Paris, 1890, p. 855-860. E. Beurlier.

DARIUS. Hébreu :wv-n, Daryâvés ; Septante : Aapsro ; .

En perse : ^ ffy ^f f<- -|£j <^ « 

D- Â- RaYavus.

En assyrien : J £](]-fl-J t^|J ^ V-J<

Dariyavus (muS).

Enmédique : J ^-]] — TTT< £=T T T JE] < Z3 Dariyavauis.

Nom d’un Mède qui gouverna Babylone après la prise de « elle ville par les Perses et de trois rois de Perse.

1. DARIUS LE MÈDE (hébreu : Daryâvés ham-Mâdi, Dan., xi, 1 ; chaldéen : Daryâvés’Mâdâyâ’[ chetib ] ; Màdd’dh [keri], Dan., vi, 1 ; Septante : Aapeïo ; à MîjSo ; ), personnage qui gouverna Babylone après la prise de cette ville par les Perses. Le texte sacré nous apprend qu’il ^lait de race mède, Dan., ix, 1, et qu’il était âgé de

soixante-deux ans lorsqu’il prit le pouvoir à Babylone, après la mort de Baltassar, fils de Nabonide. Dan., VI, 1 (Vulgate, v, 31). Au chap. IX, 1, il est dit de plus qu’il était fils de’AhasvêrôH ou Assuérus. Voir AsstJÉRUS 3, 1. 1, col. 1143, et Cyaxare, col. 1162. Daniel eut les bonnes grâces de Darius le Mède, qui le choisit comme un des trois ministres qu’il plaça au-dessus des cent vingt’âI.iaSdarpenayyà’, « satrapes, » chargés du gouvernement des diverses provinces ou subdivisions du royaume. Dan., VI, 2-3 (Vulgate, 1-2). La faveur dont jouissait le prophète lui suscita des envieux. Ils obtinrent de Darius un édit condamnant à la fosse aux lions quiconque, pendant trente jours, adresserait une demande à un dieu ou à un homme autre que le roi. Daniel, n’en ayant pas moins continué à adorer Dieu régulièrement trois fois par jour, fut dénoncé par ses ennemis et jeté dans la fosse aux lions. Il échappa miraculeusement à leur férocité, et Darius, frappé de ce miracle, écrivit une lettre à tous ses sujets pour leur faire révérer le Dieu de Daniel. Dan. VI, 4-28 (Vulgate, 27). Le récit se termine, ^. 29 (28), en disant que « Daniel prospéra (Vulgate : perseveravit) ainsi sous le règne de Darius et sous le règne de Cyrus le Perse ». Ce dernier passage semble indiquer que le gouvernement de Darius ne fut pas de longue durée, puisque le prophète, qui était déjà avancé en âge lors de la prise de Babylone, vécut encore quelque temps sous Cyrus. Cette induction est confirmée par le fait qu’il n’est queslion que de la première année du règne de Darius. Dan., IX, 1, et xi, 1. (Dan., XI, 1, les Septante portent Cyrus au lieu de Darius. )

Voilà tout ce que nous apprend l’Écriture sur Darius le Mède. De nombreuses tentatives ont été faites pour l’identifier avec quelqu’un des personnages de cette époque connus par l’histoire profane comme ayant pris ou ayant pu prendre part à la conquête de Babylone par Cyrus : Cyaxare II, « fils et successeur d’Astyage, » dit Josèphe, Ant.jud., X, xi, 4 ; Astyage lui-même, d’après Winer, Biblisches Realwôrterbuch, 3° édit., t. i, p. 250 ; Darius, fils d’Hystaspe, Rdsch, dans Studien und Kritiken, t. ii, 1834, p. 281. Mais tout ce qu’ont écrit autrefois là-dessus les savants ne repose que sur de pures conjectures. Il est inutile désormais, non seulement de les disculer, mais même de les énumérer, parce que nous savons maintenant par les documents indigènes eux-mêmes quel est celui qui gouverna Babylone immédiatement après la chute de la dynastie indigène. Un fragment de la Chronique babylonienne, découvert en 1879, raconte ainsi qu’il suit les événements qui se passèrent la dix-septième année du règne de Nabonide, roi de Babylone et père de Baltassar : m Les hommes d’Accad se révoltèrent. Les soldats [de Cyrus], le quatorzième jour du mois de tammouz quin-juillet 538 avant J.-C), prirent Sippara (Sépharvaïm ) sans combat. Nabonide s’enfuit. Le seizième jour, Ugbaru, gouverneur de la terre de Gutium, et l’armée de Cyrus, sans combat, descendirent à Babylone… Au mois A’arah samnu (octobre-novembre), le troisième jour, Cyrus descendit à Babylone. Les routes ( ?) devant lui étaient sombres. La paix dans la ville il établit. Cyrus annonça la paix à Babylone entière. Il établit Ugbaru, son lieutenant, comme gouverneur dans Babylone. » Eb. Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek, t. iii, part. II, 1890, verso, lign. 13-20, p. 134 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 348-349. On ne peut guère douter, d’après le document cunéiforme qu’on vient de hre, qu Ugbaru ne soit le personnage dont le nom a été altéré par les copistes du livre de Daniel en celui de Darius, qui leur était plus familier.

Ugbaru se rendit donc maître de Babylone et y exerça le souverain pouvoir jusqu’à l’arrivée de Cyrus, qui n’eut lieu que trois mois plus tard. Il continua ensuite à l’administrer pour le grand roi, qui l’en établit expressément gouverneur. Il ne reçut pas d’ailleurs l’investiture du royaume de Babylone, et U ne porta jamais, à propre1299

DARIUS LE MÈDE — DARIUS I"

1300

ment parler, le titre de roi de cette ville, car les nombreux contrats qu’on y a trouvés, et qui ont été publiés par le P. Strassmaier, Imchriften von Cyrus, Kônig von Babylon, in-8°, Leipzig, 1890, n » Il et suiv., établissent qu’immédiatement après la conquête, ce fut Cyrus qui prit le titre de roi de Babylone. Voir J. Knabenbauer, Comment, in Danielem, in-8°, Paris, 1891, p. 171. — Comment concilier ce fait avec le texte de l’écrivain sacré qui représente Darius comme roi ? Le voici. Il faut remarquer que le livre de Daniel dit de Darius le Mède, vi, 2 (v, 31) : qabbêl malkûfâ’, « il reçut le royaume ; » il le reçut de la main d’un autre, par l’autorité de Cyrus. « Cette locution, dit le P. Knabenbauer, In Daniel., p. 170, s’applique très bien à celui qui fut établi par Cyrus pour administrer à sa place et en son nom comme viceroi. » Celte même locution est employée Dan., vii, 18 : Vigabbelûn malkûtâ’gadiSê’Elyonin, « les saints du Très-Haut recevront le royaume, » et il ne s’agit là aucunement d’une royauté proprement dite, mais simplement de puissance et de gloire. Si Darius le Mède est qualifié de roi, Dan., vi, 4, 6, 8, etc., ce titre doit se prendre simplement dans le sens de vice-roi, comme pour Baltassar. Dan., v, 1. Voir t. i, col. 1421.

Ugbaru, comme on l’a vu plus haut, était gouverneur du pays de Gutium, dont le site est incertain. Il faut distinguer cet. Ugbaru du Gobryas dont parle Hérodote, iii, 70, 73, 78 ; iv, 132, 134 ; vii, 2, 5, l’un des sept conjurés qui conspirèrent contre le faux Smerdis (voir Darius 2). Ce Gobryas n’était pas Mède, comme le personnage du livre de Daniel, maïs Perse ; l’historien grec l’atteste expressément, Hérodote, iii, 70, et l’inscription de Béhistoun, col. iv, 1. 84 ; col. v, 1. 7, 9, fait de même ; elle appelle Gobryas Parsa Gaubaruva, « Gaubaruva le Perse, fils de Mardoniya. » Darius I" l’envoya plus tard contre les Susiens révoltés pour les réduire à l’obéissance. F. II. Weissbach et W. Bang, Die altpersischen Keilinschriften, in-4°, Leipzig, 1893, p. 28-29. Cf. J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes, in-8°, Paris, 1879, p. 152-153. Ce Gaubaruva qui fait une campagne contre Suse est différent de l’Ugbaru qui avait pris et gouverné Babylone. du temps de Cyrus. Dans le texte assyrien, le nom du général perse qui se lit dans l’inscription de Naksch - i - Roustam est écrit en assyrien Ku - bar - ra (J. Menant, Le Syllabaire assyrien, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, Sujets divers, t. vii, 1869, p. 104), et il est qualifié de « sarastibara ou doryphore du roi Darius ». J. Menant, Les Achéménides, in-8°, Paris, 1872, p. 98 ; C. Kossowicz, Inscriptiones paleeopersiese, in-8°, Saint-Pétersbourg, 1872, p. 42.

F. Vigouroux.

2. DARIUS I er, fils d’Hystaspe (ViStàspa), roi de Perse, de la dynastie des Achéménides, né en 550, mort en 486 avant J.-C. (fig. 477). Il était âgé de vingt-neuf ans quand un mage, nommé Gaumata, feignit d’être Smerdis (en perse, Bardiya), fils de Cyrus, qui avait été tué par son frère Cambyse tandis que ce dernier roi faisait la guerre en Egypte, et s’empara du trône de Perse (août 522). Cambyse étant mort en. Syrie au retour de sa

campagne, Darius, conjuré avec six autres nobles Perses, tua le faux Smerdis et fut reconnu comme roi (avril 521). Pour consolider son pouvoir, il épousa Atossa, soeur de Cambyse ; mais, avant d’avoir fait accepter sa domination par tous les anciens sujets de la Perse, il dut combattre neuf antagonistes et livrer dix-neuf grandes batailles. Ces événements sont racontés par Darius dans la grande inscription trilingue de Béhistoun. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1. 1, p. 163-166. Babylone révoltée soutint un siège de vingt mois. Darius y entra en août 519 et y séjourna près d’un an, jusqu’en mai 518. En 517, il affermit la domination perse en Egypte et il conquit une partie du nord-ouest de l’Inde. II soumit aussi plusieurs îles de la mer Egée, la rive européenne du Bosphore et de l’Hellespont et les peuplades sauvages du Caucase méridional, ce qui l’amena à entreprendre une campagne contre les Scythes. En 513, il franchit le Bosphore sur un pont construit par Mandro 477. — Cylindre de Darius I".

Pierre en calcédoine brûlée. British Muséum. Imitation de l’art assyrien. Le roi Darius, sur un char, lanco des flèches contre un lion dressé. Un lion déjà tué est étendu sous les pieds du cheval. La scène est encadrée entre deux palmiers. À gauche, . une inscription trilingue porte (en perse) : « Je suis Darius, roi ; » en assyrien : « Je suis Darius, roi grand. » D’après J. Menant, Recherches sur la glyptique orientale, part, ii, 1886, p. 166.

elès, assujettit la Thrace, passa le Danube et poursuivit jusqu’à l’Ôarus (Volga) les Scythes, qui fuyaient toujours devant lui par tactique, et qui lui firent ainsi perdre la plus grande partie de son armée (80000 hommes, d’après Ctésias). Vers l’an 500, les villes ioniennes se soulevèrent, et avec l’appui des Athéniens et des Cretois brûlèrent la ville de Sardes. Darius défit les révoltés, et, en 491, il anéantit leur Hotte à l’île de Lade. Le secours que les Athéniens leur avaient prêté lui avait causé une grande irritation. En 492, il envoya Mardonius avec une armée et une flotte contre la Grèce. Ses vaisseaux périrent dans une tempête devant le mont Athos. Une nouvelle armée, sous les ordres de Dalis et d’Artapherne (fig. 478)’, eut

1 Le souvenir de la défaite des Perses, si glorieuse pour les Grecs, a été consacré par l’art dans les peintures d’un beau vase connu sous le nom de vase de Darius. Il a été trouvé, en 1851, dans un tombeau, près de Canossa, l’ancienne Canu61um. Aujourd’hui au musée de Naples. Hauteur : 1™, 30 ; circonférence dans sa plus grande largeur : l iii, 93. Figures en rouge sur fond noir. Œuvre de la fin du IV* ou du commencement du me siècle avant J.-C. Il symbolise la lutte do la civilisation grecque contre la civilisation asiatique. — Sur le col du vase est figuré le combat des Amazones. — La panse contient trois registres. Celui du milieu représente 1° conseil de Darius décidant contre la Grèce la campagne qui fut conduite par Datis et Artapheme (Hérodote, vi, 94 et suiv.). Darius (AAPEIOS) est assis sur son trôné. H écoute un Perse (nEPSAI) qui parle debout devant lui. — Dans le registre supérieur, les dieux de l’Olympe prennent parti pour la Grèce. À droite est l’Asie (AEIA) assise sur un autel. À coté d’elle cEt la Tromperie (AnA-rr, ). La Grèce (FEAAAE) est debout entre Athéné et Zeus, auprès duquel se tient Nlkê, la déesse do la Victoire. Derrière elle est Apollon avec un cygne, et, a l’extrémité gauche, Artémis avec un cerf. — Dans le registre inférieur, la trésorier de Darius reçoit les riches tributs payés au grand roi. Il est assis devant une table où sont tracés des chiffres M : (10.000), Y (700), H (100), À (10), II (5), O (1 obole), < ( >/î obole), T (’/t d’obole). De la main gauche il tient un diptyque où sont écrits les mots TÀANTA ii, f cent talents ». Devant et derrière lui sont des tributaires. À droite, trois suppliants. — Les peintures du vase sont partagées, en deux parties dont la séparation correspond aux deux ansBs. — La face postérieure, qui fait pen^ dant a celle que nous venons de décrire, représente des scènes mythologiques.

478. — Vase de Darius.

1303

DARIUS I"

1304

d’abord quelques succès ; mais elle fut finalement défaite par Miltiade à Marathon (492-490). Pendant que Darius préparait une nouvelle campagne contre la Grèce et contre l’Egypte, qui s’était aussi soulevée contre lui, il mourut en 485, laissant le soin de sa vengeance à son fils Xerxès I er (fig. 479). — Ce prince s’était distingué par son

de postes et de courriers qui se relayaient de distance en distance. Il avait enfin crée la monnaie à laquelle on a donné le nom de darique. (Voir Darique.) Son règne avait été ainsi en somme bienfaisant, et il avait réussi à agrandir le royaume de Cyrus : sa domination s’étendait au nord jusqu’au Caucase et à l’Iaxarte, à l’est jusqu’à l’in 479. — Darius sur son trône, à Persépolis. D’après B. Flandin et P. Coste, Toyace en Perse, t. iii, pi. 154.

administration. Après avoir relevé l’empire, il l’avait divisé

  • n vingt satrapies et réglé le tribut que devait payer chacune

d’elles. Les Perses étaient affranchis eux-mêmes de tout impôt. Les villes de Suse et de Persépolis avaient été embellies par les superbes édifices qu’il y avait fait construire. En Egypte, il avait uni par un canal le Nil à la mer Rouge (fig. 480). Partout il avait créé des routes et faci-Jité les communications entre les provinces par un service

dus, au sud jusqu’à l’Arabie et au delà de la Nubie, à l’ouest jusqu’au mont Olympe et à la grande Syrte.

La Palestine faisait partie du royaume de Darius, et ses armées en avaient traversé le territoire dans leurs allées et venues en Egypte. Elle prospéra sous ce prince. Il s’était fait une règle de respecter la religion de ses sujets, et cette habile politique le rendit cher aux Juifs comme Cyrus. Cf. I Esdr., v, 5. L’édit par lequel Cyrus avait permis, 1305

DARIUS I" — DARIUS III CODOMAN

1306

en 536 avant J.-C, de rebâtir le Temple de Jérusalem, I Esdr., i, 3, n’avait pas encore reçu son exécution. Dès l’an 535, on avait commencé les préparatifs pour la reconstruction de la maison de Dieu ; mais toutes sortes d’obstacles avaient empêché la réalisation d’un projet si cher aux Juifs fidèles. C’étaient surtout l’opposition et les intrigues des peuples voisins qui avaient entravé l’œuvre de restauration. I Esdr., iv, 4-5, 24. À l’avènement de Darius I er, les prophètes Aggée et Zacharie profitèrent de cette circonstance pour exciter les chefs du peuple à se mettre résolument au travail. Agg., i, 1-14 ; ii, 1-10 ; I Esdr., v, 1. Zorobabel, fils de Salathiel, qui avait ramené les captifs de Babylone, et le grand prêtre Josué, fils de Josédec, commencèrent donc à rebâtir le Temple. Thathanaï, pehàh, « gouverneur » ou satrape du grand roi pour les provinces à l’ouest de l’Euphrate, prévenu sans doute

480. — Darius I". Fragment trouvé dans l’isthme de Suez. D’après la Description de l’Egypte, t. v, pi. 29.

par la dénonciation des ennemis des Juifs et spécialement par les Aphaisachéens, arriva bientôt à Jérusalem avec Stharbuzanaï et ses conseillers, pour demander compte aux chefs des Juifs de leur conduite. Ceux-ci se justifièrent en alléguant en leur faveur l’édit de Cyrus. Thathanaï en référa à Darius. I Esdr., v, 3-17. Ce prince fit faire des recherches, et l’édit de Cyrus fut retrouvé dans la bibliothèque royale d’Ecbatane. En conséquence, non seulement Darius autorisa la reconstruction de l’édifice sacré, mais il contribua aux frais et demanda qu’on y offrît des sacrifices pour lui et sa famille. I Esdr., VI, 1-12. C’était la seconde année de son règne (519). I Esdr., IV, 24 ; Agg., 1, 1. La reconstruction fut achevée au bout de quatre ans, la sixième année de Darius (515), et le Temple fut solennellement dédié le 3 du mois A’adar. I Esdr., vi, 15. — Une des prophéties de Zacharie est datée du quatrième jour du neuvième mois (casleu) de la quatrième année (517) du règne de Darius I". Zach., vu, 1. Elle suppose qu’avant l’achèvement complet et la dédicace mentionnée dans I Esdr., VI, 15, le culte était déjà en plein exercice, Zach., vii, 2-3 ; car rien n’empêchait, en effet, d’offrir les sacrifices ordinaires dans la cour des Prêtres. C’est la seconde année du règne de ce roi (519) que Zacharie avait commencé à prophétiser. Zach., i, 1, 7. — Les quatre courtes prophéties d’Aggéè

sont également de la seconde année de Darius I er, et les. trois premières mentionnent expressément celle date. Agg., 1, 1 ; ii, 1, 11. — Voir Hérodote, 1, 209, 210 ; iii, 68-160 ; iv ; vii, 1-4 ; Ctésias, Persica, 45-50, édit. Gilmore, p. 147-150 ; H. Rawlinson, Analysis of the Babylonian Text at Behistun, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv, 1851, part, i ; J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes, in-8°, Paris, 1891, p. 112-218 ; G. Bezold, Die Achâmeniden Inschriften, in-4°, Leipzig, 1882, p. 1-28 ; F. H. Weissbach, Die Achâmenideninschriften zweiter Art, in-4°, Leipzig, 1890 ; F. H. Weissbach et W. Bang, Die alterpersischen Keilinschriften, in-4°, Leipzig, 1893 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., 1886, p, 607-625 ; F. Justi, EinTag aus dem Leben des Kôniges Darius, in-8°, Berlin, 1873 ; Id., Geschichte des allen Persiens, in-8°, Berlin, 1879, p. 50-112 ; S. G. W. Benjamin, Persia, in-12, Londres, 1888, p. 102-111. F. Vigouroux.

3. DARIUS II NOTHUS, fils d’Artaxerxès Longuemain et de Kosmartidène de Babylone, roi de Perse de 424 à 405. Avant son avènement au trône, il portait le nom d’Ochus. Il succéda à son frère Sogdien, qu’il avait fait périr. Sa sœur Parysafis, qui devint aussi sa femme, le domina complètement. Divers satrapes se révoltèrent sous son règne, mais furent finalement réduits à l’obéissance. Il perdit l’Egypte en 414. Il mourut à Babylone en 405 r et eut pour successeur son fils Artaxerxès II. Voir J. Gilmore, The Fragments of the Persica of Ktesias, in-8° r Londres, 1888, 75 (44), p. 166 ; Diodore de Sicile, xii, 71 ; xin, 36, 70, 103 ; Xénophon, Anab., i, i, 1 ; F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 128-129. — Le catalogue des chefs de Lévites donné par Néhémie, Il Esdr., . xii, 22-26, est du temps « de Darius le Perse », ꝟ. 22, c’est-à-dire de l’époque de Darius II Nothus. C’est le seul passage de l’Écriture où il soit nommé. Certains commentateurs prétendent même que æ « Darius le Perse » est Darius III Codoman. Voir Darius III. Cf. Frd. Keil, Die nachexilischen Geschichtsbûcher, in-8°, Leipzig, 1870, p. 495.

4. DARIUS III CODOMAN, fils de Sisygambis, la fille d’Artaxerxès II, dernier roi de Perse de la famille des Achéménides, de 336 à 331. Quand l’eunuque Bagoas eut fait périr le roi Arsés, fils d’Artaxerxès III, avec toute sa famille, il plaça Codoman sur le trône, où il prit le nom’de Darius. Il était petit-neveu de Darius II. C’était un prince doux et juste, qui ne manquait pas de bravoure ; mais il eut affaire à un ennemi trop supérieur, en la personne d’Alexandre le Grand, qui le vainquit à Issus (333) (fig. 481) et à Gaugaméla (2 octobre 331), et mit ainsi fin à l’empire de Cyrus. Darius s’enfuyait à Ecbatane, lorsque Bessus, satrape de la Bactriane, le blessa mortellement (330). Avec lui disparut la race des Achéménides, et la domination de l’Asie occidentale et de l’Egyptepassa des mains des Perses en celles des Grecs. Cf. t. i, col. 348. Voir Diodore de Sicile, xvii, 5 ; Justin, x, 3 ; Quinte-Curce, iii, 9-11 ; v, 9-16 ; F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 139-144 ; W. Benjamin, Persia, p. 141-146. — Le premier livre des Machabées, I, 1, rappelle qu’Alexandre le Grand « frappa Darius (III), roi des Perses et des Mèdes >>, et mit fin à son empire v afin d’expliquer comment la Judée passa de la domination des Perses sous celle des Grecs, qui héritèrent des conquêtes d’Alexandre. — D’après certains exégètes, le « Darius le Perse » nommé II Esdr., xii, 22 (voir Darius 3), serait aussi Darius Codoman. Selon leur opinion, le catalogue des chefs des Lévites qui vivaient du temps de « Darius le Perse », comme le dit l’auteur sacré, n’est pas en entier de la main de Néhémie, mais a été continué plus tard afin de le rendre plus complet, et le nom de Jeddoa, II Esdr., xii, 11, 22, est celui d’un grand prêtre contemporain d’Alexandre le Grand (Josèphe, .

4307

DARIUS III CODOMAN — DATHE

1308

Ant. jtid., XI, viii, 4) et par conséquent de Darius Codoman. Quoique le passage II Esdr., xii, 11, 22, ne soit, pas sans difficulté (voir Jeddoa), aucune raison décisive « Fils de l’homme, mets ta face dans le chemin vers têmân, fais couler [tes paroles] vers dârôm, et prophétise à la forêt du champ [qui est] nègeb. » Aussi les

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481. — Fragment d’une mosaïque de Pompéi, représentant Darius III Codoman à la bataille d’Issus. Musée de Naples.

n’empêche d’admeltre que Néhémie, qui vécut du temps de Darius II, ne parle réellement de ce roi.

F. Vigouroux.

DAROM. Le mot hébreu dârôm signifie le « sud » ou le « vent du sud ». Job, xxxvii, 17. Les Septante le traduisent ordinairement par vdro ? ; une fois, Deut., xxxiii, 23, par liii ; une autre fois, Ezech., xx, 46 (hébreu, xxi, 2), ils ont retenu le mot hébreu Aap<i|i. Dans les Targums dârômà rend parfois le dârôm hébreu, parfois le synonyme nègeb (qui est devenu un nom propre ; voir Négeb). Ce dernier mot est encore traduit par Ed-Darûm dans la version arabe de Saadias Haggaon. Deut., xxxiv, 3. — Dans les premiers siècles de notre ère, Daroma (grec : 4 Àapto|jï ;  ; dans le Talmud : Dârôm, Dârômà, Dârômâh, Dârômtâ), comme nom propre, désignait la partie méridionale de la Palestine. Il est difficile d’en tracer exactement les limites. On sait seulement qu’elle s’étendait entre le territoire de Gaza à l’ouest et la mer Morte à l’est, en comprenant, outre le Négeb de l’Ancien Testament, dont les villes sont énumérées dans le livre de Josué, xv, 21-32, plusieurs autres villes que le même livre rapporte à la Séphéla ou aux montagnes de Juda. Cela résulte de plusieurs passages de VOnomasticon d’Eusèbe, où ces villes sont signalées comme étant dans la Daroma. Voir Reland, Palmstina illustrata, Utrecht, 1714, p. 185-187. — Dans la Bible il n’y a que le passage indiqué plus haut du chapitre xx d’Ezéchiel où l’on pourrait être tenté de prendre le mot dârôm dans le même sens comme nom propre. Il s’y trouve à côté de têmân et de nègeb, noms synonymes de dârôm, qui également désignent proprement « le sud », mais ensuite sont devenus des noms propres. Dieu y dit au prophète :

Septante ont retenu les mots hébreux comme des noms propres : Taijjwcv, Aap<i[i, Nafé6, et la version arabe de Saadias les a suivis (en lisant Aaywv). Néanmoins la Vulgate, la version syriaque, qui rend les trois mots par iaimeno, et le Targum de Jonathan, qui donne trois fois dârômà, n’y ont vu que trois noms communs synonymes : le midi. C’est aussi l’opinion des traducteurs et interprètes modernes. Pour le prophète, écrivant en Babylonie, la terre du midi, et la forêt du midi, n’est qu’un symbole ; il « parle en paraboles », ꝟ. 49 (hébreu, xxi, 5), et ne désigne sous ces trois noms synonymes que la ville de Jérusalem et le pays d’Israël, xxi, 2 (hébreu, 7). Tout ce qu’on peut conclure des Septante, c’est que le traducteur grec semble déjà avoir connu le mot dârôm comme nom propre. J. van Kasteren.

    1. DATHAN##

DATHAN (hébreu : Dâtân ; Septante : Aaûiv), fds d’Éliab et un des chefs de Ruben, qui avec son frère Abiron se joignit à Coré dans la révolte soulevée contre Moïse et Aaron, au sujet de la souveraine sacrificaturé. Moïse essaya de le ramener à l’obéissance, mais il en reçut une réponse insolente. Dathan fut englouti soudain dans la terre, qui s’ouvrit sous les pas des conjurés. Num., xvi, 1, 12, 24-27 ; xxvi, 9 ; Deut., xi, 6 ; Ps. cv (hébreu, cvi), 17 ; Eccli., xlv, 22. Voir Coré 3, col. 969-972.

    1. DATHE Jean -Auguste##

DATHE Jean -Auguste, luthérien, orientaliste allemand, né à Weissenfels le 4 juillet 1731, mort à Leipzig le 17 mars 1791. Après avoir étudié dans les diverses universités allemandes, il fut, en 1762, nommé professeur de langues orientales à Leipzig. Il donna une édition corrigée et annotée de la première partie de l’ouvrage

  • 309

DATHE — DAVENANT

1310

de Salomon Glassius : Philologia sacra, his temporibus accommodata, in-8°, Leipzig, 1776. Il traduisit en latin l’Ancien Testament, et cette traduction, œuvre principale de J. Dathe, jouit pendant longtemps d’une grande autorité près des protestants : Libri Vetéris Testamenti ex recensione textus hebrmi et versionum antiquarum latine versi, notisque philologicis et criticis illuslsati, 6 in-8’, Leipzig, 1789-1794. Les derniers volumes parurent après sa mort, ainsi que l’ouvrage suivant, publié par L. P. Rosenmûller : Opuscula ad crisim et inlerpretalionem Veteris Testamenti spectantia, in-8°, Leipzig, 1796. — Voir Aug. Ernesti, Elogium J. A. Dathii, in-4°,

Leipzig, 1792.
B. Heurtebize.

DATHÉMA. Ce nom ne se lit que dans le premier livre des Machabées, v, 9 ; Vulgate : ira Dalheman ; texte grec, B : cU Aiâ9eu.a ; À : eîç Aa9su.a ; N : e’t ; Aa9at|xa ; version syriaque : beromfô, et chez Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 1 : d ; AâG£|j.a. Il désigne une forteresse (hyt^ipio [j.a) où s’étaient réfugiés les Juifs du pays de Galaad, menacés par les gentils, parmi lesquels ils habitaient. C’est de là qu’ils adressèrent des lettres à Judas Machabée, qui était en campagne dans les environs de Joppé, pour l’appeler à leur secours. Celui-ci, accompagné de son frère Jonathas, traversa le Jourdain, et pendant trois jours marcha avec son armée « dans le désert ». Ensuite, ayant reçu des renseignements ultérieurs de quelques Nabathéens qu’il rencontra, il fit un détour vers Bosor (voir BOSOR 3, t. i, col. 1858), qu’il détruisit par le feu, et reprit sa marche vers « la forteresse » assiégée par l’ennemi, où il arriva à temps pour le mettre en pièces et délivrer ses frères. I Mach., v, 10-34. — Toute cette campagne du héros machabéen, dont d’autres détails sont donnés dans les versets suivants, 35-54, et dont une partie est racontée dans le second livre des Machabées, xii, 13-31, est sous le rapport topographique d’une difficulté extrême. Nommément sur le site de Dathéma il n’y a que des conjectures très incertaines. D’abord il y a quelque probabilité que c’est le même endroit qui dans le second livre est appelé Characa, « la forteresse, » et qu’on a proposé d’identilier avec El-Harâq et avec El-Kerak, dans les environs de Bosra. (Voir Characa, col. 577-579.) — Indépendamment de Characa, on a énoncé d’autres hypothèses. Ewald, en se fondant sur une variante Aa|xé6a, a proposé Ed-Dâmeh, dans le Ledja : conjecture répétée par plusieurs autres. Voir Schenkel, Bibellexikon, t. i, p. 579 ; Kitto, Cyclopmdia ofbiblical literature, 1. 1, p. 631 ; Armstrong, Names and Places in the Old Testament, p. 49. Ce dernier auteur, à cause sans doute de la leçon syriaque Romtô, pense à Er-Remthéh, au sud-est de Der’ât (Édrei). Enfin Furrer, Zur Ostjordanischen Topographie ] dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, t. xiii, p. 200, pense à’Athamân, au nord de Der’ât, au delà de l’Ouddi Thâlîth, en ajoutant toutefois qu’il n’ose pas prendre une décision.

S’il y a quelque chose d’assez certain, c’est que Dathema ne saurait être au midi du Bosor du ^. 28 ; l’armée de Judas marchait dans la direction du nord, et quoiqu’elle fît un détour « dans le désert de Bosor » pour prendre cette ville, le texte dit qu’ensuite elle « marcha de là jusqu’à la forteresse » : expression qui empêche d’admettre qu’elle revint sur ses pas vers le midi. Malheureusement le site de Bosor reste aussi très douteux. On n’est pas même d’accord sur la question de savoir s’il s’agit dans « e chapitre de deux ou trois villes aux noms analogues. Voir Barasa, t. i, col 1448-1449 ; Bosor, 2, 3, col. 18571859 ; Bosra 2, col. 1860-1864. D’un autre côté, l’opinion d’Ewald, qui place Dathéma au centre du Ledja, nous semble mener trop loin vers le nord. Ce pays âpre et sauvage, il est vrai, était excellemment propre à servir de refuge aux Juifs menacés ; mais il était à une grande distance de ce qu’on entend ordinairement par « le pays de Galaad », dont les réfugiés étaient partis. En somme,

il nous paraît probable que le Bosor du y. 28 doit être cherché quelque part au midi d’Er-Remthéh ou de Der’ât, à l’est du chemin du pèlerinage de la Mecque, dans les districts encore peu connus d’Ez-Zumléh et d’Es-Çutveit. Dans ce cas, Dathéma pourrait être Er-Remthéh ou peut-être El-Hosn, au sud-est d’Er-Remthéh, dans la partie orientale des montagnes de’Adjlûn. Car El-ffo$n aussi est une localité antique, dont le nom ancien est jusqu’ici inconnu. Mais le nom arabe moderne signifie « la forteresse », tô ô-/ûp(i>|j.a, nom commun que le texte sacré applique jusqu’à quatre fois à Dathéma, et que la version syriaque traduit par hesnô. J. vax Kasteren.

    1. DATTE##

DATTE, fruit du palmierdattier. Voir Palmier.

    1. DATTIER##

DATTIER, arbre qui produit les dattes. Voir Palmier.

    1. DAUBUS Charles##

DAUBUS Charles, protestant, né en 1670, mort en 1740. Il appartenait à une famille de ministres calvinistes. Lors de la révocation de I’édit de Nantes, il passa à Londres et, après avoir souscrit à la confession de foi de l’église anglicane, put exercer les fonctions de pasteur à Brotherion. Nous avons de cet auteur : Pro testimoniô Flavii Josephi de Jesu Christi libri ii, cuni J. E. Grabii prmfatwne, in-8°, Londres, 1706 ; À perpétuai commentary on the Révélation of St. John, in-f°, Londres, 1720.

— Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 138.

B. Heurtebize.
    1. DAUPHIN##

DAUPHIN, cétacé cétodonle (fig. 482), aux mâchoires garnies de dents nombreuses, et à la tête ter 482. — Le dauphin.

minée par une sorte de museau aplati et étroit, qui a fait donner à l’espèce la plus commune, celle du delphinus delphis, le nom d’  « oie de mer » ou « bec d’oie ». Ce cétacé n’a qu’un seul évent sur la tête. Le dauphin vulgaire a environ deux mètres de longueur. Il se nourrit de poissons, et aime à prendre ses ébats autour des navires, près desquels il rencontre une proie abondante et facile, attirée par les déchets qu’on jette du bord. Ce n’est donc pas par l’effet de mœurs douces et familières que le dauphin s’approche ainsi de l’homme. Ce mammifère est, au contraire, proportionnellement à sa taille, le plus brutal et le plus vorace des cétacés. Les histoires que les anciens racontent sur la prétendue amitié du dauphin pour l’homme ne peuvent dès lors se rapporter qu’à des cétacés plus sociables, comme le phoque, ou aux cétacés herbivores, comme le lamantin ou le dugong. — Le dauphin n’est pas désigné nommément dans la Bible. Les Hébreux qui allaient sur mer l’ont certainement vu, car il abonde partout, particulièrement dans la Méditerranée. Si les écrivains sacrés ont l’intention de le désigner, ils le comprennent vraisemblablement dans le terme général de (annîm. Voir Cétacés. Quelques auteurs ont cru qu’il pourrait être identifié avec le (ahaiS, cet animal dont la peau a été employée au désert pour la couverture du Tabernacle. Mais le dauphin n’est pas d’une capture assez facile pour qu’on ait pu, à cette époque, le prendre en grande quantité dans la mer Rouge.

Voir Dugoxg.
H. Lesêtre.
    1. DAVENANT John##

DAVENANT John, prélat anglican, né à Londres en 1576, mort à Cambridge le 20 avril 1641. Il étudia à l’université de Cambridge, où, en 1609, il fut appelé à enseigner la théologie. En 1614, il y devint principal du collège de la Reine. Jacques Ier, en 1618, le désigna comme membre du synode de Dort, et trois ans plus tard il était nommé évêque de Salisbury. Ses coreligionnaires lui reprochaient ses tendances au calvinisme. Parmi ses écrits, nous ne mentionnerons que Expositio Epislolæ D. Pauli ad Colossenses, in-f°, Cambridge, 1627. En tête de l’édition de cet ouvrage, publiée à Birmingham, 2 in-8°, 1831, se trouve la Vie de J. Davenant. — Voir W. Orme, Biblioiheca biblica, p. 139.

B. Heurtebize.

1. DAVID (hébreu : Dâvid ou Dâvîd ; Septante : Δαβίδ, Δαυίδ, Δαυεὶδ, « le bién-aimé » ), le deuxième roi du peuple de Dieu, 1055-1015 avant l’ère chrétienne, suivant la chronologie ordinaire.

I. Avant sa royauté.

Sa jeunesse, son élection et son séjour à la cour de Saül.

David était le huitième et le plus jeune fils d’Isaï ou Jessé, le Bethléhémite. Sa famille était une des plus considérées de la tribu de Juda. Il avait les cheveux blonds, un visage gracieux. I Reg., xvii, 42. Son père lui avait confié la garde de ses troupeaux. Aussi vigoureux qu’aimable, l’audacieux berger poursuivait les ours et les lions, qui venaient ravir ses brebis ; il luttait contre eux, leur arrachait leur proie et les étranglait, quand ils se jetaient sur lui. I Reg., xvii, 34-36. Le Seigneur le choisit pour remplacer Saül, qu’il avait rejeté, et le désigna à Samuel, qui lui donna l’onction royale. Personne, dans l’entourage du jeune homme, ne sembla comprendre la haute signification de cette onction ; mais l’Esprit de Jéhovah fut dès lors avec David et le prépara mystérieusement à sa future mission. I Reg, xvi, 1-14. C’est dans ce dessein qu’il le fit venir à la cour. Saül, agité par l’esprit mauvais, demanda un harpiste habile, qui pût calmer ses accès de mélancolie et de fureur. Un de ses officiers lui désigna le fils d’Isaï, qui à la vigueur, à la sagesse et à la beauté joignait l’art de jouer de la harpe, kinnor. Isaï envoya David avec des présents. Saül l’aima dès l’abord et en fit son écuyer. Chaque fois que l’esprit mauvais s’emparait du roi, David jouait de la harpe, et Saül était soulagé. I Reg., xvi, 15-23. Ce premier séjour à la cour ne fut que passager, car la suite de l’histoire montre que Saül connaissait très peu David.

Celui-ci révéla sa valeur guerrière dans une campagne contre les Philistins. Au début, quand ses trois frères aînés avaient rejoint l’armée, il était retourné à Bethléhem paître son troupeau. Isaï l’envoya au camp porter des provisions à ses fils. David parvint à Magala au moment où le combat allait s’engager. Laissant les vivres et les cadeaux qu’il apportait aux mains de l’officier préposé à la garde des bagages, il courut s’enquérir de l’état de ses frères. Il entendit l’arrogant défi de Goliath. Apprenant en même temps la récompense promise, il s’offrit, malgré les injustes reproches de son ainé, Éliab, qui l’accusait d’orgueil et de présomption, à combattre le géant. La différence d’âge et de force des deux adversaires n’empêcha pas Saül d’acquiescer à ce désir. Le roi donna au pâtre sa propre armure ; mais sous ce costume guerrier, auquel il n’était pas accoutumé, David n’avait pas la liberté de ses mouvements. Plus confiant en la protection divine que dans les armes royales, il reprit sa houlette ou son bâton de voyage, choisit dans le lit du torrent cinq pierres très polies, et les mit dans sa panetière ; puis, sa fronde à la main, il s’avança vers le Philistin, furieux d’être attaqué par un aussi faible adversaire. Rempli d’une inébranlable confiance en Dieu, qui devait venger son honneur outragé, il mit une pierre dans sa fronde et la lança prestement. Elle frappa au front le géant, qui tomba sous le coup. David se jeta sur Goliath, et de sa propre épée lui trancha la tête. La portant à sa main, il fut présenté par Abner à Saül. Le roi prit alors sur lui des informations. On en a conclu trop vite qu’il ne le connaissait pas, et que ce récit était en contradiction avec la narration du séjour de David à la cour comme harpiste et écuyer. L’objection a été résolue de plusieurs manières différentes. Comme ce passage manque dans la version, des Septante, le texte hébreu peut passer comme un targum qui mêle au récit primitif des détails puisés à d’autres sources ou à des légendes populaires. J. P.. P. Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque, t. 1, Paris, 1886-1887, p. 62-68. Pour d’autres, s’il n’y a pas interpolation, il y a au moins interversion des récits, et David n’a exercé les fonctions de harpiste et d’écuyer à la cour de Saül qu’après sa victoire sur Goliath. Le plus souvent, les commentateurs suivent l’ordre actuel du texte hébreu, et observent simplement que Saül demanda à Abner, non pas qui David était, mais à quelle famille il appartenait. Le roi connaissait son écuyer, mais il ignorait son origine et sa vie antérieure ; il n’avait pas eu l’occasion de s’en informer durant les fonctions momentanées et intermittentes qu’il avait remplies auprès de sa personne. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1896, t. ii, p. 87-88, et Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 495-498 ; F. de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 13 et 182-185. Plus tard, David apporta à Jérusalem la tête du géant, et mit ses armes dans sa tente comme un trophée. I Reg., xvii, 12-58. Quant à l’épée de Goliath, elle fut exposée dans le sanctuaire de Nob. I Reg., xxi, 9.

Cet exploit valut à David la tendre et forte amitié de Jonathas et l’honneur de demeurer définitivement et d’une manière permanente à la cour. Saül chargea son vaillant écuyer de diriger plusieurs expéditions guerrières. David y eut un plein succès. Le peuple et les courtisans eux-mêmes aimaient l’heureux capitaine. Or, au retour d’une campagne contre les Philistins, les femmes d’Israël vinrent à la rencontre du vainqueur et chantèrent en chœur : « Saül en a tué mille, et David dix mille. » Cet éloge excita la jalousie du roi, qui craignit dès lors de rencontrer en David le rival dont lui avait parlé Samuel. I Reg., xv, 28. Saül ne vit plus David de bon œil, et dès le lendemain, dans un transport de frénésie, il essaya de le percer de sa lance, tandis qu’il jouait de la harpe devant lui. David se détourna et évita le coup à deux reprises. Saül craignit davantage celui que le Seigneur protégeait si visiblement, et, pour l’éloigner de sa personne, il le promut à un commandement de mille hommes. David menait sa troupe à de difficiles combats et la ramenait victorieuse. Le peuple l’aimait de plus en plus. Saül, qui n’osait pas le tuer, espéra qu’il périrait par le glaive des Philistins, et, sous prétexte de lui faire mériter la main de sa fille Mérob, il l’engagea dans les plus grands dangers. Heureux dans toutes ses entreprises grâce à la protection divine, David échappa au péril. Infidèle à sa parole, Saül lui refusa Mérob, qui lui était déjà due en récompense de la mort de Goliath. Il lui promit sa seconde fille, Michol, qui l’aimait, à la condition qu’il apporterait en guise de douaire la dépouille de cent Philistins. C’était un nouveau piège : Saül espérait que le héros tomberait entre les mains des ennemis ; mais David fournit le double des trophées demandés et le roi fut obligé de lui donner Michol. L’aversion de Saül grandit avec les succès et la fortune de son rival. I Reg., xviii, 1-30.

Bientôt le roi ne dissimula plus sa haine et donna ouvertement l’ordre de tuer David. Jonathas apaisa momentanément son père, en faisant valoir les services rendus par son ami. David reprit à la cour ses fonctions accoutumées. De nouveaux exploits contre les Philistins rallumèrent la jalousie de Saül, qui tenta derechef de percer David de sa lance. David s’enfuit dans sa maison, où Saül le fit surveiller par ses gardes ; mais Michol fit évader son mari par une fenêtre, et pour laisser au fugitif le temps de se mettre en sûreté, elle eut recours à divers stratagèmes, qui réussirent. David rejoignit Samuel à En cours Ramatha, et tous deux se retirèrent à Naïoth. Saûl, à trois reprises, envoya arrêter David ; il alla lai-même à Naïoth ; mais il prit part aux exercices pieux des prophètes et ne pensa plus à s’emparer de l’oint du Seigneur. I Reg., xix, 1-24. David revint à Gabaa consulter Jonathâs. Les deux amis se lièrent par des serments éternels. David proposa un expédient pour connaître les sentiments du roi à son égard. Le second jour de la néoménie, Saül demanda compte de son absence à sa table. Comme il était convenu, Jonathâs répondit que David assistait à une fête de famille, à Bethléhem. Loin d’accepter cette excuse, Saûl s’emporta contre Jonathâs et menaça David de mort. Celai-ci en fut averti par le signal concerté, et les deux amis se séparèrent en pleurant. I Reg., xx, 1-43.

2° Vie errante de David. — David proscrit mena désormais une vie errante et remplie d’aventures. Il se rendit d’abord à Nobé, auprès du grand prêtre Achimélech (voir t. i, col. 140-142), et reçut de ses mains, avec des pains de proposition, l’épée de Goliath, qui avait été consacrée au Seigneur. Il passa ensuite chez Achis, roi de Geth, et, afin de conjurer le danger qu’il courait au milieu des ennemis de son peuple, il contrefit l’insensé, selon une ruse assez familière aux Orientaux. I Reg., xxi, 1-15. Voir t. i, col. 144-145. Congédié avec mépris, il se retira dans la caverne d’Odollam. Craignant sans doute d’être persécutés à cause de lui, ses frères le rejoignirent. Les débiteurs insolvables et les mécontents du royaume se réunirent à lui, et bientôt il fut à la tête d’environ quatre cents hommes. L’exilé conduisit sa troupe à Maspha, au pays deMoab. Abiathar, échappé seul au massacre de sa famille, s’enfuit auprès de David ; il emportait avec lui l’éphod, qu’il consulta souvent. Voir t. i, col. 45-46. Rappelé par le prophète Gad, David rentra dans sa patrie et se cacha dans la forêt de Haret. I Reg., xxii, 1-5. Avec ses six cents hommes, il délivra les habitants de Céila d’une incursion des Philistins. Saül voulut le cerner dans cette ville. Averti par le Seigneur que les habitants, qu’il avait sauvés, allaient le trahir, David en sortit et erra de différents côtés avec sa troupe. Voir t. ii, col. 388. Il trouva un refuge dans la montagne boisée de Ziph, où Jonathâs vint le réconforter et renouveler leur alliance. Invités de fournir des subsides, les Ziphéens dénoncèrent à Saül la présence de David dans leurs parages et s’offrirent à le livrer. David se retira dans le désert de Maon ; le roi l’y poursuivit. Il le serrait de très près et il l’aurait pris, si une invasion subite des Philistins ne l’eût obligé à rebrousser chemin. I Reg., xxiii, 1-28.

David passa à Engaddi. Après avoir repoussé les Philistins, Saûl vint l’attaquer. S’étant retiré seul dans une caverne, où David était caché, il fut à la merci de son adversaire. David eut la magnanimité de ne pas profiter de la circonstance ; il réussit à arrêter ses ardents compagnons, et se contenta de couper un pan du manteau royal. Saül reconnut que David était plus juste que lui, et il le pria d’épargner sa famille, quand il serait roi. I Reg., xxiv, 1-23. Pour ne pas être trop longtemps a charge aux mêmes habitants, David changeait souvent de retraite. Il descendit dans le désert de Pharan, et fit demander des vivres au riche Nabal. Bien que ses bergers reconnussent la bonté de David à leur égard et la protection dont il les entourait, celui-ci refusa insolemment. David voulait punir Nabal ; mais à la prière de sa femme Abigaïl (voir ce nom, t. i, col. 47-49), il oublia son affreux serment de tout détruire dans la maison de Nabal, et il pardonna généreusement les outrages reçus. Nabal étant mort dix jours plus tard, David épousa Abigaïl. Il avait pris auparavant Achinoam (voir ce nom, 1. 1, col. 143) pour femme, quand Saül avait donné Michol à un autre. I Reg., xxv, 1-44. Les Ziphéens dénoncèrent de nouveau David. Saül se mit à sa poursuite et tomba une seconde fois entre ses mains. David pénétra dans la tente du roi, pendant qu’il dormait, et au lieu de le tuer,


comme le voulait son compagnon, il prit seulement sa lance et sa coupe. Sorti du camp, il interpella ironiquement Abner, et Saül réveillé rendit justice à l’innocence de celui qu’il persécutait, et s’en retourna chez lui. I Reg., xxvi, 1-25. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 263, note, ne voit dans cet épisode qu’un second récit de la rencontre de la caverne. Mais « le lieu, les circonstances, l’époque, sont différents. Ce n’est pas le même fait raconté deux fois avec des circonstances diverses ; ce sont deux faits parfaitement distincts. David cherchait à désarmer le roi en multipliant les preuves de son respect pour sa vie ». M » ’Meignan, David, Paris, 1880, p. 24, note.

N’osant pas se fier aux promesses de Saûl, David se retira de nouveau chez les Philistins. Achis l’accueillit cette fois et lui donna Siceleg. De là, pendant quatre mois, David fît des razzias sur le territoire des Amalécites et d’autres tribus. I Reg., xxvii, 1-12. Il se trouva ensuite dans une situation bien embarrassante. Achis, en guerre avec les Hébreux, voulut l’emmener et l’établit chef de sa garde. I Reg., xxviii, 1 et 2. Mais ses officiers, craignant que David ne fît volte-face durant la bataille, le contraignirent à renvoyer du camp l’étranger. I Reg., xxix, 2-11. Cette décision épargna à David de prendre part à la guerre contre ses compatriotes. Quand il rentra à Siceleg, il trouva cette ville prise et brûlée par les Amalécites, qui avaient emmené en captivité les femmes et les enfants. Sa troupe, désespérée, s’en prit à" lui et voulut le lapider. Dieu ne le délaissa pas dans cette affliction, et sur son ordre David poursuivit les Amalécites. Guidé par un esclave égyptien, il les rejoignit alors qu’ils célébraient leur victoire dans une orgie, les battit et reprit tout ce qu’ils avaient enlevé. Il partagea le butin entre tous ses hommes, et il préleva sur sa paît de riches cadeaux, qu’il envoya à ses amis de Juda. I Reg., xxx, 1-31. Cependant Saül et Jonathâs périrent dans la guerre contre les Philistins. Un fuyard amalécite en apporta la nouvelle à David, qui déchira ses vêtements en signe de deuil et fît tuer le messager de malheur, qui se faisait un mérite d’avoir frappé Saûl. Sous le coup d’une douleur sincère, David pleura le père, qui l’avait si cruellement persécuté, et le fils, qui lui avait voué une si généreuse amitié, et il composa sur leur mort une touchante élégie, intitulée « le chant de l’arc ». II Reg., i, 1-27. Cf. A.-H. Pareau, Elegia Davidis in Saulem et Jonathanem, Groningue, 1826 ; F. W. C. Umbreit, David und Jonatham. Lied der Freundschaft, Heidelberg, 1844.

II. Règne de David. — 1° À Hébron. — David, qui avait alors trente ans, II Reg., v, 4, ne farda pas à revendiquer les droits à la royauté que lui avait conférés. l’onction sainte. Sur l’ordre du Seigneur, il se hâta de se rendre sur le territoire de Juda, et il se fixa à Hébron avec ses hommes. Les Judéens le reconnurent pour roi et inaugurèrent son règne par une onction publique et solennelle. Les autres tribus se rangèrent sous le sceptre d’Isboseth, fils de Saûl. David s’empressa de témoigner sa reconnaissance aux habitants de Jabès-Galaad, qui avaient enseveli Saûl, et il leur fit annoncer son avènement au trône. Abner, qui avait élu Isboseth et qui commandait son armée, attaqua les troupes de David et fut battu à Gabaon. II Reg., ii, 1-32 ; I Par., xi, 1-3 ; xii, 23-40. Le roi, à qui la guerre civile répugnait et qui avait dû se défendre, n’assistait pas à cette bataille. Il se maintint à Hébron, où sa famille s’accrut, tandis que le parti d’Isboseth dépérissait. Six fils lui naquirent de ses cinq femmes, Achinoam, Abigaïl, Maacha, Haggith et Égla. II Reg., iii, 1-5 ; I Par., iii, 1-3. Abner, en querelle avec Isboseth, se rapprocha de David et s’engagea à le faire reconnaître par tout Israël. Au préalable, David réclama Michol, qui lui fut rendue. Abner, ayant gagné à sa cause les anciens des onze tribus, vint à Hébron, et David fit en son honneur un grand festin. Mais, par vengeance ou par envie, Joab fit traîtreusement périr Abner. David

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repoussa toute solidarité dans cet odieux attentat ; il mena le deuil d’Abner, et épancha sa douleur dans un chant élégiaque, dont le commencement seul nous est parvenu. Il n’osa pas punir Joab, qui était très puissant ; mais il prononça contre lui une terrible imprécation. Sa douleur sincère fit taire les soupçons qui s’étaient répandus sur sa complicité dans l’assassinat d’Abner. II Reg., iii, 12-39. Voir t. i, col. 62-66. Deux chefs de voleurs tuèrent Isboseth et apportèrent sa tête à David, qui les punit de mort. II Reg., iv, 1-12. Alors toutes les tribus d’Israël reconnurent David pour leur roi, et les anciens lui conférèrent une troisième onction royale. Son règne à Hébron, sur la seule tribu de Juda, avait duré sept ans et demi. II Reg., v, 1-5.

2° Débuts du règne de David sur tout Israël. — David inaugura son règne sur tout Israël par un brillant exploit. Il marcha sur Jérusalem et s’empara de la forteresse de Sion, qui était encore au pouvoir des Jébuséens. Il s’y établit et la fit entourer de murs. Il existe encore à Jérusalem une tour rectangulaire, nommée tour de David. Bien que la construction actuelle soit généralement attribuée à Hérode, ses fondations et le massif principal peuvent être considérés comme l’ouvrage de David et même des Jébuséens. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1852, t. ii, p. 369-371 ; V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 194-199 ; Ma’Meignan, David, Paris, 1889, p. 94-95. Jérusalem devint la cité de David et la capitale de son royaume. Par cet acte important, David fut le véritable fondateur du royaume d’Israël. « En lui donnant une tête et un centre, il cessa d’être un simple chef du peuple, comme l’avait été Saùl, comme l’étaient les scheikhs des tribus voisines, maîtres sur leur territoire, mais ignorants de toute administration et sans relations suivies au dehors. Il commença à être un vrai monarque, comme les rois d’Egypte et d’Assyrie, avec une organisation politique et une administration régulière qui se maintinrent et durèrent, au moins pour le fond, jusqu’à la ruine d’Israël. » F. Vigoureux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, t. ii, p. 111-112. Il déploya dès lors un certain luxe, fit construire un palais, eut une cour, augmenta son harem de nouvelles* concubines, dont il eut des enfants. I Par., iii, 5-9 ; xiv, 1-7. Les Philistins lui déclarèrent la guerre et furent défaits à Baal-Pharasim et à Gabaon. II Reg., v, 6-25 ; I Par., xi, 4-7 ; xiv, 8-17. C’est dans cette campagne qu’on place l’épisode de l’eau, que de braves guerriers allèrent puiser, au péril de leur vie, à la citerne de Bethléhem, pour étancher la soif de David. Mais le roi aurait cru boire le sang des siens ; il refusa de se désaltérer, offrit l’eau au Seigneur et la répandit sur terre en son honneur. II Reg., xxm, 13-17 ; I Par., xi, 13-19. À cinq cents mètres au nord-ouest de Bethléhem, il existe trois citernes, que les Arabes appellent Biar Daoûd, « puits de David, » et dont l’une serait celle où les trois guerriers puisèrent. Mais quelques voyageurs infirment la tradition actuelle, en remarquant que le récit biblique place la citerne à la porte de Bethléhem. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1852, 1. 1, p. 135-136 ; V. Guérin, Judée, t. i, p. 190-192 ; voir aussi t. i, col. 1694.

Après avoir restauré et consolidé l’unité politique de la nation par l’établissement d’une capitale, David prit soin dé faire de Jérusalem le centre du culte divin. Dans ce dessein, il y fit transporter l’arche, qui était restée à Cariathiarim, chez Abinadab. La translation fut douloureusement interrompue par la mort d’Oza. Frappé de crainte par ce tragique événement, David fit déposer l’arche dans la maison d’Obédédom. Ayant appris, au bout de trois mois, que la bénédiction divine était venue avec l’arche dans cette maison, il reprit son projet primitif, et introduisit solennellement et au milieu des réjouissances publiques l’arche à Sion. Lui-même, vêtu d’un éphod de lin, comme un lévite, dansait et menait le chœur devant le Seigneur. Cet acte de piété et d’humilité lui attira le

mépris et les reproches de Michol. David répondit qu’en s’humiliant devant Dieu, qui l’avait préféré à Saùl, il paraissait plus glorieux aux yeux de son peuple. II Reg., vi, 1-23 ; I Par., xiii, 1-14 ; xv, 1-29 ; xvi, 1-43. Clair, Les livres des Bois, Pans, 1884, t. ii, p. 38-39. Voir Danse, t. ii, col. 1288. David conçut alors le dessein de bâtir un temple au Seigneur ; mais Jéhovah lui fit dire par le prophète Nathan que cet honneur était réservé à son fils et successeur, et, pour récompenser sa piété, il lui promit que son règne serait éternel. David en remercia Dieu et le pria avec ferveur de réaliser ses promesses. II Reg., vu, 1-29 ; I Par., xvii, 1-27. Voir t. i, col. 920-921.

3° Conquêtes de David. — Dieu donna la victoire aux armées de David. Le roi battit de nouveau les Philistins et leur imposa le tribut ; il défit les Moabites, et, selon l’inexorable loi de la guerre de ce temps, il fit périr les deux tiers des prisonniers. Il triompha aussi d’Adarézer, roi de Soba, et des Syriens, qui étaient venus à son secours. Voir t. i, col. 211-213. Le roi d’Énlath lui envoya des présents, qui furent consacrés au Seigneur avec les dépouilles prises sur l’ennemi dans les guerres précédentes. David remporta encore une grande victoire dans la vallée des Salines et conquit l’Idumée. Il fut dès lors un roi très puissant, et sa cour comptait un grand nombre d’officiers. II Reg., viii, 1-18. Il n’oublia pas dans sa prospérité la famille du malheureux Saùl ; il fit venir à Jérusalem Miphiboseth, fils de Jonathas, l’admit à sa table et chargea Siba d’administrer ses biens. II Reg., ix, 1-13 ;

I Par., xviii, 1-17. La guerre reprit bientôt. Le nouveau roi des Ammonites vit des espions dans les députés que David lui adressait, et il les renvoya avec déshonneur. Pour venger cet affront, David dirigea toutes ses troupes contre les Ammonites et leurs alliés. Une première victoire fut remportée par Joab. Les Syriens ayant repris l’offensive, David lui-même les tailla en pièces. Ils se soumirent aux conditions de paix qui leur furent imposées et renoncèrent à secourir désormais les Ammonites.

II Reg., x, 1-19 ; I Par., xix, 1-19. Voir t. i, col. 496.

4° Chute de David, son repentir et son expiation. — L’année suivante, le roi envoya Joab attaquer les Ammonites. Pendant que l’armée assiégeait Rabba, David, livré à l’inaction dans Jérusalem, tomba dans la faute la plus grave de sa vie et devint adultère et homicide. Bethsabée fut séduite ; Urie, son époux, fut exposé au péril et lâchement abandonné. Le coupable se consola facilement da la défaite infligée à son armée, et, le temps du deuil écoulé, il épousa Bethsabée. II Reg., xi, 1-27. Voir t. i, col. 1712-1713. Par ordre du Seigneur justement irrité, Nathan, dans un ingénieux apologue, fit comprendre avec fermeté et prudence sa faute à David, et lui en annonça la punition : le glaive ne devait plus sortir de sa maison. Atteint par sa propre sentence, David n’excuse ni ne diminue son crime ; il le confesse humblement et s’écrie : « J’ai péché contre le Seigneur. » Son repentir est si sincère, que Dieu accorde aussitôt le pardon, tout en exigeant l’expiation de la faute. David accepte le châtiment qu’il a mérité, et par sa pénitence devient le modèle des pécheurs repentants. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 118119 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 1™ édit., t. iv, p. 82-84. L’enfant adultérin mourut ; mais Bethsabée donna le jour à Salomon, que le Seigneur aima. Cependant la guerre avec Ammon continuait. Pour la terminer, David assembla tout le peuple et marcha en personne contre Rabba, qu’il prit après quelques combats. Il traita cruellement les vaincus. II Reg., xii, 1-31 ; I Par., xx, 1-3. Ces cruautés, qui nous font horreur et qu’il ne faut point atténuer à l’exemple de Danz, De mitigata David in Ammonitas crudelitate, Iéna, 1710, s’expliquent suffisamment, sans s’excuser, par les mœurs barbares de l’époque. D’ailleurs, David, qui peut- être cédait à la pression de ses farouches soldats, appliquait aux Ammonites la peine du talion. Leur roi, Naas, répondait aux habitants de Jabès-Galaad que

pour toute composition il leur ferait arracher à tous l’oeil droit. 1 Reg., xi, 1 et 2. Cf. Amos, i, 13. Renan lui-même, Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 42, reconnaît que « la cruauté a toujours fait partie de la guerre en Orient. La terreur est considérée comme une force. Les Assyriens, dans les bas-reliefs des palais, représentent les supplices des vaincus comme un acte glorieux ». Cf. J. D. Michælis, Mosaisches Recht, 3e édit., Francfort-sur-le-Main, 1793, t. i, p. 370-378 ; Mo’Meignan, David, 1889, p. 43-46.

En punition du péché de David, deux crimes énormes, l’inceste d’Amnon (voir t. i, col. 500-501) et le fratricide d’Absalom (voir 1. 1, col. 92-99), souillèrent et désolèrent le palais du roi. II Reg., xiii, 1-39. L’exil d’Absalom dura trois ans. L’industrieuse intervention de la femme de Thécué auprès de David le fit cesser. Revenu à Jérusalem, Absalom passa encore deux ans sans être reçu par son père. II Reg., xiv, 1-33. Rentré enfin en grâce, il ilatta le peuple, et, sous prétexte d’aller offrir un sacrifice à Hébron, il y rassembla la foule et fut proclamé roi. Vieux et désolé, David s’enfuit avec ses serviteurs fidèles. Sa fuite fut marquée par des scènes émouvantes. Après avoir passé le torrent du Cédron et renvoyé l’arche à Jérusalem, il gravit la colline des Oliviers, nu-pieds, la tête enveloppée en signe de deuil et en pleurant. Au sommet, il conseilla à Chusaï (t. ii, col. 746-748) de rentrer à Jérusalem, pour contrebalancer l’influence d’Achitophel (t. i, col. 146-147) dans les conseils d’Absalom. II Reg., xv, 1-37. Plus loin, Siba apporta au fugitif des présents, et reçut en récompense les biens de Miphiboseth, qu’il administrait. À Bahurim, Séméi, parent de Saûl, maudit David et lui jeta des pierres ; le roi lui pardonna ses injures. II Reg., xvi. Ainsi trompé par les uns et injurié par les autres, David traversa avec résignation toutes les épreuves de la mauvaise fortune. Après avoir déshonoré les dix concubines de son père, Absalom voulait poursuivre aussitôt le fugitif. Il renonça à ce projet sur l’avis de Chusaï. Celui-ci prévint David et lui conseilla de passer le Jourdain ; ce qui fut fait à la pointe du jour. II Reg., xvii. Quand Absalom rejoignit son père, celui-ci, qui avait été bien reçu par les habitants de Manahaïm, avait organisé son armée, et il put l’opposer aux forces du rebelle. Dans l’espoir de la victoire, il exigea qu’on épargnât la vie d’Absalom, qui périt néanmoins. En apprenant la mort tragique de son fils qu’il aimait, David, saisi d’une douleur profonde, monta dans une chambre située au-dessus de la porte de la ville et pleura Absalom. II Reg., xviii, 1-33. Cependant il dut faire trêve à son chagrin pour passer en revue son armée victorieuse. Revenu à de meilleurs sentiments, le peuple rappela son roi, qui se mit en route vers Jérusalem. Le retour fut une marche triomphale. Les partisans d’Absalom se soumirent. Séméi obtint sa grâce ; Miphiboseth se justifia ; Berzellaï refusa la récompense qui lui était offerte, et David repassa le Jourdain. II Reg., XIX. La révolte de Séba fut vite réprimée. II Reg., xx, 1-22. Le règne de David fut encore attristé par une famine qui sévit durant trois années. Le Seigneur consulté répondit qu’elle était la punition des cruautés de Saül à l’égard des Gabaonites. Ceux-ci, d’autre part, poussés par le désir de la vengeance, demandèrent la mort des sept descendants de Saûl. David, se conformant au précepte qui ordonnait de punir l’homicide par le sang, Num., xxxv, 33, les leur livra ; mais il épargna Miphiboseth, à cause du serment qu’il avait fait à Jonathas. Ayant appris la belle conduite de Respha, qui chassait les oiseaux de proie loin des cadavres de ses fils, David fit ensevelir les crucifiés avec Saùl et Jonathas.

5° Derniers jours du règne de David. — La paix fut de nouveau rompue avec les Philistins, et le récit biblique réunit quatre expéditions successives. Dans la première, David fatigué faillit être tué par Jesbibenob. Ses hommes s’engagèrent par serment à ne plus le laisser aller au

combat, de peur d’éteindre la « lampe d’Israël ». Dans les trois autres campagnes, le succès fut constamment du côté des Juifs. II Reg., xxi, 15-22. David composa un cantique d’action de grâces pour toutes ses victoires. H Reg., xxii, 1-51. Le roi était vieux. Dans un poème, qui fut son testament, il exprima la confiance absolue que lui inspirait la promesse de l’éternelle durée de sa race. II Reg., xxiii, 1-7. Des pensées d’orgueil et d’ambition, suggérées par Satan, le portèrent à opérer le dénombrement de son peuple, que Joab jugeait inutile. Au point de vue théocratique, c’était une faute, puisque la force d’Israël n’était pas dans le nombre des hommes, mais dans la protection du Seigneur. David comprit bientôt sa folie, et le Seigneur, voulant en tirer vengeance, lui proposa par la bouche du prophète Gad le choix entre trois fléaux, la famine, la guerre ou la peste. David, préférant tomber entre les mains du Dieu des miséricordes, préféra la peste, qui fit soixante-dix mille victimes. Le roi demanda que l’ange exterminateur le frappât, lui et sa famille, plutôt que son peuple. Un sacrifice, offert sur l’aire d’Areuna, apaisa la colère divine, et la peste cessa. II Reg., xxiv, 1-25 ; I Par., xxi, 1-30.

David prit à son service Abisag, la Sunamite (voir 1. 1, col. 58-59), et eut à contenir l’ambition de son fils Adonias (voir t. r, col. 224-226), qui se posait en héritier du trône. Nathan et Bethsabée décidèrent le roi à désigner Salomon pour lui succéder. Afin d’assurer ses droits à la succession, il le fit sacrer le jour même. III Reg., i, 1-40. Sentant sa fin approcher, il adressa à Salomon ses recommandations suprêmes, qui constituent son testament religieux et politique. Elles peuvent se résumer en trois points : être fidèle à Dieu, récompenser les bons serviteurs et punir sévèrement les mauvais. On a reproché à David sa conduite envers Joab et Séméi. Pour des causes diverses, il n’a pu se venger d’eux pendant sa vie, et il charge son fils de les punir. Leurs crimes étaient certains ; leur conduite passée faisait présager leur conduite future. David s’en remet à la sagesse de Salomon, qui trouvera une occasion d’accomplir la juste vengeance que son père n’a pas pu exercer. David mourut après quarante années de règne, sept à Hébron et trente-trois à Jérusalem ; il fut enseveli à Sion. III Reg., ri, 1-11 ; I Par., xxix, 26-30. L’historien Josèphe, Ant. jud., VII, xv, 3, et XVI, viii, 1, ajoute au récit biblique que Salomon fit déposer dans le tombeau de son père des richesses considérables, qui furent soustraites plus tard en partie par Hircan et par Hérode, sans que les restes du roi fussent violés. Théodoret, Quxst. in III Reg., qusest. VI, t. lxxx, col. 672, cite comme de Josèphe un passage, qui ne se trouve plus dans ses œuvres, et d’après lequel le tombeau de David était proche de la fontaine de Siloé. Ce renseignement est conforme d’ailleurs à ce qui est raconté dans le livre de Néhémie. Il Esdr., iii, 15 et 16. Le jour de la Pentecôte, saint Pierre dit aux Juifs en parlant de David : « Son sépulcre est encore parmi nous. » Act., ii, 29. Les musulmans montrent aujourd’hui, au Cénacle, un faux tombeau de David. Le véritable et authentique tombeau était sur la colline de Sion et n’a pas été retrouvé.

6° Caractère de David et de son règne. — Depuis près de deux siècles, les ennemis du christianisme se sont attachés à dénigrer David. Assurément David n’a été ni parfait ni innocent. La Bible raconte sincèrement ses fautes et ses faiblesses, sans les excuser ni les pallier ; mais elle raconte aussi son repentir et sa pénitence, et elle nous le présente comme un des plus beaux exemples de la miséricorde de Dieu envers les pécheurs contrits et repentants. Elle rapporte les actes de vertu qu’il a accomplis, sa générosité envers Saûl, sa foi et sa religion. Les reproches qu’on lui fait s’expliquent en partie par les circonstances difficiles où il s’est trouvé, en partie par les mœurs du temps. Quant à sa piété, s elle éclate dans une foule de traits de son histoire, et en particulier

dans le projet qu’il forma d’élever un temple au Seigneur ; mais c’est surtout dans les Psaumes qu’elle brille sous le plus beau jour. Depuis qu’il a fait entendre pour la première fois ses chants inspirés, juifs et chrétiens n’ont pas cessé de les répéter ; ils sont devenus la prière universelle, l’aliment de la piété de toutes les âmes dévouées à Dieu. » F. Yigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 1 : 18. Un psalmiste, Ps. cxxxi, 1, a loué, selon l’hébreu, ses fatigues, les travaux qu’il s’était imposés pour la gloire de Dieu et l’honneur de son culte (sa douceur pleine de mansuétude, selon la Vulgate). L’auteur de l’Ecclésiastique, xlvii, 2-13, a fait son éloge et a célébré ses liauts faits et son esprit de religion. L’Église honore David comme un saint, et sa fête est inscrite au martyrologe romain à la date du 29 décembre. Cf. saint Ambroise, Apologia prophetx David ; Apologia altéra prophetse David, t. xiv, col. 851-916 ; du Clôt, La Sainte Bible vengée des attaques de l’incrédulité, Lyon et Paris, 1816, t. iv, p. 60-90 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, . 4e édit., t. IV, p. 530-537 ; Ma r Meignan, David, p. 82-84.

Dieu choisit David de derrière son troupeau, II Reg., vu, 8, pour remplacer Saül sur le trône, parce qu’il savait qu’il serait « un homme selon son coeur, qui accomplirait toutes ses volontés ». I Reg., xiii, 14 ; cf. Act., xin, 22. David ne fut donc pas un usurpateur ; il avait reçu de Dieu une mission qu’il a fidèlement remplie. Il fut le véritable type du roi théocratique ; il ne gouverna pas son peuple selon « es caprices, comme les despotes orientaux ; mais il se montra l’instrument docile des volontés divines. Il fut le vrai fondateur de la monarchie juive et le chef d’une dynastie. C’est à ce titre que saint Pierre, Act., ii, 29, l’appelle « patriarche ». Guerrier et conquérant, David donna à son royaume l’étendue promise par Dieu à la race d’Abraham. Gen., xv, 18 ; Exod., xxiii, 31 ; Deut., xi, 24. Son autorité fut respectée des bords de l’Euphrate, II Reg., viii, 3 ; I Par., xviii, 3, au torrent de l’Egypte et aux rives de la mer Rouge. Les peuples de ces régions étaient ses tributaires. « L’empire de David était un véritable empire oriental, bâti sur le même modèle que ceux d’Egypte et de Chaldée, mais moins large et moins durable. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 5e édit., Paris, 1893, p. 330.

Son règne n’eut pas une moindre importance politique à l’intérieur qu’à l’extérieur, et lui-même nous apparaît comme un véritable chef d’État et un administrateur habile. Comme nous l’avons déjà dit, il centralisa le pouvoir, en donnant à son peuple une capitale. Il organisa l’armée, sa cour et le culte religieux. — 1. David, qui était un guerrier, développa l’organisation de la force armée, que Saül avait commencée. La forte bande qu’il avait constituée à Odollam et à Siceleg devint le noyau d’une excellente armée permanente. De leur nombre sortirent les gibborim, c’est-à-dire « les forts, les vaillants », dont trente-sept sont nommés II Reg., xxiii, 8-34 et 53 ; I Par., xi, 10-47. Ils ne formaient pas une cohorte distincte, mais se tenaient auprès du roi comme ses aides de camp, et recevaient selon les occasions des commandements ou des missions de confiance. Plusieurs étaient célèbres par leurs exploits. Une sorte de légion étrangère, composée de Céréthéens et de Philistins (voir t. ii, col. 441-445), servait de garde du corps. Elle avait à sa tête un Hébreu, Banaïas. Quand David fut reconnu roi par tout Israël, on comptait 339600 hommes en état de porter les armes et 1224 chefs ; leur nombre est énuméré tribu par tribu, I Par., xii, 23-38. En faisant le dénombrement du royaume, on trouva 1300000 hommes capables de tirer le glaive, d’après II Reg., xxiv, 9, et 1570000, d’après I Par., XXI, 5. À une époque indéterminée, David institua une armée permanente. Elle comprit douze corps de 24000 hommes, qui se succédaient mois par mois pour tenir garnison à Jérusalem. Les

chefs de corps étaient pris parmi les gibborim. I Par., xxvil, 1-15. Cette armée n’avait que de l’infanterie, et ne possédait ni cavalerie ni chars de guerre. David, ayant pris à Adarézer dix-sept cents cavaliers, coupa les jarrets aux chevaux et ne garda que cent chars. II Reg., viii, 4. Les armes ordinaires étaient la lance et le bouclier. Une tradition arabe attribue à David l’invention de la cotte de mailles. David avait consacré au Seigneur des lances et des boucliers pris sur l’ennemi, qui furent déposés plus tard dans le Temple et utilisés par le grand prêtre Joïada. II Par., xxiii, 9. Un général en chef commandait à toute l’armée et dirigeait en temps de guerre toutes les opérations, en l’absence du roi. Voir Armée chez les Hébreux, t. i, col, 971-982. — 2. David mit de l’ordre dans l’administration de sa maison et de son royaume. Il laissa aux chefs des tribus leurs attributions, et ceux qui fonctionnaient sous son règne sont mentionnés I Par., xxvii, 16-23. Le service de son palais et la garde de ses biens exigèrent de nombreux intendants. Outre le trésor proprement dit, qui se trouvait à Jérusalem, David possédait divers dépôts de sommes importantes dans les villes, les tours et les forteresses du pays. Des officiers étaient préposés au soin de la culture des champs, des vignes, et veillaient sur les celliers royaux et les magasins d’huile. D’autres surveillaient les troupeaux de bœufs, de chameaux, d’ânes et de brebis. I Par., xxvii, 25-31. Le roi avait un conseil privé, et deux des conseillers avaient la charge de précepteurs de ses enfants. I Par., xxvii, 32-34. Suivant la coutume des rois orientaux, David exerçait lui-même la justice. II Reg., viii, 15 ; I Par., xviii, 14. Les procès étaient portés à son tribunal, et il les jugeait en souverain absolu. II Reg., xiv, 4-22 ; xv, 2-6. Absalom en profita pour exciter le peuple à la rébellion. Afin d’obvier sans doute aux abus qui pouvaient résulter de cette juridiction unique, David confia l’exercice de la justice à six mille lévites. I Par., xxiii, 4. Il y avait aussi un mazkir, c’est-à-dire un grand chancelier, archiviste et historiographe ; un sôfêr ou secrétaire d’État, II Reg., vin, 16 et 17, et un percepteur d’impôts. II Reg., XX, 24.

— 3. Quand David fit transporter l’arche d’alliance à Jérusalem, il organisa le service religieux. Le dénombrement des lévites accus’a le chiffre de 38000. Sur ce nombre, 24 000 furent chargés du soin de là maison du Seigneur ; 6000 rendirent la justice ; 4000 remplirent l’office de portiers, et 4000 celui de chantres. Les fonctions des lévites autour de l’arche d’alliance furent délimitées. I Par., xxm. Quant aux prêtres, fils d’Aaron, ils furent divisés en vingtquatre familles, seize descendant d’Éléazar et huit d’Ithamar. I Par., xxiv, 1-19. Les chantres et musiciens furent également répartis en vingt-quatre chœurs, sous la conduite d’Asaph, d’Héman et d’Idilhun. I Par., xxv. Voir Chant sacré, Chantres du Temple, col. 553-558, et Chef des Chantres, col. 645. Ces institutions liturgiques persévérèrent. Toutes les fois que postérieurement à David il est question dans la Bible des chants du sanctuaire, de la musique du Temple ; toutes les fois qu’après une interruption plus ou moins longue ils sont rétablis, on les mentionne comme dérivant du roi - prophète. Après le meurtre d’Athalie, il est ordonné aux chefs des prêtres et des lévites de faire offrir des holocaustes avec joie et avec des cantiques, conformément aux prescriptions de David. II Par., xxiii, 18. À la restauration du culte sous Ézéchias, à la première Pàque qui suivit, on joua des instruments et on chanta des psaumes de David et d’Asaph. II Par., xxix, 25-30, et xxx, 21. Quand Josias fit célébrer la fête de Pâque, depuis longtemps abandonnée, les chantres sacrés remplirent leur office selon les ordonnances de David. II Par., xxxv, 15. Après le retour de la captivité de Babylone, l’organisation introduite par David dans le service liturgique fut rétablie, et il en reste encore une trace dans l’histoire de Zacharie, père de saint Jean-Baptiste. Luc, i, 5-9. — David ne se borna pas à régler les grands ser

vices du culte. S’il dut laisser à son fils l’honneur de bâtir la maison du Seigneur, il en prépara du moins la réalisation. Il amassa des ressources et des matériaux, remit à Salomon un projet de construction et un devis du Temple et de ses parvis, des dessins de tous les ustensiles sacrés, avec l’or et l’argent nécessaires à leur fabrication. Voir Temple. Il encouragea son fils à parfaire cette noble entreprise, et il fit connaître à l’assemblée des chefs les sommes qu’il avait recueillies pour cet objet. I Par., xxviii, 1-21, et xxix, 1-9. David pouvait donc dire au Seigneur en toute vérité : « Le zèle de votre maison m’a dévoré. » Ps. lxviii, 10. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 115-117 ; Ma r Meignan, David, p. 91-141.

111. David psai.miste. — Les Juifs et les chrétiens reconnaissent d’un commun accord que David a composé en l’honneur de Dieu des psaumes, prières ou cantiques en vers, que les lévites chantaient devant l’arche, en s’accompagnant des instruments de musique. Plusieurs critiques rationalistes refusent à David l’honneur d’avoir été « l’aimable psalmiste d’Israël », II Reg., xxiii, 1, et ils rabaissent l’âge des psaumes d’origine davidique. Cf. E. Reuss, Le Psautier, Paris, 1875, p. 47-61 ; Die Geschichte der heiligen Schrift Alten Testaments, 6e édit., 1887, § 146 ; Th. Nôldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 183-187 ; E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 46. — « Essayer d’enlever à David la gloire d’avoir composé une partie de nos chants sacrés, c’est une des entreprises les plus folles de l’incrédulité moderne. Si David n’a pas composé de psaumes, il n’y a plus un seul fait certain dans l’histoire du passé ; Pindare n’a écrit aucune ode, et Virgile n’est pas l’auteur. de l’Enéide. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, 4e édit., t.iv, p. 534 ; cf. t. v, p. 31-34. Que David soit l’auteur de psaumes ou pièces liturgiques, c’est un fait attesté, indépendamment du psautier, par plusieurs livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le Psaume xvii est reproduit, II Reg., xxii, comme l’œuvre de David. Les Psaumes civ et xcv sont intégralement cités au même titre. I Par., xvi, 7-36. Les chants du pieux roi sont rappelés Il Par., vii, 6 ; xxix, 30, et il est parlé de leur exécution musicale. La réputation de David comme poète, chantre et harpiste, est clairement signalée par Amos, vi, 5. Dans son éloge du roi-prophète, l’auteur de l’Ecclésiastique, xlvii, Il et 12, rappelle ses institutions liturgiques, et lui fait un mérite d’avoir composé de douces mélodies, yXyxotivev Wkri, que les chantres psalmodiaient devant l’autel. Nous savons par l’auteur du second livre des Machabées, ii, 13, que Néhémie avait dans sa bibliothèque ti xoO AayeiS, « une Collection des psaumes de David. » Le Nouveau Testament continue la tradition juive et commence la tradition chrétienne. Jésus-Christ cite le Psaume cix comme de David, et il fonde sur son origine davidique un argument auquel les pharisiens ne peuvent répondre, et qui reposerait sur une tausse supposition, si ce psaume n’était pas de David. Matth., xxii, 43 et 45 ; Marc, xii, 36 et 37 ; Luc, xx, 42 et 44. Saint Pierre, Act., i, 16 et 20 ; ii, 25-34, dit que David est l’auteur des Psaumes cviii, xv et cix, et, dans le second cas, il tire de ce fait un argument qui serait sans valeur si les Psaumes xv et cix étaient faussement attribués à David, Saint Paul, à la synagogue d’Antioche de Pisidie, donne la même démonstration de la résurrection de Jésus-Christ, Act., xiii, 35-37, en s’appuyant, lui aussi, sur la composition du Psaume xv par David. Les chrétiens de Jérusalem dans leur prière, Act., iv, 25 et 26, placent le début du Psaume n sur les lèvres du saint roi. Saint Paul, Rom., iv, 6-8, donne les premiers versets du Psaume xxxj comme parole de David. Le même Apôtre cite enfui sous le nom de David le Psaume lxviii, Rom., xi, 9, et le xciv « , Hebr., iv, 7. Des témoignages aussi explicites ne peuvent être infirmés par l’hypothèse d’une erreur d’attribution, et aucun historien

de bonne foi ne saurait nier que David ne soit l’auteur au moins de quelques psaumes.

Il n’est pas possible toutefois de soutenir avec plusieurs Pères de l’Église, saint Philastre, Liber de hseresibus, h. cxxx, t. xii, col. 1259 ; saint Ambroise, Enarrat. in Ps. i et xliii, t. xiv, col. 923, 1087 ; saint Augustin, De civitate Dei, xvii, 14, t. xii, col. 547-548, etc., que les cent cinquante psaumes sont tous de David. Dès l’antiquité, d’autres écrivains ecclésiastiques, saint Hippolyte, In Psalmos, t. x, col. 712 ; Origène, Selecta in Psalmos, t. xii, col. 1066 : Eusèbe de Césarée, Comment, in Psalmos, proœm., in Ps. xli, lxxii et lxxvii, t. xxiii, col. 73, 368, 821, 901 ; saint Athanase, Arg. in Psalm., t. xxvii, col. 57 ; la Synopsis Scripturse Sacrse, attribuée à ce Père, t. xxviii, col. 322 ; saint Hilaire de Poitiers, Tract, super Psalmos, prol., t. ix, col. 233 ; saint Jérôme, Epist. cxl, n° 4, t. xxii, col. 1169, etc., ont reconnu que David n’est pas l’unique auteur du psautier. Sur l’opinion des Juifs, voir L. Wogue, Histoire de la Bible, Paris, 1881, p. 38-42. La multiplicité des psalmistes est aujourd’hui universellement admise. R. Cornely, Inlroductio specialis in didaclicos et propheticos V. T. libros, Paris, 1887, p. 99. Et si l’usage a prévalu de désigner le psautier tout entier sous le nom de David, c’est que le roipoète est l’auteur du plus grand nombre des psaumes, le plus célèbre des psalmistes et le modèle de tous ceux qui l’ont suivi. Le concile de Trente, dans son décret De canonicis Scripturis, en qualifiant le psautier de « davidique », a employé la dénomination usitée, et n’a pas jugé la question des auteurs des psaumes. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, l.vi, ch. xiv, trad. franc., édit. Migne, t. ii, col. 89 ; A. Theiner, Acta genuina concitii Tridentini, Agram, 1874, t. i, p. 66, 68, 69, 71-73, 76 et 77.

Les titres, dans le texte hébreu, attribuent à David soixantetreize psaumes : m-ix, xi-xxxii, xxxiv-xli,

LI-LXV, LXVIII -LXX, LXXXVI, CI, CIII, CVIII-CX, CXXII,

cxxiv, cxxxi, cxxxiii, cxxxviii-cxlv, selon la computation de la Bible hébraïque. D’autres titres, qui se lisent dans la version grecque des Septante et dans la Vulgate latine, lui décernent quinze autres Psaumes : x, selon l’hébreu ; xxxii, xlii, lxvi, lxx, xc, xcii-xcviii, cm et cxxxvi, selon la computation de la Vulgate. Bien que ces titres ne soient pas généralement regardés comme canoniques ni comme inspirés, ils sont cependant dignes de foi, en raison de leur antiquité. Ce ne sont pas de simples conjectures, émises par les lecteurs ou les collecteurs du psautier, ce sont, pour la plupart, des documents traditionnels, dont quelques-uns sont confirmés par les témoignages historiques rapportés précédemment, et dont la plupart sont justifiés par l’examen du contenu, de la langue et du style des psaumes. Deux psaumes seulement, le XLlie et le cxxxvie, peuvent être refusés avec certitude à David, malgré les titres. Parmi les psaumes anonymes, c’est-à-dire ceux dont le titre n’indique pas le nom de l’auteur, quelques-uns peuvent être légitimement attribués à David. Les chrétiens de Jérusalem, Act., IV, 25, lui reconnaissent la paternité du Psaume II. Or, comme selon un bon nombre de manuscrits grecs des Actes, xiii, 33, saint Paul aurait cité le verset 7 du Psaume il comme étant h tû Tûpià-ra ^aXixù, le Psaume I er n’aurait fait qu’un avec lui et serait aussi de David. Il en résulterait que tout le premier livre du psautier hébraïque, i-xl, contiendrait des psaumes davidiques, et aurait peut-être été formé en recueil distinct par le saint roi lui-même » D’autres encore lui sont attribués avec vraisemblance. Patrizi, Cent psaumes, trad. franc., Paris, 1890, p. 17-22. Cependant divers commentateurs sont allés trop loin dans cette attribution, et ont accordé à David des chants sacrés auxquels il ne peut avoir aucun droit. Le Psaume cli, sur la victoire de Goliath, que quelques écrivains, saint Athanase, Epist. ad Marcellinum, 15, t. xxvii, col. 28-29 ; la Synopsis Scripturse Sacrai, attribuée au même docteur, t. xxviii, col. 332 ;

Eulhymius Zigabéne, In Psalm., proœrn., t. cxxviii, col. 41, etc., ont regardé comme authentique, est certainement apocryphe. Le titre grec : Outoc ô <J/aX[iôç iàt.6ypaçoç ecç Aauîê xai ÊÇwŒv toû àpiBgjioû, 8t6 èfjiovo[iàx*i<re rà> ToXiàS, le montre suffisamment. Fabricius, Codex p’seudepigraphus V. T., Hambourg, 1722, p. 905-912 ; R. Cornely, Introductio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 219. La traduction de saint Jérôme est reproduite par F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 476.

Les indications des titres ou des allusions directes servent. à dater la plupart des psaumes de David. Plusieurs de ces dates sont certaines ; cependant, pour d’autres, les commentateurs hésitent entre le temps de la persécution de Saùl et la révolte d’Absalom. F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 120-121 ; Ms r Meignan, David, p. 165-195. D’ailleurs tous les psaumes de David portent le cachet évident de leur auteur. Ils se « distinguent des autres par leur originalité plus encore que par leur titre. On y reconnaît le génie fier, créateur, doué d’une sensibilité exquise, à la liberté des allures du poèteroi, à la passion, à la prédilection du ton élégiaque, à une poésie pleine à la fois de grâces, de force et de mouvement, enfin à un cachet d’antiquité, à une manière plus autoritaire et plus dure, quand il s’agit de flétrir le vice et de reprendre l’impiété ». Mfl r Meignan, David, p. 151-152. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 332-333. Cependant le ton se diversifie suivant les époques de la vie du psalmiste. « Ce qui caractérise les psaumes de la jeunesse.de David, c’est 1° la conscience et l’affirmation de son innocence ; 2° une confiance absolue en la justice et la bonté dé Dieu ; 3° un sentiment énergique de sa dignité personnelle, due à l’onction qui lui a été conférée de la part de Jéhovah. Les psaumes qui suivent son élévation au trône portent l’empreinte de la majesté royale, et, après le transport de l’arche à Sion, font de la montagne sainte le centre de la domination de Jéhovah sur Israël et sur le monde entier. Après sa chute et son pardon, David ne parle plus de son innocence, et on sent très bien aux accents de ses cantiques que son affection pour Jéhovah a perdu le parfum virginal des premières années ; le roi est encore confiant, mais avec plus de résignation que d’espérance, tant il sent qu’il mérite les maux qui l’affligent. Mais dans tout ce qu’il écrit, du commencement à la fin de sa vie, David est toujours le grand poète sacré ; ses chants se distinguent tous par le mouvement et le coloris ; le lien logique y est presque toujours sacrifié aux exigences du lyrisme. Le poète interpelle tour à tour, et sans avertir l’auditeur, son âme, son Dieu, ses ennemis ; il est toujours vivant, pittoresque, entraînant, et voilà pourquoi, à tant de siècles de distance, il est si facile à celui qui prie d’exprimer par ses cantiques des sentiments qui so.nt de tous les temps, mais qui n’ont jamais été mieux interprétés. » H. Lesêtre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883, p. liii-liv. Cf. Ma r Plantier, Études littéraires sur les poètes bibliques, Paris, 1865, t. i, p. 210-255.

IV. David prophète et type du Messie. — David a été prophète. Lui-même avoue que l’Esprit de Dieu parlait par sa bouche et que la parole divine sortait de ses lèvres. II Reg., xxiii, 2. L’apôtre saint Pierre lui a reconnu publiquement ce titre. Act., Il, 30. David a prophétisé le Christ et son royaume futur, et il les a prophétisés directement par ses paroles et dans ses cantiques, et indirectement par ses actes et sa vie, qui étaient figuratifs et annonçaient l’avenir. Les prophéties directes se trouvent dans les Psaumes, dont le sens littéral est messianique, et dans les « dernières paroles » du saint roi. Les Psaumes littéralement messianiques sont tous désignés par les auteurs du Nouveau Testament, et on peut les rapporter à deux périodes différentes de la vie de David. Les Psaumes xv, xxi et lxviii, qui paraissent se rattacher aux derniers temps de la persécution de Saùl, décrivent le Messie souffrant, persécuté et mis à mort

par ses ennemis, mais triomphant d’eux par sa mort et sortant du tombeau. Les Psaumes n et cix, postérieurs à la translation de l’arche à Sion, célèbrent surtout les prérogatives que le Messie recevra de son Père en récompense de sa victoire. Cf. Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, il" partie, ch. rv ; L. Reinke, Die messianischen Psalmen, 2 vol., Giessen, 1857 et 1858 ; Schilling, Valicinia messiana V. T. hebraici, t. ii, Lyon et Paris, 1884 ; Ms’Meignan, David, Paris, 1889, p. 197-481. Les a dernières paroles » de David, II Reg., xxiii, 1-7, éclairent de vives lumières le caractère du règne futur du Messie. M3 r Meignan, Les prophéties contenues dans les deux premiers livres des Rois, Paris, 1878, p. 185-209. David n’a pas été prophète du Messie par ses oracles seulement ; sa personne elle-même et sa vie ont été figuratives du Christ, qui devait être son fils. Les Pères lui ont tous reconnu ce. caractère typique, et ils se sont plu à rapprocher ses actes, ses persécutions, ses gloires, ses sentiments, des actes, des persécutions, des gloires et des sentiments de Jésus-Christ. S. Hilaire, Tract, in Ps. liv, 9, t. ix, col. 352 ; S. Ambroise, Enarrat. in Psalmos, passim, t. xiv ; S. Augustin, Enarrationes in Psalmos, passim, t. xxxvi et xxxvii ; S. Basile, Rom. i in Psalm., t. xxix, col. 213 ; S. Grégoire de Nysse, In Psalm. inscri ptionibus, ii, 11, t. xuv, col. 541. Cf. H. Goldhagen, Introductio in Sacram Scripturam V. T., Mayence, 1766, t. ii, p. 242-246. Beaucoup de Psaumes de David ont été aussi interprétés par les Pères comme figuratifs du Messie et de l’Église. Le sens typique de quelques-uns, viii, xviii, xxxiv, xxxix, xl, lxviii, xcvi, cvni, est formellement indiqué par les écrivains du Nouveau Testament. Les Pères ont recherché dans d’autres un sens spirituel ayant trait au Messie. Quelques-uns ont pu excéder dans cette voie ; mais le plus souvent l’étude permet de reconnaître sous la lettre l’élément prophétique, que l’analogie des situations et la tradition autorisent. C’est ainsi que l’on peut regarder comme messianiques au sens spirituel les Psaumes iv, v, x, xiv, xvi, xxii, xxiii, xxvi, xxvii,

    1. XXVIII##

XXVIII, XXIX, LIN, LV, LVI, LXIII, LXXXV, XCIII, XCV, XCVII,

xcviii, cxxxviii, cxl, cxli, cxlii. Il est plus difficile de justifier l’application messianique qui a été faite des Psaumes iii, xvii, liv, lviii, lxvi, lxix, lxx, ex. Cf. V. Thalhofer, Erklârung der Psalmen, 5e édit., Ratisbonne, 1889, p. 16-20 ; Mo’Meignan, David, p. 156-159 ; Trochon, Introduction générale aux Prophètes, Paris, 1883, p. Lxxviii-Lxxx.

V. Bibliographie. — J. Drexel, David regius Psaltes descriptus et morali doctrina illustratus, in-12, Munich, 1643 ; de Choisy, Histoire de la vie de David, in-4°, Paris, 1690 ; P. Delany, Historical account of the life and reign of David, 3 in-12, Londres, 1741-1742 ; S. Chandler, History of the life of David, 2 in-8°, Londres, 1758, 1766 et 1769 ; Niemeyer, Ueber Leben und Charaktér Davids, in-8°, Halle, 1779 ; J. L. Ewald, David, 2 in-8°, Leipzig, 1794-1796 ; Hess, Geschichte Davids, in-8°, Zurich, 1785 ; Newton, David, the King of Israël, in-8°, Londres, 1854 ; H. Weiss, David und seine Zeit, in-8°, Munster, 1880 ; Ms r Meignan, David, roi, psalmiste, prophète, avec une introduction sur la nouvelle critique, in-8°, Paris, 1889 ; M. Dieulafoy, David, in-16, Paris, 1897, Cf. Œttinger, Bibliographie biographique, Bruxelles, 1859, col. 397. Sur les légendes des Juifs et des musulmans relatives à David, voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale, Paris, 1697, p. 284 ; Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1858, t. ii, col. 191-204.

E. Mangenot.

2. DAVID (PUITS DE), puits situé probablement au nord-ouest et non loin de la porte de Bethléhem. Trois des plus vaillants soldats de David allèrent y puiser de l’eau, au risque de leur vie, pour la faire boire à leur chef, pendant une guerre contre les Philistins. Le roi l’offrit en libation au Seigneur. II Reg., xxiii, 13-17 ; 1 Par., xi, 15-19. Voir Bethléhem, t. i, col. 1694.

3. DAVID (VILLE DE), nom fréquemment donné à Jérusalem ou à une partie de cette ville. 1 Mach., i, 35, etc. Voir Jérusalem.

    1. DAZA Diego##

DAZA Diego, jésuite espagnol, né à Colmenar de Oreja, province de Madrid, en 1579, mort le 16 octobre 1623. Il entra au noviciat des Jésuites le 21 mai 1598. En 1612, il fut chargé, avec le P. J. de Pineda, par l’archevêque de Tolède, de rédiger l’Index librorum prohibitorum pour l’Espagne. Il enseigna ensuite la philosophie à Alcala, la théologie morale à Plasencia. François de Borgia, prince de Squillace, ayant été nommé gouverneur du Pérou, l’emmena à Lima. De retour en Espagne, le P. Daza enseigna la théologie à Tolède, en 1620. Deux ans plus tard, il suivit don Diego Hurtado de Mendoza, ambassadeur d’Espagne, sur la flotte qui ramenait en Angleterre le prince de Galles, et mourut en mer. Le P. Diego Alarcon, S. J., publia à Alcala, en 1626, l’ouvrage suivant du P. Daza, Exegeticajuxta, ac parametica commentatio in Epistolam B. Jacobi apostoli, in-f ».

C. SOMMERVOGEL.

DÉ. Petit objet de forme ordinairement cubique, portant marqué sur chacune de ses six faces un nombre différent de points, depuis un jusqu’à six. Dès une très haute antiquité ils servent à divers jeux de hasard ; on les employait aussi à consulter le sort.

1° L’Egypte a connu les dés : un certain nombre de spécimens ont été trouvés dans les tombeaux et figurent dans les divers musées. Celui du Louvre en possède un en ivoire, où les nombres sont représentés par des points

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483. — Dés égyptiens. Musée du Louvre.

noirs (fig. 483). Sur un autre des trous remplacent les points, et la forme rappelle celle de deux pyramides réunies par la base. Plusieurs de ces dés n’ont pas toutes les faces planes ; quatre d’entre elles sont bombées. La question est de savoir si ces spécimens sont vraiment antérieurs à l’époque grecque : cependant il paraît difficile de nier l’existence de dés semblables à l’époque pharaonique. P. Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, in-12, Paris, 1875, p. 183 ; Wilkinson, The Manners of ancien t Egyptians, t. ii, p. 62. — On sait que les Perses étaient passionnés pour les jeux de hasard. Hérodote, iii, 128. Rien d’étonnant, donc qu’on ait trouvé un dé dans les

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484. — Dé snslen. Musée du Louvre.

ruines de l’acropole de Suse. « Au nombre des objets découverts dans les fouilles profondes du Memnonium, dit SI. Dieulafoy, L’acropole de Suse, in-4°, 1892, p. 362, se trouve un prisme quadrangulaire ayant un centimètre de côté et quatre et demi de haut. Sur les faces rectangulaires, on a gravé au moyen de points des nombres

différents : un, — deux, — cinq, — six » (fig. 484). Il est conservé aujourd’hui au Musée du Louvre. — Les Phéniciens ont très probablement connu les dés. Dans une de leurs colonies, à Carthage, il en a été trouvé un dans une tombe punique, remontant au vie siècle avant notre ère (fig. 485). C’est un cube d’ivoire verdâtre, lisse et doux au toucher, ne mesurant que six millimètres de côté.

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485. — Dés puniques. Musée Saint -Louis, à Carthage.

Les arêtes et les angles sont fortement émoussés par l’usage qui en a été fait. Les nombres sont figurés par des points très petits, régulièrement pratiqués à l’aide d’un instrument très aigu. Le nombre deux est opposé à l’as, le nombre quatre au nombre trois, et enfin le nombre six au nombre cinq. — D’autres dés à jouer, mais beaucoup moins anciens que le précédent, ont été trouvés à Carthage, dans une unie funéraire romaine, datant du I er ou IIe siècle de notre ère. Ils sont en ivoire, deux et trois fois plus grands que le dé de l’époque punique. Leur dimension varie entre onze et seize millimètres de côté. Les nombres sont marqués par des cercles ou des doubles cercles concentriques avec point central, tracés en creux (fig. 486). Les dés romains diffèrent encore du dé punique en ce que le nombre six est toujours opposé à l’as, et le nombre cinq au nombre deux. On trouve aussi dans ces sépultures des dés en os, en corne et même en marbre. Ces derniers spécimens, trouvés à Carthage, nous montrent

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486. — Dés romains. Musée Saint-Louis, & Carthage.

la forme des dés romains, de ces dés fréquemment nommés dans les anciens auteurs. Pline, H. N., xvi, 77 ; xxxvii, 6 ; Cicéron, Divinat., ii, 41 ; Martial, xiv, 17 ; Ovide, Trist., ii, 473. Cf. Al. Adam, Roman Antiquities, 5e édit., in-8°, Londres, 1804, p. 457. — On ne s’aventurerait donc pas en avançant que les dés étaient connus en Israël comme en Phénicie, et en général dans le monde oriental aussi bien que dans le monde grec et romain.

2° Il est assez souvent question des sorts dans les Livres Sacrés ; mais nulle part, sauf dans un texte d’Ézéchiel, xxi, 21, où l’on parle de flèches, on ne donne d’indication précise sur la manière dont on consultait le sort. On est réduit à des conjectures, assez vraisemblables en plusieurs cas. Ainsi dans Esther, iii, 7, il est dit qu’Aman consulta le sort (mot à mot : « fit tomber le fur, » c’est-à-dire le sort) lorsqu’il voulut déterminer le jour où, par vengeance contre Mardochée, il ferait massacrer tous les Juifs répandus dans le vaste empire perse. M. Dieulafoy, L’acropole de Suse, in-4°, Paris, p. 362-363, a émis l’hypothèse que cette consultation du sort se fit au moyen d’un dé. Le texte, ne précisant rien à ce sujet, laisse le champ libre à toutes les conjectures ; celle de l’explorateur de Suse, s’appuyaut sur la trouvaille d’un dé dans les ruines de l’acropole, est loin d’être certaine, mais a néanmoins en sa faveur quelque vraisemblance.

— Lorsque les soldats qui avaient crucifié Notre -Seigneur se partagèrent ses dépouilles, afin de ne pas déchirer sa tunique sans couture, ils la tirèrent au sort.

1327

DÉ - DÉBLATHA

1328

Joa., xix, 23-24 ; cf. Matth., xxvir, 35 ; Marc, xv, 24 ; Luc, xxhi, 34. Ce fut peut-être au moyen de dés qu’ils se firent ce partage. Voir Sort. A. Delattre.

    1. DEBBASETH##

DEBBASETH (hébreu : DabbâUt ; Septante : Batflâpa 601 ; Codex Alexandrinus : Aaéâaôai), ville frontière de la tribu de Zabulon, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xix, 11. À prendre son nom dans le sens étymologique, dabbéSé(=d. bosse » [dé chameau] (cf. Is., xxx, 6), on peut croire qu’elle était située sur une hauteur ; c’est ainsi, d’après Josèphe, Bell.jud., IV, i, 1, que Gamala avait reçu une dénomination en rapport avec l’aspect qu’elle présentait (hébreu : gàmâl, « chameau » ). Si, d’un autre côté, nous considérons la place qu’elle occupe dans le tracé des limites donné par Josué, xix, 10-16, nous voyons qu’elle devait appartenir au sud-ouest de la tribu. L’auteur sacré, partant, en effet, de Sarid, qu’il est possible de reconnaître dans Tell Schadoud, au sud-ouest de Nazareth, se dirige ensuite vers l’est, pour remonter au nord vers Hanathon et revenir à l’ouest vers la vallée de Jcphtahel. Pour déterminer la frontière méridionale, il tire une ligne des deux côtés opposés de Sarid, qu’il choisit comme point central. « La limite, dit-il, va vers la mer (ou l’occident) et Merala [Ma’loul), puis vient à DabbàSét, jusqu’au torrent qui est contre Jéconam. Et elle retourne de Sarid vers l’orient, sur les frontières de Céséleth-Thabor (Ihsâl). » ꝟ. 11, 12. Voir la carte de Zabulon. Ces indications, les seules précises que nous ayons, malgré certaines obscurités, nous conduisent vers la pointe sud-ouesf de Zabulon, du côté du « torrent » de Cison. C’est ce qui rend plausible l’opinion d’après laquelle Debbaseth aurait pour correspondant actuel Djébata, village de trois cent cinquante habitants, situé à l’ouest de Tell Schadoud et au sudouest de Ma’loul, sur le sommet d’une colline peu élevée, qui était jadis tout entière occupée par une petite ville, dont il ne subsiste plus que des débris confus. Un certain nombre de pierres de taille, éparses le long des pentes et sur la partie supérieure de la colline, sont les restes de la Gabatha qu’Eusèbe et saint Jérôme, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 128, 246 (note, 1. 54), signalent sur les bords de la grande plaine d’Esdrelon. Cf. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 386. Gabatha dérive bien de l’hébreu Gib’âh ou Gib’af, qui veut dire « colline », et Knobel suppose que ce nom aurait remplacé l’expression plus rare de Dabbâséf, qui a la même signification, en sorte que Djébata représenterait sous une forme différente, avec un sens équivalent, notre cité biblique. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 151. Sans vouloir presser plus qu’il ne convient cette explication, nous croyons que l’argument tiré du texte de Josué favorise cette identification, admise par R. von Riess, Bibel-Atlas, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 9. — C. R. Conder, comprenant d’une autre façon la marche de Josué dans le tracé des frontières, place Debbaseth au nord-ouest de la tribu, et l’identifie avec Khirbet ed-Dabschéh, localité située au sud de Terschiha, sur la rive gauche de Vouadi el-Qoum. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1883, p. 134-138. Son opinion a été acceptée par les autres explorateurs anglais. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Couder, Names and places in the Old and New Testament, in-8°, Londres, 1889, p. 47, et la Map of Palestine publiée à Londres, 1890, en 21 feuilles, ꝟ. 6 (mais pourquoi a-t-on laissé ici Debbaseth dans la tribu d’Aser ?). Elle a été combattue dans la même revue du Palestine Exploration Fund, 1892, p. 330, par Haskett Smith, qui assimile la ville en question à Zebdah, au nord-ouest de Djébata. Ce dernier auteur peut avoir raison, d’après ce que nous avons dit, de la chercher de ce côté ; mais le procédé philologique qu’il emploie, p. 333, pour faire dériver Zebdah de DabbâSét est absolument inadmissible. Nous reconnaissons en somme que l’identification proposée par Couder offre une correspon dance onomastique très frappante, et. est en cela supérieure à celle de Knobel ; mais elle nous semble moins conforme aux données du texte sacré, absolument nécessaires pour confirmer le rapprochement des noms.

A. Legendre.
    1. DÉBÉLAÏM##

DÉBÉLAÏM (hébreu : Diblayîm ; Septante : A£gr)XaV(i), père de Gomer, que le prophète Osée prit pour épouse. Ose., i, 3.

    1. DÉBÉRA##

DÉBÉRA (hébreu : Debîràh, avec hé local ; Septante : êw z6 TÉiap-rov), localité située sur la frontière nord de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., XV, 7. La traduction des Septante, èiù zô rfraprov [rrjç <pâpaYY°s’Ax » p], « vers le quart [de la vallée d’Achor], »

suppose qu’ils ont lu rmai, rebî’âh, au lieu de m>37,

Debirâh. Cf. Rosenmûller, Scholia in Vet. Test., Josua, Leipzig, 1833, p. 285. La paraphrase chaldaïque et le syriaque portent comme l’hébreu : Debîr ; Dobîr. Le texte original dit littéralement : « Et la frontière monte vers Debir, depuis la vallée d’Achor, vers le septentrion regardant Galgala, qui est vis-à-vis de la montée d’Adommim, laquelle est au midi du torrent. » Jos., xv, 7. Le torrent est ici Vouadi el-Qelt, qui des montagnes occidentales descend à travers de profondes crevasses vers le Jourdain, et Adommim est aujourd’hui Tala’at ed-Demrn, sur la route qui « monte » de Jéricho à Jérusalem. Voir Achor (Vallée d’), t. i, col. 147 ; Adommim (Montée d’), t. i, col. 222, et la carte de Benjamin, t. i, col. 1588. C’est donc de ce coté qu’il faut chercher Débéra t Or on signale près de Khân el-Halrour un endroit appelé Thoghret ed-Debr. Le nom arabe signifie « défilé de derrière » ; cependant Rabbi J. Schwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 67, le traduit par « lieu de rassemblement de la ville de Dibr », voyant sans doute dans ce plateau assez étendu une des stations des Israélites qui venaient à Jérusalem pour les grandes fêtes. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1884, p. 183. On signale également dans les mêmes parages un ouadi Daber qui coule vers la mer Morte. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 119. On reconnaît donc assez généralement là un souvenir de l’ancienne cité

biblique.
A. Legendre.
    1. DEBIEL Louis##

DEBIEL Louis, jésuite autrichien, né à Vienne le 20 septembre 1697, mort à Gratz le 9 novembre 1771. Il entra au noviciat des Jésuites le Il mars 1717. Il enseigna à Gratz et à Vienne l’hébreu, la philosophie et la théologie, fut le premier recteur du collège des Nobles, à Vienne, devint en 1760 chancelier de l’université de Gratz et conserva cette dignité jusqu’à sa mort. On a de lui : 1° Testamentum Novum grsecum cum intercalari textu latino ad litteram reddito, in-8°, Vienne, 1740 ; 2° Testamentum Vêtus hebraicum cum intercalari textu latino ad litteram reddito, 4 in-8°, Vienne, 1743-1747.

C. SOMMERVOGEL.

DÉBITEUR. Voir Dette.

    1. DÉBLATHA##

DÉBLATHA (hébreu : Dïblâtâh ; Septante : AzëXaQi), localité mentionnée une seule fois dans l’Écriture, Ezech., . vi, 14, et dont la position est incertaine. Le texte sacré, en effet, est obscur et a donné lieu à différentes explications. Dans un oracle contre les Juifs idolâtres, le prophète, annonçant la dévastation du pays tout entier, fait entendre cette menace divine : « J’étendrai ma main sur eux, et je rendrai la terre désolée et abandonnée, depuis le désert de Déblatha, dans tous les lieux où ils habitent, et ils sauront que je suis le Seigneur. » (D’après la Vul gate.) La difficulté porte sur les mots :-nSm-zies r

mim-midbar Dïblâtâh. Laissant de côté l’opinion d’Hàvernick, qui prend Dïblâtâh pour un nom commun, dont il cherche à déterminer la signification d’après

l’arabe, et traduit ainsi : « désert de raine, de destruction ; » opinion condamnée par toutes les versions et rejetée par la plupart des commentateurs, nous nous arrêtons aux hypothèses suivantes, qui peuvent se ramener à deux chefs principaux : la manière de rendre le passage en question, et la leçon adoptée pour Déblatha.

1° On peut traduire de trois façons les deux mots de notre texte. — 1. « Depuis le désert de Déblatha ; » c’est ce qu’ont fait les Septante : âjrô ttjî Ipruiou AeëXaOoc, et la Vulgate : a deserto Déblatha. Mais alors la phrase semble incomplète, le terminus a quo ou point de départ appelant comme corrélatif le terminus ad quem ou point d’arrivée. En outre Diblâtâh est bien semblable à Timnâfâh, Jud., xiv, 1, mis pour Timnâh, Jos., xv, 10, et par conséquent possède le hé local qui le distingue de midbar, auquel même il l’oppose. Aussi, — 2. lit-on plus généralement : « depuis le désert jusqu’à Diblah, » expression qui embrasse toute l’étendue du pays menacé, du sud au nord. Keil, Ézéchiel, Leipzig, 1882, p. 83, dit cependant que, dans ce cas, midbar devrait non seulement être à l’état absolu, mais encore avoir l’article, puisqu’il s’agit d’un désert déterminé, le désert arabique. A cela s’ajoute la difficulté propre à Diblah, qu’on ne sait comment rapporter à la frontière septentrionale. — 3. Enfin quelques-uns voient dans le préfixe mim, pour min, la particule comparative, et traduisent : « plus que le désert de Déblatha. » Outre que cette conjecture supprime, comme la première, le hé local, on peut se demander pourquoi le prophète eût été chercher son terme de comparaison dans un lieu très peu connu, pour ne pas dire inconnu, puisqu’il n’est cité qu’en ce seul endroit de la Bible, à moins, comme nous le verrons, qu’on n’assimile Déblatha à Déblathaïm. Certains exégètes, en effet, acceptant cette forme d’interprétation, rendent différemment la lin du texte, et disent : « plus que le désert [qui va] vers Diblah, » ou Déblathaïm. Qu’on adopte n’importe laquelle de ces hypothèses, la difficulté n’est pas résolue : reste à savoir où se trouvait Déblatha. Et pour arriver à une solution, on a examiné quelle pouvait être la leçon primitive du texte original.

2° Déblatha étant inconnue, saint Jérôme supposait qu’en raison de la très grande ressemblance entre le i, daleth, et le "i, resch, il fallait plutôt lire Réblatha, ville signalée par Jérémie, xxxix, 5, 6, « dans la terre d’Émath, » sur l’Oronte. Cf. S. Jérôme, Comment, in Ezech., t. xxv, col. 62. Cette opinion, renouvelée par J. Michælis, a été admise par un grand nombre d’auteurs. Cf. J. Knabenbauer, Comment, in Ezech., Paris, 1800, p. 78-79. Elle donne cependant prise à plus d’une objection. — 1. Si elle a en sa faveur cinq ou six manuscrits du texte original (cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebr. cum variis lect., Oxford, 1780, t. ii, p. 179), elle a contre elle l’autorité de toutes les versions anciennes. — 2. Les Septante, dans plusieurs passages, Jer., lii, 9, 10, 26, 27, mettent bien AeëaXitâ pour Riblafâh, Vulgate : Réblatha ; mais ils portent aussi’Ps6Xa81, IV Reg., xxv, 6, 20, 21 ; Jer., xxxix, 5, 6. D’ailleurs cette ville du pays d’Émath, qui existe encore aujourd’hui sous le même nom de Ribléh, au-dessous de Homs (Émèse), à la hauteur de Tripoli, est en dehors de la frontière septentrionale de la Terre Promise. Voir Réblatha. D’un autre côté, la Rébla (hébreu : Ed-Riblâh) de Num., xxxiv, 11, appartient à la frontière orientale, et on la cherche dans les environs du lac de Tibériade. Voir Rébla. Aucune de ces localités ne semble donc convenir exactement au texte prophétique. — 3. Enfin quand l’Écriture veut désigner toute l’étendue de la Terre Sainte, du sud au nord ou du nord au sud, elle emploie d’autres expressions, par exemple : « depuis le désert de Sin jusqu’à Rohob, à l’entrée d’Émath, » Num., xiii, 22 ; « depuis l’entrée d’Émath jusqu’à la rivière d’Egypte, » III Reg., viii, 65. Cf. IV Reg., xrv, 25 ; I Par., xiii, 5 ; II Par., vii, 8 ; Am., vi, 15. Ézéchiel lui-même, xlviii, 1, détermine le nord par « l’entrée

d’Emath ». Cf. Keil, Ezéchiel, p. 83-84. On peut, il est vrai, répondre à cette dernière objection que Réblatha étant « de la terre d’Émath », les deux manières d’indiquer la partie septentrionale sont au fond les mêmes. — Si l’on maintient Déblatha, faut-il l’identifier avec Déblathaïm (hébreu : ’AlmônDiblâtâyemâh ; Vulgate : HeU mondeblathaim, Num., xxxiii, 46, 47 ; Bêt-Diblàtâim ; domus Deblathaim, Jer., xlviii, 22), ville de Moab, située au nord de Dibon (Dhibân)l Mais, dans ce cas, on ne pourra évidemment traduire : « c depuis le désert jusqu’à Déblatha. » Quel sera alors « le désert de Déblatha » ? Serait-ce la région désolée et stérile (hébreu : Ha-YeSîmô » ; Vulgate : desertum, solitudo) que la Bible mentionne près du Phasga et du Phogor, Num., xxi, 20 ; xxiir, 28, c’est-à-dire sur la rive nord-est de la mer Morte ? La position certaine de Déblathaïm n’étant pas connue, on ne peut faire sous ce rapport que des conjectures. — Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 409, a proposé de reconnaître Déblatha dans le village actuel de Dibl, au sud-est de Beit-Lif (l’ancienne Héleph), dans la tribu de Nephthali. Il n’y a dans ce rapprochement qu’une simple coïncidence. — En résumé, de toutes les hypothèses que nous avons exposées, c’est encore celle de saint Jérôme qui, malgré ses difficultés, satisfait le mieux l’esprit, qu’on accepte la leçon Réblatha au lieu de Déblatha ou que la ville ait porté les deux noms.

A. Legendre.
    1. DÉBLATHAÏM##

DÉBLATHAÏM (hébreu : Bêt Dibldtâim ; Septante, Codex Vaticanus : olxo ; Aa16Xa6ai|i ; Codex Alexandrinus : oîxoi ; AeoXaOai’ji ; Vulgate : domus Deblathaim), ville de Moab dont Jérémie, xlviii (Septante, xxxi), 22, annonce la ruine. Les versions grecque et latine ont traduit Bel par le nom commun « maison » ; mais ce mot entre dans la composition du nom propre BethDéblathaïm comme dans Bethgamul ( hébreu : Bêt Gâmûl ; Septante : olxo ; r « t(itiX) et Bethmaon (hébreu : Bêt Me’ôn ; Septante : oïxo ; Mativ), qui suivent, ꝟ. 23. Déblathaïm se retrouve dans un autre mot composé, Helmondéblathaïm (hébreu : ’Almôn Diblâtâyemdh ; Septante : rEXu.(iv AsêXaSaîu.), une des dernières stations des Israélites avant d’arriver au Jourdain. Num., xxxiii, 46, 47. Avons-nous là une seule et même localité ? La comparaison des deux passages conduit à une réponse affirmative. Le campement indiqué est mentionné entre Dibongad ou Dibon (aujourd’hui Dhibân), au-dessus de l’Arnou, et les monts Abarim ou la chaîne moabite, dont un des principaux sommets est le Nébo. D’un autre côté, Jérémie associe Beth-Déblathaïm à Dibon, Cariathaïm (Qoureiyat), Bethgamul (Djémaïl) et Bethmaon (Ma’in), toutes villes situées non loin les unes des autres. Ajoutons^ qu’elle est citée entre la première et la dernière dans la stèle de Mésa (ligne 30), qui se vante de l’avoir bâtio. Cf. A. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine et conservés au Musée du. Louvre, in-12, Paris, 1879, p. 2 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 474. Voir la carte de Moab ou celle de Ruben. C’est donc bien au nord de Dhibân qu’il faut la chercher ; mais son emplacement n’est pas connu. Conder a essayé de l’identifier avec Khirbel Deleiydt, au sud de Ma’in. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 9, 30. La position répond bien aux données de l’Écriture ; mais fautil voir dans Deleiydt une corruption de Diblah ? On peut en douter. Plusieurs auteurs ont cru qu’elle existait encore au temps de saint Jérôme, parce que certaines éditions de son livre De situ et nominibus locorum hebr., au mot Jassa, portent : inter Medaban et Deblatham ; mais c’est une lecture fautive pour Debus, Aijëoù ; dans Eusèbe. Cf. S. Jérôme, t. xxiii, col. 904, note de Martianay ; Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 131, 264. Doit-on assimiler Déblathaïm à Déblatha, Ezech., vi, 14 ?

Rien ne le prouve. Voir Déblatha.
A. Legendre.
    1. DÉBORA##

DÉBORA (hébreu : Debôrâh, « l’abeille ; » Septante : AeSippa, Gen., xxxv, 8 ; Asëëwpa, Jud., iv, 4 ; Tob., i, 8 ; Vulgate : Débora et Debbora), nom de trois femmes dans l’Ancien Testament.

1. DÉBORA, nourrice de Rébecca. Gen., xxiv, 59 ; xxxv, 8. C’est je premier passage des Livres Saints où il soit fait mention de l’office de nourrice. Lorsque Rébecca quitta la Mésopotamie pour se rendre, sous la conduite d’Éliézer, dans la terre de Chanaan, où elle devait devenir l’épouse d’Isaac, ses parents la firent accompagner par sa nourrice. Gen., xxiv, 59. (Au lieu de sa « nourrice », les Septante ont : tù-jjcàpxovTi àitffi, « ses biens. » ) Il n’est plus question de Débora dans la Genèse, jusqu’au moment de sa mort. Alors nous la retrouvons à Béthel, auprès de Jacob, revenu de Mésopotamie depuis environ dix ans. Pour expliquer comment elle se trouvait avec lui, on a supposé, contre toute vraisemblance, qu’elle était retournée à Haran, et qu’elle était revenue avec le fils de sa maîtresse. L’hypothèse la plus probable est celle-ci. De ce qu’il n’est point parlé de Rébecca, Gen., xxxv, 27, on peut conclure qu’elle était déjà morte lors des événements racontés Gen., xxxv, 1-8, et que Débora était venue se fixer à partir de ce moment auprès de Jacob. Elle n’est nommée par son nom qu’à l’occasion de sa mort. « Elle fut enterrée sous un chêne, au pied de [la montagne sur laquelle est bâtie] Béthel ; et ce lieu fut appelé le Chêne des pleurs. » Gen., xxxv, 8. La mention seule de cet événement suffirait pour montrer que Débora n’était pas regardée comme une simple servante dans la maison de Bathuel et de Jacob ; mais l’allusion à la douleur causée par cette mort, et le soin que prend l’historien sacré d’indiquer le lieu de sa sépulture et le nom commémoratif qui y resta attaché, prouvent que, soit par ses services, soit par ses qualités et son dévouement, Débora avait mérité d’être considérée comme un membre de la famille de Jacob. Cf. Gen., xxxv, 19-20. Elle devait avoir au moins cent cinquante ans à l’époque de sa mort, puisqu’elle avait nourri Rébecca, que celle-ci n’avait mis au monde Jacob que vingt ans après son mariage, Gen., xxv, 19, 26, et que Jacob avait quatre-vingt-dix-sept ans à son retour de Haran. E. Palis.

2. DÉBORA, prophétesse, femme de Lapidoth, et probablement de la tribu d’Éphraim, Jud., iv, 5, quoique quelques - uns supposent qu’elle appartenait à la tribu d’Issachar. Jud., v, 15. Elle vivait dans la période primitive de l’époque des Juges. Celle femme extraordinaire nous apparaît dans le récit sacré comme prophétesse, juge du peuple, libératrice d’Israël, et enfin poêle.

I. Débora prophétesse. Jud., iv, 4. — Débora fut prophétesse dans les principaux sens que l’Écrilure donne à ce mol. 1° Elle le fut d’abord dans le sens générique et primordial exprimé par l’hébreu nâbi, celui qui est « inspiré » de Dieu et rempli de son esprit, pour être sou interprète, parler et agir en son nom ; et par le grec iipo(pT|Tr)ç, qui a souvent cette signification. Exod., vii, 1 ; cf. Gen., xx, 7 ; Matth., xxi, 11, 46 ; Joa., vi, 14 ; vii, 52. L’auleur inspiré nous montre, eu effet, Débora mandant Baraç/auprès d’elle, et lui ordonnant de la part de Jéhovah de réunir sur le Thabor les guerriers de Zabulon et de Nephthali. Jud., iv, 6 ; cf. iv, 14. C’est aussi au nom du Seigneur qu’elle maudit la terre de Méroz et ses habitants. Jud., v, 23. L’ordre donné à Barac d’engager la lutte paraît bien aussi être venu de Dieu. Jud., iv, 14. Il est d’ailleurs à remarquer que l’écrivain sacré lui donne le nom de prophétesse avant d’avoir rapporté d’elle aucune prophétie, et il paraît rattacher à ce titre les fonctions déjuge, qu’elle remplissait déjà avant de recevoir sa mission auprès de Barac. Aussi beaucoup de commentateurs ont-ils pensé que c’est à cause de son esprit prophétique et de la sagesse qui en était le fruit, que le peuple allait la consulter, cf. IV Reg., xxii, 13-14, et re courait à elle dans ses différends. Voir Tirin, In Jud., IV, 4. « L’Esprit Saint jugeait par elle, dit saint Augustin, parce qu’elle était prophétesse. » De civit. Dei, xviii, 15, t. xli, col. 572. — 2° Débora fut. encore prophétesse à un autre titre : elle prédit à Barac que le Seigneur lui amènerait Sisara et ses chars au pied du mont Thabor, sur les rives du Cison, et qu’il les lui livrerait. Jud., iv, 7. Le refus de Barac de marcher sans elle à l’ennemi lui avait fourni l’occasion d’une au Ire prédiction, à savoir, que Barac n’aurait pas l’honneur de la victoire, et que c’est sous les coups d’une femme que tomberait le général des Chananéens. Jud., iv, 9 ; cf. v, 24-27.

IL Débora juge du peuple. — « Débora jugeait le peuple…, et les enfants d’Israël montaient vers elle pour toute sorte de jugements. » Jud., iv, 4-5. Dans le régime patriarcal sous lequel. vivaient alors les Hébreux, il n’y avait point de tribunaux chargés de rendre la justice. Cf. Jud., xvii, 6 ; xviii, 1 ; xxi, 24. Les anciens du peuple réglaient les litiges en présence du peuple. Voir Booz, t. i, col. 1851. C’esl de cetle manière que jugeait Débora. Au lieu d’aller porter leurs causes aux anciens, comme c’était la coutume, les Israélites venaient les soumellre à la femme de Lapidoth. La raison de cetle préférence était, avec son esprit de prophétie, la sagesse de ses jugements, et sa bonté, qui la faisait regarder comme « une mère en Israël ». Jud., v, 7. Les fonctions de Débora n’avaient donc rien d’officiel, et ses décisions ne ressemblaient pas à celles de nos tribunaux. Elle n’était même pas juge au même titre que le fut plus tard Samuel, le seul des libérateurs d’Israël qui ait « jugé » comme Débora, mais avec une autorilé souveraine et une suprématie qui s’imposait à tous. Elle habitait dans la montagne d’Éphraim, entre Rama et Béthel, et recevait ceux qui venaient la consulter ou la prendre pour arbitre à l’ombre d’un palmier, qu’on appela le palmier de Débora, Jud., iv, 5, et auprès duquel elle avait sans doule fixé sa tente. Cf. Gen., xxxv, 8. Le lieu choisi pour rendre ses jugements, au milieu de la campagne et non à la porte d’une ville, indiquerait déjà par lui-même qu’on venait à elle de toute la terre d’Israël ; l’auteur du livre des Juges le donne à entendre par les expressions générales dont il se sert : « le peuple ; les enfants d’Israël ; tous leurs différends. » Cela s’accorde d’ailleurs fort bien avec le rôle auquel Dieu destinait Débora ; sa providence lui assurait par là, comme par le don de prophétie, l’influence dont elle avait besoin pour entraîner une grande partie du peuple à la guerre de la délivrance. L’Écrilure ne dit pas si Débora, une fois les Chananéens vaincus, continua à juger les procès du peuple comme auparavant ; mais rien n’est plus vraisemblable, et le souvenir de sa glorieuse mission ne pouvait qu’accroître la confiance des Israélites et la soumission à ses jugements.

III. Débora libératrice d’Israël. Jud., iv, 6-v, 32..

— Elle reçut de Dieu la mission d’avertir Barac, fils d’Abinoem, de la tribu de Nephthali, qu’il était l’élu de Jéhovah, et de lui tracer en même temps le plan de campagne qui lui assurerait la victoire. Là se bornait d’abord la part que Débora devait prendre à l’œuvre de la délivrance ; mais Barac ne voulut rien faire sans le concours de celle dont tout Israël écoutait les paroles comme autant d’oracles, el elle fut ainsi obligée de s’associer effectivement au libérateur pour les préparatifs comme pour l’exécution de l’entreprise. Elle accompagna donc Barac à Cédés de Nephthali, et de là ils adressèrent leur commun appel aux tribus. Lorsque les dix mille guerriers demandés par le Seigneur se trouvèrent réunis au rendez-vous indiqué sur le mont Thabor, Jud., v, 6, et que le moment du combat fut venu, ce fui Débora qui donna le signal de l’attaque en s’écriant : « Lève-toi, [Barac, ] voici le jour auquel le Seigneur va livrer Sisara ; » et elle enflamma les Israélites en leur renouvelant de la part de Dieu l’assurance de la victoire. Jud., iv, 14. Tandis que par la voix de sa prophétesse il remplissait de courage les sol

dats d’Israël, le Seigneur jetait dans les rangs des Chananéens un effroi surnaturel. La déroute fut complète ; les ennemis furent exterminés, Jud., iv, 16, et Sisara lui-même alla périr de la main de Jahel. Jud., iv, 15-23 ; v, 19-27. La puissance des Chananéens élait à jamais détruite, et Débora ne pouvait rien souhaiter de plus heureux pour Israël que de voir ainsi traités à l’avenir les ennemis de Jéhovah. Jud., v, 31. Quant à elle, son nom est resté à jamais attaché à cette glorieuse délivrance, et la postérité l’a mise au nombre des juges d’Israël. Pour les détails de cette campagne, voirBARAC, 1. 1, col. 1444-1445. IV. Débora poète. Jud., v. — Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, in-8’, Paris, 1855, p. 440, appelle le cantique de Débora « le plus beau chant héroïque des Hébreux. Tout [y] est présent, vivant, agissant », dit-il. Le chant de Débora fait ressortir avec éclat les qualités de cette grande âme, et en première ligne son patriotisme et sa religion. Si la part qu’elle a prise à l’affranchissement du peuple de Dieu lui a valu d’être rangée, avec Judith et Esther, au nombre des femmes de l’Ancien Testament qui ont été les types de la Mère du Sauveur des hommes, son cantique lui donne un trait plus particulier de ressemblance avec Marie exaltant dans son Magnificat le triomphe de Dieu sur les superbes et les puissants de la terre. E. Palis.

3. DÉBORA, femme de la tribu de Nephthali, mère de Tobiel, père de Tobie, dans les Septante. Tob., i, 8. Son nom ne se lit pas dans la Vulgate.

    1. DÉCACORDE##

DÉCACORDE (hébreu : ’âéôr ; Septante : Ssxoc/ôpiov ; Vulgate : decachordon), instrument de musique à dix cordes, comme l’indique son nom. Il est mentionné trois fois dans les Psaumes, exil (Vulgate, CXI, 4) ; cxuv (cxliii), 9 ; xxxm (xxxii), 2. Dans ce dernier passage, la Vulgate a traduit : in psalterio decem chordarum. Le texte hébreu, Ps. cxii, 4, emploie le mot’âsôr comme désignant à lui seul un instrument ; mais Ps. xxxiii, 2, et cliv, . 9, ’âsôr est un simple adjectif se rapportant à nébél et indiquant qu’il s’agit d’un nébél ou psaltérion à dix cordes. Voir Psaltérion.

    1. DÉCALOGUE##

DÉCALOGUE, de Séxot, « dix, » et Xoyo.-, « parole, » nom donné aux dix commandements que Dieu imposa à son peuple dans le désert du Sinaï. Exod., xx, 1-17. Cf. Deut., v, 6-21. Ils sont contenus dans « le livre de l’alliance », séfér kab-berif. Exod., xxiv, 7. Voir Pentatedque. Le mot « Décalogue » ne se lit pas dans la Bible.

DÉCAPITATION. Voir Supplices.

    1. DÉCAPOLE##

DÉCAPOLE ("H AexctTcoXi ; ). Ce nom, signifiant les « dix villes », se lit trois fois dans le Nouveau Testament. Les multitudes qui suivaient le Sauveur pendant sa vie publique étaient en partie originaires de la Décapole. Matth., iv, 25. De même le démoniaque, délivré par Notre -Seigneur d’une légion de démons. Marc., v, 2-20. Le Sauveur lui dit de retourner « dans sa maison », chez les siens, pour leur annoncer ce que le Seigneur lui avait fait. « Et il s’en alla et commença à prêcher dans la Décapole ce que Jésus lui avait fait. » — Une autre fois nous trouvons le divin Maître lui-même dans les confins de la Décapole, Marc, vii, 31, où il guérit un sourd-muet, y. 32-37. C’est encore très probablement dans la même région, près de la mer de Galilée, qu’il faut placer les nombreux miracles dont parle saint Matthieu au chap. xv, 29-31, et la seconde multiplication des pains, qui chez saint Matthieu, y. 32-38, fait suite à ces miracles, et chez saint Marc, viii, 1-9, à la guérison du sourd-muet.

L’étendue du territoire de la Décapole ne se laisse guère exactement définir. La Décapole était une confédération de villes, presque toutes situées au delà du Jourdain.

Pour la plus grande partie païennes, elles avaient été assujetties aux Juifs par Alexandre Jannée (104-78 avant J.-C) ; mais Pompée leur avait rendu la liberté après la prise de Jérusalem (63 avant J.-C). Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 3-4 ; XIV, iv, 4 ; Bell, jud., i, lv, 8 ; vii, 7. L’historien juif, il est vrai, ne les nomme pas toutes ; mais nous en connaissons plusieurs autres par leurs monnaies, sur lesquelles elles font usage de l’ère de Pompée. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, t. i, p. 240, note 24. Le général romain est donc le vrai fondateur de la Décapole.

A l’origine de la confédération ces villes semblent avoir été au nombre de dix, comme le nom l’indique. Mais depuis le nombre paraît avoir varié. Pline, H. N., v, 18, énumère une dizaine de noms ; seulement il fait observer lui-même que d’autres auteurs donnent des nombres différents. Sa liste est ainsi conçue : Damas, Philadelphie, Raphane, Scythopolis, Gadara, Hippos, Dion, Pella, Galasa (lisez Gérasa) et Canatha. — Ptolémée, dans sa Géographie, v, 14, unit dans un même paragraphe « les villes de la Cœlésyrie et de la Décapole », au nombre de dix-huit. Ce procédé est assez naturel, vu que chez Josèphe aussi, Vit., 65, 74, la Décapole appartient à la Syrie, dont la Cœlésyrie (voir Cœlésyrie, col. 820-822) était la partie méridionale. Mais il ne tranche pas assez clairement la question de la Décapole.

En supposant que les quatre premières villes sont données comme appartenant à la Cœlésyrie sans faire partie de la Décapole, on retient pour celle-ci une liste qui, comme celle de Pline, commence par Damas et finit par Canatha, mais contient quatorze noms, c’est-à-dire tous ceux de Pline, excepté Raphane, et en outre : Samulis (SixjjlouXiç), Abida (lisez Abila), Capitolias, Adra (=Édréï), Gadora (ËaSûpa). Nous ne sommes pas sûrs, il est vrai, de saisir ainsi exactement la pensée de l’auteur. Il a peut-être confondu dans une seule liste les villes de la Décapole avec d’autres qu’il attribuait en outre à la Cœlésyrie. Seulement la première hypothèse trouve un appui dans Etienne de Byzance (Ethnicorum qux supersunt ex recensione Augusti Meinekii, Berlin, 1819, p. 203), qui parle de Gérasa comme d’une des quatorze villes, ttjç TeiT(T « p£<Ty.o(iSsx3m6)xaiç : leçon à laquelle Meineke, loç. cit., a substitué arbitrairement celle de AexaitdXewç. Aussi la ville d’Abila, omise par Pline, mais nommée par Ptolémée, doit à une certaine époque avoir fait partie de la confédération. Cela résulte d’une inscription trouvée à Palmyre et datant du règne d’Hadrien, où est nommé un certain Agathangelos d’Abila de la Décapole, AêiXrpo ; TK AexaTtiXewç. Corpus inscript, grsec, n° 4501. Aussi les monnaies qu’on attribue à cette Abila sont-elles datées de l’ère de Pompée. Voir Schûrer, Geschichte, t. ii, p. 91.

Il y a du reste d’autres vestiges de changements survenus dans la Décapole. L’an 30 avant J.-C, Hippos et Gadara sont jointes au royaume d’Hérode le Grand. Josèphe, Ant. jud., XV, vii, 3 ; Bell, jud., i, xx, 3. Après la mort de celui-ci, lors de la division de son royaume, les mêmes villes sont attribuées à la province romaine de Syrie. Ant. jud., XVII, xi, 4 ; Bell, jud., II, vi, 3. Et cependant les incursions des Juifs sur le territoire de ces villes, Vit., 9, sont des attaques contre « la Décapole s de Syrie. Vit., 65, 74. Sous Néron, une ville d’Abila, que nous croyons être l’Abila de la Décapole (voir Van Kasteren, Bemerkungen ûber einige atte Ortschaften im Ostjordanlande, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. nu, 1890, p. 218-219), est jointe à la tétrarchie d’Agrippa II. Josèphe, Bell, jud., II, un, 2. Et vers le commencement de la révolte juive, Scythopolis aussi nous est représentée comme faisant partie du même royaume, Josèphe, Vit., 65, et dans un autre passage du même auteur, ayant rapport à la même période, elle est appelée « la plus grande ville de la Décapole ». Bell, jud., III, ix, 7. De cette dernière expression on a

conclu avec assez de vraisemblance que Josèphe ne comprenait pas dans la Décapole la grande ville de Damas, que Pline et (probablement) Ptolémée mettent en tête de leurs listes. Et cela nous semble d’autant plus probable, que la ville de Damas, du temps des empereurs Caligula et Claude, paraît avoir été sous la domination des rois nabatéens. II Cor, , xi, 32. (Voir Arétas, 4, t. i, col. 943-944.) Ajoutons que Schùrer, Geschichte, t. ii, p. 94, propose de joindre à la Décapole la ville de lCivara, maintenant Kerak, distincte de la Canatha (KavâOot ou Kàvw8a) de Pline et de Ptolémée (Qanawât), puisque des monnaies de Kiva-a ont l’ère de Pompée. Mais comme il existe une autre monnaie de la même ville, datant du milieu du IIIe siècle et ayant l’ère de la province d’Arabie, il en conclut que depuis la création de cette province (105 après J.-C.), la ville doit avoir été séparée de la Décapole. D’après le même savant, Geschichte, t. ii, p. 84, cette remarque s’applique en partie à plusieurs autres villes de la Décapole : dès le m siècle, elles apparaissent comme faisant partie de b province d’Arabie. Aussi croit-il que dès lors la confédération des « dix villes » avait cessé d’exister, et que les auteurs postérieurs, comme Eusèbe, Onomast., édit. de Lagarde, p. 116, 251 ; saint Épiphane, Hœr., xxix, 7 ; xxx, 2 ; De pond, et mens., 15 ; t. xii, col. 401, 408 ; t. xliii, col. 261 ; Etienne de Byzance, loc. cit., n’en parlent plus que dans un sens historique. En somme, il faut avouer que nous n’avons de renseignements assez clairs ni sur la nature de la confédération, ni sur le nombre et les noms.des villes qui à diverses époques en ont fait partie, ni enfin sur sa durée. Le nombre paraît avoir varié au moins de dix à quatorze. Mais toutes les villes qu’on peut y rapporter avec quelque vraisemblance étaient situées dans le pays transjordanien, excepté Scythopolis. Aussi l’opinion de Brocard, Descr. Terrée Sanctx, ch. VI, dans Ugolini, Thésaurus antiquit. sacr., t. vi, col. mxxxviii, et d’autres auteurs du moyen $ge, qui les cherchent presque toutes dans la Galilée, est dénuée de tout fondement et réfutée déjà par Lightfoot, Decas chorogr. in S. Marcum, ch. vii, dans Ugolini, Thésaurus, t. v, col. mlxi-mlxii. Du reste, ce dernier savant n’est guère plus heureusement inspiré, quand il veut joindre à la Décapole Cësarée de Philippe et quelques autres localités, que les auteurs du Talmud, relativement à certaines observances légales, mettent au même rang que Scythopolis, parce qu’elles étaient également situées dans le « pays d’Israël », mais habitées par une population en majorité païenne.

Il paraît d’ailleurs que le territoire de nos « dix villes » n’a jamais formé un tout continu. Le royaume d’Hérode le Grand et les tétrarchies qui lui succédèrent, — sans compter la possession temporaire de Gadara, d’Hippos, d’Abila, de Scythopolis, — séparaient sans aucun doute le territoire de Damas de tout le reste, et très probablement y faisaient d’autres coupures. C’est du moins ce que Pline, H. N., v, 18, affirme expressément. En parlant donc du « pays de la Décapole », on ne saurait donner à cette expression un sens bien déterminé. Aussi les indications des auteurs chrétiens sont des plus vagues : « en Pérée, — ou au delà du Jourdain, — autour d’Hippos et Gadara et Pella, » Onomast., p. 116, 251 ; — « dans les environs de Pella, — en Pérée, — près de la Batanée et . de la Basanitide. s S. Épiphane, Adv. hxr., xxix, 7 ; xxx, 2 ; De pond, et mens., 15 ; t. xii, col. 401, 408 ; t. xliii, col. 261. Toutefois la partie méridionale du Djaulan et les montagnes de’Adjloun doivent en avoir formé le noyau principal. C’est le plateau qui domine le lac de Tibériade à l’est et le pays montagneux et boisé qui s’étend entre l’ancien Yarmouk au nord et l’ancien Jaboc au sud. Là s’élevaient la plupart des villes de la Décapole, celles qui nous ont laissé les ruines les plus remarquables, mais qui n’ont pas un intérêt directement biblique, parce qu’aucune d’elles n’est nommée dans nos Livres Saints. En allant du nord au sud, nous rencontrons à peu de

distance du Jourdain : Hippos (QaVat el-llosn), Gadara ( Umkeis), Pella (Khirbet Fdi.nl), Dion, dont le site est inconnu, mais qui, d’après les données de Ptolémée ( « Gerasa, 68° 15’long., 31°45’lat. ; Pella, 67° 40’, 31°40’; Dion, 67°50’, 31° 35’» ), ne pouvait être que très peu au nord du Jaboc ; et dans l’intérieur : Abila (El-Qoeilbéh, dont une colline porte encore le nom de Tell Abil), Capitolias, nommée par Ptolémée (Beit Râs), Gérasa (Djeras). C’était un pays béni de la nature, et où fleurit assez longtemps la civilisation gréco-romaine, comme les restes de ces villes, nommément ceux de Gérasa, en rendent encore témoignage. Plus d’une fois sans doute ces contrées ont entendu la prédication du Christ. Cf. Matth., vin, 28-34 ; Marc, v, 1-20 ; Luc, viii, 26-39 ; Matth., xv, 29-xvi, 4 ; Marc, vir, 31-vm, 13 ; et peut-être Luc, x, 1-37 ; xiii, 22-xvii, 10 ; Joa., x, 39-42. Elles ont été le refuge des chrétiens de Jérusalem pendant le siège de Titus. L’histoire nous a conservé les noms de plusieurs évêques d’Hippos, de Gadara, de Pella, d’Abila, de Gérasa, et parmi les ruines de ces villes on trouve encore les restes de basiliques chrétiennes. Mais il faut ajouter, comme nous le raconte saint Épiphane, Adv. hxr., xxix, 1 ; xxx, 2 ; t. xli, col. 401, 408, que dès les premiers jours du christianisme le même pays a été le berceau de l’hérésie des Nazaréens et des Ébionites. Plus tard, la fatale bataille du Yarmouk, en livrant la Syrie et la Palestine à la domination musulmane, en fit disparaître à la fois presque complètement le christianisme et la civilisation. Les croisades ne purent rien changer à cette triste situation. Dans une bulle de Pascal II (1103) bon nombre de localités de cette contrée, il est vrai, figurent parmi les possessions de l’abbaye dit mont Thabor (voir Rôhricht, Studien zur mittelalt. Geogr. und Topogr. Syriens, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. x, p. 231-234) ; mais si le christianisme y exerça alors une influence éphémère, il n’en reste aucun vestige." Ce n’est que depuis une dizaine d’années que des missionnaires catholiques, à El-Hosn et’Andjara, ont recommencé à jeter les semences d’un avenir meilleur, en reprenant l’œuvre que le Sauveur lui-même avait commencée. — Quant aux autres villes qui figurent dans les listes de Pline et de Ptolémée, presque toutes figurent dans la Bible. Voir Bethsan = Scvthopolis, t. i, col. 1738-1744 ; Çanath = Canatha, col. 121-129 ; Damas, col. 1213-1231 ; ÉDRÉï = Adra (de Ptolémée) ; Rabbath -Ammon = Philadelphia : voir Ammon 4, t. i, col. 489-491 ; Raphon. Quant à Abila de la Décapole, il faut peut-être lire ce nom Hâ-Abilâh au lieu de Rebla (Hà-Riblâh) dans la description des frontières de la Terre Promise. Num., xxxiv, 11. Voir Chanaan 2, col. 535.

Il ne nous reste que deux noms de la liste de Ptolémée, dont l’identification est très difficile. Samulis nous est totalement inconnu. Le nom pourrait faire penser au district d’Ez-Zumléh, à l’est du chemin du pèlerinage de la Mecque, au sud d’Er-Remthéh. Mais la longitude donnée par Ptolémée (67 « 30 ; , var. 67° 10’; lat. 32° 30’, var. 32° 10) nous mènerait plutôt dans la Galilée, dans les environs du mont Thabor. Le texte est probablement altéré. Quant à la Gadora de la même liste, qui est nommée entre Dion et Philadelphie, nous sommes portés à l’identifier avec la ville actuelle d’Es -Sait. Cf. Schlatter, . Zur Topogr. und Gesch. Palàstinas, Calw et Stuttgart, 1893, p. 44-51. Seulement cette ville semble avoir été plutôt une ville juive que païenne, et dans ce cas l’on ne conçoit guère qu’elle ait pu appartenir à la confédération de la Décapole. J. van Kasteren.

    1. DECHIRER SES VÊTEMENTS##

DECHIRER SES VÊTEMENTS (USAGE DE).

— Ce signe de deuil est celui que la Bible mentionne leplus fréquemment. Le vêtement est un signe du bienêtre, de la richesse, de la dignité de celui qui le porte. On le déchirait pour marquer que le chagrin venait de faire une déchirure au cœur, en l’atteignant dans sa paix.

et son bonheur. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischeh Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 77, 186. D’ailleurs cette pratique n’était pas particulière aux Hébreux. On la retrouve chez les Assyriens, Judith, xiv, 14, 17 ; Bar., VI, 30 ; les Perses, Esfh., iv, l ; Quinte-Curce, iii, 11, 25 ; iv, 10, 23 ; v, 13, 31 ; x, 5, 17 ; les Grecs, Hérodote, iii, 66 ; viii, 99 ; Lucien, Lucl., 12, et les Romains, Virgile, JEneid., xii, 609 ; Tite-Live, i, 13 ; Suétone, Cxsar., 33. Cf. Heden, Sciisio veslium Hebrxis ac Gentilibus usilata, Iéna, 1633, et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxix, col. mxxvi. — Dès l’époque patriarcale, on voit les Hébreux déchirer leurs vêtements sous l’empire de la douleur. Ainsi font Ruben, au sujet de Joseph, Gen., xxxvii, 30, et plus tard lui etses neuf frères, à propos de Benjamin. Gen., xliv, 13. Pour des raisons particulières, Moïse défend cette pratique à Aaron et à ses fils. Lev., x, 6. Mais on la trouve en pleine vigueur dans tout le cours de l’histoire juive : à l’époque de Josué, Num., xiv, 6 ; Jos., vii, 6 ; des juges, xi, 35 ; I Reg., iv, 12 ; de Job, i, 20 ; ii, 12 ; des rois, II Reg., i, 11 ; xiii, 19 ; xiv, 30 ; xv, 32 ; III Reg., xxi, 27 ; IV Reg., v, 7, 8 ; vi, 30 ; xi, 14 ; xviii, 37 ; xix, 1 ; xxii, 11 ; II Par., xxiii, 13 ; xxxiv, 19, 27 ; Is., xxxvi, 22 ; xxxvii, 1 ; Jer., xxxvi, 24 ; xi.i, 5 ; après le retour de la captivité, I Esdr., re, 3, 5 ; au temps des Machabées, I Mach., ii, 14 ; III, 47 ; iv, 39 ; v, 14 ; xi, 71 ; xiii, 45, et à l’époque évangélique. Matth., xxvi, 65 ; Marc, xiv, 63. On déchirait ses vêtements non seulement dans les cas où l’on était visité par l’épreuve, mais même quand on s’imposait la souffrance volontaire pour faire pénitence. Aussi Joël, ii, 13, recommande-til aux Juife, toujours trop formalistes, de « déchirer leurs cœurs plutôt que leurs vêtements », s’ils veulent que leur pénitence soit agréée du Seigneur. Le même signe de douleur s’imposait quand on était témoin d’une grave offense faite à Dieu. Caïphe déchire ses vêtements, Matth., xxvi, 65 : xà ifiâTia ; Marc, xiv, 63 : toù ? ^iTùva ; , en accusant de blasphème Jésus, qui affirme sa qualité de Fils de Dieu. À Lystres, Barnabe et Paul déchirent leurs tuniques en voyant qu’on les prend pour Jupiter et Mercure, et qu’on veut les honorer comme tels. Act., xiv, 14. — Les rabbins, consignant probablement par écrit ce qui se pratiquait traditionnellement, formulèrent les règles suivant lesquelles les vêtements devaient être déchirés. Il fallait se tenir debout pour cette opération. La déchirure se faisait en haut, à partir du cou, jamais derrière, ni sur le côté, ni sur les franges d’en bas. Elle devait avoir environ un palme, soit de sept à huit centimètres de long. On ne la pratiquait ni sur le vêlement intérieur ni sur le manteau de dessus ; mais tous les autres habits devaient la subir, fussent-ils au nombre de dix. La déchirure faite après la mort des parents n’était jamais recousue ; après la mort d’autres personnes, on recousait le vêtement au bout de trente jours. Peut-être l’Ecclésiastique, iii, 4, 7, fait-il allusion à ces usages quand il dit : « Il y a temps de pleurer et temps de rire, … temps de déchirer et temps de recoudre. » La déchirure était obligatoire quand on entendait un blasphème. Pour éviter d’en entendre et ne pas avoir à endommager leurs vêtements, les Juifs prenaient un ingénieux moyen : ils se bouchaient les oreilles et poussaient de grands cris. Act., vii, 57. Pareille déchirure n’était jamais recousue, pour signifier que le blasphème était inexpiable. Le grand prêtre déchirait son vêtement de bas en haut, et les autres prêtres de haut en bas. Il ne suit pas de Lev., x, 6, que Caïphe n’avait pas le droit de déchirer sa robe, comme le croit saint Léon, Serm. ri de Passione Votnini, 2, t. liv, col. 329. Le texte du Lévitique vise un cas différent, et l’on voit d’autre part le £rand prêtre Jonathas déchirer ses vêtements. I Mach., xi, 71. Cf. dans la Mischna de Synedriis, 7, 5 ; Moed katon, 3, 7 ; Schabbath, 13, 3 ; dans le Targum de Jonathas Horayath, 3 ; Siphra, ꝟ. 227 ; Josèphe, Bell, jud., H, xv, 2 ; Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875,

p. 2146.
H. Lesêtre.
    1. DÉCLA##

DÉCLA (hébreu : Diqldh ; Septante : AexVi, Gen., x, 27 ; Codex Alexandrinus : A°.xX3(jl ; omis par le Codex Vaticanus, I Par., i, 21), septième fils de Jectan, descendant de Sem. Gen., x, 27 ; I Par., i, 21. Ce nom, comme tous ceux des peuples issus de cette souche, représente une tribu arabe. « Les peuples yaqtanides ou qa’htanides constituent dans la péninsule arabique-la couche de populations que les traditions recueillies par les musulmans appellent Mûle’arriba. » F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., Paris, 1881, t. i, p. 284. Voir Arabe 2, t. i, col. 836. La Genèse, x, 26-30, détermine pour leur habitation une vaste zone qui traverse toute l’Arabie et comprend, à partir du Mésalik, le Djebel Schommer, le Nedjed, le midi du Hedjàz, le Yémen, le Hadhramaout et le Mahrah. Les deux tribus qui précèdent immédiatement Décla, c’est-à-dire Aduram ou Adoram ( hébreu : Hâdâràm) et Uzal ou Huzal (hébreu : ’Uzâl), appartiennent à la partie méridionale du pays. Si la première, correspondant aux Adramites des géographes classiques, n’a pas d’emplacement tout à fait certain, les savants et les voyageurs, à quelques exceptions près, s’accordent généralement pour placer la seconde sur le territoire actuel de la ville de San’à, capitale du Yémen, appelée autrefois Azâl ou Izâl. Cf. Corpus inscriptionum semiticarum, part, iv, Paris, 1889, t. i, p. 1. De même celle qui suitj Ébal ou Hébal (hébreu : ’Êbâl), est assimilée par plusieurs auteurs aux Gébanites de Pline, qui habitaient à l’ouest du canton d’Uzal, sur les bords de la mer, avec Tamna pour ville principale. Ces indications générales nous maintiennent donc dans le sud-ouest de la péninsule, tout en nous laissant, pour Décla, dans la voie des conjectures. Le nom seul nous est un guide, encore est-il insuffisant. Le mot nbpi,

diqlàh, dans les langues sémitiques, signifie « palmier » ou « lieu planté de palmiers », araméen : N^pT, diglà’;

Oj, deqlâ’; arabe : , JJ>, daqal. Il doit donc désigner une contrée particulièrement riche en arbres de cette espèce, « ou bien où l’on rendait un culte religieux au dattier, comme le faisaient les habitants du Nedjràn : la situation de ce dernier canton conviendrait fort au groupement de Diqlah avec les noms voisins. » F. Lenormant, Histoire ancienne, t. i, p. 285. Les ouvrages arabes mentionnent une seule localité du nom de Daqalah dans le Yemâméh. Ou en connaît quelques autres appelées Nakhléh (mot qui signifie également » palmier » ). Représentent-elles, les unes ou les autres, le territoire jectanite dont nous nous occupons ? Nous ne pouvons le savoir au juste. Cf. E. Stanley Poole, dans Smith, Diclionary of the Bible, 2e édit., Londres, 1893, t. i, p. 783. — S. Bochart, Phaleg, lib. ii, cap. xxii, Cæn, 1646, p. 134, et d’autres auteurs après lui ont cru retrouver les descendants de Décla dans les Minéens, peuple de l’Arabie Heureuse, habitant une contrée fertile en palmiers. Les Meivaïoi ou Mivatot, Minsei, sont mentionnés par Strabon, xvi, p. 768, 776 ; Ptolémée, vi, 7, et Pline, VI, 32, comme un peuple puissant, voisin des Adramites, riche en champs et en troupeaux. On a beaucoup discuté sur la position qu’occupait cette importante tribu. Cf. W. Smith, Dictionary of Greek and Roman geography, Londres, 1873, t. ii, p. 357. On reconnaît aujourd’hui qu’une ville du Yémen, Ma’in ou Mé’in, en représente la capitale. Cf. J. Halévy, Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen, dans le Journal asiatique, janvier 1872, p. 32.

A. Legendre.

DÉCURION. La Vulgate désigne par le mot decurio 1° certains officiers de l’armée juive au temps des Machabées et 2° les membres du sanhédrin. — 1° Officier (grec : SexaSip^o ; ). Quand Judas Machabée organisa l’armée juive, il institua un corps d’officiers parmi lesquels sont nommés des décurions. I Mach., iii, 55. Ce sont les moins élevés en grade. Ils commandaient dix

hommes ; le texte ne nous dit pas s’il s’agit de fantassins ou de cavaliers. — 2° Membres du sanhédrin (grec : pou-Xevtt ) ; )- Dans le Nouveau Testament il n’est jamais question des décurions de l’armée romaine, c’est-à-dire des ofliciers de cavalerie qui commandaient une troupe de dix hommes. Ce terme est toujours employé au sens civil, comme synonyme de membre du conseil, c’est-à-dire du sanhédrin. Voir Sanhédrin. Joseph d’Arimathie est appelé décurion. Marc, xv, 43 ; Luc, xxv, 50. Le mot decurio était, en effet, employé en latin pour désigner les membres des sénats municipaux. C’est le titre que leur donnent les inscriptions et les textes juridiques. Lex Julia municipalis, dans le Corpus inscrtptionum latinarum, t. i, n° 206, lig. 86, 94, 109, etc. ; cf. t. ii, n° 1963, c xxvi ; n » 1964, c. lxi ; t. ix, n » 338 ; Ephémevis epigraphica, t. n (1874), p. 105-107, c. xcvi, etc. ; Digeste, XLVIII, x, 13, 1 ; L, ii, 5 ; iii, 12, etc. Il est donc naturel que saint Jérôme ait traduit le mot grec PouXs’jttJ ; par le mot latin decurio, quoique le sanhédrin ne puisse pas à proprement parler être appelé un sénat municipal. E. Beurlier.

    1. DÉDAN##

DÉDAN, nom de deux chefs de tribus, l’un fils de Regma, dont parle Ézéchiel, xxvii, 15 ; xxxviii, 13 ; l’autre fils de Jecsan, mentionné dans Jérémie, xxv, 23 ; xux, 8, et dans Ézéchiel, xxv, 13 ; xxvii, 20. Voir Dadan 1, 2.

    1. DÉDICACE##

DÉDICACE (hébreu : hanûkâh ; Septante : è^xaivig (i, 6< ; ou ÈYxatvia ; Vulgate : dedicatio). Ce mot a, dans la Bible, trois significations, qui sont d’ailleurs connexes.

— 1° Il désigne d’abord la cérémonie par laquelle on voue ou l’on consacre un lieu Ou un objet, spécialement un temple et un autel, au culte de Dieu. C’est ainsi, par exemple, que Salomon fit la dédicace très solennelle du Temple qu’il avait bâti au Seigneur. III Reg., vm. C’est ainsi également qu’on dédia le nouveau Temple qui fut construit au retour de la captivité de Babylone. I Esdr., vi, 16-17. — 2° Il signifie, d’autre part, V inauguration d’un monument quelconque, sans affectation spéciale au culte divin. C’est en ce sens qu’on fit la dédicace des murailles de Jérusalem, quand elles furent rebâties après la captivité. Il Esdr., xil, 27. L’inauguration fut d’ailleurs accompagnée de cérémonies religieuses. Cf. Deut., xx, 5. — La « dédicace de la maison de David », qui est mentionnée au Psaume xxix, en guise de titre, désigne très probablement non pas l’inauguration du palais que David se bâtit à Sion, après la prise de la citadelle jébuséenne ; mais le choix que fit ce prince de l’aire d’Areuna, au mont Moriah, comme emplacement du Temple futur, choix qui avait d’ailleurs un caractère religieux, marqué par un sacrifice. — 3° Enfin cette expression désigne une fête liturgique, qui fut instituée après la captivité. L’Évangile mentionne cette fête sous le nom d’Encénies, Joa., x, 22, mot calqué sur le grec éYxoiîvia, qui signifie « renouvellement », et dans le langage sacré « dédicace ». Cf. III Reg., viii, 63 ; Il Par., vu, 5 ; Esdr., vi, 16, dans la traduction des Septante. Jésus-Christ assista à la fête des Encénies, ou Dédicace. Joa., x, 22-23. Quelques exégètes, Calmet entre autres, Dictionnaire de la Bible, au mot Dédicace, croient que cette fête, dont parle saint Jean, rappelait le souvenir de la dédicace du temple d’Hérode, qui fut célébrée avec la plus grande pompe au jour anniversaire de l’avènement de ce roi à la couronne. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 6. Mais la plupart des interprètes veulent, et avec raison, que la fête en question se rattache à celle qui fut instituée par Judas Machabée, l’an 164 avant J.-C, pour célébrer le souvenir de la purification solennelle du Temple, après la profanation sacrilège d’Antiochus IV Épiphane. I Mach., i, 23, 39, 49-50 ; iv, 59 ; II Mach., x, 1-8, cf. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 4. — La fête de la Dédicace était une des plus grandes fêtes de l’année.

Elle commençait le 25 casleu, II Mach., x, 5, c’est-à-dire dans la seconde moitié de décembre, et durait huit jours. On y faisait de brillantes illuminations ; d’où le nom de fête des Lumières, xà. çôtoi, qu’on lui donnait aussi. La célébration de la fête n’était pas attachée d’une façon obligatoire au centre même du culte juif, à Jérusalem, comme la Pâque, la Pentecôte et la fête des Tabernacles ; on pouvait la faire partout. — L’Église a recueilli sur ce point une partie de l’héritage de la synagogue, en s’inspirant de l’Ancien Testament pour dédier ses lieux de prières et de sacrifices, et établir certaines fêtes ou cérémonies liturgiques. J. Bellamy.

DEESSE. La langue hébraïque ne possède aucun nom particulier pour désigner une déesse, parce que les Hébreux savaient qu’il n’en existait point et que les déesses des païens étaient des fictions. Le mot dea, « déesse, » se lit dans la Vulgate, III Reg., xi, 5, 33 ; appliqué à Astarthé, « déesse des Sidoniens. i> Le texte original porte : ’Êlôhîm, « dieu. » Dans le Nouveau Testament, 0î « , « déesse, » est dit, Act., xix, 35, 37, d’Artémis ou Diane des Éphésiens. Voir Astarté et Diane.

    1. DEGRÉS##

DEGRÉS (CANTIQUES DES), nom donné à

quinze Psaumes, cxix-cxxxm, désignés en hébreu sous le titre de sîr ham-ma’alôl, « chant des montées, » soit parce qu’on les chantait en ce montant » en pèlerinage à Jérusalem, après le retour de la captivité de Babylone, soit parce qu’ils ont ce qu’on a nommé le rythme de gradation, consistant en ce que le sens avance par degrés et monte en quelque sorte de verset en verset. On les appelle aussi Psaumes graduels. Voir F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 351-352.

    1. DEHAUT Pierre-Auguste-Théophile##

DEHAUT Pierre-Auguste-Théophile, exégète français, né à Montcornet (Aisne) le 29 mars 1800, mort à Septmonts le 22 avril 1887. Il fit ses études théologiques au grand séminaire de Soissons, et fut ordonné prêtre le 18 juin 1825. Il professa d’abord la philosophie au petit séminaire de Laon, et ensuite la physique au grand séminaire de Soissons. Après avoir été chargé de la paroisse de Billy-sur-Aisne, il occupa successivement la cure de Voyenne, en 1826 ; celle de Nampteuil-la-Fosse, en 1828 ; de Cuffies, en 1830 ; de Vassogne, en 1836, et de Septmonts, en 1850, où il mourut. On a de lui : L’Évangile expliqué, défendu, médité, ou Exposition exégétique, apologétique et homilétique de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, d’après l’harmonie des Évangiles, 4 in-8°, Bar-le-Duc, 1864-1866 ; 2= édit., 5 in-8° Paris, 1868 ; édition abrégée à l’usage des laïques, 3 in-12, Paris, 1868.

— Voir La Semaine religieuse de Soissons et Laon, 1887, p. 275 et 738. O. Rey.

    1. DÉLÉAN##

DÉLÉAN (hébreu : Dil’ân ; Septante : AaXtxX), ville de Juda, mentionnée une seule fois dans la Bible. Jos., xv, 38. Elle fait partie du second groupe des cités « de la plaine » ou de la Séphélah. Si l’interprétation de Gesenius, Thésaurus, p. 341, dil’ân = « champ de courges ou de concombres », est exacte, le nom convient bien à une localité de cette fertile contrée. L’emplacement de cette ville n’est pas connu. Magdalgad, qui la précède dans l’énumération de Josué, est bien identifiée avec EU Medjdel, à lest d’Ascalon, et Masepha, qui la suit, semble bien se retrouver dans Tell es - Safiéh, plus loin, vers le nord-est ; mais les conjectures faites à son sujet n’ont amené aucun résultat sérieux. Van deVelde, Reise durch Syrien und Palàslina, Leipzig, 1855, t. n. p. 166, pense qu’elle pourrait être représentée aujourd’hui par Tina ou Tinéh, au nord de Tell esSafiéh. Le seul motif de cette supposition est le rapprochement des deux endroits ; il en faudrait d’autres pour l’appuyer. La même difficulté existe pour Beit Tima, au sud d’EIMedjdel. Enfin l’hypothèse de Iinobel, cherchant Déléan à Beit Oula, même

écrit Beit Doula par Tobler, à trois heures â l’est de Beit Djibrin, est encore plus impossible, puisqu’il n’y a correspondance ni onomastique ni topographique. Cf. Keil,

Josua, Leipzig, 1874, p. 130.
A. Legendre.
    1. DELITZSCH Franz##

DELITZSCH Franz, exégète luthérien allemand, né à Leipzig le 23 février 1813, mort dans cette ville le 4 mars 1890. Issu d’une famille pauvre, il étudia la théologie et les langues orientales à l’université de sa ville natale, et y commença son enseignement comme privatdocent, en 1842 ; il devint professeur ordinaire de théologie à Rostock en 1846, à Erlangen en 1850, et à Leipzig en 1867. Ses productions littéraires sont nombreuses ; elles se distinguent par l’élévation des vues, une connaissance approfondie de l’hébreu et de la littérature rabbinique. Pendant les dernières années de sa vie, Franz Delitzsch avait abandonné une partie des croyances traditionnelles qu’il avait d’abord défendues. Ses ouvrages exégétiques ou relatifs à la science biblique sont : Zur Geschichte der jûdischen Poésie vom Abschluss der heiligen Schriften Alten Bundes bis auf die neueste Zeit, in-8°, Leipzig, 1836 ; Jesurun, isagoge in grammaticam et lexicographiam linguse hébraicse, in-8°, Grimma, 1838 ; Die biblisch-prophetische Théologie, in-8°, Leipzig, 1845, dans les Biblisch-theologische und apologetische - kritisehe Studien (en collaboration avec Caspari, voir Caspari), 2 in-8°, Berlin, 1845-1848 ; Neue Vntersuchungen ûber Enstehung und Anlage der kanonischen Evangelieri. I Th., Das Matthàus-Evangelium, in-8°, Leipzig, 1853 ; System der biblischen Psychologie, in-8°, Leipzig, 1855 ; 2e édit., 1861 ; Jésus und Hillel mit Rûcksicht auf Renan und Geiger verglichet, in-8 3, Erlangen, 1867 ; 2e édit., 1867 ; 3e édit., 1879 ; Der Messias als Versohner. Ein begrûndetes Zeugniss an die Gebildeten im jûdischen Volke, in-8°, Paris et Strasbourg, 1867 ; Leipzig, 1885 ; Handwerkerleben zur Zeit Jesu, in-8°, Erlangen, 1868 ; 3= édit., 1879 ; Paulus des Apostels Brief an die Ilômer, aus dem Gnechischen Urtext in das Êebràische ûbersetzt und aus dem Talmud und Midrasch erlàutert, in-8°, Leipzig, 1870 ; Studien zur Enstehungsgeschichte der Polyglottenbibel des Ximenes, 3 in-8°, Erlangen, 1871-1876 ; Fortgesetzte Studien zur Enstehungsgeschichte der complutensischen Polyglotte, in-4°, Leipzig, 1866 ; Complutensisclie Varianten zum altestamentlichen Texte, in-4°, Leipzig, 1878 ; Ein Tag in Kapernaum, in-16, Leipzig, 1871 ; 2e édit., 1873 ; 3 8 édit., 1886 ; Die Bïbel und der Wein, Ein Thirza-Vortrag, in-8°, Leipzig, 1885 ; Durch Krankeit zur Genesung. Eine jerusalemische Geschichte der Herodierzeit, in-8°, Erlangen, 1873 ; Die Bûcher des neuen Bundes aus dem Griechischen in’s Hebràische ùbersetzt, in-16, Leipzig, 1877 ; 11e édit., 1889. Delitzsch travailla plus de cinquante ans à cette traduction. Voir Eine Uebersetzungsarbeit von 52 Jahren. Aeusserungen des iveil. Prof. Frz. Delitzsch, in-8°, Leipzig, 1891. Cf. du même : The Hebrew New Testament of the British and Foreign Bible Society, in-8°, Leipzig, 1883.

— Il a aussi publié des travaux et des commentaires estimés sur plusieurs livres de la Bible : De Habacuci prophetsevitze atque xtale, commentatio historico-isagogica, in-8°, Leipzig, 1842 ; Symboles ad Psalmos illustrandos isagogicse, in-8°, Leipzig, 1846 ; Der Prophet Habakuk ausgelegt (Heft n de V Exegetisches Handbuch zu den Propheten des alten Bundes, publié avec C. P. Caspari), in-8°, Leipzig, 1843 ; Dos Hohelied untersucht und ausgelegt, in-8°, Leipzig, 1851 ; Die Genesis ausgelegt, in-8°, Leipzig, 1852 ; 2e édit., 1853 ; Commentar ûber die Genesis, 3e édit., 1860 ; 4e édit., 1872 ; Neuer Commentar ûber die Genesis, in-8°, Leipzig, 1887 ; Commentar zum Briefe an die Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1860 ; Commentar ûber den Psalter. i Theil. Uebersetzung und Auslegung von Ps. 1-89, in-8°, Leipzig, 1859 ; // Theil. Uebersetzung und Auslegung von Ps. 90-150, in-8°, Leipzig, 1860 ; Hanschriflliche Funde. i Heft. Die Emsmisclien

Enstellungen des Textes der Apokalypse, nachgewiesen aus dem verloren geglaubten Codex Reuchlins, in-8°, Leipzig, 1861 ; a Heft. Neue Studien ûber den Codex Renchlins und neue textgeschichtliche-Aufschlûsse ûber die Apokalypse aus dem Bibliotheken in Mûnchen, Wien und Rom, in-8°, Leipzig, 1862. — Bans le Biblischer Commentar ûber das Alte Testament, publié avec Frd. Keil, Delitzsch a donné : 1° Der Prophet Jesaia, in-8°, Leipzig, 1866 ; 2e édit., 1869 ; 3e édit., 1879 ; 4e édit., 1889 ; — 2° Die Psalmen Neue Ausarbeilung, in-8°, Leipzig, 1867 ; 2 in-8°, 1873-1874 ; ¥ édit., 1883 ; 5e édit., 1894 ; — 3° Das Buch Job, in-8 « , Leipzig, 1864 ; 2e édit., 1876 ; — 4° Biblischer Commentar ûber das Salomonische Spruchbuch, in-8°, Leipzig, 1873 ; — 5° Biblischer Commentar ûber das Hohelied und Koheleth, in-8°, 1875. — La dernière œuvre scripturaire de Franz Delitzsch est intitulée : Messianische Weissagungen in geschichtlichen Folge, in-8°, Leipzig, 1890. — Frz. Delitzsch a aussi publié en collaboration avec S. Bær le texte hébreu de plusieurs livres de l’Ancien Testament : Liber Genesis, in-8°, Leipzig, 1869 ; Liber Jesaia, 1872 ; Liber Psalmorum hebraicus atque latinus ab Hieronymo ex hebrseo conversus (avec la collaboration de C. de Tischendorf), 1874 ; Liber duodecim prophetarum, 1878 ; Liber Psalmorum, 1880 ; Liber Proverbiorum, 1880 ; Liber Ezechielis, 1884 ; Liber Chronicorum, 1888 ; Liber Jeremise, 1890. — La plupart des œuvres exégétiques de Frz. Delitzsch ont été traduites en anglais.

F. VlGOUROPX.

    1. DÉLOS##

DÉLOS (AtjÂoi ; ), île de la mer Egée, faisant partie du groupe des Cyclades (fig. 487). — Elle est mentionnée parmi les pays auxquels fut envoyée la lettre écrite par les Romains après le traité d’alliance conclu entre ce peuple et les Juifs, au temps de Simon. I Mach., xv, 23. Délos

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487. — Monnaie de Délos.

Tête lauréo d’Apollon, à gauche. — IV Lyre entre les deux

lettres AH (Aîj).o ; ).

était célèbre par son sanctuaire d’Apollon. Ce dieu, d’après les traditions grecques, y était né. Strabon, X, v, 2. Au vne siècle avant J.-C., le temple d’Apollon devint le centre d’une confédération de villes maritimes, et, après les guerres médiques, d’une ligue dont Athènes eut la direction. Cette ligue, détruite par la victoire de Sparte sur Athènes, à la suite de la guerre du Péloponèse, fut reconstituée par Athènes, en 375. Voir E. Curtius, Histoire grecque, trad. franc., in-8°, Paris, 1883, t. ii, p. 368, 379, 424, 450, 496, 523 ; t. iii, p. 406 ; t. iv, p. 354 ; t. v, p. 109. En 315, Délos devint indépendante, et, jusqu’en 166, fut le centre d’une confédération d’insulaires, sous l’hégémonie successive des rois d’Egypte, de Syrie, de Macédoine et de la république de Rhodes. Ce fut la période la plus florissante de l’histoire de l’île. L’administration du sanctuaire délien pendant cette période nous est connue par de nombreux textes épigraphiques, retrouvés pour la plupart par M. Homolle dans les fouilles qu’il a faites dans l’Ile, surtout de 1877 à 1888, et dont les résultats ont été publiés dans le Bulletin de correspondance hellénique, t. i-xix (1877 à 1896). À partir de 250 avant J.-C, des négociants romains s’y établirent. En 166, le sénat rendit Délos à Athènes. En 146, le port fut déclaré franc, et la chute de Corinthe lui donna une grande importance. C’est peu après cette date que la lettre des Romains en faveur des Juifs fut envoyée aux habitants de l’Ile. Les marchands de Tyr, de Beyrouth, d’Alexandrie, y établirent des maisons qui furent en rapport avec tout le bassin de la Méditerranée. Corpus

inscript, græc., n° 2271 ; Bulletin de correspondance hellénique, t. iv (1880), p. 222. Des quais, des môles, des ports furent construits. Lors de la guerre de Mithridate, Délos resta fidèle aux Romains ; mais les amiraux du roi de Pont s’emparèrent de l’Ile et la ravagèrent. Elle fut reconquise, en 87, par Sylla, et se releva de ses ruines. En 69, elle fut pillée par les pirates, et depuis lors elle fut de plus en plus désertée. Strabon, X, v, 4 ; Pausanias, VIII, xxxiii, 2 ; IX, xxxiv, 6 ; Th. Homolle, dans le Bulletin de correspondance hellénique, t. vm (1884), p. 75-158. Délos possédait une colonie juive, dont plusieurs membres obtinrent le titre de citoyens romains. Joséphe, Ant. jud., XIV, x, 8 et 14. On a trouvé dans l’Ile une inscription grecque en l’honneur d’Hérode Antipas. Bulletin de correspondance hellénique, t. m (1879), p. 365. Outre les ouvrages cités, voir J.-A. Lebègue, Recherches sur Délos, in-8°, Paris, 1876 ; Th. Homolle, Les travaux de l’école française à Délos, in-8°, Paris, 1890. E. Beurijer.

    1. DELPHON##

DELPHON (hébreu : Dalfôn ; Septante : AsXqpiav ; quelques manuscrits : àSeXiptûv, et tov AsXçwv), le second des dix fils d’Aman, massacrés par les Juifs le 13 du mois d’Adar. Esther, ix, 7.

    1. DELRIO Martin -Antoine##

DELRIO Martin -Antoine, jésuite belge, né à Anvers en 1551, mort à Louvain le 19 octobre 1608. Il était docteur de Salamanque, vice-chancelier et procureur général au conseil souverain de Brabant, quand, dégoûté du monde, il entra au noviciat des Jésuites, à Valladolid, en 1580. Il quitta l’Espagne enl586, se rendit à Louvain, puis à Mayence, pour compléter ses études de théologie, enseigna la philosophie à Douai, puis l’Écriture Sainte à Louvain, à Gratz et à Salamanque. Renvoyé ensuite en Belgique, il arriva malade à Louvain et ne tarda pas à y succomber à ses souffrances. Delrio, que Juste Lipse appelait le miracle de son temps, était versé dans les connaissances les plus variées, comme en témoignent les nombreux ouvrages qu’il a publiés, parmi lesquels : 1° In Cantiçum canticorum Salomonis commentarius lilleralis et catena mystica, Me authore, hssc collectore Martino Del Rio, in-f « , lngolstadt, 1604 ; Paris, 1604, 1608 ; Lyon, 1604, 1611 ; 2° Commentarius litteralis in Threnos, in-4°, Lyon, 1608 ; 3° Pharus sacrse sapientiss, in-4°, Lyon, 1608 : c’est un commentaire sur la Genèse ; 4° Adagialia sacra Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4°, Lyon, 1612-1613, 1614-1618. On n’y trouve que les Adagialia Veteris Testamenti ; ceux du Nouveau Testament furent composés et publiés par André Schott, S. J., en 1629.

C. SOMMERVOGEL.

    1. DÉLUGE##

DÉLUGE (hébreu : mabbûl ; Septante : xaTaxXv<r|ji.ôç ; Vulgate : diluvium), nom biblique de l’inondation qui eut lieu à une date inconnue dès anciens âges, et qui, selon le récit de la Genèse, couvrit le globe et fit périr l’humanité entière, à l’exception de Noé et de sa famille. Après avoir décrit ce phénomène extraordinaire, nous en établirons la réalité historique, l’étendue et la nature.

I. Description. — 1° Cause morale et annonce prophétique. — La malice des hommes issus de l’union des Séthites avec les Caïnites, voir col. 43-44, et leur violence croissant sans cesse et étant parvenues aux extrêmes limites, Dieu se repentit d’avoir créé l’homme et résolut d’exterminer l’humanité coupable et tous les êtres qui avaient été les instruments ou les témoins de ses crimes. Seul Noé, qui était juste, trouva grâce à ses yeux, avec ses fils Sem, Cham et Japheth. Le moyen choisi par Dieu pour venger sa justice outragée et purifier la terre fut une inondation générale, qui ravirait la vie à tous les êtres vivants. L’instrument de salut, qui devait conserver l’espoir de l’humanité, fut une arche ou vaisseau. Voir t. i, col. 923-926. Dieu en indiqua les dimensions et désigna les hommes et les animaux qui devaient y pénétrer pour repeupler la terre. Il ordonna aussi à Noé d’y placer la nourriture nécessaire aux futurs habitants. Gen., vi,

1-21. Le déluge fut donc dans les desseins de Dieu un châtiment des crimes et de la perversité des hommes, et en même temps ur. moyen de préservation et de reconstitution d’une nouvelle humanité dans la vraie foi et les bonnes mœurs. Ce fut un événement providentiel, voulu par la sagesse de Dieu autant que par sa justice.

2° Réalisation. — Quand Noé eut accompli tous les ordres divins, tandis que ses contemporains continuaient, au mépris des avertissements reçus, leur vie indifférente et dissolue, Matth., xxiv, 37-39 ; Luc, xvii, 27, Dieu lui ordonna d’achever ses préparatifs et d’entrer dans l’arche avec sa femme, ses fils et leurs épouses ; en tout huit personnes. I Petr., iii, 20. Sur le nombre des animaux de chaque espèce qui devaient être introduits dans l’arche, les commentateurs n’ont jamais été d’accord. Les uns ont crû que Dieu avait fixé sept couples d’animaux purs et deux d’animaux impurs ; les autres n’ont compté que sept individus purs et deux impurs, les expressions « sept, sept ; deux, deux », étant des nombres distributifs. Voir t. i, col. 613-614. Sept jours après, tout étant exécuté comme Dieu l’avait commandé, et le Seigneur ayant lui-même fermé la porte de l’arche derrière Noé, les eaux du déluge se répandirent sur la terre. C’était le dix-septième jour du deuxième mois, la six centième année de Noé. Toutes les sources du grand abîme se rompirent, les cataractes du ciel s’ouvrirent, et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. Deux causes physiques de l’inondation sont seules ainsi métaphoriquement indiquées, l’invasion des eaux marines sur terre et une pluie torrentielle. On a pu croire que « les eaux du grand abîme » désignaient les sources souterraines, qui auraient jailli à gros bouillons et se seraient déversées complètement à la surface. Ce sont plutôt les flots de l’océan qui, abandonnant leurs réservoirs naturels, firent irruption sur la terre ferme et la couvrirent. Le mot hébreu tehôm employé ici s’entend plus souvent de la mer, Is., ii, 10 ; Ps. xxxvi, 7 ; lxxviii, 15 ; Amos, vu, 4, que des sources souterraines. Job, xxxviii, ^16 ; Ps. lxxi, 20. « Les écluses des cieux » qui en s’ouvrant laissaient échapper des cataractes, voir col. 348, signifient dans la conception vulgaire de l’atmosphère terrestre les nuages qui crèvent et répandent une pluie violente, gésém. L’inondation fut progressive, et les eaux en grossissant soulevèrent l’arche et submergèrent toute la surface de la terre. Tous les êtres vivants et tous les hommes, hormis ceux qui étaient renfermés dans l’arche, périrent. Tandis que le navire sauveur flottait et que la main de Dieu tenait le gouvernail, Sap., xiv, 6, les eaux montaient, et leur hauteur devint telle, qu’elles surpassèrent de quinze coudées le sommet de toutes les montagnes qui sont sous le ciel. Elles couvrirent ainsi la terre pendant cent cinquante jours. Gen., vii, 1-24.

3° Diminution et cessation. — Au bout de ce temps, Dieu se souvint de Noé et des êtres qui étaient dans l’arche" et fit cesser le déluge. Les causes de l’inondation n’agirent plus ; les sources de l’abîme et les écluses du ciel furent fermées, et les pluies furent arrêtées. Dieu fit souffler sur la terre un vent intense et chaud, qui diminua graduellement les eaux par l’évaporation. Elles décrurent peu à peu et se retirèrent, en retournant dans les lieux d’où elles étaient sorties. La mer regagnait son lit, et les nuages se reformaient dans l’atmosphère. Le vingt-septième jour, d’après la Vulgate, ou le dix-septième, suivant les textes hébreu et samaritain, le Targum et plusieurs versions anciennes, du septième mois, l’arche se reposa sur le mont Ararat, en Arménie. Voir t. i, col. 878-882. La décroissance des eaux continua jusqu’au commencement du dixième mois. Le premier jour de ce mois, les sommets des montagnes apparurent. Quarante jours plus tard, Noé, désirant savoir si la surface de la terre était à sec, ouvrit la fenêtre de l’arche et lâcha un corbeau, qui voltigea de divers côtés et ne revint pas. Il lâcha aussi une colombe, qui, ne trouvant pas où poser

le pied, revint. Sept jours après, il la fit sortir de nouveau, et le soir elle rapporta dans son bec un rameau d’olivier dont les feuilles s’étaient conservées vertes sous les eaux ou avaient déjà repoussé. À ce signe, Noé comprit que les eaux s’étaient entièrement retirées. Après sept autres jours, il envoya une troisième fois la colombe, qui ne reparut plus. Ouvrant le toit de l’arche, Noé constata que la surface de la terre était sèche. C’était le premier jour du premier mois de la six cent et unième année de Noé. Le vingt-septième jour du deuxième mois, la terre fut entièrement desséchée. Alors Dieu commanda à Noé de sortir de l’arche, lui, sa famille et tous les animaux. Le déluge avait donc duré dans sa totalité une année et onze jours. Or, comme les mois se rapportent, dans le récit biblique, à l’année lunaire, voir 1. 1, col. 637645, et t. ii, col. 67, la durée totale du déluge correspond à une année solaire de trois cent soixante - cinq jours. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2e édit., Paris, "1880, t. i, p. 410-412. Le patriarche sauvé offrit au Seigneur un sacrifice d’action de grâces. Jéhovah en agréa l’odeur et promit de ne plus punir l’humanité coupable par les eaux du déluge. Désormais les saisons et les travaux agricoles, que l’inondation avait interrompus, ne seront plus bouleversés de cette manière. Gen., viii, 1-22. Dieu bénit Noé et ses enfants, conclut avec eux une alliance, et choisit l’arc-en-ciel comme signe visible et perpétuel de sa promesse de ne plus submerger la terre par un déluge pareil à celui qui venait d’avoir lieu. Gen., ix, 1-17. Voir Arc-en-ciel, t. i, col. 910-911.

Les critiques modernes tiennent la narration biblique, que nous avons rapidement analysée, comme la combinaison assez maladroite de deux récits différents et contradictoires du déluge, l’un élohiste et l’autre jéhoviste. A les en croire, la distinction des documents résulte avec évidence des contradictions, des répétitions qu’il est aisé de remarquer, du style particulier de chaque source et notamment de l’emploi des noms divins Élohim et Jého"vah. Le récit élohiste est complet, tandis que le jéhoviste ne nous est parvenu que par fragments. Ces conclusions n’ont pas l’évidence qu’on leur attribue, et l’analyse critique de la narration du déluge est loin d’être aussi certaine qu’on le prétend. Les parties élohistes ne constituent pas un tout complet, dont la trame est suivie et serrée ; elles présentent des lacunes et ne sont pas exemptes de répétition. Nonobstant ses redites, la narration actuelle forme un ensemble harmonique et progressif, et les répétitions, en insistant sur les circonstances principales, les précisent de plus en plus et sont d’un effet très frappant. Elles sont d’ailleurs conformes aux usages des Hébreux et aux récits amples et redondants des Orientaux. La légende cunéiforme du déluge, dont nous parlerons bientôt, et qui n’offre aucune trace d’élohisme et de jéhovisme, a les mêmes répétitions et réunit les traits qu’on déclare propres aux deux documents originaux. La narration biblique est l’oeuvre d’un seul et unique rédacteur, qui, s’il a employé des sources antérieures, les a ordonnées avec une remarquable unité. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, 1. 1, p. 333-336 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 241-253 ; Bickell, dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, Inspruck, 1877, p. 128-131 ; Flunck, ibid., 1885, p. 634 ; J. Halévy, Recherches bibliques, p. 115-145 ; de Hummelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 25-27 ; Schopfer, Histoire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1897, t. i, p. 73-77 ; A. Loisy, Les mythes chaldéens de la création et du déluge, Amiens, 1892, p. 82-91.

II. Réalité historique du déluge. — Le déluge biblique n’est pas un mythe astronomique ; c’est un fait dont la vérité historique résulte du seul récit mosaïque. Ce récit reproduit la tradition hébraïque du souvenir du cataclysme. Mais il y a de ce fait d’autres preuves, qui ont été providentiellement mises en lumière à l’époque

où la narration biblique était le plus fortement attaquée.

I. les traditions DILUVIENNES. — 1° La tradition chaldéenne. — Il existe, en dehors de la Genèse, beaucoup de traditions diluviennes. La plus importante et la plus rapprochée du récit mosaïque est la tradition chaldéenne, dont nous possédons deux versions inégalement développées : celle de Bérose, conservée par Eusèbe, Chronic, 1. 1, c. iii, t. xix, col. 114-116, et celle du poème de Gilgamès, déchiffrée en 1872. D’après l’interprétation de Bérose, sous le règne de Xisouthros arriva le grand déluge dont l’histoire est racontée de la manière suivante dans les documents sacrés : « Chronos lui apparut (à Xisouthros ) dans son sommeil et lui annonça que le 15 du mois de daisios tous les hommes périraient par un déluge. Il lui ordonna donc de prendre le commencement, le milieu et la fin de tout ce qui était consigné par écrit et de l’enfouir dans la ville du Soleil, à Sippara, puis de construire un navire et d’y monter avec sa famille et ses amis les plus chers ; de déposer dans le navire des provisions pour la nourriture et la boisson, et d’y faire entrer les animaux volatiles et quadrupèdes ; enfin de tout préparer pour la navigation. Et quand Xisouthros demanda de quel côté il devait tourner la marche de son navire, il lui fut répondu : « Vers les dieux, » et de prier pour qu’il arrivât du bien aux hommes. — Xisouthros obéit et construisit un navire long de cinq stades et large de deux ; il réunit tout ce qui lui avait été prescrit et embarqua sa femme, ses enfants et ses amis intimes. — Le déluge étant survenu et bientôt décroissant, Xisouthros lâcha quelques-uns des oiseaux. Ceux-ci, n’ayant trouvé ni nourriture ni lieu pour se poser, revinrent au vaisseau. Quelques jours après, Xisouthros leur donna de nouveau la liberté ; mais ils revinrent encore au navire avec les pieds pleins de boue. Enfin, lâchés une troisième fois, les oiseaux ne retournèrent plus, Alors Xisouthros comprit que la terre était découverte ; il fit une ouverture au toit du navire et vit que celui-ci était arrêté sur une montagne. Il descendit donc avec sa femme, sa fille et son pilote, adora la Terre, éleva un autel et y sacrifia aux dieux ; à ce moment, il disparut avec ceux qui l’accompagnaient. — Cependant ceux qui étaient restés dans le navire, ne voyant pas revenir Xisouthros, descendirent à terre à leur tour et se mirent à le chercher en l’appelant par son nom. Us ne revirent plus Xisouthros, mais une voix du ciel se fit entendre, leur prescrivant d’être pieux envers les dieux ; qu’en effet il recevait la récompense de sa piété, en étant enlevé pour habiter désormais au milieu des dieux, et que sa femme, sa fille et le pilote partageaient un tel honneur. La voix dit en outre à ceux qui restaient qu’ils devaient retourner à Babylone, et, conformément aux décrets du destin, déterrer les écrits enfouis à Sippara, pour les transmettre aux hommes. Elle ajouta que le pays où ils se trouvaient était l’Arménie. Ceux-ci, après avoir entendu la voix, sacrifièrent aux dieux et revinrent à pied à Babylone. Du vaisseau de Xisouthros, qui s’était enfin arrêté en Arménie, une partie subsiste encore dans les monts Gordiens, en Arménie, et les pèlerins en rapportent l’asphalte qu’ils ont raclé sur les débris ; on s’en sert pour repousser l’influence des maléfices. Quant aux compagnons de Xisouthros, ils vinrent à Babylone, déterrèrent les écrits déposés à Sippara, fondèrent des villes nombreuses, bâtirent des temples et restituèrent Babylone. » Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2e édit., 1880, t. i, p. 387-389.

L’autre version, qui est plus intéressante encore, est écrite sur des tablettes cunéiformes exhumées de la bibliothèque d’Assurbanipal, à Ninive, et conservées au Musée britannique, à Londres. Ces tablettes ont été copiées, au vu « siècle avant notre ère, sur un exemplaire très ancien, qui provenait d’Érech, en Chaldée. La date de l’original est inconnue. Cependant George Smith la fait remonter à dix-sept siècles au moins avant Jésus-Christ. Le récit du déluge n’est qu’un épisode d’une épopée en.

II. - 43

douze chants, qui raconte les exploits du héros Gilgamès. Il est reproduit sur la onzième tablette et constitue le onzième chant, qui existe presque en entier. Gilgamès est allé trouver son ancêtre, Samas-napistim, dans le pays éloigné et de difficile accès où les dieux l’ont transporté pour le faire jouir d’une éternelle félicité. Samasnapistim raconte à son petit-fils l’histoire du déluge et de sa propre conservation. La ville de Surippak sur l’Euphrate était déjà ancienne, quand les dieux résolurent de laire un déluge. Éa révéla leur dessein à Samas-napistim et lui ordonna de construire un vaisseau, dont il lui indiqua les mesures, et il lui suggéra la réponse à donner aux questions des habitants de Surippak. Samas-napistim devait dire qu’il voulait fuir devant la colère de Bel, qui inonderait bientôt la contrée. Le vaisseau achevé, Samasnapistim offrit un sacrifice, rassembla ses richesses et fit monter dans le navire ses serviteurs et ses servantes, les animaux des champs et des semences de vie. Dès que la pluie tomba, il entra lui-même dans le vaisseau, dont il ferma la porte. La tempête produite par les dieux fut si effroyable, qu’ils en furent eux-mêmes épouvantés. L’humanité était redevenue de la boue. Le vent, le déluge et l’orage régnèrent sept jours et sept nuits. Le septième jour, à l’aurore, la pluie cessa, la mer devint tranquille et le vent s’apaisa. La lumière ayant reparu, Samas-napistim vit la plaine liquide comme un désert. Son vaisseau fut arrêté par la montagne de Nizir et ne put passer au delà. Après sept jours d’arrêt, Samas-napistim lâcha une colombe, qui alla, tourna et revint, parce qu’elle n’avait pas trouvé une place de repos. Une hirondelle fit de même. Un corbeau ne revint pas. Samas-napistim fit sortir les animaux et offrit aux dieux un sacrifice d’agréable odeur. Bel se montra très irrité de la préservation de Samas-napistim. Éa lui reprocha son emportement et lui conseilla de punir désormais les seuls coupables, au lieu d’envoyer sur terre un déluge universel. Bel apaisé fit monter Samas-napistim et sa femme dans le vaisseau, les bénit, leur conféra l’immortalité et les fit habiter « à la bouche des rivières ». Voir G. Smith, Assyrian Discoveries, p. 184-193 ; Chaldxan Account of Genesis, 1876, p. 263-272, et édition Sayce, Londres, 1880, p. 279-289 ; Transactions of the Society of Biblical Archseology, 1874, p. 534-587. Le texte seul est publié dans les Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. IV, pi. l-li. Cf. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2 B édit., 1880, 1. 1, p. 390-418, 601-618 ; P. Haupt, Der Keilinschriftliche Sintflutbericht mit dem autographistem Keilschriftext des babylonischeri Sintflutfragmenten, Leipzig, 1881, et dans E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2 8 édit., Giessen, 1882, p. 55-79 ; A. Jeremias, lzdubar-Nimrod, 1891 ; A. Loisy, Les mythes c/ialdéens de la création et du déluge, Amiens, 1892, p. 39-95 ; J. Sauveplane, Une épopée babylonienne, Istubar-Gilgamès, Paris, 1894 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 309-325 ; Sayce, La lumière nouvelle, trad. franc., Paris, 1888, p. 35-48 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, Paris, 1893, p. 147-151.

Cette légende présente avec le récit biblique du déluge de nombreux points de coutact. Les ressemblances qui existent dans la marche générale de la narration, dans l’ordre de la composition et parfois jusque dans les détails du style, rendent indiscutable la parenté des deux documents. On constate cependant de notables divergences. Sans parler du caractère polythéiste et mythologique du poème chaldéen, celui-ci a été composé chez un peuple maritime et porte l’empreinte des mœurs et des coutumes des habitants du golfe Persique, tandis que la Genèse décrit le déluge pour un peuple continental. Si les analogies prouvent la communauté du fond, les divergences, qui sont caractéristiques, établissent l’individualité propre des deux récits. Quant aux rapports originels des deux traditions, les critiques ne sont pas d’accord. Les uns ;

admettent la dépendance des deux documents, hébreu et chaldéen, ou au moins des deux traditions qu’ils représentent. Aux yeux de certains critiques rationalistes, qui rabaissent la date du Pentateuque, le récit de la Genèse serait un emprunt direct et assez tardif fait au poème cunéiforme ; il n’en est qu’une édition épurée, une adaptation aux idées religieuses des Hébreux et une transformation monothéiste et très abrégée. L’emprunt, s’il a existé, n’a pas eu lieu à une époque récente, et il n’est pas l’oeuvre d’un homme ; c’est l’œuvre de plusieurs générations. La transformation des légendes chaldéennes s’était faite chez les Hébreux dans la tradition populaire avant que le récit ne fût reproduit dans les documents bibliques. « Rien ne s’oppose à ce que l’histoire du déluge ait été connue par les ancêtres d’Israël durant leur séjour en Mésopotamie, et qu’elle se soit conservée, en se modifiant et en s’épurant, chez les descendants d’Abraham jusqu’au moment où nous la trouvons fixée dans les textes bibliques. » A. Loisy, Les mythes chaldéens de la création et du déluge, p. 93. Mais d’autres critiques reconnaissent avec plus de vraisemblance dans la légende chaldéenne et la narration mosaïque deux récits parallèles, nés d’une tradition commune et primitive plus ou moins fidèlement conservée. Elles représentent deux formes indépendantes, nationales et localisées de la tradition sémitique. Ce sont des traditions sceurs qui, sous l’empire de causes physiques et morales, ethniques et géographiques, se sont diversifiées. La tradition mère se serait mieux conservée dans le récit de Moïse que dans le document babylonien, où elle est défigurée par des altérations mythologiques. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1880, t. i, p. 407-408 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, p. 330.

2° Les autres traditions diluviennes. — Des traditions relatives au déluge se retrouvent chez la plupart des peuples du monde. On les a généralement rapprochées du récit de la Genèse, mais avec des divergences de vues qui ont donné lieu à trois interprétations différentes. — 1. Suivant l’une, la tradition diluvienne est universelle, et tous les peuples ont gardé le souvenir du déluge de Noé. Déjà on a constaté l’existence de ce souvenir chez la plupart, et, si une nation semble ne l’avoir plus, c’est qu’elle n’a pas encore livré toutes ses traditions, ou qu’elle a perdu celle du déluge par suite de migration, de mélange avec d’autres peuplades ou de quelque autre circonstance historique analogue. Or toutes ces traditions diluviennes sont des lambeaux plus ou moins mutilés de l’unique et véritable tradition primitive. Les transformations qu’elles ont subies s’expliquent par l’adaptation locale du cataclysme et se sont produites par restriction. L’événement, de général et universel qu’il était, est devenu local, particulier et restreint. Cf. Lùken, Traditions de l’humanité, trad. franc., 1862, t. i, p. 249-350 ; Lambert, Le déluge mosaïque, 2e édit., Paris, 1870, p. 43-165 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, t. i, p. 590-596. — 2. Une étude critique et scientifique de ces souvenirs du déluge a permis de distinguer les traditions réellement diluviennes, qui se rapportent de fait au déluge de Noé, des pseudodiluviennes, qui se réfèrent à des inondations locales. Les traditions réellement diluviennes sont elles-mêmes ou originales et aborigènes, c’est-à-dire originaires des pays où elles sont conservées et propres aux peuples qui les détiennent, ou importées par des étrangers dans la région où on les retrouve et par conséquent empruntées. Or, si la tradition diluvienne n’est pas absolument universelle, elle existe dans toutes les grandes races de l’humanité, sauf une, la race nègre, chez laquelle on en a vainement cherché la trace. Les races aryenne ou indo-européenne, sémitique ou syroarabe, chamite ou couschite, l’ont en propre et ne l’ont pas empruntée l’une à l’autre ; chez elles, elle est primitive. La race jaune la possède, mais

par importation. Les populations américaines la connaissent, mais on ne peut dire avec certitude si leurs traditions sont originales ou si elles sont d’importation asiatique ou européenne. Au nombre des légendes pseudodiluviennes, on peut ranger les déluges d’Ogygès et de Deucalion, la grande inondation placée par les livres historiques de la Chine sous le règne de Yao, et la légende de Botchica, chez les Muyscas de l’Amérique méridionale. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres médiques, 9e édit., Paris, 1881, t. i, p. 55-91 ; Les origines de l’histoire, 2e édit., Paris, 1880, t. i, p. 382-491. — 3. D’autres critiques enfin tirent plus rigoureusement encore les conclusions de l’étude critique des traditions diluviennes, et aboutissent à ne plus reconnaître pour réellement diluvienne et aborigène que la tradition chaldéenne. Elle a été importée de la Mésopotamie, son pays d’origine, dans les contrées voisines ; elle a fait souche et a porté les branches hébraïque, phénicienne, syrienne, arabe, phrygienne et arménienne. Les traditions antéroasiatiques sont seules réellement diluviennes ; toutes les autres sont pseudo-diluviennes. L. Diestel, Die Sintflut und die Flutsagen des Altertliums, Berlin, 1876, p. 17-20 ; A. Dillmann, Genesis, 6e édit., 1802, p. 132 ; Fr ?. Delitzsch, Neuer Commentar ûber die Genesis, 1887, p. 159 ; R. Andrée, Die Fluthsagen, in-12, Brunswick, 1891, p. 1 ; R. de Girard, Le déluge devant la critique historique, Fribourg, 1893, p. 53-281. Quoi qu’il en soit, si même on réduit au minimum les traditions réellement diluviennes, le fait du déluge reste historiquement certain. Sa certitude historique repose sur un groupe de traditions réelles, qui ont transmis jusqu’à nous le souvenir du grand cataclysme qui frappa l’humanité à l’origine de l’histoire. Cf. E. Mangenot, Le déluge devant la critique historique, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, août 1895, p. 97-119. II. qêologie. — Les premiers géologues avaient cru trouver dans les couches de la surface terrestre des preuves directes de la submersion du globe à une époque historique, et ils attribuaient au déluge mosaïque la formation de terrains alluvionnels, qu’ils nommèrent en conséquence diluvium. Leur opinion est aujourd’hui généralement abandonnée. Les géologues contemporains reconnaissent qu’une inondation du genre de celle de Noé, qui n’a duré qu’un an, n’a pu laisser sur le sol de traces assez durables pour être reconnues avec certitude après des siècles, ni assez caractéristiques pour être distinguées de celles d’autres inondations précédentes. Ils rapportent à des époques antérieures et ils expliquent par l’action’d’autres causes les phénomènes que leurs prédécesseurs regardaient comme des preuves géologiques du déluge. On a constaté, en effet, qu’il y a plusieurs espèces de diluvium, et dans chacune d’elles plusieurs couches dues à des facteurs différents et se rapportant à des époques distantes. Elles ont été produites par une longue série de révolutions dans lesquelles l’eau joue un rôle important, mais non exclusif. Les graviers d’alluvion, qui constituent le diluvium gris, ont été entraînés des montagnes dans les vallées par des cours d’eau plus puissants que nos fleuves actuels et coulant dans d’autres conditions de pente et de niveau. Le lœss est dû au ruissellement de pluies très abondantes, qui dégradaient les pentes et emmenaient des boues fines et des fragments de pierre. Le diluvium rouge est le résultat d’alternatives de gelée et de dégel sur la surface d’un sol constamment gelé dans ses profondeurs : A. de Lapparent, Traité de géologie, Paris, 1883, p. 1079-1091. — Les blocs erratiques, ces immenses rochers transportés à des centaines de kilomètres des monts auxquels ils ont été arrachés, n’ont pas été roulés par les eaux, car leurs angles ne sont ni brisés ni arrondis, ils ont été charriés par les immenses glaciers qui aux temps quaternaires ont couvert une partie _ du globe. Les cavernes et les fissures de rochers remplies d’ossements d’hommes et d’animaux fortement ci mentés ensemble et mêlés de fragments des roches environnantes se sont formées à l’époque où le froid excessif obligea les habitants de l’Europe à chercher un abri dans les cavernes. Leurs ossements se sont entassés avec ceux des animaux dont ces grottes avaient été les repaires ou dont eux-mêmes se nourrissaient, et le tout s’est soudé par l’action de l’eau qui s’infiltrait. A. de Lapparent, ’Traité de géologie, p. 1092-1096. — Les cavernes à ossements et les brèches osseuses ne sont donc, pas plus que les terrains diluviens et les blocs erratiques, des preuves certaines du déluge noachique. Toutefois la géologie, qui ne confirme pas directement l’existence du déluge, ne le contredit pas. Elle en montre même la possibilité, lorsqu’elle constate les traces d’inondations considérables aux temps tertiaires et quaternaires. Le déluge biblique ne peut donc pas être déclaré antiscientifique ni impossible. F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i. p. 596-599 ; Schdpfer, Histoire de l’Ancien Testament, trad. franc., t. i, p. 75-78 ; Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, p. 870-872.

III. Étendue du déluge. — Le texte biblique présente le déluge comme universel ; mais cette universalité a été entendue dans trois sens différents, et l’inondation a été tenue pour universelle : 1° quant à la surface du globe ; 2° quant à la terre habitée par les hommes ; 3° quant à la région occupée par une partie seulement de l’humanité. Il y a donc trois opinions relativement à l’étendue du cataclysme : la première admet l’universalité absolue et géographique du déluge, la deuxième son universalité anthropologique, la troisième son universalité restreinte à une fraction de l’humanité.

1° Universalité absolue et géographique. — La plupart des anciens écrivains ecclésiastiques, Pères, docteurs, théologiens et commentateurs, croyaient que le déluge avait été complet dans le sens le plus large du mot, et qu’il avait recouvert toute la terre. Ils donnaient au récit mosaïque le sens qu’il présente au premier aspect, et ils l’entendaient d’une inondation qui avait submergé le globe et détruit tous les animaux et tous les hommes, les termes employés par Moïse ne leur paraissaient pouvoir souffrir d’autre exception que celle qu’ils indiquent et qui concerne Noé et sa famille. L’universalité absolue du déluge est décrite dans la Genèse en termes très forts et très nets, et le texte est si clair, que pendant des siècles il a été entendu dans ce sens. Rien n’indique que l’universalité du cataclysme doive être restreinte, et le contexte, par là même qu’il excepte Noé et qu’il n’excepte personne autre, exclut toute interprétation restrictive. Dieu, en effet, a résolu de produire le déluge pour détruire toute chair qui est sous le ciel. Des représentants de toutes les espèces des animaux terrestres sont introduits dans l’arche pour la conservation des espèces sur la terre. Les eaux inondent tout et couvrent les plus hautes montagnes qui sont sous tous les cieux. Toute chair périt, et il ne reste que les seuls êtres vivants qui étaient renfermés dans l’arche. Dieu promet à Noé qu’il n’y aura plus de déluge pour détruire toute chair. Or il y a eu depuis lors des déluges partiels, celui de Deucalion chez les Grecs et la grande inondation des Chinois. Si le déluge de Noé n’avait pas été universel, Dieu aurait donc violé sa promesse. Le gage qu’il en a donné, l’arc-en-ciel, se voit dans toutes les contrées, il est universel. Il faut donc que le déluge, dont il est le signe, ait été universel. En présence d’un texte si formel, les objections tirées des sciences physiques contre l’universalité absolue du déluge ont peu de valeur, et lors même que la raison ne pourrait les résoudre suffisamment, la foi du chrétien ne serait pas ébranlée ; car Dieu, qui avait tout réglé en vue d’une catastrophe universelle, a eu assez de puissance pour réaliser des effets que la science est incapable d’expliquer. D’ailleurs les difficultés que soulève un déluge absolument universel ne sont pas aussi fortes qu’on se l’imagine parfois, et il n’est pas

certain que la quantité d’eau existante n’ait pas suffi à la submersion générale du globe, surtout si l’on admet que l’irruption des mers sur les continents ne s’est pas faite partout en même temps, mais a couvert successivement toutes les contrées du monde. L’universalité absolue du déluge est confirmée par un passage de la seconde Épitre de saint Pierre, iii, 6 et 7. L’apôtre compare au déluge la conflagration universelle qui aura lieu à la fin des temps. Le monde périra alors par le feu comme il a péri une première fois par l’eau. La comparaison entre les deux catastrophes n’existe que sous le rapport de l’étendue ; elle serait inexacte si toutes deux n’avaient pas la même universalité. — Ces arguments exégétiques, joints à l’interprétation unanime des anciens et à l’universalité des traditions diluviennes, ont déterminé quelques exégètes modernes à admettre encore que le déluge a couvert la terre entière et a détruit tous les hommes et tous les animaux. D’Avino, Enciclopedia dell’Ecclesiastico, 3e édit., 1878, t. i, p. 850-852 ; Moigno, Les splendeurs de la foi, 1877, t. iii, p. 1118-1133 ; Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam, 2e édit., Rome, 1882, t. i, p. 735-753 ; T. J. Lamy, Comment, in librurn Geneseos, Malines, 1883, t. i, p. 302-312.

2° Universalité relative et anthropologique. — Beaucoup de commentateurs et de théologiens de nos jours estiment que le déluge de Noé doit être restreint à la portion de la terre qui était colonisée lorsqu’il se produisit. Suivant eux, tous les hommes, hormis la famille de Noé, ont été engloutis dans les flots ; mais l’inondation n’a pas recouvert tout le globe ni détruit tous les animaux. L’universalité du déluge n’est ni géographique ni zoologique ; elle est seulement anthropologique.

Cette interprétation leur paraît nécessaire pour couper court aux graves objections que la zoologie et la physique soulèvent contre l’universalité absolue du déluge. Le pla cernent dans l’arche, qui était proportionnellement insuffisante, de toutes les espèces animales aujourd’hui connues et des provisions nécessaires à leur alimentation si variée durant une année ; les soins qu’exigeait leur entretien de la part de huit personnes seulement ; la nécessité pour les animaux venus de zones différentes de s’accommoder à un climat uniforme ; le repeuplement du globe entier, alors que les migrations des animaux spéciaux à l’Amérique et à l’Océanie, par exemple, n’ont pas laissé de traces, alors que les faunes ont toujours été localisées et que certaines espèces animales n’ont jamais existé en dehors de leurs zones respectives ; la conservation des poissons d’eau douce et d’eau salée dans le mélange des eaux de la pluie et des fleuves avec les flots de la mer : tout cela crée des difficultés insurmontables. D’autre part, dans le domaine de la physique, on ne peut guère expliquer la provenance de l’immense masse d’eau nécessaire pour inonder le globe entier. La quantité d’eau connue est insuffisante. Même sans tenir compte des crevasses et des enfoncements de la surface terrestre, il faudrait, au-dessus du niveau de la mer, un volume d’eau d’une profondeur égale à la hauteur du pie le plus élevé de l’Himalaya, à une hauteur de 8839 mètres. L’eau fut-elle suffisante, la submersion simultanée des deux hémisphères serait physiquement impossible. Celte submersion amènerait dans l’atmosphère un changement qui modifierait les conditions de la vie sur terre. Recourir à la toute-puissance divine pour expliquer ces impossibilités, c’est multiplier les miracles que le récit sacré ne mentionne pas et que les principes d’une sage exégèse ne permettent pas d’introduire inutilement.

Du reste, le texte de la Genèse peut s’interpréter légitimement, en restreignant les limites de l’inondation. Les expressions générales et absolues : « toute chair qui a vie sous le ciel, tout ce qui existe sur la terre ; toutes les hautes montagnes qui sont sous le ciel, » Gen., vi, 17 ; vu, 19, doivent être entendues d’après le génie propre des langues orientales. Or les Orientaux emploient sou vent l’hyperbole, non seulement dans leurs écrits poétiques, mais jusque dans leurs livres historiques, et rien n’est plus fréquent dans la Bible que de désigner des contrées déterminées par les mots « toute la terre ». La famine qui régna du temps de Jacob dans les pays voisins de la Palestine et de l’Egypte a prévalu sur toute la terre. Gen., xli, 54, 56, 57. L’entrée des Israélites en Palestine répand l’effroi chez tous les peuples qui habitent sous le ciel, Deut., ii, 25, c’est-à-dire chez les peuples limitrophes. De même, Deut., xi, 25, et II Par., xx, 29. Toute la terre qui désirait voir Salomon, III Reg., x, 24, était seulement la terre qui avait entendu parler de lui. À la première Pentecôte chrétienne, il y avait à Jérusalem des hommes de toute nation qui est sous le ciel, c’est-à-dire des Juifs de tous les pays de la dispersion. Les anciens exégètes avaient remarqué chez les écrivains bibliques l’emploi de termes absolus et généraux pour exprimer des faits restreints. S. Jérôme, In Isaiam, xiii, 5, t. xxiv, col. 160. Il est donc permis d’appliquer au récit du déluge dans la Genèse ce procédé de restriction, qui est nécessaire dans d’autres passages bibliques. Ce récit présente d’ailleurs des indices positifs de restriction. La colombe ne trouva pas où poser le pied, parce qu’il y avait de l’eau sur la surface de toute la terre. Gen., viii, 9. L’oiseau voyageur n’avait évidemment pas parcouru le globe entier, et « toute la terre » désigne simplement ici l’espace que la colombe avait exploré. Enfin, dans l’interprétation du récit biblique, il faut tenir compte du point de vue subjectif du narrateur et des lecteurs. Or Noé et ses premiers descendants, Moïse et ses contemporains, ne connaissaient pas le globe entier ; leur science géographique était bornée. Le récit du déluge, longtemps transmis par la tradition orale et enfin consigné par écrit, est conforme à leurs connaissances. Il ne se rapportait qu’à la terre alors connue d’eux, aux montagnes qu’ils avaient vues, aux animaux qui les entouraient et dont ils avaient entendu parler. Il est donc légitime de restreindre le texte sacré à la terre habitée, et, malgré des apparences contraires, cette restriction n’est pas en contradiction avec la narration de Moïse. Quant à la parole de saint Pierre, elle signifierait, si on la prenait à la rigueur, que la terre fut détruite par l’eau au temps du déluge comme elle le sera par le feu à la fin des temps. Toutefois le but de l’apôtre n’est pas de comparer les deux catastrophes au point de vue de l’étendue, mais seulement au point de vue de la certitude du fait et des effets produits.

La restriction de l’universalité du déluge à la terre habitée n’est pas opposée non plus à la tradition ecclésiastique, qui n’a pas reconnu sans exception l’universalité absolue de l’inondation. L’auteur anonyme des Quxstiones et responsiones ad orthodoxes, q. xxxiv, Pair, gr., t. vi, col. 1282, réfute quelques écrivains anciens qui disaient que le déluge n’a pas envahi toute la terre, mais seulement les contrées que les hommes habitaient alors. Théodore de Mopsueste soutenait ce sentiment, ainsi que nous l’apprend au vn « siècle Jean Philopon, De mundi créations, 1. i, c. xiii, dans Galland, Bïbliotheca veterum Patrum, Venise, t. xii, 1778, p. 486. Le cardinal Cajetan, In Genesim, viii, 18 (dans ses Opéra omnia in S. S., 5 in-f », Lyon, 1639, 1. 1, p. 46), excluait les sommets des plus hautes montagnes. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, trois écrivains protestants enseignèrent l’universalité restreinte du déluge. Isaac Vossius, De vera setate mundi, La Haye, 1659, s’en fit le champion et répondit aux objections de George Horn, Castigationes ad objecta Georgii Hornii, et Auctuarium castigationum ad scriptum de setate mundi, La Haye, 1659. Abraham van der Mill avait émis la même opinion dans un écrit publié plus tard, De origine animalium et migratione populorum, Genève, 1667, et Halle, 1705. Son gendre, André Colvius, communiqua le manuscrit’de son beau-père à Vossius, qui lui adressa une lettre, Ad Andream Colvium epistola qua refelluntur argumenta qux diverst

scripto de mtale mundi opposuere, La Haye, 1659. Une dissertation anonyme, De diluvii universalitate dissertatio prolusoria, 1667, attribuée à George-Gaspard Kirchmaier, restreint le déluge à l’Asie entière, ou même au centre de l’Asie, la seule partie du monde que les hommes occupaient alors. En 1685, les ouvrages de Vossius et de Horn sur la chronologie biblique et le déluge furent examinés par la congrégation de l’Index. Mabillon, qui vint alors à Rome, fut consulté à ce sujet, et, à la séance du 29 janvier 1686, il lut son Votum de quibusdam Isaaci Vossii opusculis, publié dans ses Œuvres posthumes, 1724, t. ii, p. 59-74. Des trois points incriminés, il n’étudia que le dernier, le seul contestable, celui qui concerne l’étendue du déluge. Il exposa les raisons favorables et défavorables, et conclut qu’à son avis il n’y avait aucun péril à tolérer le sentiment de Vossius, et qu’il valait mieux ne pas le censurer. Si cependant la congrégation jugeait plus sage de le condamner, il fallait en même temps frapper les ouvrages de Horn. La congrégation tint compte des conclusions de Mabillon, et par décret du 2 juillet 1686 condamna à la fois dix opuscules de Vossius et deux de Horn. Les motifs de la censure sont inconnus. On peut présumer que l’opinion du déluge restreint à la terre habitée n’a pas été directement atteinte, et que le décret prohibe seulement la lecture d’ouvrages d’écrivains protestants. Eût-elle été visée, cette opinion fut reprise par des catholiques, et, après avoir été expurgée des erreurs accessoires et appuyée sur de meilleures preuves, elle est soutenable et ne paraît pas contraire à l’orthodoxie. Cf. E. Mangenot, L’universalité restreinte du déluge à la fin du xvw siècle, dans la Science catholique, février et mars 1890, p. 148-158, 227-239. Elle compte de nombreux partisans : Samuel d’Engel, De la prétendue universalité du déluge et des divers systèmes qui ont servi à l’établir, Amsterdam, 1767 ; Alphonse Nicolai, Dissertazionie lezioni di Sacra Scrittura, Genesi, Florence, 1766, t. IV, p. 149 et 152 ; Marcel de Serres, De la cosmogonie de Moïse comparée aux faits géologiques, Paris, 1838, p. 205 ; Maupied, Dieu, l’homme et le mondé, 1851, t. iii, p. 803-805 ; de Bonald, Moïse et les géologues modernes, Avignon, 1835, p. 99 ; A. Sorignet, La cosmogonie devant les sciences perfectionnées, Paris, 1854, p. 59 ; Godefroy, Cosmogonie de la révélation, Paris, 1847, p. 293 ; Pianciani, Cosmologia naturale comparata col Genesi, appendice sopra il diluvio, dans la Civiltà cattolica, 19 septembre 1862, p. 28 et 290 ; H. Reusch, La Bible et la nature, trad. franc., Paris, 1867, p. 368-382 ; F. Hettinger, Apologie du christianisme, trad. franc., 1875, t. iii, p. 337 ; Lambert, Le déluge mosaïque, Paris, 1870, p. 359-394 ; C. Guttler, Naturforschung und Bibel in ihrer Stellung zur Schôpfung, Fribourg-en-Brisgau, 1877, p. 266-278 ; F. Vigoureux, Manuel biblique, 9e édit., 1. 1, p. 600-604 ; Crelier, La Genèse, Paris, 1889, p. 97-99 ; Brucker, L’universalité du déluge, Bruxelles, 1886, et Questions actuelles d’Écriture Sainte, Paris, 1895, p. 254-325 ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses d’après la Bible et la science, Paris, t. ii, p. 214-267 ; J. Gonzalez -Arintero, El diluvio universal, Vergara, 1891.

3° Universalité restreinte à une partie de l’humanité.

— D’autres savants, parmi lesquels on compte des écrivains catholiques, restreignent davantage encore le déluge et admettent que tous les hommes n’ont pas péri sous les flots, et que des races entières, éloignées depuis longtemps du théâtre de l’inondation, ont été préservées. Ces races seraient, d’après plusieurs, celles qui étaient issues de Caïn, et seule la lignée de Seth aurait été frappée. Quelques-uns même pensent que les populations qui se trouvaient en dehors de la vallée de l’Euphrate n’ont pas été atteintes. — Cette opinion repose sur les mêmes raisons que la seconde, dont elle n’est qu’une application plus rigoureuse. Elle part des difficultés scientifiques que la paléontologie, l’ethnologie et la linguistique opposent

à l’existence d’un déluge qui aurait englouti tous les hommes. Une multitude de faits de plus en plus nombreux permettent d’affirmer que dés les temps quaternaires l’homme occupait les quatre parties du monde, qu’il avait atteint les extrémités de l’ancien continent et qu’il touchait à celles du nouveau. A. de Qualrefages, Histoire générale des races humaines, Introduction à l’étude des races humaines, Paris, 1887, p. 64. Or les paléontologistes ne remarquent pas, par les ossements fossiles des humains, dans l’histoire des races lés lacunes que le déluge aurait dû y introduire. Aussi loin que remontent les documents historiques, on constate l’existence des races blanche, jaune et noire. Le nègre apparaît avec ses caractères distinctifs sur les plus anciens monuments de l’Egypte. Comme les variations se sont produites lentement sous l’influence des milieux, « les plus anciennes races humaines se sont formées, selon toute apparence, à la suite des changements qu’a subis notre globe et des premières migrations ». A. de Quatrefages, Histoire générale des races, p. 169. La linguistique confirme les conclusions de l’ethnologie. Les langues, si on admet leur formation naturelle, n’auraient pas eu le temps de se diversifier depuis le déluge jusqu’à l’époque où on les voit toutes formées. L’allongement de la chronologie biblique du déluge à Abraham, voir Chronologie de la Bible, col. 723-727, ne suffit pas à expliquer entièrement les faits constatés. Ces faits justifient donc la restriction du déluge à une fraction de l’humanité.

D’ailleurs cette restriction se concilie parfaitement avec le récit de la Genèse. Si, de l’aveu des partisans de l’universalité anthropologique, les expressions si absolues en apparence : « toute la terre, tous les animaux, » s’interprètent légitimement dans un sens restrictif, l’expression semblable : « Tous les hommes, » dans le même contexte, pourra s’entendre aussi d’une partie des hommes, des individus qui habitaient le théâtre de la catastrophe. Refuser d’admettre la restriction du mot tout quand il s’agit des humains, alors qu’on l’admet pour la terre et les animaux, serait une inconséquence que rien ne justifie. Il y a autant de motifs de restreindre l’universalité pour l’humanité que pour la terre et les animaux. La corruption morale, qui fut la cause du déluge, n’était pas absolument universelle, sinon dans la contrée où vivait Noé. La narration de la Genèse raconte les faits suivant la manière ordinaire de parler, selon laquelle « toute la terre » désigne la contrée submergée par les eaux ; « tous les hommes, » les habitants de cette contrée. En outre, la Genèse n’est pas l’histoire de l’humanité, mais seulement celle des ancêtres du peuple de Dieu. Or, au moment où elle raconte le déluge, elle a éliminé de son cadre des races entières, issues des fils et des filles d’Adam et des autres patriarches. Son récit du déluge, qui a d’ailleurs une couleur locale bien marquée, ne parle plus de ces races et n’a en vue que les habitants de la contrée où s’étaient passés les faits. Enfin, de l’aveu de tous, la table ethnographique du chapitre x de la Genèse n’est pas complète et ne mentionne pas les races jaune, rouge et noire. Ces races proviennent sans doute d’individus qui n’étaient pas de la lignée de Noé. L’abbé Motais, Le déluge biblique, in-8°, Paris, 1885, p. 301-333, avait cru trouver dans le Pentateuque des traces des survivants du déluge, et il nommait les Caïnites, les Amalécites, les Sodomites et les populations géantes de la Palestine, les Émim, les Zomzommim, les Avorim et les Horim. Mais ces traces sont peu probables. Voir Amalec, t. i, col. 426427 ; Cinéens, t. ii, col. 768-770, et Rambouillet, Gain redivivus, in-8°, Amiens, 1887.

A cette interprétation, les partisans de l’universalité du déluge quant aux hommes objectent, non sans fondement, que le récit biblique renferme divers traits qui sont directement et positivement opposés à toute restriction du cataclysme à une fraction de l’humanité. L’homme que Dieu veut détruire par le déluge, c’est l’homme qu’il a créé, qu’il

se repent d’avoir fait, Gen., vi, 5-8 ; c’est donc le genre humain et non une partie seulement de l’humanité. D’ailleurs Noé, après sa sortie de l’arche, est présenté comme le père et le chef de tous les hommes qui vivront après le déluge. Gen., ix, 1 et 19. Enfin le plan’de la Genèse n’élimine pas nécessairement avant le chapitre vi les entants de Cain et les autres descendants des patriarches en dehors de la lignée principale, qui devait être celle du peuple de Dieu. Cette lignée n’est complètement isolée qu’au début de l’histoire d’Abraham. À la troisième opinion, on oppose aussi des textes bibliques qui sont pris en dehors de la Genèse et qui affirment que tous les hommes ont péri dans le cataclysme. — Mais « l’espérance de l’univers, réfugiée sur un navire », qui conserva « le germe d’une postérité », Sap., xiv, 6, peut s’entendre de Noé, père des hommes postdiluviens, même dans l’hypothèse d’autres races survivantes. En tout état de choses, Noé, juste et parfait, fut la rançon de l’humanité ; il fut au moins une semence de justes ou le chef d’une nouvelle race. Eccli., xliv, 17 et 18. Si Jésus compare la fin du monde avec le déluge, qui emporta sinon tous les hommes, du moins tous les voluptueux du temps, Matlh., xxiv, 37-39, sa comparaison porte non sur l’universalité des victimes, mais bien sur le caractère inopiné du déluge et du jugement dernier, et il dit seulement : « Malgré les avertissements et les signes certains, les contemporains de Noé furent surpris par le déluge, qui les extermina tous. » Cf. Fillion, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1878, p, 470. Quand saint Pierre parle des huit âmes qui furent sauvées dans l’arche, I Petr., iii, 19 et 20, son but n’est pas de démontrer la nécessité ou l’universalité du baptême, mais son efficacité. Il compare l’eau du baptême à celle du déluge en tant qu’elle sauve, non en tant qu’elle perd, et il affirme que tous les baptisés seront sauvés aussi certainement que le furent le petit nombre d âmes qui étaient renfermées dans l’arche au temps du déluge. Drach, Êpîtres de saint Paul, Paris, 1871, p. 100. Si le même apôtre dit que Dieu n’a pas épargné le monde primitif et n’a sauvé que Noé le huitième, c’est-à-dire sept autres personnes avec lui, en amenant le déluge sur le monde des impies, II Petr., ii, 5-7, on peut expliquer sa parole du monde au milieu duquel vivait Noé, le prédicateur de la justice. Doue ces textes ne prouvent ni pour ni contre l’universalité ethriographique du déluge. Oppose-t-on à la troisième opinion l’accord unanime avec lequel les Pères reconnaissent l’universalité anthropologique du déluge, ses partisans répliquent qu’il est loisible de s’écarter du sentiment commun des Pères sur ce point aussi légitimement qu’au sujet de l’universalité géographique et zoologique. Il est vrai, on a dit que le témoignage des Pères relativement à l’inondation du globe et à la destruction des animaux ne constitue pas un enseignement ecclésiastique, tandis qu’il affirme la destruction du genre humain comme un point de foi, comme une vérité connexe avec la foi, puisqu’il la donne pour base à un type certain, à la signification figurative de l’arche, représentant l’Église, hors de laquelle il n’y a pas de salut. L’existence du type est indiscutable. Mais il n’est pas de la nature du type qu’il y ait équation entre lui et l’antitype qu’il représente. Un fait relativement universel peut servir de type à un fait absolument universel. La maison de Rahab est considérée par les Pères comme la figure de l’Église, eh dehors de laquelle il n’y a pas de salut. Les huit personnes qui étaient dans l’arche représentaient tous les sauvés. Les contemporains de Noé, les seuls habitants de la contrée submergée, peuvent représenter tous ceux qui seront damnés hors de l’Église, sans que la signification typique du déluge perde de sa valeur. L’universalité relative du déluge quant aux hommes suffit donc à maintenir la vérité du type. Les Pères, il est vrai, s’appuient sur l’universalité absolue de la destruction des hommes. Ils n’en ont pas fait toutefois une condition nécessaire du type prophétique ; ils n’ont pas

exclu expressément l’universalité relative, et leur manière de s’exprimer ne l’exclut pas équivalemment. Ils n’ont donc pas tranché d’autorité une question qui ne se posait pas pour eux.

Si la troisième opinion ne peut pas invoquer en sa faveur l’autorité des anciens, elle compte déjà beaucoup de partisans. Elle n’est pas tout à fait nouvelle. Le dominicain Jérôme Oléaster, Comment, in Pentateuchum, Lyon, 1586, p. 518, admettait que les Cinéens, Num., xxiv, 21, descendaient de Caîn. Isaac de la Peyrère restreignait le déluge à la Palestine, Systema theologicum ex Prseadamitarum hypothesi, 1655, p. 202-219 ; Aug. Malbert, Mémoire sur l’origine des nègres et des Américains, dans le Journal de Trévoux, 1733, p. 19401972 ; Frdr. Klee, Le déluge, considérations géologiques et historiques, 1853, p. 311-319 ; Ch. Schœbel, De l’universalité du déluge, 1856, et Annales de philosophie chrétienne, 1878, p. 422 ; d’Omalius d’Halloy, Biscours à la classe des sciences de l’Académie de Belgique, 1866 ; Scholz, Die KeilschriftVrkunden und die Genesis, 1877, p. 71 ; ’Notais, Le déluge biblique devant la foi, l’Écriture et la science, Paris, 1885 ; Ch. Robert, La non-universalité du déluge, Paris et Bruxelles, 1887 ; Encore la non-universalité du déluge, extraits de la Revue des questions scientifiques. Un plus grand nombre d’écrivains, sans l’adopter positivement, la tiennent pour libre, soutenable et probable. Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, p. 748-773 ; cardinal Meignan, De l’Éden à Moïse, Paris, 1895, p : 235-238 ; J. A. Zahm, Bible, science et foi, trad. franc., Paris [1896], p. 105-163 ; Schopfer, Histoire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1897, p. 82-87 ; Bibel und Wissenchaft, 1896, p. 201-245 ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 235-236, qui donne une bibliographie très complète. Si les sciences établissaient par une démonstration rigoureuse ou par un ensemble d’indications précises et convergentes la non-universalité anthropologique du déluge, on devrait admettre que le récit biblique ne s’y oppose pas. Mais les sciences n’ont pas encore jusqu’à présent établi ce fait, et on peut satisfaire à leurs légitimes exigences actuelles en reculant la date du déluge. Il n’est donc pas nécessaire d’adopter le sentiment qui restreint le déluge à une partie de l’humanité. On n’y serait contraint que si la nonuniversalité devenait une^ vérité incontestable, et on pourrait le faire ; puisque la foi n’y apporte pas obstacle. En attendant, il est sage et prudent de s’en tenir à la seconde opinion.

IV. Nature du déluge. — Aussi longtemps qu’on a admis l’universalité absolue du déluge, on a cru à son caractère miraculeux. Une intervention directe de Dieu était, en effet, nécessaire pour expliquer la submersion du globe entier, et l’universalité absolue de l’inondation entraîne comme conséquence logique une origine miraculeuse. Les anciens exégètes ont pu hésiter et ne pas s’accorder dans la détermination du point précis où l’action immédiate de Dieu s’était fait sentir, voir Motais, Le déluge biblique, p. 210-214 ; d’un accord unanime, ils ont reconnu dans le déluge biblique un fait produit en dehors dès lois ordinaires de la nature, un fait miraculeux. Mais dès qu’on a commencé à restreindre l’inondation à des limites déterminées, soit à la région qu’occupaient alors les hommes, soit aux pays connus des Hébreux, soit à une contrée particulière, elle est apparue comme un événement provoqué sans doute par une intention spéciale de Dieu, mais réalisé par le jeu des forces naturelles ; comme un fait providentiel dans son but, miraculeux dans son annonce prophétique, mais naturel dans son mode de production. Il y a donc lieu de se demander si le déluge a été produit par une intervention directe de Dieu, ou s’il a été l’effet de causes physiques dirigées seulement par la Providence.

L’annonce prophétique de la catastrophe ne prouve pas que le cataclysme lui-même a été miraculeux. D’autres 4357

DÉLUGE — DËMÉTRIUS I « SOTER

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événements, annoncés dans la Bible comme des vengeances divines, comme des châtiments exemplaires, ont été des phénomènes entièrement naturels en eux-mêmes. La destruction de Jérusalem, prédite par Jésus-Christ avec des détails plus circonstanciés que ceux du déluge, n’en fut pas moins réalisée par des agents naturels et humains. Tous les faits prophétisés ne sont pas des miracles. Pour que la prophétie se réalise, Dieu n’a pas besoin de déroger aux lois naturelles, il suffit que, sans nuire à leur fonctionnement régulier, il les dirige à ses fins, et que les causes physiques agissent spontanément au moment qu’il a fixé. Dieu est certainement intervenu, quand il a ordonné à Noé de quitter l’arche, Gen., viii, 15-17, et quand il a contracté avec lui une nouvelle alliance. Gen., viii, 21 et 22 ; ix, 1-17. Mais on peut soutenir que son action directe ne s’est pas fait sentir dans la production de l’inondation. Tandis que la légende chaldéenne du déluge fait intervenir les dieux dans l’exécution même de l’inondation, le récit de la Genèse, qui montre Dieu agissant avant et après l’événement, ne parle pas de son action dans la réalisation du cataclysme. Il indique expressément les causes physiques qui entrèrent en jeu, une pluie torrentielle et l’envahissement de la mer sur le continent, Gen., vii, Il et 12, sans les mettre dans les mains de Dieu. Les progrès et la décroissance de l’inondation sont aussi présentés comme s’opérant naturellement. Gen., vii, 17-19, 24, et viii, 2-14. Toute la marche de l’inondation est donc décrite dans la Genèse comme naturelle. Les indices de l’action directe de Dieu dans la réalisation même du déluge, qu’on a cru trouver dans le récit de la Genèse, ne sont pas certains ni assez évidents. La leçon de l’Italique : « Intrabunt ad te, » au lieu de : « Ingredientur tecum, » Gen., vi, 20, suivant laquelle saint Augustin, De Civit. Dei, xv, 27, t..xli, col. 475, a fait intervenir Dieu dans le rassemblement des animaux, ne répond pas au texte original, qui annonce simplement le fait, sans indiquer d’aucune manière le mode de son exécution. La Vulgate montre Dieu lerinant la porte de l’arche, Gen., vii, 16 ; le texte hébreu dit seulement que « Dieu ferma sur Noé ». Gela peut signifier simplement que par son action providentielle Dieu ne permit à personne, en dehors de la famille de Noé, de trouver un refuge dans l’arche. Muet sur toute action miraculeuse, le texte biblique est absolument formel en faveur des causes naturelles de l’inondation. On peut en conclure que, quoique providentiel dans son but, le déluge fut un événement naturel dans le mode de sa réalisation. R. de Girard, Le caractère naturel du déluge, Fribourg, 1894. Cette conclusion serait certaine, s’il était démontré que l’inondation fut localisée dans des limites assez étroites, ou que l’humanité était encore peu répandue. Elle perd de sa rigueur logique, si les hommes étaient déjà disséminés au loin et de divers côtés. Dans ce cas, l’inondation semble avoir dépassé la mesure des catastrophes ordinaires, et avoir exigé l’intervention miraculeuse de Dieu, conformément à l’interprétation générale.

Si le déluge peut être considéré comme un événement naturel, il est logique de chercher à découvrir le mode de sa réalisation. On n’a pas manqué à cette tâche, et les essais d’explications scientifiques peuvent se classer suivant leurs tendances en quatre groupes. — 1° Les théories cosmiques font appel à un changement dans la position de l’axe des pôles. Le déplacement plus ou moins subit de l’axe terrestre aurait eu pour effet de déverser tous les océans sur les continents et de produire une gigantesque barre d’eau qui aurait fait le tour du globe, en passant au-dessus des montagnes. Il est difficile d’indiquer une cause adéquate de ce brusque déplacement de l’axe terrestre. On a parlé du choc d’une comète et du soulèvement des montagnes, qui auraient changé la valeur de l’angle d’inclinaison de l’axe terrestre sur le plan de l’écliplique. Frd. Klee, Le déluge.

considérations historiques et géologiques, in-12, Paris, 1846, p. 83-123 et 205-332. — 2° Les partisans des théories volcaniques rapprochent le déluge de la catastrophe récente de la Sonde, et expliquent l’inondation par un soulèvement des eaux de la mer, produit par l’éruption d’un volcan. — 3° Les tenants des théories orogéniques rattachent le cataclysme à des soulèvements montagneux ou à des effondrements dans le genre de celui qui a englouti l’Atlantide. K. de Léonhard, Géologie, trad. Grimblot et Toulouzan, 1839 et 1840, t. ii, p. 722 ; Hugh Miller, Testimony of the rocks, 1858, p. 344-348. Cf. Reusch, La Bible et la nature, p. 395-398. — 4° La théorie sismique, s’appuyant principalement sur l’interprétation scientifique de la légende cunéiforme du déluge, explique l’inondation par un séisme ou tremblement de terre, qui se produisit au fond du golfe Persique et prqjeta sur les plaines de la Mésopotamie les flots de la mer. Un terrible cyclone se joignit au raz de marée, et l’onde sismique transporta l’arche de la ville de Surippak, située sur le rivage de l’Euphrate, aux montagnes de Nizir. Cette translation de l’arche d’aval en amont, à contrepente des fleuves du pays, est à elle seule un indice certain du caractère sismique et marin du cataclysme. E. Suess, Die Sintfluth, eine geologische Studie, Ie’fascicule de YAntlitz der Erde, Prague et Leipzig, 1883, p. 11-27 ; R. de Girard, La théorie sismique du déluge, Fribourg, 1895, p. 23-541. Il est impossible de dire laquelle de ces théories se rapproche le plus de la vérité. Toutes prêtent le flanc à la critique. Elles ont au moins le mérite de montrer que le déluge, qui est historiquement certain, est physiquement possible.

E. Mangenot.

    1. DEMAS##

DEMAS ( Ay]u.î-, nom probablement contracté de Ay]iJiif)Tpioç, ou selon quelques-uns de A^ap^o ; ), compagnon de saint Paul, qui le nomme parmi ses collaborateurs. Philem., 24. Dans la conclusion de l’Épitre aux Colossiens, iv, 14, il est également nommé, mais sans les éloges et recommandations qui accompagnent les autres noms. On voit par ces deux Epitres que Démas était avec l’Apôtre pendant sa première captivité, à Rome. Mais durant son second emprisonnement, saint Paul se plaint à Timothée que Démas, par amour du monde présent, l’ait abandonné et se soit retiré à Thessalonique. II Tim., iv, 9. Son retour dans cette ville a fait supposer qu’il en était originaire. Saint Jean Chrysostome, In II Tim., hom. x, 1, t. lxii, col. 655. En tout cas, il n’était pas de race juive, puisque saint Paul, Col., iv, 11, 14, le sépare « de ceux qui étaient circoncis ». On ne sait comment il finit sa vie. Quelques Pères, entre autres saint Épiphane, Hxres., li, 6, t. xli, col. 897, ont conclu de II Tim., iv, 9, qu’il avait apostasie. D’après Estius, au contraire, ce serait Démas que saint Ignace dans sa leltre aux Magnésiens appelle leur évêque digne de Dieu. Mais aucun document ne vient appuyer ces diverses conjectures.

E. Levesque.

    1. DÉMÉTRIUS##

DÉMÉTRIUS (AY]M-f, Tpio-). Nom de deux rois de Syrie, d’un orfèvre d’Éphèse et d’un chrétien.

1. DÉMÉTRIUS l « SOTER, roi de Syrie, fils de Séleucus IV Philopator et petit-fils d’Antiochus III le Grand (fig. 488). Il régna de 162 à 150 avant J.-C ; de l’ère des Séleucides, 151-162.

I. Son histoire. — Tout enfant, en 175 avant J.-C, il fut envoyé en otage à Rome, en échange de son oncle, Antiochus IV Épiphane, et y resta pendant tout le régne de ce prince. À la mort d’Ëpiphane, en 164, il demanda au sénat la liberté et la permission d’aller occuper le trône de Syrie. Le sénat refusa. Démétrius s’échappa de Rome avec la complicité de Polybe et débarqua en Syrie. Il avait alors vingt-trois ans. Polybe, xxxi, 12. Le pays se déclara en sa faveur ; le jeune Antiochus V Eupator, son cousin, fut mis à mort avec son tuteur Lysias, et Démétrius devint maître du royaume. Polybe, xxxi, 19-23 ; 1359

DÉMÉTRIUS I" SOTER

1360

Appien, Syriac, 46, 47 ; Justin, xxxiv, 3 ; Tite-Live, Epit., xlvi ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 1. I Mach., vii, 1-4 ; II Mach., xiv, 1-2. Voir Lysias. Il s’efforça de gagner la sympathie des Romains en leur envoyant une ambassade chargée de présents et en leur livrant l’assassin de l’ambassadeur Cn. Octavius. Ceux-ci le reconnurent pour roi sur les instances de Tibérius Gracchus. Polybe, xxxii, 4 et 6. Il s’occupa alors de pacifier l’Orient et délivra Babylone du satrape Héracléides, qui s’y était établi en maître. Ce fut alors que les Babyloniens lui décernèrent le titre de Soter ou Sauveur. Polybe, ibid. ; Appien, Syr., 47. Il chassa Aiiarafhe de Cappadoce ; mais le sénat romain soutint ce roi et le rétablit. Polybe, xxxii, 20, 3 ; cf. iii, 5, 2 ; Appien, Syr., 47 ; Tite-Live, Epit., xlvii ; Justin, xxv, 1. Démétrius tenta ensuite, mais sans succès,

488. — Tétradrachme de Démétrius I" Soter. Tête de Démétrius diadème, à droite. — $. BASIAEÛS AHMHTPIOT 2QTHP02. La Fortune de profil, à gauche, assise sur un trône, tenant un sceptre et une corne d’abondance. Dans le champ, à gauche, Ail et AIN, en monogramme ; dans l’exergue, la date EP (an 160 de l’ère des Séleucldes).

de s’emparer de Cypre par trahison. Polybe, xxxiii, 3, 2. Il s’aliéna bientôt ses sujets par ses débauches. Polybe, Xxxi, ’21, 8 ; xxxiii, 14, 1 ; Justin, xxxv, 1. Héracléides suscita contre lui Alexandre Balas. Polybe, xxxiii, 14 et 16. Voir Alexandre Balas-, t. i, col. 348-350. Soutenu par de puissants alliés, entre lesquels étaient les Romains, Attale, roi de Pergame, Ariarathe, roi de Cappadoce, et Ptolémée VI Philométor, roi d’Egypte, Alexandre vainquit Démétrius, et celui-ci périt dans la bataille. Polybe, xxxiii, 16 ; Appien, Syr., 67 ; Justin, xxxv, 1. Démétrius périt en 150 avant J.-C, après douze ans de règne. Polybe, iii, 5. II. Rapports de Démétrius avec les Juifs. — Dès le début du règne de Démétrius, Alcime, qui voulait être grand prêtre, se rendit auprès du roi de Syrie avec quelques-uns de ses partisans, pour l’engagera se rendre compte des désordres que, selon lui, Judas Machabée fomentait en Judée, et pour l’en punir, lui et ses amis. I Mach., vii, 5-7. Voir Alcime, 1. 1, col. 338-340. En 161, Démétrius envoya une armée, à la tête de laquelle il plaça Bacchide, gouverneur de Mésopotamie, avec ordre d’établir Alcime dans la dignité de grand prêtre et de châtier Judas. I Mach., vii, 8-9 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 2. Voir Bacchide, t. i, col. 1373-1374. Alcime et Bacchide feignirent des intentions pacifiques. Judas et ses frères ne s’y trompèrent pas (voir Judas Machabée) ; mais les Assidéens se laissèrent gagner. Voir Assidéens, t. i, col. 1131. Alcime et Bacchide saisirent soixante d’entre eux et les mirent à mort. L’épouvante s’empara alors de tout le peuple. I Mach., vii, 10-19 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 2. Bacchide quitta Jérusalem et s’établit à Bethzétha. I Mach., vii, 25 ; II Mach., xiv, 3-11 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 3. Voir Bethzétiia, t. i, col. 1763. Le roi envoya en Judée Nicanor, chef des éléphants et grand ennemi des Juifs, avec ordre de châtier ce peuple. Il devait s’emparer de Judas Machabée et rétablir Alcime dans le souverain pontificat. I Mach., vii, 26 ; II Mach., xiv, 12-13. Voir Nicakor. Les habitants de la Judée qui

n’étaient pas de race juive se joignirent à Nicanor, dans l’espoir de voir la ruine de leurs ennemis. II Mach., xiv, 14. Les Juifs furent remplis de terreur. Sur l’ordre de Judas, ils établirent leur camp à Dessau. II Mach., xiv, 15-16. Voir Dessau. Simon, frère de Judas, marcha à la rencontre des Syriens ; mais leur arrivée soudaine le mit en fuite. II Mach., xiv, 17. Voir Simon. Nicanor, qui avait en haute estime la valeur de Judas et de ses compagnons, résolut d’entrer en pourparlers avec eux. Il envoya en ambassade Posidonius, Théodotion et Mathias. Une entrevue fut décidée entre Judas et Nicanor. Judas prit ses précautions pour ne pas être surpris. Nicanor, de son côté, se conduisit avec douceur. Judas lui était sympathique ; il lui donna une épouse, et pendant quelque temps ils vécurent en paix. I Mach., vii, 27-29 ; II Mach., xiv, 18-25. Ces relations pacifiques furent interrompues par les intrigues d’Alcime. Celui-ci dénonça Nicanor à Démétrius. Il présenta au roi le chef des éléphants comme un conspirateur, qui voulait placer Judas sur le trône de Syrie. Le roi, irrité, donna à Nicanor l’ordre de lui amener Judas enchaîné à Antioche. Nicanor n’osait rompre la trêve sans que Judas lui donnât un motif de le faire. Cependant il chercha une occasion d’exécuter l’ordre qu’il avait reçu. Judas s’aperçut du changement survenu dans l’esprit de Nicanor et se cacha. II Mach., xiv, 26-30 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 3-4. Une bataille s’engagea à Capharsalama, entre les troupes syriennes et celles de Judas. Voir Capharsalama, col. 210. Nicanor fit de nombreux prisonniers, en massacra un certain nombre et jeta leurs corps dans un puits. Il confia ensuite le pays à Alcime, laissa quelques troupes pour le défendre et retourna vers Démétrius. I Mach., vu, 20-21. Judas entreprit de délivrer son pays de la tyrannie d’Alcime. Celui-ci, incapable de résister, demanda de nouveau le secours de Démétrius. I Mach., vii, 27-31. Près de cinq mille Syriens périrent dans le combat ; le reste s’enfuit dans la cité de David. I Mach., vii, 32 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 4. Nicanor monta alors vers le mont Sion. Un groupe de prêtres vint le saluer et lui montrer les victimes destinées aux holocaustes qu’on offrait pour le roi. Il les traita avec insolence et menaça de brûler le Temple, si Judas et son armée n’étaient livrés entre ses mains. Les prêtres implorèrent la vengeance de Dieu contre l’impie. I Mach., vii, 33-38 ; II Mach., xiv, 31-36 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5. Nicanor quitta ensuite Jérusalem et s’établit à Béthoron, où il fut rejoint par une armée syrienne. Judas et son armée campèrent dans le voisinage, à Adarsa. I Mach., vii, 39-40. Voir Adarsa, t. i, col. 213-214, et Béthoron 1, t. i, col. 1699-1705. En apprenant cela, Nicanor résolut d’attaquer l’armée juive un jour de sabbat. Les Juifs qui s’étaient ralliés à lui le supplièrent de respecter, le jour du Seigneur. Il leur répondit insolemment ; mais il ne put exécuter son dessein. II Mach., xv, 1-5. Judas pria et exhorta ses soldats à combattre avec courage et confiance en Dieu. I Mach., vii, 41-42 ; II Mach., xv, 7-11. Le grand prêtre Onias et le prophète Jérémie lui apparurent en songe et lui promirent la protection céleste. II Mach., xv, 12-16. L’armée tout entière fut remplie d’ardeur, et les habitants de Jérusalem eurent grand espoir. II Mach., xv, 19-20. Le combat fut livré le 13 du mois d’adar. I Mach., vu, 43. Voir Adar 3, t. i, col. 211. Judas invoqua le Dieu d’Israël, et remporta une victoire complète. Nicanor lui-même succomba. I Mach., vii, 43-46 ; II Mach., xv, 25-29. Un jour de fête fut établi en souvenir de ce triomphe, la veille du jour de Mardochée. I Mach., "vu, 48-49 ; II Mach., xv, 36-37 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5 ; Meghillath Thaamith, 12 ; Le Talmud de Jérusalem, trad. Schwab, t. viii, in-8°, Paris, 1886, p. 217. Judas profita de la défaite de Nicanor (161) pour mettre à exécution un projet qu’il caressait depuis longtemps, celui de faire alliance avec Rome. Les ambassadeurs juifs devaient en même temps demander au sénat de signifier à Démétrius qu’il eût 1361

DÉMÉTRIUS I" SOTER — DÉMÉTRIUS II NICATOR

1362

à s’abstenir de toute guerre contre leur nation. L’alliance fut conclue, et ordre fut envoyé de Rome à Démétrius de respecter désormais la Judée, sous peine d’être châtié par Rome. I Mach., viii, 19 et 31-32. Pendant ces négociations, Démétrius, pour venger Nicanor, avait envoyé une armée considérable, commandée par Racchide (160). Alcime accompagnait le général syrien. Les troupes grecques traversèrent la Galilée, campèrent à Masaloth et tuèrent un grand nombre de Juifs qui s’étaient réfugiés près de là, dans les cavernes d’Arbèles (voir Arbèles, t. i, col. 884) ; elles marchèrent ensuite vers Jérusalem, puis se rendirent à Béréa. 1 Mach., ix, 1-4. Voir Bérée, t. i, col. 1606. Judas campait à Laisa. Voir Laisa. Bacchide s’avança pour l’attaquer. Effrayés par le nombre des Syriens, les soldats de Judas désertèrent presque tous. Huit cents seulement restèrent fidèles. Malgré cette infériorité, Judas engagea la lutte. I Mach., ix, 5-10. Josèphe, Ant.jud., XII, xr, 1. Il mit en déroute l’aile droite de l’armée syrienne et la poursuivit jusqu’à Azôt ou Aza. Voir Azot, t. i, col. 1309. Mais l’aile gauche enveloppa Judas, et ce héros succomba criblé de blessures. I Mach., ix, 11-22. Délivré de son vaillant adversaire, Bacchide établit la domination syrienne par la violence et la cruauté, et avec la complicité de tous les Juifs traîtres à leur patrie et à leur Dieu. I Mach., IX, 23-27. Ceux qui restèrent fidèles élurent pour chef Jonathas, frère de Judas. I Mach., ix, 28-31. Voir Jonathas. Bacchide lui dressa des embûches ; mais Jonathas et Simon, son frère, s’enfuirent dans le désert de Thécué, près du lac Asphar. I Mach., ix, 32-34. Voir Simon. Bacchide les poursuivit peu après et attaqua les Juifs un jour de sabbat, sur les bords marécageux du Jourdain. Malgré la sainteté du jour, Jonathas n’hésita pas à livrer combat. Il faillit tuer Bacchide ; puis, vaincu par le nombre, il se sauva à la nage avec son armée. I Mach., ix, 43-48. Bacchide retourna à Jérusalem, et pour assurer la domination de Démétrius il fortifia les villes d’Ammaûs, de Béthoron, de Béthel, de Jéricho, de Thamnatha, de Phara, de Thopus, de Bethsura, de Gazara, et y établit des garnisons syriennes et des dépôts de vivres. I Mach., IX, 50-53. Il enferma comme otages dans la citadelle de Jérusalem les fils des principaux habitants du pays. I Mach., ix, 54. Après la mort d’Alcime, qui survint vers cotte époque, Bacchide retourna auprès de Démétrius, et la Judée fut tranquille pendant deux ans. I Mach., IX, 54-57. Cependant les intrigues des ennemis de Jonathas ramenèrent Bacchide en Judée. Jonathas, averti, fit mettre à mort cinquante des traîtres et se réfugia à Bethbessen, dans le désert. Simon fut chargé de la défense de la forteresse, et Jonathas fit des incursions dans le pays. I Mach., IX, 58-66. Bacchide attaqua Simon et fut vaincu. Jonathas lui offrit la paix. Bacchide accepta et se retira pour ne plus revenir. Cependant les troupes de Démétrius I er continuèrent à tenir garnison dans les forteresses syriennes et à Jérusalem. Jonathas s ! établit à Machmas. I Mach., ix, 67-73. Pendant quatre ans, de 157 à 153, la Judée fut tranquille.

En 153, Démétrius Soter, inquiet des agissements d’Alexandre Balas, écrivit à Jonathas pour lui demander son appui contre l’usurpateur. Il conféra au chef juif le droit de lever des troupes et de fabriquer des armes et lui rendit les otages. Jonathas vint à Jérusalem et lut les lettres du roi ; il restaura les murs de la ville et y établit sa résidence. I Mach., x, 1-12. Cependant il ne se crut pas engagé envers Démétrius, et, plus confiant dans les promesses d’Alexandre Balas, il fit alliance avec ce dernier. I Mach., x, 15-21. Démétrius écrivit alors une seconde lettre par laquelle il exemptait les Juifs d’impôts de diverses natures, déclarait Jérusalem ville sainte et libre, remettait à Jonathas la citadelle, le confirmait dans sa dignité de grand prêtre et promettait de faire don au Temple de quinze mille sicles par an et des revenus de la ville de Ptolémaïde, de mettre en liberté tous les prisonniers juifs et de les exempter d’impôîs, de respecter

le sabbat et les jours de fêtes, ainsi que les trois jours qui précéderaient et qui suivraient, d’empêcher toute action contre les Juifs pendant ce temps, de prendre à sa solde trente mille de leurs compatriotes, qui seraient commandés par des chefs de leur propre race, de leur ouvrir l’accès des fonctions publiques. Trois villes de Samarie devaient être jointes au pays gouverné par le grand prêtre. Droit d’asile était donné au Temple. Démétrius I er s’engageait enfin à contribuer à la restauration des murailles de Jérusalem. I Mach., x, 25-45. Ces promesses étaient trop belles pour que Jonathas les crût sincères ; il resta fidèle à Alexandre. Un combat s’engagea entre les deux rois, et Démétrius fut tué. I Mach., x, 46-50. Voir de Saulcy, Histoire des Machabées, in-8°, Paris, 1880, p. 201-233. E. Beurlier.

2. DÉMÉTRIUS II NICATOR, roi de Syrie, fils de Démétrius Soter (fig. 489). Il régna une première fois 489.

Tétradraohme de Démétrius II ÏUcator.

Tête de Démétrius barbu et diadème, de profil, à droite. — fi. BASIAEQS AHMHTPIOT ©EOT NIKATOPOS. Zeus, assis sur un trône, à gauche, la chlamyde sur l’épaule et sur les genoux, s’appuyant sur un long sceptre et portant une petite Victoire sur sa main droite. Sous le trône r SI ; dans l’exergue, la date EIIP (an 185 de l’ère des Séleucides), et un monogramme composé des lettres Ail. Monnaie frappée à Sidon.

de 146 à 138 avant J.-C. (de l’ère des Séleucides, 166 175), et une seconde fois de 130 à 125 avant J.-C. (de l’ère des Séleucides, 182-187).

I. Son histoire. — Son père l’envoya à Cnide au moment où Alexandre I er Balas envahit la Syrie, et ainsi il put échapper aux mains du vainqueur. Voir Alexandre Balas, t. i, col. 348-350. Il demeura en exil pendant quelques années ; puis, en 148 ou 147 avant J.-C, il débarqua en Cilicie avec une troupe de Cretois. Voir Cretois, col. 1116. Ptolémée Philométor se déclara en sa faveur et lui donna en mariage sa fille Cléopâtre, qu’il avait d’abord donnée à Alexandre. Avec cet appui, il défit son adversaire, qui périt en Arabie, où il s’était réfugié. Justin, xxxv, 2 ; Tite-Live, Epit., lui ; Appien, Syriac., 67 ; Josèphe, Ant.jud., XIII, iv ; I Mach., x, 67 ; xi, 1-18. Cette victoire valut à Démétrius II le surnom de Nicator. Ptolémée mourut peu après. Désormais exempt de toute crainte, Démétrius s’abandonna à ses instincts de cruauté et s’aliéna l’esprit de ses sujets. Il licencia toutes ses troupes, à l’exception des mercenaires crétois. I Mach., xi, 38. Un prétendant nommé Diodote et surnommé Tryphon alla chercher en Arabie un fils d’Alexandre Bdas et groupa autour de lui tous les mécontents. Il réussit à s’emparer d’Antioche et d’une grande partie de la Syrie. Démétrius se retira à Séleucie et à Babylone, d’où il-s’engagea dans une expédition contre les Parthes. Après avoir remporté quelques succès, il fut attiré dans un piège, défait et emmené captif (138). Justin, xxxvi, 1 ; xxxvii, 9 ; Tite Live, Epit., lui ; Appien, Syriac. , 67 ; Josèphe, Ant.jud., XII, v ; I Mach., xi, 39-40 ; xlv, 1-3. Justin et Appien, ibid., placent la révolte de Tryphon après la captivité de Démétrius, le premier livre des Machabées la place avant. Le récit biblique est cer4363

DÉMÉTRIUS II NICATOR — DÉMÉTRIUS, ORFÈVRE

1364

tainement celui qui donne la suite exacte des événements. Le roi des Parthes, Arsace VI Mithridate I er, traita son prisonnier avec magnanimité, lui donna un train royal et lui fit épouser sa fille Rhodogune. Après la mort de Mithridate, Démétrius tenta plusieurs fois de s’échapper ; malgré cela, Arsace VII Phraate III le traita avec douceur. Cependant Antiochus VII Sidetès, frère de Démétrius, vainquit Tryphon. Une fois en possession du trône, le nouveau roi commença une expédition contre les Parthes. Ceux - ci, pour faire diversion, délivrèrent Démétrius, qui marcha contre son frère. Antiochus VII périt dans un combat, et Démétrius recouvra sa couronne ( 130), qu’il conserva en dépit des efforts de Phraate. Justin, xxxviii, 9, 10 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 4. Il entreprit alors une expédition contre l’Egypte ; mais il fut abandonné par ses soldats et par ses sujets, qui le détestaient. Ptolémée Physcon lui suscita un adversaire en la personne d’Alexandre Zébina. Démétrius fut défait et obligé de fuir. Cléopâtre, qui ne pouvait lui pardonner son mariage avec Rhodogune, lui refusa l’entrée de Ptolémaïde. Démétrius périt assassiné (125), peut-être par les ordres de la reine, au moment où il tentait de s’embarquer pour Tyr. Justin, xxxix, 1 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, rx, 3 ; Appien, Syriac, 68 ; Tite Live, Epit., lx. Démétrius porte sur ses monnaies, outre le surnom de Nicator, ceux de Théos et de Philadelphe. Sur les monnaies antérieures à sa captivité, il est toujours représenté imherbe ; après sa délivrance, il porte souvent une longue harbe, comme les rois parthes. Eckhel, Doctrina nurnorum, t. iii, p. 229-231, croit que c’est en souvenir de sa captivité. M. Babelon, Catalogues de monnaies grecques de la Bibliothèque nationale. Les rois de Syrie, in-8°, Paris, 1890, p. cxlv-cxlvi, pense qu’il voulait ainsi se donner un type divin, celui de Jupiter Olympien. Les pièces où le roi est barbu sortent de l’atelier d’Antioche ; celui de Tyr conserva le type imberbe.

II. Rapports de Démétrius II avec les Juifs. — Jonathas, comme Judas Machabée, resta fidèle à Alexandre I er Balas ; il eut pour cette raison à soutenir l’attaque d’Apollonius, gouverneur de Cœlésyrie, qui s’était déclaré en faveur de Démétrius II. Voir Apollonius 1, t. i, col. 776. Le gouverneur rassembla une armée près de Janina, et provoqua Jonathas au combat. Celui-ci réunit dix mille hommes et marcha sur Joppé, dont il s’empara. I Mach., x, 69-76. Après une victoire remportée près d’Azot, Jonathas s’empara de cette ville et y mit le feu. Le temple de Dagon fut détruit ; un grand nombre d’habitants de la ville et de Syriens périrent par le glaive ou dans les flammes. Ascalon eut le même sort, et Jonathas rentra triomphant à Jérusalem. I Mach., x, 77-87 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, IV, 4. Après la mort d’Alexandre Balas, Jonathas mit le siège devant la citadelle de Jérusalem. Démétrius le fit venir à Plolémaïde, pour rendre compte de sa conduite. Jonathas se rendit dans cette ville, accompagné d’une nombreuse suite de prêtres et d’anciens du peuple et porteur de riches présents. Le roi fut gagné, combla Jonathas d’honneurs, le confirma dans sa dignité de grand prêtre et, moyennant la promesse de trois cents talents, exempta d’impôts la Judée et les trois districts de Samarie et de Galilée joints à ce pays. I Mach., xi, 20-28, 11 écrivit à Lasthène le Cretois, qui lui avait fourni les auxiliaires à l’aide desquels il avait conquis son royaume, et à qui il avait confié les rênes du gouvernement, une lettre dans laquelle il indiquait toutes les immunités accordées à la Judée et à ses dépendances. I Mach., xi, 29-37 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 9. Lors de la révolte de Tryphon (143), Jonathas écrivit à Démétrius II pour lui demander de rappeler la garnison syrienne établie dans la citadelle de Jérusalem. Le roi promit tout ce qu’on lui demanda et plus encore, si les Juifs venaient à son aide. Jonathas envoya trois mille hommes à Antioche. Les Juifs trouvèrent la ville révoltée, le roi menacé de mort et enfermé dans son palais ; ils massacrèrent les

insurgés, mirent le feu à la ville, délivrèrent le roi et retournèrent à Jérusalem chargés de dépouilles. I Mach., xi, 44-51. Démétrius, une fois hors de danger, oublia ses promesses. I Mach., xi, 52-53 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 1-3. Cependant Tryphon et le jeune Antiochus VI, fils d’Alexandre Balas, s’avançaient avec’les troupes licenciées par Démétrius et s’emparaient d’Antioche. Démétrius II fut contraint de fuir, et Antiochus fut proclamé roi. I Mach., xi, 54-56. Antiochus écrivit aussitôt à Jonathas pour le confirmer dans tous ses privilèges, et lui envoya de riches présents ; il nommait en outre Simon général de l’armée qui défendait la côte depuis Tyr jusqu’à l’Egypte. 1 Mach., xi, 57-59 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 4. Jonathas soutint Antiochus contre Démétrius, prit Ascalon et Gaza, et conquit pour le jeune roi tout le pays jusqu’à Damas. I Mach., XI, 60-63. Cependant les troupes de Démétrius II, partant de Cadès en Galilée, attaquèrent Jonathas dans les plaines d’Azor. Un moment surpris, les Juifs furent mis d’abord en déroute ; mais Jonathas releva leur courage, et l’armée de Démétrius fut défaite. I Mach., xi, 63-74 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 6-8.

L’année suivante (143), ayant appris que les lieutenants de Démétrius, avec des forces nouvelles, voulaient attaquer la Judée, il marcha au-devant d’eux et les rencontra dans la région d’Amathite, voir t. i, col. 447. Informé par ses espions que les Syriens voulaient tenter une surprise nocturne, il se tint sur ses gardes, et les assaillants se retirèrent découragés. Jonathas les poursuivit sans pouvoir les atteindre. I Mach., xii, 24-30. Simon mit une garnison à Joppé, pour empêcher qu’on ne livrât cette ville à Démétrius. I Mach., xii, 33-34 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 10-11. Après la mort de Jonathas, traîtreusement assassiné par Tryphon, Simon se retourna du côté de Démétrius. Le roi répondit à ses avances par une lettre où il lui promettait la paix, lui permettait de tenir garnison dans certaines forteresses, enfin lui faisait remise des impôts. En même temps il lui envoyait de riches présents. L’autonomie de la Judée était reconnue sous le gouvernement de Simon (142). I Mach., xiii, 34-43 ; Josèphe, Ant. jud., ’XIII, vi, 1-6.

Dans la lettre qu’il écrivit aux Romains pour solliciter leur alliance, Simon rappelle que Démétrius l’a reconnu en qualité de grand prêtre et a fait alliance avec lui. I Mach., xiv, 38-39. Les Romains envoyèrent à Démétrius II notification du traité conclu entre eux et Simon. I Mach., xv, 22. Mais celui-ci n’était plus sur le trône, il était prisonnier d’Arsace. I Mach., xiv, 1-3. Depuis ce moment il n’eut plus aucune relation avec les Juifs. Voir de Saulcy, Histoire des Machabées, in-8°, Paris, 1880, p. 233-278. E. Beurlier.

3. DÉMÉTRIUS, orfèvre d’Éphèse qui fabriquait de petits temples en argent, à l’imitation du fameux sanctuaire de Diane, à Ephèse. Act. xix, 24. Il employait de nombreux ouvriers et se faisait un revenu considérable avec ces petits édicules, qu’il vendait comme des talismans ou objets de piété pour se procurer la protection de la grande déesse. (Voir Diane.) En voyant les progrès de l’Évangile, il craignit pour son trafic ; alors, réunissant tous les artisans qui vivaient de ce travail, il leur représenta non seulement le tort que la prédication de Paul allait faire à leur métier, mais l’abandon dans lequel tomberait forcément le culte de Diane. Excités par ces paroles, ils se mettent à crier : « Elle est grande, la Diane des Éphésiens. m La ville fut bientôt toute dans l’agitation et le trouble ; on se précipite au théâtre, en y entraînant deux compagnons de saint Paul. L’Apôtre voulait s’y rendre pour haranguer la foule ; mais ses disciples et quelques-uns des Asiarques (voir ASIARQUE, t, i, col. 1001) l’en détournèrent. Un Juif nommé Alexandre, poussé par ses coreligionnaires, voulut parler au peuple, sans doute pour dégager leur cause de celle des chrétiens (voir Alexandre 5. t. i. col. 350), mais dès qu’on sut qu’il était Juif, les cris redoublèrent et durèrent pendant deux heures. Enfin un greffier ou secrétaire de la ville persuada habilement au peuple que personne n’en voulait à la grande déesse, et que s’ils continuaient ce tumulte, on les accuserait de sédition ; que si Démétrius avait à se plaindre, il pouvait s’adresser aux magistrats, qui jugeraient la cause. Il congédia ensuite l’assemblée, et tout rentra dans le calme. Act. xix, 23-40.

E. Levesque.

4.DÉMÉTRIUS. Chrétien, vivement recommandé par saint Jean dans sa lettre à Gaïus. III Joa., 12. Peut-être était-il le porteur de cette lettre ; on ne sait rien de plus sur ce personnage. Quelques auteurs, comme Serarius, Comm. in Epist. Canon., in-f°, Paris, 1704, p. 104, ont supposé que ce Démétrius d’Éphèse n’était autre que le précédent converti à la foi. Mais rien n’appuie cette conjecture, pas plus que celle de Salmeron, Disputation., t. xvi, p. 336, qui semble faire de ce chrétien un évêque, ni celle de la Chronique controuvée de Lucius Dexter, d’après laquelle Démétrius serait le frère de Gaïus, à qui saint Jean adressa cette lettre.

E. Levesque.


DEMOISELLE DE NUMIDIE, oiseau appartenant au genre grue (voir Grue), et nommé ardea virgo par

[Image à insérer] 400. — Demoiselle de Numidie.

les naturalistes (fig. 490). Cet oiseau est remarquable par la grande élégance de ses formes. Les plumes de sa tête sont noires et se prolongent en avant par une belle touffe de même couleur, qui retombe sur la poitrine. Sur cette parure sombre se détachent deux aigrettes de plumes blanches, qui prennent naissance auprès des yeux et se dirigent en arrière de la tête. Cet ensemble gracieux a valu à l’animal son nom de virgo, « demoiselle. » La taille de l’oiseau est celle de la grue cendrée. Il se rencontre en Turquie, dans la Russie méridionale, dans le nord de l’Afrique et dans les régions avoisinantes en Asie. Les monuments égyptiens le reproduisent. Aussi est-on fondé à croire que la demoiselle de Numidie est mentionnée, en même temps que la grue cendrée, sous le nom générique de ’âgûr, dans les deux passages où il est parlé des cris de la grue, Is., xxxviii, 14, et de l’époque de sa migration. Jer., viii, 7.
H. Lesètre.


DÉMON, ange révolté contre Dieu et précipité du ciel en enfer. Le même nom s’applique à tous les anges déchus, devenus pervers et méchants et cherchant à nuire aux hommes.

I. Les noms du démon.

Dans le texte hébreu.

1. Ṡâtân, dans Job avec l’article, haṡṡatân, du verbe ṡâtân, « dresser des embûches, persécuter, être adversaire. » Ce nom implique donc à la fois ruse et méchanceté. Le nom de Satan ne se trouve du reste que très

[Image à insérer] 491. — Invocation au démon malfaisant.

On a trouvé à Carthage, dans une tombe romaine datant du Ier ou du IIe siècle de notre ère, une lamelle de plomb portant une Invocation au « démon », génie malfaisant. Un magicien a tracé, au stylet, sur cette feuille de métal une enceinte elliptique quadrillée, qui représente le cirque, puis de petits ronds séparés par des barres pour figurer les carceres d’où partaient les chars pour la course. Enfin on y voit une double liste de noms de chevaux accompagnés de lettres cabalistiques, ΑΒΡΑΧ, etc., et on y lit cette invocation :

DEMON • QVI (H)IC • CONVER
SANS • TRADO • TIBI • (H)OS
EQVOS • VT DETENEAS
ILLOS • ET • INPLICENTVR
(N)EC SE MOVERE POSSINT

(Corpus Inscriptionum Latinarum, t. viii, n° 12504).

rarement dans la Bible hébraïque pour désigner le démon. Job, i, 6, 9, 12 ; ii, 3, 4, 6, 7 ; I Par., xxi, 1 ; Zach., iii, 1, 2. —

2. Les deux noms belilya‘al et ‘âzâ’zêl ne peuvent être considérés comme désignant le démon dans le texte hébreu. Voir t. i, col. 1561, 1874.

Dans les versions.

1. Σατᾶν, Satan, pour traduire le ṡâtân hébreu. Il faut remarquer toutefois que les Septante n’emploient jamais Σατᾶν pour traduire ṡâtân comme nom propre ; ils se servent alors de διάβολος. Σατᾶν ne se trouve que pour rendre le mot hébreu en tant que nom commun. III Reg., xi, 14, 24. La Vulgate traduit alors par adversarius. —

2. Δαίμων, dæmon, et δαιμόνιον, dæmonium. Le mot δαίμων, qui vient probablement comme δαήμων, « savant, » d’un radical δάω, « enseigner, » et au passif « connaître », ou encore de δαίω, « diviser » et « allumer », désigne dans les auteurs grecs les dieux, le destin, les divinités inférieures, les âmes des morts et les génies, bons ou mauvais, attachés à un homme, à une cité, etc. Le mot δαιμόνιον est donné par les mêmes auteurs quelquefois aux divinités, Act., xvii, 18 ; plus souvent aux êtres intermédiaires entre les dieux et les hommes et aux génies. Dans certains textes, « Démon » est réellement un génie malfaisant. Plutarque, Cæs., 69 (fig. 491). Les deux mots grecs ne prennent le sens précis de « démon » que dans les Septante et le Nouveau Testament. Il y a donc là adaptation d’un mot ancien à une idée nouvelle. Cf. Bailly-Egger, Dictionnaire grec-français, Paris, 1895, p. 425, 434. Les versions traduisent par ce nom différents mots du texte hébreu dont le sens est moins déterminé : še‘îrîm, « boucs, » idoles ayant la forme de ces animaux, Lev., xvii, 7 ; II Par., xi, 15, et parfois boucs sauvages vivant au désert, Is., xiii, 21 ; xxxiv, 14 ; voir t. i, col. 1871 ; — šēdîm, « puissants, » idoles analogues aux be‘âlîm, « seigneurs » ou dieux, Deut., xxxii, 17 ; Ps. cvi (cv), 37 ; — ĕlilim, « des néants, » autre nom donné aux idoles, Ps. xcvi (xcv), 5 ; — ṣiyyîm, « bêtes sauvages » habitant le désert, Is., xxxiv, 14 ; — yâšûd, « ce qui dévaste, » dans ce texte du Ps. xcxi (xcx), 6 :

La peste qui se glisse dans les ténèbres,
La ruine qui dévaste en plein midi.

Les Septante mentionnent ici un « démon du midi », par suite du rapport qu’ils supposent entre yâsûd et Sêdîm, « puissants, » et d’après eux c démons », les deux mots venant du même radical sud, « être puissant » et « dévaster ». Les versions de Baruch, iv, 7, 35, emploient les mots δαιμόνια, dæmonia. — 3. Διάβολος, diabolus, de διάβαλλω, « diviser, attaquer, calomnier. » Chez les auteurs grecs, διάβολος est le nom de l’homme qui inspire la haine ou l’envie, Pindare, Fragm. 270 ; Aristophane, Equit., 45, et du calomniateur. Aristote, Topic., 4, 5, 9, 11. L’Écriture se sert de ce nom pour désigner le démon. Les Septante rendent par διάβολος le šâtân hébreu dans les deux premiers chapitres de Job, I Par., xxi, 1, et Zach., iii, 1, 2, où la Vulgate traduit par Satan. — Au Ps. cix (cviii), 6, où David souhaite que l’accusateur (šâtân employé comme nom commun) se tienne à la droite du traître, on lit διάβολος, diabolus dans les versions. Voir Diable. — Dans le texte de III Reg., xxi, 13, des hommes de belîya‘al, c’est-à-dire des vauriens, sont appelés par les Septante hommes de « transgressions » et d’« apostasie », et par la Vulgate filii diaboli et viri diabolici. — Les versions du psaume lxxvii (lxxviii), 49, parlent d’ « anges mauvais », ἀγγέλοι πονηροί, angeli mali. En hébreu, les mal’âkê rà‘îm sont seulement des « anges de malheurs », probablement de bons anges envoyés par Dieu, comme l’ange exterminateur, pour châtier les coupables.

3ᵒ Dans le Nouveau Testament.


1. Σατανᾶς, Satanas, et jamais l’indéclinable Satan. Ce mot désigne ordinairement le prince des démons. —
2. Διάβολος, diabolus, avec le même sens. —
3. Δαίμον, δαιμόνιον, dæmon, dæmonium, nom donné aux anges qui obéissent à Satan. —
4. Béelzébub. Voir t. i, col. 1547. —
5. Le « dragon » ou « serpent antique » du paradis terrestre. Apoc, xii, 3, 9 ; xiii, 2 ; xvi, 13 ; xx, 2. —
6. Le « tentateur », ὁ πειράζων, tentator. Matth., iv, 3. —
7. Le « mauvais », πονηρός, malignus, nequam. Act., xix, 12 ; I Joa., ii, 13. —
8. L’ « adversaire », ὁ ἀντίδικος, qualificatif du diable. I Petr., v, 8. —
9. L’ « esprit immonde », τὸ ἀκάθαρτον πνεῦμα, spiritus immundus. Matth., xii, 43, etc. Ce nom est donné à Satan et à tous les démons. —
10. Dans saint Paul, Ephes., vi, 12, « princes et puissances, » « gouverneurs de ce monde de ténèbres, » κοσμοκράτορες τοῦ σκότους τούτου, mundi redores tenebrarum harum, cf. Luc, xxii, 53, « esprits de malice, » πνευματικὰ τῆς πονηρίας, spiritualia nequitise. —
11. Belial. Voir t. i, col. 1561. —
On ne peut présenter comme des noms du démon, ainsi que quelques Pères l’ont fait, les mots Behemoth, qui désigne l’hippopotame, voir 1. 1, col. 1551, et Leviathan, qui désigne le crocodile, voir t. ii, col. 1120. Le nom de « Lucifer » lui-même n’apparaît dans la Sainte Écriture que pour signifier l’aurore ou une brillante étoile, ἑωσφόρος, hêylêl. Dans le passage où Isaïe, xiv, 12, écrit : « Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer ! » il s’adresse à Babylone, dont il prédit la chute retentissante. Le nom de Lucifer, comme du reste tout le passage d’Isaïe, xiv, 12-15, ne peuvent donc s’appliquer à Satan que dans le sens figuré. Voir Petau, De angelis, III, ii, 21.

II. La notion du démon dans l’Écriture. —

1ᵒ De Moïse à Salomon.

Ainsi que nous l’avons constaté à propos des noms du démon, l’idée de l’ange déchu semble avoir été à dessein laissée dans l’ombre à travers les plus anciens livres de l’Écriture. Dans le récit de la chute, il n’est question que d’un serpent ; mais ce serpent cache une personnalité spirituelle et invisible qui n’est pas nommée. La tromperie dont la femme est victime est attribuée, non pas à l’esprit qui se dissimule dans le serpent, mais au serpent lui-même, et c’est ce dernier seul que semble frapper la sentence divine. Gen., ii, 13-15. L’intention formelle du narrateur sacré est donc de ne pas nommer Satan. Le motif de ce silence se comprend. Le but de Moïse était d’établir inébranlablement dans l’esprit de son peuple l’idée du Dieu invisible, mais unique, tout-puissant, maître absolu de toutes choses en ce monde, particulièrement du bien et du mal. S’il eût nommé dès la première page de la Genèse un être invisible, assez puissant pour contrecarrer par sa malice les volontés de Dieu et faire avorter ses plans , les Hébreux grossiers n’auraient sans doute pas manqué de faire dé cet être une divinité du mal, analogue à la divinité du bien , et de détourner vers elle la plus grande partie de leurs hommages inspirés par la crainte. C’est ainsi que les Égyptiens honoraient à la fois Râ et les dieux du bien, Set et les dieux du mal. Chez les Chaldéens, la plupart des dieux étaient malfaisants, et le culte consistait principalement à conjurer leurs attaques. Cf. Maspero, Histoire ancienne de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 157, 630-636. Il n’en pouvait être ainsi chez les Hébreux. Aussi le législateur inspiré et, à son exemple, les écrivains sacrés qui le suivent, n’attribuent-ils au génie du mal qu’un rôle tout subalterne.

2ᵒ Dans le livre de Job et après la captivité de Babylone.

Pour la première fois le nom de Satan apparaît dans le livre de Job. Le démon s’y montre envieux, malfaisant, cruel envers l’homme vertueux, dont il semble se faire un ennemi personnel. Mais son action est étroitement subordonnée à la permission de Dieu. Job, I, 12 ; ii, 6. Cette subordination est même si accusée, qu’Herder a cru pouvoir ne reconnaître dans le Satan de Job qu’un g ange entièrement soumis à Dieu, dont il n’est que le messager… ; l’ange justicier de Dieu, qui l’envoie pour découvrir et punir le mal ». Histoire de la poésie chez les Hébreux, trad. Carlowitz, Paris, 1851, p. 102. Cette idée n’est point juste, car Satan manifeste des sentiments de haine qui ne sauraient convenir à un ange fidèle. Job, i, 9-11 ; ii, 5. Il ne serait pas exact non plus d’affirmer, comme l’ont fait quelques auteurs, que la notion distincte du démon n’est parvenue aux Hébreux qu’à la suite de leur contact avec les Perses, durant la captivité, et qu’en conséquence le Satan de Job ne désignerait qu’un « adversaire » indéterminé. Le silence de l’Ecriture ne prouve

pas que le nom et la personnalité de Satan hissent inconnus des Hébreux avant la captivité. Les fréquentes allusions que l’un des livres salomoniens fait à l’arbre de vie, Prov., iii, 18 ; xi, 30 ; xiir, 12 ; xv, 4, et au che. min de vie, Prov., ii, 19 ; v, 6 ; x, 17 ; xii, 28, démontrent, au contraire, que l’histoire du paradis terrestre était alors familière à tous, et que le rôle joué par l’esprit du mal n’échappait à personne. Rosenmûller, Iobus, Leipzig, 1806, t. i, p. 51 ; Fr. Delitzsch, Bas Buch lob, Leipzig, 1876, p. 50. À l’époque où fut composé le livre de Job, le danger d’une déification de Satan était beaucoup moindre qu’au temps de Moïse. À plus forte raison en futil ainsi après la captivité de Babylone. Satan est nommé deux fois dans les livres postérieurs à cette époque. Tandis que le texte des Rois, II, xxiv, 1, dit simplement, à propos du dénombrement suggéré à David : « La fureur du Seigneur continua à s’irriter contre Israël, » le livre des Paralipomènes, I, xxi, 1, s’exprime ainsi : « Satan s’éleva contre Israël. » Zacharie, iii, 1, 2, signale la présence de Satan debout devant le grand prêtre Jésus pour lui faire opposition. — On a prétendu à tort que les Juifs avaient emprunté aux Perses, à la fin de la captivité, la notion de Satan. Les documents cunéiformes établissent que, longtemps avant les Perses, les Chaldéens admettaient l’existence d’esprits méchants, et c’est là une des croyances primitives de l’humanité. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Crédit., t. i, p. 227.

3° Dans les Septante. — Après la captivité, le nom de Satan fut regardé comme exécrable, et il fut interdit de le prononcer. Berachoth, ꝟ. 60, 1. Aussi ne se trouvet-il jamais comme nom propre sous la plume des Septante, qui étaient des traducteurs juifs. Par contre, ceuxci se croient le droit de substituer le nom des « c démons » à d’autres noms moins précis usités dans les livres hébreux. Ainsi ils appellent formellement SatinSvc » les idoles de différents noms : se’îrîm, Lev, , xvir, 7 ; II Par., xi, 15 ; Mdîm, Deut., xxxii, 17 ; Ps. cvi (cv), 37 ; elilîm, Ps. xcvi (xcv), 6 ; d’autres idoles de nom inconnu, Bar., iv, 7, 35, et même des animaux du désert. Is., xxxiv, 14. Dans le livre de Tobie, iii, 8, il est question d’un irovïipbv Satuôvtov du nom d’Asmodée. Voir Asmodée. Dans la Sagesse, H, 24, le démon est appelé 8t160Xo ; . « Cependant nulle part la littérature hébraïque ne confond Satan avec une divinité adorée dans les contrées voisines ; nulle part il n’est dit que les hommages adressés à Baal ou à Moloch s’adressent en définitive à Satan. » Dëllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 232. Les Septante se contentent seulement d’identifier les idoles avec les démons en général. — Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 3, donne le nom de 5a : y.6vux aux âmes des méchants qui sont morts. Celte idée n’a rien de biblique. 4° Dans le Nouveau Testament. — L’Évangile et les écrits des Apôtres nomment fréquemment Satan et les démons. Le Sauveur dénonce formellement aux hommes leur ennemi acharné, « celui qui peut perdre en enfer le corps et l’âme. » Matth., x, 28. Non seulement cette révélation rie court plus le risque de favoriser la démonolâtrie, mais elle est absolument nécessaire pour expliquer l’existence du mal moral au sein de l’humanité, faire comprendre la vie de Jésus-Christ venu « pour détruire les œuvres du démon », I Joa., iii, 8, et justifier la lutte à laquelle il convie ses disciples.

III. L’action du démon d’après l’Écriture. — 1° Au paradis terrestre. — La Genèse ne parle que d’un serpent. Saint Jean, à la dernière page des Saints Livres, déclare que Satan, le diable, est le serpent antique dont il est question à la première page. Apoc, xii, 9 ; xx, 2. C’est par son envie, par sa jalousie contre l’homme, que la mort est entrée dans le monde à la suite du péché. Sap., ii, 24 ; Hebr., ii, 14. Il est ainsi homicide dès le commencement. Joa., viii, 44. Sa jalousie contre l’homme vient de ce qu’il n’a pas su lui-même demeurer dans la

vérité, Joa., vni, 44, et qu’avec ses anges il a été précipité dans le feu éternel. Matth., xxv, 41.

2° Dans le livre de Job. — Satan se présente avec les anges au conseil de Dieu, parle de ses allées et venues sur la terre et tient sur Job des propos ironiques. Job, i, 6, 8, 10. Cette description fait partie du prologue d’un livre poétique, et les anciens interprètes ne se sont pas crus obligés d’y voir autre chose qu’une allégorie, destinée à rendre sensible ce que l’intelligence humaine ne pourrait naturellement concevoir. Knabenbauer, In Job, Pans, 1885, p. 41-43. Le récit « renferme au moins un fonds de vérité historique, savoir : que Satan a été l’instrument dont Dieu s’est servi pour éprouver son serviteur, et qu’il n’a rien pu que ce que Dieu lui a permis. Mais ces communications de Dieu avec de purs esprits, comprenons-nous comment elles se passent, et pouvons-nous les exprimer d’une manière simple et vulgaire autrement que par des métaphores ? Le langage figuré était donc ici nécessaire ». Le Hir, Le livre de Job, Paris, 1873, p. 234. — Satan fait le tour de la terre et la parcourt en tous sens. Job, i, 7. C’est « l’adversaire, le diable qui rôde partout comme un lion rugissant, à la recherche d’une proie ». I Petr., v, 8. — Satan accuse Job de ne pratiquer la vertu que par intérêt. Job, i, 10, 11 ; ii, 5. Saint Jean dit de lui : « Il est à bas l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait nuit et jour en présence de notre Dieu. » Apoc, xii, 10. — Satan frappe Job dans ses biens et dans son corps, de même qu’il frappera les sept premiers maris de Sara, fille de Raguel, Tob., iii, 8, et beaucoup d’autres malheureux dont parle l’Évangile. Luc, xiii, 16, etc. — Les afflictions que Satan inflige à Job ne triomphent pas de sa vertu. Donc, non seulement Dieu commande en maître à Satan et règle la mesure de ses attaques, I Cor., x, 13 ; mais l’homme lui-même peut résister au démon et lui disputer victorieusement son âme.

3° Dans le livre de Tobie. — Contre le démon homicide Asmodée, la prière adressée à Dieu obtient le secours du saint ange du Seigneur Raphaël. Tob., iii, 8, 24, 25. Les hommes ne sont donc pas abandonnés à la malice des démons ; les bons anges interviennent pour les défendre. — Ce qui fait que le démon peut violenter les hommes, c’est que ceux-ci s’abandonnent à leurs mauvaises passions. Tob., vi, 17. — Raphaël, après que, sur son ordre, le jeune Tobie a brûlé le foie du poisson, « se saisit du démon et le relègue dans le désert de la haute Egypte. » Tob., viii, 3. À partir de ce moment, le démon n’inquiète plus Sara. Le désert était regardé comme l’habitation du démon. Bar., iv, 35. Notre -Seigneur dit que, « quand l’esprit immonde est sorti d’un homme, il s’en va errer dans les lieux arides et y cherche le repos sans le trouver. » Matth., xii, 43. C’est pourquoi les Septante parlent de 8ai(idvia dans deux passages d’Isaïe, xiii, 21 ; xxxiv, 14, où il n’est question que de bêtes du désert. Saint Jean fera aussi de Babylone ruinée et déserte l’habitation des démons et le repaire des esprits immondes. Apoc, xviii, 2. Ce séjour est assigné au démon parce qu’il n’y trouve point d’hommes auxquels il puisse nuire.

4° Dans les Évangiles et les Épîtres. — 1. La plupart des passages évangéliques qui parlent du démon se rapportent à des possessions. Voir Démoniaques. — 2. Le démon ne cherche pas seulement à nuire aux corps ; il s’attaque surtout aux âmes. Il les tente pour les faire tomber dans le mal, Act., v, 3 ; I Cor., vii, 5 ; II Cor., il, 11 ; il leur dresse des embûches, Ephes., iv, 27 ; vi, 11, et cherche à les prendre dans ses liens. I Tim., iii, 6, 7 ; vi, 9 ; II Tim., ii, 26. Pécheur dès l’origine, il travaille à faire commettre le péché. I Joa., iii, 8. Pour mieux guetter sa proie, il se tient dans les régions aériennes voisines de la terre. Ephes., vi, 12. Il en veut surtout à ceux qui sont chargés de procurer le salut des âmes, II Cor., xii, 7 ; il contrarie leurs projets, I Thess., ii, 18,

et s’acharne à les faire passer par le crible des persécutions. Luc, xxii, 31. — 3. Pour mieux séduire, Satan sait se transformer en ange de lumière. II Cor., xi, 4. Il sème le mauvais grain dans le champ du Seigneur, Mat th., xiii, 39, et en ôte le bon grain. Marc, iv, 15 ; Luc, viii, 12. Les démons ont leur doctrine, qui combat la foi et les mœurs. I Tim., iv, 1. Par le culte des idoles, ils se font rendre l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu. I Cor., x, 20, 21. — 4. Le pouvoir des démons est limité par Dieu, et ils ne peuvent l’exercer qu’avec sa permission. Ils sont habituellement enchaînés dans les prisons infernales, dans lesquelles ils ont été précipités sans que le pardon leur ait été offert, et ils attendent le jugement qui les réduira à l’impuissance absolue. II Petr., ii, 4 ; Jud., 6. « Les démons croient et tremblent. » Jacob., Il, 19. Us sont à la torture quand ils sentent la présence de Dieu. Matth., xi, 29 ; Marc, v, 7 ; Luc, viii, 28. Les bons anges luttent contre eux, mais respectent la liberté que Dieu leur laisse. « Quand l’archange Michel entra en contestation avec le diable pour lui disputer le corps de Moïse, il n’osa pas porter un jugement et le taxer de blasphème ; mais il dit : Que le Seigneur te commande ! » Jud., 9. Aussi Satan est-il appelé le « prince de ce monde », Joa., xii, 31 ; xiv, 30, et le « dieu de ce siècle ». II Cor., iv, 4 ; Ephes., Il, 2. — 5. Les disciples de JésusChrist doivent lutter contre les démons avec « une foi courageuse ». I Petr., v, 8 ; Ephes., vi, 12. Ils peuvent vaincre Satan avec la grâce de Dieu, II Cor., xii, 7, 9 ; I Joa., ii, 13, 14, qui’les aide à le fouler aux pieds. Rom., XVI, 20. La résistance qu’on lui oppose le met en fuite. Jacob., iv, 6. Quand les disciples le chassaient, Jésus-Christ voyait « Satan tombant comme la foudre du haut du ciel », Luc, x, 18, c’est-à-dire précipité honteusement et en un clin d’œil des hauteurs où il s’établit pour persécuter les âmes. Un jour, les chrétiens fidèles seront les juges des mauvais anges. I Cor., vi, 3. — 6. Tous ne savent pas résister victorieusement à Satan. Il en est même qui font cause commune avec lui. Notre-Seigneur reprochait aux scribes et aux pharisiens leur opposition à sa mission et leur disait : « Vous faites ce que vous avez vu auprès de votre père… Vous venez d’un père qui est le diable, et vous voulez mettre à exécution les désirs de votre père. » Joa., viii, 41, 44. Satan eut une action particulière sur l’apôtre Judas. Déjà un an avant la trahison, le Sauveur pouvait dire à propos du traître : « L’un de vous est un diable. » Joa., vi, 71. Satan inspira à Judas sa trahison, Joa., XIII, 2, et il finit par rentrer en lui pour l’aider à exécuter son forfait. Luc, xxii, 3 ; Joa., xjii, 27. Par l’excommunication, l’Église livrait à Satan ceux qui commettaient des crimes scandaleux. Cf. I Cor., v, 5 ;

I Tim., i, 20. Les hommes se trouvent donc divisés en deux camps, les enfants de Dieu et les enfants du diable. Act., xxvi, 18 ; Col. i, 13 ; IThess., v, 5 ; I Joa., iii, 10.

II ne peut exister aucun accord entre les deux camps, entre le Christ et Bélial. II Cor., vi, 14-17. Cf. Dôllinger, Le christianisme et l’Église, trad. Bayle, Tournai, 1863, p. 229-231 ; Petau, De angelis, III, ii-vi ; O. Everling, Diepaulinischevngelologie, in-8°, Gœttingue, 1888.

5° Dans l’Apocalypse. — Saint Jean décrit dans ce livre les destinées de l’Église de Dieu, et, à cette occasion, donne d’importants détails sur la lutte entreprise contre elle par Satan. Il signale la présence à Smyroe de faux Juifs qui combattent l’Évangile et forment une « synagogue de Satan ». Le diable doit exciter la persécution dans cette ville et faire mettre en prison les disciples du Seigneur. Apoc, ii, 9, 10. — À Pergame, il y a le « siège de Satan », les temples de Jupiter, de Minerve, de Bacchus, et surtout celui d’Esculape, qui était un puissant foyer d’idolâtrie. Apoc, ii, 13. — À Philadelphie se trouve une autre « synagogue de Satan », composée de faux Juifs. Apoc, iii, 9. — L’invasion de sauterelles, qui suit le signal donné par la trompette du cinquième ange, est

commandée par ï l’ange de l’abîme, qui se nomme en hébreu Abaddon, en grec Apollyon, et en latin l’Exterminateur ». Apoc, ix, 11. Voir Abaddon. — Au chapitre xii, 1-17, saint Jean trace le tableau de la guerre entreprise par le Dragon contre la femme qui représente l’Église. Ce Dragon a sept têtes couronnées et dix cornes, et sa queue entraîne la chute du tiers des étoiles. Il s’apprête à dévorer l’enfant de la femme. « Alors un grand combat se livra dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le Dragon, le Dragon combattait avec ses anges. Mais ceux-ci ne l’emportèrent pas, et il ne se trouva plus de place pour eux dans le ciel. Et fut précipité ce grand Dragon, le serpent antique, appelé diable et Satan, qui séduit le monde entier ; il fut précipité sur la terre, et ses anges furent chassés avec lui. » C’était l’accusateur de nos frères devant Dieu. Il cherche à assouvir sa fureur sur la terre, « sachant qu’il ne dispose pas d’un long temps. » Il persécute la femme, cherche à l’engloutir et, ne le pouvant pas, tourne sa rage contre ses enfants, les serviteurs de Dieu. Ce passage semble faire allusion à la lutte initiale qui eut lieu dans le ciel, au moment de la révolte du premier ange et de ses complices. Toutefois il ne s’y rapporte pas littéralement. Le combat dont parle ici saint Jean est postérieur à l’existence de la femme, qui est l’Église, et à la naissance de son enfant. D’ailleurs l’apôlre note expressément que ce Dragon, qui lutte dans le ciel avec Michel, n’est autre que le « serpent antique ». La description de saint Jean a donc trait à une des phases de la guerre menée par Satan contre l’Église. — De la bouche du Dragon sortent des esprits immondes, des démons qui opèrent des prodiges. Apoc, xvi, 13, 14. — Un ange du ciel saisit le Dragon, le lie pour mille ans et l’enferme dans l’abîme, d’où Satan sortira, après cette période écoulée, pour recommencer la lutte. Apoc, xx, 2, 3, 7. — De tous ces passages de l’Apocalypse, il résulte que Satan est l’ennemi acharné de l’Église, qu’il met tout en œuvre pour perdre ses enfants ; mais que Dieu se sert de ses anges pour contenir la fureur des démons et assurer leur châtiment final. Cette révélation devient claire et complète à la fin des Livres Saints. Les actes et les paroles de Notre-Seigneur ont démasqué Satan, et le mystère de la rédemption a porté sa malice au comble. Il convient donc qu’alors l’Église soit officiellement avertie de la guerre que va lui livrer l’ennemi, et qu’elle soit encouragée à la lutte par la certitude de la victoire finale. IV. Les démons en face de Jésus-Christ. — 1. Le démon se présente pour la première fois à Notre-Seigneur au désert, après le jeune de quarante jours. Jésus-Christ est conduit dans ce désert par l’Esprit pour être tenté par le démon. Il ne pouvait être tenté à la manière des hommes, et surtout ne pouvait succomber à la tentation. Il consent néanmoins à se prêter humblement aux recherches de Satan. Celui-ci pose deux fois la question significative : « Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres se changent en pain… ; jette-toi du haut en bas. » Il ressort nettement du texte qu’il veut savoir si l’homme auquel il s’adresse est le Fils de Dieu. Les deux premières réponses de Jésus ne. lui apprennent rien. Alors, avec plus d’audace, Satan propose au Sauveur un acte abominable d’idolâtrie, qui sera récompensé par la possession de toutes les richesses de la terre. Le divin Maître le chasse avec indignation, sans rien dire qui puisse le renseigner dans un sens ou dans l’autre. Matth., iv, 1-11 ; Marc, I, 12, 13 ; Luc, iv, 1-13. Peu satisfait du résultat de son enquête, le tentateur <c s’en va pour un temps », Luc, iv, 13, se promettant de renouveler l’expérience sous une autre forme. — 2. Peu après, Jésus trouve un possédé dans la synagogue de Capharnaùm, et l’esprit immonde lui crie : il Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth ? Tu viens donc nous perdre ? Je sais bien qui tu es, le Saint de Dieu. » Marc, i, 24 ; Luc, iv, 34. Le Sauveur ne répond pas à l’insinuation du démon et lui commande de se taire. Les démons persistaient à prétendre qu’ils le con

naissaient et qu’il était le Christ. Le divin Maître leur imposait silence et ne leur répondait ni oui ni non. Marc, i, 34 ; Luc, iv, 41. — Une autre fois, « les esprits immondes, on le voyant, se prosternaient devant lui et s'écriaient : C’est toi le Fils de Dieu. Et il les menaçait sévèrement pour qu’ils ne le découvrissent point. » Marc, m, 12. Ils l’appelaient « Fils du Dieu Très-Haut », et le suppliaient de ne pas les torturer. Matth., viii, 29 ; Marc, v, 7 ; Luc, viii, 28. Notre -Seigneur prescrivait aux démons de se taire pour rejeter tout témoignage venu d’eux. Cf. Petau, De angelis, I, viii, 13-15. D’ailleurs ce cri des démons ne pouvait être inspiré par aucun bon sentiment. Interpeller ainsi NotreSeigneur, « c’est une manière de combattre le Prophète ; en appelant Jésus : Saint de Dieu, Fils de David, Messie enfin, ils réveillent dans la foule les idées fausses qu’elle attache à ce titre, et nous savons que rien n'était plus propre à entraver i’action du vrai messianisme. » Didon, Jésus-Christ, Paris, 1891, t. i, p. 295. — 3. Jésus-Christ manifeste l’opposition que lui fait Satan au moyen des Juifs qui se laissent conduire par ses inspirations, et auxquels il reproche d’avoir le diable pour père. Joa., viii, 44. Satan trouve un auxiliaire dans Judas, dont il s’empare. Luc, xxii, 3 ; Joa., xiii, 2, 27. — 4. Notre -Seigneur déclare formellement, peu avant sa passion, que « c’eut maintenant le jugement du monde, maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ». Joa., xii, 31. La rédemption va, en effet, le déposséder de l’empire qu’il possédait sur l’humanité. Après la dernière Cène, le Sauveur ajoute : « Voici venir le prince de ce monde, et il n’a rien contre moi. » Joa., xiv, 30. Il n’a, en effet, aucun droit de mort sur celui qui n’a point péché en Adam. « Le prince de ce monde est déjà jugé, » Joa., xvi, 11, dit encore Notre-Seigneur ; sa sentence définitive a été portée dès sa révolte dans le ciel, et le nouvel attentat qu’il va commettre ne servira qu'à la faire ratifier. Au jardin de l’agonie, Jésus-Christ déclare qu’il pourrait recevoir du Père pour sa défense plus de douze légions d’anges, Matth., xxvi, 53, mais qu’il s’abandonne à ses ennemis parce que c’est leur heure et « la puissance des ténèbres », Luc, xxii, 53, c’est-à-dire l’heure où Satan, prince des ténèbres, Eph., vi, 12, pourra tout oser contre lui. — 5. Par sa mort, Jésus-Christ « détruit celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable ». Hebr., ii, 14. « Il a effacé le texte du décret qui nous était contraire, et l’a mis hors d’usage en le fixant à la croix. Dépouillant ainsi les principautés et les puissances, il les a données hardiment en spectacle et en a publiquement triomphé en sa propre

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492. — Têtes de démons. Musée de Saint -Louis à Cartbage.

personne. » Col., ii, 14, 15. Ainsi a cessé en droit l’empire de Satan, en attendant qu’il cesse en fait à la fin du monde.

Les mauvais esprits ont été figurés par l’art chrétien sous la forme d'êtres hideux. Ces représentations sont antérieures au christianisme, et on les retrouve chez les pæns. Parmi les amulettes que l’on rencontre parfois en si grand nombre dans les tombeaux puniques de Carthage, on remarque souvent des têtes cornues à face de satyre (Qg- 492), offrant les diverses expressions que l’on donne de nos jours aux figures du démon. Tous ces masques proviennent de sépultures datant du vi « siècle

environ avant notre ère.
H. Lesêtre.
    1. DÉMONIAQUES##

DÉMONIAQUES (SaijH>v : £ô|i.evoi, Sat|iovio-81vT£ç, 8ai(idvca ïxovteç, acX>]vta£<>tievot, a demonio vexati, deemonia kabentes, lunalici), possédés du démon, c’est-à-dire hommes sur le corps desquels le démon exerce un pouvoir malfaisant. Voir § III.

I. Les cas de possession diabolique. — 1° Dans l’Ancien Testament. — Par deux fois, il est dit de Saûl qu’un esprit mauvais, rûah râ'dh, venant de Dieu, c’està-dire déchaîné par la permission de Dieu, fit irruption en lui. Cet esprit l’agitait, lui inspirait une humeur farouche et homicide, qu’il fallait calmer au moyen de la musique. I Reg., xvi, 14-16 ; xix, 9. Josèphe, Ant. jud., VI, viii, 2, raconte que les mauvais esprits causaient à Saûl des suffocations et des étranglements, si bien que les médecins ne lui prescrivaient aucun autre remède que la musique. Plus loin, VI, xi, 2, il fait dire par Jonathas que David a chassé les mauvais esprits et les démons qui hantaient Saûl, et qu’il lui a rendu la tranquillité.

2° Dans le Nouveau Testament. — 1. En général, la possession est accompagnée de diverses maladies : la privation de la vue et de la parole, Matth., xii, 22 ; Luc, xi, 14, ou de la parole seule, Matth., ix, 32 ; la contraction musculaire persistante, Luc, xiii, 11, 16 ; des maladies non indiquées par les évaiigélistes. Matth., vm, 16 ; Marc, i, 32, 34, 39 ; Luc, iv, 41 ; vii, 21 ; viii, 2 ; Matth., xv, 22 ; Marc, vii, 25. — 2. Dans plusieurs cas, les démons produisent la paralysie et l'épilepsie (le mal des o-e).ïjvia !  ; 6[ievoi ou lunatiques). Matth., IV, 24 ; Marc, m, 11 ; Luc, vi, 18. Certains démoniaques épileptiques présentent des caractères effrayants. Tel est le jeune homme qu’on amène aux Apôtres, pendant que NotreSeigneur est sur la montagne de la Transfiguration. Le démon le maltraite de toutes manières, le déchire, le jette dans le feu ou dans l’eau. Tour à tour le malheureux possédé écume, grince des dents, se roule à terre, tombe en prostration, perd la parole et pousse des cris. Matth., xvii, 14 ; Marc, ix, 16, 17 ; Luc, ix, 39. — 3. Chez les démoniaques de Gadara, c’est la folie la plus furieuse. Ils sont deux à habiter dans des sépulcres, toujours redoutables aux passants et brisant toutes les chaînes dont on veut les charger. L’un en particulier met tout en pièces, crie sans cesse, ne souffre pas de vêtements, se frappe avec des pierres et court le désert sous l’impulsion du démon. Matth., viii, 28-32 ; Marc, v, 2-13 ; Luc, viii, 27-33. — 4. Le démon fait parler certains possédés, déclarant par leur bouche qu’il reconnaît en Jésus-Christ le Fils de Dieu. Marc, I, 24, 34 ; iii, 2 ; v, 7 ; Luc, iv, 34, 41 ; viii, 28 ; Matth., viii, 29. Voir Démon, IV, 2. À Philippes, en Macédoine, une fille possédée d’un esprit python poursuit saint Paul et Silas en criant : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu TrèsHaut, qui vous annoncent la voie du salut. » Act., xvi, 16-18. — 5. Enfin il arrive aussi que certains possédés tombent au pouvoir de plusieurs démons et non plus seulement d’un seul. Notre-Seigneur dit que quand l’esprit immonde est sorti d’un homme, il va chercher sept autres esprits pires que lui pour reprendre possession de sa victime. Matth., xii, 43-45 ; Luc, xi, 24-26. Madeleine fut ainsi possédée de sept démons. Marc, xvi, 9. Les démons étaient en si grand nombre dans un autre malheureux, qu’ils s’appelaient eux-mêmes « légion ». Marc, v, 9 ; Luc, viii, 30.

II. RÉALITÉ DES POSSESSIONS DIABOLIQUES. — On lait

valoir contre cette réalité certaines raisons qui se résument aux deux suivantes. — 1° Les possédés ne sont que des malades ordinaires atteints de folie, d'épilepsie, d’hystérie et de certaines affections que la science du temps ne savait pas caractériser. Chez les Grecs, par exemple, 8<zi[iovàv signifiait simplement « avoir l’esprit égaré ». Euripide, Phœnic, 888 ; Xénophon, Memor., i, I, 9 ; Plutarque, Marcel., 23 ; Lucien, Philops., 16. De même, dans l'Évangile, on dit à Jésus qu’il a un démon, pour marquer qu’il ne sait plus ce qu’il dit ni ce qu’il fait. Matth., xi, 18 ; Joa., vii, 20 ; viii, 48, 52 ; x, 20. Sans

doute Notre - Seigneur parle de démons et semble les chasser ; mais « il se conforme à la manière de parler de son temps, et guérit ces infortunés sans partager l’erreur populaire ». Winer, BMisches Realwôrterbuch, Leipzig, -1833, 1. 1, p. 191. — 1. Il est vrai que plusieurs des symptômes signalés chez les démoniaques de l’Évangile, se rencontrent chez certains malades. Ceci prouve seulement ou que le démon a la puissance de produire dans les corps des maladies connues, comme il l’a fait pour Job, ii, 7, ou qu’il peut profiter soit d’une maladie préexistante, soit d’une prédisposition morbide qu’il développe, pour s’introduire dans un corps. — 2. Quand on dit de quelqu’un qui déraisonne qu’il a un démon, cette expression n’implique pas toujours le fait de la possession. Nous disons en français d’un homme vif et impétueux : « Il a le diable au corps. » Racine, Plaideurs, II, XI. Cette locution et beaucoup d’autres analogues, qui sont dans le langage courant, ne supposent nullement qu’un homme bouillant, emporté, déraisonnable, soit un possédé. Mais il ne suit nullement de là que les évangélistes ne veuillent parler que de maladifs quand ils attribuent à la présence du démon l’état de certains hommes. Ils distinguent, au contraire, très bien entre ceux qui sont simplement malades ou infirmes, Matth., viii, 14-17 ; xii, 9-14, etc., et ceux qui sont possédés. Quelquefois, dans la même circonstance, ils notent les guérisons distinctes des malades atteints de diverses affections et des malheureux tourmentés par les démons. Matth., iv, 24 ; Marc, iii, 10, 11 ; Luc, vi, 18, etc. Ils ne confondent donc pas les uns avec les autres. S’ils disent que Jésus guérissait les démoniaques, Matth., xv, 28 ; Luc, ix, 43, c’est parce que la maladie concomitante à la possession ou produite par elle réclamait une guérison, et que cette guérison était l’effet le plus sensible de la sortie du démon. — 3. Les Apôtres constataient chez les démoniaques des effets qu’on ne peut classer parmi ceux que produit une simple maladie. Il n’y a pas de maladie qui, au moment de sa disparition, jette violemment à terre le malheureux qu’elle abandonne, Luc, iv, 35, ou Je laisse pour mort sur le sol, Marc, ix, 25 ; qui puisse passer du corps d’un homme dans le corps des animaux. Matth., vili, 31, 32, etc. — 4. On ne saurait admettre que Notre-Seigneur se soit prêté à une feinte, en semblant chasser des démons là où il n’y avait que des maladies. Si la croyance aux possessions diaboliques eût été une illusion populaire, le divin Maître l’eût contredite et rectifiée, plutôt que de laisser l’esprit de ses contemporains s’égarer sur une question aussi grave. C’est ce qu’il fit à propos de l’aveugle-né. Se conformant à la croyance populaire, ses disciples jugèrent que cet aveugle devait son infirmité soit à des péchés commis avant sa naissance, soit aux péchés de ses parents. Notre-Seigneur rectifia ce jugement erroné, provenant d’une opinion qui avait cours chez les Juifs. Joa., ix, 2, 3. Il eût certainement agi de même si la croyance aux possessions diaboliques eût été une illusion. — 5. Enfin le divin Maître ne se contente pas de guérir ceux qui passent pour être possédés du démon. Il adresse à ses disciples des instructions expresses sur les possessions diaboliques, Matth., xii, 43-45 ; xvii, 17-20 ; Marc, ix, 27, 28 ; Luc, x, 17-20 ; xi, 24-26, et il leur confère le pouvoir de chasser les démons. Matth., x, 1 ; Marc, vi, 7 ; xvi, 17 ; Luc, ix, 1. Non seulement donc il tolère la croyance à la réalité des possessions diaboliques, mais encore il l’accrédite lui-même par ses actes et par ses paroles.

2° Si les cas de possession étaient réels, on en trouverait des exemples nombreux dans toute l’Écriture. Or c’est à peine s’il s’en rencontre un seul dans l’Ancien Testament. Quant aux démoniaques dont parle l’Évangile, ils vivent presque tous en Galilée, et en tout cas hors de Judée, et leurs guérisons ne sont racontées que par les synoptiques, tandis que saint Jean les passe sous silence. — 1. Si la possession était un phénomène d’ordre

purement naturel, on pourrait s’attendre à la constater d’une manière régulière à certaines époques et dans certains pays, comme la lèpre, par exemple, ou les diverses maladies avec lesquelles on a chercné à identifier la possession elle-même. Mais s’il y a là une action diabolique, il faut bien admettre que cette action s’exercera dans des conditions exceptionnelles, déterminées à la fois par la volonté perverse de Satan et par la permission que Dieu lui accorde. Aussi, remarque Frz. Œlitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 305, « la manière dont Satan fait valoir sa domination sur l’humanité varie réellement suivant les temps et les circonstances. Dans l’Ancien Testament, c’est par l’idolâtrie, dont le fond véritable est l’adoration des dénions (sêdîm ; Septante : 8at(i, 6vea), c’est par les différentes pratiques jointes à l’idolâtrie, magie, nécromancie, divination, que Satan tenait en servitude tous les peuples, y compris Israël infidèle à Jéhovah avant l’exil. Exerçant ainsi sa domination sur les grandes masses, il n’avait pas besoin de montrer son pouvoir sur les individus, puisqu’il était là dans son propre domaine. Mais lorsque le châtiment salutaire de l’exil eut porté pour toujours le coup fatal à l’idolâtrie dans Israël, le pouvoir qu’a le royaume des ténèbres de nuire aux âmes et aux corps humains prit une autre forme. Des phénomènes sporadiques de possession corporelle ou plutôt à la fois spirituelle et corporelle commencèrent à s’y joindre. Si au temps de Jésus-Christ ils avaient crû en intensité et en nombre d’une si effroyable manière, c’est que le royaume des ténèbres mettait sur pied toutes ses forces, pour tenir tête à son vainqueur qui venait d’entrer dans l’histoire, et pour susciter contre lui l’hostilité des hommes qu’il rachetait. Mais Dieu avait son plan : faire reconnaître, à son triomphe éclatant sur les démons, la venue du royaume de Dieu dans le Christ et avec le Christ. Luc, xi, 20. » Dans la pensée de Dieu, ces possessions multiples dewaient servir à manifester sa gloire, comme l’infirmité de l’aveugle-né, Joa., ix, 3 ; la mort de Lazare, Joa., xi, 4, etc. Notre-Seigneur semble le dire au démoniaque de Gadara, qui veut le suivre après sa délivrance. Marc, v, 19. — 2. On comprend dès lors que les possessions diaboliques se soient produites de préférence en Galilée, où régnait un courant sympathique à la personne et à l’œuvre du Sauveur, tandis qu’en Judée l’orgueil des scribes, des pharisiens et des princes des prêtres entretenait contre le divin Maître une opposition qui pouvait satisfaire pleinement les vues de Satan, et qui aboutit à la condamnation finale de Jésus. Les synoptiques racontent les guérisons de possédés qui se produisaient fréquemment en Galilée ; saint Jean ne parle pas de démoniaques, parce qu’il ne s’en rencontrait guère à Jérusalem et en Judée, où se passent les événements auxquels il borne à peu près exclusivement ses récits. Toutefois il ne tait pas ce qui se disait à ce sujet à Jérusalem même, où quelques-uns accusaient Notre-Seigneur d’avoir un démon et d’être atteint de folie, tandis que les autres répondaient avec une parfaite raison : s Ces paroles ne sont pas d’un homme ayant un démon ; un démon peut-il donc ouvrir les yeux des aveugles ? » Joa., x, 20, 21. — 3. Les faits de possession diabolique ne se bornent nullement à ceux que rapportent les évangélistes. Les Pères relatent un grand nombre de faits de même nature, ayant un caractère public et inexplicable autrement que par l’intervention diabolique. Us tirent hardiment contre les dieux du paganisme un argument basé sur le pouvoir qu’ont les chrétiens de chasser les démons. Tertullien, Apologet., xxiii, t. i, col. 410 ; Minutius Félix, Octav., xxvii, t. iii, col. 323 ; S. Jérôme, Adv. Vigilant., 10, t. xxiii, col. 348, etc. Saint Justin, originaire de Sichem, en Palestine, qui se trompe en disant que les démoniaques sont tout simplement des hommes tourmentés par les âmes des morts, Apolog., i, 18, t. vi, col. 356, apporte en faveur de la divinité de Jésus-Christ cette raison qu’en son nom on soumet tout démon, ce

que ne produit l’invocation d’aucun autre nom, si saint qu’il soit ; et c’est contre un Juif que le philosophe chrétien fait valoir cet argument. Dialog. cum Tryph., 85, t. VI, col. 676. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 13 ; x, 19, t. xxxiii, col. 472, 685, rappelle également à son auditoire palestinien la puissance du Christ sur les démons, sans craindre d’étonner personne. — 4. Même à notre époque et dans nos pays catholiques, on constate de temps en temps des cas de possession diabolique, en face desquels la médecine est obligée d’avouer son impuissance radicale. Ces cas ont toujours été nombreux dans les pays de missions, où Satan a besoin de fortifier sa domination contre la propagande de l’Évangile. Cf. Waffelært, Possessions diaboliques, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de Jaugey, Paris, 1889, p. 2515-2541.— 5. Il n’est donc pas possible de contester la réalité des possessions diaboliques. Sans doute, à la suite d’examens superficiels, on a pu confondre parfois certaines affections morbides avec la possession. Cette confusion ne se serait pas produite si l’on s’en était toujours ténu aux règles si prudentes que formule le Rituel romain en avant des prières prescrites De exorcizandis obsessis a dsemonio. Mais il n’y a rien à craindre de semblable au sujet des faits évangéliques concernant les démoniaques. L’autorité de Notre -Seigneur et celle des écrivains sacrés, celle de saint Luc en particulier, qui était médecin, en garantissent absolument l’authenticité et l’interprétation. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1891, t. v, p. 386-395.

III. L’ÉTAT PHYSIOLOGIQUE ET PSYCHOLOGIQUE DES DÉ-MONIAQUES. — 1° Le démon cherche à exercer sa tyrannie sur la créature humaine par l’obsession et par la possession. Par l’obsession, il assiège le corps du dehors, afin d’effrayer, de dominer et de pervertir l’âme. Par la possession, il s’empare du corps lui-même, le soustrait au pouvoir de l’âme, et s’en sert comme d’un instrument dont il fait ce qu’il veut. Il lui est donc possible de communiquer à ce corps une énergie et des propriétés qui lui manqueraient naturellement, lui faisant briser des chaînes, Marc, v, 4 ; Luc, viii, 29, lui infligeant d’étonnantes violences sans qu’il en souffre, le soustrayant à l’empire des lois naturelles de l’espace, de la pesanteur, etc., mettant sur ses lèvres des propos que le sujet ne saurait proférer de lui-même. Act., xvi, 16-18, etc. En un mot, c’est le démon qui anime le corps à la place de l’âme et fait accomplir par ce corps des actes en rapport avec sa propre action satanique. Cette substitution de l’action du démon à celle de l’âme dans la direction du corps a ses analogies dans les phénomènes hypnotiques, comme la suggestion, etc. « La possession démoniaque doit avoir les mêmes phases que la possession magnétique (aujourd’hui on dit : hypnotique) ; elle est fondée sur la même loi psychologique, sur la faculté pour l’âme humaine d’être privée de ses puissances sensitives, auxquelles se substitue une puissance étrangère. » Pauvert, La Vie de NotreSeigneur Jésus-Christ, Poitiers, 1867, t. i, p. 226. — 2° Les Pères enseignent que les anges ne peuvent connaître ce qui se passe dans l’âme humaine, Pétau, De angelis, I, vii, 5, et qu’à plus forte raison le démon ne peut pénétrer dans cette âme malgré elle. C’est un privilège que Dieu s’est réservé d’entrer dans une âme qu’il a créée. Cf. De spiritu et anima, 27 ; De ecclesiasticis dogmatibus, 50, dans les Œuvres de saint Augustin, t. XL, col. 799 ; t. xlii, col. 1221. Le démon ne peut pas même atteindre l’âme directement pour violenter sa liberté. S. Thomas, In 2 Sent., d. 8, g. 1, a. 5 ad 6. Il n’y a donc pas possession par rapport à l’âme, mais seulement obsession. Satan cherche à la terroriser et à l’amener à composition, en dérobant à son influence le corps auquel elle commande habituellement. Mais comme ce corps n’obéit plus à l’âme, on s’explique pourquoi les démoniaques de l’Évangile, malgré la conscience qu’ils peuvent avoir de leur misérable état, ne D1CT. LE LA BIBLE.

réclament jamais d’eux-mêmes leur guérison, comme le font les autres malades. Aussi Notre-Seigneur ne s’adresset-il jamais à eux, mais au démon qui s’est emparé de leur ouïe comme de tous leurs sens. — 3° Les démoniaques ne sont nullement responsables des actes que le démon accomplit au moyen de leurs corps. Il ne paraît pas non plus que, pour les démoniaques de l’Évangile, la possession soit le châtiment de fautes antérieures. Notre-Seigneur se contente de chasser le démon, sans faire aucun reproche à ces malheureux. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, p. 301 ; Ribet, La mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques, Paris, 1883, t. iii, p. 190 T 223.

IV. L’expulsion des démons. — Pour guérir les démoniaques, il fallait expulser les démons dont la présence occasionnait parfois la maladie. — 1° Les livres de l’Ancien Testament ne parlent nulle part de démons expulsés par le ministère d’un homme. Au livre de Tobie, viii, 3, on voit un ange, Raphaël, intervenir pour chasser le démon. L’ange commande, il est vrai, au jeune Tobie de faire brûler sur des charbons le coeur du poisson qu’il a pris, en assurant que la fumée ainsi produite a la vertu de chasser toute espèce de démons. Tob., VI, 8 ; viii, 2. Mais il ne semble pas nécessaire de voir dans cette combustion autre chose qu’un moyen choisi par l’ange pour cacher sa personnalité et la puissance qui s’y attachait. Voir Collyre, col. 884. — 2° On lit dans Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 5, que Salomon avait reçu de Dieu le pouvoir de chasser les démons, et qu’il avait composé des formules d’adjuration très efficaces. « Cette manière de guérir, ajoute-t-il, est encore en grand usage parmi nous. » L’historien juif raconte qu’un certain Éléazar obtint la délivrance de possédés, en présence de Vespasien et de ses officiers, au moyen d’une racine très rare, indiquée dans les formules salomoniennes. On faisait respirer aux possédés cette racine enfermée dans un anneau, et le démon leur sortait par le nez. La précieuse racine, couleur de flamme, se rencontrait dans un lieu appelé Baaras et portait elle-même ce nom. Pour la cueillir, il fallait accomplir des formalités de toutes sortes. Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 3. Les Juifs employaient certaines incantations pour chasser les démons, Schabbath, xiv, 3 ; Abodah Zarah, fol. 12, 2 ; quelquefois en versant de l’huile sur la tête du malade soumis à l’incantation. Sanhédrin, x, 1. Ces procédés paraissent en partie inspirés par ceux qui avaient cours chez les Égyptiens et les Chaldéens, pour guérir les maladies attribuées à l’influence des mauvais génies. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 212, 683, 780. Toutefois il paraît certain que, chez les Juifs, certains hommes arrivaient à chasser les démùns au nom de Dieu. « Ce n’était pas le plus instruit qui était le plus propre à cette œuvre de bienfaisance, mais le plus religieux. Plus on était pieux, plus on était apte à guérir les malades, c’est-à-dire à chasser les démons. Les rabbis avant tout, les scribes, les docteurs de la Loi, s’occupaient de chasser les démons, et quelques-uns y passaient pour fort habiles. » Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 243. C’est pourquoi Notre-Seigneur peut dire aux pharisiens qui l’accusent de chasser les démons au nom de Béelzébub : e Et vos fils, par qui les chassent-ils donc ? » Matth., xii, 27 ; Luc, xi, 19. Si les exorcismes juifs n’avaient pas été parfois efficaces, le divin Maître n’aurait point parlé de la sorte. II y avait des Juifs qui portaient le nom d’exorcistes. Act., xix, 13. Plusieurs même chassaient les démons au nom de Jésus, sans cependant être de ses disciples. Marc, ix, 37 ; S. Irénée, Contr. hxres., II, vi, 2, t. vii, col. 725. — 3° Pour atténuer la portée des miracles opérés par le Sauveur, les Juifs l’accusaient de chasser les démons par le prince des démons, Matth., )x, 34 ; par Béelzébub. Matth., xii, 24, 27 ; Marc, iii, 22 ; Luc, xi, 15, 19. À la rigueur, le démon pouvait se laisser

II. — 44 1379

DÉMONIAQUES - DENIEIl

1380

chasser par des hommes qui travaillaient à l’extension de sa domination. Il y avait adresse de sa part à accréditer ceux qui en définitive servaient sa cause. Voir Magie. Mais, par sa doctrine et par ses œuvres, Notre-Seigneur combattait ouvertement le règne de Satan. Il n’était donc pas possible qu’il tint de Satan un pouvoir qui tendait à anéantir la domination des esprits de ténèbres parmi les hommes. « Si c’est Satan qui chasse Satan, il est divisé contre lui - même ; comment donc subsistera son royaume ? » Matth., xii, 26. Jésus chasse le démon par le pouvoir divin qui lui est propre, les fils des Juifs par le pouvoir divin qui leur est communiqué. De part et d’autre, la cause de l’expulsion est la même. C’est pourquoi les exorcistes juifs auraient droit de s’élever contre les calomniateurs qui attribuent à Satan le pouvoir qu’ils exercent eux-mêmes. — 4° Toutes les fois qu’il veut délivrer un démoniaque, Notre -Seigneur s’adresse impérativement au démon. Il lui parle en Dieu, et le démon ne résiste pas. Dans le cas de la fille de la Chananéenne, la délivrance s’opère même â distance. Matth., xv, 22 ; Marc, vii, 25. Les démons se sentent au supplice en présence de Jésus-Christ, Matth., v, 7 ; Luc, vin, 28, et ils lui disent qu’il vient les torturer avant le temps, Matth., viii, 29, c’est-à-dire les chasser des corps où ils ont la liberté de nuire et les refouler dans l’enfer, d’où il ne leur sera plus permis de sortir après le dernier jugement. Ils demandent, comme une sorte de compensation, d’être autorisés à entrer dans le corps de pourceaux, et ils ne peuvent le faire qu’avec la permission du Sauveur. Matth., viii, 31, 32. — 5° Notre -Seigneur communique à ses Apôtres le pouvoir de chasser les démons. Matth., x, 1 ; Marc, vi, 7 ; Luc, ix, 1 ; il le donne ensuite aux soixante-douze disciples, Luc, x, 17, et le promet à ceux qui croiront en lui. Marc, xvi, 17. Ce pouvoir ne constitue pourtant pas un mérite. Luc, xvii, 20. Parfois même il semble lié, pour l’humiliation de ceux qui l’ont reçu ; les Apôtres ne peuvent chasser le démon du lunatique qu’on leur amène au pied de la montagne de la Transfiguration, et Notre - Seigneur leur enseigne que certains démons ne sont expulsés que par la prière et le jeûne. Matth., xvii, 15, 20 ; Marc, ix, 27, 28 ; Luc, ix, 40. L’exorcisme au nom de Jésus n’est donc pas toujours efficace par lui-même ; il y faut joindre la pratique de certaines vertus particulièrement antipathiques aux démons. Certains Juifs exorcistes d’Éphèse, les sept fils de Scéva, en firent l’expérience à leurs dépens. Us disaient aux démons : « Je vous adjure par Jésus que prêche Paul. » Un démoniaque très dangereux se jeta sur deux d’entre eux, en disant : « Je connais Jésus, je sais qui est Paul ; mais vous, qui êtesvous ? » il les dépouilla et les blessa grièvement. Act., xix, 13-16. — 6° Le pouvoir conféré par Notre -Seigneur aux Apôtres et aux disciples se conserva dans l’Église. Pendant les trois premiers siècles, tous les chrétiens, clercs et laïques, réussissaient à conjurer les esprits. Tertullien, Apologet. , xxiii, t. i, col. 410. Plus tard, l’Église institua un ordre particulier, celui des exorcistes, auquel fut dévolu ce pouvoir. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes,

Paris, 1877, p. 312.
H. Lesêtre.
    1. OÉMOPHON##

OÉMOPHON (Aï ; |io ?>wv), gouverneur syrien, qui resta en Judée après le départ de Lysias et la trêve faite entre Antiochus Eupator et Judas Machabée. Comme les autres gouverneurs des provinces, il ne fut pas fidèle aux conditions convenues et ne cessa d’inquiéter les Juifs. II Mach., XII, 2.

    1. DÉNABA##

DÉNABA (hébreu : Dinhâbâh ; Septante : Aëwocgj), ville du roi iduméen Bêla, fils de Béor. Gen., xxxvi, 32 ; I Par., i, 43. Gesenius, Thésaurus, p. 347, suppose que le mot est composé de di, « maître, » c’est-à-dire « lieu », et de nehàbâh, « pillage, » et veut dire un « repaire de voleurs ». Si l’interprétation était bien fondée, le nom

aurait une signification assez caractéristique. Quoi qu’il en soit, il n’est pas inconnu dans les pays situés à l’orient de la Palestine. Ptolémée, v, 15, mentionne Âavâ6a dans la Palmyrène, et, suivant Zosime, Hist., iii, 27, il y avait une Aavâ6n en Babylonie. Cf. Frz. Delitzsch, Genesis, Leipzig, 1887, p. 433. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 114, 249, identifient « Dannaba, la ville de Balac, fils de Béor, roi d’Édom », avec une localité existant encore de leur temps, « le bourg (xûiu], villa) de Dannaia (Aoeweâ), à huit milles (près de douze kilomètres) d’Aréopolis (aujourd’hui Er-Rab bah), en allant vers l’Arnon. » Ils signalent en même temps « une autre Dannaba sur le mont Phogor, à sept milles (plus de dix kilomètres) d’Esbus (Hésébon) ». Ces deux endroits, appartenant à Moab, ne sauraient désigner la capitale de Bêla. L’une ou l’autre pourrait tout au plus indiquer son lieu « d’origine », si tel est le sens qu’il faut donner au texte, d’après certains auteurs.

A. Legendre.
    1. DENIER##

DENIER (Bvjvotpiov, denarius), monnaie romaine, qui à l’époque d’Auguste pesait 38’, 898 et valait en francs ꝟ. 87.

1° Le denier dans le Nouveau Testament. — Le denier (fig. 493) est souvent mentionné dans le Nouveau Tes 493. — Denier de Tibère.

TI CAESAR DIYI AVG F AVGTSTVS. Tête lanrée de Tibère, à droite. — PONTIF MAXIM. Llvle ( ?) assise, ù droite, tenant un sceptre et une branche.

tament. Les dettes sont évaluées dans cette unité monétaire. Matth., xviii, 28 ; Luc, vii, 41. Le denier servait de monnaie courante pour les payements. Marc, VI, 37 ; xiv, 5 ; Luc, x, 35 ; Joa., vi, 7 ; xii, 5 ; Apoc, vi, 6. La taxe que chaque Juif était tenu de payer à l’empereur était d’un denier. Matth., xxii, 19 ; Marc, xii, 15 ; Luc, xx, 24. C’était également le prix d’une journée de vigneron. Matth., xx, 2, 9, 10, 13.

2° Histoire du denier. — Les Romains commencèrent à frapper des monnaies d’argent en 268 avant J.-C, en vertu d’une loi votée en 269. Pline, H. N., xxxiii, iii, 44 ; Tite Live, Epit. xv. La plus forte des pièces fut appelée denarius, parce qu’elle valait dix as. Le poids du denier primitif est de 4s r, 548, et sa valeur en francs de l ꝟ. 02. C’était la soixante-douzième partie de la livre romaine. Les Romains avaient emprunte ce système monétaire aux Tarentins et aux Syracusains. Le poids du denier était un peu plus fort que celui de la drachme attique, c’est-à-dire de la monnaie le plus en cours sur le marché. Th. Mommsen, Histoire de la monnaie romaine, trad. de Blacas, in-8°, Paris, 1865-1873, t. ii, p. 39. Les deniers de l’époque primitive portaient au droit la tête de Rome coiffée d’un casque ailé et le sigle X ; au revers, les Dioscures à cheval, au-dessus de deux étoiles, avec la légende : ROMA. Klugmann, Die Typen der âltesten Bigati, dans la Zeitschrift fur Numismatik, t. v (1878), p. 62. Cf. Mommsen, Histoire de la monnaie, t. ii, p. 24. Bientôt s’introduisit un autre type sur le revers, celui de la Victoire, sur un char attelé de deux chevaux. Pline, H. N., xxxiii, iii, 46 ; Tite Live, xxiii, 15 ; xxxiii, 23, etc. En 217 avant J.-C, la valeur de l’as fut réduite, et le denier valut désormais seize as. Pline, H. N., xxiii, m, 45. Il continua cependant à porter au droit le sigle X, parce qu’on le compta toujours pour dix as dans le payement de la solde des troupes. Ce n’est que vers le I er siècle avant J.-C. qu’on mit le sigle XVI. Mommsen,

Histoire de la monnaie, t. ii, p. 67. Depuis la réforme de 217, la monnaie d’argent fut la monnaie courante, et le cuivre ne servit plus que d’appoint. Sur le revers, on omit souvent la légende ROMA ; la Victoire fut souvent remplacée par d’autres divinités ; enfin on vit apparaître des quadriges portant Jupiter ou d’autres dieux. Aussi les deniers prirent-ils dans le langage populaire le nom de quadrigali. Tite Live, xxii, 52, Pline, H. N., xxxiii, m, 46. En 91 avant J.-C, M. Livius Drusus fit passer une loi qui permettait d’émettre un denier fourré sur huit. Pline, H. N., xxxiii, iii, 46. La quantité de monnaie fausse ne fit que s’accroître à partir de cette époque. En 84, le préteur M. Marius Gratidianus retira les pièces fourrées de la circulation, Cicéron, De offic, III, xx, 80 ; Pline, H. N., xxxiii, ix, 132 ; mais Scylla rétablit le cours forcé de cette monnaie. Digest., V, xxv, 1. Sous l’empire il fut également défendu de vérifier la valeur des pièces. Arrien, Epict., iii, 1. On continua, en effet, à frapper des deniers sous l’empire. Ces monnaies portent au droit l’image de l’empereur et son nom, au revers soit la Victoire ou une autre divinité sur un quadrige et l’inscription S(enqtus) P(opulus) Q{ue) R(omanus), soit d’autres types et d’autres légendes, variées à l’infini. Néron réduisit le denier au poids de la quatre-vingt-seizième partie de la livre, soit 39 r, 41, et sous ses successeurs l’alliage de cuivre alla toujours en augmentant. Mommsen, Histoire de la monnaie, t. iii, p. 29. À l’époque républicaine, la monnaie, était frappée sous la surveillance des très viri monetales. Suétone, Csesar., 41. Les questeurs étaient chargés dé surveiller cette opération. Mommsen, Histoire de la monnaie, t. ii, p. 41-54. Sous l’empire, la frappe de la monnaie d’argent et d’or, fut réservée à l’empereur et placée sous la direction d’un procurateur. Mommsen, Histoire de la monnaie, t. iii, p. 14, n. 1.

E. Belrlier.

DÉNOMBREMENT. Voir Nombre, VI, t. iv, col. 1684, 4687.

E. Beurlier.

DENT (hébreu : Sên, de Sânan, « aiguiser, » et ëinnayim, la double rangée de dents ; metalle’ôt, Job, xxix, 17 ; Prov., xxx, 14 ; Joël, i, 6, et malfâ’ôt, Job, iv, 10 ; Ps. lvhi, 7, avec transposition de lettres, de fâla’, « mordre, » mots employés dans les passages poétiques ; rèsén, mâchoire, mandibule du crocodile, Job, xli, 5 ; tohânôf, les molaires, de tâhan, « moudre, » Eccle., xii, 3 ; Septante : ôJoùc, jiOXoci ; Vulgate : dens’, mola, molares), chacun des petits os émaillés qui sont implantés dans la mâchoire de l’homme et de certains animaux, et servent à la mastication des aliments, quelquefois à l’attaque ou à la défense, etc.

I. Les dents au sens propre. — 1° La Bible parle des dents des animaux, surtout des bêtes féroces, Deut., xxxii, 24 ; Eccli., xxxix, 36 ; Dan., vii, 5, 7 ; du lion, Ps. lvii (lvhi), 7 ; Joël, i, 6 ; Eccli., xxi, 3 ; Apoc, ix, 8 ; du lionceau, Job, iv, 10 ; du crocodile, Job, xli, 5 ; des monstres. Sap., xvi, 10. Sur les dents de l’éléphant, voir Ivoire. — 2° Elle rappelle différents détails sur les dents de l’homme. Ces dents sont blanches comme le lait. Gen., xlix, 12 ; comme des troupeaux de brebis. Cant., iv, 2 ; vi, 5. Elles servent à mâcher la viande, Num., xi, 33 ; mais le vinaigre, Prov., x, 26, et les fruits trop verts les agacent. Jer., xxxi, 29, 30. Parfois elles se gâtent. Prov., xxv, 19. Dans la vieillesse, elles cessent leur travail, parce que leur nombre et leur force ont diminué. Eccle., xii, 3. D’après la Vulgale, Deut., xxxiv, 7, les dents de Moïse n’étaient pas ébranlées quand il mourut à cent vingt ans. On lit dans l’hébreu : lô’-nâs lêfyoh : « sa vigueur n’avait pas disparu. » Au lieu de lêah, « vigueur, » de làfyah, être vert et vigoureux, les versions ont lu leJii, « mâchoire, » Septante : ^sXtJvta. — Dans les cas où l’on faisait appel à la violence pour attaquer ou se défendre, il arrivait qu’on brisait les dents de l’adversaire. Ps. iii, 8. Celui qui brisait ainsi une dent à son esclave était obligé

de le renvoyer en liberté. Exod., xxi, 27. — Grincer des dents est un signe de maladie nerveuse, Marc, îx, 17 ; de fureur, de rage ou de désespoir. Ps. xxxiv (xxxv), 16 ; cxi (cxii), 10 ; Job, xvi, 20 ; Lam., ii, 16 ; Act., vii, 54. C’est pourquoi Notre -Seigneur parle du grincement de dents comme accompagnant le supplice des damnés. Matth., viii, 12 ; xiii, 42, 50 ; xxii, 13 ; xxiv, 51 ; xxv, 30 ; Luc, xiii, 28.

II. Les dents a.u sens figuré. — 1° La formule « dent pour dent » est une de celles qui sont employées pour rappeler la loi du talion, en vertu de laquelle un coupable subit la peine qu’il a infligée au prochain. Exod., xxr, 24 ; Lev., xxiv, 20 ; Deut., xix, 21 ; Matth., v, 38. — 2° Les dents qui mordent ou déchirent désignent métaphoriquement la malice des calomniateurs et des persécuteurs. Job, xxix, 17 ; Ps. iii, 8 ; lvi (lvii), 5 ; cxxm (cxxiv), 6 ; Prov., xxx, 14 ; Mich., iii, 5. — 3° L’agacement des dents marque le chagrin et l’ennui. Eccli., xxx, 10. Jérémie, xxxi, 29, 30, et Ézéchiel, xviii, 2, emploient l’expression proverbiale : « Les pères mangent des raisins verts, et les fils ont les dents agacées, » pour rappeler que les fils ont parfois à porter la peine des crimes de leurs pères. Dans Amos, IV, 6, le Seigneur, d’après les Septante et la Vulgate, dit aux Samaritains qu’il leur enverra « l’agacement des dents », yojiçiaajuSv ôSovtwv, stuporem dentium. Ces versions ont traduit comme si le mot hébreu niqeyôn venait de qdhâh, « être agacé, » en parlant des dénis. II vient en réalité dé nâqî, « pur, » et le texte d’Amos signifie : « Je vous ai donné la pureté des dents et le manque de pain. » La pureté des dents marque ici la disette, qui laisse les dents nettes. Le parallélisme confirme ce sens. — 4° Dans la phrase de Job, xiir, 14 :

Je porte ma chair avec mes dents,

Et je tiens ma vie entre mes mains,

le second vers signifie « courir un danger de mort ou s’y exposer ». Jud., xii, 3 ; I Reg., xix, 5 ; xxviii, 21 ; Ps. cxviii, 19. En vertu du parallélisme, le premier vers a un sens analogue. Job va s’adresser à Dieu même, et déclare que pour en arriver là il court même le risque de sa vie ; il la tient entre les dents ou dans les mains, comme un objet qu’on pourra lui arracher aisément. Les versions traduisent par « lacérer » le verbe’eèsâ’, « porter. »

— Dans cet autre passage, xix, 20 :

A ma peau et à ma chair adhèrent mes os,

Et je me suis échappé avec la peau de mes dents,

Job décrit l’état de maigreur extrême auquel son mal l’a réduit, et la multitude des plaies qui le.couvrent si bien des pieds à la tête, que seule la peau de ses gencives subsiste encore intacte. — 5° Dans Zacharie, ix, 7, le Seigneur dit de la nation des Philistins : « J’éloignerai son sang de sa bouche et ses abominations d’entre ses dents, » ce qui veut dire qu’il fera cesser chez ce peuple l’immolation des victimes idolâtriques, dont on boit le sang et dont on mange la chair. — 6° La Sainte Écriture donne le nom de « dents » à des objets qui rappellent les dents par leur forme, comme les pointes d’une fourche. IReg., il, 13. — Dans Job, xxxix, 28, le sommet des rochers sur lesquels l’aigle a son aire, ètt’èÇ&X*) rcÉtpac, in preeruptis silicibus, est appelé en hébreu sên séla’, « dent de rocher. » — Au livre des Juges, xv, 19, on lit d’après les Septante : « Et Dieu fit jaillir la fontaine qui est dans la mâchoire, » et d’après la Vulgate : « Le Seigneur ouvrit la dent molaire dans la mâchoire de l’âne, et les eaux en sortirent… C’est pourquoi le nom de ce lieu fut appelé : fontaine du suppliant à la mâchoire. » Dans leur traduction, les versions ont pris un nom propre pour un nom commun. L’hébreu doit se traduire ainsi : « Dieu Creusa une alvéole (makpês, le creux de la mâchoire dans lequel se place une dent) à Lechi (léhi, « mâchoire » ), et les eaux en sortirent… C’est pourquoi on appela son nom : 1383 PENT — DKXV.- D’A I.I-.' À M> Il I F. 1384

fontaine (lu suppliant, qui c.-t à Lécln. - V-ar la oui d, ’.-.1.’pi- ( ». il du ! fui> p.-ml.’, ! Il p.-i -édition de

RwiATiii.r.au. Cf. Joseph.-, An t. j"el.. Y. Mil.’. ; Ilol.uid. 1 : mai.- s.up h I. - - 1 - i t -.lu pi, ! ’. I, .pu heondui Pahi-iti.ia illus’rata. l’tiechl. 171 i, p..72. Il s’agit a. an’mlal a ïapo-pi-.. I l’ul’b-hw par h-. in -’ans. Kn -252,

ici d’un rocher qui p.irt. If nom de mâchoire.-naai.i i ! a-i-la.au -Ma..I.’.-an -.pif. An ! i… ia’. p. air condam eause de sa forme, du moins a raison d’un souvenir lu-- iaa If -, lu-.1.- Vaan.ai. SouIf av" d, - alerien,

touque., lud.. XV, 11), 17. — Pendant que Saul eampaii -.mit ii.au-..ail’.--. ! e…|i., _. u-e nie ni la fui devant le

à Cabaa. Joriathas s’introduisit dans le eamp des l’hipief, - : Kuuli.-n..pu 1,-xili.m lai. y. d’un il-e rendit

lislins en passant par deux roeh.aal.rupts en tonne danl.< M.uéoiide., ala Pu, |u l’année 21 ii, il rentra

de dents -.don ! l’un s’appelait liosus, cs-és-, : re-pl.aia Alexandre-, .ai il i ul. pi ui..d, |f nifiit en 2bi ou 2tj, ">.

dissaut i et l’autre S--ue tué, .eh. pour sé, i. dont a — Il m- ]<--t, - pre-.|iiu inai.eq ihui. ! >-< uaivreS de

I Keg.. XIV, J - Id’O local il.. vnisine de Masphat portait le s.ii lit 1 1. u s. f ! un pal ta ai I a a. - lia.aax rv-g.-tiques ont

nom îiièirif do Seii. …’, <, dont o. sans doute a eaii-e etu peu ic-p.-clepar If Paup-.’.a. i, .-.pu a surnagé,

de la conformation d’un rocher plus saillanl dans lu couau point du m. -, i iplui.uif. Iial.ui.l un fiagineiit de

U-é-e. I Reg., VU. 12. Dans les pays de montagnes. If ii, au cm ntaiie soi 1 lie. |f-ia-lf. chipitre i. I a iii, 11.

do.. dents » se donne fréquemment a des sommets. Ou Mign, -, l’aie., /, -., I.. cl. I r>T."t- 13*7. I.e ear.lmal Pitra,

oonuait dans les Alpes leDents - Planches, la Peut du-lue. i ;  ; l., /, , .’I. i. p. û’iû ; Anale, la „nvu. t. m. p. n’J7,

midi, la Dent du chat, et une trentaine d’aulies pics qui a publié un court li.pmriil du…min. ailaii.-ni l’hcclé portent le nom. de dents. U. Liisp.tri : . Ma-te, vm. 5. et i. i. Lu.uile un pn-s.’-de un débris

.1’exposition-ur-aint Luc, wil. 12-iS. l’atr. r/r., t. X,

1. DENYS L’ARÉOPAGITE (A ; ™- ; ™- h’A ? ; o-ï- cl. lô’Joi., ; * ; , l.V.ts- îcu-j. Danleoh. - des Pères,

v : ’tt, ; i. Athénien, membre du tribunal de l’Aréopage, qui le noin de Pfiiys d’Alo au.lrif icvient IVéqiifmmont, it fut converti par saint Paul, à Athènes. Act., xvlil, ’.'A. plusieurs éditeurs ont extrait cecitation- ; pour on enri-D’après une tradition. Damans, qui se convertit en mémo chii le recueil dos nmrrde saint I iou -. Mai- ; M. Ilartemps que lui. aurait été sa femme ; mais ce n’est qu’une nack, tiese/ueltie, lee altehextll, ! , e, i l.Hleratar his I-itsupposition sans preuve. S. Jean Chrysostome, Ile sciée, , ! ., , -W/i »..-. l^’J-i. t. i, p. illi-’r27. a l’ait ju-l,-nient remarquer iv, 7, t. xlviii, col. (iOO. Une lettre de Denys de Corinthe que hun nombre de e.- exilait-.-nul douteux uti apoaux Athéniens, écrite vers 170 (dans L’usèbe, II. F.., m. i ; ciyplu-s. Iii-nvs a é-ent coulio X.-po-. éu’-que d’Arsinoé, IV. 23, t. XX. col. 221. : - ! S5 i, nous apprend que I’Aréopa- ; qui défendait le chiliasiue, deux IIties - = ; ’: jttï-, ’".’-'’"> gite devint le premier évêque d’Athènes. Le Martyrologe II n’en reste ipie l’extrait i i t’paifùi-ohe. II. A"., vil, et le Bréviaire romains (au 9 octobre) identifient aujour- 21-25, t. xx, cl. (’.'. » 1 - T< iT. Le chapitre xxv e-l consacré d’hui suint blenys l’Aréopagite avec le premier évêque de tout entier à l’opinieii do..dut Peins sur l’auteur de Paris. Cependant le Velus lïomanum Martijreilogiuni l’Apooalvp-o. Il ne peii-e pas que.-.- suit saint Jean, lils les distingue l’un de l’autre. On y lit au 3 octobre : ’de Zébédée, rédacteur du qualiioine Kvangile. On peut’. Athenis, Plionysii AreopagiPo, sub Ailriauo diversis voir à ce sujet une dissertation de M - ! ei. ! ) Dioitijsii

tornientis passi, ut Aristides testis est in opère quod de Alernralriui eirea Aporah/ptin.l, „ : i, , , , .i< xeutedtia, Co-Christiana religione composait. >i l’ut, -, lui., t. cxxiii, ’penliague, 182(1. l’a dos arguments que Denys donne de col. 1 (>’, ). iXous devons remarquer que la version syriaque : cetle opinion o-t tiré du stvle dedeux écrits. C’est un de l’apologie d’Aristide récemment retrouvée ne parle ; des plus anciens exemples que l’on ait de critique interne pas de Uenys. Voir J. R. Ilarris, The Apnlnr/ij i, f À ris-’, de l’ivriture. Le cardinal Mai a publié-, Script. Vel. nova tiiles. dans les Te.rl.i vrai Stndies, t. i, n° 1, in-K", Coltertio, t, vii, p.’M. li.lS, ti-oifragments, qu’il croit Cambridge. Itftll. p. Isi.) Plus loin, au ! ) octobre, on lit : appartenir a l’ouvrage de Deips - : v. I ; r ;-v ; i » iv. -Mais, .- Parisiis. Dionysii episcopi cum sociis suia l-’escen-. comme le remarque justement M. itaruack, nurr. cité, nino i-inn gladio animadvci-si. l’nlr. Int., t. cxxiir, p. tl2. ir> 311, cette attribution e-t bien problématique, col. 1, 1. La Chronique qui porlé le nom de l.urius Il serait peu piaulent, eu é-a-ad a la mine partie qui Dexter (- ; - il’u identilie. il est vrai, saint Denys de Paris nonest re>tée de l’, euvi-e exé-gé-lique de saint Denys, avec Denys l’Aréopagite (CUrnn., ami. l(JO, l’atr. Int.. d’émettre un jugement sur sa méthode ft s, -< principes, f. xxxi. col. 270-27L, mais on reconnaît communément.N’uus possédons pourtant sur ce point l’opinion de l’roque cet écrit n’est pas authentique. Le premier écrivain,-ope de (ia/.a, (..’ommcoL in (, ’c, icm’„<. e. iii, I. i.xxxvii. connu qui fait un seul personnage de saint Denys l’Aréocol. 221. Proèupe cite D,-ns parmi lePères qui ont pagitc et du premier évêque de Paris, esl’i(ildiui). re|e|, - lexplieatioii all.-aoi ique d, -- peaux do hé les dont se abbé de Saint-Denys († 8’iO, i. V, lu S. Iiin^/sii, 3. /’, , /, -. vélireut Adam et Kve api.-s l.air chute. Il-emble résulter’"' ! evpcul. 15. Les Ile, la lhafaherti iMukhhi. lierd.- ce pa-age que saint Deuv-, dans,-ou Commentaire’""" - sV '/- Merur.. t. ii, |, . o’.l’Ji qui racontent la fou--in l’J-.c, l, ’--iasle. a l’ail aiis-i des n-maïques sur les prédation du uioiia-tuiu d.- Samt-DfiiNs et ont été écrits sur nuerchapitres, 1, - la Ceue-e., t qu’il va réfuté les piaules lieux vois l’an Son au plus P’.t, ignorent eucao cipede Pé-cle.il|,-goi ique d’i Irigene, ’bien qu’il eut été cette identilicalion, quoique le lédacteiir connaisse la -, , n disciple. Cf. IPuaiacU, (ieschichte. p. i IS. n"-i. ïoute l’axsiu M, , „>/, ; , et la viede. sainte i è-ni-viev, -. — Ln foidans un initie frag ni. l’ili a, hir, s cc’cs-. <jr., t. I.

laveur de 1 aréopagiti-me d, - saint peins, bParis, ou p.., ; ., , |p m. -, , , |, , mèm, - puiul lovi.-iil aux explications

peut von treppel, Saint Irénée, m-*. Paris. iMll..db-go, Ique-’. D autre, , „ t. un lr, a-ié, o, - p., -âge attribué’' i l, -- Si -, ’"" t’-e oftléjdei.tificatjoii. A.la s, , , , , -/, , , -., , , , . a Denvs., „’, , 1 eumment, - t., ., , , ’-, -. u. S. P. e-t dit pal’"’lui’"- t. iv. p. OiMj-TliT. — Uuanl aux ouvrages qui Ana-la-, - PSin.nl, -, daiu-a 2a que-Pun., Pie lire ix ré.>v

p-u-lent le nom île saint Huns, on -’accord, - ^, ..„., -, dezï --, ’u., , : ïVj.. lîrel-.-i. (), „. -, , ’A „„. /, , ., (’. p. 2nf>. C »

l, """ 1 -^nuiud’hlli a r.conliaitle (pl’ii-, , - seul Pas du fra-m.-nl loiil a l’ail identique a é-ie publié- par Caspali,

d’-p ! -, lf sont Paul. p. Vi.a.rao, .X. (, ./, . ! , -, /’., /., -, -, /„//, . / v - ; , -/, e.Va. Pa-U, , -. t. v. P- -’71 :

Dahce le.Xl.-. DeilV-, o, M |.al l’oPluioll d’Hl igcUf. <l’"

2. QENYS D’ALEXANDRIE, on Lgvplf. qiiato- /iel, , , - p|.„-, . le paladllerh-l|e, l, d. lie : -, de i. I-- ! , .-. Pc tous

" ! l ’"’"'’' lli - > Vlt I" 1Il Vfi'> I Min du a--a. p.. i-, .. i, xt, -. M. II., , nack „, , .., .i.. p. 12 : 1, ciic-lul’{ lh’' ! ) ! i  ! l ! - l-i-e-iH. i ; fut é-ao-ili a 1 M a, -|, i, li, M „. |i, i, -, s, , , , , , |., ---if, , - p, , ! , , , - -, , - l’-. ! lé- a deiiie-i aux

!  : . J J..u.Ui.i.-nt n., , - i.iu., - ; , …, p, , , i ; i, |e-, ml ], p, , |, .., , ], , . ird--ne él., 1 i..ns -, npiur -, P(hi.-, , , - maiqu’en somme

lH ^ ! L ! ’S’! i>’'I’1 --"’S -’' ! "’"e. De, , .-., ;  ; .. c. px, x. p, , [K, , .-..’i, , , ^, , , p, ,-n, „…, ., ., , , , , , , , , ), ., , e -, „ maillé. cl.l, , --4, s, o, p., a ; , , , ; 1. J ; Si ; |.., , ., , , : |i : | lî.-., .., , ., ., ^, , „, , p, Vij]1 i. ; , , , , -, , , ^ n /- a.., , _.„ K ; --, _ pp ; a. | ; , ; vil. 2,

_l-ifefi-’l.oclLéoled,-e., t, ’., - ! , |- ! es, a -„, P,-i. v, , d’.l-- xuir, . (i. 7. 11,-ai -> ;-r, - : ’.s.- ; , , ( x. col. 211-73-* :

ii : .- - quil occupi peud.ud d, x--, .pt an.-. Api es ir, À t[[U., i ; , , , , , , ( p, ; i. p., _. 1, . (l( <, tiuil, , , lti ULlo b. t. ii, p. a-130:

N.

4385

DENYS D’ALEXANDRIE — DERBÉ

1380

J. Mason Neale, À Ristory of the holy Eastem Church, t. i, p. 39-83 ; H. Hagemann, Die rômische Kirche und iiir Einfluss auf Disciplin und Dogma in den ersten drei Jahrhunderten, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 411-453 ; Th. Foerster, De doctrina et sententiis Dionysii magni episcopi Alexandrini, Berlin, 1865, et Zeitschrift fur die historiche Théologie, t. xii, 1871, p. 42-76 ; Dittrich, Dionysius der Grosse von Alexandrien, Fribourg-en-Brisgau, 1867.

J. VAN DEN GhEYN.

3. DENYS LE CHARTREUX, surnommé le Docteur extatique, né à Ryckel ( Belgique), de la famille de Leeuvis, en 1402, mort le 12 mars 1471. Après avoir pris ses grades à l’université de Cologne, il entra chez les chartreux de Ruremonde (1423), et ne tarda pas à se distinguer par ses vertus monastiques, son esprit d’oraison et son amour pour l’étude. Sa réputation de sainteté et de science franchit l’enceinte du cloître, el il fut considéré comme l’oracle de ses contemporains et la lumière de son siècle. On lui attribue plusieurs miracles. Son corps fut relevé en 1608 : le pouce et l’index de la main droite étaient sans corruption. — Les commentaires que Denys a écrits sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament sont remarquables par l’abondance et la profondeur des sentiments pieux, et par l’explication variée qu’il a su donner au sens littéral, mystique et moral, du texte sacré. On peut signaler entre autres ses interprétions des Psaumes, du Cantique des cantiques et de tout le Nouveau Testament. Pendant le xvie siècle ses ouvrages eurent une grande vogue, et furent souvent Téimprimés à Cologne, à Paris, à Venise et ailleurs. De nos jours, les amateurs des études sérieuses sur la Bible recherchent ses commentaires. L’ordre des Chartreux a résolu de faire imprimer ses œuvres complètes. Cette édition est en cours de publication à la chartreuse de Montreuil-sur-Mer. — Ses œuvres exégétiques sont : 1° Enarrationes in quinque Mosaicx legis libros, in-f », Cologne, 1534, 1548 et 1566 ; — 2° Enarrationes in libros Josue, Judicum, Ruth, Regum, Paralipomenon, in-f°, Cologne, 1535, 1552, 1577 ; — 3° Enarrationes in libros Job, Tobise, Judith, Esther, Esdrse, Nehemise, Macliabxorum, in-f°, Cologne, 1534, 1551, 1572 ; — 4° Commentaria in Psalmos et Cantica, in-f°, Cologne, 1531, 1534, 1558 ; Paris, 1539, 1542, 1547, 1553, etc. ; — 5° Super septem Psalmos pœnitentiales, in-f », Cologne, 1530, 1532 ; — 6° Enarrationes in quinque libros Sapientiales, in-f » et în-8°, Cologne, 1533, 1536, 1539, 1555 ; Paris, 1541, 1548, 1549 ; — 7° Enarrationes in IV Prophetas majores, in-f », Cologne, 1534, 1543, 1548, 1557 ; — 8° Enarrationes in XII Prophetas minores, in-f", Cologne, 1533, 1539, 1549, 1568 ; — 9° In IV Evangelia, in-f », Cologne, 1532, 1533, 1538, 1543 ; in-f" ou in-8°, Paris, 1536, 1539, 1541, 1542, 1545, 1548, 1549, 1552, 1554, 1555 ; Venise, Lyon, etc. ; — 10° In Acta Apostolorum. In omnes utriusque Testamenti libros Epitome, in-8°, Cologne, 1532 ; — 11° In JZpistolas divi Pauli, in-f° ou in-8°, Paris, 1531, 1535, 1537, 1538, 1539, 1542, 1543, 1545, 1548, 1551, 1555 ; in-8°, Cologne, 1530 ; in-f », 1532, 1533, 1538, 1545 ; in-8°, Venise, 1573 ; — 12° In Epistolas canonicas et in Apocalypsim, in-8°, Cologne, 1530. Le même avec le commentaire sur les Actes des Apôtres et les hymnes du bréviaire, in-f » ou in-8°, Paris, 1537, 1539, 1540, 1541, 1542, 1548, 1551, 1552, 1554, 1555 ; in-f », Cologne, 1533, 1536, 1545, 1546, 1565. — 13° Les mêmes réunis avec l’explication des ïpltres de saint Paul : deux tomes en un volume in-f », Taris, 1537, 1539, 1540, 1543, 1548, 1551 ; in-4°, Cologne, 1565 ; Venise, 1573, — 14° Monopanton, id est unum ex omnibus Epistolis S. Pauli ad materias certas contractum opusculum, Cologne, 1531 ; Venise, 1534 ; Lyon, 1547, 1549, 1555 ; Paris, 1551, 1631, 1642 ; Anvers, s. a. Traduit en français : Concorde de saint Paul avec les autres Apôtres, in-12, Paris, 1663 ; et en portugais, par le chartreux D. Victor Nabantino, in-12, Napoles, 1844.

— 15° Passio D. N. J. C. juxta textum IV Evangelistarum piissime enarrata. Publiée avec les sermons suivants ; — 16° Epistolarum ac Evangéliorum dominicalium (et de Sanctis) enarratio, adjunctis homiliis et sermonibus variis tam ad plebem quant ad religiosos, in-f », Cologne, 1533, 1537, 1542 ; Paris, 1544. — Voir Dom Mougel, Denys le Chartreux, in-8°, Montreuil-sur-Mer, 1896. M. Autore.

    1. DEPOT##

DEPOT (hébreu : piqqâdôn, de pâqad, « confier, déposer ; » Septante : 7tapa8rjx7) ; Vulgate : depositum), ce que l’on confie à la garde d’un autre. — 1° Dans l’Exode, xxii, 7-13, se trouve formulée la législation concernant les dépôts, et différents cas sont prévus. — 1. Le dépôt consiste en argent ou en objets meubles. Si le dépôt disparait, c’est par le fait d’un voleur ou du dépositaire lui-même. Si on trouve le voleur, celui-ci est condamné à restituer le double. Si on ne le trouve pas, le dépositaire comparaît devant les juges en même temps que le possesseur du dépôt. Les juges examinent l’affaire et, s’ils le décident ainsi, le dépositaire est condamné à restituer le double, ou bien c’est le réclamant injuste qui encourt la même peine. Il n’y avait sans doute aucune condamnation, quand le dépositaire pouvait prouver qu’il avait veillé consciencieusement sur le dépôt et qu’il n’était pour rien dans sa disparition. Les Septante et la Vulgate introduisent dans le ꝟ. 8 les mots : « il jurera que… » Il y a seulement dans l’hébreu actuel : « Le maître de la maison se présentera devant les juges, ( pour que ceux-ci examinent) s’il n’a pas mis la main sur la chose de son prochain. » La phrase est elliptique, et il faut suppléer les mots placés entre parenthèses ou d’autres analogues.

— 2. Le dépôt consiste en un animal mis en garde chez quelqu’un. Si l’animal est victime d’un accident ou bien est enlevé sans témoin, le dépositaire prête serment « par Jéhovah s qu’il n’est pour rien dans l’accident ou le larcin, et l’affaire est terminée. Si l’animal a été enlevé, probablement grâce au défaut de surveillance du dépositaire, celui-ci doit réparer le dommage causé. Si l’animal a été dévoré par une bête féroce, le dépositaire en recueille les débris, pour servir de témoignage, et n’a rien à restituer. — 2° Dans le Lévitique, VI, 2, 4 (hébreu : v, 21, 23), se lit une disposition complémentaire concernant le dépôt. Celui qui trompe le prochain au sujet d’un dépôt, en se l’appropriant injustement d’une manière quelconque, doit rendre ce qu’il a gardé, avec une majoration d’un cinquième, avant de pouvoir offrir le sacrifice pour son péché. — 3° La Sainte Écriture parle une fois de dépôts.. Dans le second Temple, les ressources destinées aux veuves et aux orphelins sont gardées en dépôt ; et, quand Héliodore veut s’en emparer, le grand prêtre Simon et les autres prêtres en appellent à Dieu, qui a fait la loi sur les dépôts. II Mach., iii, 10, 15. — Le serviteur de l’Évangile qui garde « enveloppée dans un linge » la mine que son maître lui a confiée, a le tort d’avoir regardé comme un simple dépôt la somme d’argent qu’il avait à faire valoir. Luc, xix, 20. — 4° Saint Paul donne le nom de « dépôt » au trésor doctrinal qu’il confie à la garde de Timothée, II Tim., vi, 20 ; I Tim., i, 14, et à la somme de mérites par lesquels il a cherché à acquérir la récompense que Dieu lui tient en réserve. II

Tim., i, 12.
H. Lesêtre.

DÉPOUILLES. Voir Butin.

    1. DERBE##

DERBE (Aép6r)), ville de Lycaonie. — Dans son premier voyage à travers la province romaine de Galatie, saint Paul, pour échapper aux persécutions dont il fut l’objet à Icône, puis à Lystre, se réfugia avec saint Barnabe à Derbé, qui était dans la même province de Lycaonie. Act., xiv, 6, 20. Tous deux évangélisèrent cette ville et y firent de nombreuses conversions, mais ils y restèrent peu de temps. Act., xiv, 21. Dans son second

voyage, saint Paul passa de nouveau par le même endroit pour affermir la foi des fidèles. Act., xvi, 1. — Le site de Derbé n’a pas été jusqu’iei déterminé d’une manière sûre. Strabon, XII, I, .4 ; VI, 3, la place aux confins de l’Isaurie et de la Cappadoce. Elle fit partie du royaume d’Amyntas, dernier roi de Galatie, qui s’en empara sur un célèbre chef de brigands nommé Antipater, dont elle était la principale forteresse. Strabon, ibid. ; Dion Cassius, xlix, 32. Elle fit ensuite partie de la province de Galatie. Dion Cassius, lui, 26. Ptolémée, v, 6, la place avec Laranda dans un district qu’il appelle Antiochana, du nom d’Antioche de Pisidie, et qui comprenait la région située entre la Lycaonie et la Tyanitide. "W. Leake, Journal of a tour in Asia Minor, in-8°, Londres, 1824, p. 101, conclut de là que cette ville était placée dans la grande plaine lycaonienne, non loin du Taurus de Cilicie, sur le versant cappadocien de Laranda, à un endroit où se trouve un monticule appelé « les mille et une églises ». Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres, 1842, t. ii, p. 313, pense que Derbé occupait l’emplacement appelé aujourd’hui Divlé, au sud du lac Ak-Gieul. M. J. R. Stilington-Sterret, The Wolfe expédition in Asia Minor, in-8°, Boston, 1888, p. 23, place Derbé entre les villages de Bossola et de Zosta, distants l’un de l’autre de trois kilomètres environ. Les ruines de ces villages lui paraissent être celles d’une même cité ancienne. M. B.amsay, visitant la même région, en 1890, a reconnu que Bossola n’était qu’une station seljoucide, et que les ruines de Zosta sont des pierres transportées d’ailleurs. D’après lui, le seul site qui puisse correspondre à celui de l’ancienne Derbé est Gudelissin, situé à quatre kilomètres et demi à l’ouest-nord-ouest de Zosta. M. Sterret avait déjà remarqué ce monticule, qui ressemble aux tells assyriens, et où l’on trouve de nombreuses traces d’une ville ancienne ; mais il avait cru à tort y voir des ruines chrétiennes. W. Ramsay, The Church and the Roman empire before 170, 3e édit., in-8°, Londres, 1894, p. 54-56.

E. Beurlier.

    1. DERCON##

DERCON (hébreu : Dqrkôn ; Septante : Aapxwv), chef de Nathinéens, I Esdr., ii, 56 ; le même personnage que la Vulgate appelle plus justement Darcon. II Esdr., vu, 58. Voir Darcon.

DÉSERT. Ce nom traduit dans la Vulgate quatre mots hébreux, qui, avec un sens général commun, offrent des particularités différentes, mais dont aucun ne répond à l’idée, que nous représente ordinairement le terme français. Le « désert » évoque à nos yeux l’aspect de vastes plaines déroulant leurs champs arides de sables jaunes ou de pierres grisâtres, sans eau, sans verdure, sans arbres, sans l’ombre d’un être humain, sinon celle du voyageur qui les traverse rapidement. Tels le Sahara ou les déserts africains dont on aperçoit, du haut des Pyramides, les régions désolées. Ce sont des pays non seulement inhabités, mais encore inhabitables. L’Écriture ne connaît aucune de ces contrées, et la péninsule du Siuaï elle-même, où le peuple de Dieu erra pendant quarante ans, est loin d’avoir cette physionomie. Dans sa généralité, le désert biblique est une terre plus ou moins inculte, peu ou point habitée, plus ou moins désolée, vaste ou peu étendue ; c’est le « steppe » ou la « lande », plutôt que la région des sables ou des cailloux.

I. Les noms du désert dans la Bible. — Voici, avec leur signification propre, les quatre termes qui le désignent dans nos Saints Livres.

1° Midbâr, iaiD. C’est le mot usuel, le plus fréquemment employé pour désert. Les Septante le rendent toujours par è’pTiiio ;  ; la Vulgate le traduit le plus souvent par desertum, plusieurs fois par solitudo, dans quelques passages seulement par eremus. Il vient de la racine dâbar, « mener » [pattre], comme l’allemand Trift, « pacage, » vient de treiben, « conduire » [le bétail]. Cf. Gese nius, Thésaurus, p. 318. L’étymologie en indique donc bien le sens. Il désigne une région non cultivée, mai » apte à nourrir le menu bétail, brebis, chèvres, etc., comme celle où nous voyons Moïse avec les troupeaux de Jéthro, son beau - père. Exod., iii, 1. Loin d’être un terrain absolument stérile, le midbâr revêt parfois, surtout après les pluies printanières, la brillante parure d’une végétation que les prophètes et les poètes sacrés appellent « les beautés », c’est-à-dire « les oasis du désert », speciosa deserti, hébreu : ne’ôt midbâr. Ps. lxiv (hébreu, lxv), 13 ; Jer., ix, 10 ; xxiii, 10 ; Joël, i, 19 ; ii, 22. Mais à côté des bruyères ou de maigres arbustes, Jer., xvii, 6 ; xlviii, 6, on y voit aussi les épines et les ronces, Jud., viii, 7, 16, ainsi que le bois desséché. Num., xv, 32 ; Eccli., VI, 3. Si les cours d’eau n’y fécondent pas le sol, Is., xxxv, 1, 6 ; xliii, 20, on y rencontre de temps en temps des sources rafraîchissantes, Gen., xvi, 7, et les hommes ont eu soin d’y creuser des citernes pour y recevoir la pluie du ciel. Gen., xxxvii, 22 ; II Par., xxvi, 10. Tantôt il est inhabité, Job, xxxviii, 26 ; tantôt il n’est occupé que par l’Arabe nomade et pillard, Jer., iii, 2 ; ix, 26, terreur du moissonneur paisible, Thren., v, 29 ; mais il possède aussi des villes, Is., xlii, 11, comme celles que Josué, xv, 61, mentionne dans le désert de Juda. C’est en même temps la demeure des bêtes sauvages : lions, Eccli., xiii, 23 ; onagres, Job, xxiv, 5 ; Jer., ii, 21 ; Eccli., xiii, 23 ; serpents et scorpions, Deut., viii, 15, ou de certains oiseaux, comme le pélican, Ps. ci (hébreu, eu), 7, et l’autruche. Thren., iv, 3. C’est du désert enfin que vient le vent brûlant. Ose., xiii, 15. Tels sont les principaux traits qui, dans la Bible, caractérisent le désert. — Avec l’article, ham-midbâr désigne un désert particulier, déterminé par le contexte, ou le plus souvent le désert du Sinaï, témoin de tant de merveilles, par exemple, Ps. xciv (hébreu, xcv), 9 ; evi (cvii), 4, etc.

En somme, le midbâr biblique est opposé au terrain cultivé, aux jardins fertiles, par exemple, comme on le voit d’après Isaïe, xxxii, 15. C’est une région plus ou moins vaste, dont l’aspect, comparé à celui des champs ensemencés ou des plaines bien arrosées, est celui de la stérilité. Si ce n’est pas uniquement une nappe uniforme de sable, cependant tout ce qui constitue le charme des pays habités par l’homme, l’eau abondante, une luxuriante végétation, les cultures variées, les villes et leurs monuments, y fait défaut. Tantôt ce sont, comme dans la pénin r suie sinaïtique, des vallées plus ou moins arides, resserrées entre de hautes montagnes et des pics dénudés. Tantôt, comme vers Bersabée, à la limite du désert, le terrain se compose de blocs brisés d’un calcaire crétacé gris jaunâtre, entre lesquels poussent de maigres chênes, épineux et des arbousiers. Les villages disparaissent peu à peu, et l’on ne voit plus que des plaines ondulées, des graviers et des rocailles, qui se continuent au sud par le Bâdiet et-Tih (désert de l’Égarement). Tantôt enfin, comme dans le désert de Juda, c’est une chaîne de collines, déchiquetée par des ouadis presque toujours desséchés, dont le lit est rempli de cailloux : ce ne sont que ravins et grottes sauvages qui servent d’asile aux chacals et aux pigeons, rochers escarpés escaladés par d’agiles bouquetins. Cependant, sur les parois de ces rochers, on trouve souvent de gracieuses gerbes de fleurs qui se cachent dans une anfractuosité, des arbustes où les oiseaux font leurs nids. Pendant la plus grande partie de l’année, dans ces régions brûlées, le sol semble mort ; mais, vienne la pluie, la vie apparaît soudain. Le fond des vallées surtout s’enrichit d’une végétation qui, bien qu’assez maigre, nourrit néanmoins de nombreux troupeaux de chèvres et de moutons, les chameaux et les ânes. Si l’eau est raredans le désert par excellence, celui du Sinaï, les sources sont cependant assez nombreuses dans la région granitique, et spécialement dans le voisinage du Djebel Mouça. La plus grande et plus belle oasis est celle de Feiran, qui s’étend, pendant une heure et demie de marche environ »

suivant les sinuosités d’un petit ruisseau, ombragé par un bosquet de palmiers. Les arbres les plus communs sont le palmier-dattier, l’acacia et le tamaris. Les mêmes caractères généraux se retrouvent dans l’immense région qui borne à l’est les pays transjordaniens, et qui s’appelle Bàdiet esch-Schdm, « le désert de Syrie » ou le Hamad. Une grande partie de la contrée n’est qu’un steppe où les Bédouins nomades nourrissent leurs troupeaux ; mais il est aussi des parages qui sont entièrement couverts de pierres, cailloux semblables à ceux d’une grève, fragments de granit, de grès, de silex, calcaires unis comme par une espèce de mortier ; en d’autres endroits, des sables se déroulent en longues vagues, séparées par des lèdes de galets. Les déserts qui avoisinaient certaines villes, comme Jéricho, Gabaon, Maon, etc., en portaient le nom ; on peut les comparer à nos landes de Bretagne. Les caractères particuliers à chacun des déserts que nous énumérons plus bas sont décrits dans les articles spéciaux qui les Concernent.

2°’Arâbâh, nany. Ce nom, suivant Gesenius, Thésaurus, p. 1066, dérive de la racine’ârâb ou’àrêb, « être stérile, aride. » La signification est au fond la même que celle de midbâr, avec cette différence que le dernier mot considère le désert par rapport à l’homme, dans l’usage que celui-ci peut en faire, tandis que le premier l’envisage dans ses conditions physiques. La communauté de sens fait que, dans les parties poétiques de la Bible, les deux expressions sont plus d’une fois mises en parallélisme. Cf. Is., xxxv, 1, 6 ; xli, 19 ; li, 3, etc. L’arabah cependant sert aussi à marquer l’opposition avec la plaine fertile ou « Saron », Is., xxxiii, 9, et « le jardin délicieux ». Is., li, 3. Dans les livres historiques, et avec l’article, hâ’Arâbâh a un sens local bien précis. C’est le nom de cette extraordinaire dépression qui s’étend des pentes méridionales de l’Hermon au golfe d’Akabah, par la vallée du Jourdain, la mer Morte et l’ouadi Arabah. Cette longue plaine, étroite et surtout aride dans sa partie inférieure, resserrée entre deux chaînes de hauteurs, sans ville et presque partout sans culture, mérite bien le nom de « désert ». Cf. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 487. Le pluriel’Arbôt uni à Yerêhô, « Jéricho, » Jer., xxxix, 5, indique la partie déserte qui avoisine cette ville et n’est qu’un prolongement du désert de Juda. De même, ’Arbôt Mô’âb désigne les contrées incultes de ce pays, par opposition au Sedêh Mô’âb, ou les hauts plateaux cultivés. Le mot’arâbâh, traduit de plusieurs manières par les Septante, est rendu par la Vulgate tantôt par solitudo, Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; IV Reg., xiv, 25, etc. ; tantôt par desertum, II Reg., iv, 7 ; Jer., xvii, 6, etc., en sorte que la mer Morte, qui porte si justement en hébreu le nom de yâm hâ-’Arâbâh, « mer de l’Arabah, » est appelée en latin mare solitudinis, Deut., iv, 49 ; IV Reg., xiv, 25, etc., et mare deserti. Deut., m, 17 ; Jos., xii, 3, etc. Pour tous les détails, voir Arabah, t. i, col. 820-828.

3° Iforbâh, nain, pluriel, fforâbôf ; état construit,

IJorbôf. Cette expression, qui ne se rencontre dans aucun livre historique, est surtout employée par les prophètes. Elle dérive de hârab ou hârêb, « être desséché, dévasté. » Elle renferme donc aussi l’idée générale d’aridité, de désolation, avec celle plus particulière de « ruines ».

Il est facile de la rapprocher du À>.â>i khirbet arabe,

ou « lieu ruiné », qui caractérise actuellement tant de noms de la géographie palestinienne. Ainsi, tandis que midbâr représente le « désert » par rapport à l’homme, qu’'arâbâh le désigne par ses qualités physiques, horbâh nous le montre comme la conséquence de certains événements terribles. C’est ainsi que Dieu dit de Jérusalem : « Je ferai de toi un désert (fyorbâh), » Ezech., v, 14, et qu’en disant, au contraire : « Je relèverai ses déserts (horb6{), » il promet de « relever ses ruines », Is., xliv, 26.

Cf. Is., lii, 9 ; Lvm, 12 ; lxi, 4. Du reste la Vulgate, en quelques endroits, a traduit ce mot par ruinée, Is., Lxrv, 10, et ruinosa. Ezech., xxxiii, 24, 27 ; xxxvi, 10, 33. Ailleurs elle le rend par desertum, Is., v, 17 ; xliv, 26 ; xux, 19 ; lu, 9 ; Ezech., v, 14 ; xiii, 4 ; solitudo, Jer., xxii, 5 ; xxv, 9, 11, 18 ; Ezech., xxvi, 20 ; desolatio, Jer., vii, 34 ; xliv, 22, et une fois par domieilium, Ps. ci (hébreu, en), 6. Dans les Septante, on trouve : epimo ; , Is., v, 17 ; xliv, 26 ; xlvih, 21 ; xlix, 19 ; lii, 9 ; lviii, 12 ; lxi, 4 ; Ezech-, v, 14 ; xm, 4 ; ip-f[iuaaii, Jer., vii, 34 ; xliv, 22 ; ripr^ay-évai, Ezech., xxxiii, 24, 27 ; xxxvi, 10 ; ôvetSti[iô{, Jer., xxv, 9 ; dbav « r[i.6{, Jer., xxv, 11, et oîxoTtéSov, Ps. Ci, 6. Le désert « ruiné » est la demeure des chouettes, Ps. ci, 6, et des chacals. Ezech., xiii, 4.

4° Yesimôn, f d’ï ». C’est le terme le moins usité. La

racine yâsam indique, comme la précédente, l’idée de « dévastation ». Les versions grecque et latine ont vu dans le YeSimôn (plusieurs fois avec l’article, Num., xxi, 20 ; xxiii, 28 ; I Reg., xxiii, 19, 24 ; xxvi, 1, 3), une « vaste solitude », Deut., xxxii, 10 ; une, « terre sans eau ï, yt àvvSpoe, Deut., xxxii, 10 ; Ps. lxxvii (hébreu, lxxviii), 40 ; cv (cvi), 14 ; cvi (cvh), 4 ; Is., xliii, 19, 20 ; inaquosum, Ps. lxxvii, 40 ; cv, 14 ; cvi, 4, et « sans chemins », invium, Is., xliii, 19, 20 ; c’est le « désert », Êpr, |ju> ; . Num., xxi, 20 ; xxm, 28 ; Ps. lxvii (lxviii), 8. Elles en ont aussi fait un nom propre : 6’Ie<j<jai[i(i{, I Reg., xxiii, 19, 24 ; à’haat(iô{, I Reg., xxvi, 1, 3 ; Jesimon. I Reg., xxiii, 24. Et, en effet, si cette expression, principalement dans les passages poétiques, désigne le désert de l’Égarement, Deut., xxxii, 10 ; Ps. lxvii, 8 ; lxxvii, 40 ; cv, 14 ; cvi, 4, elle représente aussi une partie du désert de Juda, du côté de ceux de Ziph et de Maon, I Reg., xxiii, 19, 24 ; xxvi, 1, 3 ; mais elle détermine particulièrement la petite plaine du Ghôr el-Belqa, au nord-est de la mer Morte, non loin du Phasga, et dans laquelle se trouvait Bethjésimoth (hébreu : Bêfhayesimôf), « la maison des déserts, » aujourd’hui Souéiméh. Num., xxi, 20 ; xxiii, 28. Cependant, d’une façon générale, le Yesimôn peut désigner les contrées désertes et plus ou moins désolées qui bordent à l’est et à l’ouest le lac Asphaltite.

II. Principaux déserts bibliques. — Les déserts mentionnés dans la Bible se trouvent au sud et à l’est, de la Palestine. Nous ne faisons que les énumérer, renvoyant, pour la géographie et l’histoire, aux articles spéciaux.

i. déserts du sud. — Au sud, la zone désertique comprend d’abord toute la péninsule du Sinaï ; puis, des limites de la Terre Sainte, elle élève une pointe vers le nord, sur le versant des montagnes qui bornent à l’ouest la nier Morte, et vient se terminer au-dessus de Jéricho. Elle se prolonge même plus haut par la vallée du Jourdain ; mais nous ne parlons pas ici de l’Arabah. Nous distinguons donc deux groupes dans cette première partie.

I" groupe. — Presqu’île sinaïtique et limites méridionales de la Palestine. Déserts de :

1. Étham (hébreu : midbâr-’Êfâtn, Num., xxxiii, 8), « à l’extrémité du désert, » Exod., xiii, 20 ; Num., xxxiii, 6, c’est-à-dire à la pointe nord-ouest de la péninsule, tout près de l’Egypte. C’est la partie du désert de Sur qui avoisinait la ville d’Étham.

2. Sur (hébreu : midbâr-Sûr ; Septante : ïpruioi ; 20t3p)i Exod., xv, 22, également au côté nord-ouest du triangle.

3. Sin (hébreu : midbâr-Sin ; Septante : spruioç Sîv), Exod., xvi, 1 ; xvii, 1 ; Num., xxxiii, li, « entre Élim et le Sinaï. » Exod., xvi, 1. C’est la plaine actuelle d’El-Markha, qui longe la rive orientale du golfe héroopopolite : commençant à seize kilomètres au sud de l’ouadi Tayibéh, elle s’étend sur une longueur d’environ vingt-deux kilomètres entre les montagnes à l’est et la mer Rouge à l’ouest. C’est le désert de la manne ; il ne laut pas le confondre avec un autre qui porte le même nom dans la Vulgate, et que nous citons plus loin.

4. Sinaï (hébreu : midbâr Sînâî ; Septante : ïpvjiioç toO Sivâ ou SivS), Exod., xix, ’1, 2 ; Lev., vii, 38 ; Num, , I, 1 ; xxxiii, 15, etc. C’est la plaine A’Er-Rahah, qui, avec une aire d’environ trois cent douze hectares, s’étend au pied et au nord-ouest du Ras-Soufsaféh, dans le massif des monts sinaïtiques : elle formait un excellent théâtre pour la scène mémorable de la promulgation de la Loi.

5. Pharan (hébreu : midbâr-Pâ’rân ; Septante : ëpïi|io ; 4>Bpiv), Gen., xxi, 21 ; Num., x, 12 ; xiii, 1, 4, 27. Il est situé au cœur même de* l’Arabie Pétrée, et porte encore aujourd’hui le nom de Bàdiet et - Tîh ou « désert de l’Égarement », en souvenir du long séjour qu’y firent les Israélites, qui le parcoururent dans toutes les directions. Il s’étend entre le massif du Sinaï au sud et les limites méridionales de la Palestine au nord, se rattachant à l’ôuadi Arabah à l’est.

6. Cadès (hébreu : midbârQâdcs ; Septante : ’Épr)(io ; KiSr, ; ), Ps. xxviil (hébreu : xxix), 8. Il s’agit ici des solitudes qui avoisinent Cadès ou Cadèsbarné (’Aïn Qadis), à l’extrémité sud de là Terre Promise. Elles forment une partie du désert suivant, si elles ne se confondent avec lui.

7. Sin (hébreu : midbâr-Sin ; Septante : ’Épr É (io ; Sîv), Num., xiii, 22 ; xx, 1 ; xxvii, 14 ; xxxiii, 36, etc. Le nom hébreu est complètement distinct de celui du désert de Sin, représenté par la plaine à’El-Markha. Ce dernier s’écrit par un samech, tandis que le premier commence par uii tsadé. La position n’est pas la même non plus. Celui dont nous parlons, associé à Cadès, Num., xx, 1 ; xxxm, 36, se trouvait au nord du désertde Pharan.

8. Bersabée (hébreu : midbâr Be’êr Sâba’; Septante : xaïà tt]v 6p7)|iov, xarà tô çpéap toû Spxou ; Vulgate : solitude Bersabée), Gen., xxi, 14. Bir es-Séba’se trouve à dix ou onze lieUes au sud-ouest d’Hébron, sur la route de l’Egypte. Les terrains incultes de ces parages marquent la limite des déserts : plus haut, vers le nord, commencent Jes pays habités et cultivés.

Il* groupe. ^- Déserts de Juda et de Benjamin.

1. Désert de Juda (hébreu : midbâr Yehûdâh), Jos., xv, 61 ; Jud., i, 16 ; Ps. lxii (hébreu, lxiii), 1 (la Vulgate et les Septante mettent faussement ici « désert d’Idumée » ).’C’est, dans son ensemble, le distrioi ; sauvage et inhabité qui comprend le versant oriental des montagnes de Juda, à l’ouest de l’Arabah, de la mer Morte et du Jourdain, jusque vers Jéricho. Il est appelé « désert de Judée » dans l’Evangile. Matth., iii, 1. Il se subdivise en plusieurs parties, qui sont les déserts de :

2. Maon (hébreu : midbâr -Ma’on ; Septante : e’py)|ioç M « (iv), I Reg., xxiii, 24, 25, à l’est de Khirbet Ma’in, qui se trouve au sud d’Hébron.

3. Ziph (hébreu : midbâr -Zîf ; Septante : lv ttj ëp^û èv tu opet Zî ?), entre Tell ez-Zif, également au sud d’Hébron, et la mer Morte.

4. Engaddi ( hébreu : midbâr’En Gédî ; Septante : epr)(ioi ; ’EvfaBJt), I Reg., xxlv, 2, dans les environs de’Aïn Djidi, sur la rive occidentale de la mer Morte.

5. Thécué (hébreu : midbâr Teqô’a ; Septante : ’épinioç ©exwé), II Par., xx, 20, à l’est de Khirbet Teqou’a, localité située au sud de Bethléhem.

6. Jéruel (hébreu : midbâr Yerû’él ; Septante : É’prijioç’Ispt^X), II Par., xx, 16, entre le désert de Thécué et la mér Morte.

7. Jéricho (hébreu : ’arbôp Yerêhô ; Septante : àpaëo>6’Ispt/ii ; Vulgate : campus solitudinis Jerichontinx), Jer., XXXIX, 5 ; la partie de l’Arabah qui a voisine cette ville ; C’est la partie septentrionale du désert de Juda.

Dans Benjamin, nous trouvons mentionnés deux déserts seulement :

8. Béthaven ( hébreu : midbâr Bêt’Avén ; Septante : MaëSoipïTtî Baifltiv ; Vulgate : solitudo Béthaven), Jos, , xviii, 12, l’aride contrée qui s’étend au sud-est de Béthel (Beitin), aux environs et au-dessus de Machmas (Moukhmas). C’est comme le prolongement du désert de Juda, « la solitude qui monte de Jéricho à la montagne de Béthel. » Jos., xvi, 1.

9. Gabaon (hébreu : midbâr Gib’ôn ; Septante : spr p [ioç raëa<ov), II Reg., ii, 24, steppes qui s’étendent à l’est d’El-Djib.

IL déserts de vest. — À l’est, les déserts ne sont mentionnés qu’incidemment et sont loin d’avoir la même importance historique ; plusieurs même sont inconnus.

1. Désert d’Idumée (hébreu : midbâr’Edôm ; Septante : epiruio ; *E6ti(i), IV Reg., iii, 8, au sud-est de la mer Morte.

2. Désert de Moab (hébreu : midbâr Mô’âb ; Septante : £p71(io ; Moio), Deut., ii, 8, un peu plus haut que le précédent ; probablement les contrées peu habitées qui s’étendent au-dessous de l’ouadi Aïn el-Frandji et confinent au désert arabique.

3. Désert d’Arabie. Il n’est pas expressément nommé dans le texte sacré ; cependant il semble bien indiqué dans le passage où Jérémie, xxv, 23, 24, après avoir parlé de Dédan, de Théma, de Buz et d’autres peuples arabes, mentionne « les rois d’Arabie » ( selon la Vulgate) et « les rois du mélange (selon l’hébreu, hâ-’éréb) qui habitent dans le désert ». Il s’agit des peuples mélangés et nomades qui occupaient les déserts syriens situés à l’est de la Palestine, et dont Palmyre était une oasis. III Reg., ix, 18 ; II Par., viii, 4.

Quelques déserts particuliers rentrent dans cette zone orientale. Ce sont ceux de :

4. Cadémoth (hébreu : midbâr Qedêmôt ; Septante : £pr)(ioç KeSatuiS), Deut., ii, 26, peut-être à l’est d’un des bras supérieurs de l’Arnon (ouadi Modjib), confinant au désert syroarabe.

5. Déblatha (hébreu : midbâr Diblâfàh ; Septante : ’ipry.t>( £ëX « 6à), Ezech., v, 14. La position est incertaine, par suite de l’obscurité du texte.

6. Bosor (s’; tïjv è’p7)[j.ove ! ç Bouop ; Vulgate : desertum Bosor), I Mach., v, 28, probablement aux environs de Bosra dans le Hauran. Voir Bosor 3, t. i, col. 1858. Une autre Bosor, de la tribu de Ruben, était également située « dans le désert ». Deut., iv, 43 ; Jos., xx, 8 ; xxi, 36 ; I Par., vi, 78. Voir Bosor 1, t. i, col. 1856.

ni. autres déserts. — En dehors des frontières de la Palestine, le seul désert mentionné est celui « de la Haute Egypte », c’est-à-dire de la Thébaïde, t>ù l’ange Raphaël lia le démon. Tob., viii, 3.

Il en est d’autres qui ne sont pas cités par leurs noms, mais sont suffisamment indiqués par telle ou telle circonstance : ainsi Callirrhoé, à l’est de la mer Morte, la source « d’eaux chaudes » trouvée par Ana, appartenait à un midbâr. Gen., xxxvi, 24. De même la citerne dans laquelle fut jeté Joseph, Gen., xxxvii, 22, était « dans la solitude » de Dothaïn, où les fils de Jacob faisaient paître leurs troupeaux. Le « désert de la Tentation », dont parlent les évangélistes, Matth., iv, 1 ; Marc, I, 12 ; Luc, IV, 1, est celui que domine le mont de la Quarantaine, tout près de Jéricho. Si, comme le pensent plusieurs auteurs, la ville d’Éphrem, où se retira Notre - Seigneur, Joa., xi, 54, ne différait pas d’Ophéra ou Éphron de l’Ancien Testament, aujourd’hui Et - Taiyibéh, au nord-est de Béthel, le désert voisin est celui de Béthaven. La région déserte où eut lieu la seconde multiplication des pains, Matth., xv, 23, se trouvait à l’est du lac de Tibériade.

III. RÔLE ET SYMBOLISME DU DÉSERT DANS LA BlBLE.

— 1° Si certains pays, comme l’Egypte et l’Assyrie en particulier, ont eu leur rôle providentiel dans l’histoire des Israélites, le désert, lui aussi, a eu sa part dans le plan divin. Il a été pour les enfants de Jacob un berceau et une école : ils y sont nés à la vie sociale, y ont reçu les enseignements de Dieu, leur maître et leur législateur, s’y sont formés aux qualités et aux vertus qu’engendrent l’épreuve et les leçons aussi frappantes que multipliées de la Providence. Sortis de la terre des pharaons sans autres liens que ceux du sang, de la souffrance

et de quelques communes traditions, ils deviennent au pied du Sinaï un peuple admirablement organisé, avec un code de lois religieuses et civiles qui subsistera sans changements à travers de longs siècles. Si Dieu a mis quelque temps sa nation choisie en contact avec la brillante civilisation égyptienne, ce n’est cependant pas au -sein de ce pays merveilleux qu’il la façonnera. Il l’amène -dans le désert, soustraite à toute influence, et la fait vraiment sienne, unique au monde. Il la nourrit d’un pain miraculeux, lui parle à chaque instant, par la voix de la sévérité et des châtiments comme par celle de la douceur et des plus brillantes promesses. Aussi n’est-il pas de souvenir plus profondément gravé dans le cœur des Hébreux, pendant tout le cours de leur histoire, que celui du désert, du Sinaï. La bonté divine d’un côté, leurs prévarications de l’autre, sont présentes à leur mémoire, et, s’ils viennent à les oublier, les poètes sacrés et les prophètes sont là pour les leur rappeler. La vieille génération sema ses ossements sur tous les chemins de cette terre de l’Égarement ; mais du désert sortit une génération nouvelle, forte, unie et prête à la conquête de la Terre Promise, si longtemps attendue.

Ce que le désert a été pour la nation elle-même, il l’a été aussi pour les âmes privilégiées, appelées à quelque grande mission. Il a toujours eu, pour les cœurs religieux en particulier, un attrait irrésistible. La solitude, en effet, rapproche de Dieu, et, en reposant l’esprit dans la méditation et la prière, en épurant le cœur, elle trempe le courage et prépare aux nobles entreprises. C’est là que Moïse vient chercher Dieu et que Dieu se révèle à lui. Exod., iii, 1. David, poursuivi par Saùl, y prend les rudes leçons de l’adversité, mais y apprend aussi d’une manière plus efficace la confiance en Dieu.

I Reg., xxiii, 14, 21, etc. ; Ps. lxii (hébreu, lxiii). Élie y cherche un abri contre les persécutions et s’y entretient avec le Seigneur. I[[ Reg., xix. JeanBaptiste y .grandit, puis il y attire les foules, qu’il baptise, instruit

  • t prépare au royaume messianique. Matth., iii, 1-13 ;

Marc, 1-8 ; Luc, iii, 1-18. Le Sauveur lui-même, au début de son ministère, y vient prier, jeûner, lutter contre .Satan, Matth., iv, 1-11 ; Marc, i, 12, 13 ; Luc, iv, 1-3, comme plus tard il conseillera la solitude, en la pratiquant. Matth., xiv, 13 ; Marc, i, 35, 45 ; Luc, vi, 12. Enfin saint Paul, après sa conversion, s’isole dans les régions inhabitées de l’Arabie, pour y recevoir les enseignements de celui qui l’a terrassé sur le chemin de

— I)amas. Gal., i, 17.

2° Le désert est l’image de la mort et de la désolation. Aussi Dieu s’en sert-il pour peindre le châtiment réservé à certaines villes ou à certaines contrées, et pour plusieurs la prophétie s’est accomplie à la lettre: Babylone, Jer., l, 23 ; Memphis, Jer., xlvi, 19 ; Bosra, Jer., xlix, 13 ; Ascalon, Soph., ii, 4 ; l’Egypte, Ezech., xxix, 9 ; l’Humée. Joël, iii, 19. C’est pour cela également que, dans la Jîible, le désert est représenté comme la demeure des mauvais esprits. Is., xiii, 21 ; Tob., viii, 3 ; Matth., xii, 43 ; Luc, xi, 24 ; Apoc, xviii, 2. Il répond, en effet, à la nature de ces êtres déchus, qui, séparés par leur faute de la source primitive de la vie, n’ont d’autre ambition que de ravager ou détruire l’œuvre de Dieu, semant sur

leurs pas la perdition et la mort,
A. Legendre.
    1. DESSAU##

DESSAU (Aecro-aoù ; Codex Alexandrinus : Ataaaa-i), village (x(i|iïi, castellum) de Judée, près duquel se rencontrèrent les troupes de Judas Machabée et de Nicanor.

II Mach., xiv, 16. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3= édit., Goettingue, 1864, t. iv, p. 419, note, pense qu’il est peut-être identique à Adarsa. I Mach., vii, 40. Nous

n’avons ici aucun renseignement précis.
A. Legendre.
    1. DETTE##

DETTE (hébreu : hôb ; massa’, de nâsâ’, « prêter, » d’où nose", « créancier ; » maSsâ’âh, de nâsàh, « prêter, » d’où nôséh, « prêteur ; » neU ; masséh ; Septante : ànai Tïiffiç, Sâvsicv, ScpEtWiiia ; Vulgate : debitum), ce qu’on est obligé de rendre après l’avoir reçu à titre de prêt. L’habitude d’emprunter de l’argent se rencontre chez les Hébreux comme chez les autres peuples. L’Écriture signale les différents usages qui présidaient aux rapports entre le créancier et le débiteur.

1° Le créancier. — Is., L, 1. Il lui était interdit de presser son débiteur et de l’accabler d’usures. Exod., xxil, 25. Il ne pouvait pas exiger plus qu’il n’avait prêté. Lev., xxv, 36, 37. Voir Usure. L’année sabbatique, durant laquelle les terres n’étaient pas cultivées, la législation imposait au créancier certaines obligations. Il pouvait exiger le payement de la dette contractée par l’étranger, mais ne devait rien réclamer à l’Israélite. L’approche de l’année sabbatique faisait hésiter le prêteur, qui redoutait un trop long délai pour le recouvrement de son avance. Mais il lui était recommandé de se montrer charitable envers son frère et de lui prêter même alors la somme dont il avait besoin. Deut., xv, 1-3, 7-10. Plusieurs auteurs ont interprété la loi en ce sens que la dette s’éteignait d’elle-même à l’année sabbatique. Cette interprétation parait excessive. S’il en eut été ainsi, on n’aurait jamais trouvé de prêteur. Il est beaucoup plus probable que l’année sabbatique imposait un simple sursis et que la créance était prorogée d’un an. Josèphe, Ant. jud., III, XII, 3, ne mentionne la remise des dettes qu’à l’année jubilaire. Dans la Mischna, Schebiilh, 10, 1, il est vrai, on prétend que l’année sabbatique éteignait les dettes, et qu’en cela elle valait mieux que l’année jubilaire. Mais on ne trouve rien dans le texte du Deutéronome qui favorise cette idée. La loi défend d’exiger le payement des dettes, parce que, cette année - là, la terre ne produit pas ses récoltes ordinaires ; mais, l’année suivante, la terre est cultivée à nouveau, et le débiteur retrouve le moyen de satisfaire aux obligations qu’il a contractées. Il est donc juste qu’il rende ce qu’on lui a prêté ; il est même dans son intérêt qu’il le fasse, s’il tient à se ménager la même assistance dans une autre occasion. Cf. Rosenmûller, Scholia in Deuleronomium, Leipzig, 1798, p. 427 ; Bâhr, Symbolik des mosaischen, cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 570 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 210 ; Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 118. La loi du Deutéronome fut toujours en vigueur. On en constate l’observation après le retour de la captivité. II Esdr., x, 31. — Dans un moment de détresse, Néhémie fit la remise de ce qu’on lui devait, et décida par son exemple les grands du peuple à en faire autant. II Esdr., v, 10, 12. — Notre-Seigneur parle, dans une parabole, d’un créancier généreux, qui remet à un de ses débiteurs cinq cents deniers et à un autre cinquante. Luc, vii, 41, 42. Il se représente ensuite lui-même comme le créancier divin, qui remet aux hommes leurs péchés. Luc, vii, 47-49. — Dans l’Oraison dominicale, le pardon des péchés est assimilé à la remise d’une dette. Matth., vi, 12. — La parabole du mauvais serviteur met en scène un débiteur à qui l’on a remis sa dette et qui, devenu créancier à son tour, maltraite indignement le compagnon qui lui doit une somme minime. Matth., xviii, 26-30.

2° Le débiteur. — Son devoir est de payer sa dette. Eccli., iv, 8. Mais il ne le peut pas toujours. Quand David se dérobait aux poursuites de Saûl, il fut rejoint à Odollam par bon nombre de débiteurs insolvables, que harcelaient leurs créanciers. I Reg., xxii, 2. Dans les temps de calamité, le créancier n’était pas-en meilleure situation que le débiteur. Is., xxiv, 2. Les relations de créancier à débiteur n’étaient pas toujours agréables. Jérémie, xv, 10, se plaint que tout le monde le maudit, bien qu’il ne soit ni créancier ni débiteur. Le débiteur chargeait de malédictions le créancier trop pressant, le créancier traitait de même le débiteur négligent.

3° Le gage. — Le créancier pouvait exiger un gage de celui auquel il prêtait. La loi prévoyait le cas, pour empêcher que la garantie fournie par l’emprunteur pauvre

ne lui fût trop onéreuse. Le prêteur n’avait pas le droit de pénétrer dans la maison de son obligé pour y choisir un gage à sa convenance. Il devait se tenir à la porte, ce qui permettait à l’emprunteur de soustraire à sa vue certains objets auxquels il pouvait tenir davantage. Deut., xxrv, 11, 13. C’était une cruauté de prendre en gage le bœuf d’une veuve. Job, xxiv, 3. S’il s’agissait d’un pauvre et que le gage fourni fût un vêtement, le créancier devait le rendre avant le coucher du soleil, Exod., xxii, 26, pour que l’emprunteur pût se garantir contre la fraîcheur de la nuit. Les Bédouins d’aujourd’hui passent encore la nuit enveloppés dans leur manteau. Il leur sert de couverture, et ils ne pourraient s’en passer pour dormir. Peut-être le créancier reprenaitil le gage le lendemain matin, sans quoi la garantie eût été assez précaire. Mais la Bible ne dit rien à ce sujet. En tout cas, la dette payée, le créancier équitable rendait son gage au débiteur. Ezech., xviii, 7. Parfois on ne se contentait pas de donner en gage des objets matériels ; on allait jusqu’à aliéner la liberté de certaines personnes. Poussés par la nécessité, après le retour de Babylone, des gens du peuple engageaient non seulement leurs champs, leurs vignes et leurs maisons, pour se procurer du blé pendant la famine, mais même leurs fils et leurs filles, ainsi réduits en servitude. II Esdr., v, 2-5. Cette pratique était contraire à la loi ; car, s’il était permis de se vendre soi - même comme esclave en cas d’extrême pauvreté, il n’est point dit qu’on pût aliéner la liberté de ses enfants. Lev., xxv, 39.

4° La caution. — Quand une personne digne de confiance répondait pour un emprunteur et se portait caution, ’ârubbâh, c’était le meilleur des gages. Pour se porter caution, comme pour stipuler un engagement quelconque, on se donnait la main, ou les deux parties se frappaient mutuellement dans la main. Prov., vi, 1 ; xvii, 18 ; xxii, 26 ; Ezech., xvii, 18. Dans le livre des Proverbes, les auteurs sacrés dissuadent fortement de rendre cette sorte de service : se porter caution, c’est faire acte d’insensé, XVII, 17 ; s’exposer à mal, xi, 15 ; se laisser prendre par ses propres paroles, VI, 1 ; courir le risque de se voir enlever son vêtement, xx, 16 ; xxvii, 13, ou son lit. xxii, 26. Ceci prouve que ceux pour lesquels on répondait ne se mettaient pas fort en peine de remplir leurs engagements. Un peu plus tard, ce genre de service devint sans doute moins périlleux ; l’Ecclésiastique, vin, 16, recommande seulement de ne pas se porter caution au delà de ses moyens et, le cas échéant, de songer à payer.

5° Le billet. — Au livre de Tobie, i, 17, il est dit que Tobie confia une somme d’argent à Gabélus moyennant un billet de reconnaissance, sub chirographo. Le texte grec ne dit rien de ce détail. Il est possible que le texte hébreu ait présenté la locution masséh yâd (cf. Deut., xv, 2), « dette à la main. » On peut supposer qu’il s’agit alors d’argent confié en se frappant mutuellement la main, comme il faut l’entendre pour le texte du Deutéronome, ou qu’un écrit fut rédigé pour constater la dette, comme il est permis de le conjecturer à raison des usages suivis en Babylonie. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 921. — Dans une des paraboles relatées par saint Luc, xvi, 5-7, il est formellement parlé d’un écrit, YP=W », cautio, par lequel le débiteur reconnaît le montant de sa dette. L’intendant a en sa garde les billets de cette nature qui constatent ce qu’on doit à son maître. Il fait venir les débiteurs et leur ordonne de modifier les chiffres inscrits sur leurs billets primitifs. Cette opération ne put se faire qu’en rédigeant d’autres billets, pour éviter des surcharges ou des grattages qui auraient trahi la fraude.

6° La saisie. — Quand le débiteur ne s’acquittait pas à temps, le créancier perdait patience et faisait vendre ou saisir le bien du retardataire. Cette extrémité était redoutée comme un malheur très grave. P.s. CVlii (Cix), 11.

— La veuve du prophète que visite Elisée’ne peut payer ses dettes ; elle u’a plus rien chez elle, et le créancier se

dispose à prendre ses deux fils pour en faire ses esclaves. IV Reg., iv, 1-7. — Dans la parabole du mauvais serviteur, celui-ci ne peut payer sa dette, et son maître ordonne de le vendre, lui, sa femme, ses fils et tout ce qu’il a, afin que le produit de la vente acquitte la dette. Matth., xviii, 25. Ce mauvais serviteur obtient un répit ; mais, à son tour, il se tourne vers son débiteur, et le fait mettre en prison. Matth., xviii, 30. Informé du fait, le maître livre le mauvais serviteur aux exécuteurs pour qu’ils le torturent jusqu’à ce qu’il ait payé sa propre dette. Matth., xviii, 34. La loi mosaïque, qui autorisait le débiteur à se vendre lui-même, Lev., xxv, 39, 47, ne dit nullement qu’il soit permis d’exercer cette rigueur à l’égard d’un autre. Le fait que mentionne la parabole fait donc allusion à des coutumes étrangères. Chez les peuples qui entouraient les Juifs, on châtiait volontiers toute une famille pour le méfait d’un seul. Esth., xvi, 18 ; Dan., VI, 24 ; Hérodote, iii, 119. La torture était infligée au débiteur pour l’obliger à révéler où il recelait son argent, s’il en avait. Tite-Live, ii, 23 ; Aulu-Gelle, XX, i, 42-45. Notre-Seigneur mentionne les traitements sévères infligés au débiteur insolvable comme une figure des rigueurs exercées dans l’autre vie contre les pécheurs.

Matth., v, 25, 26 ; xviii, 35.
H. Lesêtre.
    1. DEUIL##

DEUIL (hébreu : ’êbél, de’âbal, « avoir du chagrin ; » ’ânîyâh et ta’àniyâh, de’ânâh, qui a le même sens ; Septante : jtsvOoç ; Vulgate : luctus), manifestation extérieure du chagrin que l’on éprouve à la suite d’un malheur, et spécialement à la mort d’une personne aimée. Le deuil est inévitable dans la vie humaine, et souvent « c’est par le deuil que finit la joie ». Prov., xiv, 13. Malgré les répugnances de la nature, le spectacle du deuil est salutaire, et « mieux vaut aller à la maison du deuil qu’à celle du festin ». Eccle., vii, 3. C’est au ciel seulement que cessera le deuil. Apoc, xxi, 4. — Comme tous les Orientaux, les Hébreux ont toujours donné à l’expression de leur chagrin des formes très sensibles. Leurs usages à cet égard sont fréquemment mentionnés dans la Bible.

I. Deuil a la suite d’un malheur. — Ce deuil a pour expression différents actes, les uns spontanés et d’usage universel, les autres conventionnels et plus spéciaux aux Hébreux. — 1° Pleurer et se lamenter. I Reg., xxx, 4 ; Judith, xiv, 18 ; I Esdr., iii, 13 ; Joël, ii, 17 ; Mal., ii, 13, etc. Cf. IV Esdr., x, 4. — 2° Se tenir assis, comme pour marquer qu’on n’a plus la force d’agir. Jud., xx, 26 ; Job, n, 13 ; II Reg., xii, 16 ; xiii, 31 ; Is., iii, 26 ; Lam., i, 1 ; n, 10 ; Ezech., III, 15 ; I Esdr., ix, 3 ; Ps. cxxxvi, 1, etc.

— 3° Garder le silence. Job, ii, 13. Cf. Tob., v, .28. — 4° Déchirer ses vêtements, comme à l’occasion de la perte d’un parent. Voir Déchirer ses vêtements (Usage de), col. 1336. — 5° Revêtir le cilice. Voir col. 760-761. — 6° Prendre des vêtenients sombres. On est alors qodêr, noir et lugubre. Les versions rendent ce mot par âuxo-TuOrjv, « j’ai été couvert de ténèbres, » uxuepwnâÇuv, « ayant l’air sombre, » obscuratus, contristatus. Jer., viii, 21 ; xiv, 12 ; Ps. xxxiv (xxxv), 14 ; xxxvii (xxxviii), 7 ; xii (xlii), 10 ; xlii (xliii), 2. Dans Malachie, iii, 4 : ixÉTai, « suppliants, » tristes. Ce sont ces vêtements sombres qui sont appelés dans le livre d’Esther, xiv, 2, « des vêtements qui conviennent aux larmes et au deuil. » — 7° Omettre les soins de la toilette, et prendre une attitude négligée qui donne à penser qu’on est trop préoccupé de sa douleur pour songer à autre chose. Exod., xxxiii, 4 ; II Reg., xix, 24 ; Ezech., xxvi, 16 ; Dan., x, 3. Aux jours de pénitence et de jeûne, les pharisiens affectaient un air défait et lugubre, afin d’attirer l’attention publique sur leur austérité. Notre-Seigneur recommande à ses disciples de faire tout le contraire ces jours-là, d’oindre leur tête et de laver leur visage. Matth., vi, 16, 17, — 8° Se couvrir la tête, c’est-à-dire se voiler la face, parce que la tête n’était pas ordinairement découverte. Cf. col. 828. Se voiler

la face, c’était comme s’isoler des choses-visibles pour n’être pas distrait de son chagrin. II Reg., xv, 30 ; Jer., xiv, 4 ; Mich., nr, 7. — 9° Se couvrir de cendres. Voir col. 407. — 10° Se couper les cheveux, voir col. 690, ou la barbe, t. i, col. 1455. — il" Aller pieds nus, II Reg., xv, 30, et plus ou moins dépouillé des vêtements ordinaires. Is., xx, 2, 4 ; Mich., i, 8, — 12° S’abstenir de nourriture. Voir Jeûne. — 13° Ne point participer aux festins des dîmes ou des sacrifices, comme si on se considérait dans un état qui rendit indigne d’approcher du Seigneur. Deut., xxvi, 14 ; Joël, i, 9, 13, 16.

II. Deuil après la mort d’une personne. — 1° Le deuil funèbre en général. — La Bible signale plusieurs deuils mémorables : celui de Sara, avec des lamentations et des pleurs, Gen., xxiii, 2 ; celui de Jacob, que l’on pleure soixante-dix jours dans toute l’Egypte, Gen., l, 3 ; celui de Moïse, avec trente jours de pleurs et de lamentations dans les plaines de Moab, Deut., xxxiv, 8 ; celui de Samuel, sur lequel pleure tout Israël, I Reg., xxv, 1 ; celui de Saül et de Jonathas, sur la mort desquels David compose une élégie, II Reg., i, 17-27 ; celui de Judas Machabéè, au sujet duquel tout Israël pleure et se lamente de longs jours. I Mach., ix, 20, etc.

2° Les pratiques du deuil funèbre. — Ces pratiques reproduisaient la plupart de celles qui étaient en usage à la suite d’un malheur quelconque : 1° On pleurait et on se lamentait, on avait même des pleureuses chargées de faire entendre publiquement des lamentations. Ecele., XII, 5 ; II Par., xxxv, 25 ; Jer., ix, 17 ; Amos, v, 16. Voir Pleureuses. Job, xxvii, 15 ; Ps. lxxvh (lxxviii), 61 ; Jer., ix, 1 ; xxxi, 15 ; xli, 6. Ces lamentations ne consistaient, pas seulement en cris inarticulés. On répétait certains mots qui rappelaient le défunt. En ensevelissant un prophète de Juda, mis à mort par un lion, on s’écriait : « Hélas I hélas ! mon frère. » III Reg., xiii, 30. Jéréinie, xxii, 18, prophétise en ces termes, au sujet de la mort de Joakim : « On ne dira pas sur lui la lamentation : Hélas ! frère, hélas ! sœur ; pas de lamentation : hélas ! seigneur, hélas ! majesté. » Il annonce au contraire à Sédécias qu’il aura sa lamentation : « Hélas ! seigneur. » Jer., xxxiv, 5. Cf. Amos, v, 16 ; Horace, De arle poet., 431, 432. Des lamentations analogues sont encore en usage en Palestine. Chez les anciens Égyptiens, on en faisait entendre de pareilles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1897, t. ii, p. 516, 518. — 2° On se jetait à terre, Job, i, 20 ; II Reg., xm, 31, on s’asseyait, et l’on recevait les visites silencieuses des amis. I Par., vii, 22 ; Joa, , xi, 19, 28, 31 ; Act., ix, 39 ; Rom., xii, 15. Ces visites ressemblaient à celles des amis de Job, ii, 13, et l’on n’y prenait la parole que si les personnes en deuil commençaient à parler les premières. On suivait un cérémonial particulier à ces occasions. « Quand on revient du sépulcre, on s’avance et on s’assied les uns pour consoler, les autres pour pleurer, les autres pour méditer sur la mortalité. Puis on se lève, on s’approche un peu et on s’assied, et ainsi de suite sept fois. » Baba bathra, ꝟ. 100 b. Encore aujourd’hui, « dans la plupart des pays d’Orient, à la mort d’un membre de la famille, les amis et connaissances se rendent à la maison mortuaire, saluent en silence les parents du défunt, s’asseyent devant eux sur des sièges rangés autour de la salle, y restent parfois fort longtemps et se retirent sans avoir dit un mot. Ces réceptions silencieuses durent sept jours. s Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 259. — 3° On déchirait ses vêtements. Gen., xxxvii, 34 ; II Reg., iii, 31. Dans une cantilène funèbre, encore en usage en Palestine, les pleureuses répètent les paroles suivantes :

Le scheikh arabe dort

Enveloppé dans sa couverture :

Quand le sommeil l’a pénétré de sa douceur.

Elles ont déchiré leurs vêtements à cause de lui.

A. Legendre, Une scène de deuil, dans la Correspondance catholique, Paris, 1894, t. ii, p. 397. — 4° On re vêtait le cilice, les vêtements sombres, II Reg., xiv, 2 ; Judith, x, 2 ; on cessait de s’oindre d’huile, II Reg., xiv, 2 ; on se voilait la tête, II Reg., xix, 4, etc. — 5° En certains cas, on se faisait des incisions sanglantes, Jer., xvi, 6, d’ailleurs défendues par la loi. Lev., xix, 28 ; xxi, 25 ; Deut., xiv, 1. Voir Incisions. — 6° Enfin, après les funérailles, on assistait d’ordinaire à un repas funèbre. II Reg., iii, 35 ; cf. Bar., vi, 31. Il était offert par les amis aux parents du mort. On y mangeait le pain de deuil. Jer., xvi, 7, 8 ; Ezech., xxiv, 17 ; Ose., ix, 4. On y buvait la coupe des consolations. Jer., xvi, 7. Cette coupe finit en réalité par en comprendre dix, deux avant le repas, cinq pendant et trois après. Jerus. Berakhoth, ꝟ. 60. A la suite de certains excès, le nombre fut réduit à trois. Babyl. Berakholh, ꝟ. 18 a. Le repas funéraire existait aussi chez les Égyptiens, et là il était accompagné de danses dont les monuments ont conservé plus d’une représentation. Champollion, Monuments de l’Egypte et de la Nubie, pi. clxxxvii ; Rosellini, Monumenti civili, pi. lxxviii, lxxix, xcvi, xcviii, xcix. — Dans plusieurs passages de la Sainte Écriture sont mentionnées à la fois plusieurs des conditions du deuil. Jérémie, XVI, 4-7, parle en ces termes des Israélites que va châtier le Seigneur : « Ils n’auront ni lamentation ni sépulture… Voici ce que dit le Seigneur : N’entre pas dans la maison du festin funèbre, n’y va pas pour pleurer ni pour les plaindre… Grands et petits mourront en ce pays, on ne les ensevelira pas, on ne se fera pas d’incisions, on ne se rasera pas pour eux, on ne distribuera à personne le pain de deuil pour le consoler de la mort d’autrui, on n’invitera pas à la coupe de consolation, même aux funérailles d’un père ou d’une mère. » Le Seigneur dit de même à Ézéchiel, xxiv, 16, 17 : « Je vais t’ènlever par un coup subit la joie de tes yeux (ta femme) : point de lamentation, ni de pleurs, ni de larmes. Gémis en silence, ne porte pas le deuil funèbre. Que ta bandelette reste attachée, garde tes chaussures aux pieds, ne te voile pas le visage, et n’accepte pas le festin des autres. » Dans ces deux passages, l’énumération des choses qui sont omises exceptionnellement indique celles qui se pratiquaient d’habitude. Voir Funérailles. — Des recommandations relatives au deuil sont adressées par le fils de Sirach dans l’Ecclésiastique, xxxviii, 16-24 : « Mon fils, verse des larmes sur le mort et mets-toi à pleurer, comme quelqu’un qui a été cruellement atteint… Pour éviter les mauvais propos, porte amèrement son deuil pendant tout un jour, puis console-toi dans ta tristesse. Porte son deuil pendant un jour, selon son mérite, ou deux jours, pour éviter les mauvais propos. Car la tristesse fait hâter la mort, enchaîne l’énergie, et le chagrin du cœur fait courber la tête. Quand on emmène le mort, la tristesse passe aussi. La vie du pauvre est contraire à son cœur, [et pourtant il la supporte]. N’abandonne donc pas ton cœur à la tristesse, mais chasse-la loin de toi et souvienstoi de ta fin. Ne l’oublie pas, il n’y a point de retour, et, sans lui être utile, tu te nuirais à toi-même… Quand le mort repose, laisse reposer son souvenir, et console - loi du départ de son âme. » Ces conseils, traduits d’après le texte grec, tendent à modérer le deuil par la pensée de l’inutilité des démonstrations extérieures, et du danger d’un chagrin prolongé. Pour arriver au même but, saint Paul évoque un motif d’un ordre supérieur : « Ne vous attristez pas, au sujet des morts, comme les autres qui n’ont pas d’espérance. » I Thess., IV, 13.

3° Deuil des prêtres. — Par cela même qu’ils étaient attachés au service du Dieu vivant, les prêtres ne pouvaient porter comme les autres le deuil des morts. Tout signe de deuil était interdit au grand prêtre, même pour la mort de son père ou de sa mère. Lev., xxi, 10, 11 ; Num., vi, 7. Il continuait alors à remplir ses fonctions, mais toutefois ne mangeait pas la chair des victimes pendant son deuil. *Lev., x, 19 ; Deut., xxvi, 14. Les simples prêtres portaient le deuil de leurs proches, père, mère, 11399

DEUIL — DIACONESSE

1400

fils, fille, frère et sœur non mariée, Lev., xxi, 1-4, auxquels on ajouta l’épouse. Siphra, ꝟ. 222 6. Sitôt qu’ils apprenaient la mort de l’un des leurs, ils ne pouvaient continuer le serviee commencé. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 79.

4° Durée du deuil. — Jacob porta « . un long temps » le deuil de Joseph qu’il croyait mort. Gen., xxxvii, 34. Le sien fut prolongé pendant soixante-dix jours, dont sept pour les funérailles. Gen., L, 3, 10. Pour Aaron et Moïse, il y eut trente jours de deuil. Nutn., xx, 29 ; Deut., xxiv, 8. Le deuil de sept jours, qui suivit la mort de Saûl,

I Reg., xxxi, 13, devint le grand deuil ordinaire. Eccli., xxii, 13. Cf. Ezech., iii, 15, 16. Ce fut celui qu’Archélaùs consacra à son père Hérode, « car la coutume des ancêtres réclame ce nombre de jours, si Josèphe, Anl. jud., XVII, viii, 4. Cet auteur ajoute qu’à la suite des sept jours de deuil, on offrait au peuple un festin funèbre, à moins de vouloir passer pour impie. Bsll. jud., III, ix, 5. Pour le père et la mère, le deuil durait un mois. Deùt., xxi, 13. Les veuves portaient le deuil plus longtemps, et quelquefois toute leur vie. Gen., xxxviii, 14 ; II Reg., xiv, 2 ; Judith, viii, 5 ; Luc, ii, 37. Voir Veuve. Chacun avait la liberté de prolonger plus ou moins son deuil. Josèphe, Bell, jud., III, ix, 5, prétend que, quand on le crut mort, il y eut trente jours de pleurs et de lamentations à Jérusalem. — Dans le deuil de trente jours, on observait les règles suivantes, d’après les talmudistés. Le premier jour, on ne portait pas les phylactères. Les trois premiers jours, le travail était défendu et l’on ne répondait pas aux salutations. Les sept premiers jours, il était interdit de mettre des chaussures, de se laver, de s’oindre d’huile, de se couvrir la tête, de lire la Loi, la Mischna ou les Talmuds. Tous les parents du défunt portaient le saq ou cilice pendant sept jours. La s’arrêtait le grand deuil. Mais, pendant trente jours, on ne pouvait ni se raser, ni recoudre la robe déchirée, ni se servir de vêtements neufs ou nouvellement blanchis. À la mort d’un père ou d’une mère, on gardait le cilice pendant les trente jours. Certaines veuves ne. le quittaient pas de toute leur vie. Cf. Lightfoot, Horse hebraicse et talmudicx, Leipzig, 1674, p. 1072 ; Geier, De Hebrseorum luctu lugentiumque ritibus, Leipzig, 1656, et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxxm ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 381, 382, 386, 387 ; Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 164, 165.

III. Le deuil public. — On le prenait à l’occasion de la mort d’un homme marquant, Jacob, Gen., L, 3 ; Aaron, Num., xx, 29 ; Moïse, Deut., xxxiv, 8 ; Samuel, I Reg., xxv, 1 ; Saûl, I Reg., xxxi, 13 ; Il Reg., i, 11, 12 ; Abner,

II Reg., iii, 31 ; Abia, III Reg., xiv, 13, 18 ; Josias, Il Par., xxxvi, 24 ; Judas Machabée, I Mâch., ix, 20, etc. D’autres fois le deuil avait pour cause un calamité publique. I Reg., vii, 3-6 ; II Par., xx, 3-13 ; Jon., In, 5-8 ; Jer., XIV, 2. À la suite d’une invasion de sauterelles qui avait détruit toutes les récoltes, Joël, 1-11, décrit le deuil national dans des termes qui peuvent nous donner l’idée de ce qui passait en pareil cas : « Réveillez-vous, vous qui avez bu, pleurez, lamentez-vous, buveurs de viii, au sujet du vin doux, car il vous est enlevé de la bouche… Lamente-toi comme une jeune femme revêlue du cilice, après avoir perdu l’époux de sa jeunesse. La farine et le vin font défaut pour être offerts à la maison du Seigneur ; les prêtres, ministres du Seigneur, sont dans le deuil… Prêtres, revêtez le cilice et pleurez ! Poussez des cris, ministres de l’autel ! Entrez dans le temple, passez la nuit sur le cilice, ministres de mon Dieu, car il n’y a plus ni farine ni vin à offrir dans la maison de votre Dieu. Proclamez le saint jeûne, convoquez l’assemblée, réunissez les anciens, tous les habitants du pays, dans la maison du Seigneur, votre Dieu. Criez vers le Seigneur et dites : Hélas ! quel jour ! … Sonnez de la trompette en Sion, que vos cris retentissent sur la montagnesainte, que tous les habitants du pays soient en mouvement ! … Déchirez

vos cœurs, et non vos vêtements, et convertissezvous au Seigneur votre Dieu… Rassemblez le peuple, réunissez une sainte assemblée, convoquez les vieillards, amenez les enfants, même ceux qui sont à la mamelle. L’époux hors de sa chambre, et l’épouse hors de son lit ! Que les prêtres et les ministres du Seigneur pleurent entre le vestibule et l’autel et qu’ils disent : Pardon, Seigneur, pardon pour votre peuple. » Toute la population était, donc mise en mouvement en pareil cas, les plaisirs cessaient, et la désolation pesait sur toute la nation.

II T KSF’TPF"

    1. DEUTÉROCANONIQUES##

DEUTÉROCANONIQUES (LIVRES). Voir Canon, col. 137.

    1. DEUTÉRONOME##

DEUTÉRONOME, cinquième livre du Pentateurjue. Voir Pentateuque.

DEVIN. Voir Divination.

    1. DIABLE##

DIABLE (StdtgoXo ; ), mot qui vient du grec et signifie proprement « celui qui se met en travers », SiaêâXXet ; mais est généralement employé dans le sens de « calomniateur, accusateur ». — I. Ancien Testament. — Il est employé six fois par la Vulgate, dans la traduction de l’Ancien Testament : 1° pour rendre les mots hébreux bel’ial, « méchant, vaurien, » III Reg., xxi, 13 (voir BÊlial ) ; Satan, « accusateur, adversaire, » Ps. cix, 6 (voir Satan) ; réséf, « feu » et par métaphore « peste » qui brûle, Hab., iii, 5. (S. Jérôme, In Hab., iii, 5, t. xxv, col. 1314, nous apprend qu’il a traduit par « diable », parce que, « d’après les Hébreux, Réseph est le nom d’un prince des démons » ). — 2° Dans les livres que nous ne possédons qu’en grec, SiâëoXo ? signifie simplement « un ennemi », dans 1 Mach., i, 38 ; dans Sap., ii, 24, il désigne le démon qui séduisit nos premiers parents. Au livre de l’Ecclésiastique, xxi, 30. nous lisons : « Lorsque l’impie maudit le diable (grec : Saravâv), » c’est-à-dire son adversaire ou bien le démon, « il se maudit lui-même, » il est cause de son propre malheur et ne doit pas s’en prendre à d’autres. — IL Nouveau Testament. — Le mot SiâêoXos, diabolus, y a toujours le sens de « démon » ou Satan (excepté dans un seul passage, Joa., vi, 10, où Notre -Seigneur appelle Judas, qui devait le trahir, diabolus). Comme ce mot s’applique individuellement à Satan, 81â60Xoç dans le texte original est ordinairement déterminé par l’article (les seules exceptions sont Act., xiii, 10 ; I Petr., v, 8 ; Apoc, xx, 2). Il a péché dès le commencement, I Joa., iii, 8 ; il tente Notre-Seigneur dans le désert, Matth., iv, 1-11 ; Luc, iv, 2-13 ; il tente les hommes et cherche à leur faire du mal, Matth., xiii, 39 ; Luc, viii, 12 ; Joa., xiii, 2 ; 1 Tim., vi, 9 ; Hebr., ii, 14 ; I Petr., v, 8 ; Apoc, ii, 10 ; xii, 12 ; xx, 9 ; c’est lui qui tourmente lès possédés, Act., x, 38 ; c’est lui qui a séduit nos premiers parents, Apoc, xii, 9 ; xx, 2 ; les pécheurs sont comme ses fils, Joa., viii, 44 ; Act., xhij’IO ; 1 Joa., iii, 8, 10 ; les fidèles doivent lui résister de toutes leurs forces. Ephes., iv, 27 ; vi, II ; I Tim., iii, 6, ? ; U Tim., ii, 26 ; Jacob., iv, 7. Le Seigneur est venu dans ce monde pour anéantir les œuvres du diable, I Joa., m, 8 ; c’est pour lui et pour les anges, ses compagnons de révolte, qu’a été préparé l’enfer. Matth., xxv, 45. Saint Jude, y. 9, dit que « t l’archange Michel disputa avec le diable au sujet du corps de Moïse ». — Dans le texte grec du Nouveau Testament, le mot StttêoXo ; est employé trois fois, non pour désigner une personne, mais comme adjectif, dans le sens de « calomniateur, médisant ». I Tim., III, 11 (Vulgate : detrahentes) ; II Tim., iii, 3 (crimvnatores ) ; Tit., ii, 3 (criminatrices). — Voir Démon, Satan. F. Vigouroux.

    1. DIACONESSE##

DIACONESSE (rjSiâxovo ; , une fois, Rom., xvi, l.Le mot 81ax6vi<T<ja n’a été usité que plus tard. Const. apost., vi, 17 ; viii, 19, 20, t. i, col. 957, 1116). Ce mot désigne

les femmes, vierges ou veuves, qui étaient officiellement chargées, dans les premiers siècles de l’Eglise, de certaines fonctions attenant au ministère ecclésiastique. L’Écriture donne peu de renseignements sur cette institution. Saint Paul est le seul qui la mentionne. — 1° Parlant des évêques et des diacres dans sa première Épitre à Timothée, il intercale au milieu du passage qu’il consacre aux diacres un verset où il dit : « Que les femmes également soient graves, exemptes de médisance, sobres et fidèles en toutes choses. » iii, 11. Il est clair que l’Apôtre ne parle pas des femmes en général, mais d’une catégorie spéciale parmi elles. A-t-il voulu désigner les épouses des diacres, comme le pense saint Thomas, ou même celles des prêtres et des évêques, comme le veut Estius ? C’est possible. Toutefois une grande partie des interprètes catholiques croient qu’il s’agit là des diaconesses. — 2° Un autre passage concerne les veuves : « Pour être inscrite comme veuve, il faut n’avoir pas moins de soixante ans, n’avoir eu qu’un mari, mériter bon témoignage sous le rapport des bonnes œuvres, avoir bien élevé ses enfants, exercé l’hospitalité, lavé les pieds des saints, secouru les affligés, accompli toutes sortes de bonnes œuvres. Mais écartez [de ce nombre] les jeunes veuves. » I Tim., v, 9-11. Selon plusieurs interprètes, ce passage concernerait les veuves pauvres en général, qui étaient nourries aux frais de la communauté chrétienne. Mais d’autres pensent, et nous sommes de leur avis, qu’il s’agit là d’un collège de veuves consacrées à Dieu, qui aidaient plus ou moins les ecclésiastiques dans leur ministère. Autrement, on ne s’expliquerait pas la sévérité des conditions posées par l’Apôtre. Il serait exorbitant d’exiger à la fois un âge si avancé et une perfection si haute pour l’admissibilité à des distributions de secours matériels. En revanche, ce sont des conditions toutes naturelles pour faire partie d’un collège d’élite. Tel était précisément le cas des diaconesses. Aussi plusieurs interprètes les identifient avec les veuves dont parle saint Paul. Cf. entre autres : Tertullien, Ad ûxorern, i, 7, t. i, col. 1286 ; saint Épiphane, Hmres., lxxix, 3-4, t. xlii, col. 744-745. Peut-être cependant y aurait-il lieu de les distinguer. Des personnes de soixante ans ou davantage auraient pu difficilement remplir toutes les fonctions que l’histoire des premiers siècles chrétiens attribue aux diaconesses. Le collège des veuves en question était plutôt, selon nous, un collège parallèle, qui aidait celui des diaconesses et servait en partie à le recruter. Cf. Van Steenkiste, Actus Apostolorum illustrati, Bruges, 4e édit., 1882, append. vi, De diaconissis.

— 3° Enfin saint Paul mentionne une certaine Phœbé, comme « employée », in ministerio, oùo-av Btâxovov, dans l’église de Cenchré. Rom., xvi, 1. Mais nous n’avons aucun renseignement sur son ministère. — Voir Pien (Pinius), De Ec.clesix diaconissis, dans les Acla sanctorum des Bollandistes, en tête du premier tome de septembre. J. Bellamy.

    1. DIACRE##

DIACRE (grec : Siâxovoç ; Vulgate : diaconus). Le grec êiixovoç, « serviteur, » a dans le Nouveau Testament deux acceptions, qui sont bien diflérenciées en latin par les mots minister et diaconus. La première, celle qui correspond à minister, « serviteur, ministre, » est une acception large, qui s’applique à toutes sortes de services ou fonctions, par exemple, au service des anciens, II Cor., XI, 23, etc. La seconde, celle qui correspond à diaconus, « diacre, » est une acception stricte, qui désigne uniquement les clercs placés au troisième rang de la hiérarchie ecclésiastique, c’est-à-dire après les évêques et les prêtres. Quand il s’agit de ces clercs, la Vulgate emploie toujours le mot diaconus.

1° Origine des diacres. — Rien n’appuie l’opinion de Vitringa, De synag. vet., p. 895, qui croit que le diacre correspond au hazzân (ùotipéttk, Luc, iv, 20) ou « serviteur s de la synagogue. L’occasion et le but de l’insti tution du diaconat sont clairement racontés dans les-Actes. Un abus qui s’était glissé dans la distribution des secours matériels que donnait aux veuves la primitive Église de Jérusalem fut l’occasion de leur institution. Les Apôtres, estimant avec raison qu’il leur était impossible de sacrifier le double ministère de la prièreet de la prédication à des services économiques d’ordre inférieur, jugèrent à propos de s’adjoindre des auxiliaires d’élite, qui s’occuperaient à l’avenir « du service des tables », sans préjudice, bien entendu, de fonctions plus importantes. Au lieu de choisir eux-mêmes leurs auxiliaires, les Apôtres préférèrent abandonner ce choix aux fidèles, afin sans doute d’avoir comme auxiliaires des hommes jouissant de la confiance publique. Ils fixent néanmoins le nombre des exigibles (sept), en même temps qu’ils se réservent la consécration des élus~ Act., VI, 1-6. Ces derniers eurent-ils immédiatement hr titre officiel de « diacres » ? Le texte ne leur donne pas ce nom ; mais il caractérise pourtant leurs ionctions par les mots Seaxovîâ et Siaxovetv, ministeriuni, ministrare.

— En comparant ce passage des Actes aux autres endroits où il est question nommément des diacres, I Tim., iii, 8-10 ; Philip., i, 1, on voit qu’il s’agit non d’un ministèretransitoire et d’origine purement humaine, mais d’une institution plus haute, ayant un caractère définitif et suggérée aux Apôtres par l’Esprit-Saint. Autrement on nes’expliquerait bien ni l’importance majeure qu’attachent les Apôtres au choix des sept premiers diacres, ni la préoccupation visible qu’ils apportent à marquer les conditions que doivent remplir les futurs élus, ni la solennité dont ils entourent l’institution nouvelle, ni l’énumération des rares qualités qu’exige saint Paul de la part des diacres, ni l’étroite association qu’il établit entre eux et les évêques.

2° Fonctions des diacres. — La Bible n’en mentionne que trois : le service des tables, Act., VI, 2 ; la prédication, Act., vii, 2-53 ; viii, 5 ; l’administration du baptême. Act., viii, 38. Encore la dernière est-elle un fait isolé ; et il n’y a que deux exemples bibliques de prédication ou de controverse par des diacres, saint Etienne et le diacre Philippe. Act., viii, 5 ; vii, 2-53. « Dans la première Épître à Timothée, où il est encore parlé d’eux assez longuement, il n’est pas donné de détails bien précis sur la nature de leurs fonctions ; mais les qualités que l’Apôtre requiert en eux sont bien celles qui conviennent à des ministres sacrés préposés au soin des choses extérieures. I Tim., iii, 8-13. » Leurs fonctions primitives sont clairement marquées dans les Pères apostoliques et les apologistes. Voir De Smedt, Organisation des églises chrétiennes jusqu’au milieu du m" siècle, dans le Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1888, t. ii, p. 297-338.

3° Ordination des diacres. — À l’instar des évêques, ils étaient constitués dans leurs fonctions par une cérémonie qui comprenait deux choses principales : la prière et l’imposition des mains. Act., vi, 6. Mais une épreuve préalable était nécessaire. Avant d’être ordonnés, ils devaient être jugés « irréprochables, àvéy>n)XTOi 6’vte ; ». I Tim., iii, 10.

4° Qualités des diacres. — Saint Paul les énumèredans sa première Épitre à Timothée, iii, 8-10, 12. Les unes, exprimées sous forme négative, exigent surtout l’absence de défauts qui sont incompatibles avec l’état ecclésiastique. « Que les diacres ne soient pas doubles dans leurs paroles, ni adonnés au viii, ni à la recherched’un gain sordide. » Les autres, exprimées sous formepositive, sont au nombre de quatre : l’honnêteté ou la dignité de la vie en général, o-e^oûc ; la connaissance des mystères chrétiens, la pureté de la conscience, et enfin la continence, sinon absolue, du moins relative, qui exclut les secondes noces. L’opinion protestante, qui voit seulement dans ce dernier passage l’exclusion de la bigamie simultanée, est inadmissible. Voir Bigamie, 1. 1, col. 1792.

Au fond, ce sont les mêmes qualités que demandent les Apôtres pour les sept premiers diacres. Act., vi, 3. Avoir « bon témoignage du public » ou « être irréprochable », c’est tout un. Être « remplis de l’Esprit-Saint et pleins de sagesse », c’est la même chose qu’avoir « la dignité de la vie et la connaissance des mystères chrétiens dans une conscience pure ». — Yoir Seidl, Der Diakonat in der kathol. Kirche, Ratisbonne, 1884. J. Bei.lamy.

DIADÈME. Voir Couronne.

DIAMANT. Hébreu : sâmîr ; Septante : àSaixavrivo ;  ; Vulgate : adamas, adamantinus.

I. Description. — La première des pierres précieuses par sa rareté et ses qualités exceptionnelles de brillant et de dureté, le diamant (fig. 494) est une substance minérale (du carbone pur) qui cristallise en octaèdre ou en dodé 494. — Diamant de l’Afrique du Sud, dans sa gangue. Il’après M. Bauer, Edelsteinkunde, in-8°, Leipzig, 189C, pi. i.

caèdre et en bon nombre de dérivés de ces deux formes. Sa densité moyenne est 3, 5. Il est le plus dur de tous les corps ; il coupe le verre, raye et perce tous les autres minéraux. Les diamants les plus estimés sont entièrement blancs ; mais on-en trouve aux couleurs les plus diverses : toutefois un certain éclat particulier ne permet pas de les confondre avec les autres pierres précieuses de la même nuance. Les anciens connaissaient le diamant, Théophraste, De lapid., 19 ; Pline, H. N., xxxvii, 15 ; les auteurs grecs et romains l’appellent à8a( », a ; , adamas, « indomptable, » à cause de sa dureté. Il faut dire toutefois qu’assez souvent ces auteurs emploient ce nom comme un terme générique, pour désigner les corps très durs ou un métal excessivement résistant. Hésiode, Theogon., 161, 168 ; Eschyle, Prometh., 6 ; Ovide, Métam., vu, 104. (Théophraste est le premier à employer le mot àSâtia ? au sens particulier de diamant.) — Les anciens ignoraient la taille du diamant ; aussi n’ont-ils pas soupçonné l'éclat incomparable que pouvait revêtir cette pierre précieuse. Avec les diamants les plus transparents, à l'état de nature ou obtenus par le frottement, ils ornaient des bagues, des vases de prix. Ils l’utilisaient surtout pour sa dureté, et s’en servaient pour graver ou percer les gemmes les plus résistantes. Dans leurs descriptions du diamant se mêlent de nombreuses légendes sur ses propriétés : en particulier sur l’impossibilité de le brûler en le soumettant au feu le plus intense, et sur sa résistance aux chocs les plus violents. Pline, H. N., xxxvii, 15. Il brûle, au contraire, facilement et est très fragile. Avant la découverte de l’Amérique tous les diamants venaient de l’Inde. Quand Pline, H. N-, xxxv, 15, signale l’Ethiopie comme un des gisements du diamant, c’est par suite d’une confusion de nom : tout ce qu’il dit à ce sujet s’applique à l’Inde. Voir Jannettaz et Fontenay, Diamant et pierres précieuses, in-8°, Paris, 1881 ; Ch. Barbot et Baye, Guide pratique du joaillier, sans date, 4e édit., p. 116 et suiv.

II. Exégèse. — Dieu dit au prophète Ézéchiel, iii, 9 : « Je t’ai fait un front dur comme le Sâmîr, qui est plus dur que le rocher ; » image marquant qu’il lui donnera la force de résister invinciblement à ses ennemis. Zacharie, vu, 12, emploie une image semblable : « Les Juifs ont rendu leur cœur dur comme le Sàmir, » c’est-à-dire ont résisté à toutes les avances divines. Enfin d après Jérémie, xvii, 1, « le péché de Juda est écrit avec un stylet de fer et une pointe de Sâmîr. » Dans ces textes il est question d’une pierre excessivement dure, dont on arme la pointe du stylet pour graver ou percer les corps les plus résistants. Or ces propriétés sont excellemment celles du diamant. Le mot sàmir vient d’une racine signifiant « creuser, percer » : il aurait été donné au diamant parce qu’on l’employait pour graver ou percer les corps les plus durs. Cf. Pline, H. N., xxxvii, 15. « Adamas (le diamant), dit saint Jérôme (Comm. in Zach., vii, t. xxv, col. 1463 ; cf. Comm. in Amos, col. 1073), est une pierre très résistante, qui s’appelle samir en hébreu ; elle est si dure, qu’aucun métal ne lui résiste, tandis que tous sont impuissants à la réduire ; aussi est-elle appelée indomptable par les Grecs. » La Vulgate traduit aux trois endroits cités le mot sâmîr par adamas, adamantinus. Les Septante omettent le mot dans Ézéchiel, iii, 9, et Zacharie, vu, 12. Quant au passage de Jérémie, xvii, 1, et aux quatre versets suivants, ils sont omis dans le Codex Vaticanus. Mais dans le Codex Alexandrinus, dans l'édition de Complute, on lit les cinq versets avec l’expression : êv ovy^i « èajjiâvTivM. Par contre, les Septante introduisent le mot « diamant » dans un passage d’Amos, vii, 7, 8, où il est question de iil à plomb dans l’original. Dans deux manuscrits cursifs de l’Ecclésiastique, dans l'édition deComplute, le syriaque et l’arabe, il est fait aussi mention du diamant au chapitre xvi, 16 : « Il (Dieu) a séparé la lumière des ténèbres avec un diamant. s Mais les principaux manuscrits n’ont pas cette addition. — Le texte de Jérémie, xvii, 1, signale un usage particulier du Sâmîr qui convient à merveille au diamant ; il parle d’un stylet de fer armé d’une pointe de diamant, destinée à graver les pierres les plus dures. C’est un emploi bien connu des anciens. Les fragments d’un diamant concassé sont, dit Pline, H. N., xxxvii, 15, « recherchés des graveurs, qui les enchâssent dans du fer, et par ce moyen entament aisément les substances les plus résistantes. » En cet endroit la Vulgate porte : in ungue adamantino ; traduction littérale de be-sippôrén sâmîr. La pointe est appelée « ongle » parce que le stylet en est muni comme le doigt de son ongle, et que par cette pointe il entre dans les corps durs comme une sorte de griffe ou d’ongle. En résumé, les qualités et l’emploi du sâmîr conviennent donc admirablement au diamant. — Cependant l’identification est loin d'être certaine ; car il est douteux que le diamant fût bien connu des Égyptiens et des Assyriens, et par conséquent des Hébreux ; et les comparaisons où il entre dans l'Écriture supposent une pierre assez répandue. D’autre part, les propriétés du sâmîr conviennent également à une espèce de corindon, le corindon limpide, le yaqout blanc des Arabes, pierre plus connue, qui est employée dans l’Inde pour graver les corps durs. Selon Teifaschi, Le livre lumineux sur la propriété des gemmes et des pierres royales, cité par Clément Mullet, Essai de minéralogie arabe, p. 41, 45 : « Il attaque toutes les autres pierres, comme fait le diamant. On adapte un morceau de corindon à un foret en fer, puis on opère la perforation, comme on fait sur le bois. » Le même auteur signale un des défauts de cette pierre, le ver. « Le ver est une fente qu’on observe dans l’intérieur du corindon et que surmonte certaine portion de la terre du gisement. Souvent on voit dans cette fente un vermisseau, qui s’agite et qui meurt aussitôt qu’il a été exposé à l’air. » Il est curieux de rapprocher de ces paroles une ancienne légende rabbinique, d’après laquelle Moïse aurait gravé les pierres du ralional au moyen d’un ver appelé sàmir. Cholin, c. au ; Sota, c. ix ; Guttim, c. vi; J. Braun, Vestitus sacerdotum hebræorum, in-8°, 1680, p. 618. D’autre part, on sait que l’émeri est un corindon réduit en poudre, qui sert à polir les métaux et les pierres précieuses. Or le nom grec de ce corindon, σμίρις, et son nom égyptien, [Image à insérer], âsmir, rappellent le šâmîr hébreu d’une façon frappante. Ces raisons permettent de croire que le nom de šâmîr s’applique de préférence à cette espèce de corindon ; mais comme il désigne une pierre très dure, il a pu ensuite se donner également au diamant, parce qu’il lui ressemblait pour la dureté et servait aux mêmes usages. C’est ce qui a eu lieu pour le mot adamas.

Quelques auteurs, à la suite d’Aben-Esta et d’Abarbanel, ont voulu identifier la pierre yaḥalôm avec le diamant. Braun, De vest. sacerd., lib. II, c. xiii, p. 688. Mais cette pierre est plutôt une espèce de béryl ou d’aigue-marine orientale, — Voir Pinder, De adamante commentatio antiquaria, in-8° Berlin, 1829 ; Clément Mullet, Essai de minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 99-111.

E. Lesveque.

DIANE (grec : Ἄρτεμις ; Vulgate : Diana), déesse grecque honorée dans un grand nombre de villes et en particulier à Éphèse.

1o Pendant le séjour que saint Paul fit à Éphèse, dans sa troisième mission apostolique, éclata une émeute, excitée par un orfèvre nommé Démétrius, qui fabriquait des petits temples de Diane en argent. Cet homme souleva les artisans qui exerçaient le même métier que lui en leur disant que les discours de saint Paul ruineraient leur commerce. Act, xix, 23-27. Voir Démétrius 3, col. 4364. Ce discours remplit les artisans de colère, et ils se mirent à crier en manière de protestation : « Grande est la déesse des Éphésiens ! » Toute la ville fut remplie de confusion ; la foule courut au théâtre et y entraîna Gaius et Aristarque, compagnons de saint Paul. Lui-même voulait se rendre au même endroit, mais des Asiarques de ses amis l’en empêchèrent. Voir Asiarques, t. 1, col. 1091. Un Juif, nommé Alexandre (voir Alexandre 5, t. 1, col. 350), obtint le silence et voulut défendre ses coreligionnaires ; mais sa nationalité fut reconnue, et pendant prés de deux heures on n’entendit que le cri : « Grande est la Diane des Éphésiens ! » Enfin le secrétaire de la ville calma le peuple et leur dit : « Éphésiens, qui ignore dans le monde que la ville d’Éphèse est néocore, c’est-à-dire vouée d’une façon particulière au culte de la grande Diane tombée du ciel ? Puisque personne ne peut le contester, il faut que vous vous calmiez ; car ces gens ne sont ni sacrilèges ni blasphémateurs de la déesse. » Et il congédia l’assemblée, après avoir fait remarquer que si Démétrius et les artisans qui exerçaient le même métier que lui avaient à se plaindre, ils pouvaient s’adresser au proconsul. Act., xix, 28-40. ;

2o Le nom de Diane ou plutôt d’Artémis appartient chez les Grecs à plusieurs divinités d’origine et de caractères différents. Ils appelaient ainsi et la déesse de Tauride, à laquelle on offrait des victimes humaines, et la Dictynna des Crétois, et l’Anaïtis des Mèdes et des Perses, et la fille de Latone, sœur d’Apollon, et la grande déesse des Éphésiens et d’autres divinités. P. Decharme, Mythologie de la Grèce antique, 2° édit., in-8°, Paris, 1886, p. 135-148 ; W.H. Roscher, Ausführlisches Lexicon der Griechischen und Römischen Mythologie, in-8, Leipzig, t. 1, 1884-1886, col. 558-608. La déesse d’Éphèse ne rappelait en rien le type élégant de beauté que les arrières grecs ont donné à la fille de Latone. C’était une statue informe, noircie par le temps, et dont la partie inférieure était couverte d’une sorte de maillot ou de bandelettes qui lui donnaient l’aspect d’une momie égyptienne. Selon Pline l'Ancien, H. N., xvi, 79, elle était en bois de vigne et percée de trous dans lesquels on versait un parfum. Cf. E. Curtius, Ephesos, in-4°, Berlin, 1874, p. 30 et 38. M. Wood, Discoveries at Ephesus, including the site and remains of the great temple of Diana, in-8°, Londres, 1877, p. 75, croit que c’était un aérolithe, qui avait une forme humaine. C’est aussi ce que paraît dire le secrétaire de la ville d’Éphèse dans le discours qu’il adresse à la foule. Act., xix, 45. Le sein de la déesse est couvert de nombreuses mamelles. De là l’épithète de πολύμαστος ou multimammia, que lui donnaient les anciens. S. Jérôme, Præfat. in Epistolam ad Ephesios, t. xxv, col. 414. La tête de la statue est couverte d’une couronne de tours ou d’un boisseau. Voir Boisseau, t. i, col. 1841. Derrière la tête est un disque, qui représente la lune. Sur ses bras rampent des lions. Les bandelettes sont ornées de têtes de taureaux, de griffons ou de béliers, de fleurs et de fruits, symboles de la fécondité. Les pieds apparaissent au bas des bandelettes (fig. 495). Voir 3. T. Wood, Discoveries, p. 266, 269, 270 ; M. Collignon, Mythologie figurée de la Grèce, in-8°, Paris, 1883, p. 113, fig. 41 ; Clarac, Musée de sculpture, édit. Salomon Reinach, in-8°, Paris, 1897, pl. 361, 562 B, 563, 1195, 1198 B et C, 1199. Près de la statue se trouvaient souvent des biches. Wood, Discoveries, suscriptions from the great Theater, p. 10, 1. 21. Le nom primitif de la Diane d’Ephèse était Oupis. Callimaque Hymnus ad Dianam, 204 ; Macrobe, Saturnal., v, 22. D’après la légende, son culte avait été introduit par les Amazones. Pausanias, II, vii, 4 ; VIII, xi, 1. E. Curtius a démontré qu’elle n’était autre que l’Astarté phénicienne. Die griechische Gôtterlehre von geschichtlichen Standpuncte, in-8°, Berlin, 1875. Cf. G. Perrot, Histoire de l’art antique, t. iii, gr. in-8, Paris, 1885, p. 319.

[Image à insérer] 495. — Diane d’Éphèse, Musée de Naples.

Les Éphésiens considéraient Diane-Oupis comme la fondatrice de leur cité, ἀρχηγέτις. Wood, Discoveries, suscriptions from the great Theater, n° 1, col. i. l. 17, p. 4. C’était pour eux la grande déesse, la reine d’Éphèse. Corpus inscriptionum græcarum, n°5 2963 c, 6797 ; Wood, Discoveries, suscriptions from the great Theater, n° 1, col. i. l. 9-10, p. 2 ; col. vi, l. 80-81, p. 36 ; cf. col. iv, l. 48-49, p. 16 ; col. v, l. 85, p. 24 ; col. vi, l. 34, p. 30. La piété des Éphésiens à l’égard de leur divinité protectrice est attestée par les inscriptions et les médailles. Wood, Discoveries, Inser. from the gr. Theat., n° 1, col. 11, l. 24-95, p. 6 ; col. vi, l. 78-79, p. 36 ; suscriptions from the Temple of Diana, n° 47, p. 19, etc. Nombreuses sont également les médailles où la ville porte le titre de néocore de la déesse. Lebas-Waddington, Voyage archéologique en Asie Mineure, n° 147 b ; Mionnet, Description des médailles, Supplément, t. vi, p. 164, n° 561 ; cf. p.159, n° 524 ; Revue de numismatique, 1859, pl. xii, n° 4 ; Wood, 'Discoveries, suscriptions from the great Theater, n° 6, p. 50-52 ; G. Büchner, De Neocoria, in-8o,

[Image à insérer] 496. — Temple de Diane sur une monnaie d’Éphèse
ΑΥ. ΜΑΡ ΑΥΡ ΑΝΤΩΝΕΙΝΟϹ. Buste de Caracalla lauré, à droite. ꝶ. ΔΙΣ ΝΕΟΚΟΡΩΝ. ΕΦΕΣΙΩΝ. Temple à huit colonnes, au milieu desquelles on voit la statue de la Diane d’Éphèse.

Giessen, 1888, p. 22-24, Ils lui faisaient de nombreuses offrandes et célébraient des fêtes pompeuses en son honneur, en particulier les Artemisia, pendant le mois d’Artemision, qui lui était consacré. Corpus inscript, graecar., n° 2954 ; Wood, Discoveries, suscript, from the gr. Theat., col. vii, 1. 14-15 et 29, p. 40 ; Inscript, from the Temple of Diana, n° 17, p. 19. Des redevances étaient assignées pour l’entretien et l’ornementation de la statue, des fondations étaient faites dans le même dessein par des particuliers ou des magistrats. Wood, Discoveries, suscript, from the gr. Theat., n° 1, p. 2 ; col. iii, l. 15, p. 10 ; col. iv, l. 39, p. 14 ; col. vi, l. 46, p. 32, col. vii, l. 30-42, p. 42 ; cf. col. ii, l. 20-30, p. 6-8. Les jours de fête tous ces trésors étaient portés en procession.

Un temple magnifique était consacré au culte de la déesse. Ce monument, tel qu’il était sous l’empire, est représenté sur un grand nombre de médailles (fig. 496). Il avait huit colonnes de lace et était d’ordre ionique. D’après Pline, H. N., xxxvi, 14, il avait en tout cent vingt-sept colonnes, de soixante pieds romains, c’est à-dire de vingt mètres de haut. Trente-six d’entre elles étaient ornées à la base de hauts-reliefs. Les inscriptions qu’elles portent montrent qu’elles avaient été offertes par des adorateurs de la déesse. Le temple était bâti sur un marais. Il avait été élevé aux frais de l’Asie tout entière, et sa construction avait duré plus de deux siècles, ou même plus de quatre, d’après certains manuscrits. Un grand nombre de rois avaient offert les colonnes. La plate-forme sur laquelle il était bâti avait 137 mètres 40 de long sur 71 mètres 85 de large. Le monument lui-même avait 104 mètres de profondeur sur 50 mètres de façade. Les fouilles ont amené la découverte de trois pavements superposés. Au-dessous du plus bas, on a trouvé une couche de charbon, entre deux couches d’une sorte de béton. Ce sont les couches dont parle Pline, H. N., xxxvi, 14, et qui étaient, selon lui, destinées à garantir l’édifice contre les tremblements de terre. Cf. E. H. Plumptre, St. Paul in Asia Minor, in-16, Londres, sans date, p. 98-99 ; W..T. Conybeare et J. S. Howson, The Life and Epistles of St. Paul, nouv. édit., in-8°, Londres, 189), p. 419-423.

Les fouilles les plus importantes et les plus fructueuses qui aient été faites à Éphèse ont été dirigées, de 1863 à 1874, par J. T. Wood, et consignées dans le livre cité plus haut : Discoveries, etc. Le temple de Diane avait été plusieurs fois reconstruit. Le premier monument, qui était en marbre de Prion, avait été édifié par l’architecte Chersiphron. Strabon, XIV, I, 22. Toutes les cités grecques d’Asie avaient concouru aux frais de l’édifice. Crésus, roi de Lydie, y avait également contribué. Le travail n’avait pas duré moins de cent vingt-cinq ans, sous la direction d’habiles architectes, notamment de Pœonius. La dédicace du monument fut célébrée par le poète Timothée, contemporain d’Euripide. Peu après, la nuit même où naissait Alexandre le Grand (356 avant J.-C), Érostrate mit le feu au temple. Le roi de Macédoine, après la victoire de Granique, célébra à Éphèse une fête solennelle en l’honneur de la grande déesse, et offrit de reconstruire le temple à ses frais, à condition qu’il y inscrirait son nom. Les Éphésiens refusèrent, et Alexandre dut se contenter de faire diriger les travaux par l'architecte Dinocrate, et d’y placer son portrait peint par Apelles. Strabon, XIV, 1, 23 ; Pline, H. N., vii, 38. Cet édifice était celui qui subsistait encore au temps de saint Paul. C’était un des chefs-d’œuvre du style ionique.

Le temple de Diane était desservi par de nombreux prêtres. Les inscriptions nous font connaître des grands prêtres, ἀρχιερεῖς. Corpus inscript. graecarum, n°2955 ; cf. n° 2987, I. 7. Ces grands prêtres portaient aussi le nom d’ἐσσῆναι, c’est-à-dire de rois. Wood, Inscriptions from the great Theater, VI, 1. 56-57. Sous ses ordres : étaient les μεγάβυζοι ou μεγαλόβυζοι, qui étaient eunuques. Strabon, XIV, 1, 23 ; Pline, H. N., xxxv, 93. Il y avait aussi des devins ou théologiens, θεολόγοι ; des chanteurs d’hymnes, ὑμνοδοί ; des porteurs de sceptres, σκεπτοῦχοι, Wood, Inscript. from the gr. Theat., p. 22, 1. 61 ; des purificateurs, καθαρσίοι, l. 84-85 ; des interprètes d’oracles, θεσμῳδοί, ibid., et des acrobates, ibid., p. 36 ; cf. col. vii, 1. 13, p. 40 ; des sacrificateurs, ἐπιθυμίατροι ou ἀκριτοβάται, Corpus inscript. graec., n° 2983 ; des hérauts sacrés, ἱεροκήρυκες, Corpus inscript. graec., n° 2982, 2983, 2990 ; Wood, Inscript, from the Augusteum, vi, 8 ; des curateurs du temple, etc. Les prêtresses étaient aussi très nombreuses ; elles portaient le nom de μελλιέραι ἱέραι ou παριέραι. Corpus inscript. graec. n° 3001-3003. Enfin des femmes, qui portaient le titre de κοσμητεῖραι ou femmes de chambre de la déesse, étaient chargées de prendre soin de la statue, Wood, Inscript. from the city and suburbs., n° 14, p. 36, et des joueuses d’instruments prenaient part aux fêtes. Corpus inscript. graec. n° 2983. Il y avait donc un personnel considérable attaché au temple, et l’on comprend l’émoi de tout ce monde à la pensée que la prédication de saint Paul allait ruiner le culte de la déesse.

De plus, les pèlerins avaient l’habitude d’emporter en souvenir des objets qui leur rappelaient le sanctuaire et la divinité. Les commentateurs ont beaucoup discuté sur la question de savoir quelle était la nature de ces objets. Saint Jean Chrysostome pense qu’il s’agit de petits coffrets contenant des amulettes, des statues de Diane ou des lettres magiques appelées lettres éphésiennes (voir t. 1, col. 528), qui étaient censées protéger contre les maladies, les dangers et le mauvais sort. Baronius croit qu’il s’agit de statues de Diane enfermées dans des sortes de niches. Cornélius à Lapide, In Act., xix, 24, édit. Vives, t. xvii, p. 357, est d’avis que les objets en question étaient des réductions du temple. Il en donne pour preuve l’emploi du mot ναούς par saint Luc. Les découvertes archéologiques modernes ont jeté une vive lumière sur la question. On a trouvé, en effet, un grand nombre de ces objets, en marbre ou en terre cuite, se rapportant au culte de Cybèle ou d’Artémis. La déesse est représentée dans une niche. Les ναοί d’Éphèse devaient être semblables (fig. 497). E. Curtius, Mitinctiongen des deutschen archâologisch. Institut in Athen, t. ii, 1877, p. 49, pl. iii. Cf. Journal of Hellenic studies, t. iii, 1882, p. 45. C’étaient de véritables petits sanctuaires, et le mot ναός s’applique très exactement ; car le vase est à proprement parler la niche dans laquelle est placée la divinité. Une peinture de Pompéi représente un ναός de ce genre porté par des ναοφοροί. Th. Schreiber, Kulturhis

torischer Bilderallas, in-8°, Leipzig, 1885, pi. xvii, fig. 10 ; Archâologische Zeilung, t. xxxviii, 1880, p. 1-10, pi. 1 à 4. Cf. W. Ramsay, The Churchin the Roman Empire, in-8°, Londres, 1893, p. 123-129. Les inscriptions, notamment la longue inscription de Salutaris, J. T. Wood, Inscript, from the Gr. Theat., i, col. m-iv, p. 11-25,

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497. — Naos portatif de Cybèle.

D’après E. Curtius, Mitlheilungen, t. ii, 1877, pi. in.

parlent de vaoî en argent et en or, pesant de trois à sept livres, et représentant des figures d’Artémis avec deux cerfs et d’autres figures emblématiques. On les offrait en ex-voto à Artémis, et elles devaient être placées dans le temple. J. T. Wood, On the antiquities of Ephesus having relation to Christianity, dans les Transactions of the ^ociety of Biblical Archseology, t. vi, 1878, p. 328.

— Voir pour tout cet article, outre les ouvrages cités, F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., in-12, Paris, 1896, p. 273-311. E. Beurlier.

OIBON. Nom de deux villes de Palestine.

1. DIBON (hébreu : Dîbôn ; Septante : Aaigiiv, AeSwv, AT, g(iv), ville du pays de Moab. Le prophète Isaïe, xv, 9, parle des « eaux de Dibon. ». Il est vrai que d’après le texte hébreu et les Septante il emploie ici la forme Dîmôn : « les eaux de Dimon sont pleines de sang ; » mais ce n’est qu’en vue d’une paronomase avec dâm, « sang. » La ville de Dibon est mentionnée dans les Nombres, xxxiii, 45, 46, comme une des stations des Israélites dans leur marche vers la Terre Promise, après qu’ils eurent contourné le pays de Moab. Peu après elle fut occupée et rebâtie par la tribu de Gad, Num., xxxii, 34, ce qui explique l’origine du nom composé, Dibon [de] Gad ; mais cette tribu doit l’avoir cédée aux Rubénites. Jos., xiii, 17 ; cf. y. 9. Avec Aroer elle était la ville la plus méridionale du. pays israélite au delà du Jourdain, n’étant qu’à une


lieue et demie de l’Arnon, qui séparait les possessions israélites du royaume de Moab.

Dans les temps des prophètes, elle était tombée aux mains des Moabites, avec plusieurs autres villes au nord de l’Arnon. Sur ce point les renseignements bibliques, Is., xv, 2, 9 ; Jer., xlvhi, 22, sont confirmés par la stèle de Mésa, trouvée dans les ruines mêmes de Dibon. Voir Mésa. Ce roi moabite s’y appelle « fils de Kemos Gad, roi de Moab, le Dibonite ». Il parle ensuite d’une Qarha, où il érigea une bâmdh (ligne 3) ; et plus loin il dit avoir bâti à Qarha des murs, des portes, des tours, des prisons

jiifigifls^-’îlp’498. — Ruines de Dibon.

D’après Tristram, The Land of Moab, 1873, p. 138.

et un palais, et y avoir fait creuser des citernes. Il le fortifia encore par un fossé, qu’il fit exécuter par des captifs israélites (lignes 21-26).

Il y a des savants qui voient dans la première Qarha l’acropole de Dibon, la colline sur laquelle la stèle fut trouvée, et dans la seconde la ville de Qir Moab, le Kérak actuel. Voir Sayce, Fresh Light from the ancient Monuments, Londres, 1886, p. 77-81. D’autres rapportent les deux passages à la seule acropole. Et de fait, en considérant le plan des ruines de Dibon dressé par Schick, Zeitschrifl des deutschen Palâslina-Vereins, t. ii, pi. i, il est difficile de ne pas adhérer à cette dernière opinion. La partie nord-ouest de l’ancienne ville y constitue une forteresse à part, sur une colline entourée de profondes vallées et défendue en outre par des murailles en partie doubles, avec un fossé taillé dans le roc vif, mais resté inachevé, et une espèce de citadelle dominant la colline inférieure méridionale, qui doit avoir porté la ville primitive. Les citernes aussi, mentionnées par l’inscription, n’y manquent pas. Deux portes, au sud-est et au nordouest, donnaient accès à la forteresse. Même la nature rocailleuse du sol est en rapport avec la signification du nom de Qarha, « endroit glissant ou sans végétation. »

Ces ruines (fig. 498) portent encore le nom de Dibân. Elles se trouvent à environ une demi-lieue à l’ouest de’Arâ’ir (voir Aroer, t. i, col. 1023-1024), et à peu de distance au nord du profond Ouâdî el-Modjib (voir Arnon, t. i, col. 1020-1023). Nous venons de décrire la colline septentrionale. C’est là, à l’ouest de la porte du midi, que fut découverte la fameuse stèle de Mésa (voir Mésa), au milieu d’un cercle de pierres que les Bédouins vénéraient comme’une espèce de sanctuaire, marquant le lieu de sépulture d’un « prophète ». Sur la colline inférieure on ne signale que des débris sans importance et des citernes. Dans la vallée, à l’orient, il y a un ancien réservoir d’eau et plusieurs grottes. — Tous les débris ont l’air de dater d’une époque

II. — 45

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DIBON — DICTIONNAIRES DE LA BIBLE

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très reculée. Il n’y a que peu de traces de culture romaine. Cependant Schick y trouva une pierre marquée de deux croix. Et récemment Bliss, Expédition to Moab and Gilead, dans le Pal. Explor. Fund, Quart. Slatement, juillet 1895, p. 227-228, y a exploré une grande caverne naturelle, appelée Magaret Abu Nathi, où il a trouvé des niches sépulcrales et un sarcophage, et une autre chambre souterraine, dont les murs étaient bâtis en belles pierres de taille légèrement bossées, et ornés en haut d’une moulure romaine. J. van Kasteren.

2. DIBON, une des villes qui furent habitées par les Juifs après le retour de la captivité de Babylone. Il Esd., xi, 25. C’est vraisemblablement la ville de Juda appelée Dimona, Jos., XV, 22. Voir Dimona.

    1. DIBON GAD##

DIBON GAD (hébreu : Dibôn Gâd ; Aaiêwv râS), station des Israélites se rendant dans la Terre Promise, Num., xxxhi, 45, 46, identique avec Dibon. Voir DlBON 1, col. 1409.

DICTIONNAIRES DE LA BIBLE. Si Ion s’en tient à l’étymologie, un dictionnaire est un recueil des mots d’une langue ou des termes d’une science, rangés par ordre alphabétique et accompagnés de leurs différentes significations. Il a pour synonymes vocabulaire, glossaire ou lexique. Mais on appelle aussi dictionnaires des encyclopédies qui contiennent par ordre alphabétique des mots ou des matières tous les éléments d’une science ou d’un art. On a fait au sujet de la Bible des dictionnaires de ces deux sortes : les uns concernent les mots des langues dans lesquelles les Livres Saints ont été composés ; les autres sont des recueils alphabétiques des matériaux de la Bible. Voir Glose III, t. iii, col. 253.

I. Dictionnaires des langues saintes. — On pourrait en distinguer autant d’espèces qu’il y a de langues saintes. Mais comme les mots du chaldéen biblique sont en petit nombre et ont une grande ressemblance avec les termes hébreux, on les a ordinairement réunis à ces derniers. Nous n’avons donc à- parler que : 1° des dictionnaires hébreux et chaldéens de l’Ancien Testament, et 2° des dictionnaires grecs des Septante et du Nouveau Testament.

I. DICTIONNAIRES HÉBREUX ET CHALDÉENS DE L’ANCIEN

testament. — 1° Ces livres, qui sont maintenant d’un emploi universel et qui facilitent tant l’étude de la langue hébraïque, sont d’origine relativement récente. Les anciens n’en possédaient pas, et dans tout le cours du moyen âge les chrétiens n’eurent à leur disposition que deux opuscules de saint Jérôme, le Liber de nominibus hebraicis et le Liber de situ et nominibus locorum hebraicorum, t. xxiii, col. 771-928. Ces opuscules contiennent la série alphabétique des noms propres et des noms de lieux de chacun des livres de la Bible. Le premier n’est que l’édition latine d’un glossaire grec, commencé par Philon et continué par Origène. Le second est la traduction d’un écrit d’Eusèbe de Césarée. Saint Jérôme n’a donc pas fait un travail original. Aussi a-t-il conservé des étymologies singulières et des allégories fantaisistes, qu’il a rejetées et réprouvées dans ses autres ouvrages. Cf. R. Simon, Lettres choisies, 2e édit., Amsterdam, 1730, t. i, p. 301-310. — Les interprétations de saint Jérôme ont été retouchées et augmentées dans des glossaires hébreux-latins, hébreux-grecs-latins ou hébreux-français, dont il reste des spécimens du XIIe siècle. Leurs auteurs parcouraient les œuvres de Philon et d’Origène et enrichissaient les traités de saint Jérôme de nouvelles explications hébraïques. Cf. A. Darmesteter, Glosses et glossaires hébreux-français du moyen âge, dans Reliques scientifiques, Paris, 1890, t. i, p. 165. —Au xm « siècle, les docteurs de l’Université de Paris refondirent les interprétations hébraïques de saint Jérôme. Au lieu de les laisser disposées livre par livre, ils les rangèrent dans l’ordre

alphabétique. Ils y ajoutèrent des « glosses i>, extraites des deux opuscules de saint Jérôme, De aliquot Palsestinm. locis et Liber hebraicarum qusestionum in Genesim, t. XXIII, col. 929-1010, ou des Qusestiones hebraicœ in libros Begum et Paraliponienon, ibid., col. 1329-1402, faussement attribuées au saint docteur. Cette compilation est faite sans ordre et sans critique ; elle reproduit même les explications que saint Jérôme avait rejetées. Cf. S. Berger, Quam notitiam linguse hebraicse habuerint c.hristiani medii sévi temporibus in Gallia, Paris, 1893, p. 1-4, 16-25.

2° Les premiers lexiques hébreux proprement dits furent l’œuvre des docteurs juifs du Xe siècle. On trouve, il est vrai, dans les Talmuds les rudiments de la lexicographie hébraïque, puisque les rabbins y comparaient l’hébreu aux autres dialectes sémitiques. Mais l’histoire des véritables lexiques s’identifie avec celle de la grammaire. Or les premières études grammaticales régulières chez les Juifs furent faites par les caraïtes, qui s’attachaient au texte biblique seul (voir col. 242-245), et elles sont dues à l’influence des Arabes. On ne peut affirmer avec certitude que l’ordonnance alphabétique du lexique hébreu soit une imitation arabe ; cependant les docteurs juifs citent le dictionnaire arabe Kitàb el-’Aïn. Les docteurs caraïtes avaient fait plusieurs lexiques sous le nom de Igaron, « Collection de mots. » Nous manquons de renseignements sur la nature et la disposition des premiers lexiques hébreux. Quoique la date de leur publication ne soit pas certaine, ils sont du Xe siècle et presque contemporains. Le plus ancien est celui de Rabbi Saadia ha-Gaon. Il était écrit en hébreu, et il a dû être perdu de très bonne heure, ou du moins il n’est pas parvenu en Espagne, où il n’est cité que par ouï-dire et sous des titres différents : Tanns nsD ou rnana. Quatre autres lexiques ont été composés en arabe. Le premier, dont M. Neubauer a découvert un manuscrit dans la synagogue caraïte de Jérusalem (bibliothèque Bodléienne d’Oxford, Opp. add., fol. 25), est de R. David ben Abraham, de Fez. Ce manuscrit a 360 folios, écrits eh beaux caractères hébreux carrés. L’ouvrage, précédé d’une introduction, est divisé en deux parties, dont la première va jusqu’au > inclusivement, et la seconde du ; au n. C’est un vaste commentaire, comprenant des explications de genres très différents, et en particulier la signification géographique et ethnographique de beaucoup de noms propres de la Bible. L’auteur n’admet que des racines d’une seule lettre ; il suit l’ordre alphabétique des racines, excepté pour les noms propres. Trois autres lexicographes arabes ne nous sont connus que par la mention qu’en a laite Aben-Ezra. Ce sont : 1. un grammairien anonyme de Jérusalem, v qui admettait des racines de deux lettres et dont le dictionnaire était intitulé Al-Mouschtamil ; 2. Dounasch ben Tamim ou Adomim, en arabe AUSchefalghi, né à Kairouan, qui comparait l’hébreu aux autres langues ; 3, Jehouda ben Koreïsch, de Tàhort, en Barbarie, dont l’œuvre était très considérable.

Ces lexiques, écrits en arabe, ne pouvaient servir aux Juifs qui vivaient en dehors des pays musulmans. Dans les contrées où l’arabe n’était pas parlé, les Juifs avaient deux dictionnaires, composés en hébreu : celui de Mena’hem ben Sarouk, intitulé nruD rnana, et celui de Dounasch ben Labrat, intitulé ûm rvuwn. Ils ont été édités à Londres, en 1856, par Filipowski. Menahem était Espagnol et reconnaissait des racines bilittères. Sous chaque racine il indique d’abord ses significations diverses, puis il les explique par un autre mot, ou bien il cite seulement les passages bibliques correspondants. Dounasch avait déjà quelque notion dij système trilittère des racines hébraïques. Un caraïte, Abou Saïd Hal-levi ben Al -’Hassan al-Baçri, abrégea le grand dictionnaire de David ben Abraham. — Abou Zacarya Ya’hya ben Daoud ou Yehouda’Hadjoudj, né à Fer, mais habitant Cordoue, fut le chef d’une nouvelle école et développa

le premier le système trilittère des racines hébraïques. Il a adopté les principes des grammairiens arabes, et il complétait’par un noun ou par les quiescentes les lettres qui manquaient dans les mots de deux consonnes. — En Orient, R. Haya Gaon, fils de Scherira, composa en arabe un dictionnaire hébreu, intitulé » ]DND, « Compilateur. »

Les mots y sont rangés suivant l’ordre alphabétique de la dernière radicale. On ne peut établir si ce rabbin connaissait le système trilittère. — Au XIe siècle, lbn-Djanalj perfectionna le système de’Hadjoudj. Son œuvre complète, qui a été publiée par Ad. Neubauer, in-4°, Oxford, 1875, est intitulée Kitâb al-tan’qih, « Livre d’examen, » et comprend deux parties. La première est une grammaire ; la seconde, qui est le dictionnaire, a pour titre Kitâb al-ousoûl, « Livre des racines. » Sous chaque racine on trouve ses différents dérivés, verbes, substantifs, etc. Les racines sont disposées alphabétiquement, et le dictionnaire est divisé en 22 chapitres. Il est très ample et compare l’hébreu avec l’arabe. Il a été traduit deux fois en hébreu, et il est cité souvent par Gesenius. S. Munk, Notice sur Abou’l-Walid Menvan Ibn-Djana’h et sur quelques autres grammairiens hébreux du x* et du xi* siècle, dans le Journal asiatique, 1850, 4e série, t. xv, p. 297-337, et t. xvi, p. 5-50, 201-247 et 353-427.

D’après Aben-Ezra, Abou Ibrahim Yiç’hak ben Baroun, de Cordoue, a fait un dictionnaire semblable à celui de Koreïsch, et intitulé « La balancé ». L’hébreu y était comparé à l’arabe, au syriaque, au berbère et au latin. Le caraïte Ali ben Soleïman a abrégé l’œuvre de David ben Abraham, d’après le résumé d’Abou-Saïd. — Salomon Par’hon, de Kal’ah, a fait en hébreu, à Salerne, à l’usage des Juifs napolitains, qui ne pouvaient consulter les dictionnaires arabes et n’avaient à leur disposition que le recueil de Menahem, un extrait du dictionnaire d’Ibn-Djanalj. Il y a ajouté des explications d’autres commentateurs. Son ^=n7n mana a été publié en 1844, par Sal. Gottl. Stern.

Un dictionnaire hébreu éclipsa celui d’Ibn-Djanah ; il est l’œuvre de David Kimchi, de Narbonne, et il parut vers l’an 1200. Son Y-on, « Perfection, » a été regardé pendant tout le moyen âge comme le chef-d’œuvre de la philologie juive. Il comprend une grammaire et un dictionnaire. Celui-ci est connu ordinairement sous le nom de o>tfi ! ?, « Racines. » Il fut imprimé deux fois àNaples, en 1490 et 1491 ; deux fois à Constantinople, en 1513 et 1530 ; trois fois à Venise, en 1529, 1545 et 1547, toujours in-folio ! Elias Lévite a joint des notes à l’édition de 1545. Robert Etienne l’a publiée à Paris, en 1548 : Thésaurus lingux sanctx ex R. David Kimchi contrattior et emendalior. Tous les chrétiens qui ont étudié la langue hébraïque se sont servis des travaux de Kimchi, qui ont exercé sur l’exégèse une influence considérable. Histoire littéraire de la France, Paris, t. xvi, 1824, p. 363-365, et t. xxvii, 1877, p. 483.

D’autres lexiques hébreux parurent en arabe, en français, en italien et en allemand. Ce sont de simples vocabulaires, qui ne sont guère que la répétition ou l’abrégé des précédents. Il existe à la Bibliothèque Nationale de Paris, ancien fonds 485 et 486, un dictionnaire hébreuprovençal et un dictionnaire hébreu-français. Le manuscrit IV, 1, de la Bibliothèque de Turin renferme un lexique et une grammaire intitulés inp r>73, « Source sainte. » L’arrangement du lexique a un caractère particulier : les mots hébreux que l’auteur explique en français se trouvent régulièrement avec la phrase biblique dans laquelle ils figurent. Le lexique est ordonné alphabétiquement, et l’explication en français est tantôt à droite, tantôt é gauche. Histoire littéraire de la France, t. xxvii, p. 487-488. Un spécimen a été reproduit par Ad. Neubauer, Rapport sur une mission dans le midi de la France et en Italie, dans les Archives des missions scientifiques et littéraires, Paris, 3 « série, t. i, 1873, p. 559-561. Le manuscrit n° 6

de Lyon contient une sorte de dictionnaire hébreu-latin et latin - hébreu avec une table des abréviations en usage chez les commentateurs de la Bible, composé par François Bouton. Ad. Neubauer, Rapport, dans les Archives des missions, ibid., p. 564.

Joseph ben David Ha-Yevani, c’est-à-dire le Grec, est l’auteur du Menorath hamaor, dont des extraits ont été publiés par Dukes, dans le journal Der Orient, 1847, p. 486. Son ouvrage est une belle compilation des lexiques et des commentaires. Il en existe à la Bibliothèque d’Oxford un manuscrit incomplet, qui ne va que jusqu’au milieu du n. Moïse han-Naqdan, de Londres, a composé un lexique intitulé Drwn nsD, « Livre de la pierre précieuse, » dont on possède un manuscrit à Oxford. Histoire littéraire de la France, t. xxvii, p. 484-487. Nous avons du savant logicien David ben Kaspi (1330) un dictionnaire logique, qui a pour titre *]D3 rmw "iw, « Chaînettes d’argent. » Selon lui, chaque racine n’a qu’une signification principale, dont les autres ne sont que des parties ou des dérivations. Ce plan conduit l’auteur à des interprétations minutieuses. Des extraits ont paru dans Der Orient, 1847, p. 482. Sur la fin du xv « siècle, Sa’adyah ben Danân, fils de Maïmoun, écrivit en arabe un dictionnaire hébraïque qui a une certaine originalité. Les articles sont très courts et paraissent être une compilation des lexiques précédents. On y remarque des explications ingénieuses. Cf. Ad. Neubauer, Notice sur la lexicographie hébraïque, avec des remarques sur quelques grammaires postérieures à Ibn-Djanàh, dans le Journal asiatique, 5° série, t. xviii, 1861, p. 441-476 ; t. xix, 1862, p. 47-81, et t. xx, 1862, p. 201-267.

3° Vers la fin du xve siècle et au commencement du xvie, sous la double influence de la Renaissance et de la Réforme, les chrétiens, catholiques et protestants, étudièrent avec zèle la langue hébraïque. Ils se mirent naturellement à l’école des rabbins, et leurs premiers travaux sont fortement empreints de l’esprit de leurs maîtres. Leur science est toute rabbinique. Les deux premiers livres De rudimentis hebraicis, in-4°, Pforzheim, 1506, de Jean Reuchlin, sont un lexique, dont Sébastien Munster a donné une édition séparée, Dictionarium hébraicum, in-f", Bâle, 1537. — Un Juif converti, Alphonse de Zamora, composa le Lexicon hebraicum de la Polyglotte d’Alcala, 1517, qui fut publié à part sous le titre de Vocabularium brève omnium fere primitivorum hebraicorum, in-4°, Alcala, 1526. Voir t. i, col. 420.

— Sébastien Munster rédigea un Dictionarium hebraicum, in-8°, Bâle, 1523. Une deuxième édition beaucoup augmentée parut au même lieu et dans le même format, en 1525 ; elle fut reproduite en 1535, 1539, 1548 et 1564. Signalons encore son Dictionarium trilingue, latinum, grsecum et hebraicum, in-f% Bâle, 1530, 1543 et 1562. — Le dominicain Santé Pagnino publia

WTjîn jWS lïiN, hoc est, Thésaurus linguse sanctx, sive

lexicon hebraicum, in-f", Lyon, 1529 et 1536, d’après Kimchi. Cet ouvrage fut mis en ordre et augmenté par Jean Mercier, Antoine Chevallier et Bonaventure-Corneille Bertram, in-f°, Lyon, 1575, 1577, et Genève, 1614. Il fut aussi abrégé, Thésaurus linguse sanctx contractus et excerptus ex David Kimchi, in-4°, Paris, 1548. F. Raphalengius (Ravlenghien) revit et corrigea cet abrégé et l’adjoignit à la Polyglotte d’Anvers, in-f°, 1572. Cet Epitome thesauri lingux sanctx fut plusieurs fois réimprimé à part, in-8°, Anvers, 1572, 1578, 1588, 1609 et 1616 ; Leyde, 1599. — André Placus fit un Lexicon biblicum, id est, grxcarum, hebraicarum et aliarum peregrinarum dictionum qux in sacris Litleris habeniur interpretatio, in-f », Cologne, 1536, 1543 et 1553.

Nous retrouvons des rabbins. Anschef est l’auteur du Mirkébéf hammiméh, Le second char. Voir t. i, col. 656. — Elias Lévite composa cnaT rnnif, id est, Nomina rerum, traduit par Paul Fage, in-4°, 1542. Jean Drusius

le rangea par ordre alphabétique et y ajouta les mots grecs, Nomenclator Elise Levitse in ordine alphabetico redactus et grsecis vocibus auctus, in-8°, Franeker, 1652 et 1681. — Jean Forster, élève de Reuchlin, s’écarta des rabbins : Dictionarium hebraicum novum, non ex rabbinorum commentis, nec nostratium doctorum stulta imitatione descriptum, sed ex ipsis thesauris S. Bibliorum depromptum, in-f », Bàle, 1557 et 1561. — Antoine Reuchlin donna Lexicon hebraicse linguse, in quo singula capita concordantiarum in linguam latinam conversa sunt, in-f », Bàle, 1556, et in-8°, 1569. — Jean Avenarius avait les mêmes principes que Forster et étudiait les mots de l’hébreu par une étude directe et sans recourir à la tradition rabbinique : Liber radicum, sive Lexicon hebraicum in quo omnium vocabulorum biblicorum proprise et cerise reddunlur significationes, in-f°, Wittemberg, 1568 et 1589. Voir t. i, col. 1288. — Luc Osiander publia Dictionarium hebraicume concordantiis ab Ant. Reuchlino lalinilate donatis, in-8°, Bâle, 1579. — François Junius fit, en 1586, un Lexicon hebraicum.

Un médecin juif, David de Pomis, est l’auteur d’un grand dictionnaire biblique et talmudique ; il donne la signification des mots dans les trois langues, latine, italienne et hébraïque vulgaire. L’ouvrage est intitulé ncï Tn, id est, germen Davidis. — Marc Marini, de Brescia, fit ru nan, id est, Arca Noë. Thésaurus linguse sanctse novus, seu Lexicon hebrœo-latinum amplissimum, in-f°, Venise, 1593. — Nous avons de Fauste Veranius, Dictionarium linguse sanctse, in-4°, Venise, 1595, et d’Élie Hutter, Cubus alphabeticus linguse sanctse, in-f », Hambourg, 1586, 1598 ; in-32, 1603. — Avec Jean Buxtorf le père, la science rabbinique est mise en honneur : Epitome radicum hebraicarum, in-12, Bâle, 1600 et 1607 ; Lexicon hebraicum et chaldaicum cum brevi lexico rabbinico, in-8°, Bàle, 1607, 1615, 1621, 1631, 1645, 1655, 1663, 1667, 1689, 1698 ; Amsterdam, 1655 ; Bàle, 1710, 1735 ; Rome, 1845 ; Manuale hebraicum et chaldaicum, in-12, Bàle, 1602 ; 6e édit., 1658. Voir t. i, col. 1981. — Contentons-nous d’indiquer Te Dictionnaire hébreu-anglais de Simon Sturtevant, in-8°, Londres, 1602 ; — Jules Conrad Otto, Usus Ebrsese linguse. vel expositio mystica omnium vocum hebraicarum Veleris Testamenti, Nuremberg, 1604 ; — Joseph Barbatus, Spéculum hebraicum, radiées hebraicse, in-f°, Louvain, 1615 ; — Léon de Modène, Novo Dittionario hebraico et italiano, cioe dechiaratione di tutte le voci hebraiche piu difficili délie Scritture hebree nella volgar lingua italiana, in-4°, Venise, 1612 ; Padoue, 1640. Cf. Richard Simon, Lettres choisies, 2e édit., Amsterdam, 1730, t. i, p. 225-232. — George Cruciger, Harmonia linguarum 1 V cardinalium, hebraicse, grsecse, latinse et germanicse, in-f°, Francfort, 1616 ; — Marius a Calasio, Dictionarium hebraicum, in-4°, Rome, 1617 ; Cologne, 1640 (en italien ; voir col. 55) ; — Jean Meelfuhrer, Manuale lexici hebraici, in-8°, Leipzig, 1617 et 1657, dont la méthode diffère de celle des autres dictionnaires ; — Philippe d’Aquin, juif converti, Primigeniœ voces seu radiées brèves linguse sanctse, cum thematum investiganda ratione, in-16, Paris, 1620 ; rvmyDn "Vud, « Celui qui dispose en ordre, » in-f°, Paris, 1629 (voir le titre complet, t. i, col. 813) ; — Christian Helvicus, Lexicon Ebrseo-didaclicum, in-4°, Giessen, 1621 ; — Grégoire Francus, Harmonia quinque linguai~um hebraicse, grsecse, latinse, germanicse et gallicse, Francfortsur l’Oder, 1623 ; — Sébastien Curtius, Radiées linguse hebraicse, in-4°, Geismar, 1629, 1645, 1649 ; Cassell, 1648 ;

— Jean-Baptiste Martignac, Silva radicum hebraicarum, de Nicolas Riqueil, in-8°, Paris, 1622 ; — Antoine Jordin, Radiées linguse hebraicse, seu Primigenise hebraismi voces centenis versuum decadibus comprehensm, in-8°, Lyon, 1624 ; Cologne, 1630 ; — -Jean Seger, Lexicon quadrilingue orthographicum, cognatas vocabulorum analogias ac differentias in lingua hebraica, grseca,

latina et germanica exhibens, in-8°, Leipzig, 1625 ; — D. Schwenter, Manipulus linguse sanctse, seu Lexicon hebraicum ad formam Cubi Hutteriani, in-18, Nuremberg, 1628, 1638 ; Leipzig, 1668 ; — Nicolas Petrseus, Nomenclator hebraicus, in-8°, Copenhague, 1629, 1633 ; — Zacharie Rosenbach, M oses omniscius, seu omniseientia mosaïca exhibens supra 7000 Veteris Testamenti voces hebraicas secundum locos communes dispositas, in-4°, Francfort, 1633 ; — Jean Plantavit de la Pause, JS5 jru, id est, Planta vitis, Thésaurus synnnymicus hebraico-chaldaico-rabbinicus, in-f », Lodève, 1644 ; — Thomas Bang, Hermès et PanHebraicus, quo vivum absoluti hebraici lexicographi exemplar proponitur, in-4°, Copenhague, 1651. — Edouard Leigh est l’auteur de Critica sacra, or Philological and theological Observations upon ail the Hebrew words of the Old and of the Greek of the New Testament in order alphabetical, 2 in-4°, Londres, 1641-1646 ; in-f », 1650 ; avec un supplément, 1662. Henri de Middoch a traduit cet ouvrage en latin, Critica sacra, id est, Observationes in omnes radiées vel primitivas voces Hebrseas Veteris Testamenti juxta ordinem alphabeticum, etc., in-f », Amsterdam, 1678, 1688, 1696 ; in-4°, Leipzig, 1096 ; Gotha1701, 1707 et 1735. Louis de Wolzogue l’a traduit en français, Dictionnaire de la langue sainte, in-4°, Amsterdam, 1703 et 1712 ; Migne l’a réédité à la suite du Dictionnaire universel de Huré, in-4°, Paris, 1846, t. iv, col. 503-1104.

4° Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les études hébraïques devinrent plus indépendantes des rabbins ; elles portèrent plutôt sur la structure grammaticale de l’hébreu et sur sa comparaison avec les autres dialectes sémitiques. Le changement de direction fut dû en partie aux dictionnaires polyglottes. Valentin Schindler avait ouvert la voie, Lexicon pentaglotton, in-f », Hanovre, 1612 et 1649 ; Guillaume Alabaster en fit un abrégé, in-f°, Londres, 1635. Voir t. i, col. 330. — Jean Ernest Gerhard, Enchiridion lexici pentaglotti harmonia linguarum hebraicse, chaldaicse, syrse, arabicm et ethiopicse, in-4°, Erfurt, 1647 ; — Guillaume Schickard, Harmonia perpétua linguarum Orientalium, hebrsese, chaldaicse, syrse, arabicse, ethiopicse, in-4°, Iéna, 1647 ; in-8°, Leipzig, 1678 ; — Jean Henri Holtinger, Lexicon heptaglotton, in-4°, Heidelberg, 1657 ; Francfort, 1661 ; — Jean Cocceius, Lexicon et commentarius sermonis hebraici et chaldaici Veteris Testamenti hebraice, in-f », Amsterdam, 1669 ( voir col. 816) ; — Edmond Castell, Lexicon heptaglotton, hebraicum, chaldaicum, syriacum, samaritanum, sethiopicum, arabicum conjunclim et persicum, separalim, 2 in-f », Londres, 1669. La méthode comparative est appliquée dans ce dernier lexique avec une remarquable fermeté.

Elle est appliquée aussi, mais à des degrés différents, dans la plupart des dictionnaires suivants : André Sennert, Compendium lexici Ebrxi plenioris concinnatum ex concordantiis J. Buxtorfii, in-4°, Wittemberg, 1663 ; — Jean Leusden, Compendium biblicum continens S 389 versiculos Veteris Testamenti, in quibus omnes voces tam hebraice quant chaldaice cum interprelalione latina inveniuntur, in-8°, Utrecht, 1673 ; in-12, 1680, etc. ; Clavis hebraica et philologica Veteris Testamenti, in-4°, Utrecht, 1683, 1686 ; Lexicon novum hebrseo-latinum ad modum lexici Schreveliani grseci compositum, in-8°, Utrecht, 1687 ; — Antoine Hulsius, 13Tn nama, seu Compendium lexici hebraici, Compendio biblico Leusdano subjunctum, continens sub 1 900 radicibus hebrseis voces latinas 3268 quibus constat universus Veteris Testamenti texlus, Leyde, 1673 ; edit. 4°, in-32, Utrecht, 1679, 1683 ; Nomenclator biblicus hebrseo-latinus, in-8°, Brède, 1650 ; Scrùtinium mémorise, sive radiceslinguse hebraicse, in-12, Brède. — Jean Bagwh et André Simson achevèrent un Dictionnaire anglais de tous les mots de l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’avait commencé Thomas Wilson, et le publièrent, in-f », Londres, 1678 ; — Salomon di

Oliveyra fit un lexique hébreu-chaldeenportugais, intitulé n » n y ? ; — Guillaume Robertson, w-npn fro^ isix,

Thésaurus lingux sanctx, compendiose scilicet contractas, plane tamen reseratus pleneque explicatus, sive Concordantiale lexicon hebrxo-latino-biblicum, 2 in-4°, Londres, 1686 (ce dictionnaire est fait d’après les Concordances de Buxtorf) ; — Henri Opitz, Lexicon hebrseo-chaldseo - biblicum, in-4°, Leipzig, 1692 ; Hambourg, 1705 et 1714 ; — Christian Louis, Hebraismus, chaldaismus et syriasmus ad harmoniam et in compendium redacti, in-4°, Leipzig, 1696 ; — Christian Henning, Clavis linguse hebraicse, in-12, Francfort et Leipzig, 1697 ; — Gaspard Neumann, Exodus lingux sanctse Veteris Testamenti ex captivitate Babylonica tentatus a Lexico etymologico hebrseo-biblico, in-4°, Nuremberg, 1697-1700 ; — Louis Thomassin, Glossarium universale hebraicum, quod ad hebraicse linguse fontes linguse et dialecti pêne omnes revocantur, in-f°, Paris, 1697 ; — George Christian Burklin, Lexicon hebraico-mnemonicum cum radicibus, in-4°, Francfort-sur-le-Mein, 1699 ; — Jacques Gousset, Commentant linguse ebraicm instar annotationum ad Manuale Buxtorfti, in-f", Amsterdam, 1702 ; 2e édit. par Clodius, in-4°, Leipzig, 1742 ; — Paul Martin Alberti, Porta linguse sanctx, hoc est, Lexicon novum hebrseo-latino-biblicum, in-4°, 1704 (voir 1. 1, col. 337) ; — Théodore Dassov, Lexicon hebrxum eniphaticum, in-f°, 1705 ; — Joachim Lange, Clavis Ebrsei codicis, in-8°, Halle, 1707 ; — Christian Reinecke, Lexicon hebrseo-chaldxum, in-8°, Leipzig, 1707 ; Janua hebrsex lingux Veteris Testamenti, in-12, Leipzig, 1756 ; — Jean Heeser, Tiiin p, id est, Lapis adjutorii, Lexici philologici hebrxo-chaldeo-sacri pars ï a continens Ne/ 2 ; in-4°, 1716 ; — Christian Stock, Clavis linguse sanctse Veteris Testamenti, in-4°, léna, 1717 ; — dom Pierre Guarin, Lexicon hebraicum et chaldseo-biblicum, 2 in-4°, Paris, 1746, achevé par dom Nicolas Le Tournois, Philibert Girardet et Jacques Martin ; — Houbigant, Racines hébraïques, versifiées sur le modèle des Racines grecques, in-8°, Paris, 1732 (Joubert, prêtre de Saint-Sulpice, a fait un travail semblable dont le manuscrit inédit est conservé à la bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice ) ; — Antoine Zanolini, Lexicon hebraicum, in-4°, Padoue, 1732 ; — Ferdinand Reisner, jésuite, Lexicon eruditionis hebraicse ad sacram paginam pro dignitate tractandam theologis, concionatoribus, ascetis opportunum, in-8°, Augsbourg, 1777 (extrait de Zanolini) ;

— Didace Quadros, jésuite, Enrichidion, seu Manuale hebraicum ad usum regii seminarii Matritensis, in-4°, Rome, 1733 ; — Jean Bouget, Lexicon hebraico-chaldaicobiblicurn, 3 in-f", Rome, 1737 (ouvrage estimé) ; — François Haselbauer, jésuite, Lexicon hebraico - chaldaicum una cum abbreviaturis in libris et scriptis Judxorum passim occurrentibus, in-f, Prague, 1743 ; Hebrâischteusches Wôrterbuch zum Nutzen derjenigen welche ohne die lateinische Sprache die hebrâische erlernen wollen, in-12, Dantzig, 1743. — Les particules avaient été réunies par Jean Michælis, Lexicon particularum hebraicarum, in-8°, Francfort, 1689, et par Christ. Kœrber, Lexicon particularum hebrœarum, in-8°, léna, 1712.

5° À partir du milieu du XVIIIe siècle, l’étude philologique et rationnelle de l’hébreu influa sur la lexicographie, et les lexiques hébraïques furent dès lors rédigés d’après des procédés plus scientifiques. — 1. Jean Simonis, Lexicon manuale hebraicum et chaldaicum in quo omnium textus Veteris Testamenti vocabulorum hebraicorum et chaldaicorum significatus explicatur, in-8°, Amsterdam, 1757. Il a été corrigé et réimprimé par Eichhorn. — Plus tard, Wineren a fait une œuvre nouvelle, en la refondant d’après les travaux de Gesenius, 4e édit., Leipzig, 1828. — Ignace Weitenauer, jésuite, Hierolexicon linguarum orientalium, hebraicx, chaldaicse et syriacse, in-8°, Augsbourg, 1750. — Un rabbin allemand, Muselli,

publia avec le P. Jean Marie de Saint -Joseph, carme déchaussé, Lexicon hebraico-chaldaico-latino-biblicum, opus observationibus grammatico - Cfiticis conflatum, 2 in-f », Avignon, 1765. — Joseph Montaldi, dominicain, Lexicon hebraicum et chaldseo-biblicum, 4 in-4°, Rome, 1784. — J. D. Michælis, Supplementa ad lexica hebraica, in-4°, Gœttingue, 1785-1792. — Dn Lexicon hebraicum contractum parut in-8°, Avignon, 1822. — Signalons chez les Juifs : Isaac ha-Lévi, dit Satanow, auteur d’un dictionnaire hébreu-allemand, non nstf ; Benzew, auteur d’un bon dictionnaire hébreu - allemand, D’unwn ixin ; Marchand-Ennery, nnay nstf y >Sd, Dictionnaire hébreufrançais, in-8°, Nancy, 1827, pour les écoles juives.

L’ouvrage de Guillaume Gesenius, Hebrâisches und Chàldaisches Handworterbuch ûber das Alte Testament, 2 vol., Leipzig, 1812, a eu un légitime succès et a été souvent réimprimé. La 12e édition, revisée par A. Socin, II. Zimmern et F. Buhl, a paru in-8°, Leipzig, 1895. Le Manuel a eu de nombreuses traductions. La l re et la 2 8 éditions ont été traduites en anglais par J. W. Gibbs, in-8°, Andover, 1824, et par Christophe Léo, 2 in-4°, Cambridge, 1825. La 9e édition, revue par Mûhlau et Volck, in-8°, Leipzig, a été traduite en anglais d’abord par Edouard Robinson, Boston, 1836, revue en 1854, et parvenue à sa 20e édition en 1872 ; puis par Samuel Prideaux Tregelles, Londres, 1847 et 1857. L’abbé J.-B. Glaire en fit un abrégé qu’il disposa suivant l’ordre des racines, Lexicon manuale hebraicum et chaldaicum, in-8°, Paris, 1830 ; 2e édit. corrigée, 1843. Gesenius lui-même traduisit en latin la 3e édition allemande, Lexicon manuale hebraicum et chaldaicum in Veteris Testamenti libros, 1833, 2e édit. revue par A. Th. Hoffmann, in-8°, Leipzig, 1847. La première édition latine fut encore traduite en anglais par Edouard Robinson, in-8°, New-York, 1843. L’ancien rabbin P. Drach l’a enrichie de notes et en a retranché les interprétations rationalistes, notamment dans les passages messianiques, Catholicum lexicon hebraicum et chaldaicum in Veteris Testamenti libros, iu-4°, Paris, 1859. (Migne a ajouté à cette édition le Lexicon hebraico-latinum, cui accessit appendix dictionum chaldaicarum qux in Veteris Testamenti leguntur, 1860, de l’abbé J. du Verdier.) Mais Gesenius a publié un dictionnaire hébreu plus complet et plus savant, Thésaurus philologicus crilicus lingux hebrxx et chaldxse Veteris Testamenti, 3 in-4°, Leipzig, 1829-1853, qui a été achevé par Rœdiger. On a reproché à Gesenius d’avoir exagéré les rapprochements entre l’hébreu et l’arabe, et d’avoir cherché dans cette dernière langue Pétymologie de la plupart des mots hébraïques. — E. F. Leopold suivit "Winer et publia Lexicon hebraicum et chaldaicum in libros Veteris Testamenti ordine etymologico compositum in usum scholarum, in-18, 1832 ; souvent réimprimé. — Jean Frédéric Schroeder utilisa les travaux de Gesenius, Nova scriptorum Veteris Testamenti sacrorum Janua, id est, Vocum hebraicarum explicatio, cui notée, ad Gesenii Ewaldique grammaticas spectantes, alixque adnotationes, sensutn locorumdifficiliorum eruendo servientes, sunt adjectæ, 3 in-8°, Leipzig, 1834-1835.

Autres dictionnaires hébreux - allemands : J. Fûrst, Hebrâisches und Chàldaisches Handworterbuch ûber das Alte Testament, 2 in-8°, Leipzig, 1857-1860 ; 3e édition complétée par V. Ryssel, 1876 ; 4e édit., 1892. Traduction anglaise par Samuel Davidson, Leipzig, 1865, 1866 ; 4e édit., 1871. Ce vocabulaire est regardé comme inférieur à celui de Gesenius, à cause des théories philologiques de l’auteur. — E. Meier, Hebrâisches WurzeU wôrterbuch, etc., in-8°, Manheim, 1845. — David Cassel, Hebrâisch-deutsches Wôrterbuch, etc., in-8°, Breslau, 4e édit., 1889 ; 5e édit., 1891. — C. Siegfrid et B. Stade, Hebrâisches Wôrterbuch zum Alten Testamente, in-8°, Leipzig, 1893. — H. Strack, Hebrâisches Vocabular fur Anfânger, 4e édit., Berlin, 1894. — M. Schulbaum, Neues, vollstândiges deutschhebrâisches Wôiteibuch

mit Berucksichtigung der talmudischen und neuhebrâischen Literatur, Lemberg, 1881.

2. Dictionnaires hébreux - anglais. — J. Bâte, Critica Hebrsea, or a Hebrew -English Dirtionary. Voir t. i, col. 1505. — J. Andrew, Hebrew Dictionary, in-8°, Londres, 1823. Voir t. i, col. 565. — J. L. Potter, EnglishHebrew Lexicon ; Index lo Gesenius Hebrew Lexicon, Boston, 1872. — Bagster, Pocket Hebreiv-English Lexicon, containing ail the Hebrew and Chaldee words in the Old Testament, Londres, sans date. — B. Davidson, The analylical Hebrew Lexicon, Londres. Chaque mot de l’Ancien Testament est analysé et ramené à sa conjugaison propre, à sa forme primitive ou à sa racine, de sorte que toutes les difficultés grammaticales sont résolues. — B. Davies, Compendious and Complète Hebrew and Chaldee Lexicon to the Old Testament ; with EnglishHebrew Index revised, réimpression de la 3e édition anglaise, Andover, 1879. — Brown et Driver, A Hebrew and English Lexicon of the Old Testament, in-8, Boston, 1891. — A. Mayher, À sélect glossary of Bible words, in-8°, Londres, 1891. — Les noms propres ont été spécialement réunis : À list of the proper Names occurring in the Old Testament, Londres, 1844 ; — Alfred Jones, The proper Names of the Old Testament, expounded and illuslrated, Londres, sans date ; — The proper Names of the Old Testament, with an Appendix of Hebrew and Aramaic names in the New Testament, Londres, 1859 ; — W. F. Wilkinson, Personal Names in the Bible interpreted and illuslrated, Londres, 1865 ; — Beharrell, À complète alphabetically arrangea Biblical Biography, Indianopolis, 1867 ; — William Henderson, A Dictionary and Concordance of the Names of persans and places… in the Old and New Testaments, Edimbourg, 1869.

3. Dictionnaires hébreux-français. — Beuzelin, Vocabulaire hébreu-français, in-12, Paris, 1827 ; l’hébreu y est transcrit en caractères romains ; — N.-Ph. Sander et J. Trenel, Dictionnaire hébreufrançais, Paris, 1861 ; c’est en grande partie une simple traduction du Manuale Lexicon de Gesenius ; mais les passages bibliques sont reproduits et expliqués ; des mots hébreux non bibliques y ont été insérés.

Cf. J. C. Wolf, Historia Lexicorum hebraicorum, in-8°, Wittemberg, 1705 ; J. Lelong, B’bliotheca sacra, in-f », Paris, 1723, t. ii, p. 1184-1189 ; Calmet, Bibliothèque sacrée, 1™ part., art. iv, dans Dictionnaire de la Bible, Paris, 1730, t. iv, p. 240-242 ; Fr. Delitzsch, lesurun, seu Isagoge in grammaticam et lexicographiam linguse hebraicx contra G. Gesenium et H. Ewaldum, Grimm, 1838.

II. DICTIONNAIRES GRECS DES SEPTANTE ET DU NOU-VEAU TESTAMENT. — L’époque de la Renaissance vit refleurir l’étude du grec classique. Il ne semble pas que les savants aient porté tout de suite leur attention sur la xocvtj SîaXwro ; , sur ce grec populaire et postclassique dans lequel les écrits de l’Ancien Testament ont été traduits et ceux du Nouveau rédigés. C’est seulement au milieu du xvi » siècle que nous trouvons des lexiques spéciaux sur cette langue sainte. Mais les premiers lexicographes n’en connaissaient pas exactement les caractères. Ils identifiaient le grec alexandrin avec le grec classique, et tenaient pour de simples incorrections les particularités de la langue des Septante et du Nouveau Testament. Quelques-uns même étaient des puristes et prétendaient ! retrouver le plus pur atticisme dans le grec biblique. La première série des lexiques du grec biblique manque de critique scientifique. Le progrès de la philologie comparée et l’étude du développement historique des langues irent nettement distinguer le grec biblique du grec classique, et les plus récents dictionnaires grecs du Nouveau Testament rendent compte des caractères particuliers de ce dialecte populaire, devenu langue littéraire. Il faut donc y recourir pour étudier le grec biblique. Nous nous

bornerons à grouper tous ces dictionnaires suivant leur contenu et à lés placer, sous chaque groupe, dans l’ordre chronologique de leur publication.

1° Dictionnaires grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament réunis. — Jean Lithocome, Lexicon Novi Testamenti et ex parte Veteris, in-8°, Cologne, 1552.

— Élie Hutter, Dictionarium biblicum grsecum, in-4°, Nuremberg, 1598. — Mathias Martini, Epitome Lexici et Etymologici grseci, in-8°, Brème, 1616 ; Cadmus grseco Phœnix, id est, Etymologicum vocum grsecarum Veteris et Novi Testamenti, in-8°, Brème, 1631.

2° Dictionnaires grecs de l’Ancien Testament. — Zacharie Rosemback, Lexicon grsecum in 10 interprètes et libros apocryphos, in-8°, Herborn, 1634. — Michel Crell. Lexicon brève in 10 interprètes, Altenbourg, 1646. — Christian Schotau, Lexicon in 10 interprètes, in-12, Franeker, 1662. — Jean Christian Biel, Novus thésaurus philologicus sive Lexicon in lxx et alios interprètes et scriptores apocryphos Veteris Testamenti, 3 in-8°, La Haye, 1779-1780. Voir t. i, col. 1791. — Ch. Gottl. Bretschneider, Lexici in interprètes Grseci Veteris Testamenti, maxime scriptorum apocryphorum spicilegium, in-8°, Leipzig, 1805. Voir t. i, col. 1927-1928. — E. G. A. Bockel, Novx clavis in Grsecos interprètes Veteris Testamenti scriptoresgue apocryphos ita adornatse ut etiam Lexici in Novi Fœderis libros usum prsebére possit atque edilionis lxx interpretum hexaplaris speciniina, in-4°, Vienne et Leipzig, 1820. Voir 1. 1, col. 1824.

— F. Schleusner, Novus thésaurus philologicus criticus, sive Lexicon in lxx et reliquos interprètes grsecos, 5 in-8°, Leipzig, 1820-1821. Cet ouvrage estimé a été réimprimé, 3 in-8°, Glasgow, 1822. — C. A. Wahl, Clavis librorum Veteris Testamenti apocryphorum philologica, in-4°, Leipzig, 1853.

fr Dictionnaires grecs du Nouveau Testament. — EilhardLubin, Clavis Novi Testamenti seu Brève omnium diclionum quibus conscriptum est Lexicon, in-4°, Rostock, 1614. — Louis Lucius, Dictionarium Novi Testamenti grxco-latinum, in-8°, Bâle, 1640. — Martin Pierre Cheitomœus, Novi Testamenti voces grseco-barbarx quse orienti originem debent, in-12, Amsterdam, 1649. — La seconde partie de la Crilica sacra de Leigh, mentionnée parmi les dictionnaires hébreux, col. 1416, est un lexique du Nouveau Testament. — George Pasor a publié : 1. Lexicon grsecolatinum in Novum D.N. J. C. Teslamentum, in-8°, Herbipolis, 1619 ; Herborn, 1622, 1626, 1632, 1648, 1663 ; Leipzig, 1646, 1686, 1702, 1717 ; Amsterdam, avec des additions de Sehœltgen, 1641, 1650, etc. ; 2. Manuale Novi Testamenti, prseter indicem anomalorum et difficiliorum vocabulorum libel’.umque de accenlibus, Herborn, 1633, 1636 ; in-18, Amsterdam, 1683, augmenté par Schotanus ; in-32, Leipzig, 1702, 1716, etc. ; 3. Syllabits grseco - latinus omnium Novi Testamenti vocum, in-12, Amsterdam, 1632, 1633 ; augmenta par Leusden, 2e édit., in-18, Amsterdam, 1691, etc. Onomasticon Novi Testamenti mnemoniacum, in-8°, Giessen, 1653. — Jérémie Felbinger, Lexicon grxco-germanicum super Novum Testamentum, in-12, 1657. Gérard Maier, Disposilio methodica grsecorum Novi Testamenti vocabulorum, in-12, Francfort, 1663. — George Crauser, Phosphorus grsecarum vocum et phrasium Novi Testamenti theoretico-practicus, id est, Observationes philologico-theologicse théorise et praxi sacrse inservientes, etc., in-8°, Radstadt, 1664 ; in-4°, Francfort et Leipzig, 1676. — Jean Conrad Dieterich, Antiquitates Novi Testamenti, seu Lexicon philologico-theologicogrseco-latinum, in-f°, Francfort, 1671 et 1680. — André Reyer, Vocabularium seu Lexicon grseco-latinum et latinogrsecum, in quo omnia Novi Testamenti grsecovocabula recensentur, in-8°, Gotha, 1672. — Jean Leusden, Novi Testamenti clavis grseca cum annotationibus philologicis, in-4°, Utrecht, 1672 ; Compendium grsecum Novi Testamenti, continens ex 7 950 versiculis Novi

Testamenti tantum 1960 in quibus omnes vocei Novi Testamenti inveniuntur cum versione latina, in-12, Utrecht, 1675, 1677 et 1682. — Ad. Cocquius, Observations criticosacrée in sacrum N. T. codicem, qui agit de philosophia et doctrina morum, ubi prseler etyma et significationes verborum grsecorum, hominis beatitudo, affectus, virlutes et vitia ex sacris litteris eruta philologiceet practice eruuntur, in-4°, Leyde, 1678. — Eb. van derHoogt, Lexicon Novi Testamenti grseco-latino-belgicum, in-8°, Amsterdam, 1690. — Jean Knoll, Vocabularium biblicum Novi Testamenti grseco-lalinum, in-8, Radstadt, 1697, 1700 ; Leipzig, 1707. — Corneille Schrevel, Lexicon manuale Novi Testamenti grxco-latinum et latino-grœcum, in-8°, Amsterdam, 1700. — Pierre Nicolas du Mortier, Elymologim grmco-latinse, etc., in-i°, Rome, 1703. — Pierre Sigismond Papenius, Lexicon onomatophraseologicutn in codicem sacrum Novi Testamenti, in-4°, Leipzig, 1718. — Pierre Mintert, Lexicon grsecolatinum in N. T., 2 in-4°, Francfort-sur-le-Mein, 1728. — Jean Conrad Schwartz, Commentarii critici et philologici linguæ grxcse N. T., in-4°, Leipzig, 1736. — Martin Gaspard Woïfburg, Observationes sacrée in Novum Teslamentum, seu Annolationes philologico-criticm in voces plerasque N. T. ordine alphabetïco et dicta prxcipua tant Veteris quam Novi Testamenti, in-4°, Copenhague, 1738. — Jean Gaspard Hagenbuch donna une nouvelle recension du Novi Testamenti glossarium grxco-latinum de Jean Gaspard Suicer, in-8°, Tigur, 1744. — Chr. Schœttgen, Novum Lexicon grseco-lalinum in Novum Testamentum, in-8°, Leipzig, 1746 ; corrigé et augmenté par J. T. Krebs, in-8°, Leipzig, 1765, et par G. L. Sophn, in-8°, Leipzig, 1790. — Christian Stock, Clavis linguse sanctm Novi Testamenti, 5e édit. préparée par Fischer, in-8°, Leipzig, 1752. — Élie Palaieret, Prœve van een Oordelkundis Woordenbœck over de Heilige Bœken des Nieiven Verbonds, in-8°, Leyde, 1754. — Jean Simonis, Lexicon Manuale grsecum N. T., in-8°, Halle, 1766. — Jean Gustave Herrmann, Grxechiscb.-teutscb.es Wôrterbuch des N. T., in-8°, Francfort-sur-1’Oder, 1781. — Charles Frédéric Bahrdt, Griechisch-teutsches Lexicon ûber das N. 7, in-8°, Berlin, 1786. — Euchaire Œrtel, Griechischteutsches WôHerbuch des N. T., in-8°, Gœttingue, 1799. Cf. J. Lelong, Bibliotheca sacra, in-f », Paris, 1732, t. ii, p. 1197-1198. — Jean Frédéric Schleusner, Novum Lexicon grxcolatinum in Novum Testamentum, 2 in-8°, Leipzig, 1792, 1801 ; 4e édit., 1819. — C. A. Wahl, Clavis Novi Testamenti philologica, in-8°, Leipzig, 1822 ; 3e édit., 1843. — C. G. Bretschneider, Lexicon manuale greecolatinum in libros Novi Testamenti, 2 in-8°, Leipzig, 1829, 1840. Voir 1. 1, col. 1928. — C. G. Wilke, Clavis Novi Testamenti philologica usibus scholarum et juvenum theologix studiosorum açcommodata, Dresde, 1839, 1851. Cet ouvrage a été revu par C. L. W. Grimm, Lexicon greecolatinum in libros N. T., Leipzig, 1867, 1879, 1888, 1896. J. H. Thayer l’a traduit en anglais et l’a revisé, A Greek-English Lexicon of the New Testament, being Grimm’s Wilke’s Clavis Novi Testamenti, Edimbourg, 1886. — H. Cremer, Biblisch-theologischesWôrterbuchder ncutestamentlichen Grâcitât, Gotha, 1867, 1862, 1882 ; 8e édit., 1895. Ce dictionnaire ne contient pas tous les mots, mais il est utile pour l’exégèse. Il a été traduit en anglais avec des additions par William Urwick, Biblico-lheological Lexicon of New Testament Greek, Edimbourg, 1872 ; 3e édit., 1880, 1892. — Schirlitz, Griechischdeutsches Wôrterbuch zum Neuen Testamenle, in-8°, 2e édit., 1858 ; 5° édit., Giessen, 1893.— B. Kuhne, Neutestamentlisches Wôrterbuch, Gotha, 1892.— F.W. Stellhorn, Kurzgef. Wôrterbuch zum griechischen N. T., Leipzig, 1886. — S. Th. Bloomfield, À Greek and English Lexicon of the New Testament, édition revue et augmentée par E. Robinson, 1829 ; New-York, 1836 ; nouvelle édition revue, 1850. Voir 1. i, col. 1821. — E. W. Bullinger, Crilical Lexicon and Concordance to the En glish and Greek New Testament, Londres, 1877. — "W. J. Hickie, Greek English Lexicon to the New Testament, in-8°, Londres, 1893. Greenfield, Polymicrian Greek Lexicon, in - 32, Londres. — The Analytical Greek Lexicon to the New Testament, Londres, rédigé sur le même plan que Y Analytical Hebrew Lexicon. Cf. Classical Review, t. i, 1887, p. 106-109, 403, 485.

11. Dictionnaires des matières bibliques. — Ces dictionnaires, qui rangent par ordre alphabétique les sujets de la Bible, sont de deux espèces : les uns sont spéciaux à la Bible, les autres sont des encyclopédies théologiques dans lesquelles la science biblique a sa part.

I. DICTIONNAIRES SPÉCIAUX DE LA BIBLE, — 1° Le

moyen âge a eu des résumés alphabétiques de la Bible aussi bien que de la théologie. Leurs exemplaires manuscrits ou imprimés existent en grand nombre.dans les bibliothèques, et ces dictionnaires bibliques ont été jusqu’aux xive et xv 8 siècles les manuels ordinaires et la principale source de l’érudition exégétique des clercs et des moines. Leur valeur va toujours en décroissant. Les plus récents sont des compilations des plus anciens et leur sont inférieurs en exactitude.

Le premier est le Vêtus Glossarium, qui a été attribué pendant longtemps à Salomon III, abbé de Saint-Gall et évêque de Constance ; mais qui paraît avoir eu pour auteur un évêque goth, nommé Ansileube. Il en existe un superbe manuscrit du vni" ou du IXe siècle, d’une belle écriture lombarde, à la Bibliothèque Nationale de Paris, lat. H529-H530. Le Glossaire d’Ansileube est une encyclopédie complète, dont la science est de bon aloi et dont les nombreux résumés ont fourni la matière de tous les dictionnaires du moyen âge.

En 1053, le Lombard Papias refondit le Vieux Glossaire ; mais son Rudimentum doctrinx, tout en contenant de nouveaux éléments, reste un travail de seconde main. Il est moins imparfait dans les manuscrits que dans l’édition imprimée à Milan, en 1476. Le Pisan Uguccione, évêque de Ferrare, connu sous le nom de Hugution, rédigea vers l’an 1200, peut-être à l’abbaye de Nonantule, les Derivationes majores, qui contiennent de singulières étymologies. Son ouvrage a servi pendant trois cents ans de guide pour l’étude de la Bible. La création des ordres mendiants multiplia le nombre des docteurs et des manuels. Celui qui fut usité chez les Frères Mineurs est court, pauvre et maigre. C’est la Summa Britonis, ou vocabulaire de la Bible de Guillaume le Breton, compilation des Derivationes d’Hugution. On l’a parfois attribuée à Adam de Saint -Victor. Voir t. i, col. 206-207. Jean Balbi, dit Jean de Gènes, travailla pour les Dominicains, et composa, en 1286, son Catholicon, que lui-même avait intitulé Prosodia. Cette compilation indigeste fut imprimée à Mayence, en 1460, et rééditée à Augsbourg, en 1469. Voir t. i, col. 1409.

Le xve siècle vit sortir des presses toute une bibliothèque de dictionnaires de la Bible : le Comprehensorium de Jean, in-f°, Valence, 1475 ; — le Vocabularium ecclesiasticum de Jean Bernard le Fort, de Savone, augustin, in-f°, Milan, 1480, 1489, et Venise, in-8°, 1625 ; — V Elucidarius Scripturarum de Henri Jerung, syndic de Nuremberg, in-f°, Nuremberg, 1476 ; — le Vocabularius brèviloquus, in-f°, Bàle, 1482 et 1501, qui est l’œuvre de Jean Reuchlin. — Mais le principal est Mammotrectus super Bibliam, « Le nourrisson, » composé par Marchisino, frère mineur de Reggio, entre 1279 et 1312. Cet ouvrage, dont il existe beaucoup de manuscrits et qui a eu trente-quatre éditions, échelonnées de 1470 à 1596, explique les mots difficiles de la Bible, livre par livre, aussi bien que ceux des leçons du bréviaire. Il a disparu de l’usage sous le mépris des lettrés de la Renaissance. Cependant un dictionnaire italien, publié en 1625, n’est guère qu’un résumé alphabétique du Mammotrectus. Cf. Samuel Berger, La Bible au jcne siècle, in-8°, Paris, 1879, p. 15-28 ; De glossariU

et compendiis exegeticis quibusdam medii sévi, in-8°, Paris, 1879.

2° Des dictionnaires analogues, expliquant le sens des mots de la Bible, reparaissent au xvii « et au xviii « siècle. François Lalouette publia Hierolexicon, seu Dictionarium variorum Sacrse Scripturx sensuum, in-8°, Paris, 1694. Nous devons à Charles Huré le Dictionnaire universel de l’Écriture Sainte, dans lequel on marque toutes les différentes significations de chaque mot de l’Écriture, son étymologie, et toutes les difficulté ! que peut faire un même mot dans tous les divers endroits de la Bible où il se rencontre. On y explique aussi les’Hébraïsmes, les phrases ou façons de parler particulières du Texte sacré, les contradictions apparentes, les difficultez de Chronologie, l’Histoire sainte, la Géographie, les noms propres des Hommes, des Villes, etc., avec tout ce qui peut faire entendre le sens littéral et métaphorique, en sorte que rien ne puisse arrêter le Lecteur qui y aura recours. On a mis aussi à la marge le mot Grec des Septante qui répond à la signification de chaque mot Latin, avec l’explication de ce que porte le sens de l’Hébreu, quand il est différent de celui du Latin de la Vulgate, 2 in-f°, Paris, 1715. Ce long tilre fait suffisamment connaître le contenu de l’ouvrage, qui a été réédité par Migne, 4 in-4°, Paris, 1846, mais sans les mots grecs correspondants, sous le titre de Dictionnaire universel de philologie sacrée, revu et augmenté par Tempestini. — Pierre François Zanoni, Polygraphia sacra, seu Elucidarium biblicum historico-mysticum, Augsbourg, 1725. Tous les mots de l’Écriture sont expliqués au sens littéral, anagogique et moral, d’après les originaux et les meilleurs interprètes, mais d’une façon trop prolixe. — Ignace Weitenauer’, jésuite, Lexicon biblicon in quo explicantur Vulgatse vocabula et phrasés, in-8°, Augsbourg, 1758, 1780 ; Venise, 1760 ; Avignon, 1835 ; Paris, 1857, 1863 ; Naples, 1857, etc. On y trouve l’explication des métaphores et des passages difficiles de la Vulgate. — Frédéric de Jésus, carme, Lexicon scripturisticum, in-8°, Augsbourg, 1782, exposition suivant l’ordre alphabétique des. sens multiples de l’Écriture.

3° Une autre série de dictionnaires bibliques s’attache principalement au sens littéral de l’Écriture et résume en articles distincts, rangés alphabétiquement, l’histoire et la géographie de la Bible. Ce genre de recueils a été inauguré par Richard Simon, ancien curé de Saint-Uze, dans le Dauphiné. Il publia Le Grand Dictionnaire de la Bible, ou Explication littérale et historique de tous les mots propres du Vieux et du Nouveau Testament, etc., in-f°, Lyon, 1693. Le titre complet, qui est très étendu, indique le contenu du dictionnaire, à savoir : la vie des principaux personnages, les noms des animaux, des fêtes, des provinces, des villes et des bourgs, des montagnes, des ileuves, des poids et mesures ; en un mot, toutes les matières bibliques. Le succès de cet ouvrage encouragea l’auteur à le développer ; il le compléta et l’augmenta du double. La seconde édition parut en 2 in-f°, Lyon, 1703. Ainsi étendue, elle est devenue un dictionnaire universel, qui contient beaucoup de choses étrangères à la Bible. Par ailleurs, l’ouvrage est peu correct et peu exact. L’auteur ne connaissait pas les langues orientales et n’avait pas l’érudition suffisante pour réussir ; il a eu le mérite d’ouvrir une voie dans laquelle d’autres l’ont suivi.

On avait conseillé à dom Calmet de retoucher le Grand Dictionnaire de Simon. Le savant bénédictin comprit la difficulté d’une revision et préféra faire une œuvre nouvelle, en empruntant le cadre à son prédécesseur et en le remplissant par les matériaux recueillis pour la composition du Commentaire littéral et en partie non employés. C’est à ce dessein que nous devons le Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible. Il comprenait d’abord seulement deux volumes in-P, Paris, 1719. Il eut un Supplément,

aussi considérable, Paris, 1728. Tandis qu’une contrefaçon paraissait à Genève, 4 in-4°, 1729 et 1730, dom Calmet préparait une deuxième édition, dans laquelle il fondait le Supplément, en remaniant les anciens articles, en corrigeant et en augmentant le tout, 4 in-f°, Paris, 1730. Comme dans son Commentaire, l’auteur considérait surtout la lettre du texte sacré, l’histoire et la critique. Sur les rééditions et les traductions de cet ouvrage, qui a été si longtemps consulté, voir col. 75. Ajoutons seulement que la version anglaise a été retouchée par E. Robinson, Boston, 1832.

Il parut ensuite des dictionnaires de même nature, mais plus sommaires et d’un moindre format. Pierre Chompré publia, sous le voile de l’anonyme, Dictionnaire abrégé de la Bible pour la connaissance des tableaux historiques tirés de la Bible et même de Flavius Josèphe, in-32, 1766. Il a été revu et augmenté par Petitot, 1806, 1816 et 1837. Tous les noms de personnages, d’animaux, de plantes, de lieux et d’instruments, qui se lisent dans la Bible, y sont accompagnés d’explications historiques. Voir col. 716. — Pierre Barrai, Dictionnaire portatif, historique, théologique, géographique. Voir t. i, col. 1468. Cet ouvrage a été traduit en latin par Jean-François Dalmase, Diclionarium manuale biblicum ex celebralissimis polissimum dictionariis (ceux de Simon et de Calmet), 2 in-8°, Augsbourg, 1776 ; cette édition est enrichie de notes, tirées de la version italienne faite par Prosper d’Aquilée. — Jean Baptiste Sébastien Colomme, barnabite, édita Notice de l’Écriture Sainte, Description topographique, chronologique, historique et critique des royaumes, provinces, etc., dont il est fait mention dans la Vulgate, in-8°, Paris, 1773, qui fut réimprimé sous le titre de Dictionnaire portatif de l’Écriture Sainte, 1775. Cet ouvrage est peu utile. Voir col. 851. — L. E. R[ondet], Dictionnaire historique et critique de la Sainte Bible, in-4°, Paris et Avignon, 1776. Inachevé. Voir Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes, Paris, 1872, t. iv, p. 977. — J. Brown, À Dictionary of the Holy Bible, sur le plan de D. Calmet, 2 in-8°, Londres, 1769, souvent réimprimé. Voir t. i, col. 1950. — William Gurney, À handy Dictionary of the Holy Bible, containing an historical and geographical Account of the persons and places, and an explanation of the various terms, doctrines, laws, precepts, ordinances, institutions and figures in the sacred Oracles. La première édition est de l’an 1790 environ. Ce dictionnaire, qui joint aux renseignements biographiques, historiques, archéologiques, scientifiques, etc., l’explication des phrases et des figures de la Bible, a eu beaucoup de succès. J. G. Wreng l’a revisé et réédité, in-8°, Londres, 1879, avec quelques illustrations sans valeur, représentant des localités ou des paysages. — Dictionnaire généalogique, historique et critique de l’Écriture Sainte, où sont réfutées plusieurs fausses assertions de Voltaire et autres philosophes du xviiP siècle, in-8°, Paris, 1804. L’auteur était mort dans les premiers jours de septembre 1792. L’abbé Sicard revit son ouvrage, le corrigea et le publia. C’est un résumé qui explique les noms de personnes et de lieux. — Henri Braun ajouta à son édition latine et allemande de la Bible un Biblisches Universallexicon, 2 in-8°, Augsbourg, 1806 et 1836. C’est l’œuvre d’Amand Mauch. Voir 1. 1, col. 381 et 1910. — A. Coquerel, Biographie sacrée, ou Dictionnaire historique, critique et moral de tous les personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-8°, Amsterdam, 1825. Voir col. 954.

— Jourdain Vespasiano, Dizionario universale délia S. Bibbia Volgata, 4 in-4°, Venise, 1853. — Henri Joachim Jack, Allgemeines Volksbibel-Lexicon fur Katholiken, order allgemein fassliche Erlâuterung der h.Schrifl durch Wort und Bild, Leipzig, 1843-1848, pour faire suite à sa version allemande. — A. F. Barbie du Bocage publia dans La Sainte Bible en latin et en français, t. xiii, in-4°, Paris, 1834, un Dictionnaire des noms 1

hébreux, un Dictionnaire archéologique et historique (d’après Calmet), un Dictionnaire géographique de la Bible. Voir t. I, col. 1456. — À Dictionary of the Holy Bible, for gênerai use in the study of the Scripluries, New-York, 1859. Il a été publié par V American Tract Society et avait été originairement préparé par le savant explorateur de la Palestine, Edouard Robinson. On le donne comme un modèle de condensation et d’exactitude ; mais il a vieilli. — A. Bost, Dictionnaire de la Bible, ou Concordance raisonnée des Saintes Écritures, contenant, en plus de 4 000 articles : 1° la Biographie sacrée ; 2° l’Histoire sainte ; 3° l’Archéologie biblique ; 4° la Géographie biblique ; 5° l’Histoire naturelle biblique, la Zoologie et la Géologie ; 6° l’Esprit de la législation mosaïque ; 7° des Introductions spéciales aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ; 8° des Essais sur diverses portions des Écritures ; 9° l’Interprétation et l’explication d’un grand nombre de passages obscurs ou mal traduits ; 10° des Directions pour l’étude de la prophétie, etc., 2 in-8°, Paris, 1849 ; 2e édit., revue et augmentée, Paris, 1865. Voir t. i, col. 1867. — E. Spol, Dictionnaire de la Bible, ou Explication de tous les noms propres historiques et géographiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-12, Paris, 1877. Complet mais très bref. — A.- P. Billot, Petit dictionnaire biblique, in-12, 1885.

L’Allemagne et l’Angleterre ont produit des dictionnaires semblables, plus développés. 1. George Benoit Winer, Biblisches RealWôrterbuch zum Handgebrauch fur Studirende, Candidaten, Gymnasiallehrer und Prediger ausgearbeitet, 2 in-8°, Leipzig, 1820. La troisième édition, publiée en 1847-1848, est considérablement augmentée. Cet ouvrage est plein d’érudition et très utile pour l’indication des sources. — D. Schenkel, Bibellexicon, 5 in-8°, Leipzig, 1869. — Biblisches Handwôrterbuch, Calwer, 2e édition illustrée, revue par P. Zeller, 1893. — J. Hamburger, Real-Encyklopâdie fur Bibel und Talmud. Wôrterbuch zum Handgebrauche fur Bibelfreunde, Theologen, Juristen, 4 in - 8°, Strelitz et Leipzig, 1866-1892. — Herm. Zeller, Biblisches Wôrterbuch fur dos christl. Volk, 3e édition, 2 vol., Berlin, 1894. — 2. J. Kitto, Cyclopxdia of Biblical Literature, 2 in-8°, Edimbourg, 1845. La première édition fut réimprimée à New -York, la même année. Une deuxième édition fut donnée à Edimbourg, par le D r Burgess, en 1856. La troisième, complètement revue, notablement augmentée et améliorée par le D r W. L. Alexander et un grand nombre de collaborateurs, comprend 3 in-8°, Edimbourg, 1862-1865. C’est le premier ouvrage de ce genre où l’on ait réuni les travaux de spécialistes sous la direction d’un éditeur principal. — John Eadie, Biblical Cyclopxdia ; or, Dictionary of Eastern Antiquities, Geography, natural hislory, sacred Annals and Biography, theology and biblical Literature, illustralive of the Old and New Testaments. La préface de la première édition est datée de Glasgow, décembre 1848 ; celle de la quatrième édition, de la même ville, octobre 1853. — La sixième, qui est illustrée, a été publiée à Londres, par The Religions Tract Society, sans date, in-8°. Cet ouvrage a eu pour base The Union Bible Dictionary, prepared for the American Sunday School Union, and revised by the Commiltee of Publication, Philadelphie, 1812, et dont la première édition, 1831, avait été préparée par A. Alexander. Voir t. i, col. 344. — William Smith, Dictionary of the Bible, comprising ils antiquities, biography, geography and natural history, 3 in-4°, Londres, 1861-1863. C’est une œuvre historique plutôt qu’une œuvre théologique. Il a été publié en Amérique, par H. B. Hackett et E. Abbott, avec la collaboration de plusieurs savants, en 4 in-4°, New -York, 1868-1870, une édition rivale qui est plus correcte que celle de Londres. Le premier volume, augmenté d’environ du double, a paru en seconde édition, en 1893. — Ayre, The Trea sury of Bible Knowledge, Londres, 1866 ; 2e édit., in-8°, 1868, ouvrage très bien fait, renfermant en un petit espace une quantité considérable de renseignements bien digérés. — Patrick Fairbain, The Impérial Bible -Dictionary, historical, biographical, geographical and doctrinal : including the natural history, antiquities, manners, customs and religions, rites and cérémonies mentioned in the Scripturies, and an Account of the several books of the Old and New Testaments, 2 in-i », Londres, 1867. Cet ouvrage, rédigé par plus de quarante collaborateurs et illustré, est plus populaire que le Dictionnaire de Smith. — The Bible Dictionary illustrated with nearly six hundred Engravings in two volumes, 2 in-4°, Londres (sans date). Ce dictionnaire, connu sous le nom de Dictionnaire de Cassel, son principal éditeur, a pour but de résumer sous une forme succincte et populaire les résultats des travaux anciens et modernes sur l’Ecriture Sainte. Il est l’œuvre d’un grand nombre de collaborateurs protestants anonymes. La rédaction et l’illustration sont médiocres. Il a déjà vieilli. — A. R. Fausset, The Englishman’s Bible Cyclopsedia, Londres et NewYork, 1878 ; 2e édit., 1881. Cette encyclopédie est l’œuvre d’un seul auteur ; elle expose et discute les questions et peut suppléer en partie à un commentaire. — Schaff, À Dictionary of the Holy Bible, including Biography, natural Hislory, Geography, Topography, Archxology and Literature, Philadelphie, 1880 ; 3e édit., 1882. Ce dictionnaire, publié par V American Sunday School Union, renferme tous les noms bibliques et contient des cartes et de nombreuses illustrations. On y a mis à profit les fouilles et les découvertes des sociétés diverses qui ont exploré la Palestine. — Signalons enfin Bourazan, À sacred Dictionary, an explanation of Scripture names and terms, in-8°, Londres ; — J. Macpherson, The universal Bible dictionary, based upon the latest authorities, in-8°, Londres, 1892 ; — Westoot et "Waad, Concise Bible dictionary, Londres, 1893 ; — Easton, Illustrated Bible dictionary and treasury of biblical history, biography, geography, doctrine and literature, in-8°, Londres, 1893. 4° Il nous reste à signaler quelques dictionnaires d’archéologie et de géographie biblique. L. de Saulcy, Dictionnaire des antiquités bibliques, traitant de l’archéologie sacrée, des monuments hébraïques de toutes les époques, de toutes les localités célèbres mentionnées dans les Livres Saints, de l’identification des noms modernes avec les noms antiques cités dans la Bible, de la description des terres bibliques et en particulier du bassin de la mer Morte et du Jourdain, in-4°, Paris, 1859. L’auteur résume ses propres travaux, expose ses idées personnelles et parle de découvertes qu’il aurait faites, et que les savants venus après lui n’ont pas ratifiées. — Ed. Riehm, Handworterbuch der biblischen Altertums fiir gebildete Bibelleser, 2 in-8°, Bielefeld et Leipzig, 1875-1884 ; 2e édit., 1894, sous la direction de Fr. Bæthgen. — G. IL Withney, Handbook of Bible Geography, New-York, 1875 ; édition revue, 1879. — G. Armstrong, W. Wilson et R. Conder, Names and places in the Old and New Testament, 1889. — E. von Starck, Palâstina und Syrien von Anfang der Geschichte bis zum Siège des Islam, in-8°, Berlin, 1895, petit lexique de géographie palestinienne.

II. DICTIONNAIRES OÊNÊRAVX, TBÉOLOGIQVES ET BI-BLIQUES. — Les sciences bibliques tiennent une place importante dans ces encyclopédies religieuses, qui ont pris naissance au xviiie siècle. La première est l’œuvre des dominicains Louis Richard et Giraud, Dictionnaire universel, dogmatique, canonique, historique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques, 5 in-f°, Paris, 1760-1762 ; avec un 6e vol. de supplément, 1765. L’Écriture Sainte y occupe le premier rang. Tous les noms d’hommes et de lieux, sacrés et profanes, cités dans la Bible, y ont leur article. On y trouve un traité

sommaire de l’Écriture et une introduction à chacun des Livres Saints. Ces sujets sont exposés d’après dom Calmet. Une seconde édition a paru sous le titre de Bibliothèque sacrée, ou Dictionnaire universel des sciences, ecclésiastiques, 29 in-8°, Paris, 1822-1827. — L’abbé Bergier avait préparé pour l’Encyclopédie méthodique le Dictionnaire théologique, 3 in-4°, Paris, 1788-1790. Il a été publié à part, sous le titre de Dictionnaire de théologie, 8 in-8°, Liège, 1789-1792. Sans vouloir copier le Dictionnaire de la Bible, l’auteur a donné une part suffisante à la critique sacrée, et il a justifié les personnages de l’Ancien Testament dont la vie et les vertus avaient été attaquées par les incrédules du xviiie siècle. Son Dictionnaire a été réédité, 8 in-8°, Toulouse, 1819 ; Besançon, 1826-1830 (avec des notes de l’abbé Gousset) ; 4 in-8°, Lille, 1814 (avec des notes de l’abbé Lesioir) ; 12 in-8°, Paris, 1873-1876. — J. Aschbach, Allgemeines Kirchen-Lexicon, Francfort-sur-le-Mein, 1846-1850. Ouvrage utile et digne de confiance, écrit par de savants catholiques. — Wetzer et Welte, KirchenLexicon, 12 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1847-1856 ; traduit en français par l’abbé I. Goschler, Dictionnaire de la théologie catholique, 26 in-8°, Paris, 1868. Une seconde édition a été entreprise par Hergenrôther et Kaulen, Kirchenlexicon oder Encyklopâdie der Katholischen Théologie und ihrer Hùlfswissenschaften. Elle comprend déjà 10 in-8°, 1882-1897 qusqu’à Saturnil). Les articles d’Écriture Sainte exposent avec clarté les derniers résultats de l’exégèse allemande. — Joseph Schâfler, - Handlexicon der katholischen Théologie, 4 in-8°, Ratisbonne, 1880 et suiv.

— J.-B. Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, in-8°, Paris (sans date).

Les protestants ont aussi bien que les catholiques leurs encyclopédies théologiques. J. J. Herzog a publié (avec G. L. Plitt et A. Hauck) la seconde édition de Rial-Encyclopädie fur protestantische Théologie und Kirche, 18 in-8°, Leipzig, 1877-1888. La première édition avait été imprimée par R. Besser, 22 vol., Hambourg, Stuttgart et Gotha, 1853-1868. C’est en Allemagne le grand arsenal de la théologie protestante dans toutes ses branches. J. H. A. Bomberger en avait commencé un résumé, The protestant Theological and Ecclesiastical Encyclopxdia, being a condensed translation of Herzog’s Real-Encyclopsedia, with additions from other sources, 2 in-8°, Philadelphie, 1856-1862, resté inachevé. Une troisième édition allemande est en cours de publication, sous la direction de A. Hauck. Les deux premiers volumes ont paru, Leipzig, 1896 et 1897. — kirchenlexicon, theologisches Handwôrterbuch, 2e édit., revue par P. Zeller, 2 vol., Calwer, 1891-1892. — J. Newton Brown, Encyclopœdia of Religions Knowledge, Brattleborough, 1835 ; édition revue par G. P. Tyler, en 1858 ; réimprimée à Philadelphie, 1875. Cet ouvrage a vieilli.

— Mac Clintock et Strong, Cyclopœdia of Biblical, Theological and Ecclesiastical Literature, 10 in-8°, New-York, 1867-1881, avec deux volumes supplémentaires, 1884-1887. Cet ouvrage, le plus complet de ce genre qui existe en anglais, fut commencé en 1857. Il renferme environ cinquante mille articles. — Philippe Schaff, Samuel M. Jackson et D. Schaff, À Religions Encyclopsedia : or Dictionary of biblical, historical, doctrinal and practical Theology, based on the Real-Encyklopâdia of Herzog, Plitt and Hauck, 3 in-4°, Edimbourg, 1883.

Les protestants de langue française ont publié, sous la direction de F. Lichtenberger, V Encyclopédie des sciences religieuses, 121n-8°, Paris, 1877-1882. L’histoire des religions bibliques y occupe la place d’honneur. On y trouve l’explication de tous les noms géographiques et historiques de l’Ancien et du Nouveau Testament de quelque importance, une introduction critique détaillée de chacun des livrer canoniques, ainsi que des études d’ensemble sur le canon, le teste, les versions, l’exégèse, la propagation

des Saintes Écritures et l’archéologie sacrée. Toutes les fractions du protestantisme français ont fourni des collaborateurs. La doctrine n’est pas une, et parfois les résultats de la critique rationaliste sont acceptés comme acquis et démontrés.

Le judaïsme lui-même a son encyclopédie religieuse : J. Hamburger, Real - Encyclopädie des Judenthums, Wôrterbuch fur Gemeinde, Schule und Haus, 2 in-8°, Neustrelitz, 1874-1888. C’est un dictionnaire juif composé par des juifs. Il traite par ordre alphabétique non seulement les sujets historiques, géographiques et scientifiques, mais aussi les questions dogmatiques, morales et juridiques qui intéressent les lecteurs de la Bible et du Talmud. E. Mangekot.

    1. DIDRACHME##

DIDRACHME (SiSpa^iov ; Vulgate : didrachma), monnaie grecque, en argent, de la valeur de deux drachmes et équivalente au demi-sicle juif. Voir Dhachme et Sicle. Le didrachme représentait la somme due par chaque Juif pour l’impôt de la capitation, qui’servit à l’entretien du Temple de Jérusalem jusqu’à la destruction du sanctuaire par les Romains. Cet impôt fut payé par Notre-Seigneur. Matth., xvii, 23-26. Voir Capitation, col. 217-219. Les pièces de cette valeur ont été frappées en grand nombre dans tous les systèmes monétaires du monde grec. Parmi, les principaux types, on peut citer le didrachme attique, du

499.. — Didrachme, d’Athènes.

Tête d’Athéné, à droite. — fy A@E. Chouette, à droite ;

derrière elle, deux feuilles d’olivier. Monnaie de style archaïque

Poids : 8 « r, H.

poids de 8fl r, 70 (fig. 499). Cette pièce portait au droit la tète casquée d’Athéné, à droite, et au revers une chouette, deux feuilles d’olivier, et dans le champ l’inscription A@E(vaiwy). Le didrachme des Séleucides portait au droit la tête d’Alexandre ou d’un roi, et au revers Jupiter assis, tenant dans la main droite un aigle pu une Victoire, et la main gauche appuyée sur le sceptre, et dans le champ le nom d’Alexandre ou du roi régnant. Les didrachmes rhodiens, également très répandus, portaient au droit la tête de face et radiée du Soleil, et au revers la rose et l’inscription POAIÛN. Son poids était celui du didrachme attique. — La Vulgate, II Mach., iv, 19, et x, 20, emploie le mot didrachma, là où le texte grec porte simplement « drachme ». — Dans les Septante, Gen., xxiii, 15, 16 ; Exod., xxi, 32, etc., le grec JiSpaxttov traduit l’hébreu ëéqél, « sicle. » E. Beuruer.

    1. DIDYME##

DIDYME (grec : StSuno ; , « jumeau » ), surnom ou plutôt traduction grecque du nom araméen de Thomas. Il ne se lit pas dans les synoptiques, mais seulement dans saint Jean, xi, 16 ; xx, 24 ; xxi, 2. Voir Thomas.

    1. DIESTEL Ludwig##

DIESTEL Ludwig, théologien protestant allemand, né à Kœnisberg le 28 septembre 1825, mort à Tubingue le 15 mai 1879. Il étudia la théologie et la philosophie à Berlin et à Bonn. En 1851, il fut privat-docent d’exégèse à Bonn, et, en 1858, professeur extraordinaire ; il passa à Greifswald, en 1862, comme professeur ordinaire. En 1867, il devint professeur d’exégèse de l’Ancien Testament à Iéna, et en 1872 à Tubingue. Il appartenait à l’école théologique dite critique-libérale. Son œuvre principale est Geschichte des Alten Testaments in der christlichen Kirche, in-8°, Iéna, 1868. On a aussi de lui : Der Segen Jakobs in Genesis xlix hutorich erlâutert, in-8°, Brunswick, 1853, et la 4e édition du commentaire d’Isaïe

de Knpbel : Der Prophet Jesaia erklârt ( dans le Kurzgefasstes exegetisches Eandbuch x zum Allen Testament), in-8°, Leipzig, 1872 ; Die Sintflulh und die Fluthsagen des Alterthums, in- 8°, Berlin, 1871.

1. DIEU. Le nom de Dieu, applicable comme nom commun au vrai Dieu et aux fausses divinités des polythéistes, est, dans l’hébreu de l’Ancien Testament, ’El ou plus fréquemment’Élôhîm. Le nom propre du vrai Dieu est Jahvéh ou Jéhovah. Dans le Nouveau Testament grec, le nom divin est ©eé : . Voir El, Élohim et Jéhovah.

2. DIEU INCONNU. Voir ATHÈNES, t. i, col. 1213.

3. DIEUX (FAUX). "Voir Baal, Béelzébub, Dagon, Moloch, etc.

    1. DIÉVÉENS##

DIÉVÉENS (chaldéen : Déhâvê’; Septante : Aauaïoi ; Vulgate : Dievi), captifs transplantés par les Assyriens dans l’ancien royaume d’Israël. I Esdr., iv, 9, nous apprend que, après le retour des Juifs dans leur patrie, ils tentèrent de s’opposer à la reconstruction des murailles de Jérusalem ; ils écrivirent dans ce sens à Artaxerxès. Mais leur nom ne figure plus I Esdr., v, 6, et vi, 6, parmi ceux qui firent une tentative analogue sous Darius, pour empêcher la reconstruction du Temple. Nous ne possédons sur eux aucun renseignement certain. Le texte biblique semble dire qu’ils furent implantés en Samarie avec les autres colons par Asénaphar (voir ce mot), qui est Asaraddon ou Assurbanipal. On les confond généralement avec les Aôtoi d’Hérodote, 1, 125, édit. Didot, 1855, p. 43 ; Aiot dans Strabon, xi, 8, 2 ; 9, 3, édit. Didot, 1853, p. 438 et 442, et Arrien, 1. iii, c. x, traduction de Chaussard, Paris, 1802, p. 97, dont on retrouve le nom dans le Daghestan, province du Caucase russe. Quinte-Curce, 1. iv, c. 12, édit. Nisard, Paris, 1843, p. 190, où ils sont mentionnés à côté des Susiens comme dans Esdras. Cf. Amiaud, dans les Mélanges Renier (Bibliothèque de l’École des hautes études, sect. philol., fascic. 73), Cyrus, roi de Perse, p. 254, note 1 ; Keil, Esra, 1870, p. 437 ; Bertheau, Ezra, 1862, p. 62 ; Clair, Esdras et Néhémie, 1882, p. 24 et 25. — G. Rawlinson, The Sixlh greàt oriental Monarchy, 1873, p. 18, n. 6, fait remarquer que ces divers Dahse ou Dai, mentionnés en tant d’endroits différents, Perse, Samarie, Thrace, Transcaspie, n’ont vraisemblablement entre eux rien de commun. — Comme, d’autre part, ni Assurbanipal ni Asarhaddon ne firent de campagne dans des régions si septentrionales et si éloignées, il est peu probable qu’ils y aient cherché des colons pour les transplanter en Palestine. — Frd. Delitzsch, dans Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, 1888, p. 64, note 2, suppose que les Diévéens sont les habitants de la ville de Du’ua, localité assyrienne, mentionnée dans les contrats reproduits dans The cuneiform Inscriptions of western Asia, t. iii, pi. 48, n. 1, 1.9 ; mais rien ne fait entrevoir pour quelles raisons on les aurait transplantés en Samarie. — On trouve un pays nommé Daii, conquis par Sennachérib. Inscription du prisme de Taylor, dans Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 220 ; Schrader, Keilinschriftl. Bibliothek, t. ii, p. 98-99. Le pays est représenté comme montagneux, peu éloigné de la ville babylonienne de Nippour.

— Du reste, la liste des signataires de la lettre adressée à Artaxerxès fait présumer que ces Diévéens sont des tribus susiennes ou élamites ; car ce nom est précédé de celui des Susanéchéens ou Susiens et suivi de celui des Élamiles ; et dès le temps de Sennachérib, père d’Asarhaddon, les monarques assyriens firent la guerre aux Élamites, alliés des Babyloniens. Assurbanipal, son fils, ravagea tout ce pays et en déporta les habitants. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 265, 266, 267, etc. ; Eb. Schrader, Keilinschriftl. Bibliothek, t. ii, p. 180, 194, 198 ; The cuneiform Inscriptions of the western

Asia, t. v, pi. 4, c. b, 1. 110 ; pi. 5, c. a, 1. 63. Voir aussi Apharsatachéens, t. i, col. 724, et Apharséeks, col. 725.

E. Pannier,

    1. DILLMANN Christian Friedrich August##

DILLMANN Christian Friedrich August, orientaliste protestant allemand, né le 25 avril 1823 à lllingen (Wurtemberg), mort à Berlin le 4 juillet 1894. Il fit ses études à Tubingue de 1840 à 1845, et les continua de 1846 à 1848 à Paris, à Londres et à Oxford. À la fin de 1848, il devint répétiteur au séminaire de théologie de Tubingue, en 1852, privat-docent, et en 1853, professeur extraordinaire d’exégèse de l’Ancien Testament. En 1854, il alla à Kiel comme professeur de langues orientales, et en 1864 à Giessen en qualité de professeur d’exégèse de l’Ancien Testament. En 1869, il succéda à Hengstenberg à l’université de Berlin. En 1877, il fut nommé membre de l’Académie des sciences de cette ville. Il avait été à Tubingue élève d’Ewald. Dillmann s’est surtout fait connaître par ses travaux sur l’éthiopien, mais il a aussi publié plusieurs commentaires sur les livres de l’Ancien Testament. Voici ses publications les plus importantes : Liber Henoch sethiopice, in-4°, Leipzig, 1851 ; Das Buch Henoch ûbersetzt und erklârt, in-8°, Leipzig, 1853 ; Das christliche Adambuch des Morgenlandes, aus dem âthiopischen mit Bemerkungen ûbersetzt, in-8°, Gœttingue, 1853 ; Grammatik der âthiopischen Sprache, in-8°, Leipzig, 1857 ; Lexicon linguse xthiopicx, in-4°, Leipzig, 1865 ; Chrestomathia mthiopica, in-8°, Leipzig, 1866 ; Liber Jubilseorum gui ideni a Grsecis-f) Xeimi yévea-ii ; inscribitur… ethiopice primum edidit, in-4°, Kiel, 1859 ; Ascensio Isaise ethiopice et latine, in-8°, Leipzig, 1877. M. Dillmann a publié une partie notable de la Bible en éthiopien. Voir Éthiopiennes (versions) de la Bible. On a aussi de lui, dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Alten Testament : 1° Die Genesis von der 3. Auflage nach Knobel an erklârt, 4e édit., in-8°, Leipzig, 1882 ; 5e édit., 1886 ; 6= édit., 1892 ; — 2° Die Bûcher Exodus und Leviticus, fur die S. Auflage nach Aug. Knobel, neu bearbeitet, in-8°, Leipzig, 1880 ; — 3° Die Bûcher Numeri, Deuteronomium und Josua, fur die 2. Auflage neu bearbeilet, in-8°, Leipzig, 1887 ; — 4° Hiob, von der 3. Auflage an erklârt, in-8°, Leipzig, 1891 ; — 5° Der Prophet Jesaia. Fur die 5. Auflage erklârt, in-8°, Leipzig, 1890. Enfin M. Dillman a aussi rédigé un certain nombre d’articles bibliques dans la RealEncyklopâdie fur proteslantische Théologie de Herzog, 1854, et dans le Bibellexicon de Schenkel, 1869-1875. — Voir W. Fell, dans la Literarische Rundschau, 1° février 1896, col. 34-40.

    1. DIMANCHE##

DIMANCHE (-fi xuptaxT) ^pa). On appelle ainsi le premier jour de la semaine, que l’Église a choisi pour célébrer le culte divin, à la place du sabbat ou septième jour, qui était officiellement consacré au repos et à la prière chez les Juifs. C’est ainsi qu’il est vraiment « le jour du Seigneur », dies dominica, d’où vient le mot « dimanche ». — Le Nouveau Testament est très sobre de détails sur le dimanche. Voici les seuls textes qui nous fournissent à ce sujet quelques renseignements. 1° « Je fus ravi en esprit le jour du Seigneur, in die Dominica. » Apoc, i, 10. — 2° o Le premier jour de la semaine, pendant que nous étions réunis pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, fit un discours qu’il continua jusqu’à minuit. » Act., xx, 7. — 3° « Que chacun de vous mette à part chez soi, en l’amassant peu à peu le premier jour de la semaine, une portion de son gain, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les aumônes. » I Cor., xvi, 2. — De ces textes on peut tirer une conclusion certaine : c’est l’institution apostolique du dimanche, et par conséquent la substitution, en principe, du premier jour de la semaine au septième dans le culte chrétien. Il ressort clairement du fait qui est signalé par les Actes, surtout si on le rapproche de la recommandation de saint Paul aux fidèles de Corinthe, que les chrétiens avaient l’habitude de se réunir le pre

mier jour de la semaine pour la fraction du pain, c’est-à-dire pour la célébration de la liturgie eucharistique. Ce n’était pas là un événement accidentel, mais régulier ; l’expression dont se sert saint Paul, xaxà (nav aaëëâxo-j, suppose un fait hebdomadaire, et qui avait lieu le premier jour de la semaine. La locution de l’Apôtre, que la Vulgate a traduite par per unam sabbali, contient deux hébraïsmes : unam est mis pour primam, selon l’habitude des Hébreux, qui se servaient de chiures cardinaux à défaut de nombres ordinaux ; sabbatum est mis pour hébdomas, « semaine. » Saint Paul estimait avec raison que le dimanche, autrement dit le jour où les fidèles se réunissaient spécialement pour les cérémonies de leur culte, était aussi le moment favorable pour accomplir les œuvres de charité. De là la recommandation expresse qu’il adresse aux Corinthiens de prélever pour les pauvres, « le premier jour de chaque semaine, » une portion de leurs gains ou de leurs revenus, « ce que chacun aura prospéré. » — Il est moins certain qu’on ait donné dès l’origine le nom de dies dominica ou « dimanche » au premier jour de la semaine chrétienne. Le texte de saint Jean, fui in spiritu in die dominica, n’est pas un argument décisif en faveur de l’opinion affirmative. Cette expression peut désigner, par exemple, le jour de Pâques, qui était par excellence le jour du Seigneur. Ce qui donne à cette hypothèse une certaine vraisemblance, c’est d’abord l’absence d’uniformité dans la terminologie des premiers siècles pour désigner le premier jour de la semaine chrétienne, et ensuite le témoignage de l’historien Nicéphore Callixte, H. E., 1. vii, c. xlvi, t. cxlv, col. 1320, qui attribue à l’empereur Constantin l’honneur d’avoir fixé d’une manière définitive la dénomination qui a prévalu depuis, « jour du Seigneur. » La question, on le voit, reste indécise. — L’Église s’est appuyée sur un fondement biblique pour choisir le dimanche comme jour officiel de la célébration du culte chrétien. C’est, en effet, en ce jour qu’ont eu lieu les deux grands faits de la résurrection de Jésus-Christ et de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Cf. Joa., xx, 1-18 ; Luc, xxiv, 1-12 ; Marc, xvi, 1-11 ; Matth., xxviii, 1-15, etvct., n. Le dimanche est ainsi le mémorial de la Pâque’et de la Pentecôte chrétiennes.

J. Bellamy.

DÎME (hébreu : ma’âsêr, de’è'sèr, « dix ; » Septante : S£xâT7), Séxiiov ; Vulgate : décima), redevance d’un dixième sur les fruits de la terre, les troupeaux ou toute source de revenus.

I. Origine de la dîme. — 1° Chez plusieurs peuples de l’antiquité, on constate un prélèvement du dixième sur les biens de la terre et l’affectation de ce produit au culte de la divinité, ou à l’entretien de ceux qui la représentent ou la servent, le prince et le prêtre. En Egypte, l’impôt foncier payé au prince s’élevait à la dime du produit brut du sol. Il en était ainsi au temps des Ptolémées, comme « n fait foi l’inscription de Phila ( Lepsius, Denkmâler, Abth. IV, Bl. 27 b), et probablement aussi à l’époque des anciens pharaons. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1. 1, 1895, p. 330. Quand Joseph annonce au pharaon sept années d’abondance que suivront sept années de disette, il lui recommande de percevoir pendant les sept premières années le cinquième des produits du sol, c’est-à-dire la double dime, en prévision de la période suivante durant laquelle les impôts ne pourront pas rentrer. Gen., xli, 34. — Abraham, qui venait de Chaldée, donne à Melchisédech, prêtre du Très -Haut, la dime de tout ce qu’il possède. Gen., xiv, 20. Jacob promet au Seigneur la dime de tout ce qu’il recevra de lui. Gen., xxviii, 22. Cette même redevance se retrouve en vigueur chez les anciens peuples de Syrie, I Reg., viii, 15 ; chez les Grecs et les Romains, soit comme impôt civil, soit surtout comme tribut payé aux dieux. Hérodote, i, 89 ; ii, 135 ; iv, 152 ; v, 77 ; vii, 132 ; ix, 81 ; Diodore de Sicile, v, 42 ; xi, 33 ; xx, 14 ; Xénophon, Anabas., V, iii, 9 ; Hellenic, III, v, 5 ; VI, iii,

20, etc. ; Plutarque, Rornul., 18 ; Camill., 8 ; Pausanias, V, x, 2 ; X, x, 1 ; Macrobe, Sal., iii, 6 ; Justin, xvii, 7 ; xx, 3 ; Polybe, ix, 39 ; Cicéron, Verr., Il, iii, 6, 7 ; Pro leg. manil. , 6 ; Pline, H. N., xii, 14, etc. Les Séleucides percevaient aussi la dime, I Mach., xi, 35, et César autorisa Jean Hyrcan et ses enfants à se la faire payer par les Juifs. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 6. — 2° Rien ne permet de penser que cette offrande d’un dixième des récoltes ou des biens acquis soit la conséquence d’une révélation divine faite aux premiers hommes. La dîme est donc d’institution purement humaine. Mais pourquoi le choix de cette fraction, un dixième, plutôt que celui d’une autre fraction ou plus faible, comme un douzième, ou plus forte, comme un septième ? Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 175-183, cherche à démontrer que le nombre dix implique l’idée symbolique de totalité, de plénitude et de perfection. Comme cette plénitude est en Dieu et vient de lui, toutes les fois que l’homme y participe en recevant dix portions de biens, il en consacre une à Dieu pour témoigner de sa reconnaissance ; autrement dit, il offre la dîme des biens qu’il a reçus. Mais ce symbolisme du nombre dix est surtout basé sur des exemples postérieurs à l’existence de la dime dans l’histoire du peuple de Dieu, et même, malgré les exemples cités, la fixation de l’idée de perfection dans le nombre dix garde toujours quelque chose d’arbitraire. En réalité, bien que la dime apparaisse tout d’abord dans l’histoire avec un caractère religieux, et qu’elle ne soit payée au prince et au prêtre qu’à raison de leur qualité de représentants ou de serviteurs directs de la divinité à laquelle tous les biens de la terre appartiennent excellemment, la quotité de cette redevance semble tenir à une cause purement profane. Le système décimal était exclusivement en usage dans la numération des Égyptiens ; chez les Chaldéens, il se combinait avec le système duodécimal. Dans l’écriture cunéiforme, les chiffres étaient groupés par dizaines, comme dans notre système actuel. Il est donc fort probable que, dès le principe, la fraction du dixième se sera imposée comme d’un usage plus facile pour des peuples qui employaient le système décimal. L’expérience montra d’ailleurs que ce prélèvement constituait en général une offrande suffisamment respectueuse pour Dieu, sans être trop onéreuse pour l’homme. II. La dîme d’après la loi mosaïque. — 1° Au Seigneur appartient la dîme de tout ce que produit la terre, grains ou fruits des arbres. Elle doit être payée en nature ; mais si quelqu’un veut la racheter, c’est-à-dire la remplacer par sa valeur en argent, il doit majorer cette valeur d’un cinquième. Cette majoration représentait soit les frais de transport dont s’exonérait le possesseur, soit la plus-value qu’il espérait recueillir des biens en nature.

— Sont également sujets à la dîme tous les animaux, bœufs, brebis, chèvres, qui passent sous la verge du pasteur, c’est-à-dire qu’on mène paître dans les champs. Quand on les comptait, le pasteur frappait chaque dixième de son bâton, et celui-là appartenait au Seigneur, que l’animal fût d’ailleurs bon ou mauvais. Quand le nombre dix atteignait une belle bête, le possesseur pouvait être tenté de lui en substituer une autre de qualité inférieure. Pour punir cette déloyauté, le Seigneur revendiquait alors les deux animaux, le bon et le mauvais, et interdisait en même temps la faculté de rachat. Cette dernière clause suppose que les animaux pouvaient être rachetés, aux mêmes conditions que les céréales et les fruits, bien que la loi ne le dise pas positivement. Lev., xxvii, 30-33.

— 2° Le produit des dîmes est attribué aux lévites et constitue leur unique moyen d’existence, puisqu’ils sont consacrés au service du Tabernacle. Â leur tour, les lévites doivent prélever la dixième partie de ce qu’ils reçoivent, par conséquent la dime de la dime, et la donner au grand prêtre, pour l’usage des autres prêtres. Seulement ils n’ont pas la faculté dont bénéficiait l’Israélite ordinaire de réserver au Seigneur même l’animal

mauvais sur lequel tombait le nombre dix. Tout ce qu’ils offrent doit être excellent et choisi. Num., xviii, 21-30. Les Israélites mâles, sans compter la tribu de Lévi, étaient au nombre de 603550, Num., i, 32, et les lévites au nombre de 22000. Num., iii, 39. Ces derniers formaient donc environ un cinquantième de la population mâle, et recevaient un dixième des revenus totaux, par conséquent avaient, au moins en principe, une part cinq fois plus grande que celle des autres Israélites. Pour un peuple comme étaient alors les Hébreux, il y avait là une indication sensible de l’honneur que le Seigneur voulait qu’on rendit à ses ministres. — À propos de l’attribution de la dîme, saint Taul, Hebr., vii, 5, dit que « ceux des fils de Lévi qui reçoivent le sacerdoce ont ordre de prélever, selon la loi, la dîme sur le peuple, c’est-à-dire sur leurs frères ». Ce passage ne contredit pas le texte de la loi, d’après laquelle les lévites percevaient le montant de la dîme. Ceux d’entre eux qui avaient reçu le sacerdoce la percevaient par l’intermédiaire des simples lévites. Il est possible aussi que saint Paul fasse porter son raisonnement sur toute la tribu de Lévi, qui, d’une part, percevait les dîmes, et, d’autre part, recevait le sacerdoce en quelques-uns de ses membres. — 3° La loi parle encore de dîmes qu’il faut offrir dans le lieu qu’aura choisi le Seigneur et manger en sa présence. Deut., xii, 5-7. En ce lieu, on en doit faire des festins avec ses enfants, ses serviteurs et le lévite de sa ville ; ces festins ne peuvent être célébrés dans les autres villes. Deut., xii, 11, 12, 17, 18. Si la ville où l’on se trouve est trop éloignée du lieu choisi par le Seigneur et que 4e transport des dîmes du froment, du viii, de l’huile, soit trop difficile, on peut vendre ces objets, en apporter le prix au lieu choisi parle Seigneur, et là acheter toute espèce de comestibles pour célébrer les festins prescrits. Deut., xiv, 22-27.

— 4° Enfin, chaque troisième année, indépendamment de l’année sabbatique durant laquelle les dîmes ne peuvent pas être payées, puisqu’il n’y a pas de récoltes, on doit mettre de côté une dîme que l’on garde à la maison, et au moyen de laquelle on nourrit le lévite, l’étranger, l’orphelin et la veuve. Deut., xiv, 28, 29 ; xxvi, 12. Au moment de célébrer ce festin avec les pauvres, on adresse au Seigneur une prière, pour protester solennellement qu’on n’a rien gardé de la dîme prescrite et appeler les bénédictions divines sur Israël. Deut., xxvi, 13-15.

III. Interprétation et pratique de la loi. — 1° Les quatre dîmes. — La tradition juive distinguait quatre espèces de dîmes : la première dîme, payée aux lévites ; la dîme des dîmes, payée aux prêtres par les lévites ; la seconde dîme, prélevée sur ce qui restait aux mains des Israélites après le payement de la première, et consommée par eux dans des festins à Jérusalem ; enfin la dîme des pauvres, imposée tous les trois ans. Tobie, i, 7 (Septante), témoigne de sa fidélité à verser la dîme aux fils de Lévi, puis ttjv SeuTÉpav 8exâiï)v, la seconde dîme dont le produit était envoyé à Jérusalem ; enfin rr|v Tpmriv, la troisième, dont bénéficiaient les pauvres. — 2° La première dîme. — 1. Elle était due par tout le pays d’Israël et par les quatre régions voisines, Babylonie, Egypte, Ammon et Moab. Les Israélites résidant dans d’autres pays en étaient exempts. Echo. Rabbati, 57, 3 ; Midrasch Rulh, ii, 4. — 2. Cette dîme portait sur les animaux quadrupèdes qui pouvaient être offerts en sacrifice et dont les Israélites pratiquaient communément l’élevage, bœufs, chèvres, brebis, et sur les produits du sol nommés par la loi : froment, vin et huile. Deut., xiv, 23 ; II Esdr., xiii, 5, 12. Le froment est dimé à l’état naturel, le raisin et l’olive dans l’état où les a mis le travail de l’homme, et dans lequel ils peuvent être transportés et conservés aisément. Les autres produits non désignés par la loi pouvaient être soumis ou soustraits à la dîme, au gré du possesseur ; mais on n’y soumettait en général que ce qui pouvait se manger et se garder. Maaseroth, 1, 1 ; Demai, i, 1. Dans les derniers temps, les rabbins formalistes en

vinrent à prélever la dîme des légumes et des plus petites plantes servant à donner du goût aux aliments, la menthe, ï’anis, le cumin, etc. Matth., xxiii, 23 ; Luc, xi, 42 ; xviii, 12 ; Babyl. Joma, ꝟ. 83, 2 ; Maaseroth, iv, 5 ; Demai, il, 1. Mais des docteurs plus récents, Maimonides, Abarbanel, Jarchi, ont déclaré depuis que cette dîme des légumes et des herbes était d’institution rabbinique, et que d’après la loi mosaïque la dîme ne frappait que le froment, le vin et l’huile. — 3. L’application de la dîme aux animaux se faisait au mois d’élul (août-septembre), pour les animaux nés depuis la même époque de l’année précédente. Au 15 sabath (janvier-février) commençait la même opération pour les fruits de la terre. Pour dimer le troupeau, on le faisait passer par une petite porte, à l’entrée ou à la sortie du bercail, et chaque dixième animal était marqué. Jer., xxxiii, 13. Il n’est pas prouvé que, comme l’ont dit certains rabbins, Bekoroth, ꝟ. 58, 2, on le marquât en rouge. Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. i, p. 459. — 4. La dîme était livrée aux lévites, qui s’en servaient pour leur nourriture et celle de leurs familles. II Esdr., xiii, 5, 10-12. Mais on ne dit pas à quel endroit se faisait la livraison. Peut-être était-ce dans les villes lévitiques, comme le donne à supposer la faculté de payer en argent. — 5. On considérait la dîme comme moins sacrée que les prémices, et les prémices moins sacrés que les sacrifices. Aussi la dîme n’était-elle pas toujours fidèlement prélevée par les particuliers, et plus d’une fois l’on vendait comme dîmes des produits qui ne l’étaient pas. Gem. Hier. Maaser scheni, 56. C’est pourquoi les rigoristes avaient soin de prélever la dîme tant sur les produits qu’ils achetaient que sur ceux qu’ils vendaient. — 6. La Sainte Écriture fait plusieurs fois mention de la dîme, pour en constater la pratique, II Par., xxxi, 5, 6, 12 ; Eccli., xxxv, 11 ; Tob., i, 6, 7 ; Hebr., vii, 8, ou le rétablissement. II Esdr., x, 37, 38 ; xii, 43 ; xiii, 5, 12 ; I Mach., iii, 49 ; x, 31. — 3 « La dîme des dîmes. — 1. Saint Jérôme, In Ezech., iv, 45, t. xxv, col. 450, dit que cette dîme était appelée 8suTSpo8exâ8ïi, « seconde dîme ; » qu’il y en avait une autre que l’on consommait à Jérusalem avec les prêtres et les lévites, et enfin des dîmes destinées aux pauvres, HTM^oSéxaSoci. Mais les rabbins réservaient le nom de seconde dîme à celle qui se portait à Jérusalem pour y être consommée, et le texte grec de Tobie, i, 7, parait devoir être entendu dans le même sens. — 2. Cette dîme était ordinairement versée aux prêtres par les lévites eux-mêmes. II Esdr., x, 38. Mais on pouvait aussi la retenir sur la première dîme et la remettre directement aux prêtres. Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 2 ; Vit., 15 ; Gem. Yebamoth, ꝟ. 86 a ; Kethuboth, 26 a. — 3. Des magasins étaient ménagés dans le Temple pour recevoir le produit des dîmes payées en nature. Ézéchias fit des travaux pour réparer les anciens magasins ou en construire de nouveaux. II Par., xxxi, 11. On en bâtit également dans le nouveau Temple, II Esdr., x, 38, et il y eut des fonctionnaires préposés à leur garde. II Esdr., xii, 43 ; Mal., iii, 10. —4. Josèphe, Cont. Apion., 22, cite un passage d’Hécatée d’après lequel, sous Ptolémée, fils de Lagus, quinze cents prêtres vivaient à Jérusalem des dîmes perçues et conservées dans le Temple. Il y eut plus tard des grands prêtres, comme lsmaël, fils de Phabi, et Ananos, fils d’Ananos, qui ne craignirent pas de mettre la main sur les dîmes appartenant aux prêtres, au point de réduire ceux-ci à mourir de faim. Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 8 ; ix, 2. — 4° La seconde dîme. — 1. On l’apportait en nature à Jérusalem, et on l’employait en festins auquels on invitait les prêtres et les lévites. On ne pouvait participer à ces festins qu’à la condition de n’être ni en deuil ni en état d’impureté légale. Deut., xxvi, 14. Tendant qu’il était en Palestine, Tobie ne manquait pas de s’acquitter de cette redevance dans les formes prescrites. Tob., i, 6. — 2. Quand cette dîme n’était pas présentée en nature, le prix n’en pouvait être employé

qu’à se procurer le nécessaire pour le manger, le boire et l’onction. Schebiith, viii, 2 ; Maaser scheni, i, 7, 11.

— 3. On joignait d’ordinaire au produit de cette dîme les fruits de l’arbre à sa quatrième année. Lev., xix, 24 ; Sephra, ꝟ. 210, 1 ; Gem. Hier. Peah, xx, 3. — 4. Ces festins auxquels étaient invités les prêtres et les lévites, conjointement d’ailleurs avec les membres de la famille de celui qui payait la dlme, avaient sans doute pour but de raviver les sentiments de confraternité entre les Israélites des autres tribus et les lévites. Dans ces conditions, la première dime n’était plus payée pour des inconnus, mais pour des hommes que l’on connaissait, dont on estimait le caractère et la fonction. Les rentrées n’en étaient que plus faciles. — 5° La dime des pauvres. — 1. Cette dime était due par tous sans exception, même par les lévites et les prêtres, à raison des villes qu’ils possédaient. — 2. Elle se payait tous les trois ans, la troisième et la sixième année après l’année sabbatique. Pour cette raison, chacune de ces années portait le nom de sénat hamma’âèêr, « année de la dime, » Deut., xxvi, 12.

— 3. La loi ne dit pas si cette nouvelle dîme s’ajoutait à la précédente, ou si elle se confondait avec elle, de façon que la dime des pauvres ne fût qu’une destination particulière imposée à la seconde dîme. Josèphe, Ant.jud., IV, vin, 22, paraît croire qu’elle s’ajoutait aux deux autres. Quelques auteurs sont de cet avis ; mais la plupart pensent que la dîme des pauvres n’était qu’une application triennale de la seconde dime à une certaine catégorie de personnes. Autrement la redevance eût atteint tous les trois ans les trois dixièmes du revenu, ce qui paraît excessif, surtout pour la sixième année, qui précédait l’année sabbatique, durant laquelle l’Israélite ne tirait aucun profit de ses champs. À cette dime des pauvres avaient part les lévites, non plus seulement à Jérusalem, comme dans les années où l’on y faisait les festins légaux, mais partout où ils se trouvaient. Deut., xiv, 29. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 172. — 4. L’Israélite n’avait pas à murmurer contre ces redevances, car le Seigneur promettait ses bénédictions temporelles à ceux qui les acquittaient fidèlement. Deut., xiv, 29 ; xxym, 11, 12. D’autre part, les rabbins déclaraient digne dé mort celui qui mangeait des aliments soustraits à la dîme. Sanhédrin, ꝟ. 83 o. — 5. Dans le repas qui terminait l’acquittement de la dîme des pauvres, l’Israélite protestait devant le Seigneur qu’il avait accompli son devoir. Il disait : « J’ai enlevé de ma maison tout ce qui était consacré, et je l’ai donné au lévite, à l’étranger, à l’orphelin, à la veuve, comme vous me l’avez recommandé ; je n’ai pas trangressé vos ordres, je n’ai pas oublié votre loi, etc. » Deut., xxvi, 13. On prétend que, sur l’ordre de Jochanan, cette formule fut modifiée, sous prétexte qu’Esdras avait interdit de servir la dime aux lévites, pour les punir de n’avoir pas voulu revenir avec lui de Babylone. Sota, ix, 10 ; Maaser scheni, "V, 15. Mais Esdras n’a pu porter cette peine, puisque des lévites sont revenus avec lui à Jérusalem. I Esdr., viii, 15-20. — 6. Amos, IV, 14, s’adressant aux dix tribus d’Israël, qui adoraient les idoles, leur dit ironiquement : « Amenez vos victimes le matin, et vos dîmes aux trois jours. » Suivant les différents auteurs, ces jours désignent soit les années, soit les trois grands jours de fête annuels, à moins que le prophète veuille se moquer des idolâtres en leur disant de faire pour leurs dieux tous les trois jours ce que les serviteurs du vrai Dieu ne font que tous les trois ans. — Voir Reland, Antiquitales sacrse, Utrecht, 1741, p. 205-208 ; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cullus, t. ii, p. 36-38 ; les auteurs cités par Winer, Biblisches Mealwôrterbuch, Leipzig, 1838, t. ii, p. 833-836.

H. Lesëire.

    1. DIMONA##

DIMONA (hébreu : Dimônâh ; Codex Vaticanus : ’Psyiâ ; Codex Alexandrinus : Ai|uov<i), ville de la tribu de Juda, située à l’extrémité méridionale, « près des frontières d’Édom. » Jos., xv, 22. Elle est mentionnée entre Cina et Adada : la première localité est inconnue, mais

la seconde a été retrouvée de nos jours dans les ruines de même nom, El-’Ad’adah, à l’ouest de la mer Morte, au sud-est de Tell Arad. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 115, 250, citent Dimona, Aeijiuvâ, sans en indiquer la situation, ce qui prouve que dès cette époque on avait perdu les traces de l’antique cité : on les cherche encore aujourd’hui. Il est probable que le nom reparait, avec une légère altération, dans un autre endroit de l’Écriture. II Esdr., XI, 25. Le texte original, il est vrai, porte Dibôn, Septante : Aceeêwv, Aigwv ; mais il ne saurait être ici question de la ville moabite appelée aujourd’hui Dhibân, puisque l’auteur sacré énumère les lieux réhabités par les enfants de Juda, après la captivité. Ensuite l’énumération comprend plusieurs des noms au milieu desquels Dimona se rencontre dans Josué, xv, 21-32, comme Cabséel, Molada, Bethphaleth, etc., ce qui place bien Dibon dans le négéb ou « le midi » de la Palestine. Enfin la permutation entre le a, beth, et le D, niem, s’explique très facilement. Aussi quelques auteurs sont-ils tentés de reconnaître notre cité dans les ruines signalées par Van de Velde, Memoir to accompany Ihe Map of tlie Holy Land, Gotha, 1858, p. 252, au nord-est d’Arad, et appelées Ed-Dheib, comme ï’ouadi au sud duquel elles se trouvent. Cf. Keil, Josua, 1874, p. 124. Il faut dire cependant que Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1841, t. iii, index arabe, p. 209, et 2e édit., 1856, t. ii, p. 102, écrit le mot Ehdeib. Il semble par ailleurs que cette double dénomination correspond au Khirbet et - Teibéh de la carte anglaise, Old and New Testament Map of Palestine,

Londres, 1890, feuille 14.
A. Legendre.

DINA (hébreu : Dînâh ; Septante : Asiva), fille de Jacob et de Lia. Elle fut peut-être la seule fille de ce patriarche. On ne saurait sans doute le conclure avec certitude de ce que Moïse ne parle d’aucune autre, car l’Ecriture ne fait pas d’ordinaire mention des filles dans les généalogies postdiluviennes ; mais les détails dans lesquels la Genèse entre en racontant successivement la naissance des enfants que les quatre femmes de Jacob lui donnèrent, et la mention expresse qu’elle fait de la naissance de Dina, ont fait croire à quelques-uns qu’il n’y eut pas d’autre fille qu’elle dans la famille du patriarche. Gen., xxix, 31 ; xxx, 24. Josèphe, Ant.jud., i, xxi, 1, l’affirme formellement. Elle naquit à Haran en Mésopotamie, Gen., xxx, 21, et fut le dernier enfant que Jacob eut de Lia. À peu près vers la même époque, Rachel mit au monde son premier fils, Joseph, Gen., xxx, 22-24 ; et l’on peut par là déterminer approximativement l’âge qu’avait Dina lorsque se passèrent les faits racontés Gen., xxiv, 1-3. Elle, devait avoir quinze ou seize ans, puisque Joseph, qui était à peu près du même âge qu’elle, fut vendu environ un an après, à l’âge de dix-sept ans (Vulgate : « seize ans » ).’Gen., xxxvii, 2.

Lorsque Jacob revint de la Mésopotamie dans la Terre Promise, il alla d’abord s’établir à Soccoth, d’où il se dirigea plus tard vers Sichem, Gen., xxxiii, 17-19, et pendant le séjour du patriarche dans cette région, s Dina, fille de Lia, sortit pour voir les femmes de ce pays. » Gen., xxxiv, 1. Cette curiosité devait lui être funeste. Sichem, fils d’Hémor, roi du pays, l’ayant vue, conçut pour elle une violente passion ; il l’enleva et lui fit violence. Il pria ensuite son père de la demander pour lui en mariage à Jacob. Lorsque Hémor alla faire cette demande au père de Dina, celui-ci était déjà instruit du malheur, de sa fille ; mais il avait voulu dissimuler sa douleur et son ressentiment jusqu’à l’arrivée de ses fils. Gen., xxxiv, 4-6. Les frères de Dina furent remplis d’indignation et de colère en apprenant cette nouvelle ; cependant ils se continrent et feignirent d’agréer la proposition d’Hémor et de Sichem, qui était venu appuyer vivement la demande de son père. Ils mirent seulement à leur consentement une condition insidieuse, qui leur

permit de venger de la manière la plus terrible et la plus cruelle Y outrage fait à leiir sœur. Gen., xxxiv, 7-31. On voit par diverses circonstances du récit que Dina avait dû passer plusieurs jours en la possession de son ravisseur lorsque ses frères la délivrèrent. Gen., xxxiv, 3, 11, 20, 25-26.

La faute et l’infortune de Dina ne sont qu’un épisode d’une importance fort secondaire dans l’histoire patriarcale ; elles eurent néanmoins, dans les vues de la Providence et pour seconder ses desseins, une grande influence sur la suite de cette histoire. Si Jacob s’était définitivement établi au milieu des Sichémites, comme il parait en avoir formé d’abord le projet, Gen., xxxiii, 17-19, ce séjour aurait été extrêmement dangereux pour la foi et les mœurs de ses enfants. C’est à ce péril que Dieu voulait arracher les descendants d’Abraham en ne leur permettant de se fixer nulle part d’une manière permanente dans le pays de Chanaan avant d’être devenus un peuple capable de résister, par la force du nombre et par l’organisation sociale et religieuse, aux influences corruptrices du paganisme et de la civilisation des indigènes. La vengeance sanglante de Siméon et de Lévi (voir ces noms) servit à l’exécution de ce plan divin ; elle rendit impossible la prolongation du séjour de la famille de Jacob au milieu d’un peuple désormais hostile. Gen., xxxiv, 25-30. Le patriarche replia donc ses tentes et reprit Je cours de cette vie errante à laquelle Dieu l’appelait. Gen., xxxv, 1, 16, 21, 27 ; cf. xxxvii, 12, 17.

L’Écriture se tait sur la suite de l’histoire de Dina, et nous ne savons plus rien d’elle. La tradition juive, conservée dans la paraphrase chaldaïque, d’après laquelle la femme de Job ne serait autre que la fille de Jacob et de Lia, n’a aucune vraisemblance. E. Palis.

    1. DINÉENS##

DINÉENS (chaldéen : Dînâyê’; Septante : Aetvaïoi ; Vulgate : Dinsei), captifs transplantés par les Assyriens dans l’ancien royaume d’Israël. Nous voyons dans I Esdr., iv, 9, qu’ils voulurent s’opposer, après le retour des Juifs dans leur patrie, à la reconstruction des murailles de Jérusalem ; ils écrivirent dans ce sens à Artaxerxès. Mais ils ne sont plus mentionnés 1 Esdr., v, 6, et vi, 6, parmi ceux qui firent une tentative analogue sous Darius, pour empêcher la reconstruction du Temple. — On place généralement ces Dinéens à l’est ou au nord-est de l’Assyrie ou dans la Médie ; mais on ne sait rien de certain sur ce sujet. Keil, Ezra, 1870, p. 437, croit que les Dinéens venaient de la ville mède de Deinaver, nommée par Aboulféda ; d’Herbelot, Bibliothèque orientale, Deinour ; Bertheau, Ezra, 1863, p. 62, d’après Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 1866, t. iii, p. 727. — Clair, Esdras et Néhémie, 1882, p. 24-25, rapproche les Dinéens des Dayaini ou Dayani des textes cunéiformes, qui habitaient aux environs du lac de Van et non loin des sources de l’Euphrate. Cf. Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschungen, 1878, p. 134, 150154. Assurbanipal et Asarhaddon, en qui l’on croit voir l’Asénaphar d’Êsdras, ne les attaquèrent pas, ou du moins ne les mentionnent pus ; mais on pourrait supposer qu’ils sont, en effet, compris parmi les Minni ou habitants de l’Arménie, entre les lacs de Van et d’Ourmia, qu’Assurbanipal attaqua et subjugua dans sa campagne contre Ahseri (iv « ou v « expédition, les chiffres variant suivant les textes). Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 279 et 259 ; Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 176.

— Leur mention à côté des Apharsatachéens et des Apharséens permettrait aussi de les placer dans le voisinage de la Médie ou d’un district contigu, nommé Parsoua dans les inscriptions assyriennes, ce qui ne les éloigne pas beaucoup du pays des Minni. On sait qu’Asaraddon fit la conquête de ces provinces et en transplanta les habitants dans le pays de Chanaan ou en Syrie. Voir Apharsatachéens et Apharséens, t. i, col. 724 et 726.

E. Pannier.
    1. DIODATI Jean##

DIODATI Jean, théologien calviniste, né à Genève le 6 juin 1576, mort dans cette ville en 1649. Il appartenait à une famille de Lucques, qui, ayant embrassé les erreurs de Luther, avait dû abandonner l’Italie. Grâce à la protection de Théodore de Bèze, il était à vingt et un ans professeur d’hébreu. Pasteur de l’église réformée, en 1608, il était l’année suivante appelé à enseigner la théologie. Ayant fait un voyage en Italie, il se lia avec Fra Paolo Sarpi, et essaya, sans succès, de répandre à Venise leserreurs de Calvin. Il prêcha à Nîmes pendant les années 1614 et 1617. Quoiqu’il fût d’origine étrangère, il représenta l’église de Genève au synode de Dordrecht, dont il fut chargé de rédiger les articles. On avait cependant à lui reprocher ses violences contre ceux qui n’admettaient pas complètement les opinions de Calvin. Il traduisit la Bible en italien, en accompagnant le texte de notes et de courts commentaires : La Biblia, cioe, i libri del Vecchio e del Nuovo Teslamento ; nuovamente traslatati in lingua italiana da Giov. Diodati di Nation Lucchese, in-f°, Genève, 1644 ; la seconde édition a pour titre : La Sacra Biblia, tradotta in lingua italianae commentata, seconda editione, migliorata ed accresciuta, con l’aggiunta de’sacri Salini messi in rime, in-f°, Genève, 1641. Une traduction française fut publiée sous le titre : La Sainte Bible interprétée par J. Diodati, in-f°, Genève, 1644. Ces ouvrages eurent de nombreuses éditions, et les éditeurs publièrent séparément diverses parties de la Bible, avec les notes et les commentaires de cet auteur.

— Voir Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, p. 340 ; Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana, t. viii, p. 227 ; Schotel (G. û. J.), I. Diodati, in-8°,

la Haye, 1844.
B. Heurtebize.
    1. DIODORE D’ANTIOCHE##

DIODORE D’ANTIOCHE, évêque de Tarse. Voir t. i, col. 684.

DIORYX. Mot grec, îiwpuÇ, employé dans la version grecque de l’Ecclésiastique, xxiv, 31, 33 (Vulgate, 41, 43). Dans le second passage, la Vulgate a traduit exactement le mot grec par trames, « chemin » suivi par l’eau ; dans le premier, notre, version paraît reproduire deux fois le même membre de phrase, la première en rendant le mot 8101pu| par trames, la seconde en le transcrivant simplement en latin, diorix. Quelques commentateurs ont cru à tort que diorix était un nom propre de fleuve et désignait l’Araxe, une des rivières du paradis terrestre auquel l’auteur sacré fait allusion. Voir J. Frd. Schleusner, Novus thésaurus philologico-criticus Veteris Testamenti, 1820, t. ii, p. 182 ; Calmet, Commentaire littéral, l’Ecclésiastique, 1730, p. 325.

    1. DIOSCORE##

DIOSCORE (grec : Aio<rxopfv910 « ; Vulgate : Dioscorus), mois macédonien inconnu. II Mach., si, 21. Voir Mois.

DIOSCURES. Voir Castor.

    1. DIOTRÈPHE##

DIOTRÈPHE (grec : AiorpÉçr^, « élevé par Jupiter ; » Vulgate : Diotrephes), personnage influent d’une Église à laquelle appartenait Gaïus, le destinataire de la troisième Épitre de saint Jean. III Joa., 9-10. Cette Église paraît être de l’Asie Mineure, mais on ne saurait préciser davantage. Tandis que Gaïus avait exercé une généreuse hospitalité envers les ouvriers évangéliques, Diotrèphe, au contraire, les accueillait mal et ne souffrait pas que d’autres les reçussent, jaloux qu’il était de faire sentir son autorité. Dans ses paroles il ne ménageait pas l’apôtre lui-même. Cette situation influente, jointe au soin des étrangers, qui paraît lui incomber, permet de voir en Diotrèphe un des surveillants ou plutôt un des diacres de cette Église, dont la doctrine paraît avoir été irréprochable, mais qui manquait des vertus requises pour ces fonctions : l’humilité dans le commandement et l’hospitalité. E. Levesque.

1439

DIPLOIS — DISCIPLE

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    1. DIPLOÎS##

DIPLOÎS, mot grec, SinXotç, employé deux fois dans la Vulgate, Ps. cviii, 29, et Baruch, v, 25. Dans les deux passages, le traducteur latin a conservé le mot qu’il trouvait dans le texte grec sur lequel il faisait sa version. L’hébreu, Ps. cix, 29, porte le mot me’ii, qui signifie une sorte de tunique. C’est probablement aussi le mot que portait l’original hébreu de Baruch, aujourd’hui perdu. Voir Tunique.

    1. DIPONDIUS##

DIPONDIUS, mot par lequel on désignait en latin, dans le langage courant, le double as. Cicéron, Pro Quintio, xvi, 53. Il est employé dans ce sens par la Vulgate. Luc, xii, 6. Voir As, t. i, col. 1051.

E. Beurlier.

    1. DIPSAS##

DIPSAS (hébreu : èârâf, de èâraf, « brûler » ), serpent venimeux dont la morsure produit une soif inextinguible et mortelle. Les naturalistes appellent aujourd’hui du nom de « dipsade » une couleuvre qui vit sur les arbres, dans l’Inde et en Amérique. Les anciens connaissaient sous le nom de Situas, tiré du substantif Stya, « soif, » un serpent dont la morsure causait une fièvre ardente accompagnée d’une soif inextinguible. Nicandre, Theriac, 334 ; Élien, Nat. animal., vi, 51. Les serpents de cette nature ne manquent pas dans la presqu’île Sinaïtique, et le sârâf hébreu appartient vraisemblablement à la même espèce que le dipsas d’Élien. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 277. — Quand les Hébreux se lassèrent au désert de la manne que leur envoyait le Seigneur, Dieu déchaîna contre eux des nehâSim haèserâfîm, « serpents brûlants, » ô’çstç toÙç 6avatoOzas, ignitos serpentes, qui en firent périr un grand nombre. Num., xxi, 6. Les Hébreux contournaient alors par l’est le pays des Iduméens. La contrée rocheuse qu’ils parcouraient abondait en reptiles venimeux. La vengeance divine permit la multiplication de ces reptiles pour la punition des coupables. On ne sait d’ailleurs à quelle espèce pouvait appartenir le sârâf de la Bible. D’après Aquila, il s’agit d’un l| « upirçaTJ)ç, serpent « qui brûle », et d’après la Veneta, d’un irp^arrip, serpent dont la morsure cause une grande inflammation. Dioscoride, Theriac., 13 ; Élien, Nat. animal., vi, 51. Le sens général de êârâf n’en reste pas moins indiscutable : le sârâf n’est ni une couleuvre inoffensive, ni un serpent couleur de feu, maie un reptile dont la morsure a un double effet : une soif cuisante, puis la mort. Pour guérir ceux qui avaient été atteints, mais n’en étaient pas encore arrivés au dénouement fatal, Moïse reçut l’ordre de fabriquer un êârâf, ô’çiv, serpentent seneum, dont la vue suffisait à faire cesser le mal. Num., xxi, 8. Voir Serpent d’airain. Plus tard, il rappelait aux Hébreux qu’ils avaient rencontré au désert « le serpent sârâf, le scorpion, la région desséchée (simmà’ôn) où il n’y a point d’eau », Deut., viii, 15 ; Septante : « le serpent qui mord ( Sâx/wv), le scorpion et la soif (8(>{/a), sans qu’il y ait d’eau ; » Vulgate : « le serpent au souffle brûlant, le scorpion, le dipsas et absolument point d’eau. » Ce passage de la Vulgate est le seul où se rencontre le mot dipsas, qui devrait régulièrement traduire l’hébreu sârâf, déjà rendu par serpens flatu adurens, tandis qu’il correspond à simmà’ôn, « région de la soif, » nommée simplement 5fy% par les Septante. — Dans sa prophétie contre les Philistins, Isaïe, xiv, 29, dit que « de la race du serpent sortira le sêfa’, et son fruit sera le èârâf volant », ôçe : ç itExdc|j.Evoi, ce que la Vulgate traduit par absorbens volucrem, « qui dévore ce qui vole. » Dans un autre passage, Isaïe, xxx, 6, représente l’Egypte comme une terre d’affliction, « d’où sortent le lion et la lionne, la vipère et le Sârâf volant, s sxyova àanfôuv neTO|iiva>v, <t la race des aspics volants, » regulus volans. Dans ces deux passages, le èârâf apparaît comme un serpent très dangereux, puisqu’il est associé au sêfa’et à la vipère. Voir Serpents. Isaïe parle du èârâf volant. On ne connaît pas de serpents volants. Le seul reptile qui paraisse voler

est un saurien fort inoffensif, appelé dragon volant, et pourvu d’ailes analogues à celles des chauves-souris. Ces ailes sont formées par un repli de la peau que soutiennent les fausses côtes de l’animal : elles font plutôt office de parachute, pour le saut d’une branche à l’autre, que de véritables ailes. Le dragon se rattache ainsi à la série des sauriens paléontologiques appelés ptérodactyles. Isaïe ne saurait avoir en vue cet animal, qui habite les forêts et est aussi inconnu en Palestine qu’en Egypte. On ne peut dire non plus qu’il admette l’existence de serpents volants, bien que des anciens y aient cru, Hérodote, il, 75 ; iii, 108 ; Élien, Nat. animal., ii, 38, sans doute en prenant pour des reptiles des poissons volants. Le prophète parle en figures, et, s’il prête des ailes au sârâf, célèbre par ses ravages au désert, c’est pour montrer que le danger est prêt à fondre sur ceux

qui le méritent.
H. Lesêtre.
    1. DISAN##

DISAN (hébreu : Dîsân ; Septante : ’Pktwv, et dans les Paralipomènes : Akjocv), le dernier des fils de Séir i’Horréen, qui fut chef d’une tribu de même nom. Gen., xxxvi, 21, 30 ; I Par., i, 38. Il eut pour fils Hus et Aram. ou Aran. Gen., xxxvi, 28 ; I Par., i, 42.

    1. DISCIPLE##

DISCIPLE (grec : natty-ri) ; , de iiavOâvw, « celui qui apprend » et reçoit des leçons du 818â<rxa).o ; ou « maître » qui l’enseigne ; Vulgate : discipulus).

I. Ancien Testament. — L’opposition entre maître et disciple n’est pas marquée nettement dans la langue hébraïque. Dans les Septante, on ne lit pas une seule fois le mot iia8YiTÎiç. Les mots hébreux qui se rapprochent du sens de disciple sont : limmûd, « enseigné, » Is., viii, 16 ; l, 4 ; liv, 13, expression qui désigne le prophète de Jéhovah, et (almîd, « élève, » I Par., xxv, 8, appliqué à celui qui a besoin d’apprendre (Vulgate : indoctus). Ces deux termes sont rendus différemment par les traducteurs grecs : dans Is., viii, 16, par une périphrase (Vulgate : discipuli) ; dans Is., L, 4, par TuaiSec’a, « discipline » (Vulgate : erudita) ; dans Is., liv, 13, par 8e8axx 6 ; , « enseigné » (Vulgate : doctus, « enseigné » ), et dans I Par., xxv, 8, par |j.av9âvo>v, « apprenant. » — La Vulgate, qui a employé le mot discipulus une première fois, Is., viii, 16, l’emploie une seconde, Mal., Il, 12, pour traduire l’hébreu’ônéh, « celui qui répond. »

II. Nouveau Testament. — L’expression grecque |xaOï)-Trjç, comme l’expression latine discipulus, n’est employée que dans les quatre Évangiles et dans les Actes. On ne la rencontre jamais dans les Épltres ni dans l’Apocalypse. Elle a cinq acceptions principales. — 1° Elle désigne celui qui apprend de la bouche d’un maître. Matth., x, 24 ; Luc, vi, 40. — 2° Par extension, celui qui adhère à la doctrine d’un docteur ou d’une secte est appelé disciple de ce docteur ou de cette secte : « les disciples de Moïse, » Joa., ix, 28 ; de Jean-Baptiste, Matth., ix, 14 ; Luc, vii, 18 ; Joa., iii, 25 ; des pharisiens, Matth., xxii, 16 ; Marc, ii, 18 ; Luc, v, 33 ; de Jésus, Joa., vi, 66 ; vii, 3 ; xix, 30 ; Luc, VI, 17 ; vii, 11 ; xix, 37. — 3’Dans un sens plus restreint, le nom de « disciples » est réservé spécialement pour les Apôtres dans plusieurs passages des Évangiles. Matth. T x, 1 ; xi, 1 ; xii, 1 ; xiii, 10 ; xiv, 19 ; Marc, viii, 27 ; x, 24 ; Luc, viii, 9 ; ix, 16 ; Joa., ii, 2 ; iii, 32 ; vi, 11, etc.

— 4° Dans les Actes, le mot de « disciple » tout court (l’expression « disciple du Seigneur » ne se lit qu’une fois dans les Actes, IX, 1) est devenu synonyme de « fidèle, chrétien ». Act., vi, 1, 2, 7 ; ix, 1, 10, 19, 25, 26, 38 ; xi, 26, 29 ; xiii, 52 ; xiv, 19, etc. — 5° Dans le langage chrétien, on appelle en particulier « disciples » les soixante-douze personnes qui s’étaient attachées de bonne heure à Jésus-Christ et qu’il envoya deux par deux prêcher au-devant de lui, en leur faisant diverses recommandations, comme le raconte saint Luc, x, 1-17. Le texlus receptus grec porte soixante et dix au lieu de soixante et douze, mais plusieurs manuscrits grecs et

la Vu] gâte ont ce dernier chiffre. Voir Tillemont, Mémoires sur l’histoire ecclésiastique, note 24 sur J.-C, 2e édit., 1701, t. i, p. 436-437. On possède plusieurs listes grecques des soixante et dix disciples (Chron. paschal., et PseudoDorothée, Patr. gr., t. xcii, col. 521-524, 543-545 et 1061-1065) ; elles sont apocryphes et il est impossible d’y démêler avec certitude le vrai du faux. Du temps d’Eusèbe de Césarée, au IV » siècle, H. E., i, 12, t. xx, col. 117, on n’avait aucun catalogue authentique. Cet historien mentionne seulement comme ayant été du nombre des soixante et dix disciples Barnabe, Sosthène, Matthias, Céphas, Thaddée et Jacques, frère du Seigneur et premier évêque de Jérusalem, mettant à tort ces trois derniers dans le nombre. Ces six noms se lisent aussi dans les catalogues de la Chronique pascale et du Pseudo-Dorothée. F. Vigourodx.

DISETTE. Voir Famine.

DISON. Hébreu : Dîsôn, « gazelle. » Nom de deux descendants de Sëir l’Horréen.

1. DISON (Septante : A^oiin, et Paralipomènes : Àai<T<ôv), cinquième fils dé Séir, chef d’une tribu horréenne, au pays d’idumée. Gen., xxxvi, 21, 30. Au ꝟ. 26, l’hébreu porte DiSân au lieu de DiSôn, comme lisent la Vulgate, les Septante et le syriaque, et comme le demandent le contexte et aussi le passage parallèle I Par., i, 41. La situation précise du pays habité par la tribu de Dison est inconnue.

2. DISON (Septante : Aotiutiv), fils d’Ana et petit-fils de Séir. Gen., xxxvi, 25 ; I Par., i, 40 (hébreu, 41). Dans le passage de la Genèse, la Vulgate abrège l’hébreu, dans la pensée sans doute que l’Ana fils de Sébéon du ^. 24 était le même personnage que l’Ana fils de Séir du ꝟ. 20.

1. DISPERSION DES PEUPLES. Voir Table

ETHNOGRAPHIQUE.

2. DISPERSION (JUIFS DE LA). On donne le nom de îiKTTiopdt tôv’EX^viov ( Vulgate : dispersio gentium) aux Juifs qui depuis la captivité de Babylone habitaient dispersés au milieu des gentils. Joa., vii, 35. Le mot’EMiiv, dans le Nouveau Testament, désigne toujours les gentils polythéistes, jamais les Grecs proprement dits. Les mots tùv’EXXïjvojv furent supprimés peu à peu par l’usage dans cette locution, et Siaiitopà tout court désigna à lui seul, par abréviation, soit les Juifs proprement dits, soit les Juifs convertis au christianisme qui vivaient en pays païen. C’est ainsi que saint Jacques, i, 1, adresse son Épître aux convertis qui sont èv t>j SiauTcopS, in dispersione, et que saint Pierre écrit èxXextoïç… SiaanopSi ; , electis dispersionis. 1 Petr., i, 1. L’emploi de 81a<T7copà dans ce sens ou un sens analogue remonte aux Septante. Deut., xxviii, 25 ; xxx, 4 ; Is., xux, 6 ; Jer., xxxiv, 17 ; Judith, v, 18 ; Ps. cxlvi, 2 ; II Mach., I, 27. — Au i" siècle de notre ère, les Juifs étaient répandus dans tout le monde ancien. Cf. Act., ii, 9-11. Leur présence dans les différents lieux où les Apôtres allèrent prêcher l’Évangile fut un moyen préparé par la Providence pour la propagation du christianisme. C’est dans les synagogues que les prédicateurs de la bonne nouvelle commençaient toujours par faire entendre leur voix ; ils trouvaient là une chaire et un auditoire tout prêts. Sous ce rapport comme sous tant d’autres, la synagogue fut comme le berceau de l’Eglise. Voir F. Vigouroux, Le nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., p. 143.

    1. DISQUE##

DISQUE (grec : Sîaxoç ; Vulgate : discus), plaque circulaire en métal ou en pierre, qu’on lançait à une certaine distance. Lorsque Jason, frère d’Onias, eut obtenu

à prix d’argent le souverain sacerdoce, les prêtres placés sous ses ordres abandonnèrent le service du Seigneur pour se livrer aux exercices en usage chez les Grecs et entre autres à celui du disque. II Mach., iv, 14. L’exercice du disque remonte chez les Grecs à la plus haute antiquité. On en attribuait l’invention à Persée. Pausanias, II, xvi, 2. Ulysse y est victorieux chez les Phéaciens. Odyss., viii, 186. Primitivement on se servait de grosses pierres rondes, qu’on lançait de façon à parcourir la plus grande distance possible. Dans la suite on en fit en plomb et plus ordinairement en bronze. Le Musée de Berlin possède un disque en plomb, Friedrichs, Berliner antich. Bildwerhe, t. ii, n° 1274, et un autre en bronze, ibid., n° 1273. Deux autres de même métal se trouvent au British Muséum. Newton, À guide to the bronze room, in the department of Greeh and Roman antiquities, in-16, Londres, 1871, p. 15. Cf. Gazette archéologique, t. i, 1859, p. 18 et 131, pi. 35. Le poids des

500. — Discobole de Myron. Palais Masslml, à Home.’D’après Clarao, Musée de sculpture, pi. 860.’disques variait suivant l’âge et la force des concurrents. L’athlète, au moment de lancer le disque, le frottait d’abord dans la poussière, pour avoir plus de prise. Ensuite il se plaçait sur une petite élévation, où il n’y avait de place que pour une seule personne. Il portait la jambe droite et le bras droit en avant, mesurait la distance, et rejetait la jambe gauche en arrière. Ramassant alors toutes ses forces, il faisait décrire à la main droite un mouvement rotatoire et, entraîné par l’élan, faisait lui-même quelques pas en avant. Stace, Thebaid., vi, 670-672 ; Philostrate, Imagines, 124. À la place où était tombé le premier disque on faisait une marque, et ainsi de suite pour les autres. Le vainqueur était celui qui avait lancé le disque le plus loin. Stace, Thebaid., vi, 709. Plusieurs statues célèbres de l’antiquité représentent des discoboles. Les plus connus sont le discobole du Vatican, que l’on attribue à Alcamènes ; le discobole de Myron, qui est au palais Massimi, à Rome (fig. 500). Pline, H. N.,

U. — 46

1443

DISQUE — DIVINATION

1444

xxxiv, 80. Clarac, Musée de sculpture, édil. S. Reinach, in-8°, Paris, 18° 7, pi. 860, n » 2191 B ; pi, 862, n° « 2194 C, 2195 ; pi. 863, n" 2194 A, 2193, 2196 À ; cf. pi. 579, n » 1251, etc. ; M. Gollignon, Histoire de la sculpture grecque, in-8°, Paris, 1895-1897, t. i, p. 473 ; t. ii, p. 124. Le jeu du disque est également représenté sur un certain nombre de peintures de vases. Monuments de l’Institut archéologique de Rome, t. i, pi. xxii, 16 ; Archâologische Zeitung, 1881, pi. îx ; 1884, pi. xvi, etc. ; Collection Dutuit, in-8°, Paris, 1879, n° 79. Voir Gûhl et Kôner, La vie des Grecs, trad. Trawinski, in-8°, Paris, 1884, p. 314-316. - E. Beurlier.

    1. DIVINATION##

DIVINATION, art réel ou supposé de découvrir l’avenir ou les choses cachées. Cet art était en grand honneur chez les anciens peuples de l’Orient, et les auteurs sacrés ont eu fréquemment l’occasion d’en parler.

I. Les différents procédés de divination mentionnés dans la Bible. — 1° Les terâfim, eïStaXa, idola, sont des idoles domestiques, des espèces de dieux pénates, qu’on interrogeait d’une certaine façon pour en obtenir des oracles. Outre leur rôle protecteur, les terâfim étaient donc censés exercer une action divinatoire. Ils apparaissent pour la première fois au temps d’Abraham, et Laban, qui en possède, les appelle ses dieux. Gen., xxxi, 19, 30. Voir Teraphim. Il n’est pas encore dit, dans ce passage de la Genèse, que les ferâjïm soient consultés comme des oracles, bien que, d’après la conjecture d’Aben-Esra, Rachel les ait soustraits pour empêcher Laban de les interroger et de savoir par eux le chemin que Jacob avait pris pour fuir. Cf. Rosenmûller, Scholia in Genesim, Leipzig, 1795, p. 272. Mais, dès l’époque des Juges, la puissance divinatoire leur est attribuée par la crédulité populaire. L’Éphraïmite Michas se fabrique un éphod et des terâfim, qui excitent l’envie des Danites et que ceux-ci emportent de vive force. Jud., xvii, 5 ; xviii, 18-26. Le rapprochement entre l’éphod et les terâfim indique déjà que ces derniers ne sont pas des idoles muettes. Au temps de Josias, on trouve joints ensemble les’obôf ou nécromanciens, les yîdd’onim ou devins et les (erâfîm. IV Reg., xxiii, 24. Dans Osée, iii, 4, les terâfim sont encore nommés en même temps que l’éphod. Enfin Zacharie, X, 2, dit positivement que « les ferâfim ont proféré de vaines choses », et Ézéchiel, xxi, 26, montre le roi de Babylone « consultant les (erâfîm ». On ignore de quelle manière s’obtenaient ces consultations. Le moyen devait être simple, puisque les (erâfîm paraissent avoir été des idoles domestiques, que chaque particulier interrogeait à son gré. Cette forme de divination était d’origine chaldéenne. Les ferâfim sont aux mains de Laban, qui vient de Chaldée, et, à l’époque d’Ézéchiel, ils servent encore au roi de Babylone.

2° L’art des hartummim, Gen., xli, 8, 15 : lir l’(r i xal, conjectures ; ailleurs : ItcocoiSo ; , çaf|xaxoî, malefici, arioli. Les hartummim sont les devins que le pharaon d’Egypte appelle à lui pour expliquer ses songes. Ils appartiennent vraisemblablement à cette classe sacerdotale que le texte bilingue de Canope désigne sous les noms de refy hetu, iepoYp « |i|xaTEÎç, les sages, les savants, les scribes sacrés. Comme le mot hartummim est également employé par Daniel pour désigner des devins de Babylone, il n’est pas nécessaire d’en chercher l’étymologie dans la langue égyptienne. Il peut très bien venir de hèrét, « stylet à écrire, » d’où hartummim, les écrivains sacrés, les hiérogrammates. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 520 ; de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p, 545. Dans la mythologie égyptienne, c’est le dieu Thot qui a découvert le secret de toutes les incantations et qui en a transcrit les formules. Ces formules doivent être récitées suivant certaines intonations, et l’art du rel} hetu consiste à les connaître à fond, à les transcrire fidèlement et à les appliquer selon les règles. La plupart des livres magiques égyptiens renferment des formules pour envoyer des songes ; il en existait d’autres pour les inter préter. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 145, 213. Les interprètes appelés par le pharaon ne peuvent expliquer ses songes à l’aide de leur art, et la supériorité de Joseph consiste à en donner l’interprétation sans le secours d’aucune formule magique. Gen., xli, 8-25. Les hartummim reparaissent à la cour du pharaon au temps de Moïse, non plus pour expliquer les songes, mais pour opposer des prestiges magiques aux miracles opérés par l’envoyé de Dieu. Exod., vii, 11, 22 ; viii, 7, 18, 19 ; ix, 11 ; Sap., xvii, 7. Voir Magie. On trouve dans la Bible plusieurs autres exemples d’oniromancie ou interprétation des songes, tantôt par magie ou tromperie, Eccli., xxxiv, 5, 7 ; Jer., xxiii, 32 ; xxix, 8 ; tantôt avec le concours plus ou moins formel de l’assistance divine. Jud., vii, ’13 ; Esth., xi, 12 ; Job, xxxiii, 14-16 ; Dan., ii, 26-31 ; iv, 16 ; v, 11, 12. Voir Songes. — À la cour de Babylone sont aussi mentionnés des hartummim, Dan., i, 20 ; II, 2, 10, 27 ; iv, 4, 6 ; v, 11, qui sont encore désignés sous le nom de kasdim, « chaldéens. » Dan., ii, 2, 4, 10 ; iii, 8, 48 ; iv, 4 ; v, 7, 11. Ils faisaient partie de ce personnel sacerdotal qui entourait les rois et exerçait pour le compte des princes les divers arts magiques et divinatoires. Leurs formules étaient empruntées à l’astrologie.

3° La fyokmah ou « sagesse » entendue dans le sens particulier d’habileté à pratiquer la divination. Le nom de hâkâmîm, ao ?oi, sapientes, est donné aux devins d’Egypte, Gen., xli, 8 ; Is., xix, 11, 12 ; d’Idumée, Abd., 8 ; de Tyr et de Byblos, Ezech., xxvii, 8, 9 ; de Perse, Esth., i, 13, et de Babylone. Jer., l, 35 ; li, 57. Ces derniers portent en chaldéen le nom de hakkîmîn. Dan., ii, 13 ; iv, 3 ; v, 15, etc.

4° Le qésém ou le miqsâm, le sortilège, l’oracle ou la divination en général, ixavtei’a, divinatio, de qâsam, exercer l’art divinatoire, d’où qôsêm, hocvtîs, ariolus, augur, divinus, incantator, le devin. Le mot qésém n’est pris qu’une seule fois en bonne part dans la Bible. Prov., xvi, 10. Le qésém comprend différentes pratiques divinatoires. Les Philistins s’en servent pour connaître le parti à prendre. I Reg., vi, 2. La pythonisse d’Endor fait du qésém pour évoquer Samuel après sa mort. I Reg., xxviii, 8. Ézéchiel, xxi, 26, 27, dit du roi de Babylone : « Le roi de Babylone se tient au carrefour où se divisent les routes pour faire de la divination, liqesom qésém ; il agite les Uèches, consulte les terâfim, examine le foie ; dans sa droite il tient le qésém : Jérusalem. » Plusieurs procédés de divination sont indiqués dans ce texte. Le premier consiste à agiter ensemble, pour les mêler, des flèches sur lesquelles sont inscrits des noms. Saint Jérôme, In Ezech., vii, 21, t. xxv, col. 206, explique ainsi cette pratique : « Il consulte l’oracle à la façon de son pays, en mettant des Uèches dans son carquois et en les mêlant. Celles-ci portent des noms ou des signes indiquant le nom de chaque ville, et il voit, par la Uèche qui sort la première, la ville qu’il doit attaquer tout d’abord. C’est ce procédé que les Grecs nomment fteXo(iavria (divination par le trait) ou paêSonavtfa (divination par la baguette). » Le premier qésém qui sort est celui qui porte le nom dé Jérusalem ; cette ville sera donc la première attaquée. Le prophète indique par là quelle est l’imminence du danger. — Osée, iv, 12, fait allusion à la rhabdomancie quand il dit : « Mon peuple consulte son bois (c’est-à-dire son idole de bois, les terâfim), et sa baguette lui indique » ce qu’il doit faire. En pareil cas, on prenait deux ou plusieurs baguettes, et, d’après la position qu’elles occupaient en tombant, on jugeait du parti qu’il fallait prendre. Le Coran, iii, 39 ; v, 4, mentionne la manière dont les Arabes pratiquaient la rhabdomancie. On préparait trois Uèches, la première avec l’inscription : « le Seigneur veut, » la seconde avec l’inscription : « le Seigneur ne veut pas, » et la troisième sans inscription ; on les plaçait dans un vase, et celle qui venait la première était censée indiquer la volonté divine. Cf. Gese

nius, Thésaurus, p. 1224 ; Rosenmûller, Ezeckiel, Leipzig, 1810, t. ii, p. 46 ; - Hoseas, 1812, p. 136 ; Bas alte und neue Morgenland, 1818, t. iv, p. 334 ; Hérodote, iv, 67 ; Tacite, Germ., 10. — La divination employée par le roi de Babylone comprend encore l’examen du foie des animaux. Cet examen est appelé r, naro(rxoirta par les Grecs, et extispicium par les Romains. Artémidore, Onirocril.,

II, 74 ; Hérodien, viii, 3, 17 ; Cicéron, De divinat., i, 16 ; il, 12, 13 ; Suétone, August., 95, etc. De l’état du foie des victimes se déduisaient certaines conclusions divinatoires. Diodore de Sicile, II, 29, atteste que l’hépatoscopie était en grand usage chez les Babyloniens. Quelques auteurs anciens ont pensé que les gâzzerin de Daniel, ii, 27 ; iv, 4 ; v, 7, 11, étaient des hépatoscopes. La Vulgate traduit ce mot par aruspices, et Symmaque par 8ÛTa ; , « sacrificateurs. » Saint Jérôme, In Daniel., ii, t. xxv, col. 502, dit que les gâzzerin sont ceux qui examinent les entrailles des animaux pour en tirer des conjectures. Il est plus probable que ce nom désigne des astrologues. Voir 11°.

— Les conclusions que ces devins tiraient de leurs observations étaient aventureuses, ambiguës dans la forme, Ezech., xii, 24, et trompeuses dans le fond. Les prophètes insistent fréquemment sur ce point. Jer., xiv, 14 ; xxvii, 9 ; xxix, 8 ; Ezech-, xiii, 6, 23 ; xxii, 28 ; Mich.,

III, 6, 7 ; Zach., x, 2. Néanmoins les devins n’exerçaient pas leur art gratuitement. Num., xxii, 7. Michée, iii, 11, accuse les faux prophètes de faire de la divination à prix d’argent, de même que Sophocle, Antig., 1055, dira à son tour : tô (lavtixôv nav çiXàpYUpov YV °S> (< race de devins, race d’argent. » La même cupidité animait les devins de Chaldée. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 780.

5° Le nahas, le présage, l’augure, oiomapidç, augurium, omen, du piel de nâhas, faire la divination, oidivi’ÇeuÔai, ôpv.60<rxo7cstv, augurari. La traduction que les versions donnent du mot nahaS supposerait qu’il désigne la divination par l’observation du vol des oiseaux. Mais ce genre de divination, familier aux Grecs et aux Romains, Xénophon, Memor., i, 13 ; Ovide, Metam., v, 549, etc., ne paraît pas avoir été à l’usage des Orientaux, ou n’a été pratiqué que par des Juifs grécisants de la dernière époque. Quelques auteurs ont pensé que nahaS doit se rattacher à nâhas, « serpent, » et désigner la divination par les serpents ou opliiomancie. Voir Charmeur de serpents, col. 595. Mais le substantif nahaS vient beaucoup plus probablement du verbe nâhas, qui signifie au piel « murmurer, siffler comme le serpent », parce que dans leurs incantations les devins murmuraient leurs formules d’une voix sifflante. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 875. De fait, dans la Bible, nahas n’a jamais le sens d’ophiomancie. Ainsi Laban, déjà connu par ses terâfim, déclare qu’il a appris par nahaS, oîtovurâfiriv, expérimente ) didici, que la présence de Jacob lui est favorable. Gen., xxx, 27. Il a évidemment employé une pratique divinatoire quelconque pour savoir s’il devait permettre ou empêcher le départ de Jacob. La divination attribuée à Joseph est également appelée nahas, Gen., xliv, 5, 15, et, dans ce cas, il s’agit de culicomancie ou divination parla coupe. Voir Coupe, col. 1075 ; S. Augustin, De Civit. Dei, vii, 35, t. xli, col. 223 ; Rosenmûller, Das alte und neue Morgenland, t. i, p. 212. Balaam, qui consulte Dieu par le nahaS, Num., xxiv, 1, exerce la divination au moyen d’un holocauste de veaux et de béliers. Num., xxiii, 1, 2, 15. La divination ainsi nommée reparaît sous Achaz, IV Reg, , xvii, 17, et sous Manassé. IV Reg., xxi, 6 ; II Par., xxxiii, 6. Le mot nahaë est même pris dans le sens très général de bon augure. III Reg., xx, 33. Les augures sont trompeurs, comme toutes les pratiques analogues. Eccli., xxxiv, 5. Voir Augures.

6° Les keSâfîm, les incantations, que fait le devin kaîSaf, çapixoxô ; , maleficus. Les mekassefîm que Moïse trouve en face de lui à la cour du pharaon, Exod., vii, 11, sont des espèces de magiciens qui ne se contentent pas

de chercher les secrets de l’avenir, mais exécutent des prodiges. Voir Magie. Saint Paul, II Tim., iii, 8, nomme deux des principaux, Jannès et Mambrès. Cf. Pline, H. N., xxx, 2. Les pharaons comptaient au nombre de leurs officiers les plus importants les khri-habi, « hommes au rouleau » ou « maîtres des secrets du ciel », qui possédaient à fond toutes les recettes des devins, des prophètes et des magiciens. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 281. La divination du kassaf est aussi trompeuse que les autres. Jer., xxvii, 9. Les kesâfîm sont mentionnés comme employés par Jézabel, IV Reg., IX, 22 ; à Ninive, Nah., iii, 4 ; à Babylone, Is., xlvii, 12, et même à Jérusalem, d’où le Seigneur les bannira. Mich., v, 11.

7° La nécromancie, pratiquée par le’ôb. Le mot’ôb, qui tout d’abord signifie « outre », désigne aussi le nécromancien et l’esprit qui l’inspire. Ainsi est-il dit que Saùl a chassé les’ôbôf, les magiciens qui évoquent les morts, et qu’ensuite il cherche une femme ayant un’ôb, nû6wv, pytho. I Reg., xxviii, 3, 7, 9. Voir Évocation des morts. Manassé rassemble autour de lui des nécromanciens. IV Reg., xxi, 6 ; II Par., xxxiii, 6. Isaïe, viii, 19, parle des consultations qu’on leur adresse, et il montre Jérusalem désolée faisant entendre sa voix de terre, comme les’ôbôf. Is., xxix, 4. Les Septante traduisent ordinairement le mot hébreu par lYYa<rtpt(i.u90î, « ventriloques ; » Vulgate : magi, pythones. Beaucoup d’anciens devins se servaient de la ventriloquie pour abuser ceux qui les consultaient. Ils faisaient croire qu’ils voyaient les morts sans les entendre, tandis que leurs clients les entendaient sans les voir. Les traducteurs grecs se sont sans doute référés à cette supercherie quand ils ont vu dans les’ôbôf de simples ventriloques. Il est à remarquer que la nécromancie était à la fois une pratique de magie et un moyen de divination ; car, si l’on évoquait les morts, c’était pour obtenir d’eux la révélation de l’avenir.

8° La science du yîdd’onî, mot qui vient de yâda’, « savoir ; » YvuMrdjc, èitaoï’îo ;  ; ariolus. Les yedd’onim sont des espèces de sorciers qui rendent de prétendus oracles et que la Bible associe ordinairement aux’ôbôf. I Reg., xxviii, 3 ; IV Reg., xxi, 6 ; II Par., xxxiii, 6 ; Is., vm, 19 ; xix, 3, etc.

9° L’art du me’ônên. Le verbe’ônên (forme pohel), d’où vient ce mot, paraît désigner l’exercice de la divination sous diverses formes. Les Septante traduisent ordinairement par xXr)Sovi<j[i.ô ; , présage tiré de ce qu’on entend, x>7j-Stov ; une fois par opv160<jxoné&>, « observer les oiseaux, » Lev., xix, 28, et une autre fois par oîwvtirjia, présage tiré du vol ou du cri des oiseaux. Jer., xxvii, 9. La Vulgate traduit par augurari, augures, Is., ii, 6 ; lvii, 3 ; divinationes, Mich., v, 11, et ailleurs par observans somnia. On a donné à ce mot différents autres sens : le présage d’après les nuées, de’innên, « assembler les nuages ; » le mauvais œil, de’ayîn, « œil ; » l’observance des temps, etc. Le plus probable est que l’art du me’onên est une divination quelconque, ordinairement jointe à des pratiques idolâtriques. Le genre de divination qu’indique ce mot se rencontrait fréquemment en Syrie. On la signale chez les peuples de Chanaan, Deut., xviii, 14, et chez les Philistins. Is., ii, 6. Il est question, au temps d’Abimélech, Jud., ix, 37, d’un chêne des augures, me’ônenim, ainsi nommé probablement parce qu’on venait y chercher des présages. L’origine chananéenne des me-’ônenîm les rendait particulièrement odieux aux vrais Israélites. Isaïe, lvii, 3, appelle les impies « fils de devineresse », ’onenâh. Michée, v, 11, annonce que le Seigneur chassera ces devins du milieu de son peuple.

10° Le lahaS, de lâhaê, « siffler, » l’incantation imitant le sifflement du serpent. Elle sert à charmer les serpents. Eccle., x, 11 ; Jer., viii, 17. Voir col. 597, 2°. Isaïe, m, 3, nomme parmi ceux que le Seigneur chassera de Jérusalem le nebôn lahaS, « l’habile dans l’incantation, » qui se fait en sifflant doucement ; Aquila : tov auve-rôv ifiifluptup. j> i « l’habile au chuchotement ; » Vulgate : prur

dentem eloquii mystici. Plus loin, Isaïe, iii, 20, range parmi les parures des femmes les lehâsim, que les versions appellent des boucles d’oreilles, èvci-cia, inaures, et qui paraissent avoir été en même temps soit des serpents porte-bonheur, soit des talismans contre la morsure des serpents, soit des amulettes sur lesquelles on a prononcé les formules du lahas. Voir t. i, col. 531 ; t. ii, col. 594. Chez les Chaldéens, ces sortes d’objets enchantes se portaient couramment. À la suite des maladies plus ou moins guéries par les recettes magiques, on donnait au patient des amulettes, nœuds de corde, coquillages percés, plaques ou figurines de bronze ou de terre cuite, qu’il attachait à son cou ou à son bras. « On y dessinait tant bien que mal une image, la plus terrible qu’on put imaginer ; on y griffonnait une incantation en abrégé, ou l’on y gravait des caractères extraordinaires : les esprits se sauvaient dès qu’ils les apercevaient, et la maladie épargnait le maître du talisman. » Maspero, Histoire ancienne, t. I. p. 782.

11° L’astrologie des gâzzerîm. Ce nom vient du chaldéen gezar, « trancher, décréter, » et il désigne les astrologues chaldéens qui, d’après l’inspection des astres, donnaient leurs décisions sur la conduite à tenir par les hommes. Dan., ii, 27 ; iv, 4 ; v, 7, 11. Les Septante rendent le mot tel quel : ya.Ça.p-r-<ioi ; Vulgate : aruspices. Les Chaldéens avaient accumulé de longue date une multitude d’observations sur les coïncidences entre les phénomènes célestes et les événements terrestres. Toutes ces observations étaient consignées dans des codes astrologiques, auxquels les gens du métier se reportaient fidèlement pour interpréter tous les événements ou accidents de la vie, chercher la cause et le remède des maladies, déterminer les faits et gestes du roi, la guerre, la chasse, le voyage, etc. Aussi les astrologues formaient - ils à Babylone une corporation puissante par son influence. Cf. Fr. Lenormant, La divination et la science des présages chez les Chaldéens, Paris, 1875, p. 1-75 ; Sayce, The Astronomy and Astrology of the Babylonians, dans les Transactions of the biblical Archœology, 1874, t. iii, p. 145-339 ; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 777-780.

12° À l’époque de la prédication évangélique, les Apôtres se trouvent parfois en face de devins et de magiciens qui tentent de les imiter ou de les combattre. Ainsi saint Luc mentionne à Jérusalem Simon le magicien, Act., viii, 9 ; à Salamine, le devin Barjésu ou Élymas, Act., xiii, 6-8 ; à Philippes, la jeune fille qui est possédée par un esprit, un python, et qui pratique la divination au profit de ses maîtres, Act., xvi, 16 ; à Éphèse, les Juifs exorcistes, et particulièrement les sept fils de Scéva, qui essayent d’agir sur les démons au nom de Jésus. Act., xix, 13. Saint Jean parle aussi du faux prophète, qui travaille pour le compte de la bête et de l’Antéchrist, et qui exerce la magie et la divination. Apoc, xix, 20.

II. La législation mosaïque relativement aux devins.

— 1° Les devins pullulaient chez tous les peuples avec lesquels les Hébreux se trouvèrent en rapport, Chaldéens, Égyptiens, Syriens, Chananéens, etc. D’autre part, la divination se rattachait très étroitement au culte idolâtrique. Il était donc nécessaire que la loi mosaïque en interdit sévèrement les nratiques au peuple choisi. C’est ce qui fut fait. La loi prohibe très expressément de se livrer à la divination, et même de souffrir la présence ou d’écouter les paroles du qôsêm, Num., xxiii, 23 ; ûeut., xviii, 10, 14 ; de l’augure qui exerce le nahas, Lev., xix, 26 ; Num., xxiii, 23 ; Deut., xviii, 20 ; des’ôbôt et des yedd’onîm. Lev., xix, 31 ; xx, 6 ; Deut., xviii, 11. Quant à l’Israélite lui-même, s’il pratiquait la divination, il était puni de la lapidation. Exod., xx, 27. Aussi était-ce un principe absolu qu’il n’y avait « pas de nahaS en Jacob, pas de qésém en Israël ». Num., xxiii, 23. Cette prohibition sévère contribuait à distinguer nettement les Hébreux d’avec les peuples qui les entouraient, et constituait une nouvelle barrière entre les uns et les autres. —

2° On regardait comme un péché la pratique de la divination à un titre quelconque. I Reg., xv, 23. Il ne pouvait en être autrement. Hormis les prophètes directement inspirés par Dieu ou les hommes favorisés de révélations perticulières, personne ne peut connaître l’avenir ni découvrir certaines choses secrètes d’une manière certaine. Cicéron, De divinat., i, 18, dit que les devins sont de deux sortes : les uns connaissent le passé par l’observation et l’avenir par conjecture ; les autres procèdent par une sorte de pressentiment et d’excitation mentale. Les premiers ne sont pas répréhensibles s’ils s’en tiennent aux moyens naturels de connaissance et ne communiquent la certitude que dans la mesure où ils la possèdent eux-mêmes. Il était bien rare que les devins se maintinssent dans ces limites. D’ordinaire, leur art impliquait soit la communication avec les démons, par le moyen desquels on apprenait certains secrets ; soit la superstition, qui portait à attribuer une signification précise à des effets purement fortuits ; soit enfin la supercherie, à l’aide de laquelle les devins faisaient croire à leurs dupes ce qu’eux-mêmes avaient intérêt à inventer. A ce triple point de vue, la divination était condamnable. Sa condamnation s’imposait même d’autant plus que, dans l’idée des peuples, elle supposait toujours une communication du devin avec dos êtres surnaturels, tout autres que le vrai Dieu. Cf. S. Thomas, Summ. theol., II" II », xcv, 1-8. — 3° La loi mosaïque qui proscrivait la divination ne fut pas toujours strictement observée. Les devins, nombreux chez les peuples voisins, sollicitaient la curiosité naturelle des Hébreux, et ceux-ci succombaient à la tentation dans la proportion où s’accentuaient leurs défaillances idolâtriques. Il y eut de graves abus sous ce rapport pendant les règnes d’Achaz, IV Reg., xvii, 17 ; Is., iii, 3, et de Manassé. IV Reg., xxi, 6 ; II Par., xxxiii, 6. Josias chassa tous les devins accourus sous ses prédécesseurs. IV Reg., xxiii, 24. Il n’est plus question de divination après le retour de la captivité. — 4° Notre-Seigneur avait prédit que les faux prophètes se multiplieraient à l’époque de la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 24. On en vit un grand nombre apparaître en ce tempslà, séduire des multitudes et les entraîner à la ruine. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 1 ; viii, 6 ; Bell, jud., II, xiii, 4 ; VI, v, 2 ; VII, xi, 1. Cf. Tacite, Hist., v, 13.

H. Lesêtre.
    1. DIVORCE##

DIVORCE (hébreu : keritôt, de kârat. « couper, trancher ; » Septante : àitoati.at.ot ; Vulgate : repudium), rupture légale du mariage.

I. À l’époque patriarcale. — Le mariage fut primitivement indissoluble. Notre-Seigneur, parlant du divorce en vigueur sous la loi mosaïque, fait cette remarque : « Dans le principe, il n’en fut pas ainsi. » Matth., xix, 8. L’institution divine ne tarda pas à être altérée grâce à la corruption des hommes, et, bien que l’Écriture n’en fasse pas mention expresse, le divorce arbitraire doit compter sans doute parmi les abus criminels qui motivèrent le déluge. Postérieurement à cet événement, nous voyons le divorce régner plus ou moins généralement parmi les anciens peuples. En Egypte, il paraît avoir été assez rare, à raison de la situation assurée aux épouses. Celles-ci, quand elles étaient de même rang que le mari, occupaient chacune une maison où elles agissaient en maîtresses absolues, si bien que les maris semblaient plutôt être chez leurs femmes que les femmes chez leurs maris. Dans ces conditions, le divorce n’avait pas grande raison d’être fréquemment appliqué. Chez les Chaldéens, il en était tout autrement. L’homme achetait sa femme, quoique celle-ci apportât d’ailleurs une dot. Mais le mari pouvait la répudier à son gré. II lui restituait alors à peu près l’équivalent de sa dot et lui disait : « Tu n’es pas ma femme, toi ! » Ensuite il la renvoyait à son père avec un écrit constatant la rupture du lien matrimonial. Quant à la femme, elle ne possédait nullement le même droit. Qu’elle osât dire à son mari : a Tu n’es pas mon mari,

toi ! » c’était la mort assurée pour elle. Mais comme la femme gardait la gestion de ses biens propres et que le mari jouissait du bien-être qui en résultait, il se gardait d’ordinaire de prononcer le divorce, à moins de raison majeure. S’agissait- ii, au contraire, de femmes de rang inférieur, esclaves ou prisonnières de guerre, elles étaient à la merci complète du mari qui les avait acquises et qui pouvait les garder ou les chasser suivant son caprice. Ce dernier usage était général en Egypte, en Chaldée et dans tout le monde antique. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, 1. 1, p. 52, 735-738 ; OppertMenant, Documents juridiques de l’Assyrie et de la Chaldée, Paris, 1877, p. 54. — Quand Ismaël, le fils qu’Abraham avait eu de son esclave, Agar, se mit à persécuter Isaac, Ga]., iv, 29, le patriarche chassa la mère et le fils à la demande de Sara. Il procéda alors comme on faisait chez les peuples environnants et ne se crut obligé à aucune compensation envers l’épouse répudiée. Il lui donna seulement les provisions nécessaires. Gen., xxi, 9-14. C’est là le seul exemple de divorce qui soit mentionné dans l’histoire patriarcale.

II. Sous la loi mosaïque. — Le divorce était entré dans les mœurs de tous les peuples anciens, quand Moïse eut à constituer les Hébreux en corps de nation. Il dut se préoccuper de la question et réglementa très nettement les conditions du divorce. Deut., xxiv, 1-4. — 1° La cause. La femme, après avoir été traitée en épouse, déplaît au mari à cause d’une’érvâh, auxiiwv npây[j.a, aliqua fœditas. La’érvâh est en général une impureté honteuse. Elle ne peut désigner ici l’adultère, qui était puni par la mort, non par le divorce. Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22. C’est donc une impureté physique, une plaie, une infirmité capable d’inspirer le dégoût au mari. Quelques auteurs croient que la chose honteuse pouvait être d’un autre ordre, comme la mauvaise conduite, le caractère détestable, etc. La nature précise de la’érvâh ne paraît pas avoir été déterminée de façon indiscutable, puisque l’accord n’était pas encore fait sur ce point à l’époque de NotreSeigneur. L’esprit de la législation mosaïque porte cependant à penser que la’érvâh nécessaire pour motiver le divorce devait être quelque défaut très grave. Il paraît également plus probable que ce défaut devait être ordinairement d’ordre physique, les défectuosités morales ne se prêtant pas à une appréciation aussi facile à justifier. — 2° La formalité. Elle était simple. Le mari, peut-être après avoir fait constater le motif de sa résolution, donnait à la femme qu’il renvoyait un acte de répudiation, sêfér kerî(ôt, [JiëXfov âiro<rca<T ! ov, libellus repudii. C’est ainsi qu’on procédait en Chaldée. L’acte délivré à l’épouse répudiée constatait qu’elle était libre désormais. En conséquence, la qualification d’adultère cessait d’être applicable à l’union contractée ultérieurement avec elle. On trouve dans le Talmtid, Giltin, f. vii, 2 ; IV, 1, et IX, 3, la formule ordinairement employée. Elle est ainsi conçue : « Au jour … de la semaine … du mois de …, an du monde … selon la supputation en usage dans la ville de …, située auprès du fleuve … (ou

de la source …), moi, , fils de …, et de quelque

nom que je sois appelé, présent aujourd’hui,

originaire de la ville de …, agissant en pleine liberté d’esprit et sans subir aucune pression, j’ai répudié, renvoyé et expulsé toi …, fille de …, et de quelque nom que tu sois appelée, de la ville de …, et qui as été jusqu’à présent ma femme. Je te renvoie maintenant toi, fille de … De la sorte tu es libre et tu peux, de ton plein droit, te marier avec qui tu voudras et que personne ne t’en empêche. Tu es donc libre envers un homme quelconque. Ceci est ta lettre de divorce, l’acte de répudiation, le billet d’expulsion, selon la loi de Moïse et d’Israël. » (Suivent les noms des témoins.) Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, résume en deux mots l’acte de répudiation : le mari « affirmera par écrit qu’il ne veut plus avoir aucun rapport avec elle ; elle recevra ainsi la fa culté d’habiter avec un autre ». Il est fait allusion à l’acte de divorce par lsaïe, l, 1 ; par Jérémie, iii, 8, et par NotreSeigneur. Matth., v, 13 ; xix, 7 ; Marc, x, 4.

— 3° La condition du mari. La loi de Moïse ne donne qu’à lui, et non à l’épouse, le droit de divorcer. Elle ne supprime ce droit que dans deux cas : si le mari a porté une fausse accusation d’inconduite contre la jeune fille qu’il épouse, ou s’il l’a violentée avant le mariage. Deut., xxii, 19, 29. Quand la femme répudiée avait été épousée par un autre, le premier mari ne pouvait la reprendre en aucun cas. Deut., xxiv, 4. Il semble résulter de cette clause qu’il pouvait la reprendre avant qu’elle eût contracté un second mariage. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 205, signale l’opposition de cette loi avec la coutume arabe, consacrée par l’islamisme, Coran, il, 230, d’après laquelle le mari ne peut reprendre la femme répudiée qu’après qu’elle a été remariée avec un autre. Moïse déclare que cette pratique est une « abomination devant le Seigneur ». Il est incontestable qu’il a trouvé le divorce en vigueur chez son peuple, et sa législation ne vise qu’à en restreindre l’usage. L’interdiction de reprendre la femme répudiée et remariée tend à faire rélléchir le premier mari avant qu’il prenne sa décision. Il est à remarquer aussi que, dans le texte du Deutéronome, le premier mari est appelé ba’al, « maître, » tandis que le second est simplement nommé’iS, « homme. »

— 4° La condition de la femme. Elle redevient libre et peut se remarier, ce qui suppose que la cause invoquée pour le divorce pouvait, au cas où elle persévérait, paraître rédhibitoire à l’un et négligeable à l’autre. Après le divorce et avant le second mariage, la femme jouissait de son indépendance, et devait en conséquence acquitter ses vœux, sans avoir à demander l’autorisation de personne. Num., iii, 10. La femme divorcée ne pouvait se remarier avec un prêtre. Lev., xxi, 7, 4 ; Ezech., xiiv, 22. Si elle était elle-même fille d’un prêtre et sans enfants, elle pouvait retourner à la maison de son père et même y prendre sa part des aliments sacrés. Lev., xxii, 13. La prisonnière de guerre, prise pour épouse par un Israélite, recouvrait sa liberté totale si celui-ci la répudiait. Deut., xxi, 14. Dans lsaïe, liv, 6, le nouvel Israël est comparé à une épouse répudiée que reprend le Seigneur. — L’Écriture n’enregistre aucun exemple de divorce mémorable. Le cas de Michol promise par Saül à David, I Reg., xvii, 25 ; xviii, 20, 21, puis donnée par Saùl à Phalti,

I Reg., xxv, 44, et enfin reprise à Phalli par David,

II Reg., iii, 14-16, implique plutôt une nullité du premier mariage qu’un divorce. Malachie, ii, 14-16, réprouve la fréquence des divorces après le retour de la captivité : « Le Seigneur est le témoin entre toi et l’épouse de ta jeunesse, vis-à-vis de laquelle tu exerces ta perfidie, alors qu’elle est ta compagne, et l’épouse avec laquelle tu as passé contrat… Prenez donc garde à vous, pour ne point vous montrer perfides envers les épouses de votre jeunesse. Si l’on hait, que l’on répudie, dit le Seigneur Dieu d’Israël. » La dernière phrase, ainsi traduite par les versions, se présente sous la forme suivante en hébreu : kî-sànê’sallah, ce qui peut vouloir dire également : « car il hait le renvoyer, » le divorce, ou, en lisant le participe sonê’au lieu de l’indicatif iânê’: « car [je suis] haïssant le divorce, dit le Seigneur. » Cette dernière traduction s’harmonise mieux avec le contexte que celle des versions. Cependant l’auteur de l’Ecclésiastique, xxv, 36, dit formellement, en parlant de la mauvaise femme : « Retranche-la de tes chairs, » c’est-à-dire chassela loin de toi.

III. Le divorce d’après l’interprétation rabbinique.

— Peu à peu, probablement au contact de la civilisation grecque et romaine, le divorce avait pris chez les Juifs une extension déplorable. Josèphe, Ant. jud., XV, vii, 10, enregistre comme tout à fait contraire à la loi juive, qui ne permet le divorce qu’à l’homme, celui de Salomé, qui envoie un acte de répudiation à son mari Costobare. U signale aussi le divorce de Phéroras, frère d’Hérode, Ant.

jud., XVI, vii, 3 ; cf. XVIII, v, 4. À peu près à l’époque où vivait Notre -Seigneur, deux courants contraires se manifestaient parmi les docteurs sur la question du divorce. Les uns tendaient à le rendre rare et difficile. Sous leur influence, on fixa l’usage du contrat de mariage assurant les droits de la femme et lui ménageant une indemnité en cas de divorce. Ketuboth, 82 b ; Schabbath, 14 b. Certains pharisiens en vinrent à dire : « L’autel lui-même pleure sur celui qui répudie sa femme. » Gittin, 10 b ; Sanhédrin, 22 a. Des deux grands docteurs célèbres au temps de Notre - Seigneur, Hillel et Schammaï, le second se montrait sévère sur la question du divorce, La’érvâh réclamée par Moïse ne pouvait plus être, d’après lui, que l’adultère. Jerus. Solah, ꝟ. 16, 2. On sait qu’alors la peine de mort avait cessé d’être appliquée pour ce crime. Joa., viii, 5-11. Un peu plus tard, Gamaliel, quoique petit-fils de Hillel, partagea les idées de Schammaï. Il voulut que la dissolution légale du premier mariage précédât la célébration du second, et à cette époque fut dévolu à la femme le droit au divorce, jusque-là réservé au mari. Yebamoth, 65 a, b ; Ketuboth, lia. Hillel, au contraire, et les docteurs de l’école opposée à la précédente, permettaient le divorce non seulement pour cause d’antipathie, mais encore pour les motifs les plus futiles : un plat mal préparé, un rôti brûlé, une maladresse, Gittin, IX, 10 ; la sortie delà femme non voilée, une parole adressée au premier venu, des secrets divulgués. Ketuboth, vii, 6. Le rabbi Akiba osa même autoriser le divorce en faveur du mari qui trouvait une autre femme plus belle que la sienne. Gittin, IX, 10. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, admet le divorce pour n’importe quelles causes, xa6’3 ; 8/ ; 7roToCv aîxîaç, et il ajoute ingénument que les hommes en trouvent à volonté. Lui-même déclare, Vit., 76, qu’il renvoya sa femme, déjà mère de trois enfants, mais dont les manières ne lui plaisaient pas, et qu’il en prit une autre. — Une fois l’acte de répudiation rédigé, et au besoin, sur la demande de la femme, enregistré aux archives du Sanhédrin, l’épouse répudiée était libre de se remarier, à moins que le mari n’eût inséré dans l’acte une clause destinée à l’en empêcher. Les enfants en bas âge restaient à la garde de leur mère, jusqu’à l’âge de six ans pour les garçons, à perpétuité pour les filles ; mais le père était obligé de pourvoir à leur entretien. Ketuboth, 65 b. Cf. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 148-151 ; Selden, Vxor hebraica, in-8°, Francfortsur-l’Oder, 1673, p. 309-396.

IV. D’après la loi évangélique. — La question du divorce, agitée en sens divers, fut portée devant le divin Maître par des pharisiens, qui lui demandèrent malicieusement s’il est permis de répudier sa femme pour n’importe quelle cause, xoexà rcàtrav œirîav. Matth., XIX, 3. C’est à peu près la formule que reproduit Josèphe. Notre-Seigneur établit par sa réponse trois points d’importance capitale en la matière. — 1° Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ils soient « deux en une seule chair » ; en principe, la femme ne peut donc pas plus se séparer de son mari pour se donner à un autre, que la chair ne peut être arrachée d’un corps pour faire partie d’un autre corps. De là la loi primitive : ( Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. » Matth., xix, 5, 6. L’union indissoluble des époux est donc une règle d’institution divine, datant de l’origine même du genre humain. — 2° À l’objection des pharisiens : « Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit l’acte de répudiation et le renvoi de la femme ? » NotreSeigneur répond que Moïse a donné cette permission à cause de la dureté du cœur des Israélites, mais qu’à l’origine il n’en a pas été ainsi. Matth., xrx, 7, 8. Le divorce, sous l’ancienne loi, a donc été un pis-aller ; on l’a permis pour empêcher les graves sévices et les haines homicides. Le divorce accuse ainsi une décadence morale par rapport à l’état primitif du genre humain. — 3° Le divin Maître formule ensuite la

loi qui devra désormais régir le mariage : « Quiconque renverra sa femme, sauf le cas de fornication (napexxô ; Xôyou rcopvei’aî, nisi ob fornicationem), et en épousera une autre, commet l’adultère, et celui qui épouse celle qui a été renvoyée commet l’adultère. » Matth., xix, 9. Il avait déjà dit, en une autre occasion : « Quiconque renverra sa femme, hormis le cas de fornication (mpextô ; X<Syov nopvEtaî, excepta fornicationis causa), lui fait commettre l’adultère, et celui qui épousera celle qui a été renvoyée commet l’adultère. » Matth., v, 32. L’incise napsxTo ; Xô-you itopviia ; ne se lit pas dans les passages parallèles de saint Marc, x, 11, et de saint Luc, xvi, 18, ni dans saint Paul, I Cor., vii, 10, 11. La défense de se remarier du vivant de sa première femme y est absolue. Les textes de saint Marc, de saint Luc et de saint Paul, ne peuvent être compris dans un autre sens. Celui de saint Matthieu serait en contradiction formelle avec eux si l’incise portait à la fois sur les deux verbes dimiserit et duxeril, ce qui signifierait que l’infidélité conjugale est le seul cas autorisant le divorce et le second mariage. On ne s’expliquerait pas alors que les autres écrivains sacrés aient passé sous silence un membre de phrase si capital. Mais la contradiction disparaît si l’effet de l’incise est restreint au premier verbe. Le sens est alors : « Celui qui renverra sa femme, [ce qui n’est permis qu’en cas de fornication, ] et qui en épousera une autre, commet l’adultère. » Ce sens est imposé par le contexte. Notre -Seigneur veut ramener la loi à sa perfection primitive ; or à l’origine la loi était absolue. « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. » L’homme le séparerait si, grâce à l’infidélité conjugale, il pouvait en venir au divorce et au second mariage, et, dans ces conditions, les paroles de Notre -Seigneur se contrediraient elles-mêmes. Les Apôtres comprennent fort bien qu’il y a dans la réponse du Sauveur un retour à l’austérité primitive de la loi conjugale, et ils en font la remarque : « Si tel doit être le cas de l’homme vis-à-vis de la femme, il n’y a pas d’avantage à. se marier, a Matth., xix, 10. Si Jésus-Christ avait permis le divorce dans le cas de l’adultère, il s’en serait tenu à la décision que préconisait Schammaï, et les auditeurs ne se fussent point étonnés. C’est parce qu’il va au delà, proscrit absolument le divorce et ne tolère la séparation qu’en cas d’infidélité de la part de l’épouse, que les Apôtres jugent le célibat d’un usage plus facile que le mariage. Saint Augustin, De adulter. conjug., i, 9, t. XL, col. 456, affirme que tel est bien le sens de la parole du Sauveur : « Il y aurait absurdité à nier qu’il y ait adultère à épouser celle que le mari a renvoyée pour cause de fornication, quand on taxe d’adultère celui qui épouse une femme répudiée sans qu’il y ait eu fornication. L’un et l’autre commettent l’adultère. Aussi quand nous disons : C’est être adultère que d’épouser la femme renvoyée par son mari sans qu’il y ait eu fornication, nous parlons de l’un des deux cas, sans nier pour~cela qu’il y ait adultère à épouser lafemme renvoyée pour cause de fornication. » En somme, il y a adultère dans les deux cas, avec cause atténuante dans le second. — Le mot uopveia, qui signifie « fornication » en général, ne peut vouloir dire ici qu’entre les époux en question il n’y a que fornication, parce que leur mariage n’est pas valide ; NotreSeigneur parle, en effet, d’épouse et non de femme libre. Il ne s’agit pas non plus de fornication antérieure au mariage. La rcopvsfoe n’est pas autre chose ici que l’infidélité conjugale gravement coupable, par conséquent l’adultère. Ainsi l’ont compris avec raison les Pères et les versions syriaque et éthiopienne, qui traduisent par « adultère ». Saint Augustin, De adult., ii, 4, t. XL, col. 473, résume clairement la doctrine du Sauveur en ces simples mots : « Il est donc permis de renvoyer l’épouse pour cause de fornication, mais le lien précédent subsiste, de telle sorte que c’est se rendre coupable d’adultère que d’épouser celle qui a été renvoyée même pour cause de forni

cation. » Cette interprétation a été fixée sans retour par le concile de Trente, sess. xxiv, cap. 7. Cf. Fillion, Saint Matthieu, Paris, 1878, p. 371-374 ; Knabenbauer, Evang. sec. S. Matlhxum, Paris, 1892, t. i, p. 225-230 ; t. ii, p. 140-145 ; Hurter, Theologise dogmaticæ compendium, Innsprùck, 1879, t. iii, p. 458-463 ; Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, 2 in-8°, Gand, 1884, t. ii, p. 480-488. V. Le cas de l’Apôtre. — On donne ce nom à la décision donnée par saint Paul, I Cor., vii, 12-15 : « Si un frère a une épouse infidèle (c’est-à-dire n’appartenant pas à la foi chrétienne), et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la renvoie pas. Si une femme fidèle a un mari infidèle, et qu’il consente à habiter avec elle, qu’elle ne renvoie pas son mari… Mais si l’infidèle s’éloigne, qu’il s’éloigne ; car ni un frère ni une sœur ne sont soumis à la servitude dans ce cas. » La servitude dont il s’agit est le lien matrimonial ; car telle est bien la servitude par excellence qui peut enchaîner un fidèle à un infidèle. Y a-t-il là une loi divine établie par Jésus-Christ et simplement promulguée par saint Paul, ou un privilège de droit humain formulé par saintPaul en faveur des Corinthiens, étendu ensuite à toute l’Église par l’autorité souveraine et impliquant un pouvoir de dissolution dévolu à cette autorité sur le mariage des infidèles ? Les théologiens discutent encore cette question, mais Benoît XIV, De synod., VI, iv, 3, est pour la première hypothèse. En vertu du principe posé par l’Apôtre, il est admis que le divorce n’est pas plus permis aux infidèles qu’aux autres ; que, quand l’un des deux époux devient chrétien, le mariage subsiste, à condition que la partie infidèle veuille vivre en paix avec le conjoint converti ; que, dans le cas contraire, le mariage est rompu, mais seulement au moment où le fidèle contracte une nouvelle union ; que la première union subsiste en droit, tant que le fidèle n’a pas contracté un nouveau mariage, même si l’infidèle en contracte un second ; que le fidèle ne peut cependant contracter une union nouvelle sans s’être authenliquement assuré que l’infidèle ne consent pas à vivre en paix avec son conjoint converti. Cf. Perrone, Prselect., t. IX, de matrimon. , ii, pr. 2 et 4 ; Gasparri, De matrimonio, Paris,

1893, t. ii, p. 244-277.
H. Lesêtre.
    1. DIZAHAB##

DIZAHAB (hébreu : Dizâhâb ; Septante : KaTotxP’Jiea ; Vulgate : ubi auri est plurimum), nom de lieu appartenant à la péninsule sinaïtique, mentionné une seule fois dans la Bible, Deut., i, 1, et de tout temps resté obscur. Les Septante et la Vulgale l’ont traduit en le décomposant d’après le chaldëen et l’hébreu : dî zàhâb, « qui a de l’or, doré, » ou « lieu de l’or ». Le Targum d’Onkélos a, comme la version latine, rapporté ces mots à Haséroth, avec une paraphrase relative au « veau d’or ». La Peschito en fait plus justement un nom propre ; dans le texte original, en effet, il est uni aux précédents par la conjonction vav, « et. » Il fait donc partie au même titre que Pharan, Thophel, Laban et Haséroth, des localités traversées ou habitées par les Hébreux avant leur campement dans les plaines de Moab, et désignées en abrégé dans le prologue du Deutéronome. Cependant on ne le trouve pas dans la liste des stations des Israélites au désert. Num., xxxiii. La courte énumération de Deut., i, 1, va en remontant la suite des stations, à partir des rives orientales du Jourdain jusqu’au Sinaï, ce qui place Dizahab au delà d’Haséroth, dont le nom survit encore aujourd’hui dans celui d’Ain el-Houdhérah, au nord-est du Djebel Mouça, sur la route d’Akabah. Aussi quelques auteurs, comme K. von Raumer, Palâstina, Leipzig, 1850, p. 443, l’identifient avec « les Sépulcres de concupiscence », qui viennent immédiatement avant dans la liste, Num., xxxiii, 17, et le mettent au sud-est d’Ain el-Houdhérah, à Dahab, sur le bord occidental du golfe Élanitique. Le lieu appelé en hébreu Qibrôt hatta’âvdh, « Sépulcres de concupiscence, » a été d’une manière plus vraisemblable

indiqué par les explorateurs anglais à Erouéis-el-Ebéirig, à quarante-huit kilomètres du Djebel Mouça. Mais, quoi qu’il en soit de l’assimilation proposée, un certain nombre de voyageurs et d’exégètes, à la suite de J. L. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, Londres, 1822, p. 523, ont cru reconnaître Dizahab dans le cap de Dahab (Mersa-Dahab ou Mina-Dahab, « havre d’or » ), que nous venons de mentionner. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1855, t. ii, p. 187, note 1 ; Gesenius, Thésaurus, p. 334. D’autres trouvent cette position trop loin vers le sud, et L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, Paris, 1841, p. 8, rejette cette hypothèse comme fondée sur un trop faible rapport onomastique. Au fait, nous ne sommes ici que dans les conjectures, et l’on se demande en outre si ce chemin n’offrait pas aux Israélites de grandes difficultés. Cf. Keil, Deuteronomium, Leipzig, 1870, p. 409.

A. Legendre.

DOCH (grec : Atox ; dans Josèphe : Aiytiv). La forme originale hébraïque ou araméenne semble avoir été Dûq ou Dûqâ, mot conservé en syriaque avec le sens de spécula, scopus, « lieu de garde. » — Ce nom, qui ne se lit qu’une seule fois dans la Sainte Écriture, désigne un petit fort (munitiuncula, J-^uptonaTcov), bâti par Ptolémée, fils d’Abob et gendre du grand prêtre Simon Machabée. Cet homme, lisons-nous I Mach., xvi, étant constitué par son beau-père Simon gouverneur du district de Jéricho, « son cœur s’enorgueillit, et il voulut s’emparer de [tout] le pays ; et il méditait une trahison contre Simon et contre ses fils pour les perdre. » Simon étant venu à Jéricho avec ses deux fils Mathathias et Judas, « le fils d’Abob les accueillit avec perfidie dans un petit fort appelé Doch, qu’il avait fait bâtir, et il leur prépara un grand festin… Et quand Simon fut enivré, ainsi que ses fils, Ptolémée se leva avec les siens…, et ils le tuèrent, ainsi que ses deux fils et quelques-uns de ses serviteurs. » ꝟ. 13-16. C’est ainsi que périt Simon, le dernier survivant des Machabées, fils de Mathathias, au mois de sebât de l’an 177 de l’ère des Séleucides, c’est-à-dire en février 135 avant J.-C. — Peu de temps après, Ptolémée fut assiégé dans son fort de Doch par un troisième fils de Simon, Jean Hyrcan, dont la mère était aussi tombée aux mains de Ptolémée. La piété filiale, qui amena Jean à entreprendre ce siège, le força aussi de le lever bientôt ; car Ptolémée fit flageller la mère sur les murs, et menaçait de l’en précipiter toutes les fois que Jean se préparait à donner l’assaut. Quand celui-ci se fut retiré, Ptolémée n’en finit pas moins par faire périr la mère. Mais, ne se croyant plus en sûreté à Doch, il se réfugia au delà du Jourdain, chez Zenon Corylas, tyran de Philadelphie (’Amman). Ces détails nous sont donnés par Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 1 ; Bell, jud., i, ii, 3-4.

Des savants du moyen âge ont cherché le petit fort de Ptolémée à quelques lieues au nord de Jérieho. Ainsi Brocard, Descriptio Terrm Sanctee, ch. vii, dans UgClini, Thés, antiq. sacr., t. vi, col. mxlii, le place à une lieue de Phasellum (Phasaëlis, Khirbel Fasâil). Cette opinion est suivie dans les cartes de l’époque. Celle de Marino Sanuto, publiée par Tobler, Descriptiones Terne Sanctse, Leipzig, 1874, a un Dotum au nord-est de Phasaëlis. Une autre carte, de l’an 1300 environ, conservée à Florence et reproduite par Rôhricht, dans la Zeitschrift des deutschen Pâlastina-Vereins, 1891, t. xiv, pi. i, montre au même endroit une localité qu’elle appelle Dothaim ; mais avec cette légende : Hic captus fuit Simon Machabeus, qui évidemment n’a rapport qu’à Doch. Il nous semble donc qu’ils ont cherché le fort de Ptolémée à Dômeh, qui est à huit kilomètres ouest-nordouest de Khirbet Fasâil. D’après Conder, Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 387 ; t. iii, p. 173, ils auraient eu en vue la haute montagne appelée Qurn Sartabeh. Mais peu importe ; car, en tous cas, ils se sont, égarés trop loin vers le nord. En effet, le texte sacré nous

mène plutôt dans le voisinage immédiat de Jéricho : « Simon… descendit à Jéricho… Et le fils d’Abob lès accueillit… dans un petit fort appelé Doch. » Là aussi le nom ancien est conservé dans celui du’Ain el-Dûq, source située à six kilomètres au nord-ouest du village actuel d’Irifyâ, au pied nord du Djebel el-Qaranfel, « montagne de la Quarantaine. » C’est par conséquent dans les environs de cette source que les savants modernes ont cherché l’emplacement de Doch. Malheureusement leurs descriptions, mises en regard l’une de l’autre, ne semblent pas assez claires. V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 218, décrit « des ruines voisines [de la source] » sous le nom de Khirbet Nasbeh ; Conder, Memoirs, t. iii, p. 173, 209, parle d’un Khirbet Abu Lahm, situé également « près de la source », ou plutôt sur une colline voisine dominant le sanctuaire musulman Maqâm Irnâm’Ali ; Clermont-Ganneau, Archœological Iiesearches in Palestine, Londres, 1896, t. ii, p. 21 ; cf. Conder, p. 231, indique une colline « d’une grande importance stratégique », dont la source « n’est pas loin », sous le nom de Muedden Eblâl, du à une légende musulmane, empruntée à l’histoire de Josué. L’imam’Ali, dans une bataille contre les infidèles, aurait fait retourner le soleil, prêt à se coucher, vers l’horizon oriental ; après quoi son serviteur Eblâl aurait donné sur ladite colline le signal (iddn) de la prière du matin. Il n’est pas impossible que les trois noms ne désignent qu’une seule localité. Mais, quoi qu’il en soit, nous préférons une autre hypothèse que Conder lui-même a mentionnée, Memoirs, t. iii, p. 205, comme une opinion « probable ». Il s’agit des restes d’une petite forteresse sur le sommet de la montagne de la Quarantaine, qui s’élève à 450 ou 500 mètres au-dessus de la plaine et à 114 mètres au-dessus de la Méditerranée. Ces ruines portent maintenant le nom de Tâhûnet el-Hawâ, a. moulin à vent. » Le fort était protégé an nord et au sud par des vallées à pente raide, à l’est par un précipice immense. À l’ouest un fossé en forme de croissant, mesurant de sept à huit mètres de large, a été taillé dans le roc pour séparer le fort du reste du sommet. Les fondations ne sont guère visibles, mais la construction paraît avoir occupe un rectangle d’environ cent mètres de long et quarante mètres de large. On y trouve aussi les restes d’une chapelle avec abside. Conder .pense que ces restes datent du moyen âge ; mais évidemment cela n’exclut pas une occupation antérieure.

Quant aux raisons qui nous font préférer cette dernière hypothèse, notons d’abord que les ruines près de’Aïn edDûq semblent répondre plutôt au village de Neâpx, mentionné par Josèphe, Ant. jud., XVII, xiii, 1, d’où Archélaùs, au moyen d’un aqueduc, tira l’eau nécessaire pour arroser ses plantations de palmiers dans la plaine ; quelques-uns l’identifient avec la Naaralha de Josué, xvi, 7, et avec le Noran de I Par., vii, 28. Voir Clermont-Ganneau, Researches, p. 21-22. — En second lieu, il y a des preuves certaines que la montagne de la Quarantaine a porté le nom de Dûq avant et après l’occupation arabe. Le fait est constaté par Clermont-Ganneau, Researches, p. 21, sur l’autorité d’un manuscrit arabe, qui le dit expressément, — et c’est en nous appuyant sur cette source, où le nom est écrit avec qof, que nous suivons la même orthographe pour le nom de la fontaine, quoique tous les auteurs récents que nous connaissons emploient le kaf. — La littérature chrétienne en fournit d’autres preuves. Au VIIIe siècle, saint Etienne le Thaumaturge habita quelque temps « les cavernes de Douka, toù Aouxâ » ; il y retourna quelques années plus tard, pour y passer quarante jours de jeûne en l’honneur de saint Sabas, en compagnie de quelques autres anachorètes, parmi lesquels se trouvait l’hagiographe Léonce, qui nous raconte les faits dans sa Vie de saint Etienne. Acta sanctorum, Paris, 1867, julii, t. iii, p. 540, 559. Il s.’agit évidemment des cavernes qu’on voit encore sur les lianes du Djebel cl-Qarantel, et dont quelques-unes, par leurs inscriptions

en couleurs et leurs fresques religieuses, gardent encore le souvenir des pieux solitaires d’autrefois. — Le nom se retrouve encore dans les Actes de saint Elpide, Actasanctorum, sept., 1. 1, p. 385 ; mais, par suite d’une confusion de deux lettres très semblables, À et A, il y est transformé en Aouxâ, et sous cette forme corrompue il a passé en latin dans VHistoria Lausiaca de Pallade, ch. cvi, Patr. lat., t. lxxiii, col. 1193. De fait, le saint abbé Elpide, au rv « siècle, avait déjà habité la même laure, et sous sa conduite il s’y était établi une nombreuse communauté d’anachorètes. Aussi dans le Pré spirituel, cuv (Patr. lat., t. lxxiv, col. 198), la laure porte tout simplement le nom du saint. Et comme elle retenait en même temps le nom de « la laure de Dùq » (toj Ao-jxâ, toî) Aovxô ; [ ?]), des moines postérieurs ont fini par y reconnaître le mot SoOÇ (dux, « chef d’armée » ), et en faire une épithète de saint Elpide. En effet, le biographe anonyme de saint Chariton nous raconte, Acta Sanctorum, sept., t. vii, p. 578, que saint Elpide « avait reçu le nom de 600Ç, parce qu’il avait pris le commandement de la laure comme un 8001 ; , en la défendant contre les attaques des Juifs d’une localité voisine, appelée Noepôv » : ce dernier nom rappelant sans doute la Neapà de josèphe, dont nous avons parlé. Il paraît donc établi que la montagne de la Quarantaine, avant de recevoir son nom moderne d’origine franqué, portait le nom de Dûq, qui est resté attaché depuis à la source qui en baigne le pied. Ce point étant admis, il est difficile de ne pas retrouver l’ancien château de Doch dans le fort dont le sommet garde les ruines.

J. van Kasteren.

DOCTEUR DE LA LOI. Voir Scribe.

    1. DODANIM##

DODANIM (hébreu : Dôdânim, G tn., X, 4 ; Iïôdânîm, I Par., i, 7 ; Septante : T<S8toi, dans les deux passages), quatrième fils de Javan, fils de Japheth. Gen., x, 4 ; I Par., i, 7. La forme plurielle indique un nom ethnique, celui d’une peuplade descendant de Javan, père des Ioniens ou des Grecs. Mais quelle est cette peuplade ? La difficulté d’une détermination précise vient des divergences du texte sacré, et les opinions émises à ce sujet roulent autour des deux variantes que nous allons expliquer.

I. Variantes du texte. — L’hébreu massorétique porte o>rn, Dôddnîm, dans la Table ethnographique, Gen.,

x, 4. La critique des manuscrits signale à peine deux ou trois exceptions présentant Rôdânîm. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebr. cum variis lectionibus, Oxford, 1776, t. i, p. 15 ; J. B. de Rossi, Varix lectiones Vet. Testant., Parme, 1784, t. i, p. 13. Mais au premier livre des Paralipomènes, i, 7, le texte actuel offre D>rm,

Rôdânîm. Cependant un assez grand nombre de manuscrits et d’éditions ont Dôdânim, comme la Genèse. Cf. B. Kennicott, Vet. Test., t. ii, p. 644 ; J. B. de Rossi, Variée lect., t. iv, p. 168. La confusion entre le i, daleth, et le i, resch, se comprend facilement et se retrouve en maint endroit de la Bible. Faut-il l’admettre pour la leçon des Paralipomènes, et les textes opposés sont-ils une correction inspirée par celui de Moïse ? Nous n’avons aucun élément certain pour trancher la question ; nous ne pouvons que constater les données positives des documents. Les versions anciennes sont elles-mêmes en désaccord et sont partagées entre les deux variantes. On trouve ainsi : dans le Targum d’Onkelos, Dôdânim ; dans la Peschito, Dûdânîm, Gen., x, 4, et I Par., 1, 7 ; dans la Vulgate, Dodanim ; dans le Targum de Jonathan ben Uziel, N’JTii, Dôrdanyâ’; tandis qu’on lit Rôdânîm

dans le samaritain, et que les Septante, dans les deux endroits, portent’Pôêiot, sans variantes, à deux exceptions près, AwSavetpt, AuSaviv. Cf. R. Holmes et J. Parsons, Vêtus Testam. grsecum cum variis lect., Oxford, 1798-1824, t. i et u (sans pagination) ; H. B. Swete, The

Old Testament in Greek, Cambridge, 1895, t. i, p. 15 ; t. ii, p. 1. En somme, ces autorités comparées et additionnées sembleraient faire pencher la balance en faveur de Dôdânîm. Malgré cela, les exégètes, comme nous allons le voir, ont gardé à Rôdânîm son degré de probabilité.

11. Identifications. — « Aux deux lectures Dôdânîm et Rôdânîm se rattachent deux systèmes d’interprétation anciens du quatrième fils de Yàvàn, entre lesquels la entique contemporaine hésite encore et ne saurait se prononcer d’une manière absolument affirmative, car tous les deux sont en mesure de faire valoir de sérieux arguments en leur faveur. » F. Lenormant, Les origines de l’histoire, Paris, 1884, t. ii, 2 « part., p. 143.

1° Dôdânîm = Dardaniens. — Le premier système est celui de Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1850, p. 104-109, d’après le Targum de Jonathan ben Uziêl et le Talmud de Jérusalem, Megillah, i, fol. 11, qui rendent Dôdânîm par Dardanya, c’est-à-dire les Dardaniens. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 424. Au point de vue linguistique, on explique l’assimilation par la contraction assez fréquente en hébreu et en phénicien de la syllabe ar en ô. On cite particulièrement, en hébreu, la forme verbale irrégulière ye’ô'êrû, pour ye’ar’ërû, de’ûr, « éveiller, exciter, » dans Is., xv, 5, celle de hasâsêr pour hasarder (d’où hasôsrâh, « trompette » ), d’un verbe hâsar ; enfin Je nom géographique Arô’êr, contracté de’Arar’ér ( de’ârar), qui conserve encore ses trois r dans la transcription égyptienne du temps de Thotmès III, Harhorar. En phénicien, le nom lyarba’al, transcrit en latin Jarbas, Hiarbas, se contracte en Yoba’al, lobai, Jubal. On trouve de même Bomilcar pour Barmilcar, Himilco pour Himilcar, comme Auvergne vient de Arverni. Historiquement l’identification présenterait assez de vraisemblance. Les Dardaniens sont un des grands peuples de la haute antiquité. Nous les voyons des deux côtés de l’Hellespont, une partie ayant franchi ce détroit et passé en Asie Mineure, tandis qu’une autre restait en arrière sur le sol de l’Europe. Cette dernière nation, sauvage et guerrière, Strabon, vii, p. 316, habitait le sud-ouest de la Mysie européenne ou Mœsie, touchant à l’est aux Thraces, au sud aux Macédoniens et aux Péoniens, et s’étendant sur une partie de l’Illyrie. Ceux d’Asie Mineure, dont Diodore de Sicile, v, 48, affirme la parenté avec ceux d’Europe, disparurent de bonne heure comme peuple distinct, mais après avoir atteint un bien autre degré de civilisation et d’importance. Au temps de Strabon, xii, p. 565 ; xiii, p. 596 et 606, le peuple dardanien de Troade et son canton de Dardania n’étaient plus qu’un souvenir, et les limites du canton, situé au nord d’ïlion, n’étaient pas très exactement définies. Mais la mémoire s’en perpétuait dans le promontoire Dardanis ou Dardanion et dans la ville éolienne de Dardanos, d’après laquelle, à son tour, le détroit des Dardanelles a reçu le nom qu’il porte encore aujourd’hui. — On objecte à cette opinion que les Dardaniens sont un peuple thraco-illyrien, et non pas gréco-pélasgique. Par leurs affinités ethniques, ils devraient donc appartenir à la descendance de Gomer, non à celle de Javan. Le peuple dardanien est un frère d’Ascenez ou des Phrygiens, et il est difficile de croire que ce n’est pas ainsi que l’aurait représenté l’auteur de la Table ethnographique, s’il l’avait compris dans ses généalogies. Cf. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2° part., p. 142-153. Cette hypothèse est admise par Gesenius, Thésaurus, p. 1266, et Frz. Delitzsch, Neuer Commentar ûber die Genesis, Leipzig, 1887, p. 208. Malgré ses difficultés, elle est certainement préférable à celle de J. D. Michælis, Spicilegium geogr., t. I, p. 120 ; de Rosenmùller, Bibl. À Iterthumskunde, t. i, 1° part., p. 225, et dé Krûcke, Erklârung der Vôlkertafeln, p. 34 (cf. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, p. 105), qui proposent un rapprochement entre Dô dânîm et Dodone, la célèbre ville d’Épire, comme étant le plus ancien centre religieux et national des Hellènes proprement dits. Le chapitre x de la Genèse désigne des peuples ou des pays, et non pas de simples localités de ce genre. Ensuite il nous montre les fils de Javan habitant les îles et les côtes de la Méditerranée plutôt que les régions continentales.

2° Rôdânîm — habitants de Rhodes. — Le second système se rattache à la leçon Rôdânîm et’/oit dans ce peuple les habitants de l’Ile de Rhodes, comme les Septante, qui ont traduit par’PôStot, et saint Jérôme, Liber hebr. qusestionum in Genesim t. xxiii, col. 952, qui explique le nom par Rhodii. Il semble s’accorder mieux avec le texte biblique, qui, par l’expression Kiffîm ve-Rôdânim, indique un lien spécial et étroit entre ces deux groupes géographiques, c’est-à-dire Chypre et Rhodes. Le peu de place que cette dernière lie tient sur la carte ne saurait être, comme l’a pensé Bochart, Phaleg, lib. iii, cap. vi, Cæn, 1646, p. 181, un obstacle à ce qu’elle figure à elle seule sous un nom particulier dans la généalogie des fils de Javan. Elle a pu devoir ce privilège à son importance historique de premier ordre dans les annales primitives des contrées grecques. Dès le temps de la composition des poèmes homériques, occupée par des Doriens, elle constituait un des principaux États helléniques. Strabon, xiv, p. 654, parle du développement de ses colonies et navigations commerciales jusque dans le lointain occident, longtemps avant celles de la plupart des autres cités de la Grèce. Mais son insertion dans la Table ethnographique serait surtout justifiée par ce fait que la grande île de la côte de Carie a été de très bonne heure connue et fréquentée par les Phéniciens. Elle devint même le siège d’un de leurs principaux et de leurs plus anciens établissements dans les mers grecques. On peut voir dans F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e part., p. 155-165, le fondement de ces rapports historiques entre les Phéniciens et l’île de Rhodes. Outre ce dernier savant, plusieurs auteurs admettent cette opinion, entre autres J. Halévy, Recherches bibliques, Paris, 1895, t. i, p. 261, et A. Dillmann, Die Genesis, 6e édit., Leipzig, 1892, p. 177, quiétend les Rôdânîm d’une façon générale aux habitants des lies de la mer Egée. — La même leçon Rôdânîm a fait naître une autre hypothèse que nous ne nous arrêterons pas à discuter, car elle est universellement rejetée : c’est celle de Bochart, Phaleg, lib. iii, cap. vi, p. 183-188, qui reconnaît ici les habitants des embouchures du Rhône, Rhodanus ; elle est historiquement et géographiquement impossible.

A l’identification Rôdânîm = Rhodiens on objecte l’ignorance où nous sommes du nom primitif de l’île, puis le manque de pleine conformité entre les deux mots, puisque le noun ou l’ra de Rôdânîm fait délaut dans Rhodes, Rhodii. Un commentateur récent, F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 311, qui formule cette objection, préfère, à cause de la correspondance exacte entre les noms, assimiler les fils de Javan dont nous parlons aux Rotennu, qui payèrent tribut aux pharaons de la XIXe à la XXI » dynastie, et, au temps de Thotmès III, possédaient plusieurs villes confédérées depuis les rives de l’Oronte jusqu’au torrent de Cison et de là jusqu’à l’Euphrate. Les Rtnu, Rotanou ou Lotanou, sont, en effet, les Syriens du nord ; cf.W. Max Mùller, Asien und Europa nach altâgyptischen Senkmâlern, Leipzig, 1893, p. 143-147. Mais les égyptologues et les exégètes ne sont pas d’accord pour savoir quel peuple biblique ils représentent. Les uns ont pensé aux Ludim, Gen., x, 13 ; d’autres à Lud, fils de Sem, Gen., x, 22 ; d’autres à Lotan, fils d’Édom. Gen., xxxvi, 20, 22. On les a ainsi rattachés tantôt à la race de Cham, tantôt à celle de Sem, plutôt qu’à celle de Japheth. Cette opinion d’ailleurs est-elle bien conciliable avec l’ensemble et la nature des territoires assignés par l’Écriture aux fils

de Javan, Gen., x, 4, 5 ? Elle se heurte à des difficultés « thnographiques et géographiques qui ne sont pas clairement

élucidées.
A. Legendre.
    1. DODAU##

DODAU (hébreu : Dôdâvâhû ; Septante : AwSt’a), père du prophète Éliézer de Marésa, qui vécut sous Josaphat. H Par., XX, 37. D’après une tradition juive, Dodaù était fils de Josaphat. S. Jérôme, Qusest. hebr., in Par., t. xxiii, « ol. 1393.

DODD "William, théologien protestant, né en juin 1729 à Bourne, dans le Lincolnshire, mort le 27 juin 1777. Il fit ses études à Cambridge, où il publia quelques poèmes facétieux, puis vint à Londres, et épousa, le 15 avril 1751, Mary Perkins, dont le luxé et la folle dépense lui furent fatals. Entré dans les ordres le 19 octobre 1751, il se fit vite une grande réputation comme prédicateur, tout en publiant certains écrits d’un caractère peu ecclésiastique, et en s’abandotinant de plus en plus à ce penchant pour les plaisirs mondains et pour la prodigalité, qu’il partageait avec sa femme. Il s’occupait néanmoins activement de plusieurs travaux fort sérieux, et surtout d’un commentaire de la Bible, ouvrage de mérite, qu’il fit paraître d’abord par semaines et par mois, en 1765, et qu’il réunit ensuite en trois volumes in-folio. Mais il fit des dettes, et sa position empira de plus en plus. Après de nombreuses aventures, il finit par faire un faux pour se procurer de l’argent : le 1 er février 1777, il signa une traite du nom de son ancien élève, Philippe Stanhope, devenu lord Ghesterfield, et se procura ainsi une somme de quatre mille deux cents livres. La fraude ne tarda pas à être découverte, et, malgré les efforts que l’on fit pour le sauver, il fut arrêté, jugé, condamné à mort, et exécuté le 27 juin 1777. Parmi ses nombreux écrits, le plus célèbre est À new commentary of the Bible, 3 in-f », Londres, 1765-1770, qu’Adam Clarke disait, non sans exagération, être le meilleur commentaire qu’on eût publié en anglais. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 152. A. Regmer.

DODDR1DGE Philip, théologien anglais non conformiste, né à Londres le 26 juin 1702, et mort à Lisbonne le 26 octobre 1751. Son éducation fut commencée par sa mère, qui lui enseigna l’histoire sainte d’après les peintures de la cheminée. Il étudia d’abord à Londres, puis à Saint-Albans. Il suivit les leçons du ministre presbytérien Samuel Clarke, puis de Jennings, qui professait une grande indépendance de doctrine. Il succéda à ce dernier comme professeur à Kibworth, où il exerça « n même temps les fonctions de prédicateur, de 1723 à 1729. À cette époque, il alla enseigner la théologie à Harborough, et peu après fut nommé prédicateur à Northampton. Mais sa sauté l’obligea de se retirer à Lisbonne, où il mourut. On lui a reproché d’avoir trop écrit. Citons parmi ses œuvres : The family Expositor. Or, a paraphrase and version of the New Testament, with critical notes and a practical improvement of each section disposed in order of an harmony, 3 in-f°, Londres, 1738. A. Régnier.

    1. DÔDERLEIN Johann Christoph##

DÔDERLEIN Johann Christoph, théologien luthérien, né àWindheim en Franconie, le 20 janvier 1745, mort à léna le 2 décembre 1792. Il fit ses études à l’université d’Altorf, où il devint professeur de théologie, en 1772. De là il passa en la même qualité à léna, où il demeura jusqu’à la fin de sa vie. Il fut un des pères du rationalisme en Allemagne. Voir Am. Saintes, Histoire du rationalisme, 2e édit., Hambourg, 1843, p. 169-170. Parmi ses ouvrages, on remarque : Esaias ex recensione textus hebraici, in-8°, Altorf et Nuremberg, 1775, 1778, 1780, 1789 ; Die Sprûche Salomonis ûbersetztund mit Anmerkungen, in-8°, Altorꝟ. 1778, 1782, 1786 ; Das hohe Lied, -in-8°, léna, 1781, 1792, etc. Il édita avec des additions î

les tomes il et m des Annotationes de Grotius in Vêtus Testamentum, in-4°, Halle, 1775-1776, et publia Annotationum in Velus Testamentum auctuarium in libros poeticos, in-4°, Halle, 1779. Son édition de la Bible hébraïque mérite aussi d’être mentionnée : Bïblia hebraica, olim ab Chr. Beineccio édita et ad optimos codices recensita, nunc denuo édita a J. C. Dœderleinio et J. H. Meisner, in*, Leipzig, 1793 ; Halle, 1818. Il faut enfin citer celui de ses ouvrages qui eut le plus de succès en Allemagne et où il enseigne qu’on doit expliquer les Écritures d’après la seule raison : Institutio theologi christiani in capitibus religionis theoreticis nostris temporibus accommodata. Pars I », Altorꝟ. 1780. Pars ii », in-8°, Altorꝟ. 1781. Réimprimé en 1781, 1784, 1787 et 1797. — Voir H. Dôring, dans Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopàdie, sect. î, t. xxvi, 1835, p. 251-255.

DODO (hébreu : Dôdô), nom de trois personnages. Ce nom propre se trouve déjà sous la forme Dûdu dans les tablettes cunéiformes de Tell el-Amarna, antérieures à l’exode. Becords of the past, nouv. série, t. iii, p. 57.

1. DODO (Septante : TtaTpiSAcpo ; aù-roû ; Vulgate : patruus Abimélech), père de Phua et grand-père ou ancêtre de Thola, juge d’Israël, de la tribu d’Issachar. La Vulgate, en suivant lés Septante, a pris Dôdô de l’hébreu pour un nom commun, c oncle paternel, » et elle insère ici le nom d’Abimélech pour donner un sens à la phrase.

2. DODO (Septante : AouSi et AwSios ; Vulgate : patruus ejus), père d’Elchanan de Bethléhem, un des ïàlisim, « officiers supérieurs » de l’armée de David. II Reg., xxiii, 24 ; I Par., xi, 26. Voir t. î, col. 977.

3. DODO (Septante : AioSîa ; Codex Alexandrinus : Awæa), père d’Éléazar, un des quatre gibborîm, qui avaient l’emploi de sâlisîm en chef. I Par., xi, 25. La Vulgate a pris le mot Dôdô pour un nom commun : patruus ejus, « son oncle. » Au passage parallèle, II Reg., xxiii, 9, le texte hébreu porte : au ketib, Dodoy, et au keri, Doday. D’après I Par., xi, 12, c’est Dodo qu’il faut lire. Les Septante ont traduit d’abord le nom comme un nom commun, puis on l’a ajouté comme un nom propre : vl’iç Tta-paSéXyou aù-roO, u : b ; AouSi. Dans’I Par., xxvii, 4, il est dit que le chef de la garde royale pendant le second mois était Doday (Vulgate : Dudia) l’Ahohite ; en rapprochant ce texte des deux précédents, on constate qu’il a dû être altéré, et qu’il devait porter originairement : Éléazar, fils de Dodo l’Ahohite. E. Levesque.

DŒG (hébreu : Dô’êg ; Septante : Aw^x), serviteur de Saûl, que la Vulgate qualifie d’iduméen, tandis que les Septante et Josèphe après eux, Ant. jud., VI, xi, 1, l’appellent Syrien, c’est-à-dire Araméen, par suite du changement du d en r. Il était le chef des bergers de Saûl, I Reg., xxi, 7, et l’un de ses principaux serviteurs. I Reg., xxii, 9. Les Septante, par une fausse interprétation, lui donnent, I Reg., xxi, 7, le titre de « gardien des mules de Saül ». — Doeg se trouvait dans le Tabernacle, à Nobé, le jour où David, fuyant définitivement la cour de Saül pour sauver sa vie, vint demander au grand prêtre Achimélech quelques aliments pour lui-même et pour ses compagnons, et en reçut, avec les pains de proposition, l’épée de Goliath. La Vulgate dit que Doeg « était dans l’intérieur du Tabernacle du Seigneur ». I Reg., xxi, 1 -D. L’hébreu et les autres versions diffèrent de la Vulgate en cet endroit ; ils portent : « Il y avait un homme (Doeg) lié devant le Seigneur. » Les exégètes ont exprimé divers sentiments sur la raison pour laquelle Doeg était ainsi « lié » ou « retenu » dans le Tabernacle. Les uns ont pensé qu’il y accomplissait quelque purification légale, les autres qu’il était venu pour s’acquitter d’un vœu, cf. Act., xju, 26 ; d’autres, qu’il était soupçonné d’être

lépreux, Lev., xiii, 4-5, ou qn’il avait quelque maladie dont il demandait la guérison. Voir Cornélius a Lapide, Comment., t. iii, Paris, 1895, p. 396. Les traducteurs alexandrins paraissent croire qu’il avait fait un vœu de Nazaréen : (mvexôpevoc Nes<r<rapàv Ivcamov Kupïo’j. — Quoi qu’il en soit, Doeg observa tout ce qui se passait et garda bon souvenir de ce qu’il avait vu et entendu pour en faire usage à l’occasion. Cf. I Reg., xxii, 22. Cette occasion ne tarda pas à se présenter. Saül avait appris que David, ayant réuni autour de lui quatre cents hommes, s’approchait à la tête de cette troupe. I Reg., xxii, 2, 5-6. Il se plaignit un jour amèrement à ses officiers qui l’entouraient de ce qu’aucun d’eux ne l’informait des menées du fils d’Isaï. Alors, pour faire acte de bon courtisan ou pour perdre David, ou plutôt pour ces deux motifs à la fois, Doeg raconte au roi ce dont il avait été témoin à Nobé, en commençant par le récit d’un fait qui n’est pas rapporté I Reg., xxi, 1 : c’est que le grand prêtre Achitnélech avait consulté le Seigneur au nom de David. 1 Reg., xxii, 6-10. L’Iduméen pensait avec raison que c’était là le grief le plus grave aux yeux de Saül ; Saûl rie pouvait redouter rien tant que de voir le Seigneur rendre quelque oracle en faveur de celui qu’il regardait comme un rival acharné à sa perte. I Reg., xxil, 13. On a prétendu que Doeg avait calomnié David et Achimélech en ce qui regarde la consultation divine ; mais Achimélech, à qui il était si facile de se justifier sur ce point, le confirme indirectement. I Reg., xv, 15. Le résultat du rapport de Doeg fut que Saùl, ayant mandé à Gabaon Achimélech et les prêtres de sa famille, ordonna à des « coureurs » (voir ce mot, col. 1080) de les tuer tous. Cf, IV Reg., x, 25. Mais les coureurs se refusèrent à cette exécution barbare, et le roi commanda à Doeg de les immoler lui-même. L’Iduméen, qui les avait dévoués à la vengeance de Saûl, ne pouvait reculer ; il massacra donc ces prêtres au nombre de quatre-vingt-cinq, probablement avec l’aide de ses serviteurs. Cette horrible boucherie fut suivie d’une autre plus horrible encore ; on fit périr à Nobé tout ce qui avait vie : hommes, femmes et enfants et jusqu’aux animaux. 1 Reg., xxii, 16-19. Abiathar, fils d’Achimêlech, put cependant échapper au massacre, et il vînt apporter à David cette nouvelle. David, qui connaissait Doeg, ne fut pas surpris de sa conduite ; il avait prévu, en le voyant entrer dans le Tabernacle, à Nobé, qu’il le dénoncerait. I Reg., xxii, 20-22. La douleur et l’indignation qu’il éprouva à cette nouvelle lui inspirèrent le Psaume ii, qui commence par cette vive apostrophe à Doeg : « Quid gloriaris in malitia, qui potens es in iniquitate ? » Les Pères ont vu dans Doeg une figure du traître Judas et des impies, persécuteurs des justes et des amis de Dieu. S. Augustin, In Ps. li, 3, 13, t. xxxvi, col. 601 et 608. E. Palis.

DOIGT. Hébreu : ’ésba’; Septante : SbxtuXoç ; Vulgate : digitus.

1. DOIGT, l’une des cinq parties articulées qui terminent la main. — 1° Dans le sens propre. L’Écriture mentionne un guerrier philistin de Geth, qui avait six doigts à chaque main et à chaque pied. II Reg., xxi, 20 ; I Par., xx, 6. — Dans les cérémonies du Temple, les prêtres trempaient leur doigt dans le sang des victimes pour en toucher ensuite les cornes de l’autel ou faire des aspersions. Exod., xxix, 12 ; Lev., iv, 6-34 ; IX, 9 ; xiv, 16, 27 ; xvi, 14, 19 ; Num., xix, 4. — Il est encore question des doigts de l’épouse, qui sont pleins de myrrhe, Cant., v, 5 ; des doigts des idoles, qui ne servent de rien, comme s’ils n’existaient pas, Sap., xv, 15 ; des doigts mystérieux qui écrivent sur la muraille du palais de Baltassar, Dan., v, 5 ; du doigt avec lequel Notre-Seigneur guérit le sourd, Marc, vii, 33, et écrit par terre, Joa., vin, 6 ; du doigt de Lazare, dont le damné attend en vain un léger rafraîchissement, Luc, xvi, 24 ; des doigts

que saint Thomas est invité à mettre dans les plaies du Sauveur. Joa., xx, 25. — Certains mouvements des doigts marquent la duplicité, Prov., vi, 13, ou la moquerie. Is., lviii, 9. — 2° Dans le sens figuré, le doigt se prend en hébreu pour la main, qui représente elle-même la puissance de Dieu ou l’activité de l’homme. Ainsi c’est le doigt de Dieu qui fait les cieux, Ps. viii, 4 ; qui se manifeste par des prodiges, Exod., viii, 15 ; qui écrit les tables de la loi, Exod., xxxi, 18 ; DeuV, ix, 10 ; qui chasse les démons. Luc, xi, 20. Le doigt de l’homme fabrique des idoles. Is., ii, 18 ; xvii, 8. Roboam dit aux Israélites que son petit doigt, qotén, de qâtan, « petit, » sera plus gros que les reins (le dos) de son père, pour indiquer que sa main sera beaucoup plus lourde, ses exigences beaucoup plus onéreuses que celles de Salomon. III Reg. r xii, 10 ; Il Par., x, 10. Former les doigts à la guerre, c’est donner à quelqu’un le courage et l’habileté militaires. Ps. cxliv (cxliii), 1. On lie la loi à ses doigts pour que l’esprit ne l’oublie pas et que la main l’exécute toujours. Prov., vii, 3. Ne pas toucher un fardeau du bout des doigts, c’est se refuser à tout acte de vertu pénible. Matth., xxiii, 4 ; Luc, xi, 46. Les versions se servent même du mot « doigt » dans quelques passages où l’hébreu parle de « main ». Jud., xviii, 19 ; Job, xxi, 5 ; xxix, 9 ; Prov., xxxi, 19 ; Is., ux, 3. Elles disent aussi que le Seigneur « prend la terre avec trois doigts », là où l’hébreu porte : « Il mesure la terre avec un Mltt. » ls., XL, 12. Le SâlîS est le tiers de l’éphi. Voir Éphi.

H. Lesêtre.

2. DOIGT, mesure de longueur. — Dans le texte hébreu, le’ésba’ne désigne une mesure proprement dite que dans un seul passage. Jer., lii, 21. Ce prophète nous apprend que les colonnes du Temple de Jérusalem, Jachin et Booz, qui étaient creuses à l’intérieur, avaient quatre doigts d’épaisseur de métal. La mesure ainsi nommée était égale au quart du téfafy ou palme, et équivalait à l’épaisseur du doigt (environ m 0218). Voir Coudée, col. 1060. Maimonide, Mischné Thora, II, iii, 9, 9, dit que 1’'ésba’est égal à la longueur de sept grains d’orge moyens. — Deux fois, la Vulgate traduit le mot téfafy par « quatre doigts ». Exod., xxv, 25 ; xxxvii, 12.

H. Lesêtre.
    1. DOLFINI Jean-Antoine##

DOLFINI Jean-Antoine, dit de Casalmaggiore, bien qu’il soit né à Pomponesce, en Lombardie, après avoir fait ses humanités à Crémone, étudia à l’université de Bologne, et là revêtit l’habit des Mineurs Conventuels. Son assiduité à l’étude lui imposait des veilles prolongées, en raison desquelles on le surnommait « Mezza nolte ». Il fut appelé en qualité de théologien au concile de Trente, par Paul III. Ses confrères l’élurent provincial de Bologne, en 1546. L’université de la même ville le réclama pour professeur de physique, en 1553. Il fut élu général de son ordre en 1559, et il conduisait ses sujets « avec un fil de soie, tant était suave et forte sa douceur », lorsque la mort vint le leur enlever, à Bologne, le 5 septembre 1560. Il a laissé : Commentaria in Epistolam ad Hebrseos, in-8°, Rome, 1587 ; Commentaria in Evangelium S. Joannis, opéra et cum additionibus cardinalis Sarnani, in-8°, 1587. — Sbaraglia fait observer que Possevin, Wadding et Jean de Saint-Antoine ont fait de cet auteur deux personnes différentes, sous les noms d’Antoine et de Jean-Antoine, celui-ci étant le véritable. On l’appelle aussi Delphini et Dauphin.

P. Apollinaire.

    1. DOMESTIQUE##

DOMESTIQUE (<> oêxei’o ; ), celui qui lait partie de la maison. Ce mot, dans l’Écriture, ne désigne pas un serviteur, comme en français, mais quiconque fait partie de la maison (bêt, oixtf ; ), soit enfant, fils et fille, soit esclave. II Sam. (II Reg.), xvi, 2 ; Prov., xxxi, 15, 21 ; Eccli., rv, 35 ; vi, 11 ; xxx, 2 ; xxxii, 26 ; Is., iii, 6 ; Mich., vi, 6 ; Matth., x, 25, 36 (oîxiaxô ; , « celui qui est soumis à l’autorité du père de famille » ) ; Act., x, 7 (ohiÉTri ; , mot qui signifie quelquefois spécialement un esclave. Luc, 1463 DOMESTIQUE — DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES Stes ÉCRITURES 1464

xvi, 13 ; Rom., xiv, 4 ; I Pet., ii, 18) ; Rom., xvi, 5 (xat’oïxov) ; 1 Cor., xvi, 19 (xat’olxov) ; Gal., vi, 10 ; Ephes., Il, 19 ; I Tim., v, 8. Les chefs de famille doivent prendre un soin particulier de tous ceux qui appartiennent à leur maison, spécialement de leur salut. Gal., vi, 10 ; I Tim., v, 8.

    1. DOMINICAINS##

DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES

SAINTES ÉCRITU RES. — L’ordre a été fondé en 1216, par saint Dominique, sous le nom de Frères Prêcheurs, pour la défense de la foi catholique, avec, pour mission principale, la prédication et l’enseignement des sciences sacrées. Il a exercé au moyen âge une prépondérance marquée dans le domaine intellectuel, étant le premier institut établi dans l’Église avec une mission spécifiquement doctrinale. On peut répartir son action dans l’histoire de la Bible en deux périodes : 1° le moyen âge ; 2° la Renaissance et les temps modernes.

I. Moyen âge. — I. place de la bible dans l’osdre.

— Le couvent dominicain étant conçu comme un groupe essentiellement scolaire en vue de la diffusion de la science sacrée, chaque couvent possède un docteur ou lecteur, chargé de lire et commenter le texte des Écritures aux religieux et aux étudiants du dehors. La Bible au moyen âge est le texte officiel de la théologie, et il en est pareillement dans les écoles dominicaines. Dans quelques grands couvenls, spécialement à Paris, où les écoles furent incorporées à l’Université dès 1229 (Revue thomiste, t. iv, 1896, p. 153), les écoles portent le titre de studia generalia, ou hautes études. Les maîtres qui y enseignent sont les plus célèbres, et leurs leçons forment les meilleures productions scripturaires du temps. Les Postilles de Hugues de Saint -Cher représentent Je type des leçons sur la Bible à l’Université de Paris pendant la première moitié du xme siècle, les commentaires de saint Thomas et d’Albert le Grand montrent ce que cet enseignement est devenu dans la seconde moitié du siècle ; il s’est d’ailleurs maintenu sous la même forme pendant les siècles suivants. Le caractère relevé des leçons scripturaires des maîtres dans les studia generalia nécessita l’adjonction d’un auxiliaire destiné à donner aux commençants une connaissance d’ensemble mais élémentaire du texte de la Bible ; ce furent les baccalaurei biblici. Denifle, Rev. Thom., t. ii, 1894, p. 149. Cette institution fut introduite vers la fin du xin » siècle dans les couvents importants qui n’étaient pas des studia generalia, mais auxquels on donnait le nom de studia solemriia. Ces sortes de maîtres en second y furent appelés lectores biblici. Douais, Essai sur l’organisation des études dans l’ordre des Frères Prêcheurs, in-8°, Paris, 1884, p. 116.

Une culture biblique aussi intensive (car tous les religieux d’un couvent, même le prieur, étaient tenus d’assister aux leçons) conduisit comme conséquence naturelle les Dominicains à introduire avec surabondance les citations de l’Écriture dans toutes leurs productions littéraires, spécialement dans leurs ouvrages théologiques et leurs sermons. La tendance est d’ailleurs générale au moyen âge. Mais il semblait alors qu’il ne pouvait pas y avoir d’excès dans l’usage de la parole de Dieu.

L’usage incessant que les Dominicains durent faire de la Bible dans leurs écoles et la prédication les conduisit de très bonne heure à entreprendre de grands travaux dans le domaine scripturaire, et leur action se trouve marquer le point initial des principales directions dans lesquelles ont été engagées les sciences bibliques. Aussi le savant barnabite L. Ungarelli a-t-il pu écrire : « L’on peut dire que les bibles latines, manuscrites ou imprimées, depuis le milieu du xm « siècle jusqu’au concile de Trente, furent infiniment redevables aux travaux assidus et éclairés des Frères Prêcheurs. » Anal, juris pontif., 1852, col. 1321. Et son disciple, le P. Vercellone : « C’est a l’ordre dominicain que revient la gloire d’avoir, le pre mier, renouvelé dans l’Église les exemples illustres d’Origène et de saint Jérôme par le culte ardent de la critique sacrée. » Dissert, acad., in-8°, Rome, 1864, p. 48.

II. TRAVAUX POUR LA RECONSTITUTION DU TEXTE LATIN :

les cobbectoria. — Le texte latin de la Vulgate, au dire des écrivains du XIIe et du XIIIe siècle, était, grâce au régime longtemps continué des manuscrits, fortement corrompu. La reconstitution d’un texte latin correct était donc un 2 œuvre préalable et urgente. Les premiers travaux de correction ont été l’œuvre exclusive des Dominicains jusque vers 1267. Les prétendus correctoires de l’Université et de la Sorbonne sont fictifs. Denifle, Archiv fur Lilteratur und Kirchengeschichle, t. iv, p. 284. La première correction dominicaine de la Bible a été faite à Paris, sous la direction de Hugues de SaintCher, un des premiers professeurs de l’ordre à l’Université. Voir Corhectoires de la Bible, col. 1023-1024. La partie de cette œuvre qui porta sur la collation du texte hébreu fut exécutée par Theobaldus de Sexania, un juif converti devenu dominicain et sous-prieur du couvent de Saint-Jacques. On possède aussi de lui un extrait des erreurs contenues dans le Talmud. Denifle -Châtelain, Chart. Univ. Paris., t. i, p. 211 ; S. Berger, Quam notitiam linguse hebraicse habuerunt christiani tnedii sévi temporibus, Paris, 1893, p. 30-31.

III. utilisation manuelle du texte de la bible : les concordances. — La nécessité où étaient les prédicateurs et les professeurs de recourir incessamment au texte sacré pour y chercher leurs autorités amena Hugues de Saint-Cher à l’idée de la confection d’un dictionnaire contenant par ordre alphabétique les mots de la Bible. Ce travail fut accompli au couvent de Saint-Jacques de Paris, d’où le nom de Concordantise S. Jacobi. voir Archiv, t. ii, p. 235. Voir Concordances de la Bible, col. 895-896. Le système adopté par Hugues de Saint-Cher pour ses concordances avait l’avantage de donner un manuscrit peu volumineux, mais il avait l’inconvénient d’obliger de recourir à la Bible, sans qu’on pût comparer d’un seul coup d’œil les passages contenant le même mot. On obvia à cet inconvénient en citant sous chacun des mots formant le dictionnaire des concordances les phrases entières de la Bible qui contenaient ce mot. Ce système donna des concordances très développées, chaque phrase de la Bible paraissant plusieurs fois en divers endroits ; de là leur nom de Concordantise magnse. Elles furent l’œuvre des religieux que l’ordre envoyait étudier en Angleterre, c’est-à-dire à Oxford, où était le studium générale. Voir Archiv, t. ii, p. 234. L’initiative semble en revenir à Jean de Derlington. Richard de Stavenesby et Hugues de Croyndon paraissent avoir été ses principaux collaborateurs. Elles sont connues sous le nom de Concordantise anglicans. Elles ne sont pas antérieures à 1246. Voir plus haut, col. 896. — Au commencement du xive siècle, un dominicain allemand, Conrad de Halberstadt, simplifia les concordances anglaises en ne laissant dans les citations que les mots les plus importants pour déterminer le sens. C’est sous la forme que leur a donnée Conrad que les premières concordances ont surtout été imprimées. Les éditions sans date de Strasbourg ont été publiées vers 1470 et 1475. Voir col. 896. Échard, t. i, p. 610. Les concordances achevèrent leur évolution au temps du concile de Bàle, sous l’action de Jean Stojkowich, plus connu sous le nom de Jean de Raguse. Voir col. 896-897. La création et le développement essentiel des concordances bibliques avaient donc été l’œuvre exclusive des Dominicains. Au xvie et au xviie siècle, les concordances furent encore polies ou remises au point. La revision de Luc de Bruges a joui plus que les autres de beaucoup de faveur. Mais elle a continué à porter le nord de Hugues de Saint-Cher comme auteur principal.

IV. ÉTUDE ET SCIENCE DU TEXTE BIBLIQUE : LES COUMEN taibes. — La place fondamentale occupée par la Bible dans l’enseignement des maîtres dominicains en conduisit 1465 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1466

un grand nombre à écrire leurs leçons ou à composer des travaux sur la totalité ou une partie de l’Écriture. Il serait à la fois impossible et même superflu de tenter ici la seule énumération de ces auteurs. L’activité littéraire de l’ordre s’étant exercée pendant deux siècles et demi sous le régime des manuscrits, un grand nombre de ces travaux sont restés inédits. On peut voir le développement pris par cette étude en parcourant le catalogue de Bernard Gui (Archiv, t. ii, 1886, p. 226, etc.) ou les Scriptores Ordinis Prsedicatorum de Quétif et Échard, quoique ces collections soient fort incomplètes. Tous les catalogues des manuscrits des grands dépôts des bibliothèques de l’Europe en contiennent des specimina fréquents. Il nous suffit de donner ici une vue générale de ceux qui ont joui d’une grande réputation ou qui ont été édités au moins en partie.

1° C’est encore Hugues de SaintCher qui ouvre la série des grands commentateurs dominicains de la Bible. Ses commentaires sont sous forme de postilles ou annotations : Postillse in universa Bibliajuxta quadruplicem sensum literalem, allegoricum, moralem, anagogicum (premières éditions, Venise et Bàle, 1487 ; la dernière, 8 in-f°, Venise, 1754). Hugues met à profit dans ses commentaires son travail sur les concordances, car il cite constamment les textes parallèles de l’Écriture ; c’est même là sa méthode d’interprétation littérale. Pour l’exposition des différents sens, il incorpore volontiers les autorités qui constituent l’ancienne glose. Le développement principal est donné aux trois sens secondaires. La position de Hugues comme commentateur est bien indiquée par un chroniqueur du commencement du xive siècle : Primus postillator exstilit, et iotam Bibliam egregie postillavit et excellenter in tantum, quod hucusque secundum non habuit. Henri de Hervordia, Chronicon, édit. Potthast, Gœttingue, 1859, p. 190-191.

2° Les commentaires de saint Thomas d’Aquin sur un certain nombre de livres de l’Écriture (Job, Psalm., Cantic, Isa., Jerem., Thren., Matth., Joa., Ep. Pauli) marquent un nouveau moment dans l’histoire de l’exégèse. Il transporte dans la dissection et l’interprétation du texte scripturaire la méthode qu’il a créée pour commenter les livres d’Aristote. Au lieu de la méthode d’annotations ou de postilles usitée avant lui, il dissèque les parties du livre et des chapitres pour montrer leur ordre et leur dépendance, et arrive par un procédé d’analyse de plus en plus circonscrit à l’examen des phrases et des mots. Il crée ainsi le véritable procédé exégétique. L’interprétation littérale occupe presque exclusivement ses commentaires, si l’on comprend sous cette dénomination l’élément théologique qui découle immédiatement du texte. 3° La carrière exégétique d’Albert le Grand comporte, comme sa carrière philosophique, une double manière, la seconde ayant été déterminée par l’influence de son propre disciple, Thomas d’Aquin. Albert avait d’abord commenté toute la Bible par postilles, à la façon de Hugues de Saint-Cher. Catalog. cod. hagiogr. biblioth. reg. Bruxellen., t. ii, p. 101. Ce travail est demeuré inédit. Albert commenta plus tard un certain nombre de livres de la Bible par un procédé analogue à celui de ses commentaires sur Aristote et dans lequel il se rapproche de saint Thomas. Mais ici comme ailleurs les écrits d’Albert n’ont ni la précision ni la sobriété de ceux de son disciple. Les éditions des œuvres complètes d’Albert ne contiennent pas entièrement cette seconde catégorie de commentaires. Ceux sur les Psaumes, Jérémie, Baruch, Daniel, les petits Prophètes, les quatre Évangiles et l’Apocalypse sont seuls publiés. Script. Ord. Prsed., 1. 1, p. 1745 ; Archiv, t. ii, p. 236.

4° La plupart des travaux sur le texte même de l’Écriture au moyen âge ont été exécutés sous forme de postilles, à la façon de celles de Hugues de Saint-Cher, ou de commentaires comme ceux de saint Thomas d’Aquin. Au xme siècle, le système des postilles, plus simple et

plus facile, semble avoir prédominé. Parmi les religieux qui ont écrit sur la Bible, soit sur une partie ou la totalité du texte, nous pouvons nommer : Jourdain de Saxe, second maître général de l’ordre ; Pierre de Tarentaise, archevêque de Lyon et pape sous le nom d’Innocent V ; Nicolas de Gorran, confesseur de Philippe IV, qui a écrit sur toute la Bible ; Bernard de Trilla, provincial de Provence ; Jean de Erdenbourg, maître de l’Université de Paris ; Thomas de Lentino, patriarche de Jérusalem. Au XIVe siècle : Thomas Jorg, professeur à Oxford et cardinal ; Nicolas de Trevet, maître d’Oxford ; Ptolémée de Lucques, évêque de Torcello ; maître Ekehart de Hochheim, le chef des mystiques allemands ; Ludolphe de Saxe, dominicain pendant une trentaine d’années, puis chartreux, connu par sa célèbre Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; Michel du Four, professeur à l’Université de Paris ; Pierre de la Palud, patriarche de Jérusalem, etc., etc. (On peut consulter pour ces noms et un grand nombre d’autres le catalogue de Bernard Gui, Archiv, t. ii, p. 226, et Échard, Sript. Ord. Prsed.) Au xve siècle, l’ordre, travaillé pardes réformes qui portèrent leur idéal vers l’ascétisme et négligèrent l’étude, vit diminuer notablement la vie scientifique. Ce qu’il gagna en bienheureux, il le perdit en docteurs. On pourrait cependant nommer, à côté du célèbre cardinal et théologien Jean de Torquemada (Échard, t. i, p. 839), un certain nombre de commentateurs.

5° À côté des travaux sur le texte de la Bible sous forme de postilles et de commentaires, l’ordre en produisit dès la fin du xiii 9 siècle, mais surtout au xiv, une catégorie spéciale, connue sous le nom de Lecturse. La lectura est un produit scolaire de l’enseignement de la Bible et représente la leçon telle qu’elle se donnait dans une école de théologie d’alors, en dehors des studia generalia. Ces sortes de commentaires sur les différents livres de la Bible sont distribués en leçons ou lectures, d’où leur nom. La leçon comprend l’explication d’une portion du texte scripturaire, quelques versets ou une partie du chapitre. L’interprétation en est donnée comme dans les commentaires proprement dits. Le maître pose ensuite une ou plusieurs questions de théologie proprement dite qui se rattachent plus ou moins directement au texte commenté. Une leçon comprend ainsi une partie purement scripturaire et une autre purement théologique. Ces écrits, assez communs au xive siècle, ne sont que l’aboutissant du mode d’enseignement de la théologie pratiqué dès le XIIe siècle ; le maître commentait l’Écriture comme texte scolaire et y greffait à son gré des questions dogmatiques ou morales.

Parmi les auteurs dominicains qui ont traité par ce procédé l’Écriture, on peut nommer : Olivier, provincial de Dacie ; Tullius, de la même province ; Jean de Erdenburg, Albert de Lombardie. Archiv, t. ii, p. 234-235 ; Échard, Script ; Ord. Prœd. Le célèbre commentaire sur la Sagesse, de Robert de Holcot, professeur à l’université de Cambridge, si souvent imprimé (l re édit., Spire, 1483), est composé d’après cette méthode. Pareillement les lectures de Dominique Grenier sur la Genèse et les livres historiques de l’Ancien Testament (Toulouse, Bibl. municip. , mss. 28, 29, 31), dédiées à Jean XII et écrites sur le conseil du général de l’ordre, Béranger de Landore (Échard, t. i, p. 613 ; Douais, Essai sur l’organisation, p. 117-119). Les leçons d’Arnaud Bernard sur l’Apocalypse données dans les écoles épiscopales de l’archevêque de Toulouse, Jean de Cardailhac, en 1379, appartiennent au même type (Toulouse, Bibl. mun., ms. 57 ; Douais, p. 119 ; Échard, t. i, p. 589).

6° On peut encore rapprocher des groupes de travaux précédents, relatifs à l’intelligence du texte sacré, les écrits connus aujourd’hui sous le nom de Chaînes. Voir col. 482. Ces extraits des Pères de l’Église et des auteurs ecclésiastiques avaient déjà trouvé une première, réalisation dans la glose ordinaire de Walafrid Strabon (IXe siècle). Saint 4467 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1468

Thomas d’Aquin, par ordre d’Urbain IV (1161-1164), entreprit sur une base plus large et avec des ressources nouvelles une exposition des quatre Évangiles, par la juxtaposition de textes patristiques formant une interprétation continue. Il avait donné lui-même à son ouvrage le nom d’Expositio continua, auquel on a substitué plus tard celui plus prétentieux et moins clair de Catena aurea. Saint Thomas avait fait traduire directement du grec un certain nombre de textes que l’on ne possédait pas encore en latin, ainsi qu’il le déclare dans les préfaces. Son confrère Guillaume de Morbeeke, archevêque de Corinthe, qui se trouvait avec lui à la cour pontificale, et traduisait du grec, sur sa demande, les œuvres d’Aristote et d’autres philosophes, est selon toute vraisemblance l’auteur de ces traductions patristiques. L’utilité d’avoir ainsi, juxtaposées au texte de la Bible, l’autorité et l’interprétation des Pères était manifeste, en un temps où il était presque impossible de se procurer les travaux originaux. Aussi Humbert de Romans, cinquième maître général de l’ordre, dans son mémoire sur les questions à traiter au second concile de Lyon (1274), demande-t-il l’exécution d’un travail de cette nature pour les livres de la Bible qui ne l’ont pas encore : Pro theologia videretur expediens, quod biblia glossaretur continue de diclis sanctorum in libris non glossatis. Martène, Ampl. coll., t. vii, p. 198. C’est vraisemblablement pour combler cette lacune que le dominicain anglais Nicolas de Treveth exécuta, au commencement du xiv* siècle, une exposition patristique de cette nature pour toute la Bible. Echard, t. i, p. 562.

7° Le moyen âge n’a pas composé de travaux analogues à ceux que nous appelons, depuis le xvie siècle, Introduclons à l’Écriture, et qui renferment les questions d’ordre général relatives à cette étude. On en retrouve cependant les éléments dispersés soit dans les préfaces des commentaires, soit surtout dans les traités de théologie ou d’apologétique, soit même dans quelques opuscules relatifs à des questions scripturaires spéciales, comme le traité de Gilles de Lessines, De concordia lemporum, sur la chronologie biblique. Echard, t. i, p. 370.

V. VULGARISATION DU TEXTE DE LA BIBLE : LES TRA-DUCTIONS. — Dès la fin du xil » siècle, mais surtout au siècle suivant, il se produisit dans les couches populaires une fermentation religieuse intense. Elle se traduit, entre autres manières, par un vif désir chez les laïques délire l’Écriture en langue vulgaire. Le mouvement vaudois avait inauguré et développé cette tendance. Le goût de la discussion religieuse et la facilité d’errer chez des esprits sans culture avaient rendu l’autorité ecclésiastique défiante à l’égard de la traduction de l’Écriture dans les idiomes nationaux naissants. L’Église romaine ne semble pas avoir porté de défense positive contre la lecture de la Bible en langue vulgaire. Mais les évêques, qui se montrèrent plus antipathiques que les papes à l’égard des mouvements religieux laïques, furent aussi plus sévères à l’égard d’une pratique qui semblait les susciter et les entretenir. Au synode de 1210, l’évêque de Paris ordonné qu’on lui remette les livres théologiques écrits en roman, sauf la Vie de saints, sous peine de se voir déclarer hérétique. Chart. univ. Paris., t. i, p. 70. Le concile provincial de Toulouse, en 1229, défend aux laïques de posséder les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ; on leur concède, pour leur édification, le Psautier, le Bréviaire ou l’Office de la bienheureuse Vierge, mais non en langue vulgaire. Mansi, Concil., t. xxiii, p. 715. Le concile de Béziers, en 1246, dans son règlement pour les inquisiteurs de la Provence, refuse aux laïques tout livre théologique, et même aux clercs les livres théologiques en langue romane. Mansi, t. xxxiii, p. 715.

Les. Frères Prêcheurs, voués à la prédication et à la direction des âmes, exercèrent de très bonne heure une action étendue sur un grand nombre de personnes laïques et de fraternités. Ils furent inévitablement conduits à

fournir un aliment à leur piété en mettant à leur portée des traductions en langue vulgaire. Ces sortes de productions littéraires avaient pris, en 1242, un développement assez considérable pour que le chapitre général tenu cette année à Bologne cherchât à l’arrêter : Nec aliguis frater de celero sermones, vel collationes, vel alias Sacras Scripturas de latino transférant (sic) in vulgare. Martène, Thésaurus anecdotorum, t. IV, col. 1684. Pris entre le besoin très réel de venir en aide aux fidèles et la défiance du monde ecclésiastique, les Dominicains hésitèrent un peu, mais sacrifièrent çà et là à la première considération, surtout à partir du xiv 8 siècle, où le progrès des idiomes finit par nécessiter la constitution de toute une littérature religieuse en langue vulgaire. Cette espèce d’incertitude doit expliquer, croyons-nous, en grande partie pourquoi si peu de noms de traducteurs sont demeurés attachés à leur œuvre, spécialement dans le domaine de la vulgarisation des Écritures, les auteurs pouvant avoir des ennuis à cause de leur paternité littéraire. Néanmoins aucun ordre religieux n’a à son actif, au moyen âge, une somme aussi forte de traductions bibliques.

1° La traduction française de la Bible au xme siècle est d’une importance particulière à raison de l’influence qu’elle a exercée sur toute la suite des traductions françaises, catholiques et protestantes. M. S. Berger n’est pas éloigné de conclure que « l’influence de la version du XIIIe siècle ne s’est pas bornée aux Bibles protestantes », mais encore que « bien peu de versions y ont échappé ». La Bible française au moyen âge, Paris, 1884, p. 3li. Nous ne connaissons pas positivement les auteurs de cette traduction ; mais M. S. Berger arrive à cette conclusion : « La version qui nous occupe a été faite par plusieurs traducteurs travaillant sous une même direction, d’après plusieurs manuscrits latins, dont le principal était un exemplaire de la Bible corrigée par l’Université. Notre version a été faite à Paris, dans l’Université, entre l’an 1226 et l’an 1250 environ. » Ibid., p. 156. Or avant 1250 il n’y a eu à Paris, dans l’Université, qu’une seule correction de la Bible, celle entreprise par les Dominicains sous la direction de Hugues de Saint -Cher. On ne connaît d’ailleurs aucun exemple d’un travail en collaboration à l’Université autre que ceux des Dominicains. L’état encore sporadique des professeurs qui n’appartenaient pas à des collectivités religieuses le rend absolument invraisemblable chez les sept maîtres séculiers de la faculté de théologie. Il n’existe trace chez les Franciscains de Paris d’aucune entreprise scripturaire analogue. Les Prêcheurs, au contraire, ont, aux mêmes années, revisé le texte latin, créé les concordances et écrit le premier grand commentaire sur toute la Bible ; et quand le chapitre général de 1242 défend de traduire à l’avenir les Saintes Écritures en langue vulgaire, il vise évidemment un ou plusieurs faits analogues à celui qui s’est produit à Paris et a été signalé par M. Berger. Si donc quelqu’un est autorisé à présenter des titres à la traduction française de la Bible parisienne, nous croyons que les Dominicains peuvent se mettre sur les rangs et même se présenter parmi les premiers, en attendant, s’il y a lieu, le dernier mot de la critique. Nous trouvons au xiv « siècle plusieurs noms de Dominicains qui ont collaboré à la traduction de la célèbre Bible du roi Jean, cette « œuvre exécutée sous ses yeux et par son ordre, et si remarquable que le moyen âge n’en aurait pas produit qui lui fût comparable, si elle eût été achevée ». Berger, La Bible française au moyen âge, p. 238. Le travail de traduction dura une trentaine d’années et fut l’œuvre de toute une pléiade de travailleurs. En avril 1398, nous trouvons nommés « maistre Jehan Nicolas, frère Guillaume Vivien, frère Jehan de Chambly (tous trois dominicains), demourant à Poissy ». En 1410, Jehan de Chambly y travaillait encore. Ibid., p. 242. Nous ne mentionnons que pour mémoire Jean de Blois (Echard, t. i, p. 908 ; 1469 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1470

Berger, La Bible française, p. 257) et Antoine du Four (Échard, t. ii, p. 22), dont les noms ont été aussi prononcés à l’occasion des traductions françaises de la Bible. 2° C’est le nom d’un dominicain qui est le premier attaché à la traduction catalane de l’Écriture, celui de Romeu de Sabruguera (Barthélémy de la Bruyère), maître à l’Université de Paris, en 1306, correspondant de Jacques II d’Aragon, supérieur de cette province en 1312, mort en 1313. On n’est pas autorisé à affirmer positivement que Romeu ait traduit des parties de la Bible autres que le Psautier. En revanche, cette traduction est certaine. M. S. Berger détermine ainsi le procédé de travail de l’auteur : « Le traducteur travaillait sur un texte latin, mais il avait le Psautier français, soit sous les yeux, soit dans la mémoire. » Berger, dans la Romania, t. xix (1890), p. 524-535. Voir plus haut, col. 346.

3° La première édition de la Bible en dialecte valencien a été publiée à Valence, en 1478, par les soins du dominicain Jaime Borrell. Cette traduction avait été faite à la fin du xive ou au commencement du xv » siècle, à la chartreuse de Portacæli, aux portes de Valence, par Boniface Ferrier, avec le concours d’autres personnes doctes. Boniface, frère du célèbre dominicain saint Vincent Ferrier, devint supérieur général des Chartreux dans l’obédience de Benoit XIII, pendant le grand schisme. J. Borrell a revu, corrigé et publié l’œuvre primitive. « Il semble avoir changé beaucoup de mots à son modèle, surtout dans l’intention de le rapprocher du latin. » Berger, p. 530. La bibliothèque Mazarine possède, sous le n° 1228, un exemplaire de ce rare incunable. Calai, des incun. de la bibl. Mazar., Paris, 1893, p. 684 ; S. Berger, Romania, t. xix, p. 528-530.

4° Jean Lopez, dans la seconde moitié du xve siècle, a traduit en castillan les évangiles de l’année liturgique ; la première moitié a été éditée : Los evangelios desde Aviento hasta la domenica in Passione, in-f°, Zamora, 1490. Échard, t. i, p. 826. Les Dominicains ont aussi participé aux traductions italiennes de la Bible. Sixte d^ Sienne attribue la première traduction à Jacques de Voragine, archevêque de Gènes (Bibl. Sanct., lib. iv, ad verb. Jacob, arch. Gen., edit. Neapol., t. i, p. 397). C’est vraisemblablement sur cette autorité que s’est basé Richard Simon, quand il écrit : « Je croy que la plus ancienne traduction de la Bible en italien est celle de Jacques de Voragine, archevêque de Gênes : Possevin en parle comme d’une version peu exacte ; d’autres, au contraire, l’ont estimée. » Hist. crit. du Vieux Test., Paris, 1680, p. 598. Il n’est pas invraisemblable que le grand vulgarisateur de la légende des saints ait aussi songé à une vulgarisation de l’Écriture. Sixte de Sienne, qui était un spécialiste et a longtemps vécu à Gênes, comme l’observe Échard (t. i, p. 459), a dû avoir de bonnes informations. Cette donnée concorderait avec le jugement de M. S. Berger déclarant « que l’original qu’a glosé Cavalca était très rapproché des textes usités dans le midi de la France ». Romania, t. xxiii, 1894, p. 395.

Dominique Cavalca de Pise, un des vulgarisateurs les plus féconds du commencement du XIVe siècle, a traduit ou paraphrasé les Actes des Apôtres en italien. Il est un des trois dominicains toscans qui ont écrit en langue vulgaire à la même époque et que Gino Capponi, dans sa Storia délia republ. di Firenze, 1875, t. i, p. 320, appelle i sommi autori délia età prima. Il est fort curieux que les Vaudois se soient approprié l’œuvre de Cavalca ; cela nous place assez loin de la théorie des Vaudois initiateurs des vulgarisations de la Bible. M. S. Berger observe à ce propos : « Le tableau que nous voyons est tout différent de l’image que nous nous faisions d’ordinaire de l’œuvre littéraire et religieuse des Vaudois. Un « barbet » s’appropriant sans scrupule la version d’un dominicain, n’est-ce pas une chose étrange et inattendue ? Il me semble, au contraire, que rien n’est plus vaudois que cela. Les Vaudois prenaient leur bien où ils le trouvaient ; personne

n’a jamais eu une plus grande puissance d’accommodation. » Romania, t. xxiii, p. 393. « À la considérer deprès, sa version (de Cavalca) est moins une paraphrasa qu’une glose continue. Le traducteur juxtapose sans cesse la traduction délayée au mot propre ; en effaçant simplement les mots ajoutés au texte, on obtiendrait assez facilement une version à peu près littérale. » Ibid., p. 394.

Au xve siècle, les Dominicains italiens se livrent encoreà des travaux de vulgarisation scripturaire. Marino de Venise réédite la Bible italienne en 1477, d’après la traduction du càinaldule Nicolas Malermi. Il y ajoute des rubriques qui sont des résumés des chapitres selon l’exposition de Nicolas de Lyre et d’autres docteurs : Biblia vulgare… rubricata per me Fralre Marino da Venetia dell’ordine de’Predicatori de la sacra pagina humile professore, sequendo la expositione di Nicolao de Lyra e de li altri dolori, 2 in-f°, Venise, 1477. Vers le mêmetemps, Barthélémy de Modène, inquisiteur à Ferrare, traduit en italien les Psaumes et y ajoute un commentaire dans la même langue. Échard, t. i, p. 807 ; t. ii, p. 823 ; Le Long, 1. 1, p. 354. En 1494, Frédéric de Venise traduit l’Apocalypse en langue vulgaire et y joint des commentaires : La exposition dell’Apocalipsis per volgar con le ghiose di Maistro Federigo da Veniexia del ordine de’Fratri Predicatori in mcccclxxxxiiii. L’ouvrage a été édité en 1515 et 1519, sans nom de lieu, et l’on en possède des manuscrits. Échard, t. i, p. 706 ; Propugnatore, 1880, t. i, p. 119 ; 1884, t. ii, p. 260 ; Romania, t. xxiii, p. 417.

Nous pouvons encore signaler à titre de renseignement quelques manuscrits italiens de la Bible dont l’existence confirme encore le fait que l’ordre s’est servi pour ses religieuses de la Bible vulgaire et a travaillé à en répandre la connaissance. Tel est le manuscrit de la Marciana, à Venise, cl. i, it. 2. C’est un Nouveau Testament d’écriture bolonaise du xive siècle. Il est incomplet et suivi d’un calendrier en italien, dont la présence indique la destination usuelle de l’ouvrage. « Notre manuscrit, dit M. S. Berger, a été écrit dans un couvent de Dominicains ou de Dominicaines de la province de Ravenne. Il a été donné, au xvp siècle, à la chartreuse de Venise ; mais on voit, par les notes qui sont sur ses marges, que de 1363 à 1414 il appartenait au couvent de Saint -André de Ferrare. Dans ce manuscrit, qui représente la version ordinaire, les leçons sont marquées en marge, de même que les jours où elles doivent être lues, d’une écriture du XIVe siècle. Peut-être servait-il à la lecture publique, au réfectoire de Saint-André de Ferrare. » Romania, t. xxiii, p. 415. Pareillement la Bibliothèque Nationale possède deux volumes de la Bible italienne écrite par le dominicain napolilain Nicolas de Nardo (ital. 3 et 4). Il achevait d’écrire le livre d’Ézéchiel à la fin d’octobre 1466, et l’Apocalypse, par conséquent, comme il le dit, toute la Bible, le 15 mars 1472. Échard, 1. 1, p. 837 ; G. Mazzatinti, Invent, dei mss. ital. délie bibliol. di Francia, t. i, Rome, 1836, p. i ; Romania, t. xxiii, p. 428. Il est donc manifeste que, au xve siècle surtout, la lecture de la Bible en languevulgaire s’était remarquablement développée en Italie, et que l’ordre des Frères Prêcheurs s’y était activement employé.

5° Un phénomène semblable s’observe en pays de langue allemande. Lorsqu’on connaît l’essor donné à la langue nationale par les mystiques du XIVe siècle, dont le plus grand nombre et les plus célèbres appartiennent aux Frères Prêcheurs, on ne peut pas s’étonner de voir ces derniers tenir une place exceptionnelle dans la question de la vulgarisation de la Bible en Allemagne. Cette question de la traduction de la Bible en allemand a fait, un grand pas à la suite des récents travaux du D’F. Jostes, dont nous transcrivons les résultats. Nous constatons d’abord dans les couvents des Dominicaines allemandes le même fait signalé plus haut pour les Dominicaines. d’Italie : la lecture de l’Écriture en langue vulgaire. L’ini1471 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1472

portant catalogue des manuscrits possédés, au xve siècle, par les Dominicaines de SainteCatherine de Nuremberg nous en fournit la preuve irrécusable. Cette collection d’environ 370 numéros, chiffre fort important pour l’époque, contenait les volumes suivants, en ce qui concerne l’Écriture : une Bible complète, un autre exemplaire complet de la Bible moins les Prophètes, cinq Harmonies évangéliques, un Cantique des cantiques, huit Psautiers, deux Actes des Apôtres, deux Apocalypses, onze exemplaires des péricopes (Prophètes, Dpîtres, Évangiles, Passion). F. Jostes, Meister Eckhart und seine Jùnger, dans les Collectanea Friburgensia, fasc. iv, 1895, p. xxrv. Mais le fait le plus important est celui de la découverte du premier traducteur de la Bible allemande préluthérienne. Jean Rellach, un dominicain du diocèse de Constance, s’étant rendu à Rome à l’occasion du jubilé de l’an 1450, et ayant pris connaissance du récit de la prise de Constantinople par les Turcs, écrit par Léonard de Chio, dominicain et archevêque de Mitylène (cette lettre du 16 août 1553, adressée à Nicolas V, non indiquée par Jostes, se trouve dans Migne, Patr. gr., t. CLix, col. 923-934), résolut, avec quelques-uns de ses confrères, de traduire en langue allemande l’Écriture. Revenu dans son pays, il fut nommé prédicateur de la croisade contre les Turcs, et alla dans ce dessein en divers pays et jusqu’en Finlande. Le manuscrit de Nuremberg, qui contient plusieurs livres de sa traduction de la Bible et une préface où nous sont fournis ces renseignements biographiques, a permis au D r Jostes d’établir que Jean Rellach a effectivement traduit toute la Bible, que son œuvre est, à part le Psautier, la première traduction allemande de l’Ecriture avant celle de Luther, que c’est elle qui a eu les honneurs de l’impression après la découverte de l’imprimerie. F. Jostes, Die « Waldenserbibeln » und Meister Johannes Rellach, dans YHistorisches Jarbuch, t. xv ( 1894), p. 881 ; t. xviii (1897), p. 133.

6° Enfin nous devons signaler une traduction arménienne de la Bible latine faite en Orient, vers 1330, par les soins et sous la direction de Barthélémy Petit (Parvus). Ce religieux, originaire de Bologne et missionnaire en Arménie, évêque de Maraga (vers 1330) et de Nachivan (1333), fut assez heureux pour ramener à l’unité romaine un bon nombre de moines arméniens schismatiques. Ils constituèrent, sous la règle de saint Augustin et les constitutions des Frères Prêcheurs, la congrégation des Frères -Unis, transformée plus tard en une province de l’ordre. Barthélémy traduisit en arménien, avec le concours de quelques-uns des missionnaires dominicains et des nouveaux Frères -Unis, tous les livres de liturgie et les constitutions de l’ordre. Il entreprit un travail semblable pour la Bible latine. Galani, qui, au xviie siècle, voyagea en Orient et habita l’Arménie, trouva encore ces livres aux mains de ces religieux. De conciliatione Eccle-six Armenx cum Romana, Rome, 1650, t. i, cap. xxx ; Échard, t. i, p. 581. Au commencement du siècle passé, Échard signale dans son couvent de Saint -Honoré un exemplaire du Psautier arménien appartenant à cette traduction, donné à cette maison par Mathias Maracca, prieur du couvent de Charna, qui y avait reçu l’hospitalité lors de son séjour à Paris, en 1646.

VI. SCIENCES AUXILIAIRES DE LA BIBLE : LES LANGUES

orientales. — 1° L’ordre se livra de bonne heure, au xiip siècle, à l’étude des langues orientales et organisa tout un système d’enseignement, spécialement en vue de l’arabe et de l’hébreu. Dans cette entreprise, il poursuivait spécialement un but apostolique, l’évangélisation des înûdèles. Mais il est sorti aussi de ces écoles une littérature importante, et les études scripturaires en ont bénéficié. — En 1236, la province de Terre Sainte avait déjà organisé dans chacun de ses couvents un sludium linguarum pour les langues orientales, spécialement pour l’arabe. Les religieux prêchent dans cette langue, et il en

est qui savent l’arménien et le chaldéen. Échard, t. i, p. 104. La province de Grèce a fourni les principaux hellénistes de l’ordre. C’est de ce milieu qu’est sorti Guillaume de Morbecke, le traducteur d’Aristote et de Procrus. Mais c’est en Espagne surtout qu’ont été organisés les studio, linguarum mis au service de tout l’ordre. Le voisinage des Sarrasins et des Juifs y a fait spécialement cultiver l’arabe et l’hébreu. Saint Raymond de Pennafort s’est spécialement employé à organiser ces écoles. Il en établit, vers le milieu du siècle, à Tunis et à Murcie. Denifle, Die Universiiàten des Miilelallers, Berlin, 1883, 1. 1, p. 495. En 1281, il y a un studium hebraicum à Barcelone, et un studium arabicum à Valence, et le chapitre de la province d’Espagne assigne neuf religieux à chacun. Douais, Acta cap. prov., Toulouse, 1894, p. 625626. En 1291, on établit cette double étude de l’hébreu et de l’arabe à Jativa. Deniile, Universitâlen, p. 497. Lès religieux des diverses provinces de l’ordre pouvaient y être admis sur l’autorisation du général. Martène, Thés, anecd., t. iv, col. 1725. En 1310, l’ordre élargit cette organisation primitive en établissant des études de langues dans quelques provinces centrales de l’ordre. Le chapitre général de cette année émet ce vœu : Rogamus magistrum ordinis quod ipse de tribus studiis, scilicet hebraico, greco et arabico provideat in aliquibus provinciis, et cum fuerint ordinata, ad quodlibet illorum qualibet provincia unum studentem aptum et intelligentem mittere curet. Martène, Thés, anecd., col. 1927. C’est ce développement des études orientales au commencement du xiv « siècle qui nous explique pourquoi le général de l’ordre, Aimeric de Plaisance, fait don, en 1308, d’un manuscrit hébreu au couvent de Bologne. Échard, t. i, p. 495. Deux ans plus tard, en 1310, le célèbre Jean de Paris donne aussi à la même maison une Bible hébraïque d’une grande valeur et d’une haute antiquité. Échard, t. i, p. 519. Il n’est pas douteux que le couvent de Bologne, qui possédait un studium générale, ait été une des écoles de langues dont parle le chapitre de 1310. C’est à ce même mouvement linguistique que se rattache le fait de voir un dominicain florentin du xrv » siècle écrire de sa main tout un psautier grec. Échard, t. i, p. 722.

Parmi les travaux se rattachant aux Ecritures produits par l’activité de l’ordre au xme et au XIVe siècle, nous rappellerons le correctoire hébreu mentionné plus haut, de Théobald de Sexania, ainsi que ses extraits du Talmud ; les écrits de Raymond Martini, formé dans les studia d’Espagne et où il fut professeur, spécialement son célèbre Pugio fidei, dans lequel paraît une connaissance approfondie du Talmud, et dont une bonne partie peut être considérée comme appartenant à la science de l’Introduction aux Écritures (Échard, 1. 1, p. 396 ; A. Neubauer, dans The Expositor, 1888, p. 81-105, 179-197 ; Rev. de l’hist. des relig., t. xviii, 1888, p. 136) ; les travaux de traduction de l’arabe, mais d’écrits juifs, relatifs à la loi mosaïque et au Messie, d’Alphonse Bonhomme, espagnol, dans la première moitié du XIVe siècle, et dont on trouve un si grand nombre de manuscrits. Échard, t. i, p. 594 ; Catalogues des mss. latins de la Nat. de Paris et de la Hofbibl. de Vienne. Les écrits de Richard et d’Henri d’Allemagne, à la fin du xin 9 siècle, De interpretationibus hebraicorumvocabulorum Biblix(Archiv., t. ii, p. 234), sont l’œuvre de religieux qui ont vraisemblablement passé par les studia hebraica de l’ordre. Ricoldo de Monte Croce, auteur des plus célèbres travaux du moyen âge sur le Coran et la littérature musulmane, portait aussi dans ses missions en Orient de véritables préoccupations exégétiques, puisqu’il nous apprend qu’il a comparé le texte latin de l’Ecriture avec l’hébren, le grec, l’arabe et le chaldéen. Revue biblique, 1893, p. 201.

Dans le même ordre de choses, signalons, au xve siècle, le riche butin de manuscrits grecs rapporté par Jean de Raguse de sa mission à Constantinople (1435-1437), et Î473 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1474

laissé par lui en héritage au couvent des Dominicains de Bàle. Trois manuscrits du Nouveau Testament ont une grande importance. L’un, du Vin* siècle, est connu sous le nom de Codex E ou Basileensis (voir t. i, col. 1494) ; te second, du xii" siècle, a été utilisé par Érasme dans son édition du Nouveau Testament (Bâle, 1516) ; le troisième, de même âge que le précédent, le Codex Reuchlinianus, ainsi nommé parce que le prieur des Dominicains en avait concédé l’usage jusqu’à sa mort au célèbre hébraïsant Reuchlin. Geiger, Iohan Reuchlin, p. 156-157 ; Id., Johann Reuchlins Briefwechsel, p. 15-21. Ces trois manuscrits appartiennent aujourd’hui à la bibliothèque de Bâle. Basler Jarhbuch, 1895, p. 80-81.

Dans la seconde moitié du xve siècle, Pierre Schwarz (Niger), de Wurtzbourg, a travaillé à la propagation des langues sacrées, spécialement de l’hébreu, qu’il avait appris en Espagne, de maîtres juifs. Le 3 août 1481, le général de l’ordre lui concède différents privilèges avec le droit d’enseigner l’hébreu. Analecta Ord. Prsed., t. ii, p. 367. Il avait déjà publié, en 1477, son ouvrage contre les Juifs : De conditionibus veri Messiæ, à Nuremberg, et en allemand, la même année, à Esslingen. C’est parmi les appendices à cet ouvrage que se trouve le premier rudiment de grammaire hébraïque imprimé. Ils sont au nombre de trois : Principia libroriim Veteris Testamenti secundum Hebreos ; — Ruditnentum lingue hebraicse et figurée literarum Hebraicarum ; — Decem prsecepta legis latine et hebraice. Échard, t. i, p. 861. C’est dans cet ouvrage [Chochaf Hamochiach) qu’il se lamente sur l’oubli où se trouve l’étude du texte sacré : « De nos jours beaucoup apprennent à versifier, mais peu approfondissent l’Évangile. Beaucoup étudient la jurisprudence, mais peu la Sainte Écriture. » Jansen, Geschichte des deutschen Volkes, t. ii, p. 73, édit. de 1897.

2° Nous croyons devoir placer dans les sciences auxiliaires de la Bible quelques travaux relatifs à la géographie sacrée. — Burchard de Mont-Sion a composé, vers 1283, une description minutieuse de la Terre Sainte, avec des procédés de précision que l’on peut, pour son temps, qualifier de véritablement scientifiques. C’est l’œuvre classique du moyen âge sur ce sujet. Son dernier éditeur, J. Laurent, Peregrinatores medii sévi quatuor, 2e édit., in-4°, Leipzig, 1873, p. 1-100, indique vingt éditions de l’œuvre de Burchard, et il en a donné deux lui-même. L’ouvrage a été traduit en allemand (sept éditions), en hollandais (une édition), en français (une édition). — La description que Ricoldo de Monte Croce a faite dans son Itinerarius (Laurent, Peregrinatores, p. 105-113) a de l’intérêt, mais est loin de l’importance de celle de Burchard. — Francesco Pipino, de Bologne, nous a laissé un mémoire sur les Lieux Saints, qu’il a visités pendant son pèlerinage, en 1320, et récemment réédité par L. Manzoni. Di fratre Francesco Pipini, Bologne, 1896, p. 74-90 ; de Mas-Latrie, Trésor de chronol, Paris, 1889, col. 1325 ; Échard, t. i, p. 539. — L’Evagatorium de Félix Fabri (Schmidt), de Zurich, du couvent d’Ulm, est un des monuments les plus importants sur la Palestine, par son étendue, la multitude des détails et l’originalité des descriptions. Dans ses pérégrinations, commencées en 1480, Fabri nous fait une peinture complète de la Terre Sainte, de l’Arabie et de l’Egypte. L’ouvrage a été publié en 3 in-8°, par le Literarisches Verein de Stuttgart, 1843-1819.

II. Renaissance et temps modernes. — I. place de

LA BIBLE DANS L’ORDRE DES FRÈRES PRÊCHEURS. — Le

XVIe siècle est, avec le xin°, un siècle classique pour la vie doctrinale de l’ordre dominicain, dans le domaine de la Bible comme dans celui de la théologie. Là comme au XIIIe siècle, les grands travaux des Frères Prêcheurs ouvrent la voie aux études bibliques dans les différentes directions modernes qu’elles se sont frayées. La culture humaniste du xve siècle, avec son goût pour les langues anciennes et ses travaux de critique pour la reconstitu

tion des textes, a avant tout conduit les Dominicains à transporter les mêmes préoccupations dans l’étude du texte sacré. La Réforme, à son tour, en limitant le principe de l’autorité religieuse à la Bible, ne pouvait que fixer et accélérer ce mouvement ; elle obligeait les catholiques à se placer sur le terrain de la discussion scripturaire comme base de leur foi et de leur dogmatique. Mais il serait erroné de croire que la Réforme a déterminé en général le premier mouvement catholique vers les études sacrées et spécialement l’activité des Dominicains. Ce que nous avons dit plus haut le démontre déjà, et ce que nous avons à dire l’établit encore, puisque de grandes entreprises comme celles de Giustiniani et de Pagnini sont notablement antérieures à la révolution religieuse du xvi ! siècle. Les faits établis dans le cours de cet article montrent ainsi le peu de portée de l’accusation dressée contre les Dominicains d’avoir négligé l’Écriture au profit de la théologie, dont ils avaient été les grands promoteurs à travers le moyen âge. C’est, en effet, aux dernières années du XVe siècle que la tentative la plus énergique entreprise non seulement dans l’ordre, mais même dans l’Eglise, dans le dessein de ramener le peuple et les esprits cultivés vers la lecture et l’étude de la Bible, a été entreprise par Jérôme Savonarole. Dans sa lutte contre le paganisme littéraire qui avait envahi le siècle et l’Église, c’est la Bible qu’il propose incessamment comme le grand moyen de retour à l’esprit chrétien. Ses célèbres prédications ne sont que des commentaires suivis sur les divers livres de l’Écriture et adaptés à l’enseignement populaire. Les plaidoyers en faveur de l’Écriture réviennent en chacun de ses discours et de ses écrits. P. Luotto, Dello studio délia Scritlura Sacra secondo G. Savonarola, Turin, 1896, p. 6. Joignant l’exemple à la parole, Savonarole faisait de l’Écriture sa lecture la plus assidue. Villari, I. Savonarole, trad. Gruyer, in-8°, Paris, 1874, 1. 1, p. 156. Poussant ses idées dans l’ordre pratique, le réformateur organisa l’étude savante et assidue de la Bible dans son monastère de San Marco, où il finit par rassembler près de trois cents jeunes religieux appartenant pour la plupart aux premières familles de Florence. Un juif converti, Blemet, qui avait enseigné l’hébreu à Pic de la Mirandole et avait pris l’habit dominicain, dut être un des maîtres du couvent de Saint-Marc. Marchese, San Marco, Florence, 1853, p. 112. Nous voyons Savonarole lui-même écrire, en 1497, à son frère Albert, médecin à Ferrare, pour lui demander un nouvel envoi de six petites bibles hébraïques. Archivio storico ital., t. vm (1850), app. 129. Dans son sermon sur Amos (mercredi après Pâques 1495), il nous apprend que dans son ordre on étudie à la perfection le latin, le grec et l’hébreu, voire même l’arabe et le chaldéen. Marchese, San Marco, p. 112. Ce culte de la Bible alla même si loin parmi les religieux de Savonarole, qu’il se traduisit par une pratique qui peut paraître excessive, celle de porter à peu près constamment avec soi, sous son bras, la Sainte Écriture. Burlamacchi, Vita, Lucques, 1764, p. 196. De cette direction donnée par Savonarole et des écoles qu’il avait organisées sortirent des hommes remarquables, dont plusieurs ont pris une part importante aux travaux scripturaires du temps : Santé Pagnino, le premier traducteur moderne de la Bible d’après l’hébreu et le grec ; Zénobio Acciajoli, helléniste et bibliothécaire de la Vaticane ; Santé Marmochini et Zacharie de Florence, deux vulgarisateurs de la Bible en italien.

II. ÉDITIONS ET CORRECTIONS DES TEXTES OFFICIELS. —

La préoccupation que les Dominicains avaient fait paraître au XIIIe siècle d’atteindre le sens primitif de l’Écriture par la correction du texte de la Vulgate latine ne pouvait que s’accroître en un temps où les questions philologiques et littéraires primaient toutes les autres. C’est pourquoi ils se sont occupés de l’édition des textes originaux et du texte latin de la Bible. — 1° À la première catégorie appartient l’œuvre entreprise par le Génois Au II. — 47 1475 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1470

gustin Giustiniani, évêque de Nebbio en Corse, et attiré par François I er à l’Université de Paris, où le premier il enseigna pendant cinq ans la langue hébraïque. Giustiniani avait préparé la publication d’une grande polyglotte. Mais il lui fut impossible de réaliser intégralement le projet, un particulier ne pouvant couvrir les énormes dépenses nécessaires pour un semblable travail. Le Psautier seul a été publié : Psalterium hebrseum, grœcum, arabicum et chaldaicutn, cum tribus latinis in interpretationibus et glossis, in-f°, Gênes, 1516. Ce sont des octaples dont les huit colonnes sont distribuées sur une double page dans l’ordre suivant : 1° texte hébreu, 2° traduction latine de l’hébreu par l’auteur, 3° Vulgate latine, 4° grec, 5° arabe, 6° Targum ou paraphrase chaldaïque, 7° traduction latine de la précédente, 8° scholies et brèves annotations. L’ouvrage fut tiré à deux mille exemplaires, plus cinquante sur vélin. Une grande partie de l’ouvrage total était achevée, spécialement le Nouveau Testament. C. Gessner a donné un spécimen de « e dernier, copié à Rome, en 1517, dans sa Bibliotheca universalis, Zurich, 1549. La polyglotte de Giustiniani est la première en date. Non seulement son Psautier contient les versions chaldaïque et arabe, qui ne sont pas dans la polyglotte d’Alcala ; mais bien que l’impression de celle-ci ait été commencée en 1514, les exemplaires n’en ont pas été mis en distribution avant 1522, comme le remarque Tischendorf, Novum Testamentum grxce, Leipzig, 1891, t. iii, p. 205. Échard, t. ii, p. 96 ; A. Giustiniani, Annali délia republica di Genova, Gênes, 1834-1835, 2e édit, t. ii, p. 456-466. 2° L’édition et la revision du texte de la Vulgate ont été l’objet de divers travaux. Jacques de Gouda, poète et humaniste à Cologne, a publié un Correctorium Bibliæ j cum difficilium quarumdam dictionum luculenta in- } terpretatione, Cologne, 1508. Hain [Repert., 7498) donne, la date de 1500. Échard, t. ii, p. 44 ; Geiger, Joli. Reuchlin, p. 359. — Le Vénitien Albert Castellani a donné une édition corrigée de la Vulgate avec un appareil scientifique : Biblia latina cum pleno apparatu versissime et nitidissime impressa, Venise, 1506, 1519 ; Lyon, 1506. L’édition du texte est qualifiée de studiosissime revisa, correcta, emendata, et ad~ instar correctissimorum exemplarium tam antiquorum quam novorum incontracta, comparata et collata. Échard, t. ii, p. 48. — L’édition corrigée de la Vulgate latine de Jean Henten, hiéronymite en Espagne, puis dominicain à Louvain, a été une des plus célèbres du xvi" siècle ; c’est celle du moins qui a exercé le plus d’influence sur les corrections d’alors. A la suite de la suppression des Bibles réputées hétérodoxes par décret impérial, les théologiens de Louvain chargèrent Henten, qui appartenait à l’université, de préparer cette édition. L’éditeur consulta les meilleurs exemplaires et une vingtaine de manuscrits, dont les plus anciens avaient six cents et plus d’années. Elle fut publiée à Louvain, en 1547 ; puis à Anvers, 1567, 1569, 1570 ; Francfort, 1571. Elle est connue sous le nom de Bible de Louvain. Échard, t. ii, p. 196. Ungarelli déclare que « l’édition de Louvain, en général, vaut mieux et mérite plus de foi que la Bible ordinaire », c’est-à-dire celle qu’accompagne la glose dite ordinaire de Strabon. Dans les Analect. jur. pont., 1852, p. 1334. Le travail de Henten fut repris plus tard par les théologiens de Louvain, qui en développèrent l’appareil scientifique. Cette Bible fut publiée par Plantin, Anvers, 1573. Reusch, Die Selbstbiographie des Cardinale Bellarmin, in-8°, Bonn, 1887, p. 112.

Au concile de Trente, les Pères et théologiens de l’ordre de Saint -Dominique prirent une part importante aux travaux et aux décrets sur l’Écriture (février-avril 1546), comme le déclarent les légats au cardinal Farnèse. Vercellone, Dissert, acad., p. 82. Ce fut Févêque de Fano, Pierre Bertano, qui soutint la nécessité d’avoir dans l’Église un texte officiel, qui put servir de base doctrinale et faire foi. Le Plat, Monuments, Louvain, 1781, t. iii, p. 398. Ambroise Catharin mit en évidence les dif ficultés relatives à l’état dans lequel se trouvait alors la Vulgate. Theiner, Acta genuina SS. Concilii Tridentini, Zagrab, 1875, t. i, p. 49. Dominique Soto soutint que la Vulgate latine était l’œuvre de saint Jérôme ( Pallavicini, Histoire du Concile de Trente, Paris, 1864, liv. vi, ch, xvii, 5), contrairement aux doutes émis déjà par Santé Pagnino et Cajetan.

Les Dominicains prirent aussi part aux travaux qui, pendant près de quarante-cinq années (1546-1592), furent conduits à Rome, avec des vicissitudes diverses, pour aboutir à l’édition de la Vulgate de Sixte -Quint. Lorsque saint Pie V, un pape dominicain, réorganisa la.commission, en 1569, et donna une nouvelle vigueur à l’entreprise, trois des membres de la commission appartenaient à l’ordre : Sébastien Locatelli, procureur général ; Thomas Manriquez, maître du sacré palais, et maître Paolino. Sous Grégoire XIII, Pierre Chacon, dépuis cardinal, fournit une collaboration importante, ainsi que le constate Pierre Morin, un des membres les plus actifs de la commission. Ungarelli, Analecta, p. 1325. Sixte-Quint, qui publia l’édition romaine, ne tint compte que très partiellement des travaux préparatoires, et ramena de sou propre chef son édition à celle de Louvain. Ungarelli, p. 1334. Ce point de vue fut encore maintenu quand Grégoire XIV reprit le travail de correction en sous-œuvre. Le premier des canons qui réglaient la méthode de revision portait : Revoeanda esse Biblia Sixtina ad ordinarix textum, et Lovaniensem prxcipue (Ungarelli, Anal., p. 1335), de sorte que l’œuvre de Jean Henten, qui formait le fond de la Bible de Louvain, se trouva fournir l’élément essentiel dans les éditions officielles romaines de la Vulgate.

/II. TRADUCTIONS LITTÉRALES LATINES DE LA BIBLE

D’après les textes obiginaux. — Le développement de la philologie et de la critique textuelle, plus la position prise par la Réforme à l’égard de l’Écriture, motivèrent les grands travaux de traductions scientifiques entrepris par les Dominicains dès le commencement du xvi » siècle. La première et la plus célèbre des traductions littérales est celle de Saute Pagnino, de Lucques, sorti des écoles de Saint -Marc de Florence, érigées par Savonarole. Il avait travaillé vingtcinq ans à cette œuvre. Léon X s’était engagé à faire les frais de la publication. Un commencement de publication avait même eu lieu, quand le pape mourut (1521). Pagnino publia son œuvre avec le concours pécuniaire de généreux particuliers, ses parents et compatriotes, à Lyon, en 1527 (ancien style) : Veteris et Novi Testamenti nova translatio. Elle est dédiée à Clément VII. Rééditée à Cologne, 1541, et à Paris, 1557, cette traduction fut revue par Arias Montanus, qui maintint en marge les leçons primitives de Pagnino et la publia dans sa célèbre polyglotte, Anvers, 1572. Elle a ainsi paru dans les nombreuses éditions de cette œuvre. Voir t. i, col. 954-955.

L’utilité de l’œuvre de Pagnino fut si manifeste, que les protestants l’adoptèrent et en donnèrent diverses éditions. Michel Servet la publia à Lyon, en 1542, avec une préface et un appareil de sa façon. Les Genevois l’éditèrent en 1568 et 1586 ; les protestants de Zurich en 1579 (Échard, t. ii, p : 117) ; B. Bertram l’introduisit dans la petite polyglotte de Heidelberg, 1586. H.Vuilleumier, Les hébraïsants vaudois au xvi’siècle, Lausanne, 1892, p. 78. Il y a une édition de Francfort-sur-le-Main, 1600. R. Simon, Hist. crit. du V. T., p. 504, mentionne une édition de Hambourg. La faculté de théologie de Leipzig joignait aussi la traduction Pagnino -Montanus à sa Bible hébréogrecque de 1657, et l’on publiait encore à Bàle, en 1675, le Psautier hébraïque avec la version de Santé Pagnino.

Au moment où Pagnino achevait son œuvre, le cardinal Cajetan se livrait à une entreprise similaire. Dépourvu d’une connaissance personnelle des langues anciennes, il dirigea le travail de plusieurs spécialistes pour constituer une traduction littérale de toute l’Écriture. La tentative de Cajetan est fort remarquable, parce qu’à raison 1477 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1478

même des difficultés qu’il avait à la réaliser, elle témoigne combien l’ancien général des Dominicains, mêlé aux grandes affaires publiques de son temps, se rendait compte du rôle qu’allait jouer l’Écriture et des exigences qu’allait imposer la nouvelle critique. Voir col. 47*50. — Augustin Giustiniani, qui a inséré dans son Psautier polyglotte une traduction latine de l’hébreu et de la paraphrase chaldaïque, avait aussi traduit la plus grande partie de l’Écriture, sinon la totalité, dans son œuvre restée manuscrite. Il a publié une traduction littérale de Job, jointe à la Vulgate : Liber Job nuper hebraice veritati restitutus cum duplici versione latina, Paris, 1516. Échard, t. ii, p. 98. — Au xvii c siècle, Thomas Malvenda entreprit une nouvelle traduction littérale de l’Écriture, qu’il commença en 1621. Il la conduisit jusqu’au chapitre xvi d’Ézéchiel. Elle a été imprimée à Lyon, 1650, 5 inP. La préoccupation de maintenir rigoureusement la littéralité du texte original a donné un caractère obscur et bizarre à la version. Échard, t. ii, p. 456.

IV. SCIENCES AUXILIAIRES ET TRAVAUX POUR L’ÉTUDE

des textes originaux ou officiels. — Le Thésaurus linguse sanctas, Lyon, 1529 ; Paris, 1548, de Santé Pagnino, est un ouvrage monumental et a joui d’un grand succès. Les professeurs protestants de Genève, Mercier, Chevalier et Bertram, en ont donné une édition, Genève, 1575 et 1614 ; la dernière mise à l’index romain. Le Thésaurus s’est aussi vulgarisé sous forme A’Epitome, et a un cerlain nombre d’éditions. Échard, t. ii, p. 117. Gesenius, un bon juge en matière de lexiques hébreux, en luisait le plus grand éloge, quand il disait à Quatremère : « Je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui en Europe un seul homme en état de refaire un tel livre. » Journal des savants, 1844, p. 20. Pagnino a aussi publié Hebraicarum Institutionum libri quatuor, Lyon, 1526 ; Paris, 1519 ; il existe plusieurs éditions de l’abrégé de ces Institutions (Échard, t. ii, p. 117) ; Enchiridion expositionis vocabulorum Haruch, etc., Rome, 1523 ; lsagogx grœcse, Avignon, 1525. — François Donati, religieux du couvent de la Minerve, à Rome, missionnaire en Orient, où il mourut martyr (1635), donna, n’étant pas encore âgé de vingt ans, deux dissertations : De accentibus linguæ hebraicx, De illius abbreviaturis, sous le titre de Poma aurea, Rome, 1618. — Pierre de Palencia, inquisiteur et professeur à l’université d’Alcala, rassembla sept mille passages destinés à montrer l’accord de la Vulgate et du texte hébreu sur les points controversés. L. de Tena, Isagoga in totam S. Scripturam, Barcelone, 1620, 1026. On possède manuscrit du même auteur, Tratado del expurgatorio sobre la leccion de la glosa de los Rabinos. Madrid, Bibl. Nation., A, 147. — Michel Vansleb (Wansleben), Saxon et luthérien, disciple de J. Ludolf, se rendit en Angleterre pour se perfectionner dans l’étude des langues orientales. Il publia à Londres le dictionnaire éthiopien de Ludolf, avec des annotations personnelles, et fut le collaborateur d’Edmond Castel pour la partie éthiopienne de son Lexicon heptaglotton (1661). Il remplit une mission pour le duc de Saxe en Egypte et en Ethiopie (1663-1665), abjura à son retour le luthéranisme à Rome, et prit l’habit dominicain à la Minerve (1666). En 1670, il vient en France et entre au service de Colbert, qui lui donne une. mission scientifique pour l’Orient (1671-1676), de laquelle il rapporta un riche butin. Tombé en disgrâce à son retour, il mourut à Bourron, près de Fontainebleau, le 12 juin 1679. Pendant les années 1671-1673, Vansleb envoya pour la bibliothèque royale 457 manuscrits orientaux. A. Pougeois, Vansleb, in-8°, Paris, 1869, p. 408 ; Échard, t. ii, p. 693. — Noël Alexandre a écrit contre le P. Frassen : De Vulgata Scripturse versione, dans ses Dissertationum ecclesiasticarwm très, Paris, 1678 ; Disserlatio ecclesiastica, apologetica et anticrilica, seu dissertationis Alexandrime de Vulgata Scripturse Sacrée versione vindicise, Paris, 1682. Alexandre établit que le concile de Trente, par sa décla ration d’authenticité de la Vulgate, n’a pas entendu la placer au-dessUs des textes grec et hébreu. — Michel Lequien a écrit une Défense du texte hébreu et de la version Vulgate, servant de réponse au livre intitulé : L’antiquité des temps, Paris, 1690. L’auteur Ae L’antiquité des temps était dom Paul Pezron. Lequien établit 1° l’autorité du texte hébreu, 2° l’intégrité du même texte et de celui de la Vulgate en ce qui concerne la chronologie. Lequien écrivit un nouveau livre sur le même sujet pour répondre à la justification que son adversaire avait tenté de faire de son livre. Paris, 1693. Échard, t. ii, p. 808. — Henri délia Porta (a Porta), professeur d’Écriture Sainte et de langues orientales à l’université de Pavie depuis 1751, a laissé un éloge vigoureux et savant des langues orientales : De linguarum orientalium ad omne doctrinx genus prsestantia, Milan, 1758. — De Benoit Olivieri, plus tard général de l’ordre, on a : De sacro hebraico textu, Parme, 1793 ; De linguarum eruditarum cullu graviorum disciplinarum studiis jungendo, Rome, 1806. Olivieri, Di Copernico et di Galileo, Bologne, 1872, p. xxii, xxix.

v. commentaires sur l’écriture. — Les commentaires publiés par l’ordre à partir du XVIe siècle suivent des directions différentes. Les uns sont conçus au point de vue de l’érudition textuelle et sont spécialement en dépendance du mouvement philologique développé par l’humanisme ; les autres ont spécialement des préoccupations théologiques et visent les nouvelles erreurs de la Réforme. De là la prédominance des commentaires sur les Épîtres de saint Paul, spécialement sur celle aux Romains, dont la théologie protestante avait fait la base de sa dogmatique. D’autres enfin, les moins nombreux et les moins importants, cherchent à rendre service aux prédicateurs ou aux fidèles. Nous nous bornons à donner un catalogue chronologique de ces travaux. — * Annius de Viterbe, Glossa super Apocalypsim de statu Ecclesise, Leipzig, 1490. — Clément Araneus, Expositio cumresolutionibus occurrentium dubiorum, etiam lutheranorum errores validissime confutantium, super Epistolam Pauli ad Rornanos, Venise, 1547. — Dominique Soto, In Epistolam D. Pauli ad Rornanos comrnentarii, Anvers, 1550 ; Salamanque, 1551 ; Annotationes in J. Feri commentarios super Evang. Joannis, Salamanque, 1554.

— Ambroise Catharin, Comment, in omnes D. Pauli Epist. et alias septem canonicas, Venise, 1551. Échard, t. a, p. 144. — Dominique Baltaflas, divers écrits en espagnol ayant surtout un but d’édification, Séville, 15551557. Échard, t. ii, p. 170. — Placide de Parme, In omnes Davidis Psalmos commentaria, Venise, 1559 ; Bâle, 1569. — Jérôme da Azambuja (ab Oleastro), ambassadeur de Jean III de Portugal au concile de Trente, Commentaria in Pentateuchum Mosi, Anvers, 1569 ; Lyon, 1586 ; les parties avaient paru séparément à Lisbonne, de 1556 à 1558 ; In Isaiam prophetam comrnentarii, Paris, 1622, 1656. L’auteur a écrit ses commentaires d’après la version de Santé Pagnino. Il a une science rabbinique consommée. La manière dont il parle de la Vulgate dans la préface de ses commentaires du Pentateuque le fit inscrire dans l’index de Quiroga, 1583. Échard, t. ii, p. 183 ; Reusch, Der Index, t. i, p. 575 ; R. Simon, Lettres, t. i, p. 193. — Jean Viguier, professeur à l’université de Toulouse, Commentaria in D. Pauli ad Rornanos Epistolam, Paris, 1553, 1558, etc. Échard, t. ii, p. 137. — François Foreiro, théologien du roi de Portugal à Trente, Isaise prophètes vêtus et nova ex hebraico versio, cum commentaria, Venise, 1563, Anvers, 1565 ; Commentaria in omnes libros Prophetarum, ac Job, Davidis et Salomonis, demeurés manuscrits. Inscrit à l’index de Lisbonne de 1624, comme n’étant pas assez respectueux de la Vulgate. Reusch, Der Index, 1. 1, p. 574. — Grégoire Primatici, Expositio litteralis omnium Epistolarum D. Pauli pro incipientibus et minus peritis, Venise, 1564 ; In catholicas vel canonicas Epistolas, Senis, 1573. Échard, 1479 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1480

t. ii, p. 823. — > Jacques Nacchiante, évéque de Chioggia, membre du concile de Trente, Enarrationes in Epistolas D. Pauli ad Ephesios, Venise, 1554 ; Enarrationes in Epistolas ad Romanos, Venise, 1567 ; les deux, Lyon, 1656. Échard, t. ii, p. 202. — Séraphin Capponi da Porretta, Verilates aurese super totam legem veterem tum littérales tum mysticae (Pentateuque), Venise, 1590 ; Sacrorum Evangeliorum comrnentaria ( Matthieu), Venise, 1602 ; Comment, in Evang. sec. Joannem, Venise, 1601 ; Comment, in Psalterium Davidicum, Bologne, 1736-1745. Échard, t. ii, p. 392. — Alphonse Avendano, Comrnentaria in Psalmum cxrni, Salamanque, 1584 j Venise, 1587 ; Comment, in Evangelium D. Matthxi, Madrid, 1592-1593. — Raymond Pascual, Comment, in Epist. B. Pauli ad Romanos, Barcelone, 1597. — Louis de Sotomayor, théologien à Trente, Cantiei canticorum Salomonis interpretalio, Lisbonne, 1599 ; Paris, 1605 ; Ad Canticum canticorum notas posteriores et breviores, Paris, 1611 ; Commentarius in priorem et posteriorem Pauli apost. Epistolam ad Timoth. et ad Titum, Paris, 1610. — Antoine-Nicolas du Bois, Catholica B. Judée Epistola ad sensum litterx ordinatie explicata, Paris, 1644.

— Ange Pacciuchelli, Lezioni morali supra Giona projeta, Venise, 1658, 1664, 3e édit. ; les mêmes en latin, Munich, 1672-1681, 3 vol. : Expositio in Epist. B. Paul, ad Romanos, Pérouse, 1656 ; Excilationes dormitantis animx in Psalmum lxxxvi Misericordias Domini, canticum Magnificat, etc., Venise, 1659, 1680 ; Trattato délia passione del Nostro Signor Gesù Cristo, Pérouse, 1662. — Innocent Pencini, Comrnentaria in Gènesim, etc. (Pentateuque), Venise, 1670 ; Comment, in Matthseum, etc. (quatre Évangiles), Venise, 1678, 1685.

— Antoine Salcedo, seize volumes de commentaires probablement demeurés manuscrits. Échard, t. ii, p. 632.

— Emmanuel ab Incarnatione, Matthseus explanatus, s. commentarii litter. et morales in Evangel. sec. Mattheeum, 4 in-f", Lisbonne, 1695-1714. — Noël Alexandre, Expositio litteralis et moralis sancti Evangelii secund. quatuor evangelistas, Paris, 1704 ; Commentarius litteralis et moralis in omnes Epistolas sancti Pauli Apost. et in septem Epist. catholicas, Rouen, 1710. Échard, t. ii, p. 810. — Augustin Chignoli, Exercitationes in Danielem prophetam, in-4°, Venise, 1761.

On peut rapprocher des commentaires les chaînes et les traductions d’ouvrages scripturaires. — Zenobio Acciajuoli, Olympiodorus in Ecclesiasten (trad. du grec), Paris, 1511 ; Auct. Bibl. gresc. Patr., Paris, 1624. Patr. gr., t. xcm. Échard, t. ii, p. 44. — Augustin Giustiniani, Philonis Judsei centum et dues queestiones et totidem responsiones morales super Genesim, Paris, 1520 ; Rabi Mossei JSgyptii dux seu director dubitantium aut perplexorum in très libros divisus, Paris, 1520. — Santés Pagnini, Catena argentea in Pentateuchum, Lyon, 1536 ; Catena argentea in totum Psalterium (inédit). Échard, t. ii, p. 118. — Jean Henten, Comrnentaria in sacrosancta quatuor Christi Evangelia ex Chrysostomi aliorumque veterum scriptis magna ex parle collecta auctore quidem Euthymio Zigabeno, confutatio judaicx cujusdam impostures, sive libelli « De ficto legali Jesu Christi sacerdotio ex Suida desumpto », Louvain, 1544 ; Paris, 1547, 1560, 1602 ; Bibl. max. Patr., t. xix, Leipzig, -1792 ; Patr. gr., t. cxxviii ; Enarrationes velustiss. theo.logorum ira Acta Apostolorum et in omnes D. Pauli , ac catholicas Epistolas ab Œcumenio ; in Apocalypsim wero ab Aretha Ceesaras Cappadocias episc ; Selecta fragmenta ex Epiphanio Cyprensi, Theodoreto Cyrensi episc. aliisque primée classis theologis ; Remigii Altisisiodor. in undecim posterioris prophetas enarratio, Anvers, 1545 ; Paris, 1545, etc. Patr. lat., t. cxviii ; Patr. gr., t. cxviii. — Sébastien Bravo, Collectanea aurea scripturss Veleris et Novi Testamenti ex diversis locis prssclariesimis expositionibus D. Thomas Aquinatis, Pars i ^Peatateoque), Alcala, 1595. — Auguste Cermelli, Catena

ira Job et SS. Patrutn scriptorumque ecclesiasticortim sententiis concinnata, Gênes, 1636. — François Maciel, Expositiones sélects. SS. Patrum, doclorumque classicorum in totum historialem utriusque sacras paginai textum, tom. primus, Opéra sex dierum. I Pars, opéra unius diei continens tria millia selectarum expositionum, Naples, 1631.

VI. INTRODUCTIONS À L’ÉCRITURE SAINTE. — Les travaux connus sous le nom d’Introductions sont devenus très nombreux depuis le XVIe siècle. Ils traitent soit de l’ensemble des questions relatives à l’Écriture, soit de quelques points particuliers. — Aug. Giustiniani, Precatio pietatis plena ad Deutn omnipotentem composita ex duobus et septuaginta nominibus divinis ebraicis et latinis cutn interprète commentariolo, Venise, 1513 ; Victoria Porcheti adversus impios Hebreos, in qua tum ex sacris litteris, tum ex diclis Thalmud ac cabalistarum, et aliorum omnium auctorum quos Hebrei recipiunt monstratur veritas catholicx fidei, Paris, 1520. — Jean Dietenberger, Tractatus de canonicis scripturis, Confluentia, 1527. Wedewer, Joh. Dietenberger, in 8°, Fribourg-en-Brigau, 1888, p. 353, 397, 467. — Santé Pagnino, Isagoges seu introduction) s ad sacras lilteras liber unus, Lyon, 1528, 1526 ; Isagoges ad sacras litteras et ad mysticos scripturse sensus, Lyon, 1536 (avec le précédent) ; Cologne, 1543. — Ambroise Catharin, Claves dux ad aperiendas intelligendasve Sacras Scripturas, Lyon, 1543. — Sixte de Sienne, Bibliotheca sancta, Venise, 1566 ; nombreuses éditions, la dernière de Th. Milante, O. P., Naples, 1742. Cet auteur a été le véritable créateur de la science de l’introduction. Cornely, S. J., Introductio in Libros Sacros, t. i, p. 6. — Dominique Baltanas, Concordancias de muchos passos dificiles de la divina historia, Séville, 1556. — Melchior Cano, De locis theologicis (lib. ii, De aucloritate Sacrée Scriptural), Salamanque, 1563. — Joseph M. de Turre, Institutiones ad verbi Dei scripti intelligentiam multis ab auctoribus collectée, Parme, 1611. — Dominique Gravina, Catholicas prsescriptiones adversus omnes veteres et nostri temporis hœreticos, t. i, Prolegomena, Sacra analysis. De divina revelatione. De principiis sacrée doctrines. De sacris traditionibus, Naples, 1619 ; t. ii, De verbi Dei scripti, hoc est Sacres Scripturx aucloritate, versions, interpretalione, ex antiquitate, universitate, etc., Naples, 1627. — Bonaventure Pons, Difficultates Sacres Scripturm inter SS. PP. controverses, Lyon, 1672 ( ?). — Guillaume Raynaud, Synopsis bibliorum folio patenti per tabulam expansam lingua latina, eademque deinde utraque lingua latina et gallicae regione paginarum in librum usu commodum conversos, Paris, 1692.

— Noël Alexandre, dans son Histoire ecclésiastique, a publié plusieurs dissertations qui appartiennent à l’introduction scripturaire. — Hyacinthe de Graveson, Tractatus de mysterils et annis Christi, Rome, 1711 ; Tractatus de Scriplura Sacra, Rome, 1715 ; Venise, 1735. — J. Hyacinthe Serry, Exercitationes historicee, critiess, polemicœ de Christo ejusque Virgine matre, Venise, 1719. — Vincent Nicolle, Synopsis variarum resolutionum in historiam sacram Veteris et Novi Testamenti, Douai, 1725.

— Vincent Awocati, Prasparatip biblica, Palerme, 1741.

— Th. Vincent Monelia, De annis Jesu Christi Servatoris et de religwne utriusque Philippi Augusti, Rome, 1741. — C. Innocent Ansaldi. (Voir t. i, col. 655.) — Gabriel Fabricy, Des titres primitifs de la révélation, ou Considérations critiques sur la pureté et l’intégrité du texte original des Livres Saints de l’Ancien Testament, Rome, 1772. Ouvrage rare, de grande érudition, destiné à préparer une édition du texte hébreu ; réédité dans Migne, Cursus Scripturas Sacras. — Vincent Fassini, Divines libri Apocalypseos auctoritatis vindicias ex inonumentis greecis, Lucques, 1778. — Benoît Olivieri, De voce p Chen in truncum, et trunco in crucem versis, unde incognita’hactenus de cru.ee vaticinia in hebraico 1481 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES - DOMMAGE 1482

lextu cl. vir Franc. Ant. Baldi a se détecta exhibuit, lucubratiuncula, Rome, 1817 ; Sopra il luogo deW Egitto abitato dagli Isræliti quando ne uscirono sotto la condotta di Mosè, dans les Annali di scienze religiose, t. viii, p. 45-61, 197-208, Rome, 1839. — Th. M. Borgetti, De nummo hebraico prope Corgaciam ( Cork) in Hibernia delecto, Rome, 1820. — Zéphirin Gonzalez, cardinal, La Biblia y la ciencia, Madrid, 1891. — Jean Gonzalez-Arintero, El diluvio universal de la Biblia y de la tradition, Vergaras, 1891. — H. Denifle, Die Handschriften der Bibel - Correclorien des 13 Jahrdunderti, dans YArchiv fur Litleratur und Kirchengeschichte, Fribourgen-Brisgau, 1888, t. IV. — H. Didon, Vie de Jésus-Christ, Paris, 1890. — H. Ollivier, Essai historique sur la passion de NotreSeigneur, Paris, 1892 ; Les amitiés de Jésus, Paris, 1895. — Vinc. Zapletal, Hermeneutica biblica, Fribourg, 1897.

VII. TRADUCTIONS ES LAUTOUE VULGAIRE. — À CÔté des

traductions scientifiques latines que l’ordre fît de la Bible au xvie siècle, il y eut aussi des traductions en langue vulgaire. Le concile de Trente avait d’ailleurs officiellement réglé la condition de ces traductions, et on trouve l’exposition de ce point de vue chez les deux auteurs suivants : Esprit Rotier, De non vertenda Scriptura Sacra in vulgarem linguam, Toulouse, 1548 ; Paris, 1661 ; — Martin Harney, De Sacra Scriptura linguis vulgaribus legenda, Louvain, 1693. — Jean Henten, le célèbre reviseur de la Vulgate latine, a collaboré à la traduction française de la Bible dite de Louvain, publiée en 1550. La traduction du Nouveau Testament de René Benoist a été publiée sous son nom, comme revue et corrigée par lui, Louvain, 1567 ; Rouen, 1579. — Nicolas Goeffeteau a traduit du grec en français, au commencement du xviie siècle, une partie du Nouveau Testament demeurée inédite : Évangile selon saint Matthieu, chap. i-xviii (Mazarine, 2119), les Actes des Apôtres (Mazar., 2119, 707, 3053), les Épîtres de saint Paul (Mazar., 724, autogr.) aux Romains et première aux Corinthiens (Mazar., 707, 3053). Urbain, Nicolas Coeffeteau, Paris, 1894, p. 357. — Jean Dietenberger a traduit la Bible en allemand au moment de la Réforme. Il a revu et publié le Nouveau Testament traduit par Jérôme Emser, Cologne, 1529 ; Tubingue, 1532. Wedewer, J. Dietenberger, p. 469. La première édition de sa traduction de toute la Bible est de Mayence, 1534. L’historien de Dietenberger déclare qu’  « aucune traduction catholique de la Bible depuis celle de Luther n’a à juste titre obtenu une plus haute considération, une plus grande diffusion et une plus fréquente réimpression » (p. 4). Wedewer donne la liste de cinquante-huit éditions complètes de cette Bible depuis 1534 à 1776 (p. 470-477). Mais Grasse écrit (t. i, p. 377) que « la dernière édition a paru à Augsbourg, 1785°. Nous connaissons nous-même une ou deux éditions qui ne figurent pas dans la liste. Wedewer cite encore quatorze éditious du Nouveau Testament, quatorze du Psautier, six de l’Ecclésiaste (p. 477-479). Du même auteur, Episteln und Evangelien auf aile Sonntag und Feiertag durch ganze Jar, Coin, 1555, etc. (p. 419, 480). — Godefroi Stryrœde fut, avec Pierre de Cort, collaborateur à la traduction en flamand de Nicolas van Wingh, d’après la Vulgate, éditée en 1548, à Louvain et Cologne. Kirchenlexicon, 2e édit., t. ii, p. 762. — François Joyeulx, Notée in translationem belgicam Novi Testamenti nuper Ambriacse evulgatum, auctore Mgidio de Witte, Anvers, 1701. — Santés Marmochini a traduit la Bible en italien : La Bibia nuovamente tradotta délia hebraica verità in lingua toscana, Venise, 1538, 1516. La traduction du Nouveau Testament est d’après le grec. — Zacharie de Florence, Il Nuovo Testamento tradotto in lingua toscana, Venise, 1536, 15 12 ; Florence, 1566. — Remigio Nanni, plus connu sous le nom de Remigio Florentino, Epistolee vangeli, che si leggono tutto V anno alla messa secundo V uso délia tanta romana Chiesa ridotti ail’ordine del messale

nuovo, Venise, 1575 ; nombreuses éditions. — Jean Sylvester, évêque de Czanad. On lui attribue la traduction hongroise, imprimée à Novæ Insuloe, 1541, et Vienne, 1574. Kirchenlexicon, t. ii, p. 270.

Pour reprendre ses anciennes traditions, l’ordre de3 Frères Prêcheurs a établi à Jérusalem, en 1892, une école pratique d’études bibliques à laquelle sont admis les religieux de l’ordre et les ecclésiastiques. J. Lagrange, Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, Paris, 1894. La Revue biblique internationale est l’organe de l’école, tout en étant ouverte aux savants catholiques (Paris, 1892-1897). — L’imprimerie de la mission dominicaine de Mossoul a édité, en 1887-1891, le texte syriaque de la Peschito, et, en 1874-1877, une traduction arabe de la Bible. P. Mandonnet.

    1. DOMMAGE##

DOMMAGE (hébreu : ’âsôn ; Vulgate : damnum), préjudice causé au prochain dans sa personne ou dans ses biens. — 1° La loi mosaïque ne prévoit qu’un petit nombre de cas spéciaux, mais elle frappe toutes les atteintes à la personne ou aux biens du prochain, même celles qu’elle ne mentionne pas, de la peine du talion ainsi formulée : « Œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, plaie pour plaie. » Exod., xxi, 24, 25. Cette loi a pour but d’établir l’équivalence entre la réparation et le dommage, tout en opposant un frein aux exigences excessives de celui qui a été atteint. Voir Talion.

— 2° Dommage causé aux personnes. — 1. Celui qui a blessé le prochain dans une rixe doit lui payer ce que le blessé n’a pu gagner par incapacité de travail (lucrum cessans) et ce qu’il a dépensé en frais de médecins (damnum émergeas). Exod., xxi, 18, 19. — 2. Celui qui, dans une rixe, a frappé une femme enceinte, doit une compensation déterminée à la fois par les exigences du mari et l’appréciation des juges. Exod., xxi, 22. — 3. Celui qui fait perdre à son esclave un œil ou une dent lui doit en retour la liberté. Exod., xxi, 26, 27. — 4. Quand une blessure est faite par un animal et que la responsabilité du propriétaire est engagée dans l’accident, celui-ci est obligé de payer en compensation tout ce qu’on lui réclame. L’indemnité n’est que de trente sicles d’argent quand le blessé est un esclave. Exod., xxi, 30, 32. — 3° Dommages causés aux biens. — 1. Celui qui laisse une citerne ouverte doit le prix de l’animal qui y tombe et y périt. Exod., xxi, 34. — 2. Celui qui vole un bœuf, pour le vendre ou le tuer, doit rendre cinq bœufs. S’il s’agit d’une brebis, il en rend quatre. Exod., xxii, 1. — 3. Le voleur insolvable est lui-même vendu. Exod., xxii, 3. S’il a encore l’objet volé en sa possession, il en rend le double. Exod., xxii, 4. — 4. Le dommage causé par un animal dans un champ ou une vigne est réparé d’après estimation. Exod., xxii, 5. — 5. L’incendiaire indemnise de tout le tort qu’il a causé. Exod., xxii, 6. — 6. Celui qui cherche à s’approprier frauduleusement une chose confiée ou trouvée doit la rendre, avec une majoration du cinquième de sa valeur. Lev., vi, 2-5. D’après Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 29, celui qui trouvait un objet d’or ou d’argent devait chercher le propriétaire et faire connaître par le crieur public l’endroit de sa trouvaille. — Sur les dommages causés à l’occasion des dépôts, voir Dépôt. Voir aussi t. i, col. 1831. — La loi ne visant que ces quelques cas, il est à croire que les règles ainsi formulées servaient à résoudre par analogie les nombreuses contestations auxquelles devaient donner lieu les atteintes volontaires ou involontaires aux personnes et aux propriétés. — 4° Dans le Nouveau Testament, Notre -Seigneur semble abroger la loi du talion quand il recommande de tendre la joue gauche à celui qui a souffleté la droite, d’abandonner le manteau à celui qui veut s’emparer de la tunique, etc. Matth., v, 38-42. Mais, dans ce passage, Notre -Seigneur formule une loi de perfection chrétienne, sans vouloir abroger la loi de la justice. Le

conseil de renoncer à son droit ne peut être suivi que dans certains cas particuliers. Les exemples donnés par le divin Maître lui-même, Joa., xviii, 22, 23 ; par saint Paul, Act., xvi, 37 ; xxxiii, 3, etc., le montrent assez. Le devoir de réparer le dommage et le droit d’exiger cette réparation subsistent donc sous la Loi évangélique, aussi bien que sous l’ancienne. Seulement l’Évangile laisse aux pouvoirs humains le soin de régler l’application de ce

droit et de ce devoir.
H. Lesêtre.
    1. DOMMIM##

DOMMIM, localité ainsi appelée dans la Vulgate, I Reg., xvii, 1, mais dont le nom complet est en hébreu’Éfés Dammim (Septante : ’Eçeppilv ; Codex Alexandiinus : ’A(p£(r50|i[isîv). Saint Jérôme a traduit’Éfés par in finibus, « sur les frontières » (de Dommim). Au premier livre des Paralipomènes, xi, 13, nous retrouvons le même nom de lieu sous la forme abrégée Pas Dammim (Septante : 4>a(jo80[iri ; Vulgate : Phesdomim). — 1° Le texte sacré nous apprend que l’endroit ainsi appelé était situé entre Socho et Azéca, sur le versant d’une colline. I Reg., xvii, 3. Les Philistins, du temps de Saûl, ayant avec eux Goliath, y avaient établi leur camp. Au bas de cette hauteur était la vallée du Térébinthe. Elle séparait les ennemis de la colline opposée, sur les lianes de laquelle campaient les Israélites. Voir Térébinthe (Vallée du). Quand David eut terrassé le géant, les troupes de Saùl poursuivirent les Philistins, qui s’enfuirent de leur camp, depuis la vallée du Térébinthe jusqu’aux portes d’Accaron. I Reg., xvii, 52. — 2° Dans

I Par., xi, 13, Phesdomim ou Dommim est nommé une seconde fois, à l’occasion d’une défaite infligée aux mêmes Thilistins par les gibborîm ou forts de David. Van de Velde, Narrative of a Journey through Syria, 21n-8°, Londres, 1854, t. ii, p. 193, a cru retrouver le site de Dommim dans les ruines de Dàmîm, près de la route de Jérusalem à Beit-Djibrin, à une heure et demie au nordest de Socho (Schoueikéh).

DONS SURNATURELS. Cette expression comporte, dans la langue biblique, deux significations générales, qui ont entre elles une certaine affinité, mais sont néanmoins tout à fait distinctes. Elle désigne d’abord les dons qui ont pour objet la sanctification personnelle de celui qui les reçoit, et que les théologiens caractérisent en conséquence par la formule générale de « grâce qui rend agréable à Dieu, gratia gratum faciens », terme calqué sur un passage de l’Épître aux Éphésiens, I, 6. Elle désigne également certaines faveurs extraordinaires, qui ne sanctifient pas de leur nature, et ne sont accordées qu’en vue de l’utilité du prochain. I Cor., xii, 7. Ces dons sont bien inférieurs aux premiers. I Cor. 1, xii, 31. Les théologiens les appellent ordinairement « des grâces gratuitement données, gratise gratis datas ». Leur vrai nom biblique, du moins dans la Vulgate, et celui qui les spécifie bien, est charismata, I Cor., xii, 30, simple reproduction du mot grec -/àpiij|iaTa. Cette expression sans doute désigne aussi, dans le grec des Épitres, la première catégorie des dons surnaturels : par exemple, Rom., v, 15-16 ; vi, 23 ; I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6. Mais le contexte permet toujours de déterminer le sens ; et la Vulgate alors emploie le mot générique gratia, « grâce. »

II est donc facile de voir, dans le texte sacré, à quelle espèce de dons on a affaire. Notons d’ailleurs que les charismata sont non seulement distincts, mais séparables de la grâce sanctifiante. Saint Paul admet clairement la possibilité de cette séparation, quand il affirme que ces dons ne sont rien sans la charité, qui est un des éléments essentiels de l’état de grâce. I Cor., xiii, 1, 2. Jésus-Christ le dit d’ailleurs dans l’Évangile. Matth., vii, 21, 22.

I. Première classe. — Il faut distinguer, dans la première catégorie, une acception générale et une acception spéciale. — 1° Dons en général. — Celle-là s’applique

indifféremment à tout l’ordre surnaturel ou à l’une de ses parties les plus importantes, comme l’Incarnation et la Rédemption. Les principales formules bibliques où elle se rencontre sont les suivantes : le don que Dieu a fait au monde de son Fils unique, Joa., iii, 16 ; le don du Saint-Esprit, Act., ii, 38 ; Rom., v, 5 ; I Joa., iii, 25, etc. ; le don de la grâce, Ephes., iii, 7 ; le don de Dieu, Joa., îv, 10 ; le don inénarrable, II Cor., ix, 15 ; le don céleste, Hebr., vi, 4 ; le don (pur et simple) par opposition au péché d’Adam, Rom., v, 15 ; le don de la vie éternelle (en principe et en espérance). Joa., x, 28 ; I Joa., v, 11.

— 2° Dons du Saint-Esprit. — L’acception spéciale du mot s’applique aux sept dons du Saint-Esprit. Si la teneur même de cette formule n’est pas strictement biblique, mais plutôt traditionnelle et théologique, il faut pourtant reconnaître que les Pères et les théologiens qui l’ont employée n’ont pas fait autre chose, en définitive, que traduire en langage technique une doctrine qui est contenue dans l’Écriture. En effet, la Bible nous apprend deux choses : d’abord que tous les justes sont formés à l’image du Christ et configurés à sa ressemblance, Rom., viii, 29, ou, en d’autres termes, qu’ils reçoivent une participation du même Esprit -Saint qui a présidé au mystère de l’Incarnation, Rom., viii, 9 et suiv. ; en second lieu, que les grâces du Saint-Esprit se sont déversées dans l’âme de Jésus-Christ, sous la forme d’effusions particulières annoncées par le prophète Isaïe, xi, 2-3. Ces deux vérités, combinées entre elles, sont l’équivalent biblique de cette formule théologique : « Les justes reçoivent les sept dons du Saint-Esprit. » Or, de ces deux vérités, la première est indiscutable et indiscutée. Quant à la seconde, elle a été contestée pour le nombre des dons. Voici le passage d’Isaïe : « Et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété ; l’esprit de la crainte du Seigneur le remplira également. » Étant donné que ce texte est certainement messianique (voir Almaii), il y a là, d’après beaucoup de théologiens, sept manifestations distinctes d’un seul et même principe, l’Esprit de Dieu, qui concernent le Messie ou le Christ. Le texte hébreu n’en contient que six, attendu que là où la Vulgate a mis l’esprit de piété et l’esprit de crainte, il y a dans l’original un seul et même mot, yire’ap. Quelques interprètes catholiques, entre autres Calmet, Commentaire littéral, Isaïe, 1714, p. 142, n’admettent en conséquence que six dons dans l’hébreu. Voir aussi Huiler, Compendium theologise, in-8°, 1893, t. iii, n° 206, p. 165. — Un mot seulement de la signification particulière des dons mentionnés par Isaïe. Pour quatre d’entre eux, voir Sagesse, Intelligence, Science, Crainte de Dieu. L’esprit de conseil est un don qui nous aide pratiquement à tenir la meilleure conduite possible dans les circonstances critiques. C’est son influence qui explique l’admirable prudence du roi Salomon, quand il rendit le jugement célèbre qui l’a immortalisé. III Reg., m, 16-28. L’esprit de force est un don qui nous aide à triompher des obstacles extraordinaires qui entravent la gloire de Dieu ou s’opposent à notre salut. L’action de David allant au combat contre Goliath, I Reg., xviii, 32, est une manifestation de l’esprit de force. L’esprit de piété est un don qui nous fait apporter un empressement affectueux au service de Dieu, et met dans notre cœur un désir ardent de lui plaire en toutes choses. C’est à son impulsion qu’il convient d’attribuer les élans d’amour qui apparaissent à chaque instant dans les Épitres de saint Paul.

IL Secomie classe : cbasisxata. — Les données bibliques qui concernent les charismata sont assez obscures. Saint Jean Chrysostome en faisait déjà la remarque, Hom. in I Cor., xxix, 1, t. lxi, col. 239, attribuant cette obscurité à la disparition des phénomènes dont parle saint Paul. Aussi ne fautil pas s’étonner des divergences qui séparent les interprètes, quand ils veulent expliquer,

classer et même simplement cataloguer les charismata.

— 1° Leur nombre. — Saint Thomas, Comment, in I Cor., lect. 2 ; Sum. theol., 2° 2°, q. 111, a. 4, et les commentateurs qui le suivent, paraissent croire que le passage de saint Paul, I Cor., xii, 8-10, énumère tous les charismata, qui seraient ainsi au nombre de neuf : le don de parler avec sagesse, sermo sapientise ; le don de parler avec science, sermo scientix ; la foi, fides ; le don de guérison, gratia sanitatum ; le don des miracles, operatio virtutum ; le don de prophélie, prophetia ; le don du discernement des esprits, discretio spirituum ; le don des langues ou glossolalie, gênera linguarum ; le don d’interprétation des langues, interpretalio sermonum. Mais cette énumération est incomplète, comme le prouvent deux autres textes du même Apôtre. Rom., xii, 6-8 ; I Cor., XII, 28-31. En combinant les trois passages ensemble, on voit qu’il faut ajouter à la liste précédente plusieurs dons spirituels, savoir : le don de gouvernement, gubemationes ; le don d’assistance, opitulationes, que saint Paul distingue nettement du don de guérison, I Cor., xii, 28 ; et peut-être ce que l’Apôtre appelle distributio et misericordia. Rom., xii, 8. — 2° Leur classement. — Saint Paul paraît établir un certain ordre entre les charismata. I Cor., xii, 28 ; cf. xii, 8-10, et Ephes., IV, 11. Malgré ces indications, un peu vagues d’ailleure, les Pères ne se sont guère préoccupés de leur classement, non plus que les commentateurs des xvie et xvii » siècles en général. Saint Thomas, en revanche, traite la question et partage en trois groupes les neuf dons qui représentent à ses yeux tous les charismata. Le premier groupe comprend trois dons, sermo sapientise, sermo scientix, fides, qui sont destinés, d’après lui, à créer la persuasion dans l’esprit du prochain, en vue de son utilité spirituelle. Le second groupe est formé des quatre dons suivants, gratia sanitatum, operatio virtutum, prophetia, discretio spirituum, qui ont pour but de consolider la persuasion engendrée par les premiers. Et enfin le rôle du troisième groupe, gênera linguarum, interpretalio sermonum, consiste à favoriser l’œuvre des deux autres, par les facilités qu’il offre sous le rapport des communications intellectuelles entre personnes étrangères. Cette théorie est plus ingénieuse que solide, comme on pourra s’en convaincre en lisant plus bas l’explication sommaire que nous donnons de chacun des charismata. Les commentateurs modernes ont adopté d’autres classements, dont le meilleur, à notre avis, est le suivant, qui partage les dons spirituels en quatre groupes. Dans le premier, il place les dons qui concernent l’enseignement des choses divines, sermo sapientix, sermo scientix ; dans le second, ceux qui viennent à l’appui de cet enseignement, fides, gratia sanitatum, operatio virtutum ; dans le troisième, ceux qui ont pour effet d’édiûer, d’exhorter, de consoler les fidèles, ou qui servent à confondre les infidèles et à manifester leur état d’âme, prophetia, discretio spirituum, gênera linguarum, inlerpretatio sermonum ; enfin, dans le quatrième, les dons qui ont pour objet l’administration temporelle et les œuvres de charité, gubernationes, opitulationes, distributiones. — 3° Leur explication sommaire. — Voici l’indication du sens qu’il convient d’attribuer à chacun d’eux. — 1. Il est particulièrement difficile d’assigner les différences qui séparent le sermo sapientix et le sermo scientise. Saint Augustin sentait si bien la difficulté, qu’il a donné de ces dons trois explications successives et différentes. Ad Simplic, ii, q. 2, 3, t. XL, col. 140 ; De Trinit., xii, 14 ; xiu, 19, t. xlii, col. 1009 et 1033. Nous croyons, avec le P. Cornely, Comment, in I Cor., Paris, 1890, p. 369, que la sagesse désigne ici la connaissance des mystères les plus relevés du christianisme, et que par conséquent le don de parler avec sagesse n’est autre chose que la faculté de bien exposer ces mystères. Il est vraisemblable que cette faveur est la même que celle de l’apostolat, mentionnée par saint Paul en tête dé la seconde énumé ration qu’il fait des charismata. I Cor., xii, 28. Ce n’est pas, pensons-nous, la fonction des Douze qui est visée par cette expression ; mais un don extraordinaire quelconque, conféré à ceux qui aidaient les Douze dans la prédication de l’Évangile et dans la fondation de nouvelles églises. Le nom d’apôtre a ce sens dans d’autres passages de l’Écriture, Act., xiv, 4 ; Rom., xvi, 7, etc., ainsi que dans la Doctrine des douze Apôtres, xi, XII, xui, qui date de la fin du I" siècle ou du commencement du IIe. Quant au don de parler avec science, il signifie probablement le don d’exposer comme il faut l’ensemble des vérités chrétiennes, en faisant servir à cette exposition les ressources de la science humaine. C’est le don qui convient aux docteurs. I Cor., xii, 28. — 2. Les trois dons du second groupe concernent le pouvoir de faire des miracles. Le premier, fides, est comme le genre dont les deux autres sont les espèces. Il désigne, non la vertu théologale qui porte ce nom, mais la certitude morale et la confiance invincible que Dieu veut faire un miracle dans un cas déterminé. Le second, gratia sanitatum, -/apiuftata îapuxTtov, signifie le pouvoir de guérir les maladies proprement dites. Le troisième, operatio virtutum, èvep-prifiaTa Swâjistov, est le pouvoir de faire des miracles en général. Le pluriel du texte grec semblerait indiquer que pour les deux derniers cas il y avait plusieurs variétés de thaumaturges. Mais nous n’avons aucun renseignement là-dessus. — 3. Les quatre dons du troisième groupe forment comme deux paires qui vont ensemble et se complètent mutuellement : d’une part, prophetia et discretio spirituum ; de l’autre, gênera linguarum et interpretatio sermonum. La prophétie en question était surtout le don d’édifier, d’exhorter et de consoler le prochain. I Cor., xiv, 3. Pour remplir cette fonction avec plus d’autorité et d’efficacité, le prophète recevait quelquefois le pouvoir de pénétrer le secret des consciences, I Cor., xiv, 25, et de prédire au besoin l’avenir. Le discernement des esprits était le don de reconnaître le caractère authentique et l’origine exacte du merveilleux qui était alors fréquent, en distinguant le surnaturel divin des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines. La glossolalie était, d’après l’interprétation vulgaire, le don de parler plusieurs langues, mais il ne faut pas confondre ce don avec la faveur très spéciale qui fut accordée aux Apôtres le jour de la Pentecôte. Saint Paul laisse entendre clairement que le glossolale ne comprenait pas toujours les langues qu’il parlait et n’était pas compris davantage de la foule, s’il ne possédait en même temps le don d’interpréter ces langues. I Cor., xiv, 1-25. Ce n’est doue pas en vue de la prédication ou de l’enseignement qu’on recevait la glossolalie, mais en vue de la prière et des louanges divines. — 4. Restent les opitulationes, àvTtXïi[n]/eiç, et les gubernationes, ’xu6epvi)<rEiç. La plupart des anciens commentateurs latins entendent par là, bien à tort, selon nous, certaines fonctions du ministère ecclésiastique ordinaire. Le premier nom désignerait, d’après eux, les personnes qui viennent en aide aux pasteurs spirituels dans le gouvernement général des églises, comme les archidiacres pour les évêques ; et le second s’appliquerait au clergé paroissial. Nous croyons, avec saint Chrysostome, loc. cit., et la plupart des interprètes modernes, qu’il s’agit là de dons extraordinaires : le premier concerne probablement le soin des pauvres et des malades ; le second, l’administration temporelle des églises. Le contexte, I Cor., xii, 28, ne permet pas de supposer que saint Paul ait voulu intercaler des fonctions ordinaires du ministère ecclésiastique dans une énumération des charismata..

S’il règne une certaine obscurité pour le détail de ces dons spirituels, leur signification générale, en revanche, est très claire, ainsi que leur raison d’être. En somme, ils ne sont pas autre chose qu’une manifestation extraordinaire de la présence et de l’action perpétuelle de

l’Esprit-Saint dans l’Église. Cette manifestation était éminemment utile à l’aurore du christianisme, pour deux motifs principaux. D’abord, c’était le seul moyen d’accréditer comme il faut les propagateurs de l’Évangile auprès des Juifs et des païens, tout remplis de préjugés ou de superstitions difficiles à extirper. Les obstacles tombaient plus vite en présence d’une intervention divine si tangible. D’autre part, ces dons permettent de comprendre comment les Apôtres pouvaient quitter presque aussitôt les chrétientés naissantes, qu’ils venaient de fonder, et porter ailleurs la semence évangélique. En réalité, ils ne livraient pas ces jeunes églises à elles-mêmes ; ils les laissaient entre les mains de l’Esprit-Saint, qui communiquait ses dons les plus variés aux néophytes. La présence des Apôtres était suppléée, en partie du moins, par les charismata. Il y avait sans doute dès le début un commencement de hiérarchie ecclésiastique. Mais, comme elle venait elle-même de naître, elle ne pouvait encore suffire à tous les besoins des jeunes chrétientés. Aussi la voit-on fonctionner, entre autres à Corinthe, parallèlement aux pouvoirs extraordinaires dont nous parlons. Ce n’est que plus tard, au fur et à mesure des développements de la hiérarchie ecclésiastique, que disparaissent peu à peu les charismata, qui n’avaient plus guère leur raison d’être. — Voir Knabenbauer, Commentarius in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. ii, p. 269-273 ; Bodewig, Die Nothwendigkeil der G-aben des hl. Geisles zum Heile, dans la Zeitschrift fur kalholische Théologie, 1882, p. 113-140, 248-282 ; 1883, p. 124-147, 230-250 ; Cornely, Commentarius in sancti Pauli priorem Epistolam ad Corinthios, Paris, 1890, p. 355 et suiv. ; Godet, Commentaire sur la première Epitre aux Corinthiens, Paris, 1887. J. Bellamy.

DOR (hébreu : Dôr, Jos., xi, 2 ; xii, 23 ; Jud., i, 27 ; I Par., vii, 29 ; Dô’r, avec aleph, Jos., xvii, 11 ; III Reg., iv, 11 ; précédé de nâfaf, Jos., xii, 23 ; III Reg., IV, 11 ; nàfôt, Jos., xi, 2 ; de là en grec : Codex Alexandrinus, Nayeêwp, NaseOôwp ; Codex Vaticanus, « JevæSSwp, Jos., xi, 2 ; Cod. Alex., NiçeSSwp ; Cod. Vat., $evve68w ?, Jos., xii, 23 ; Cod. Alex., NEyaBBrâp, IV Reg., iv, 11 ; on trouve aussi : « ÊswsaXBwp et NsçûocSûp ; ailleurs, Awp, Jos., xvii, 11 ; Jud., i, 27 ; I Par., vii, 29 ; Cod, Vat., ’EXôw(i. ; Cod. Alex., AÔSwp, Jos., xii, 23 ; Awpa, I Mach., xv, 11, 13, 25 ; Vulgate : Dor, Jos., xi, 2 ; xii, 23 ; xvii, 11 ; Jud., i, 27 ; I Par., vii, 29 ; Dora, I Mach., xv, 11, 13, 25 ; Nephath Dot ; III Reg., iv, 11), cité royale chananéenne, Jos., xi, 2 ; xii, 23 ; assignée primitivement à la tribu d’issachar ou à celle d’Aser, Jos., xvii, 11, plus probablement à cette dernière, et enfin donnée à Manassé occidental. Jud., i, 27 ; I Par., vii, 29. Elle était située sur les bords de la Méditerranée, Jos., xi, 2 ; I Mach., xv, 11, 14, et sur son emplacement s’élève aujourd’hui Tantourah, entre Jaffa et le Carmel.

I. Nom. — Le mot-p, i, Dôr, ou int, Dô’r, signifie, en hébreu et en phénicien, « habitation, demeure ; » c’est l’arabe A>, dâr. Le nom de cette très ancienne ville se retrouve, avec la même orthographe, sur les monuments des peuples voisins. Il paraît en assyrien sur une liste

géographique, sous la forme ^ij 4*~*"I £111 1 Du-’ru,

qui maintient l’aspiration médiale. Cf. II Rawlinson, 53, n° iv, ligne 57 ; E. Schrader, Die Keilinschriflen und dos Alte Testament, in-8°, Giessen, 1883, p. 167 ; Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? in-8°, Leipzig, 1881, p. 285. L’inscription funéraire d’Eschmounazar, roi de Sidon, le reproduit aussi exactement : 4X/*4> n>n Cf. Corpus inscriptionum semiticarum, part. i, Paris, 1881, t. i, p. 13, 14, ligne 19. Le papyrus Golénischeff le

transcrit : n 1 ç., D-ira. Cf. W. Max Millier, Asien

und Europa nach altâgyptisçhen Denkmâlern, in-8°,

Leipzig, 1893, p. 388. Josèphe met tantôt le féminin Ampôc, tantôt le pluriel neutre, xi Ampi. Ant. jud., XIII, vu, 2 ; V, i, 22 ; Bell, jud., i, ii, 2, etc. Le mot nâfat, pluriel : nàfôt, qui le précède en quelques passages, a embarrassé les traducteurs et les commentateurs : les Septante, nous venons de le voir, l’ont uni à Dor pour en faire un nom propre, NaysOBiip, avec ses variantes, que la transposition des consonnes et le changement des voyelles ont, en certains manuscrits, transformé en $ÊvæSB<op, $Evv£8811p, etc. La Vulgate l’a rendu par regiones, Jos., xi, 2 ; provincia, Jos., xii, 23 ; et Nephalh. III Reg., iv, 11. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast irasacra, Gœttingue, 1870, p. 115, 142, 250, 283, ont : Aù>p toû NaçàO, Naçeûôiip ; DorNafeth, Nefeddor, et rapportent la traduction de Symmaque : napaXîa A<ip, Dor maritime. L’expression hébraïque, nàfah, a simplement, le sens de « hauteur, montée ». Elle indique, suivant les uns, le promontoire de Dor ; suivant les autres, la région des collines avoisinantes. — Le nom actuel, l.^Xiï, Tantoura, selon V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 306 ; i.jij-ik, Tanfourah, suivant le Survey of Western

Palestine, Naine Lists, Londres, 1881, p. 141, rappelle l’ancien, au moins par sa finale. Mais quelle peut être son origine ? Les uns le regardent comme une corruption de Dandoura, dérivé lui-même de Doura ou Dora. V. Guérin, loc. cit. D’autres, le rattachant au vieux mot Tortura ou Tartoura, qu’on trouve dans Pococke et le chevalier d’Arvieux (cf. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, Leipzig, 1847, t. i, p. 274), cherchent à l’expliquer par l’arabe.j> n>^, Tour Doura, « la montagne de

Dor. » Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 331. Les habitants du pays auraientils trouvé dans la configuration de la côte en cet endroit ou dans quelque ruine un rapprochement avec le singulier ornement que les femmes druses portent encore et qui, appelé tantoura, consiste en une corne creuse en argent, parfois assez haute, et fixée sur le sommet de la tête ? Nous ne pouvons faire ici que des conjectures plus ou moins plausibles. Ce que nous savons, c’est qu’un des historiens des croisades, Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana, lib. I, cap. xvii, t. clv, col. 851, désigne Dora sous le nom de Pirgul, qui paraît être une corruption du mot grec TTJpYoç, « tour, » par lequel les Grecs désignaient peut-être alors ce lieu, à cause de la tour qui S’élevait sur le promontoire septentrional du port et dont la vue attirait de loin l’attention. La même localité s’appelait aussi Merla au moven âge. Cf. E. Rev, Les colonies franques de Syrie, . in-8°, "Paris, 1883, p. 422.

II. Situation et description. — Si l’origine du nom actuel est incertaine, la situation de l’antique Dor est nettement déterminée. Elle se trouvait sur les bords de la mer, Jos., xi, 2 ; I Mach., xv, 11, 14, près du mont Carmel, Josèphe, Conf. Ap., ii, 10, à neuf milles (treizekilomètres ) de Césarée de Palestine, Eusèbe et saint Jérôme, Onomaslica, p. 115, 142, 283, sur la route de Ptolémaïde (Saint -Jean-d’Acre), dont elle était éloignée de-vingt milles (vingt-neuf kilomètres), suivant la carte de Peutinger ; ce dernier chilfre est un peu trop faible. Toutes ces indications conduisent incontestablement à la moderne Tantourah. Ce gros village, de douze cents habitants environ, a été bâti en grande partie avec des matériaux tirés de l’ancienne ville, au sud de laquelle il s’éiève. On y voit deux mosquées à moitié renversées, et : dans l’une d’entre elles plusieurs colonnes de granit évidemment antiques. En avant s’arrondit une anse peu profonde, protégée, du côté du large, contre les ventsd’ouest, par trois ou quatre ilôts, qui brisent la violence des vagues ; elle est, en outre, défendue au nord par une pointe rocheuse qui avance dans la mer en forme de promontoire.

Le port antique de Dora est au nord et à Une faible dis

tance de cette anse, délimité par deux promontoires, qui jadis s’avançaient plus loin dans la mer, au moyen de deux môles artificiels, aujourd’hui en partie détruits. Le promontoire auquel s’adaptait le môle septentrional était’adis fortifié. Vers son extrémité et à son point culminant, on aperçoit les restes d’une haute tour, qui ne paraît pas remonter au delà des croisades ; cependant les substructions qui recouvrent les flancs du rocher sont beaucoup plus anciennes, et prouvent que dès l’antiquité cette pointe a dû être protégée. À l’est de ces débris, sur la plate-forme supérieure du cap, plusieurs fûts mutilés

actuellement en grande partie couvert de broussailles. Non seulement son ancienne configuration intérieure est méconnaissable, mais encore tous ses édifices publics et privés ont été complètement détruits ; néanmoins çà et là encore sont épars quelques beaux blocs, ainsi qu’un certain nombre de fûts brisés, rongés par le temps. À un kilomètre tout au plus de ces ruines, vers l’est, s’étendent de vastes carrières, dans la chaîne de collines qui couvre, du sud au nord, l’espace de trois kilomètres. C’est de là qu’ont été tirés tous les matériaux qui ont servi à bâtir la ville. Là aussi était la nécropole de cette cité. Un très

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501. — Vue de Tantourah (l’antique Dor). D’après une photographie.

de colonnes sont encore enfoncés dans le sol, et plus loin on distingue les vestiges d’un fossé aux trois quarts comblé. Au pied de la tour, vers le nord, une assez puissante construction semble avoir servi de magasin maritime ; c’est une enceinte rectangulaire, encore en partie debout, bâtie avec de superbes blocs parfaitement équarris. Une autre construction de moindre dimension, mais bâtie de - la même manière, était attenante à celle-ci ; elle est aux trois quarts renversée. Plus au nord, un petit cap fait saillie dans la mer ; quelques gros blocs bien taillés y sont encore en place. En continuant à marcher le long de la plage, dans la direction du nord, on arrive à un long mur aboutissant à la mer, comme une sorte de digue, et à un quai pavé de larges dalles. Puis autour d’une anse arrondie en demi-cercle, abritée par un Ilot contre les vents d’ouest, une quinzaine de colonnes portant avec elles leur base carrée gisent dans le sable.

La ville de Dor s’étendait sur une longueur de douze cents mètres, et sa largeur, dans l’intérieur des terres, était d’environ six cent soixante-dix mètres. Le mur d’enceinte qui l’environnait a été presque partout rasé de fond en comble, et l’emplacement qu’elle occupait est

grand nombre de tombeaux sont encore bien conservés, mais tous ont été violés. Les uns sont simples, les autres contiennent plusieurs chambres sépulcrales. L’entrée, étroite et rectangulaire, est ordinairement précédée d’une sorte de petit vestibule en forme d’auvent et s’arrondissant en plein cintre. Intérieurement ils renferment soit des fours à cercueils, soit des auges funéraires, surmontées chacune d’un arceau cintré. On trouve dans les environs deux puits d’apparence antique. L’un porte le nom de Bit’Driméh. Ce nom, dit M. V. Guérin, à qui nous empruntons cette description, est selon toute apparence un souvenir de celui de Ap-j|jLÔ ; (lieu planté de chênes), donné par les Grecs à une région de la Palestine attenante au mont Carmel, et à laquelle sans doute appartenait la plaine de Dor. Cf. V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 306-309 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, t. ii, p. 7-11 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1874, p. 12 ; 1887, p. 84.

III. Histoire. — S’il faut en croire Etienne de Byzance, citant lui-même Claudius Iolaûs, Dor aurait été fondée par des Phéniciens, qui s’étaient réunis en cet endroit parce que le rivage est bordé de rochers abondant eu

coquilles de pourpre. Ils y construisirent d’abord d’humbles cabanes, qu’ils environnèrent de palissades et de fossés. Puis, comme leur entreprise marchait au gré de leurs désirs, ils taillèrent les rochers, et avec les pierres extraites de ces carrières ils se bâtirent des murs et se flrent un port commode. Cf. Reland, Palxstina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 739. Lorsque les Hébreux entrèrent dans la Terre Promise, la ville était, avec le district qui en dépendait, gouvernée par un roi chauanéen, que Jabin, roi d’Asor, appela au combat contre Josué, et qui fut, comme les autres, vaincu près du lac Mérom. Jos., xi, 1, 2, 5, 8 ; XII, 23. Elle échut en partage à la demi-tribu de Manassé occidental, qui prit quelques lambeaux du territoire d’Issachar et d’Aser. Jos., Xvn, 11. Les habitants, épargnés par les vainqueurs, demeurèrent au milieu d’eux, mais à titre de tributaires. Jud., i, 27. Josèphe, Ant. jud., V, I, 22, dit qu’elle marquait la limite occidentale de Manassé et la limite septentrionale de Dan : la première assertion est juste ; la seconde est peut-être entachée d’une légère exagération. Nous devons au papyrus Golénischeff d’intéressantes révélations sur l’état de cette région avant l’établissement de la royauté en Israël. En même temps que Ramsès III plaçait les Philistins sur la côte méditerranéenne, dans la Séphélah, il installait au nord, sur la lisière de la grande chênaie, de Dor au Carmel, la tribu des Ta-(k)-ka-ra ou Zakkala. C’était comme une barrière vivante qui se dressait entre la vallée du Nil et les périls de l’Asie. C’est cette tribu qui occupait la cité maritime dont nous parlons quand Herhor, encore grand prêtre, envoya une galère égyptienne à Byblos chercher des cèdres du Liban. Tandis qu’elle se ravitaillait à Dor, un des matelots déserta, emportant la caisse. Le prince local, qui joua dans cette affaire un singulier rôle, portait un nom très important à noter : il s’appelait Ba-d-ira ou Badilou. Ce nom parait être une de ces formes apocopées Badilou, Boudilou, Bodilou, pour Abdilou, « le Serviteur d’ilou, » qui sont si fréquentes dans l’onomastique phénicienne, Bodeshmoun, Bodashtoreth, etc. Cf. W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, p. 388-389 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1£97, t. ii, p. 470, 582, 697.

— Sous Salomon, le riche district de Dor était administré par Benabinadab, gendre du roi, et l’un des douze préfets établis sur tout Israël, chargés de fournir aux dépenses de la table royale. III Reg., iv, 11 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 3. — L’inscription d’Eschmounazar nous apprend que la ville fut, ainsi que Joppé (Jaffa), donnée aux Sidoniens par le roi des Perses en récompense de services rendus, probablement de victoires navales remportées à son profit.

La cité maritime, bien fortifiée, eut dans là suite un rôle assez important, comme au temps des luttes entre les Ptolémées et les Séleucides. L’an 217 avant Jésus-Christ, dans la guerre d’Antiochus II le Grand contre Ptolémée Philopator, elle fut vainement assiégée par le premier, qui ne put s’en emparer, faute de vaisseaux nécessaires pour l’attaquer par mer. Quelque temps après cependant, elle retomba au pouvoir des rois de Syrie, et eur demeura soumise jusqu’à ce que Diodote, surnommé Tryphon, eût usurpé le royaume (139 avant J.-C) ; mais bientôt Antiochus VII Sidètes le vainquit et le poursuivit jusqu’en Phénicie. Tryphon se réfugia à Dor, où il fut assiégé par terre et par mer. I Mach., xv, 11-14. Ces quelques versets du livre des Machabées nous montrent . l’importance de cette place, puisque, pour s’en rendre maître, Antiochus dut employer, outre sa flotte, une armée de terre qui ne comptait pas moins de cent vingt mille fantassins et huit mille cavaliers. Tryphon, réduit à la dernière extrémité, parvint à s’échapper par mer et se rendit à Orthosia, d’où il gagna Apaméé, sa patrie, où il fut pris et mis à mort. I Mach., xv, 37 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 2. Pendant la guerre intestine qui éclata

entre les deux frères Antiochus VIII Gryphus et Antiochus de Cyzique, un certain Zoïle réussit à s’emparer de Dora ; après avoir quelque temps maintenu sa position contre Alexandre Jannée, il fut ensuite soumis par Ptolémée Lathyre. Josèphe, Ant. jud., XIII, xii, 2, 4. La ville retomba aux mains des Juifs, qui la possédaient lorsque Pompée pénétra en Syrie. Ce royaume ayant été réduit en province romaine, Pompée accorda à Dor l’autonomie. Ant. jud., XIV, iv, 4 ; Bell, jud., i, vii, 7. C’est à partir de cette époque, l’an 64 avant J.-C, que commence l’ère qui se trouve marquée sur ses monnaies. Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1874, p. 143-144. Comme elle avait beaucoup souffert de la part des Juifs, elle fut rebâtie, l’an 56 avant J.-C, par Gabinius, proconsul de Syrie. Ant. jud., XIV, v, 3. La haine des habitants contre les Juifs, longtemps dissimulée, éclata, l’an 42 de l’ère chrétienne, lorsque plusieurs jeunes gens, pour insulter à la religion judaïque, placèrent dans la synagogue une statue de l’empereur Claude. Le roi Agrippa obtint le châtiment des coupables. Ant. jud., XIX, vi, 3. À l’époque de Pline, H. N-, v, 17, Dora n’était que l’ombre d’elle 502. — Monnaie de Dor.

Tête de femme, voilée et tourelée, à droite. — R). AQPEITQ[N] N À YAP. Femme tourelée, debout et de I aee, tenant un mât avec sa voile de la main droite et une corne d’abondance dans la main gauche.

même, et du temps de saint Jérôme, Onomastica, p. 115, elle était déserte. Elle fut cependant le siège d’un évêché, qui dépendait de l’église métropolitaine de Césarée.

— Il nous reste de Dora un assez grand nombre de monnaies, qui nous montrent son importance à l’époque romaine. Elle y est appelée « Dora la sainte, inviolable, autonome », AÛP. IEP. ACYA. AYT. NATAP. On voit sur quelques-unes une femme tourelée debout et de face, tenant de la main gauche une corne d’abondance, et de la main droite un mât muni de sa voile, qui paraît se relier au titre de NAYAPXIS, qu’on trouve sur plusieurs pièces appliqué à la ville (fig. 502). Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, p. 142-148, 405.

A. Legendre.

DORA, nom de la ville de Dor dans I Mach., xv, 11, 13, 25. Voir Dor.

    1. DORCAS##

DORCAS (grec : Aopy.i ; , « gazelle » ), traduction grecque du nom araméen de Tabitha, chrétienne de Joppé. Act., ix, 36, 39. Voir Tabitha.

    1. DORDA##

DORDA (hébreu : Darda’; Septante : Àapoi).a), un des quatre personnages renommés par leur sagesse et que le texte sacré met en comparaison avec Salomon, qui les surpassait tous. III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11). Il était fils de Mahol. Voir Chalcal. Au passage parallèle, I Par., ii, 6, il est appelé Dara*. Quelques auteurs ont contesté cette identité. Voir Éthan.

    1. DORSCHE Jean Georges##

DORSCHE Jean Georges, théologien luthérien, né à Strasbourg le 13 novembre 1597, mort à Rostock le 25 décembre 1659. Après avoir étudié dans sa ville natale et à Tubingue, il fut, eh 1622, nommé pasteur à Ensisheim. Cinq ans plus tard, il fut appelé à enseigner la théologie à Strasbourg, et, en 1654, il remplit les mêmes fonctions à Rostock. Il a laissé un grand nombre d’ou ! vrages, parmi lesquels : VindicUn. et animadversiones j ad cap. i, u et m Exodi contra Bellanninum, in- 4°,

Strasbourg, 1630 ; Ad cap. iv Exodi dissertatumcs xi, in-4°, Strasbourg, 1643 ; VindicUe quatuor priorum capitum Exodi, in-4°, Francfort, 1654. Ces trois ouvrages ont été réunis en un seul sous le titre : Sïlloge vindiciarum et animadversionum ad Bellarmini in quatuor tomis controversiarum fadas allegationes ex Exodi Mosaicse capitibus i, ii, iii, ir, in-4°, Strasbourg, 1659. Dorsch est encore l’auteur de : Dissertatio theologica de Spiritu, aqua et sanguine in terra, I Joa., r, 8, sive de verbo et duobus Novi Testamenti sacramentis, in-4°, Strasbourg, 1637 ; Synopsis theologim Zacharianse, in-4°, Strasbourg, 1637 ; De lxx hebdomadibus Danielis, xi, 24, in-4°, Strasbourg, 1640 ; Dissertatio de agno paschali, in-4°, Strasbourg, 1644 ; Dispulatio de operariis in vinea Domini, Matth., xx, in-4°, Rostock, 1657 ; Tunica Christi inconsutilis ex Ps.xxii, 19 ; Joa., xix, 23, explanata, in-4°, Rostock, 1658. Les ouvrages suivants furent publiés après la mort de leur auteur : Discussio explicationis Hugonis Grolii de sanguine et suffocato, Act., xv, 20, in-4°, Rostock, 1665 ; Biblia numerala, seu Index biblicus specialis in omnes Veteris et Novi Testamenti libros, auctus a Joa. Grambsio, in-f°, Francfort, 1674 ; Admirandorum Jesu Christi septenarium in quo ejus nalivitatis, passionis, mortis, regni arcana crationibus academicis illustrantur, in-12, Strasbourg, 1687 ; Zr)Tr]|iiTa in Epistolas I et II D. Johannis apostoli disputationibus rui a Joa. Nie. Quistorpio publiée ventilata, in-4°, Rostock, 1697 ; Fragmenta commentarii in Epislolam Judse, in-4°, Leipzig, 1700 ; Ad enthéas lesaise prophetias earunique singula capita analysis, ex operose collatis pêne multis optimisque tam ebrseis, quam christianis interpretibus, adeo ut commentarii vicem prœstare possit, prœmissa ubique apodixi, in-i", Hambourg, 1703 ; In quatuor evangelistas commentarius per solidam apodixin, analysin, exegesim, harmoniam item ac parallelismum, verum sensum exhibent, falsum réfutons. Subjungilur chronotaxis Actorum Apostolicorum ex recensione Joa. Fechtii, in-4°, Hambourg, 1706 ; In Epistolam Pauli ad Ebrseos commentarius pluribus hypomnematibus apodiclico-analytico-exegeticis juxta seriem capitum commatumque féliciter cœptus, ad dimidium capilis decinii perductus et a Joa. Chr. Pfaffio absolutus, in-4°, Francfort, 1717. —Voir Le Long, Bibliolh. sacra, p. 703 ; Walch, Biblioth. theologica, 1. 1, p. 95, 664 ; t. iv, p. 372, 537, etc. ; Fecht (J.), dans la préface du commentaire In quatuor evangelistas, mentionné plus haut ; Quistrop (J.), Programma in J. G. Dorschei, obitum, in-4°, Rostock, 1660 ; Ridensann (Nie), Concio funebris in J. G. Dorschei obitum cum curriculo vitx, in-4°, Rostock, 1669.

B. Heurtebize.
    1. DORYMINE##

DORYMINE (Septante : Aopujisvr] ;  ; Vulgate : Doryminus), père de Ptolémée (de Ptolémée surnommé le Maigre, d’après l’opinion commune mais non certaine). 1 Mach., iii, 38 (et II Mach., iv, 45, teste grec). C’est probablement le même Dorymine qui défendit la Cœlésyrie contre Antiochus le Grand. Polybe, v, 61.

DOS (hébreu : gab, gav, gêv, gaf ; sekém, la partie du dos qui est entre les épaules ; Septante : vùto ;  ; Vulgate : dorsum, tergum), partie postérieure du corps humain qui s’étend entre les épaules et les reins. — 1° Le dos sert à porter les fardeaux. Le mot Sekém est toujours employé en pareil cas. Gen., xlix, 15 ; Jos., iv, 5 ; Jud., ix, 48 ; Is., x, 27 ; Ps. lxxxi (lxxx), 7. C’est sur son dos, sekém, sur ses épaules aussi par conséquent, que le Messie porte sa principauté, c’est-à-dire probablement l’insigne de sa puissance, et la clef de la maison de David. Is., rx, 5 ; xxii, 22. Voir col. 803. — Job, xxxi, 22, eût préféré que son bras se détachât du Sekém plutôt que de frapper la veuve ou l’orphelin. — Servir Dieu d’un seul dos, Soph., iii, 9, c’est porter ensemble le joug de son service. — 2° Le dos reçoit les coups. Le bâton

menace le dos, Sekém, Is., rx, 3 ; il frappe le dos, gév, de l’insensé. Prov., x, 13 ; xix, 29 ; xxvi, 3 ; Éccli., xxxv, 22. — Lé patient tend son dos aux coups. Is., L, 6. Son dos est alors comme une terre sur laquelle on passe, que chacun foule aux pieds brutalement. Is., li, 23. Le persécuté se plaint que sur son dos « les laboureurs ont labouré et ont tracé leurs longs sillons », Ps. cxxix (cxxviii), 3 ; ils l’ont labouré de coups et ont tracé des sillons sanglants sur son corps. — 3° Tourner le dos, c’est s’en aller. I Reg., x, 9. Faire en sorte que les ennemis soient dos, Ps. xxi (xx), 13, c’est les mettre en fuite. — Jeter derrière son dos, c’est mépriser, oublier volontairement quelqu’un ou quelque chose : Dieu, III Reg., xiv, 9 ; Ezech., xxiii, 35 ; ses paroles, Ps. l (xlix), 17 ; la loi divine, II Esdr., ix, 26 ; les préceptes des sages. Eccli., xxi, 18. Dieu jette les péchés de l’homme derrière son dos, Is., xxxviii, 17, c’est-à-dire les pardonne et les efface ; car s’il jette derrière son dos c’est pour ne plus voir, et ce qu’il ne voit plus n’existe plus. — 4° Métaphoriquement, « le dos, gaf, des hauteurs de la ville » est la partie la plus élevée de la cité. Prov., ix, 3. — 5° Les versions traduisent par « dos » tantôt’oréf, « cou, » Exod., xxiii, 27 ; Jos., vii, 8 ; Ps. xvii, 41 ; II Reg., xxii, 41 ; II Par., xxix, 6 ; Jer., ii, 27 ; xviii, 17 ; Bar., ii, 33 ; tantôt mâtnayim, « reins. » Deut., xxxiii, 11 ; III Reg., xii, 10 ; Ps. lxv, 11 ; lxviii, .24 ; Rom., xi, 10 ; Is., xlv, 1 ; Je… xlviii, 37 ; Am., viii, 10. Voir Cou, Reins. — 6° Il est question du dos des animaux, Ezech., x, 12 ; Dan., vii, 6. Au Psaume lxviii (lxvii), 14, où les versions traduisent : « Les extrémités de son dos ont la pâleur de l’or, » il s’agit en hébreu de la colombe, « dont les plumes ont l’éclat de l’or. » Voir

Colombe, col. 849.
H. Lesêtre.

DOSITHÉE. Nom de trois personnages.

1. DOSITHÉE (Septante : Ao<r16so ;  ; Vulgate : Dosithxus). La quatrième année du règne de Ptolémée et de Cléopàtre, ce Dosithée, se disant de la race de Lévi et prêtre, vint en Egypte avec son fils Ptolémée, pour y apporter le livre d’Esther, traduit en grec par Lysimaque, à Jérusalem. Esth., XI, 1 (grec, 1-2). On admet communément que le Ptolémée qui régnait alors en Egypte est Ptolémée VI Philométor (181-146 avant J.-C). Josèphe, Cont. Apion., ii, 5, parle d’un Dosithée qui commandait les forces de ce roi d’Egypte ; mais rien ne prouve qu’il soit le personnage nommé dans Esther.

2. DOSITHÉE (grec : Auxjfesoc ; Vulgate : Dosilheus), un des principaux chefs de l’armée de Judas Machabée, qui prit une forteresse au général syrien Timothée et en massacra la garnison de dix mille hommes. Il fit Timothée lui-même prisonnier, et le relâcha sur la promesse que celui-ci rendrait à la liberté les Juifs qu’il retenait prisonniers. II Mach., xii, 19, 24.

3. DOSITHÉE, cavalier de l’armée de Bacénor, d’une force prodigieuse, qui fut sur le point de s’emparer de Gorgias ; mais il reçut d’un cavalier thrace un coup à l’épaule qui lui fit lâcher prise. II Mach., xii, 35.

E. Levesque.

DOT (hébreu : Silluhîm, de sâlah, « renvoyer, laisser aller ; » Septante : çspvr), et III Reg., ix, 16 : ùiioax()r ; Vulgate : dos), biens qu’une jeune fille ou un jeune homme apportent en se mariant.

I. Dot proprement dite. — La dot apportée en mariage par une jeune fille est chose très rare chez les peuples de l’antiquité. On n’en trouve qu’un exemple chez les Hébreux. Quand Axa, fille de Caleb, est donnée en mariage à Othoniel, elle reçoit de son père une terre peu fertile, et en obtient ensuite une meilleure. Jud., xv, 18. Voir Axa. Beaucoup plus tard, il est vrai, on voit Raguel donner au jeune Tobie la moitié de ses biens, à la suite de

l’heureux mariage de sa fille avec son parent. Mais il s’agit beaucoup moins ici d’une dot que d’une donation entre vifs. Raguel n’offre pas son présent à condition que Tobie épouse sa fille, sept fois victime de la malice du démon. Content que le huitième mariage ait été enfin béni de Dieu, il fait don au jeune époux de la moitié de sa fortune, et promet de lui laisser l’autre moitié après sa mort. Tob., viii, 24. — Chez les Égyptiens, l’usage de la dot existait, au moins dans les hautes classes de la société. Dans les grandes familles, chaque femme recevait en dot une portion de territoire, qui accroissait le domaine de son mari. Mais celui-ci à son tour, en mariant ses filles, était obligé de morceler son fief pour leur assurer une dot. Ainsi, sous Osortésen 1 er, la princesse Biqlt épousa Nouhri, un des princes d’Hermopolis, et lui apporta en dot le fief de la Gazelle. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 300, 523. Par la suite, le pharaon contemporain de Salomon se conforma donc aux usages de son pays quand il donna en dot à sa fille la ville de Gazer, au moment de son mariage avec le fils de David. 1Il Reg., ix, 16. À l’époque des Ptolémées, Bérénice, fille de Ptolémée Philadelphe, apporta de telles richesses à Antiochus Théos, roi de Syrie, en se mariant avec lui, qu’on la surnomma <pepvo<p<>po{, « porte-dot. » — Chez les Grecs, on voit Agamemnon promettre sept bonnes villes à celui qui épousera sa fille. Iliad., ix, 146-157.

II. Le mohar. — 1° Son usage en Orient. — En règle générale, dans tout l’Orient et particulièrement chez les Hébreux, ce n’était pas la jeune fille qui apportait une dot, mais le jeune homme ou ses parents qui donnaient une somme ou des présents aux parents de la jeune fille, pour obtenir celle-ci en mariage. Ce prix offert par le jeune homme porte en hébreu le nom de mohar. « Dans un pays où tous les citoyens considèrent le mariage comme un devoir, et où, dans certains cas, les mœurs et la loi permettent de prendre une seconde femme, les pères placeront facilement leurs filles sans les doter, et ils pourront même en réclamer un certain prix. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 203. Aussi, presque toujours, chez les anciens peuples, le premier préliminaire du mariage était l’achat de l’épouse. Chez les anciens Chaldéens, la jeune fille apportait avec elle une dot et des cadeaux provenant de la générosité des membres de sa famille. Mais le mariage « était à vrai dire une vente en bonne forme, et les parents ne se dessaisissaient de leur fille qu’en échange d’un présent proportionné aux biens du prétendant. Telle valait un [sicle] d’argent pesé, et telle autre une mine, telle autre beaucoup moins ; la remise du prix s’accomplissait avec une certaine solennité. Lorsque le jeune homme ne possédait rien encore, sa famille lui avançait la somme nécessaire à cet achat ». Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 734. Les auteurs mentionnent plusieurs fois l’existence de la même coutume chez les anciens peuples. Homère, Iliad., xi, 244 ; Odyss., iii, 281 ; vin, 318 ; Hérodote, I, 196 ; Élien, Var. Hist., iv, 1 ; Strabon, XVI, 745 ; Tacite, Mor. Germ., 18. Une des formes du mariage reconnue par le droit romain était la coemptio ou achat d’une femme pour laquelle on payait au père un prix convenu. La loi salique considérait aussi le mariage comme un marché. Ozanam, Études germaniques, Paris, 6e édit., 1894, t. i, p. 120, 121. Chez les Arabes modernes, « on traite du prix de la fille, que le gendre doit payer au beau-père en chameaux, en moutons ou en chevaux… Il faut proprement qu’un garçon qui veut se marier achète sa femme, et les pères parmi les Arabes ne sont jamais plus heureux que quand ils ont beaucoup de filles. C’est la première richesse de la maison. Ainsi lorsqu’un garçon veut traiter lui-même avec la personne dont il désire épouser la fille, il lui dira : Voulez-vous me donner votre fille pour cinquante moutons, pour six chameaux, etc. ? S’il n’est pas assez riche pour faire de semblables offres, il lui proposera de la donner pour une cavale ou pour un jeune poulain, le tout enfin selon le

mérite de la tille et la considération de sa maison, et selon le revenu de celui qui veut se marier. » De la Roque, Voyage en Palestine, Amsterdam, 1718, p. 221, 222. Ces coutumes sont encore en vigueur chez les Arabes de la Palestine actuelle. Les pères vendent leurs filles comme ils vendent leur bétail. « Dans les villes, le prix ordinaire des jeunes filles varie entre deux mille et quatre mille piastres (environ 500 ou 1000 francs), et quelquefois davantage chez les riches ; mais dans les campagnes il est presque constamment entre deux mille et trois mille piastres. Les pères des deux parties, assistés de leurs proches parents et de leurs amis, conviennent entre eux de la somme à payer, absolument comme s’il s’agissait de la vente d’une jument ou d’un chameau… Il arrive quelquefois que l’acquéreur ne peut payer immédiatement la somme arrêtée ; on lui permet alors d’acquitter sa dette en plusieurs payements, et on ne lui livre la fille que quand il l’a payée entièrement. Cela fait, il reste encore à convenir des cadeaux que l’époux fera à sa future et aux proches parents de celle-ci ; mais cela se règle facilement par les pratiques et usages traditionnels. » Pierotti, La Palestine actuelle dans ses rapports avec l’ancienne, Paris, 1865, p. 244.

2° Le « mohar » dans la Bible. — 1. Ce mot et l’idée qu’il exprime reviennent plusieurs fois dans les Livres Saints, les Hébreux ayant toujours suivi la coutume orientale en ce qui concerne la dot à payer par l’époux aux parents de la future. Le mot mohar implique bien, du reste, une affaire d’argent. Le verbe mâhar, « acheter une épouse, » Exod., xxii, 15, est apparenté aux deux autres verbes mûr, « échanger, » pour vendre ou acheter, et màkar, « vendre. » Gesenius, Thésaurus, p. 773. — 2. Quand Éliézer vient demander Rébecca pour Isaac, il ne manque pas d’offrir de riches présents à la jeune fille, à ses frères et à sa mère. Gen., xxiv, 22, 53. — Sichem, fils de Hémor, qui veut à tout prix posséder Dina, fille de Lia, dont il a d’ailleurs abusé, dit au père et aux frères de la jeune fille : « Exigez un fort mohar, réclamez des présents, je donnerai volontiers ce que vous demanderez ; accordez-moi seulement cette jeune fille pour épouse. » Gen., xxxiv, 12, — Quand on parle à David d’épouser la fille de Saûl, il répond qu’il est trop pauvre pour devenir le gendre du roi. I Reg., xviii, 23. Il sait bien que pour acquérir une pareille épouse, il aurait à verser un mohar considérable. — Osée, iii, 2, reçoit l’ordre d’épouser une femme adultère, pour signifier que la nation d’Israël est infidèle au Seigneur auquel elle est unie. Le prophète paye pour avoir cette femme un mohar de quinze sicles d’argent (environ 45 francs), un homer (environ quatre hectolitres et un demi-cor (deux hectolitres) d’orge. Le prix n’est pas très élevé, à cause de la condition de la femme. Celui d’une esclave mise à mort était de trente sicles. Exod., xxi, 32. Le prophète verse la même somme moitié en argent, moitié en orge, dont la farine était employée dans le sacrifice pour l’adultère. Num., v, 15. — Quand Isaïe, iii, 25-iv, 1, veut marquer l’état lamentable auquel la Judée sera réduite à cause de ses péchés, il dit que les hommes les plus vaillants périront par le glaive ; il en restera alors si peu, que sept femmes, c’est-à-dire plusieurs femmes à la fois, en nombre indéterminé, solliciteront le même homme de devenir leur mari. Pour l’y déterminer, chacune d’elles dira : Je me nourrirai à mes frais, je me vêtirai de vêtements à moi. La suppression du mohar supposait donc un état de grande calamité publique. — 3. Parfois le mohar, au lieu d’être payé en argent et en nature, consistait en certains services rendus. Ainsi Jacob doit servir chez Labari pendant sept ans pour obtenir Lia, et sept autres années pour obtenir Bachel. Gen., xxix, 18-27 ; xxxi, 15, 41. — Caleb promet sa fille Axa à celui qui prendra la ville de Cariath-Sépher, et Othoniel devient l’époux de la jeune fille. Jos., xv, 16, 17. — Pour obtenir Michol, fille de Saûl, David doit fournir la preuve qu’il a tué cent Philistins. I Reg., 1497

DOT

DOTHA1N

1498

xviii, 25 ; II Reg., iii, 14. — Saint Paul faisait sans doute allusion à l’usage du mohar, quand il représentait l’Église comme l’épouse de Jésus-Christ, achetée par lui au prix de son sang. Act., xx, 28 ; I Cor., vi, 19, 20 ; Ephes., v, 25.

— Dans les derniers temps avant J.-C, on ne connaissait point d’autre dot que celle qui était fournie par le jeune homme. Aussi les Septante traduisent - ils mohar par (pepWj ; Vulgate : dos. Gen., xxxiv, 12 ; Exod., xxii, 16, il. Plus tard, les rabbins établirent l’usage d’une dot payée par le père de la jeune fille. Ketoùbolh, ꝟ. 52 a. Le mohar n’en continuait pas moins à subsister, et son minimum était fixé à deux cents zouz (environ 180 francs), tandis que le minimum de la dot était quatre fois plus faible. Mischna, Ketouboth, vi, 6. — 4. La loi intervenait dans un cas particulier au sujet du mohar. Le séducteur d’une

Judith, iv, 7 ; vii, 3 ; viii, 2 ; AwOiîa, Judith, iii, 9), ville de la Samarie.

I. Nom et identification. — Cette ville est nommée Dothan dans la Vulgate, IV Reg., VI, 13. La signification de ce nom est contestée. La plupart, à la suite de Gesenius, le croient le duel du chaldéen dot, « puits, source. » Voir Castell, Lexicon heptaglotton, Londres, 1769, t. i, col. 792 ; Fûrst, Hebràisches Handwôrterbuch, in-4°, Leipzig, 1876, p. 310. — Cette localité semble avoir été située au nord de Sicbem, puisque Joseph, venant d’Hébron, c’est-à-dire du sud, dut aller plus avant pour rencontrer ses frères. Gen., xxxvii, 14-17. Elle est implicitement indiquée au nord de Samarie par le récit de IV Reg., VI, 13-24, nous montrant le prophète Elisée amenant les Syriens aveuglés de Dothaïn à Sama 503. — Tell-Dotâii. D’après une photographie de M. L. Heidet.

jeune fille devait donner au père de celle dont il avait abusé un mohar de cinquante sicles d’argent (un peu plus de 140 francs), et le divorce lui était interdit pour toujours. Deut., xxii, 29. Le père de la jeune fille n’était cependant pas tenu de consentir à cette union, et, s’il s’y refusait, le séducteur n’en avait pas moins à verser le mohar accoutumé. Exod., xxii, 16, 17. — Dans un autre passage, Exod., xxi, 10, il est dit, d’après la Vulgate, que si un homme a acheté la fille d’un autre Hébreu pour en faire son esclave, et qu’il ne la donne pas en mariage à son fils, « il est obligé de pourvoir au mariage de la jeune fille, sans lui refuser ni les vêtements ni le prix de sa virginité. » D’après les Septante, il ne lui refusera « ni le nécessaire, ni le vêtement, ni la familiarité ». En hébreu : « Il ne retranchera pas la viande ( c’est-à-dire la nourriture de qualité supérieure), le vêtement et la cohabitation, ’ônâh. » Il ne s’agit donc pas de donner un mohar à la jeune esclave, comme semble le dire la Vulgate, mais seulement de la garder dans la maison au même titre qu’avant l’arrivée de l’épouse de premier rang.

Voir col. 906.
H. Lesêtre.
    1. DOTHAÏN##

DOTHAÏN (hébreu : Do(ainâh, Gen., xxxvii, 17, avec

hé local ; Dofân, ibid., et IV Reg., vi, 15 ; Septante :

.AuBasin, Gen., xxxvii, 17 ; AwBaiii, IV Reg., vi, 13 ;

rie. D’après le livre de Judith, iii, 9-10 (grec), et IV, 5-6 Vulgate), Dothaïn était située au sud de Scytbopolis ou Bethsan et au commencement des montagnes de la Samarie, dans le voisinage de Béthulie, de Belma et de Chelmon. Judith, iv, 6-7 (grec) ; vii, 3 (grec et Vulgate) ; vin, 3 (grec). Voir Béthulie, 1. 1, col. 1751-1752 ; Belma, t. i, col. 1570 ; Chelmon, t. ii, col. 647. — Appuyés sur la convergence générale de ces données bibliques, les interprètes s’accordent à voir désignée, dans les trois passages de la Bible où Dothaïn est nommée, une seule et même localité, située dans la tribu occidentale de Manassé. Cf. Math. Polus, Synopsis crilicorum, in-f°, Francfort-surle -Mein, 1712, t. i, col. 1719. Eusèbe et saint Jérôme, De situ et nominibus locorum hebraicorum, t. xxiii, col. 890, la placent à douze milles au nord de Sébaste. — Les pèlerins du moyen âge la cherchaient aux environs de Tibériade. Les relations du XIIe siècle indiquent généralement Dothaïn à quatre milles vers le sud de cette ville. Cf. Fretellus, De Lotis Sanctis, t. clv, col. 1044 ; Jean de Wurzbourg, Descriptio Terrée Sanclx, t. clv, col. 1071 ; un anonyme, dans de Vogué, Les églises de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1860, p. 423 ; Théodoricus, Libellus de Lotis Sanctis, édit. Tobler, in-12, Saint-Gall, 1865, p. 102. Les récits du xme siècle et des suivants la placent, au contraire, du côté du nord, à

quatre kilomètres du lac de Génésareth, sur la route de Tibériade à Damas, à un ancien caravansérail ou dans ses environs. Ainsi Burkard, dans Peregrinationes medii sévi quatuor de Laurent, 2e édit., in-4°, Leipzig, 1873, p. 39 ; Ricoldo, ibid., p. 106, et la plupart des descriptions jusqu’à notre siècle. Des identifications erronées de Béthulie avec des localités rapprochées de Tibériade, le nom de Khân Gibb-Yûsef, « Khàn de la fosse » ou « de la citerne de Joseph », attaché au caravansérail dont nous" venons de parler, probablement du nom de son fondateur, auront introduit et entretenu ces opinions, auxquelles il n’est guère possible de reconnaître quelque valeur. — La tradition onomastique locale conservait dans le même temps, chez les populations indigènes, le nom de Dôtân

dans Tell-Dotàn le sile où il faut chercher la Dothaïn de la Bible. Cf. Robinson et Smith, Biblical Researches in Palestine, in-8°, Boston, 1841, t. iii, p. 316-317 ; Victor Guérin, La Samarie, t. ii, p. 219-222 ; de Saulcy, Dictionnaire abrégé de la Terre Sainte, in-12, Paris, 1876, p. 219 ; Rich. von Riess, Biblische Géographie, in-f", Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 18 ; Id., Bibel-Atlas, ibid., p. 9 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, 1882, t. ii, p. 218 ; Armstrong, Names and Places in the Old Testament, in-8°, Londres, 1887, p. 50. IL Description et histoire. — La colline nommée Tell-Dotân s’allonge dans la direction de l’est à l’ouest et s’élève de vingtcinq à trente mètres au-dessus du Sahel’Arrabéh. Elle est isolée, peut être facilement et

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504. — Bir Hasan et Sahel Arrabéh. D’après une photographie de M. L. Heideî.

dans la région déterminée par les indications bibliques et par V Onomasticon d’Eusèbe. D’après Jean de Wurzbourg, en effet, dans sa Description, déjà citée, col. 1058, « entre Genuin et Sébaste, on montrait une plaine appelée de Dothaym, où, sur le bord du chemin, se voyait la citerne dans laquelle avait été jeté Joseph. » Entre Djénîn et Sébastiéh, on rencontre la plaine appelée aujourd’hui Sahel’Arrabéh, du nom d’un grand village qui la domine au sud-ouest ; vers la limite sud de cette plaine est une colline nommée aujourd’hui encore, par tous les habitants du pays, Tell-Dofân (fig. 503). Cette colline est à dix-huit kilomètres, distance équivalente à douze milles romains, au nord de Sébastiéh, l’ancienne Samarie, la Sébaste d’Hérode ; elle est à sept kilomètres et demi au sud du Merdj-’lbn’Amer, la plaine d’Esdrelon ; à six kilomètres et demi au sud-est des ruines portant le nom de Bel’améh, communément identifié avec Belma du livre de Judith ; à huit kilomètres au sud de Yamôn, probablement la Kyàmon ou Chelmon du même livre. À cause de l’identité du nom et de la correspondance de sa situation avec les indications de l’Écriture et de la tradition locale, les palestinologues sont d’accord pour reconnaître

entièrement environnée par une armée et répond bien au récit du quatrième livre des Rois, Vi, 11-19. Le prophète Elisée ne cessait de mettre le roi d’Israël en garde contre les embûches du roi de Syrie. Celui-ci voulut s’emparer de la personne du prophète. Il envoya de nuit un fort détachement de cavalerie avec des chariots de guerre. Les soldats syriens arrivèrent devant Dothan, où se trouvait alors l’homme de Dieu, et le cernèrent de toutes parts. Le lendemain matin, le serviteur d’Elisée, voyant la ville enveloppée par les Syriens, vint, saisi de frayeur, l’annoncer à son maître. Elisée lui dessilla miraculeusement les yeux, et le jeune homme vit le prophète protégé et environné par une multitude de chevaux et de chariots de feu, qui couvraient toute la montagne. Dothan ne paraît pas avoir été en état d’opposer de la résistance, car les soldats l’envahirent aussitôt, pour se saisir du prophète. Elisée demanda au Seigneur de les frapper d’aveuglement. « Ce n’est pas ici, leur dit-il, le chemin ni la ville ; suivez-moi, et je vous ferai voir l’homme que vous cherchez. » Et il les conduisit à Samarie. — Un bouquet de térébinthes, ombrageant un ouêly musulman à moitié ruiné, couronne le sommet de la colline. Elle :

est livrée à la culture, mais la terre est mêlée de nombreuses pierres de construction de modeste appareil et d’innombrables fragments de poterie ; ce sont les témoins de l’existence d’une ville ruinée en cet endroit. Au pied du tell, au sud, au milieu d’un jardin planté d’orangers, de citronniers, de grenadiers, de figuiers, et entouré d’une haie de cactus, se dressent une blanche maison d’origine récente et un moulin. Non loin jaillit une source abondante ; une seconde, un peu plus bas vers le sud, forme un petit ruisseau qui, se dirigeant vers l’ouest, arrose un instant la plaine, puis se perd dans les terres. La verdure persiste assez longtemps en cet endroit, et c’est peut-être ici que les fils de Jacob faisaient paître leurs troupeaux, quand Joseph, leur frère, vint de la vallée d’Hébron pour prendre de leurs nouvelles. « Voici le rêveur, se dirent-ils, tuons-le et jetons-le dans une vieille citerne. — Ne le tuez pas et ne versez pas son sang, répliqua Ruben ; mais jetez-le en cette citerne, dans le désert. » Lorsque Joseph les eut rejoints, ils le dépouillèrent de sa robe aux diverses couleurs, et le déposèrent dans une vieille citerne qui n’avait point d’eau. Gen., xxxvii, 19-24. Les vieilles citernes ne font pas défaut à Tell-Dotàn, sur la colline, dans la plaine et les montagnes qui la bordent. La Société anglaise d’exploration, dans Map of Western Palestine in 26 sheets, Londres, 1880, sheet xi, en signale plusieurs, et l’on m’en a montré d’autres ; il n’est pas possible cependant d’assurer que c’est de l’une d’elles dont parle l’Écriture. Les frères de Joseph s’assirent ensuite pour manger, lorsqu’ils Virent venir des marchands ismaélites se rendant de Galaad en Egypte. Gen., xxxvii, 25. La route suivie par la caravane était selon toute apparence celle qui vient de la plaine d’Esdrelon, passe par Djénin et près des ruines de Bel-’àméh, traverse toute la plaine du nord-est au sud-ouest, pour s’engager dans les montagnes de la Samarie, près de Tell-Dotân, et se diriger vers la mer. Une seconde route vient d’Esdrelon, passe sous le village de Burqin, par une étroite vallée où en plusieurs endroits il est impossible à deux cavaliers de passer de front, traverse le Sahel’Àrrabéh, à l’ouest de l’autre chemin, et entre dans les montagnes non loin du village d"Arrabéh. Le grand prêtre Éliachim semble faire allusion spécialement à cette voie, dans sa lettre aux habitants des villes situées aux alentours de « la plaine qui est près de Dothaïn », pour les engager à garder les passages étroits par où l’on pouvait se diriger vers la Judée et pour en empêcher l’accès à l’armée du roi d’Assyrie, conduite par Holopherne. Judith, iv, 5-7. Si le Dotân actuel doit être identifié avec la Dothaïn biblique, « la plaine qui est prés de Dothaïn, » it), ï]<jiov Au>6ain, ne semble pas pouvoir être différente du Sahel’Arrabéh moderne. Les habitants de Béthulie, dont la ville.était située sur un des côtés de la plaine de Dothaïn, xxtà jtp<Suanrov toû neSCou toO ttXt]<yiov AwfJaiy, s’étant mis en état de résistance, les Assyriens s’avancèrent contre eux et inondèrent la plaine. L’armée d’IIolopherne se composait de cent vingt mille fantassins et de vingt-deux mille cavaliers, sans compter les captifs. Le Sahel pouvait les contenir facilement : dans sa longueur d’est à ouest, il a plus de dix kilomètres d’étendue, et n’en mesure guère moins de six du nord au sud : c’est une surface d’environ trente millions de mètres carrés. Le camp de l’ennemi s’étendit près de la fontaine qui est sous Béthulie, vraisemblablement Blr-Hasan (fig. 504), jusqu’à Dothaïn, jusqu’à Belma et jusqu’à Chelmon ou Kyamon. Judith, vii, 3 (grec et Vulgate). La plaine de Dothaïn devait être le théâtre d’une des plus grandes victoires remportées par le peuple de Dieu sur ses ennemis. La foi et le courage de Judith devaient en être l’instrument. Voir Béthulie, t. i, col. 1751. — Les documents font défaut pour déterminer l’époque de la ruine de Dothaïn ; du récit de Jean de Wurzbourg, cité plus haut, il semble qu’elle n’existait plus au xiie siècle en tant que localité habitée, L. IIeidet.

DOTHAN. La Vulgate écrit ainsi IV Reg., vi, 13, le nom de lieu qu’elle écrit ailleurs Dothaïn. Voir Dothaïn.

    1. DOULEUR##

DOULEUR (SIGNES DE). Voir Deuil.

    1. DOUZE##

DOUZE (LES) (o : ôwôexa), expression par laquelle les Apôtres sont plusieurs fois désignés par abréviation dans le Nouveau Testament, parce qu’ils étaient au nombre de douze. Matth., xxvi, 14, 20 (la Vulgate, Matth., xxvi, 20, ajoute le mot « disciples » ) ; Marc, iv, 10 ; vi, 7 ; ix, 35 (Vulgate, 31) ; x, 32 ; xi, 11, etc. ; Luc., viii, l ; ix, 12 ; xviii, 31 ; xxii, 3, etc. ; Joa., vi, 67 (Vulgate, 68), etc. ; Act., vi, 2. Après la mort de Judas Iscariote, les Apôtres sont désignés quelquefois sous ce nom : « les onze, » Luc, xxiv, 9, 33 ; mais l’habitude de les désigner par leur nombre primitif était alors si bien prise, qu’on les appelait aussi quelquefois « les douze », comme le fait saint Paul, I Cor., xv, 5, où l’expression serait inexacte, si elle n’avait pas été justifiée par l’usage : les Apôtres n’étaient, en effet, alors que onze ; mais la locution « les douze » désignait tous les Apôtres alors vivants. Voir R. Cornely, In priorem Epistolam ad Corinth., 1890, p. 454. (La Vulgate et quelques manuscrits grecs portent, I Cor., xv, 5, « les onze, » au lieu de : « les douze, » qu’on lit dans le textus receptus et dans la plupart des manuscrits grecs.) — Le nombre douze était comme un nombre sacré chez les Juifs, parce qu’il était celui des tribus d’Israël et aussi celui des mois de l’année. Il avait encore pour eux uue importance particulière à cause du système arithmétique des Chaldéens, qui était, au moins en partie, le système duodécimal. Les Hébreux, originaires de Chaldée, l’avaient conservé et l’appliquaient non seulement aux mois de l’année, mais aussi aux mesures. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, 10e édit., t. i, n° 188, p. 324. Voir Mesures et Nombre.

    1. DRACH Paul Auguste##

DRACH Paul Auguste, exégète français, d’origine juive, né à Paris, le 12 août 1821, mort dans cette ville le 29 octobre 1895. Après avoir étudié à Rome, au collège de la Propagande, il revint à Paris, où il reçut la prêtrise, en 1846, étant professeur au petit séminaire de Saint-Nicolas. Successivement vicaire à Clichy, à Boulognesur-Seine, à SaintMerry, à Saint-Jean-Saint-François, à Saiut-Médard, curé de Sceaux, il mourut chanoine de Notre-Dame de Paris. On a de lui : Épitres de saint Paul, introduction critique et commentaires, in-8°, Paris, 1871 ; Epitres catholiques de saint Jacques, saint Pierre, saint Jean, saint Jude, introduction critique et commentaires, in-8°, Paris, 1879 ; Apocalypse de saint Jean, introduction critique et commentaires, in-8°, Paris, 1879. O. Rey.

    1. DRACHME##

DRACHME (Spoexîiiî), monnaie grecque, en argent, d’un poids et d’une valeur variables suivant les époques, mais valant toujours un peu moins d’un franc de notre monnaie. — I. 1° Dans II Esdras, vii, 70, 71, 72, la Vulgate traduit par drachma le mot hébreu darkèmôn. Il s’agit là de dariques, voir Dariqtje. — 2° Dans II Machabées, xii, 43, il est dit que Judas fit une collecte destinée à offrir des sacrifices pour les morts, et dont le montant s’éleva à douze mille drachmes d’argent. — Dans le Nouveau Testament, Notre -Seigneur, voulant montrer combien est grande la joie que cause dans le ciel la conversion d’un seul pécheur, se sert de la parabole suivante : « Si une femme a dix drachmes et qu’elle en perde une, elle allume sa lampe et cherche avec soin jusqu’à ce qu’elle retrouve la pièce de monnaie, et, lorsqu’elle l’a retrouvée, elle appelle ses amies et ses voisines et leur dit : Réjouissez-vous, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. » Luc, xv, 8-9. Dans ces deux passages, il est question de la drachme proprement dite.

IL Le mot « drachme », que les Grecs faisaient venir du verbe Spi-rTojiai, et auquel ils donnaient le sens originaire de poignée de grains, Scholiaste de Théocrite, x, 14,

Tient plus probablement du mot daragmana, division de la mine. Voir Darique. Il désigne chez tous les peuples helléniques l’unité-monétaire d’argent. La plus ancienne de toutes les drachmes est la drachme d’Égine, qui pesait environ six grammes. En Asie, on se servit dès l’époque de Crésus d’une autre drachme, qu’on appelle phénicienne, du nom du pays où elle a eu le plus d’extension, et qui pesait 39 r, 540. Cette unité fut adoptée par les Ptolémées, dans les pièces qu’ils firent fabriquer par les ateliers de Tyr et de Sidon. La mieux connue de toutes les drachmes est la drachme attique (fig. 505), qui se répandit dans tout le monde ancien, surtout après Alexandre.

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505. — Drachme d’Athènes.

Tête d’Athéné, à droite. — i^. Chouette sur un vase, dans une couronne d’olivier. Autour de l’oiseau : A0E TIMA N1K APXE. — Poids : i&, 30. Frappée vers l’an 200 avant J.-C, d’après E. Beulé, Les monnaies d’Athènes, 1858, p. 372.

Elle pesait 4a r, 36. C’était la six millième partie du talent euboïque. Après Alexandre, ce poids s’abaissa jusqu’à celui de l’étalon des Ptolémées, c’est-à-dire jusqu’à 39 r, 54. Voir J. Wex, Métrologie grecque et romaine, trad. franc., in-16, Paris, 1886, p. 49-71 et 77.

E. Bedrlier.

1. DRAGON (FONTAINE OU) ( hébreu : ’En hattannin ; Septante : izrifi] tûv uuxûv ; Vulgate : Fons Draconis), source ou dérivation d’eau d’une fontaine des environs de Jérusalem. Elle est mentionnée une seule fois sous ce nom dans l’Écriture. Néhémie raconte qu’étant sorti la nuit pour inspecter les murs en ruine de Jérusalem, il sortit par la porte de la Vallée (dans les environs de la porte de Jaffa actuelle, d’après un grand nombre d’exégèles, mais sa situation est douteuse) et passa près de la Fontaine du Dragon pour rentrer par la porte du Fumier, au sud de la ville. II Esdr., ii, 13. L’identification de cette fontaine est incertaine. D’après l’opinion la plus commune, elle était située à l’ouest de Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnom, et l’eau qui l’alimentait devait venir d’ailleurs, amenée probablement par quelque aqueduc, car il n’existe aucune source connue dans la vallée de Hinnom. Les uns l’identifient avec le Bir-Éyoub de nos jours, les autres avec la piscine du Birket Mamilla ou du Birket es -Sultan. D’autres encore, à cause du nom de’en, « source, » qui lui est donné, croient que la Fontaine du Dragon est la fontaine appelée aujourd’hui Fontaine de la Vierge, au sudest de Jérusalem, la seule véritable source des environs de la ville. Josèphe, Bell. jud., y, iii, 2, nomme une tûv "Oçeuv xoXuu, ë7|6pa, « piscine des Serpents. » L’analogie du nom a porté à penser que c’était la Fontaine du Dragon ; mais ce n’est pas certain, et l’emplacement de la piscine mentionnée par Josèphe est d’ailleurs aussi douteux que celui de la Fontaine de Néhémie.

2. DRAGON, animal fabuleux, à formes monstrueuses, -que l’imagination des anciens avait composé à l’aide ^’éléments empruntés à la constitution de différentes bêtes féroces ou sauvages. Les versions de la Bible emploient assez souvent le mot ôpàxwv, draco ; mais c’est pour traduire des noms qui dans le texte original désignent, dans le sens propre, des animaux réels. Les termes hébreux rendus par dragon sont les suivants : 1° nâbal, c serpent, » Exod., vii, 15 ; — 2° tannin, « serpent, » Exod., vii, 12 ; Deut., xxxii, 33 ; II Esdr., ii, 13 ; Ps. xci

(xc), 13 ; Jer., Ll, 34 ; dans Daniel, xiv, 22-27, le « serpent » adoré dans le temple de Bel, à Babylonè. ; — parfois « le crocodile » désigné par le même mot hébreu, Ps. lxxiv (lxxv), 13 ; Is., li, 9 ; Ezech., xxix, 3 ; xxxii, 2 ; ou un cétacé, Ps. cxlviii, 7 ; — 3° tan, « chacal, » Job, xxx, 29 ; Is., xxxiv, 13 ; xxxv, 7 ; xliii, 20 ; Jer., ix, 11 ; x, 22 ; xiv, 6 ; xlix, 33 ; li, 37 ; Mich., i, 8 ; Mal., i, 3 ; — 4° livyâtdn, « crocodile, » Ps. lxxiv (lxxv), 14 ; ou cétacé, Ps. civ (cv), 26 ; — 3°’ohïrti, « bêtes hurlantes, » Is., xiii, 21 ;

— (y’siyyîm, « bêtes du désert. » Jer., L, 39. — Dans Esther, x, 7 ; xi, 6, le nom de « dragons » s’applique à des animaux que Mardochée voit en songe et qu’on ne peut déterminer en l’absence du texte hébreu. — Dans la Sagesse, xvi, 10, il désigne les serpents qui firent périr les Israélites au désert, et dans l’Ecclésiastique, xxv, 23, une bête féroce quelconque. — Saint Jean se sert du mot « dragon » pour nommer le démon, Apoc, xii, 3-17 ; xiii, 2-11 ; xvi, 13, qu’il identifie expressément avec le « serpent antique » du paradis terrestre. Apoc, xii, 9 ;

xx, 2. Voir t. i, col. 612.
H. Lesêtre.

3. DRAGON, constellation (hébreu : ndhdS bâriah ; Septante : Spâxcov ànouiàrr^ ; Vulgate : coluber tortuosus). L’auteur de Job, xxvi, 13, célébrant la puissance du Seigneur sur la création, écrit :

Son esprit a fait la splendeur des cieux, Et sa main a formé le Serpent bâriah.

Il s’agit ici d’une constellation du ciel. Le mot bâriah vient du verbe bârah, . « traverser » et c< fuir ». Quelques traducteurs s’en sont tenus à ce dernier sens, et ont rendu l’hébreu par « serpent qui fuit ». Septante : àitoc-raT » ) ; , « qui se retire ; » syriaque : « qui fuit ; » Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 339, etc. D’autres ont lu beriah, « traverse, » ou « verrou », au lieu de bâriah. Symmaque] : oçiç <rJfy.).£i(ov, « le serpent qui ferme ; » dans Isaïe, xxvii, 1, où se trouve le même mot, Aquila traduit : oytc (io/Xôs ; Vulgate : serpens vectis : « serpentverrou ; » Rosenmùller, lobus, Leipzig, 1806, t. ii, p. 619, etc. Au premier abord, le nom de fugitive semble peu convenir à une constellation qui reste toujours à sa place relative dans le firmament. Il est donc plus probable que l’auteur sacré a voulu parler d’un serpent qui s’étend à travers les autres constellations et les traversé comme un verrou. Mais comme les étoiles qui composent cette constellation ne sont pas en ligne droite, et forment même une figure assez sinueuse, on comprend l’épithète tortuosus de la Vulgate. — La constellation dont il est ici parlé est celle du Dragon, connue des Arabes sous le nom d’elhajja, « le serpent ; » des Grecs sous celui d’6'91 ?, Aratus, Phænomen., 82 ; des Latins sous celui d’anguis. Cicéron, De nat. deor., 11, 42 ; Virgile, Georg., i, 244. Cicéron traduisant Aratus, au passage cité, appelle le Serpent torvus draco, à peu près dans les mêmes termes que la Vulgate. La constellation du Dragon compte quatrevingts étoiles principales, dont deux de deuxième grandeur, et presque toutes les autres de cinquième. Elle s’étend, dans l’hémisphère boréal, entre les constellations de la Grande et de la Petite Ourse, de Céphée, du Cygne et d’Hercule. Elle occupe pour nous différentes stations autour de la polaire, selon les mois de l’année. Dans l’astronomie égyptienne, le Dragon était représenté à peu près par la constellation appelée Birît, ou hippopotame, que les monuments figurés montrent dressé sur les pattes de derrière et soutenant un crocodile sur ses épaules. Voir Cg. 330, col. 924. Des études de Biot, Becherches sur plusieurs points de l’astronomie égyptienne, Paris, 1823, p. 87-91, il résulte, en effet, que le Birît correspondait probablement au Dragon, augmenté d’un certain nombre d’étoiles environnantes. Voir Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 94, 95r Il est à croire que le C6

ntihâS bàriak de Job s’identifiait plutôt avec le Rirît égyptien qu"avec le Dragon, tel qu’on le délimitait en Occident, et qu’il comprenait certaines étoiles plus éclatantes de son voisinage. Ainsi s’explique la mention que fait l’auteur de Job de cette constellation, comme spécialement capable de donner une idée de la puissance divine. — Quelques auteurs traduisent le vers de Job de cette autre manière :

Sa main transperce le Serpent bâriah.

Le mot hollâh ne viendrait pas alors de hûl, « former » au pilel ; mais de hâlal, « transpercer » au poel. Le vers ferait allusion à une croyance générale chez les anciens peuples, actuellement encore admise par les Chinois. D’après eux, le soleil et la lune sont attaqués dans leur course par des monstres vivants, qui ne sont autres que les animaux qui peuplent le firmament et dont on a fait des constellations. Les éclipses des deux astres sont dues aux victoires momentanées de ces adversaires. Cf. Ozanam, Études germaniques, Paris, 1894, 6e édit., t. i, p. 79. Chez les anciens Égyptiens, c’était un serpent gigantesque, Apôpi, qui s’élançait du Nil pour attaquer Râ, le soleil. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 90-93. Certains commentateurs estiment que l’auteur de Job, m, 8, se réfère à ces croyances quand il parle de « ceux qui maudissent le jour et savent faire lever Léviathan », le monstre qui combat le soleil et produit les éclipses. Cf. Dillmann, Hiob, Leipzig, 1869, p. 27. Dans cette interprétation, Dieu, qui crée la splendeur et la sérénité des cieux, serait considéré comme le tout - puissant Maître qui réduit le Dragon à l’impuissance en le transperçant. Il convient de dire toutefois que, si l’auteur sacré fait vraiment allusion à cette croyance de son époque, c’est à titre purement poétique, et sans autoriser pour le fond une théorie qui serait en contradiction avec tout le reste

de son livre.
H. Lesêtre.

DRAPEAU. Voir Étendard.

    1. DRECHSLER Christoph Moritz Bernhard Julius##

DRECHSLER Christoph Moritz Bernhard Julius, théologien protestant conservateur, né à Nuremberg le Il août 1804, mort à Munich le 19 février 1850. En 1825, il expliqua l’Ancien Testament à Erlangen, en qualité de privâtdocent. Il devint, en 1833, professeur extraordinaire de langues orientales dans cette même ville, et professeur ordinaire, en 1841. En 1848, il fut obligé de donner sa démission et se retira à Munich, où il demeura jusqu’à sa mort. On a de lui : Die Unwissenschaftlichkeit im Gebiete der aîtestamentlichen Kritik betegt aus den Schriften neuerer Kritiker besonders der Herren von Bohlen und Vatke, in-8°, Leipzig, 1837 ; Die Einheit und Aechtheit der Genesis oder Erklârung derjenigen Erscheinungen in der Genesis, welche wider den mosaischen Ursprung derselben gélten gemacht werden, in-8°, Hambourg, 1838 ; Der Prophet Jesaja, ùbersetzt und erklârt, travail inachevé dont il publia lui-même la première partie (ch. i-xii), in-8°, Stuttgart, 1844-1845, et la première moitié de la seconde partie (ch. xiil-xxvii), in-8°, Stuttgart, 1849. Les chapitres xxviii-xxxix, trouvés dans ses papiers après sa mort, furent publiés in-8°, à Berlin, 1854, par Frz. Delitzsch et Aug. Hahn. Pour la seconde partie d’Isaïe, Drechsler n’avait laissé que quelques notes, qui furent utilisées pour l’achèvement du commentaire par les mêmes éditeurs, qui le publièrent à Berlin, en deux fascicules in-8°, 1856 et 1857. — Voir H. Ewald, Jahrbûcher der biblischen Wissenschaft, t. ii, 1849, p. 60-63 ; AUgenieine deutsche Biographie, t. v, 1877, p. 387.

    1. DROITE##

DROITE (MAIN). Voir Main.

DROMADAIRE. Voir Chameau, col. 520.

    1. DRUSILLE##

DRUSILLE (Apovio(XXa), fille dllérode Agrippa I"

et femme de Félix, gouverneur de Judée. — Les Actes des Apôtres, xxiv, 24, mentionnent Drusille dans le récit de la comparution de saint Paul devant son mari Félix, après son arrestation à Jérusalem par le tribun Lysias. Saint Luc dit seulement qu’elle était Juive. Elle naquit en l’an 38 après Jésus-Christ, et, en 43, elle fut fiancée à Antiochus Épiphane, fils d’Antiochus IV Épiphane, roi de Commagène ; mais le mariage n’eut pas lieu, parce qu’Épiphane refusa de se faire circoncire. Joséphe, Ant. jud., XX, vii, 1. Elle fut mariée à Azizus, roi d’Émèse, à l’âge de quatorze ans. Josèphe, Ant. jud., XIX, IX, 1 ; XX, vii, 1. Peu après son mariage, Félix, qui venait d’être nommé gouverneur de Judée, devint épris d’elle et résolut de l’épouser. Il réussit, à l’aide d’un magicien de Cypre, nommé Simon, à lui faire abandonner son mari, et la prit pour femme, malgré la loi qui défendait à une Juive d’épouser un païen. Josèphe, Ant. jud., XX, vii, 2. Drusille eut de Félix un fils nommé Agrippa, qui périt dans une éruption du Vésuve. Josèphe, Ant. jud., XX, vu, 2. On ignore l’époque de la mort de Drusille. — Tacite, Hist., v, 9, dit que la Drusille femme de Félix était petite-fille de Cléopâtre et d’Antoine ; mais les indications données par Josèphe concordent mieux avec le passage des Actes, qui dit que Drusille était Juive. Il n’y a du reste dans l’histoire ancienne aucune trace de l’existence d’une Drusille petite-fille d’Antoine. Il n’y a non plus aucune raison d’admettre l’existence de deux Drusille, successivement femmes de Félix. E. Beurlier.

    1. DRUSIUS Jean##

DRUSIUS Jean, théologien protestant, dont le vrai nom est Van der Driesche, né à Oudenarde le 28 juin 1550, mort à Franeker le 12 février 1616. Après avoir étudié à Gand et à Louvain, il se rendit, en 1567, en Angleterre, où son père, convaincu d’erreurs calvinistes, avait trouvé un refuge. En 1571, à l’âge de vingt-deux ans, il fut nommé professeur de langues orientales à Oxford. Il retourna ensuite dans les Pays-Bas. Le 30 juin 1577, il fut nommé professeur de langues orientales à l’université de Leyde, qu’il quitta en 1585, pour aller enseigner à Franeker. Toute sa vie fut consacrée à l’étude de la Bible, et il fut un des premiers qui prit soin de rechercher les fragments des versions grecques autres que les Septante qui se rencontrent dans les Pères. Ses coreligionnaires l’accusèrent tantôt de tendances arminiennes, tantôt de trop favoriser le catholicisme. Nous mentionnerons parmi ses ouvrages : In psalmos Davidis veterum interpretum ques exstant fragmenta, in-4°, Anvers, 1581 ; Ad voces ebraicas Novi Testamenti commentarius, in quo prœter explicationem vocum varias nec levés censures, in-4°, Anvers, 1582 ; Queestionum ac responsionum liber, in quo varia Scriptures loca explicantur aut emendantur, in-8°, Leyde, 1583 ; Ebraicarum queestionum, sive qusestionum ac responsionum libri duo, videlicet secundus ac tertius, in-8°, Leyde, 1583 ; Animadversionum libri duo : in quibus prestér dictionem ebraicam plurima loca Scripturse interpretumque veterum explicantur, emendantur, in-8°, Leyde, 1585 ; Esthera ex interpretatione S. Pagnini et Joh. Drusii in eam annotationes. Additiones apocryphes ab eodem in latinum sermonem conversas et scholiis illustrâtes, in-8°, Leyde, 1586 ; Historia Ruth ex ebreso latine conversa et commentario explicata. Ejusdem historiés translata grssca ad exemplar complutense et notes in eamdem. Additus est tractalus : an Reuben mandragoras invenerit » in-8°, Franeker, 1586 ; Miscellanea locutionum sacrarum, tributa in centurias duas : in quibus prseter Scripturas varia iheologorum loca, Augustini preecipue illustrantur aut emendantur, in-8°, Franeker, 1586 ; Parallela sacra, id est locorum Veteris Testamenti cum iis quse in Novo citantur conjuncta commémoration ebraice et gresce, in-4°, Franeker, 1588 ; Proverbiorum classes dues in quibus explicantur proverbia sacra et ex sacris orta ; item sententies Salomonis et allegorisc,

II. - 48

in-8°, Franeker, 1590 ; Lectiones in prophetas Nahum, Habacuc ; Sophoniam, Joelem, Joriam, Abdiam. In grsecam editionem conjectanea et interpretum veterum qux exstant fragmenta, in-8°, Leyde, 1595 ; Ecclesia-, sticus, grsece ad exemplar romanum, et latine ex inter-ipretaiione J. Drusii : cum castigationibus sive notis ejusdem, in-4°, Franeker, 1596 ; Proverbia Ben-Sirx, authoris antiquissimi, in latinam linguam conversa, scholiisque aut potius commentario illustrata. Accesserunt adagiorum ebraicorum decurix alujuot numquam antehac éditas, in-4°, Franeker, 1597 ; In prophetam Hoseam lectiones. In grsecam editionem LXX conjectanea et veterum interpretum qux exstant fragmenta, in-8°, Franeker, 1599 ; Quxstionum ebraicarum libri très, in quibus innumera Scripturx loca explicantur aut emendantur, in-8°, Franeker, 1599 ; In prophetam Amos lectiones ; in grsecam editionem conjectanea et veterum interpretum quse exstant fragmenta, in-8°, Franeker, 1600 ; Liber Hasmonseorum, qui vulgo prior Machabxorum, grxce ex editione romana, et latine ex interpretatione J. Drusii, cum notis sive commentariolo, in-4°, Franeker, 1600 ; De nomine Dei Elohim, in-8°, Franeker, 1603 ; De Hasidseis quorum mentio in Ubris Machabseorum libellus, in-8°, Franeker, 1603 ; De nomine Dei proprio quod Tetragrammaton vocant, in-8°, Franeker, 1604 ; Responsio ad Serarium Jesuitam de tribus sectis Judseorum, in-8°, Franeker, 1605 ; Annotationum in totum Jesu Christi Testamentum, sive prxteritorum libri decem. In quibus prseter alia consensus ostenditur Synagogx isræliticse cum Ecclesia christiana, in-4°, Franeker, 1615 ; Henoch, sive de patriarcha Henoch, ejusque raptu et libroe quo Judas apostolus testimonium profert. Ubi et de libris in Scriptura memoratis qui nunc interciderunt, in-4°, Franeker, 1615 ; Ad voces ebraicas Novi Teslamenti commentant duo, in-4°, Franeker, 1616 ; In Novum Testamentum annotationum pars altéra, in-4°, Franeker, 1616. Des nombreux ouvrages manuscrits que cet auteur laissa en mourant un petit nombre seulement fut publié, parmi lesquels : Commentarius ad loca difficiliora Pentateuchi, in-4°, Franeker, 1617 ; Commentarius ad loca difficiliora Josuss, Judicum et Samuelis, in-4°, Franeker, 1618 ; Veterum interpretum grsecorum, Aquilse, Symmachi et Theodotionis in Vêtus Testamentum fragmenta, ex antiquis veterum scriptorum libris collecta, ndditis nonnullise propria Patrum lectione collectis, in-4°, Arnheim, 1622 ; Commentarius in Prophetas minores xii, quorum vin antea edili nunc auctiores : reliqui IV jam primum prodeunt, in-4°, Amsterdam, 1627 ; In Coheleth sive in Ecclesiasten annotationes, in-4°, Franeker, 1635 ; Scholia in librum Job, in-4°, Franeker, 1636. La plupart des ouvrages précédents se trouvent dans les Critici sawi, 13 in-f°, Amsterdam, 1628 (voir col. 1119) ; on y rencontre en outre : Notse majores in Genesim, Exodum, Leviticum, et priora xyin cap. Numerorum, t. i et il ; Scholia in versionem Hieronymi Psalmorumpriorum liv, t. iv ; Commentatio in xixPsalmos priores in qua veterum editiones examinantur, corriguntur, explicantur, t. iv ; Salomonis Sententim juxta ordinem alphabeti per locos communes digestx, t. IV ; Adnolationes in versionem Vulgatam Hosex, Joelis, Amosi, Michsese, Habacuc et Sophonise, t. v ; Lectiones ad Michxam, Habacuc, Zephaniam et Zathariam, t. v. — Voir A. Curiander, Vitse operumque Drusii delineatio, in-4°, Franeker, 1616, et Critici sacri, t. vi, p. xxxiii ; Richard Simon, Histoire critique du’Vieux Testament (1685), p. 236, 443 ; Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des Pays-Bas, t. v (1765), p. 104 ; L. Diestel, Geschichte des Alten Testamentes in der christlicken Kirche, in-8°, Iéna, 1869,

p. 422-424..
B. Heurtebize.
    1. DRUTHMAR Chrétien##

DRUTHMAR Chrétien, moine bénédictin, né en

Aquitaine, mort dans la seconde moitié du ix « siècle. Après avoir fait profession de la vie religieuse à l’abbaye de Corbie, en Picardie, dont les écoles étaient célèbres, il fut envoyé au monastère de Stavelot, dans le diocèse de Liège, où il enseigna l’Écriture Sainte. Nous n’avons de cet auteur qu’une Expositio in Matthseum et quelques courts fragments sur les Évangiles de saint Luc et de saint Jean. Ses ouvrages, imprimés pour la première fois en 1514, se trouvent dans le t. cvi, col. 1259-1520 de la Patrologie latine de Migne. — Voir Histoire littéraire de la France, t. v, p. 84 ; Ziegelbauer, Historia rei litt. Ord. S. Benedicti, t. ii, p. 26 ; t. iv, p. 47, 48, 79, 708 ; Fabricius, Biblioth. latina médise setatis (1858), t. i, p. 345 ; dom Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés

(1862), t. xii, p. 419.
B. Heurtebize.
    1. DUBLINENSIS##

DUBLINENSIS (CODEX), manuscrit de la version latine de la Bible antérieure à saint Jérôme. Il appartient à la bibliothèque de TrinityCollège, à Dublin, où il est coté A. 4. 15. Dans l’appareil critique du Nouveau Testament, il est désigné par la lettre r. Il a appartenu à l’évêque anglican Ussher, et de là son nom de Codex Usserianus. L’écriture est du vi « siècle selon M. Gregory, du vu’selon M. S. Berger. Hauteur : 18 cent. ; largeur : 13. Le manuscrit contient les quatre Évangiles dans l’ordre Matthieu, Jean, Luc, Marc. Le texte, préhiéronymien, appartient à la famille des textes « européens » ; mais, selon M. Berger, il représente une recension particulière et certainement irlandaise. Il a été publié par M. T. K. Abbott, Evangeliorum versio antehieronymiana ex Codice Usseriano, Dublin, 1884. Voir Gregory, Prolegomena, p. 963, et Samuel Berger, Histoire de la Vulgate, p. 31 et 381. P. Baiiffol.

DUC, oiseau appartenant à la famille des rapaces nocturnes et au genre Chouette. Voir Chouette. Les ducs ont autour des yeux un disque incomplet de plumes qui peuvent se redresser. Leur bec est recourbé depuis la base. On distingue trois espèces de ducs : le grand-duc, strix bubo ; le moyen-duc, strix otus, et le petitduc, strix scops.

1° Le grand-duc a soixante et quelques centimètres de hauteur et près de un mètre cinquante d’envergure. Son plumage est tacheté de raies brunes. Son bec et ses ongles sont noirs, très crochus et très forts. Avec ses grands yeux fixes, le grand-duc supporte mieux la lumière que les autres nocturnes ; aussi il sort plus tôt le soir et rentre plus tard le matin. Il est très courageux et lutte même avec l’aigle. Il se nourrit de lièvres, de lapins, de mulols, d’oiseaux, de batraciens, de reptiles, etc. Il pousse un cri, houhou, d’un caractère lugubre, qui, retentissant au milieu de la nuit, épouvante les animaux dont le rapace doit faire sa pâture. Il vit, par paires solitaires, dans les forêts d’Europe et d’Afrique, et préférablement dans les anfractuosités des rochers et les crevasses des monuments en ruine. — Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 195, signale comme très répandu en Egypte, en Arabie et en Syrie, le bubo ascalaphus, analogue au bubo maximus d’Europe. Ce grand-duc fréquente les anciens temples égyptiens et établit son nid sur les pyramides. Les rochers et les ruines de Pétra en abritent en très grand nombre. On le rencontre en Palestine, de Bersabée au Carmel, et partout où se dressent des ruines, à Rabbath Ammon, à Baalbek, etc. Dans le désert de Juda, où les ruines font défaut, il habite et fait son nid dans les monticules de sable. Mais il est très sauvage, et jamais on ne l’aperçoit ni dans les villes ni dans les endroits où l’homme réside. — Selon toute probabilité, c’est le grand-duc qui est désigné dans la Bible sous le nom de yan-Sûf, Lev., xi, 17 ; Deut., xiv, 16, ou yaniôf, Is., xxxiv, 11. Cf. l’assyrien esSepu, qui désigne un oiseau du genre chouette. Le yanèûf est rangé parmi les animaux impurs,

comme les antres râpa ces, et Isaïe le nomme parmi les oiseaux qui habiteront les ruines désolées de l’Idumée, ce qui convient parfaitement au grand-duc, encore aujourd’hui si abondant dans les ruines de Pétra. Bochart, Rierozoicon, Leipzig, 1793, t. ii, p. 281, fait venir yansûfde néséf, « crépuscule, » étymologie qui concorde bien avec le genre de l’oiseau en question. Gesenius, Thésaurus, .p. 923, préfère tirer yansuf du verbe nâsaf, « souffler, respirer, » et en faire le nom d’une espèce d’ardea ou grue à cris gutturaux. Cette étymologie est moins probable que la précédente. Les anciennes versions ont tra--duit le mot hébreu par ïg-.ç, ibis. Mais pareille traduction est absolument inacceptable, au moins dans le passage d’Isaïe, xxxiv, 11. L’ibis est un oiseau qui ne vit que dans les marais et au bord des fleuves. Il lui serait impossible d’habiter dans les ruines de Pétra, où le prophète signale la présence du yansôf.

2° Le moyen-duc ou hibou. Voir Hibou.

3° Le petitduc, ou scops, est le plus petit des oiseaux du genre chouette ; il n’a pas plus de dix-huit à vingt centimètres. Il a de longues touffes de plumes aux oreilles. Son plumage est élégamment nuancé de gris, de roux et de noir. Cet oiseau est très familier et il s’apprivoise aisément. Il détruit beaucoup de mulots, de souris et d’animaux nuisibles à l’agriculture. Il est très commun dans l’Europe méridionale et surtout en Italie. — En Palestine, on rencontre dans les ruines le scops giu, que les Arabes appellent marouf. Tristram, loc. cit., conjecture qu’Isaïe, xxxiv, 15, parle de cet oiseau sous le nom de qippôz. Ce nom reproduirait à peu près, par onomatopée, le cri du petit-duc. Les anciennes versions ont rendu qippôz par ë^îvoç, ericius, « le hérisson. » Mais le prophète dit que le qippôz fait son nid, qinhên, verbe qui n’est employé qu’à propos d’oiseaux. Ps. civ, 17 ; Jer., Xlviii, 28 ; Ezech., xxxi, 6. Il ajoute qu’il pond, temallêt, et qu’ensuite il brise ses œufs pour en faire sortir les petits, bâq’âh. Le qippôz est donc un oiseau. Bochart, Mierozoicon, t. iii, p. 19, en fait un reptile, le serpens jaculus. Rien ne justifie cette identification. Le parallélisme, si tant est qu’il soit sensible dans ce chapitre d’Isaïe, réclame plutôt un oiseau pour correspondre au vautour, mentionné immédiatement après. Quelques auteurs ont supposé que qippôz est une faute de transcription pour qippôd, « butor. » Voir Butor. Mais le qippôd est déjà nommé dans la même prophétie d’Isaïe, xxxiv, 11, et le prophète, qui dans tout ce passage fait une énumération d’animaux sauvages, n’a pas dû revenir deux fois sur le même oiseau. Le plus probable est donc que

le qippôz et le petit-duc ne font qu’un.
H. Lesêtre.
    1. DUDIA##

DUDIA (hébreu : Dodaï ; Septante : AuSta), père d’Éléazar, un des chefs de l’armée de David. I Par., xxvii, 4. Son Vrai nom est Dodo. I Par., xi, 25. Voir Dodo 3.

DUEL (hébreu : De’û'êl ; Septante : ’PaYoijTJ}.), père d’Éliasaph, de la tribu de Gad, à l’époque du dénombrement des Israélites au pied du Sinaï. Num., i, 14 ; vi, ’42, 47 ; x, 20. Au chapitre ii, 14, il est appelé, dans la plupart des éditions du texte hébreu, Re’û'êl, par le changement du t, daleth, en i, resch. Il est difficile de déterminer avec certitude ce que devait porter l’original, -à cause de la divergence des autorités. Si les Septante et le syriaque ont partout R, la Vulgate, le samaritain, le Targum de Jonathan, l’arabe (édition de Paris), ont D. Un" bon nombre de manuscrits hébreux ont De’û'êl dans Num., ii, 14. E. Levesque.

DU FOUR Jean Vital, docteur de l’Université de Paris, ministre provincial des Frères Mineurs d’Aquitaine, crée cardinal et évêque d’Albano par Jean XXII, mort le 16 août 1326, a laissé plusieurs ouvrages, dont’quelques-uns ont dû à leur mérite d’être livrés au public « deux siècles après la mort de l’auteur. 1. Spéculum

morale totius Sacrée Scripturse, in quo universa ferme loca Veteris et Novi Testamenti rmjstice explanantur. Une première édition de ce livre fut donnée par le libraire Jean Moylin (le lieu, non indiqué par les bibliographes, nous semble devoir être Lyon) ; une seconde parut à Lyon, en 1563, in-4° ; une troisième à Venise, chez Fioravanti, en 1594, in-f° ; une quatrième encore à Venise, « apud Minimam Societatem, » in-4°, et celle-là le bibliographe franciscain Jean de Saint -Antoine assure l’avoir explorée. 2. Conimentaria in Proverbia Salomonis ; 3. In quatuor Evangelia ; 4. In Apocalypsim. Ces ouvrages ont longtemps subsisté en manuscrit chez les Dominicains de Bologne, puis ont été publiés à Venise, par les soins du cardinal Sarnano. 5. Quelques bibliographes attribuent encore au même auteur des Commentaires sur les Psaumes ii, lxvii, cxiv, dont ils n’indiquent pas le sort. P. Apollinaire.

    1. DUGONG##

DUGONG, mammifère marin (fig. 506) appartenant à l’ordre des sirénides, comme le lamantin actuel et l’halithérium fossile.

I. Histoire naturelle. — Les sirénides ont un corps pisciforme, terminé par une nageoire caudale disposée horizontalement et pourvu de mamelles pectorales. Ils se distinguent des phoques par l’absence de membres postérieurs. Leurs membres antérieurs ont une espèce de main dont les doigts sont enfermés dans une gaine de peau, de manière à former une sorte de rame natatoire. Le dugong a la queue échancrée en croissant. De sa mâchoire supérieure descendent deux incisives de quinze centimètres de longueur en forme de défenses. La tête se rattache au corps par un cou gros et court et forme en avant un museau arrondi. Tout le corps est couvert de gros.poils. La. taille peut atteindre quatre à cinq mètres de long et même plus. Les mœurs du dugong, comme d’ailleurs celles des sirénides en général, sont très douces. Ces animaux vivent en troupes, et l’on remarque un très vif attachement entre le mâle, la femelle et les petits d’une même famille. Les nègres de l’archipel Indien appellent la femelle du dugong « mama di l’eau », à cause de la tendresse qu’elle a pour ses petits. On met à profit cet attachement pour capturer ces mammifères ; car, sitôt que l’un d’eux est harponné, les autres membres de la famille accourent pour le défendre et partager son sort, et il est alors facile de s’en emparer. Les dugongs ne se rencontrent que dans l’archipel Indien et dans la mer Rouge. Ils fréquentent principalement l’embouchure des rivières et ne quittent pas les eaux peu profondes dans lesquelles les algues marines leur fournissent la nourriture. Le nom de « dugong » viendrait, croit-on, du malais doûyoung, qui se retrouve dans d’autres langues de l’archipel Indien sous la forme roudjong ou rouyong. M. Devic, Dictionnaire étymologique, à la suite du Dictionnaire de la langue française de Littré, Paris, 1884, p. 32. Le nom scientifique de l’animal est « halicore », c’est-à-dire « vierge dû mer », de même que les lamantins sont appelés « femmes de mer », probablement par allusion à la fable antique des sirènes, moitié femmes et moitié poissons.

H. Identification avec le tahas biblique. — 1° Il est plusieurs fois question, à l’époque de Moïse, de peaux de takaS, Num., iv, 6, 8, 10-12, 14, ou de (ekôsîm, Exod., xxv, 5 ; xxvi, 14 ; xxxv, 7, 23 ; xxxvi, 19 ; xxxix, 34, qui sont employées pour couvrir le Tabernacle, et envelopper, pendant les marches, l’arche d’alliance, la table de proposition, le chandelier et les différents ustensiles du culte. Au lieu de’or ou’ôrôt tahai, « peau » ou a peaux de tahas », on emploie même, pour désigner ces peaux, le seul mot de (ahaë. Num., IV, 25. En dehors de l’Exode et des Nombres, (ahaS ne se retrouve plus que dans Ézéchiel, xvi, 10, qui l’emploie seul comme dans ce dernier passage des Nombres. Le prophète, décrivant les bienfaits du Seigneur sous la figure de magnifiques pa

rures, dit à Jérusalem que Dieu lui a donné des souliers de tahaS. — 2° Les anciens ont pris ce mol pour la désignation d’une couleur, Septante : Bipftara ûaxivOtva, ûâxiv60v ; Josèphe, Ant. jud., III, vi, 1, 2 : àâxiOov ; Aquila, Symmaque : îàvOivoc ; chaldéen et syriaque : sasgônâ’, « rouge écarlate ; » Vulgate : pelles ianthinx, ianthinum. Bochart, Hierozoicon, Leipzig ; 1793, t. ii, p. 387, et Rosenmûller, Ezeckiel, Leipzig, 1808, p. 420, regardent aussi fahaS comme le nom d’une couleur tirant sur le pourpre. Celte opinion a contre elle d’abord l’usage du pluriel ïehàsim, qui ne s’explique pas si tahaS est le nom d’une couleur, et qui est pourtant répété six fois dans l’Exode. De plus, les peaux qui servent à couvrir le tabernacle sont de deux sortes : des peaux de bélier teintes en rouge et des peaux de fahas. Exod., xxvi, 14 ; xxxv, 7, 23, etc. Pourquoi, d’une part, l’indication de l’animal qui fournit la peau, et, de l’autre, la simple indication de la couleur ? — 3° Les talmudistes les premiers soutinrent que le mot taliaS était le nom d’un animal et que cet animal ressemblait au furet. Schabbath, ii, 28. D’après Roberlson, Thésaurus linguse sanctse, Londres, 1680,

gine étrangère, si même on l’a tiré de l’hébreu tahas, ce que rien absolument ne démontre, il n’y aurait pas encore là de preuve pour identifier le taxus avec l’animal nommé par Moïse. — 4° D’autres auteurs ont reconnu dans le tahaS un mammifère marin. D’après Rau, Commentatio de Us qux ex Arabia in usum Tabernaculi fuerunt petita, Utrecht, 1755, et Faber, Archâologie der Hebràer, Halle, 1773, p. 115, ce mammifère serait le phoque. Sans exclure le blaireau, Gesenius pense que le tahaS peut être identifié avec le lukas arabe, c’est-à-dire, le dauphin ou le phoque. Les phoques abondaient dans la Méditerranée, Strabon, xvi, 767, et chez les anciens on couvrait les tentes de peaux de phoque qui avaient, croyait-on, la propriété de les préserver de la foudre. Plutarque, Sympos., v, 9 ; Pline, H. N., ii, 56 ; Suétone, Octav., 90. On a présumé aussi que le (ahaS pourrait être le trichecus, « morse » ou « vache marine », identification impossible, puisque le morse ne fréquente que les mers glaciales. Les voyageurs qui, depuis le siècle dernier, ont visité les bords de la mer Rouge et ont pu. étudier sur place les coutumes des riverains, comme

EOG. — Le dugong.

p. 1299, et quelques autres interprètes, le tairai doit s’identifier avec le blaireau. Mais ce dernier, commun en Palestine, est très rare dans la presqu’île Sinaïtique. Des raisons de diverse nature devaient d’ailleurs empêcher Moïse de l’employer. Voir Blaireau. Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 72, trouve cependant que la rareté du blaireau et la difficulté de le capturer en grand nombre rendaient sa peau plus précieuse, plus digne par conséquent d’inspirer au peuple une haute idée des objets recouverts d’une pareille enveloppe. Mais cette raison est sans valeur. Il s’agissait pour Moïse de faire un toit pour le Tabernacle, et ce qui importait ici, c’était beaucoup moins la richesse de la matière que sa solidité. Cette toiture devait, en effet, résister pendant de longues années non seulement à la fatigue du transport, mais aussi à l’effet des intempéries, et particulièrement de ces pluies torrentielles qui fondent tout d’un coup sur les différents points de la presqu’île. Cf. Zschokke, Historia sacra antiqui Testamenti, Vienne, 1888, p. 105. D’autre part, le toit du Tabernacle était formé de deux espèces de peaux : de peaux de béliers, qui étaient en dessous, et de peaux de (ahas, par-dessus les premières. Exod., xxvi, 14 ; xxxvi, 19. Il va de soi que les peaux les plus résistantes étaient celles du dehors, et que les peaux de béliers auraien* été placées par-dessus les peaux de blaireaux, si ces ornières avaient été employées. Le nom du blaireau, miles taxus, ne saurait être un argument pour confondre le taxus avec le (ahaS. Le mot taxus est relativement récent. On le lit pour la première fois, sous la forme taxon, dans le De mirabilibus Scripturx, imprimé parmi les œuvres de saint Augustin, t. xxxv, col. 2158, mais bien postérieur à ce Père. Si, comme l’insinue Gesenius, Thésaurus, p. 1500, le mot a une ori Rûppel, Burckhardt, Ed. Robinson, etc., ont constaté qu’on utilisait la peau du lamantin et du dugong pour faire des chaussures, et en ont conclu que ces mammifères pourraient être le tahas biblique. Cf. Rœdiger, dans le Thésaurus de Gesenius, p. 1501. — 5° Aujourd’hui l’on admet communément que le tahaS n’est autre que le dugong. Cet animal abonde dans le golfe d’Akabah et sur les bords de la mer Rouge, et il est d’une facile capture. Rûppel l’avait appelé halicore tabernaculi, estimant que c’était l’animal dont la peau avait servi à couvrir le Tabernacle ; ce dugong est probablement le même que celui qui est connu sous le nom de halicore hemprichii. Les Arabes des environs du Sinaï l’appellent tûn. Sa peau, grossière et commune, peut fort bien servir de couverture. On en fait des chaussures, dont se servent encore les Bédouins de nos jours. Les sandales fabriquées avec une autre peau, même celle de chameau, seraient vite coupées par les arêtes de rochers. Cf. Robinson, Biblical researches in Palestine, mount Sinaï and Arabia Petrœa, Londres, 1867, 1. 1, p. 116 ; Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 149 ; Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 44, 45. Les peaux de dugong ont été très propres à l’usage qu’indique Moïse, à raison de leur épaisseur et de leurs dimensions. Il n’est pas impossible non plus, bien que l’Écriture n’en, parle pas, que les Israélites se soient fait des chaussures de même matière. — Le dugong ne se trouvant que sur les rivages de la presqu’île Sinaïtique, on s’explique très bien que l’emploi de sa peau ait cessé à partir de l’établissement du peuple en Palestine. — 6° Les souliers de femme, dont parle Ézéchiel, xvi, 10, sont également en, peau de tahaS. Cette peau semble à Robinson, loc. cit., bien grossière pour qu’on en puisse fabriquer des chaus

sures élégantes. Aussi quelques auteurs pensent-ils que le mot tahaê pourrait s’appliquer d’une manière générale à quelques autres mammifères marins, dont plusieurs peuvent fournir une peau plus line. Mais il n’est pas nécessaire de recourir à cette supposition pour expliquer le texte d’Ézéchiel. Il est fort concevable qu’à l’époque du prophète la peau de lahas ait été considérée comme d’une certaine valeur à Jérusalem, soit à cause de son caractère exotique, soit à raison de la perfection avec laquelle elle était ouvrée par les Égyptiens ou par les Phéniciens. — Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. IV, p. 397-399.

H. Lesêtre.
    1. DUGUET##

DUGUET, DU GUET André Jacques Joseph, théologien janséniste français, né à Montbrison le 9 décembre 1649, mort à Paris le 25 octobre 1733. Entré dans la congrégation de l’Oratoire, il fut ordonné prêtre au mois de septembre 1677, et enseigna à Troyes et à Paris Il se montra toujours fort attaché aux doctrines jansénistes et refusa de se soumettre à la bulle Vnigenitus. En conséquence, il abandonna les Oratoriens au mois de février 1685, et se retira à Bruxelles, près d’Antoine Arnaud. Il resta fort peu de temps en Belgique et revint à Paris. Très ; lié avec le fameux P. Quesnel, il revit le manuscrit des Réflexions morales sur le Nouveau Testament. Parmi ses nombreux écrits, qui forment plus de cent volumes, nous citerons : Règles pour l’intelligence des Saintes Écritures (avec une préface de M. l’abbé d’Asfeld), in-12, Paris, 1716 ; La Genèse en latin et en français, avec une explication du sens littéral et du sens spirituel, tirée de l’Écriture Sainte et de la tradition (en collaboration avec l’abbé d’Asfeld), 2 in-12, Paris, 1732 ; Explication du livre de la Genèse où, selon la méthode des saints Pères, l’on s’attache à découvrir les mystères de Jésus-Christ et les règles des mœurs renfermées dans la lettre même de l’Écriture (en collaboration avec l’abbé d’Asfeld), 6 in-12, Paris, 1732 ; le premier volume de cet ouvrage avait été publié l’année précédente : Commentaire sur l’ouvrage des six jours, in-12, Paris, 1731. Une autre édition en fut donnée sous le titre : Explication de l’ouvrage des six jours, où l’on a joint les explications des chapitres xxxviii et xxxix de Job et des Pseaumes xviii et ciii, qui traitent de la même matière, in-12, Paris, 1736 ; Explication du livre de Job où, selon la méthode des saints Pères, l’on s’attache à découvrir les mystères de Jésus-Christ et les règles des mœurs renfermées dans la lettre même de l’Écriture, 4 in-12, Paris, 1732 ; Explication du livre de Saul, 4 in-12, Paris, 1732 ; Explication du livre des Pseaumes, 7 in-12, Paris, 1733 ; Explication du livre de Job, 4 in-12, Paris, 1732 ; Explication de la prophétie d’Isaïe, 6 in-12, Paris, 1734 ; Explication de cinq chapitres du Deuléronome et des prophéties d’Habacuc et de Jonas, in-12, Paris, 1734 ; Préface sur le livre de Job, in-12, Amsterdam, 1734 ; Explication des livres des Rois et des Paralipomènes, 3 in-12, Paris, 1738 ; Le livre des JPseaumes avec des sommaires, in-12, Paris, 1740 ; Explication du Cantique des cantiques, de la prophétie de Joël, avec l’analyse du livre de Job, in-12, Paris, 1754 ; Explication du livre de la Sagesse, in-12, Paris, 1755 ; Explication de l’Épitre de saint Paid aux Romains, in-12, Avignon, 1756. — Voir André, L’esprit de M. Duguet, ou Précis de la morale chrétienne tirée de ses -écrits, in-12, Paris, 1764 ; Dictionnaire des livres jansénistes, t. III, p. 133 ; Quérard, La France littéraire, t. ii,

p. 652.
B. Heurtebize.
    1. DUHAMEL##

DUHAMEL, DU HAMEL Jean-Baptiste, astronome et littérateur, né à Vire en 1624, mort à Paris le 6 août 1706. II fit ses études à Cæn et à Paris, et, âgé de dix-neuf ans, il entra dans la congrégation de l’Oratoire. II en sortit pour devenir curé de Neuilly-sur-Marne, où il resta jusqu’en 1663. Trois ans plus tard, il était nommé secrétaire

perpétuel de l’Académie des sciences, qui venait d’être fondée par Colbert. Il accompagna le ministre plénipotentiaire Colbert de Croissy pour la signature de la paix d’Aix-la-Chapelle, et le suivit ensuite en Angleterre. Latiniste distingué, il a écrit un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels : Institutiones biblicse, seu Scripturse Sacrse prolegomena cum selectis annotationibus in Pentateuchum, in libros historicos Veteris Testamenti et in librum Job, 2 in-12, Paris, 1698. Le second volume de cet ouvrage porte le titre : Annotationes selectx in difficiliora loca Sanctse Scriptural tomus il qui continet annotationes in libros historicos et in librum Job, in-12, Paris, 1699 ; Liber Psalmorum, cum selectis annotationibus in loca difficiliora, in-12, Reims, 1701 ; Salomonis libri très Proverbia, Ecclesiastes et Canticum canticorum, item liber Sapientise et Ecclesiasticus cum selectis annotationibus, in-12, Reims, 1703 ; Biblia sacra Vulgatse editionis, Sixti V et Clementis VIII Pont. Max. recognita, versiculis distincta, una cum selectis annotationibus ex optimis quibusque interpretibus excerplis, prolegomenis, novis tabulis chronologicis, historicis et geographicis illustrata, indiceque epistolarum et evangeliorum aucta, in-f », Paris, 1706. Les divers travaux de Duhamel se trouvent reproduits dans ce dernier ouvrage. — Voir Mémoires de Trévoux, 1706, t. ii, p. 618 ; Journal des savants du 22 mars 1706 ; Ingold, Essai de

bibliographie oratorienne, p. 41.
B. Heurtebize.

DUMA (hébreu : Dûmâh), nom d’un fils d’Ismaël et d’une ville de la tribu de Juda.

1. DUMA (hébreu : Dûmâh ; Septante : Aou(iâ, Gen., xxv, 14 ; ’160u[iâ, I Par., i, 30 ; -J)’180u(jiaïa, Is., xxi, 11), fils d’Ismaël, cité dans les listes généalogiques, Gen., xxv, 14 ; I Par., i, 30, entre Masma et Massa. Ce nom désigne en réalité une tribu ou un district de l’Arabie septentrionale, dont il est possible, malgré l’assertion de Reuss, Les Prophètes, Paris, 1876, t. i, p. 293, note 1, de déterminer la position géographique. On s’accorde, en elîet, généralement aujourd’hui à identifier -D’, i, Dûmâh,

avec l’oasis appelée J J^J-l ^o>), Doumat el-Djendel,

à sept journées de Damas, à treize de Médine et à quatre au nord de Téima. Cf. C. Niebuhr, Beschreibung von Arabien, in-4°, Copenhague, 1772, p. 344. C’est dans ces contrées qu’habitaient d’autres peuplades ismaélites, les Nabatéens (Nabaioth), Cédar, Massa et Théma. Voir Arabie, t. i, col. 856-866, et la carte, col. 857. Nous préférons cette opinion à celle de J. G. Wetzstein, Reisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 93, qui place cette tribu à l’est du Hauran. — Doumat el-Djendel, c’est - à - dire « Doumat la rocheuse », ou encore Doumat esch - Schâmiyéh, « Doumat de Syrie, » pour la distinguer de Doumat el-’Irâq, est la Aoù(ji ; 9a, Ao-J(ia16a, de Ptolémée, V, xix, 7 ; la Aoii[i « 6a d’Etienne de Byzance ; la Domata de Pline, vi, 157 (cf. A. Dillmann, Die Genesis, 6e édit., Leipzig, 1892, p. 314). Cette oasis porte de nos jours le nom d’el-Djôf, et forme la ligne de démarcation entre le Schâm ou « la Syrie » et Y Iraq, « la Babylonie ».

Le Djôf, qui peut avoir en longueur, de l’ouest à l’est, envirç>n cent kilomètres, sur quinze à vingt de large, est situé entre le désert septentrional, qui le sépare de l’Euphrate et de la Syrie, et le Néfoud méridional. Cependant par sa situation, son climat, les produits de son sol, il appartient beaucoup moins à la région du nord qu’aux provinces du centre de l’Arabie, dont il est en quelque sorte le vestibule. Si l’on traçait un triangle équilatéral touchant par sa base d’un côté à Damas et de l’autre à Bagdad, le Djôf en occuperait le sommet ; en prolongeant les lignes dans une direction opposée, on rencontrerait Médine au sud-ouest, et Zulpha, vaste entrepôt commercial du Nédjed, au sud-est. Cette position cen$

traie, non moins que la forme ae son territoire encaissé au milieu des plateaux plus élevés qui l’entourent, a fait donner à la province le nom qu’elle porte, Djôf, « entrailles. » C’est le lit desséché d’une petite mer. Une large vallée, couverte de palmiers touffus, de groupes d’arbres à fruit, et dont les contours sinueux, descendant par gradins successifs, vont se perdre dans l’ombre projetée par des rocs rougeâtres ; au milieu de cette oasis, une colline surmontée de constructions irrégulières ; plus loin, une haute tour, semblable à un donjon féodal, et au-dessous de petites tourelles, des maisons aux toits en forme de terrasse, cachées dans le feuillage des jardins, le tout inondé par un flot de lumière : tel est l’aspect sous lequel le Djôf se présente au voyageur qui arrive par la route de l’ouest. La localité la plus importante, la seule que l’on décore du titre de ville, est appelée Djôf-Amèr, du nom du pays même auquel est joint celui de la tribu qui forme la population principale de la ville. Elle a été formée par la réunion de huit villages autrefois séparés, qui, avec le temps, se sont agrandis et confondus ; sa longueur totale est de six à sept kilomètres, mais sa plus grande largeur n’excède pas huit cents mètres. Les jardins sont à juste titre renommés dans l’Arabie entière. On y voit le palmier-dattier, dont les fruits sont préférables à tout ce que peuvent offrir l’Egypte, l’Afrique et la vallée du Tigre. Les pêches et les abricots, les raisins et les figues surpassent eu saveur et en beauté ceux de Syrie et de Palestine. Dans les champs, on cultive le blé, les plantes potagères, les melons,-etc. Des courants d’eau limpide favorisent la végétation de ces plaines fécondes. Mais c"est la datte qui constitue l’une des richesses du pays ; elle joue dans l’existence de l’Arabe un rôle incroyable : elle est à la fois le principal élément du commerce, le pain de chaque jour, le soutien de la vie. Outre sa capitale, le Djôf contient plusieurs villages, qui obéissent au même gouverneur central. Ses habitants sont richement pourvus des dons extérieurs. Grands et bien faits, ils ont des traits réguliers, une physionomie intelligente, de longs cheveux noirs et bouclés, un maintien noble et imposant ; on retrouve en eux le pur type ismaélite. Leurs membres bien proportionnés, leur expression pleine de franchise, forment un contraste frappant avec la petite taille, le regard soupçonneux et timide du Bédouin. Les Djôiites ont aussi une santé robuste, et gardent jusque dans un âge avancé l’activité de la jeunesse. L’habitude de vivre au grand air, la salubrité du climat, la sobriété, contribuent puissamment à maintenir la vigueur des Arabes. Cf. "W. G. Palgrave, Central and Eastern Arabia, 2 in-8°, Londres et Cambridge, 1865, t. i, p. 46-89 ; traduction française, 2 in-8°, Paris, 1866, t. i, p. 48-85 ; Ch. Huber, Voyage dans l’Arabie centrale, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 7° série, t. v, 3 8 trimestre 1884, p. 318-326 ; lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 16-18.

Faut-il appliquer à la contrée que nous venons de décrire la prophétie d’Isaïe, XXI, 11, 12 ? Elle est ainsi conçue :

Oracle sur Duma.

On me crie de Séir :

Gardien, où en eston de la nuit ?

Gardien, où en est-on de la nuit ?

Le gardien répond :

Le matin vient, et la nuit aussi ;

Si vous cherchez, cherchez ;

Convertissez-vous, venez.

Les commentateurs ne sont pas d’accord sur ce sujet. Quelques-uns prennent Dûmdh dans son sens étymologique, et lui donnent une signification symbolique : Oracle « du silence ». Cf. E. Reuss, Les Prophètes, t. i, p. 293. Mais les versions anciennes ont vu ici un nom propre : paraphrase chaldaïque, Dûmâh ; syriaque, Dûmâ’; arabe, Edûm. — La plupart des exégètes pensent

qu’il est question de ridumée. C’est ainsi que l’ont compris les Septante en traduisant :-tô ôpxLa-rii ; ’I80U(i.a ; a ; . Les manuscrits hébreux cependant ne présentent que-deux variantes avec’Edôm, et encore n’est-ce là qu’uneexplication ajoutée par les rabbins. Cf. B. de Rossi, . Varise lectiones Veteris Testamenti, Parme, 1784-1798, t. iii, p. 23 ; Supplem., p. 49-50. L’opinion est donc plutôt fondée sur ce que la question, ou, si l’on veut, le cri d’angoisse, vient de Séir, c’est-à-dire des montagnes d’Édom. Le prophète aurait ainsi préféré le nom de Dûmâh à ce dernier plus connu, afin de marquer par son sens même le sort réservé à l’Idumée, qui devait tomber un jour’dans « le silence » de la mort (cf. Ps. xcm [hébreu, , xciv], 17 ; cxiii [hébreu, cxv], 17). Cf. J. Knabenbauer, . Comment, in Isaiam, in-8°, Paris, 1887, 1. 1, p. 411-414 ; Trochon, haïe, in-8°, Paris, 1878, p. 119 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1894, t. v, p. 355 ; E. F. C. Rosenmùller, Scholia in Vet. Testam., Jesaia, Leipzig, 1833, t. ii, p. 88-91. — D’autres ne voient aucune raison pour distinguer Duma d’Isaïe de Duma de la Genèse et des. Paralipomènes. Si le prophète s’adresse à un gardien de’Séir pour avoir des nouvelles de cette oasis, c’est que’de son temps la plupart des territoires ismaélites étaient ; des possessions iduméennes. Lam., iv, 21 ; Abd., 1, 9. Cf. J. Halévy, Recherches bibliques, in-8°, Paris, 1895, t. i, p. 474, et Arabie, t. i, col. 863. Cette identité est’également admise par Gesenius, Thésaurus, p. 327, et Der Prophet Jesaia, in-8°, Leipzig, t. ii, p. 665-667. Et, , au fait, cette prophétie se relie bien à celles qui suivent, et terminent le chapitre. Voir Dadan2, co1.1203 ; Cédar2,

col. 357.
A. Legendre.

2. DUMA, nom, dans le texte hébreu, d’une ville de’Juda appelée Ruma dans la Vulgate et’PeLwi dans les ; Septante. Jos., xv, 52. Voir Ruma.

    1. DUPIN Louis Ellies##

DUPIN Louis Ellies, né à Paris le 17 juin 1657, mort dans cette ville le 6 juin 1719. Il appartenait à une’ancienne famille de Normandie et fit ses études au collège d’Harcourt. En 1684, il était reçu docteur en Sorbonne, et obtint une chaire de philosophie au collège royal. L’ardeur qu’il déploya pour défendre les erreurs ; jansénistes le fit exiler à Chàtellérault, et, lorsqu’il put rentrer à Paris, sa chaire ne lui fut pas rendue. Son principal écrit : Bibliothèque universelle des auteurs ecclésiastiques, lui attira de vives réclamations ; le parlement en décréta la suppression ; il put toutefois continuer cet important ouvrage, grâce à une légère modification du titre. Il aurait désiré amener un rapprochement entre l’Église romaine et l’église anglicane, et à ce propos ; il a été accusé de se montrer trop favorable aux doctrines ; de celle-ci. Clément XI juge très sévèrement cet auteur, qu’il appelle « un homme d’une très mauvaise doctrine, coupable de plusieurs excès vis-à-vis le siège apostolique ». Il est certain que, mêlé fort activement à toutes, les controverses qui agitèrent l’Église de France à la fin du xvii » siècle, il se laisse souvent entraîner par l’esprit : de parti. Nous citerons parmi ses écrits : Le livre des Pseaumes en latin et en français, avec de courtes notes pour faciliter l’intelligence du texte, in-12, Paris, 1691 ; Liber Psalmorum latini, ex duplici vevsione una Vulgata, altéra eadem ad textum hebraicum reformata, cum notis, in-8°, Paris, 1691 ; Le livre des Pseaumes traduit en françois selon l’hébreu, avec de courtesnotes, in-12, Paris, 1692 ; Prolégomènes sur la Bible, 3 in-8°, Paris, 1699 : cet ouvrage est la dissertation, considérablement augmentée, sur l’Ancien et le Nouveau Testament, qui se trouve au commencement de la Bibliothèque universelle des auteurs ecclésiastiques ; Pentateuchus Mosis cum notis, quibus sensus litteralis exponitur, in-8°, Paris, 1701 ; Dissertations historiques, chronologiques, géographiques et critiques sur la Bible, ’m-8°, Paris, 1711 ; Analyse de l’Apocalypse contenant

une nouvelle explication de ce livre avec des dissertations sur les millénaires, in-12, Paris, 1714. — Voir abbé Qoujetj Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du xvin’siècle, pour servir de continuation à celle de M. du Pin (1736), t. i, p. 1 ; Hurler, Nomenclator litterarius

(2° éd.), t. ii, p. 814.
B. Heurtebize.
    1. DUPUY François##

DUPUY François, né à Saint-Bonnet, dans le Forez, vers 1450, mort le 17 septembre 1521. Il fut d’abord officiai des évêchés de Valence et de Grenoble. Il avait cinquante ans lorsqu’il entra chez les Chartreux ; il se distingua tellement par ses vertus, que ses confrères n’hésitèrent pas à l’élire général de l’ordre (1503), malgré le court espace de temps qu’il avait passé en religion. On a de lui : Catena aurea super Psalmos, in-f° ou in-4°, Paris, 1510, 1520, 1529, 1530, 1533 et 1534.

M. AUTORE.

DURA (chaldéen : Dura" ; Septante : Asetpi), nom d’une plaine ou d’une vallée des environs de Babylone, où Nabuchodonosor fit élever la statue plaquée d’or que Daniel et ses compagnons refusèrent d’adorer. Dan., in. Ce nom est assez commun en Babylonie et en Assyrie : Ammien Marcellin, xxiii, 5, et xxv, 6, édit. Didot, 1855, p. 197 et 239, et Polybe, v, 48 et 52, édit. Didot, 1852, p. 294 et 296, mentionnent deux localités ainsi nommées, l’une en Assyrie, l’autre en Mésopotamie. — Les textes cunéiformes en mentionnent également plusieurs, spécialement trois en Babylonie. The Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. iv, pi. 38, obv. c. ii, 1. 9-11 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 216 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1888, t. ii, p. 128 et 315. Ce nom, sous sa forme babylonienne de duru, signifie « forteresse ». — La localité mentionnée par Daniel doit être évidemment cherchée dans le voisinage de Babylone. On la retrouve, sous son nom ancien de Doura, à huit kilomètres sudest de cette ville, où l’on voit les restes d’un ancien canal nommé Nahr-Doura, « fleuve de Doura, » et des collines ou amas de ruines nommées les tells de Doura. L’une d’elles, en briques séchées au soleil, est de forme si régulière, que les indigènes la nomment el-mohattat, « l’alignée, » haute de six mètres sur une base carrée de quatorze mètres de côté. M. J. Oppert, Expédition en Mésopotamie, 1. 1, p. 238-240, a supposé que c’était le piédestal même de la statue de Nabuchodonosor. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 303-304 ; J. Menant, Babylone et la Chaldée,

1875, p. 244, et la carte, p. 261.
E. Pannier.
    1. DUTRIPON François Pascal##

DUTRIPON François Pascal, correcteur à l’imprimerie Adrien Le Clère, à Paris, né à Nogent-sur-Seine (Aube), en 1793, mort à Paris le 13 décembre 1867. On doit à cet homme laborieux une bonne édition des concordances verbales latines de la Bible : Concordantix Bibliorum Sacrorum Vulgatse editionis, notis historicis, geographicis, chronicis locuplelatse, in-4°, Paris, 1838 ; 2e édit., Bar-le-Duc, 1868, etc. (Voir Concordances, col. 899) ; Verba Christi gallice et latine ex sacris Evangeliis aliisque Novi Teslamenti libris collecta, in-12, Paris, 1845. 0. Rey.

    1. DYSENTERIE##

DYSENTERIE (grec : Wêvrep/a, de S-jç, particule inséparable impliquant l’idée de mal, de douleur, de peine, et d’sVrepoc, « entrailles » ), inflammation et ulcération des intestins, accompagnée de tranchées, tormina, comme les appelle Celse, et souvent aussi d’hémorragies intestinales. C’est une des maladies les plus dangereuses et les plus meurtrières des pays chauds, où elle est presque toujours épidémique. Il en est déjà parlé dans le très ancien Papyrus Ebers, ûberseizt von Joachim, in-8°, Berlin, 1890, p. 9-11. Hérodote, yni, 115, raconte que la dysenterie ravagea l’armée perse en Thcssalie. Pendant la cam pagne d’Egypte (1798-1801), elle fit périr plus de soldats français que la peste qui sévissait alors dans le pays. En 1887, au Caire, sur 16545 morts, 1328 décès ont été dus à la dysenterie, et en 1888, 1321 sur 17754. Kartulis, Dysenterie, p. 8.

1° Cette maladie est celle dont il est question dans la lettre que le prophète Elisée envoya à Joram, roi de Juda : « Voici que Dieu frappera d’une grande plaie ton peuple, tes enfants, tes femmes et tout ce que tu possèdes. Et tu seras [toi-même en proie] à la maladie, tu souffriras d’un mal d’entrailles jusqu’à ce que tu rejettes tes entrailles jour par jour. » Joram perdit, en effet, sa famille et ses biens. « Et après tout cela, continue le texte sacré, Jéhovah le frappa dans ses entrailles d’une maladie incurable. Et les jours passèrent les uns après les autres, et au bout de deux ans ses entrailles sortirent par l’effet de sa maladie, et il mourut de cette maladie mauvaise. » Il Par., xxi, 14-19. Ces paroles expriment très bien les effets de la dysenterie. « Il semble au malade, dit Sydenham, que toutes ses entrailles vont sortir du corps. » Colin, Dysenterie, dans A. Dechambre, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, i" série, t. xxxi, 1885, p. 27. Plusieurs médecins ont cru que les lambeaux de chair, appelés vulgairement « raclures de boyaux », rendus par les personnes atteintes de la dysenterie, n’étaient que « des productions exhalées à la surface de la muqueuse intestinale sans aucune altération de cette muqueuse, des pseudo - membranes, en un mot, absolument comme il s’en forme et comme il en est rejeté dans les affections diphtériques… Les autres, au contraire, n’ont vu en ces débris que le résultat de l’exfoliation, plus ou moins large, plus ou moins profonde, de la muqueuse intestinale, et parfois des tuniques sous-jacentes ; telle est l’opinion qui a justement prévalu et qui a été, en fin de compte, établie par les médecins français, spécialement par ceux d’Algérie, et par les médecins anglais de l’armée des Indes. Le microscope a nettement démontré la nature organisée de ces lambeaux et prouve que leur structure était identique à celle des organes dont ils sont éliminés ». Colin, Dictionnaire, p. 28-29. La dysenterie peut devenir chronique ; c’est la forme qu’elle prit dans le cas du roi Joram, et elle finit par amener sa mort. Colin, ibid., p. 50, 61-66 ; R. J. Wunderbar, Biblischestalmudische Medicin, in-8°, Riga, 1850-1860, Abth. iii, p. 16-17.

2° Saint Paul, dans l’île de Malte, guérit de la dysenterie ( SuffevTepfot) le père du « Premier », c’est-à-dire du gouverneur de l’Ile, Publius. Act, xxviii, 8. Saint Luc dit que cette dysenterie était accompagnée de fièvres, itupetoî, ce qui, en effet, arrive dans ce cas (aussi Hippocrate, Judicat., 55, 56, etc., joint-il souvent 8u<jEvï£pt’a avec luipetic), et c’est là un des passages qu’on peut apporter en preuve des connaissances médicales de l’auteur des Actes. K. Hobart, The médical Language of St. Luke, in-8°, Dublin, 1882, p. 52-53. « Saint Luc emploie le pluriel (nupeToï ; ) en décrivant cette fièvre, dit R. Bennett, The Diseases of the Bible, in-12, Londres, 1887, p. 71-72, et il le fait indubitablement avec son exactitude ordinaire. On ne voit pas cependant avec une entière clarté ce que signifie ici l’emploi du pluriel. C’est un fait bien connu que la dysenterie est fréquemment accompagnée de fièvres intermittentes paludéennes. Il est donc possible que le pluriel indique ici simplement cette intermittence. Mais il peut marquer aussi que, par addition aux signes fébriles de la maladie produite par la malaria, la gravité de la dysenterie entretenait cet état de fièvre qui accompagne toutes les formes de désordres inflammatoires, et que le patient avait ainsi une double forme de fièvre, symptomalique et essentielle, comme on les appellerait aujourd’hui. » — Voir Kartulis (médecin à Alexandrie d’Egypte), Dysenterie (Ruhr) mit 13 Abbildungen, in-8°, Berlin, 1896. F. Vigouroux.

E

4. EAU (hébreu : maîm, toujours au pluriel ; Septante : flfitop ; Vulgate : aqua), substance bien connue, qui se présente ordinairement à l’état liquide, mais peut prendre l’état solide, sous forme de glace, ou l’état gazeux, sous forme de vapeur, suivant la température. Elle se compose chimiquement en poids de 11, Il d’hydrogène et de 88, 89 d’oxygène, et en volume de 2 d’hydrogène pour 1 d’oxygène, condensés en 2. — La mention de l’eau est naturellement fréquente dans la Sainte Écriture. Nous n’indiquons ici que les passages les plus significatifs à différents titres.

I. Phénomènes naturels. — 1° Au début de l’organisation du globe terrestre par le Créateur, « l’Esprit de Dieu couvait les eaux, » c’est-à-dire exerçait sur la surface liquide de la terre une action particulière, analogue à celle de l’oiseau qui se tient sur ses œufs pour y entretenir la chaleur et y aider à l’éclosion de la vie. Puis Dieu fit au milieu des eaux une étendue, râqîà’, qui sépara les eaux supérieures d’avec les eaux inférieures, c’est-à-dire établit la distinction entre les eaux atmosphériques, nuées, pluies, etc., et les eaux condensées à la surface de la terre, mer, fleuves, lacs, etc. Gen., i, 2, C, 7. — 2° À l’époque du déluge, « toutes les sources de l’abîme sont violemment ouvertes et les cataractes du ciel sont déchaînées, » ’Gen., vii, 11, c’est-à-dire que l’inondation semble produite à la fois par les sources qui débordent et les nuées qui se déversent. Voir Déluge. — 3° Moïse, abandonné par sa mère sur les eaux du Nil, est sauvé par la fille du Pharaon, et pour cette raison appelé moSéh, « sauvé de l’eau. » Exod., ii, 10. Voir Moïse. — 4° Les eaux des torrents et des cascades font entendre un bruit majestueux, que la Sainte Écriture appelle la « voix des grandes eaux ». Ps. lxxvi, 18 ; Is., xvii, 12 ; Ezech., xliii, 2 ; Apoc, i, 15. — 5° L’eau constitue le breuvage naturel de l’homme, surtout en Orient. Geu., xxi, 14 ; Jud., iv, 10 ; Ruth, ii, 9 ; 1 Reg., xxx, 11 ; 1Il Reg., xix, 16 ; I Esdr., x, 6 ; Eccli., xxix, 28 ; Dan., I, 12 ; Ose., ii, 5, etc. Les sources de Palestine sont rares et deviennent parfois le sujet de contestations. Gen., xxvi, 20, etc. Voir Puits. On n’y laisse puiser parfois qu’à prix d’argent. Cf. Deut., ii, 6. Elles fournissent en général de l’eau excellente. Celle qui se conservait dans une des citernes de Bethléhem paraissait si exquise à David, que trois de ses soldats ne craignirent pas de traverser le camp des Philistins pour aller lui en chercher. II Reg., xxiii, 15-17. Voir Citerne, col. 787. L’eau sert à laver les pieds, Gen., xxiv, 32 ; Luc, vii, 44 ; Joa., xiii, 5, etc. ; les mains, Malth., xxvli, 24, etc. ; le corps, Lev., xv, 16, etc. ; les vêtements. Lev., xv, 13, etc. — 6° L’eau est employée pour le baptême de Jean, Matth., iii, 11 ; Marc, I, 8 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 26, et pour le baptême institué par Notre-Seigneur, Act., viii, 38 ; x, 47 ; Eph., v, 20. Voir t. i, col. 1435. — 7° Quand le soldat frappa le côté du Sauveur mort sur ! ?. croix, il en sortit du sang et de l’eau. Joa., xix, 34. Cette eau était de la lymphe, liquide incolore, qui circule dans les veines lymphatiques du corps humain, et se trouve assez abondamment dans l’enveloppe du cœur appelée péricarde. — 8° L’eau creuse

la pierre en tombant, Job, xiv, 10, grâce aux particules solides qu’elle tient en suspension.

H. Phénomènes surnaturels. — 1° Les eaux du Nil sont changées en sang. Exod., vii, 20. Il y a trois manières d’interpréter ce passage : 1. Le phénomène est purement naturel. Le Nil revêt plusieurs apparences différentes durant sa crue annuelle. Au commencement de juin, ses eaux sont infectées de débris charriés des marais équatoriaux et à demi putréfiés qui les rendent très malsaines. Ces détritus végétaux font donner au ileuve le nom de « Nil vert ». C’est l’avant-garde de la crue véritable. Peu à peu la grande crue monte, augmente, et à son contact les berges desséchées s’effondrent et sont emportées. « À mesure que les ondes successives se propagent plus fortes et plus limoneuses, la masse entière se trouble et change de couleur. En huit ou dix jours elle a varié du bleu grisâtre au rouge sombre : à certains moments, le ton est si intense, qu’on dirait une coulée de sang fraîchement répandu. Le « Nil rouge » n’est pas malsain comme le « Nil vert » ; les boues qu’il charrie, et auxquelles il doit son apparence équivoque, ne lui enlèvent rien de sa douceur et de sa légèreté. Il bat son plein vers le 15 juillet. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 23 ;

— Les données du texte sacré ne se prêtent nullement à l’identification de la première plaie d’Egypte avec le phénomène du Nil rouge. Le Nil rouge n’apparaît qu’en juillet, tandis que la plaie se produisit vers le milieu de février. L’eau du Nil rouge est excellente, celle du fleuve frappé par la verge d’Aaron faisait périr les poissons et ne pouvait être bue par les Égyptiens. Le phénomène du Nil rouge n’eût aucunement étonné le pharaon ni ses sujets, habitués à le constater annuellement, et, au lieu d’imiter par leurs incantations l’effet opéré par Moïse, les magiciens n’auraient eu qu’à se rire de la naïveté avec laquelle il prenait pour une merveille une transformation connue de tous dans le pays. Enfin le changement opéré par Moïse ne dut persister que peu de jours, autrement tous les Égyptiens seraient morts de soif ; il fallait d’ailleurs que les eaux fussent revenues à l’état normal pour que les magiciens intervinssent à leur tour ; au contraire, le phénomène du « Nil rouge » ne commence à disparaître que vers la fin de septembre, quand la décroissance succède à la crue. — 2. Les eaux ont été véritablement changées en sang, et la transformation porta non seulement sur la couleur, mais sur la nature même de la substance. Ainsi l’ont entendu les Pères, et, parmi eux, ceux qui vivaient en Egypte et auxquels était familier le phénomène du « Nil rouge ». Origène, Homil. iv in Exod., 6, t. xii, col. 321 ; S. Athanase, inter dubia, Synops. Script. Sacr., 6, t. xxviii, col. 297-298 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Glaphyr. in Exod., ii, 4, t. lxix, col. 477478 ; t » Joa., IV, vi, 53, t. lxxiii, col. 576, etc. Il est certain que, puisqu’il s’agit ici d’un miracle, rien n’empêche de croire que Dieu a changé les eaux du Nil en un liquide ayant la couleur et le goût du sang, et a ainsi rendu répugnant pour les Égyptiens un fleuve qu’ils honoraient comme un dieu. — 3. Les eaux du Nil n’ont eu qu’une

coloration rouge analogue à celle du sang. Le miracle a consisté en ce que le phénomène s’est produit en février, par conséquent â une époque insolite ; ce serait un miracle du même ordre si, dans nos climats, l’eau des fleuves et des lacs gelait en plein été au commandement d’un homme. Rosenmûller, InExodum, Leipzig, 1795, p. 432. Quelques auteurs catholiques admettent cette explication. Glaire, Livres Saints vengés, Paris, 1874, t. ii, p. 9-10. — Mais, pour s’accorder avec le texte sacré, on ne peut pas se contenter de faire consister le miracle dans une apparition du « Nil rouge » à une époque anormale. Il faut bien admettre de plus que les eaux ont été rendues malfaisantes, et que par conséquent il y a eu quelque chose de changé dans leur nature. Exod., vii, 21. On est donc amené à conclure que les eaux du Nil, semblables au sang par la couleur, sont devenues mortelles pour les poissons et si répugnantes pour les Égyptiens, que ceux-ci ne pouvaient en boire. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. ii, p. 314-322. — 2° Au passage de la mer Rouge, Exod., xiv, 21, 22, et plus tard au passage du Jourdain, Jos., m, 15, 16, les eaux furent divisées et formèrent comme une muraille solide de chaque côté des Israélites. — 3° À trois jours de marche de la mer Rouge, les Israélites parvinrent à un endroit où l’eau était tellement amère, qu’on ne pouvait la boire. Le Seigneur indiqua alors à Moïse un certain bois qui, plongé dans les eaux, les rendit immédiatement potables. Exod., xv, 23-25. Niebuhr, Beschreibung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 403, rapporte l’assertion du naturaliste Forskal, d’après lequel il existerait un arbuste appelé par les Arabes yharkad, et par les botanistes Peganum retusum, qui aurait la vertu d’adoucir les eaux salées. Niebuhr ajoute que cet arbuste est inconnu aujourd’hui des Arabes de la péninsule Sinaïtique. Rosenmûller, In Exodum, p. 497, affirme de son côté qu’il se trouve plusieurs espèces de bois capables de rendre douces les eaux amères, et il remarque que le Seigneur n’aurait pas montré à Moïse un bois particulier, si ce bois n’avait pas eu une vertu propre. En réalité, les baies du gharkad n’ont sur l’eau aucune influence adoucissante, et personne, ni parmi les Arabes, ni parmi les explorateurs de la presqu’île, ne connaît ou n’a découvert de plante possédant cette propriété. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, & édit., t. ii, p. 452-455. L’adoucissement des eaux de Mara est donc du à un miracle, et le miracle est d’autant plus manifeste, qu’il porta sur la grande quantité d’eau nécessaire à tout un peuple et produisit instantanément l’effet attendu. — 4° À Raphidim, puis plus tard auprès de Cadès, Moïse fit jaillir l’eau du rocher en le frappant de sa verge. Exod., xvii, 6 ; Num., xx, 6-13. Voir Eau de contradiction. — 5° À Cana, Notre -Seigneur changea l’eau en viii, Joa., ii, 7-9, par un miracle qui porta à la fois sur la substance et sur les accidents de l’eau primitive.

. III. Locutions proverbiales ou symboliques. — 1° Être réduit à « acheter l’eau » est un signe de détresse. Lam., v, 4. — 2° V « eau d’angoisse », III Reg., xxii, 27, est la quantité d’eau strictement nécessaire pour vivre. Isaïe, xxx, 20, parle dans le même sens de 1’  « eau courte ». Dans un pays chaud comme la Palestine, il est fort pénible de ne pas avoir l’eau suffisante pour étancher sa soif. Une terre ou un jardin sans eau sont le symbole de l’abandon dans lequel la justice de Dieu semble laisser les hommes coupables. Ps. cxlii, 6 ; Is., I, 30. — 3° L’  « eau de fiel », Jer., viii, 14 ; IX, 15, désigne l’épreuve amère à laquelle Dieu soumet quelqu’un. Comme les eaux des torrents submergent et entraînent tout sur leur passage au moment de leurs crues subites, le malheur est comparé à des eaux qui inondent. Job, iii, 24 ; xxii, 11 ; Ps. lxviii, 2, 15, 16 ; cxxiii, 4, 5 ; Lam., iii, 54. — 4° L’  « eau furtive » est le symbole du plaisir défendu. Prov., ix, 17 ; cf. v, 15. —

5° La fluidité de l’eau donne lieu à plusieurs comparaisons. « Boire l’iniquité comme l’eau, » qui s’absorbe, facilement et à longs traits, Job, xv, 16 ; xxxiv, 7, c’est commettre le mal avec fréquence et persévérance. « Répandre comme l’eau, » c’est encore le signe d’une chose qui s’accomplit avec une aisance excessive. Deut., xii, 16, 24 ; xv, 23 ; Job, iii, 24 ; Ps. xxi, 15, etc. « S’en aller comme l’eau » marque l’énervement, la dissolution des forces. Jos., vii, 5 ; II Reg., xiv, 14. — 6° Enfin l’  « eau vive », Cant, iv, 15, est le gracieux symbole des grâces divines, Zach., xiv, 8, et de la vie surnaturelle communiquée aux âmes par Jésus-Christ. Joa., iv, 13 ; vii, 38 ;

Apoc, xxi, 6 ; xxii, 1, 17.
H. Lesêtre.

2. EAU DE JALOUSIE (hébreu : mê hammàrîm ; Septante : ta û8ù>p toû èXEY(j.oO ; Vulgate : aquse amarissimse), eau dont on faisait usage dans le sacrifice de jalousie, minfyaf qenâ’ôt, 6u<ri’a Zrflotvmas, sacrificium zelolypiœ. Num., v, 11-31. — Quand une femme était convaincue d’adultère, elle encourait la peine de mort. Lev., xx, 10 : Deut., xxii, 22 ; Joa., viii, 5. Quand elle était seulement soupçonnée de ce crime, voici comment on devait procéder. Le mari citait sa femme devant le prêtre, qui offrait un sacrifice spécial à ce cas particulier, le « sacrifice de jalousie ». Au cours de cette cérémonie, le prêtre prenait de l’  « eau sainte », c’est-à-dire puisée dans les vases du sanctuaire, et y mêlait « un peu de poussière du sol du Tabernacle ». Cette poussière servait probablement à symboliser la pénitence et l’humiliation. Voir Cendre, col. 407, 2°. L’eau et la poussière étaient recueillies dans le Tabernacle, pour indiquer l’intervention du Seigneur dans la révélation et le châtiment du crime. L’adultère, en effet, intéressait d’autant plus la justice divine qu’il était le symbole de l’idolâtrie, de même que le mariage était celui de l’union de Jéhovah avec la nation d’Israël. Le prêtre prononçait ensuite une malédiction qui appelait le châtiment sur la femme coupable : « . Que le Seigneur fasse de toi un objet de malédiction et un exemple pour tout son peuple ; qu’il fasse que ta hanche tombe, et que ton ventre se gonfle ; que les eaux maudites entrent dans ton ventre, que ton sein se gonfle et que ta hanche tombe. » Num., îv, 21-22 La maladie ainsi appelée sur la femme coupable était une sorte d’hydropisie, qui la rendait radicalement incapable de remplir désormais les devoirs qu’elle avait trahis. L’eau maudite semblait ainsi s’arrêter dans le corps pour le défigurer, et le châtiment se trouvait être en rapport avec le crime. La femme répondait par deux fois : Amen ! comme pour se vouer elle-même à la justice divine si elle était coupable. Alors le prêtre écrivait la formule de malédiction sur un morceau de papyrus ou d’autre matière appropriée, délayait cette écriture dans l’eau de jalousie, et faisait boire cette eau à la femme soumise à l’épreuve. Saint Paul fait probablement allusion à cet usage quand il dit que le communiant indigne « mange et boit son jugement ». I Cor., xi, 29. Le texte de la loi mosaïque ajoute enfin que, si la femme est coupable, l’effet annoncé se produira sur elle. Num., v, 12-31.

— Ce rite avait pour but de calmer les doutes du mai et d’assurer la paix à la femme, au cas où celle-ci n’avait rien à se reprocher. Mais, si l’adultère existait réellement, les menaces formulées par la Loi se réalisaient-elles toujours ? Certains auteurs ne veulent reconnaître dans ce rite qu’une menace, ou tout au plus un appel solennel à la justice divine, destiné à effrayer la coupable et à lui faire avouer son crime. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 205. Moïse n’aurait prescrit alors qu’une sorte d’ordalie ou jugement de Dieu, analogue aux épreuves tentées pour la recherche de l’adultère chez les anciens peuples, Rosenmûller, Das aile und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. ii, p. 226 ; Winer, Biblisches Reahvôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 356, et souvent encore chez des peuples postérieure au christianisme. Ilergen

roither, Histoire de l’Église, trad. Bélet, Paris, 1886, " t. iii, p. 156-159. Mais si Moïse avait voulu se contenter d’une menace, il n’aurait pas présenté comme certain l’effet de la malédiction ; or il proclame sans restriction que la maladie annoncée se produira si la femme est coupable, tandis qu’au contraire, si cell^-ci n’a rien à se reprocher, elle n’éprouvera aucun mal et aura des enfants. Num., v, 27, 28. Josèphe, Ant. jud., III, xi, 6, dit formellement de la femme adultère qu’à la suite de l’épreuve « elle subit une mort ignominieuse, la jambe lui tombant et l’eau remplissant son ventre ». D’après la Mischna, Sotah, iii, 4, l’effet de l’eau maudite pouvait se faire attendre un, deux ou trois ans. — Il est de toute évidence que Moïse n’entend pas attribuer à l’eau de jalousie la production de la maladie. Celle-ci ne peut être due qu’à une intervention directe de la justice divine. Cette intervention s’est manifestée sous trop de formes diverses, dans l’Ancien Testament, pour qu’on puisse en contester la possibilité, ni surtout en nier la réalité quand la Sainte Écriture l’affirme ou la suppose. Il est à remarquer toutefois que le cas prévu par la loi mosaïque n’a pas dû se produire très fréquemment. Le plus souvent l’adultère, déjà rare par lui-même à raison de la grave pénalité qui le frappait, était manifeste ; ou bien la femme coupable avouait, plutôt que d’encourir la honte d’être traînée publiquement devant les prêtres et d’ajouter un parjure à son premier crime. Le rite mosaïque devait donc s’accomplir le plus souvent en faveur d’épouses injustement soupçonnées. Il est possible aussi que l’Intervention divine, primitivement constatée dans les anciens temps, ne se soit plus produite aussi rigoureusement par la suite, quand d’autres lois graves, par exemple celle de la peine de mort portée contre l’adultère, tombaient elles-mêmes en désuétude ou cessaient de pouvoir être appliquées. Dans les derniers temps, les rabbins s’appliquèrent d’ailleurs à restreindre l’application de cette prescription, en opposant certaines difficultés au témoignage de ceux qui faisaient planer un soupçon d’adultère sur une femme, en exemptant de l’épreuve de nombreuses classes de personnes, enlin en stipulant que le rite mosaïque ne pourrait être célébré qu’en présence du grand sanhédrin. Sotah, i, 4 ; vi, 2-5. Cf. Bàhr, Symbolik des tnosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 441-447.

H. Lesêtre.

3. EAUX DE CONTRADICTION (hébreu : Mê Meribah ; Septante : tô û8a>p àvtiXo-ft’oç ; Vulgate : Aquse contradietionis ), nom d’une des stations des Israélites au désert de Sin. — Parvenus près de Cadès, au désert de Sin, vers le nord-est de la presqu’île Sinaïtique, les Israélites se révoltèrent contre Moïse et Aaron, parce que l’eau leur faisait défaut. Le Seigneur commanda alors à Moïse de frapper un rocher avec sa verge, afin d’en faire jaillir l’eau. Moïse frappa le rocher par deux fois. Ce double coup de verge impliquait certainement un manque de confiance de la part de Moïse, car le Seigneur l’en reprit et lui signifia qu’à raison de sa conduite en cette circonstance il n’introduirait pas le peuple dans la Terre Promise. Quant à l’endroit lui-même, il reçut du Seigneur le nom de Mê Merîbâh, c’est-à-dire « Eaux de la révolte », pour perpétuer le souvenir de l’ingratitude et du soulèvement des Israélites. Num., xx, 1-13, 24. La Sainte Écriture rappelle à plusieurs reprises cet événement. Num., xxvii, 14 ; Deut., xxxii, 51 ; xxxiii, 8 ; Ps. lxxx, 8 ; cv, 32 ; Ezech., xlvii, 19 ; xlviii, 28. Sur le site de Mê Merîbàh, voir plus haut, col. 15-22.

— Déjà, au commencement du voyage, une scène analogue s’était produite près de Raphidim, au nord du Sinaï, vers lequel les Hébreux se dirigeaient à ce moment. L’eau manquant, Moïse avait reçu l’ordre de frapper dé sa verge le rocher d’Horeb, et, en souvenir des murmures du peuple, l’endroit avait reçu le double nom de Massâh û-Meribâh, Massah et Meribah, c’est-à-dire « Tentation et Révolte ». Exod., xvii, 1-7. Cf. Deut., vi, 16 ;

rx, 22 ; Ps. xcv (xciv), 9 ; cf. Hebr., iii, 8. Quelques auteurs ont voulu voir dans ces deux récits une double narration d’un même fait. Mais la Sainte Écriture les distingue nettement l’un de l’autre. Près de Raphidim, la localité reçoit deux noms : Massa et Meribali, IIsipairiiô ; xai AotSâpi)niç (la Vulgate ne reproduit que le premier nom, Tentatio), près de Cadès, elle ne reçoit que le nom de Meribah, et, pour bien le distinguer du premier, le texte sacré a soin d’y ajouter la mention « près de Cadès ». Num., xx, 13, 21 ; Deut., xxxiii, 8, etc. D’autre part, il n’est nullement étonnant que, dans un pareil désert, on ait manqué d’eau à plusieurs reprises, et que, pour en procurer à son peuple, Dieu ait accompli par deux fois le même miracle. Le rocher de Massa et Meribah se trouvait à Raphidim, dans l’ouadi Feiran actuel (voir Raphidim), mais on a essayé en vain de le retrouver ; celui que les moines grecs du couvent du mont Sinaï montrent aux pèlerins n’est pas dans la région où le place l’Exode. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 482-486.

H. Lesêtre.

ÉBAL (hébreu : ’Êbâl), nom d’un Jectanide, d’un Horréen et d’une montagne de Palestine.

1. ÉBAL (hébreu : ’Ôbâl, Gen., x, 28 ; ’Êbâl, I Par., i, 22 ; Septante : EùdA, Gen., x, 28 ; TeiJiiâv, I Par., i, 22 ; omis dans ce dernier passage par le Codex Valicanus ; Vulgate : Ebal, Gen., x, 28 ; Hebal, I Par., i, 22), huitième fils de Jectan, descendant de Sem. Gen., x, 28 ; I Par., i, 22. L’orthographe du nom offre des variantes dans le texte primitif et les versions. Ainsi la Genèse écrit : Sa^y, ’Obâl, suivie en cela par la paraphrase chal daïque, les versions syriaque et arabe. Le texte des Paralipomènes, I, 22, porte ba>y, ’Êbâl, imité par la Vulgate ;

on trouve cependant onze manuscrits avec’Obâl. Cf. B. Kennicott, Vet. Testam. heb. cum variis lect., Oxford, 1776-1780, t. ii, p. 644. Les manuscrits grecs ou sont incomplets ou donnent deux noms dissemblables, bien que la première lettre de F£|itàv représente le’aïn ou l’aspiration du mot hébreu. On lit "H6a).o ; dans Joséphe, Ant. jud., i, vi, 4. — Il s’agit ici d’une tribu arabe occupant le sud de la péninsule, mais dont le territoire n’est pas encore exactement connu. Bochart, , Phaleg, lib. ii, cap. xxjii, Cæn, 1646, p. 139-144, guidé par la similitude des noms, l’a identifiée avec celle des Avalites, habitant sur la côte africaine, au-dessous du détroit de Bab el-Mandeb, les environs du golfe appelé d’après eux Sinus Abalites ou Avalites, Pline, vi, 29 ; Ptolémée, iv, 7. A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1850, p. 189, l’assimile avec plus de vraisemblance aux Gébanites de Pline, vi, 32, établis à l’ouest du canton d’Uzal, sur les bords de la mer, avec Tamna pour capitale. Il est facile, en effet, de rapprocher les deux noms. Certaines éditions des Septante et quelques auteurs anciens ont Vmil au lieu de’Êbdl. Même en maintenant l’orthographe hébraïque, on explique par de nombreux exemples la transformation de 1’'aïn en y : c’est ainsi que’Azzâh est devenu Tàja ; ’Amôrâh, rôjioppa ; Sô’dr, Sd-fopa ; Ra’mâh, ’Peyh « i etc. Le mont’Êbâl, qui s’écrit exactement de même, est appelé Taiêik par les Septante, Deut., xi, 29 ; Jos., viii, 30, 33 (Voir Hébai.). D’un autre côté, rien de plus commun que la permutation entre les lettres l et n. On peut donc admettre sans trop de difficulté cette assimilation : ’Êbâl = Geban - Use. Telle est l’opinion de Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1881, t. i, p. 285. Ébal représenterait ainsi une tribu du sud-ouest de l’Arabie ; ce qui d’ailleurs concorde bien avec la situation ou certaine ou probable des peuplades sœurs, Aduram, Uzal, Décla. Voir Décla, Uzal. D’après Halévy, cité par A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 6e édit., 1892, p. 199, ’Abil est encore aujourd’hui dans le Yémen le nom d’un district et de plusieurs localités.

On a retrouvé mentionnée dans les inscriptions sabéennes une « tribu de Gaban ». Cf. J. Halévy, Inscriptions sabéennes, dans le Journal asiatique, juin 1872, p. 497.

A. Legendre.

2. ÉBAL (hébreu : ’Êbâl ; Septante : ra16V)>, TutS^X), troisième fils de Sobal, un des descendants de Séir l’Horréen. Gen., xxvi, 23 ; I Par., i, 40.

3. ÉBAL, montagne de Palestine, dont le nom est toujours écrit Hébal dans la Vulgate. Voir Hébal.

ËBED (hébreu : ’Ébéd, « serviteur, » sous-entendu : de Dieu), nom de deux Israélites. La Vulgate écrit leur nom Obed et Abed. Voir ces mots. — Le mot’ébéd entre aussi comme élément composant dans’Ebéd-mélek, eunuque du roi Sédécias. Il est appelé Abdémélech dais la Vulgate. Voir Abdémélech, t. i, col. 20.

ÉBEN. Le mot hébreu’Êbén, « pierre, » sert à désigner plusieurs noms de lieux où l’on avait élevé un monument pour perpétuer la mémoire de certains événements : ’Ébén-Bôhan (Vulgate : Aben-Bohen) ; hâ’-Ébénhâ-’Ézél (Vulgate : lapis cui nomen est Ezel) ; ’Ebénhâ-Ézér (Vulgate : Lapis adjutorii) ; ’Ébén-haz-Zôhélét (Vulgate : Lapis Zoheleth). Voir Aben-Bohen, 1. 1, col. 34 ; Ében-Ézer, col. 1526 ; Ezel ; Zoiiéleth.

ÉBÈNE. Hébreu : hôbnîm (ketib) ; hobnim (keri) ; Septante : toc ; etaafofiivoi ;  ; Vulgate : hebeninos.

I. Description. — Ce nom désigne plusieurs sortes de bois usités dans les arts et remarquables autant par leurs teintes foncées que par leur extrême dureté. Cette dernière qualité permet de leur donner un poli parfait, qui ne laisse apercevoir aucune trace des fibres et rivalise avec celui d’un miroir (fig. 507). Les arbres qui produisent l’ébène habitent les régions tropicales du monde entier ; cependant les plus estimés, et les seuls anciennement connus des Orientaux, viennent de l’Inde ou des îles africaines de l’océan Indien. Presque tous appartiennent au genre Diospyros, de la famille des Ebénacées, gamopétales dioïques, à fruit charnu et pluriloculaire. La chair conserve ordinairement jusqu’à la maturité la plus avancée une saveur âpre, qui la rend médiocre comme comestible ; aussi l’intérêt réside-t-il spécialement dans le bois parfait, qui, une fois dépouillé des couches de l’aubier, épaisses et blanchâtres, se montre d’une densité et d’une finesse incomparables, avec des nuances atteignant le plus beau noir. L’espèce principale est le Diospyros Ebenum, arbre de dix à quinze mètres, qui croit à Ceylan, en Malaisie et aux îles Mascareignes.

F. Hy.

II. Exégèse. — Dans son oracle contre Tyr, Ézéchiel, xxvii, 15, mentionne les habitants de Dedan (voir Dadan 1, col. 1202) comme venant apporter sur les marchés de cette ville des dents d’ivoire et des hobnim. Ce nom d’origine étrangère désigne l’ébène ; il s’est conservé dans l’i'ësvoc grec et Vebenus, hebenum latin. En égyptien,

on l’appelait aussi [j I *, habni. Saint Jérôme, dans

sa traduction de la Vulgate, Ezech., xxvii, 15, a bien vu qu’il s’agissait d’ébène, mais il a rapporté faussement hebeninos à dentés, qui précède. Symmaque a rendu exactement, ëëevou ; , en conservant la forme plurielle du texte hébreu, qui paraît désigner des morceaux de bois d’ébène. L’arabe, le persan, abnus, nom emprunté à l’Inde. Si les Septante ont traduit par toÎc ; cïtToefopiévoi ; , c’est qu’ils ont lu probablement : cisa’D « à ceux qui

sont introduits » ou 3>ns’t « à ceux qui entrent ». L’ivoire

et l’ébène sont souvent réunis, comme ici, dans les descriptions que font les anciens du commerce de l’Inde ou de l’Ethiopie. Bochart, Hierozoicon, part. 2, lib. i, c. 20, Opéra, 1692, t. iii, p. 141. Ce bois a toujours été fort

estimé. Théophraste, Hist. plant., iv, 5 ; Pline, H. N. ? xii, 8. Dès le temps des pyramides, on l’employait en Egypte pour faire des statuettes, des coffres, des palettes de scribes, des objets de toilette, etc., comme on peut le voir dans les divers musées d’antiquités égyptiennes. Sous l’ancien empire, l’ébénier paraît avoir été cultiver autour de Memphis. Mais dés la XVIIIe dynastie on était

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507. — Hameau, fleurs et fruit de l’ébénier.

obligé d’aller chercher l’ébène au loin, par exemple au. pays des Somalis. *Du temps de Virgile, Georg., ii, 115, les Romains le tiraient de l’Inde :

Sola India nigrum

Fert ebenum.

Cependant Pline, H. N., xii, 8, parle aussi de l’ébèned’Ethiopie, tout en constatant que l’ébénier y était raredepuis Syène, limite de l’empire, jusqu’à Méroé ». Lucain, Phars., x, 304, et Diodore de Sicile, i, 19, ledisent abondant dans l’Ile de Méroé. E. Levesque.

    1. ÉBEN-ÉZER##

ÉBEN-ÉZER (hébreu : hâ-’Ébén hâ-’Ézér, avec l’article devant les deux mots, « la Pierre du Secours, » I Reg., iv, 1 : ’Ébén hâ-’Ézér, I Reg., v, 1 ; à la pause, ’Ébén hâ-’Azër, I Reg., vil, 12 ; Septante : ’AêevéÇep, Codex Alexandrinus : ’AëevvéÇî ?, I Reg., IV, 1 ; Codex Valicanus, ’AëEwVjp ; Cad. Alex., ’AêsvvlÇïp, I Reg., v, 1 ; Vulgate : Lapis Adjutorii, dans les trois passages), nom de l’endroit où Samuel éleva une pierre commémorative, pour rappeler la victoire que Dieu lui fit remporter sur les Philistins. I Reg., vii, 12. Vingt ans auparavant, les Israélites y avaient campé, au moment de soutenir contre les mêmes ennemis un combat dans lequel ils furent vaincus. I Reg., iv, 1. L’arche d’alliance, qui y avait été apportée de Silo, fut prise par les vainqueurs et transportée à Azôt. I Reg., v, 1. Dans ces deux derniers passages, le nom est mis par anticipation ; c’est ainsi que plusieurs localités sont mentionnées dans la.

Bible sous l’appellation qu’elles eurent plus tard, mais qu’elles n’avaient pas à l’époque des événements racontés ; par exemple : Hortna, Num., xiv, 45 ; xxi, 3, etc.

La situation d’Ében-Ézer est certainement un des plus difficiles problèmes de la topographie biblique, parce qu’il n’a guère que des inconnues. Voici, en elfet, quelles sont les données de l’Écriture. — 1° Cet endroit se trouvait non loin iï Aphec, mais un peu au-dessus ou plus avant dans le territoire d’Israël par rapport au pays des Philistins, puisque les deux camps ennemis étaient en face l’un de l’autre : celui des Hébreux à Ében-Ézer, « elui des adversaires à Aphec. I Reg., iv, 1. — 2° Il était au-dessous, c’est-à-dire au sud ou au sud-ouest de Masphath, puisque le peuple de Dieu, vainqueur plus tard à son tour, poursuivit les Philistins depuis cette ville « jusqu’au lieu qui est au-dessous de Bethchar », évidemment dans la direction de la Séphéla. I Reg., vii, 11.

— 3° Et c’est « entre Masphath et Sen » que Samuel plaça « la Pierre du Secours », en disant : « Le Seigneur est venu jusqu’ici à notre secours. » I Reg., vii, 12. — 4° Enfin la distance qui le séparait de Silo ne devait pas être très considérable, puisqu’un courrier, parti à la fin du combat, put arriver dans cette ville « le jour même », avant la nuit.

I Reg., iv, 12, 13, 16, 17. La position d’Ében-Ézer est donc à chercher entre Masphath d’un côté, Sen, Aphec et Bethchar de l’autre. Or Masphath ou Maspha, localité de la tribu de Benjamin, est elle-même l’objet de discussions entre les palestinologues. Robinson, Biblical Besearches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 460, l’identifie avec le village actuel de Nébi Samouïl, au nord-ouest de Jérusalem. "V. Guérin, Judée, 1. 1, p. 395, l’assimile à Scha’fat, situé plus bas, directement au nord de la ville sainte. Enfin une opinion récente la rejette bien plus haut, jusqu’à El-Biréh. Cf. L. Heidet, Maspha et les villes de Benjamin, Gabaa, Gabaon et Béroth, dans la Bévue biblique, Paris, 1894, p. 321-356. Sen (hébreu : hds-Sên, « la dent » ) semble indiquer un rocher pointu ou un village situé sur une sorte de pic ; mais sa position est inconnue. On ignore également l’emplacement exact d’Aphec « t de Bethchar. — Dans la tradition, nous n’avons à relever que le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 96, 226, qui placent À bénézer « entre iElia et Ascalon, près de Bethsarnès » (aujourd’hui’Aïn Schems, au sud-ouest de Jérusalem).

Sur ces bases, quelles conjectures établir ? Voici les deux principales opinions. — 1° M. Conder et M. Clermont-Ganneau croient pouvoir reconnaître Ében-Ézer dans Deir Abân, à trois milles (environ cinq kilomètres) à l’est d’Aïn Schems. Si le premier mot Deir, « couvent, » nous reporte à une origine chrétienne, le second rappelle bien l’un dés éléments du nom biblique. Ensuite, au point de vue topographique, cette identification semble concorder assez exactement avec le récit sacré, d’après lequel les faits mentionnés I Reg., iv, v, vi, vii, se passèrent sur les confins du pays philistin. Enfin elle est conforme au sentiment d’Eusèbe et de saint Jérôme. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, p. 149 ; 1877, p. 154-156. Laissant de côté les autres assimilations proposées pour Maspha = Khirbet Schoufa, Bethchar =’Aqour, Aphec = Belled el-Foqâ, qui n’oat guère de fondement solide, on peut faire à cette hypothèse les reproches suivants. En supposant que le rapprochement onomastique soit suffisamment établi, la distance qui sépare Deir Abân de Maspha (Nébi Samouil ou Scha’fat, vingt ou vingt-cinq kilomètres) justifiet-elle la phrase de l’Ecriture : « Entre Masphath et Sen ? » Les locutions de ce genre dans la Bible indiquent ordinairement des localités plus rapprochées, par exemple : « entre Béthel et Haï, » Gen., xiii, 3 ; « entre Rama et Béthel, » Jud., iv, 5, etc. Mais la difficulté est plus grande encore lorsqu’il s’agit du chemin de Deir Abân à Silo.

II n’y a pas moins de quarante-huit kilomètres entre les

deux endroits, et cependant le messager qui porta à Héli la nouvelle du désastre arriva « le jour même », c’est-à-dire le soir de la bataille. I Reg., IV, 12. Comme il ne partit pas avant la fin du combat, ꝟ. 16, 17, et qu’il était à Silo avant la nuit, ꝟ. 13, il est permis de regarder la route comme trop considérable, même pour un bon coureur.

2° W. F. Birch et Th. Chaplin placent plus haut le champ de bataille. Acceptant l’identification de Maspha = Nébi Samouïl, ils cherchent Sen à Deir Yesin, à cinq kilomètres vers le sud, et dont le nom répond exactement au Belh-Yasan des versions syriaque et arabe. Ében-Ézer est, pour le premier, Khirbet Samouïl, à seize cents mètres au sud de Nébi Samouïl, et, pour le second, Beit Jksa, un peu plus bas : tous deux reconnaissent Aphec dans Kûsiûl ou Qastal, localité située au sud-ouest des précédentes et au nord-ouest de Deir Yesin. Cf. Palestine Expl. Fund, Quart. Statement, 1881, p. 100-101 ; 1882, p. 262-264 ; 1888, p. 263-265. M. Chaplin, Quarterly Statement, 1888, p. 263 265, a montré comment on pourrait adapter au récit biblique les différents points de cette topographie. Voir Aphec 3, t. i, col. 728-729. Si cette hypothèse s’éloigne de la tradition conservée par Eusèbe et saint Jérôme, elle rapproche à une distance convenable Ében-Ézer et Silo. Elle aussi cependant repose sur des conjectures qui sont loin de donner une solution pleinement satisfaisante au problème que nous venons

d’exposer.
A. Legendre.

ÉBER. Nom de cinq personnages ("îay, ’ébér), dont

le nom est toujours écrit dans la Vulgate Heber. Voir Héber.

    1. ÉBIONITES##

ÉBIONITES (ÉVANGILE DES). Voir Hébreux (Évangile des).

    1. ÉCAILLE##

ÉCAILLE (hébreu : qaiqéiéf ; Septante : Xeitf ;  ; Vulgate : squama), ensemble de lames minces et plates qui couvrent le corps de la plupart des poissons. — 1° Les écailles des poissons sont mentionnées Lev., xi, 9, 10, 12, et Deut., xiv, 9, 10. Moïse permet de manger les poissons qui ont des nageoires et des écailles, et interdit de manger ceux qui n’en ont pas. — 2° Ézéchiel, xxix, 4, comparant le roi d’Egypte à un crocodile, lui attribue métaphoriquement des écailles, comme à cet amphibie.

— 3° Dans un sens figuré, les lamelles de métal de la cotte de mailles de Goliath sont désignées sous le nom d’écaillés (Vulgate : lorica squamata), I Sam. (I Reg.), xvii, 5. Voir Cotte de mailles, col. 1057. — 4° L’espèce de taie qui tomba des yeux de saint Paul aveugle, lorsqu’il eut reçu le baptême et recouvra la vue, est comparée à des écailles. Act., ix, 18. — Dans la Vulgate, Job, xli, 6, il est question des écailles (squamis) des crocodiles. Le texte original ne les désigne qu’indirectement, Job, xli, 7, en parlant du « fort bouclier » du crocodile. F. Vigouroux.

    1. ÉCARLATE##

ÉCARLATE, couleur d’un rouge vif. Les Hébrenx ne distinguaient pas rigoureusement les nuances des couleurs. De là vient que le même mot est rendu de différentes manières par les divers traducteurs, selon qu’ils jugent que la couleur dont il est question dans le texte se rapproche davantage de telle ou telle nuance. Ainsi l’hébreu sânî, Septante : xôxxivov ; Vulgate : coccinum, est rendu dans les versions françaises tantôt par « écarlate », tantôt par « cramoisi ». Il paraît désigner plutôt l’ëcarlate que le cramoisi, dont le rouge est plus sombre, dans Is., i, 18, etc. Voir Cochenille, col. 816-817 ; Couleurs, col. 1066.

    1. ECBATANE##

ECBATANE (chaldéen : ’Ahmefâ" ; grec : ’Exgxrava ; on trouve aussi dans les historiens grecs l’orthographe’AySâTav*, Hérodote^ I, 98 ; II, 153 ; Ctésias, dans Dio1529

ECBA’TÂNË

1530

dore de Sicile, II, xiii, 5), nom de deux villes de Médie, dont l’une était la capitale de la Médie du Nord ou Médie Atropatène ; l’autre, située plus au sud, était la capitale de la grande Médie.

1. Ecba.ta.ne du nord. — I. Description. — L’Ecbatane du nord est la capitale du royaume de Cyrus, la « cité aux sept murailles » dont parle Hérodote, i, 98-99 ; Il, 153. La plus ancienne description de cette ville nous est donnée par le Zendavesta, Vendidad, Fargard II. Cf. De Harlez, Avesta, t. i, p. 96-98. Elle est représentée comme une ville fortifiée et très peuplée. Hérodote en attribue la fondation au roi Déjocès. D’après lui, les sept murailles qui entouraient la ville se dépassaient l’une l’autre de la hauteur des créneaux. Ces créneaux étaient de diverses couleurs ; les premiers, en commençant par l’extérieur, étaient de pierres blanches, ceux de

O 100 ZOO 300mÀtres

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508. — Bulnes de Takti - Soleiman.

la muraille suivante de pierres noires, ceux de la troisième couleur de pourpre, ceux de la quatrième bleus, ceux de la cinquième rouge de sardoine. Quant aux deux derniers murs, ils étaient plaqués l’un d’argent, l’autre d’or. Hérodote, i, 98. Le livre de Judith, I, 1-4, donne aussi une description de l’Ecbatane du nord. « Arphaxad entoura Ecbatane de murailles de pierres de taille de trois coudées de largeur et de six coudées de longueur, et il éleva les murs à la hauteur de soixante-dix coudées et leur largeur fut de cinquante coudées. Il flanqua les portes de tours de cent coudées de haut ; leurs fondations avaient soixante coudées de large. Il construisit aussi des portes ; elles s’élevaient à la hauteur de soixante-dix coudées ; leur largeur était de quarante coudées, pour la sortie des troupes et pour la mise en ordre de bataille des fantassins. » Plusieurs commentateurs ont identifié l’Arphaxad dont il est question ici avec le Déjocès d’Hérodote. Cf. Gillet, Judith, in-8°, Paris, 1879, p. 74, mais c’est à tort. Le mot grec <j>xo8d(jiï)<7s, comme le mot latin xdificavit qu’emploie la Vulgate, comme le mot hébreu bânâh, dont ils sont la traduction, ont aussi le sens de rebâtir, de reconstruire, d’agrandir. Cf. Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, t. i, p. 215. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., in-12, Paris, 1891, t. iv, p. 568-569. Arphaxad, qui est très vraisemblablement le même que Phraorte, reconstruisit et agrandit Ecbatane. Voir Arphaxad, t. i, col. 1029-1031.

L’Ecbatane du nord a été identifiée par les géographes avec le lieu appelé Takti-Soleiman, que Moïse de Chorène, Hist. Armen., ii, 84, appelle la seconde Ecbatane, la cité aux sept, murailles. À cet endroit se trouve une éminence conique couverte de ruines massives et d’un . caractère tout à fait primitif. On y voit une enceinte ovale

formée de larges blocs de pierres carrés (fig. 508). On y remarque un bassin irrégulier rempli d’une eau limpide et agréable au goût dont la source est cachée. La colline n’est pas~ entièrement isolée. De trois côtés, au sud, à l’ouest et au nord, la pente est assez raide, mais â l’est il y a peu de différence entre le niveau de la colline et celui du plateau voisin. Quoique les ruines soient nombreuses on ne trouve aucune trace de remparts autres que celui que nous venons d’indiquer. H. Rawlinson, dans le Journal of Ihe geogr. Society, t. x, 1841, p. 46-53. Cf. Id., The History of Herodotus, 2e édit., in-8°, Londres, 1862, t. i, p. 185. L’Ecbatane du nord resta une place forte jusqu’au xiii » siècle après JésusChrist. Sa décadence commença à l’invasion moeole et sa ruine totale

oque’uine)

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509. — Plan de la ville d’Hamadan.

date du xv » ou du xvi" siècle. H. Rawlinson, Journal of the geographical Society, t. x, p. 49.

IL Ecbatane dans l’Écriture. — L’Ecbatane du nord n’est point nommée dans les livres prolocanoniques de l’Ancien Testament, mais elle l’est plusieurs fois dans les livres deutérocanoniques. Le livre de Judith, i, 1-4, en donne la description, comme on vient de le voir. Le livre de Tobie en parle à plusieurs reprises. C’est là que demeuraient Raguel et sa fille Sara, qui devint l’épouse du jeune Tobie, iii, 7 (texte grec ; la Vulgate porte Rages dans ce passage, mais c’est par erreur, comme le montre la suite du récit). Là se passèrent les événements racontés dans Tobie, iii, vii-vm. Cf. aussi le texte grec, vi, 6. Après la mort de ses parents, Tobie alla y habiter avec Sara et ses enfants, et c’est là qu’il mourut. Tobie, xiv, 14-16. La Vulgate ne nomme pas Ecbatane dans son récit, mais le texte grec la désigne expressément, XIV, 12, 14. — Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, t. iv, p. 553 ; H. Rawlinson, dans le Journal of the geographical Society, t. x, 1841, p. 65-158 ; Gutberlet, Bas Buch Tobias, in-8°, Munster, 1877, p. 117-119, 200.

2. Ecbatane du sud. — 1° Il est question dans I Esdras, VI, 2, d’une ville dont la Vulgate traduit le nom par Ecbatane. Il s’agit ici, selon toutes les probabilités, de l’Ecbatane du sud, capitale de la grande Médie, quoique divers commentateurs y voient l’Ecbatane du nord. C’est là que fut trouvé le volume sur lequel était inscrit le décret par lequel Cyrus permettait aux Juifs de reconstruire le temple de Jérusalem. I Esdr., vi, 30. Le texte original désigne la ville sous le nom de’Ahmetà*, les Septante traduisent par iv nôXti, et selon plusieurs manusPage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/798 #lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/799