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Letouzey et Ané (Volume IIp. 777-778-1193-1194).

et la soumission à la loi de Moïse, le salut leur était impossible. Saint Paul, qui avait reçu des lumières plus particulières sur les conditions du salut des gentils, déféra la prétention des judéo-chrétiens au jugement des Apôtres de Jérusalem. L’assemblée qui se réunit à cette occasion décida que la circoncision ne devait pas être comprise au nombre des choses nécessaires à la vie chrétienne et au salut. Act., xv, 1-29. — Les judaïsants ne se tinrent pas pour battus. Ne pouvant plus imposer la circoncision comme indispensable, ils la représentèrent comme seule capable d’ouvrir le chemin de la perfection chrétienne. On était chrétien sans être circoncis ; mais, pour devenir chrétien complet et parfait serviteur de Dieu, il fallait absolument se faire circoncire. Les judaïsants troublèrent longtemps les Églises fondées par saint Paul en y propageant ces idées en son absence. L’Apôtre eut donc à les combattre, ce qui lui donna occasion de traiter la question théologiquement dans plusieurs de ses Épltres. — Dans l’Épître aux Galates, il fait remarquer son zèle pour le judaïsme, et constate pourtant que ni lui ni les Apôtres de Jérusalem n’ont obligé Tite à se faire circoncire. Gal., ii, 3. Croire à la nécessité de ce rite mosaïque, c’est se replacer sous le joug de l’ancienne loi et renoncer aux biens conquis par le Christ, v, 2-4. Sous la loi éyangélique, il n’importe nullement d’être circoncis ou non, pourvu qu’on ait la foi et la charité, v, 6 ; vi, 15. Ceux qui conseillent la circoncision ne doivent donc pas être écoutés ; en prétendant éviter par là aux timides l’hostilité des Juifs, ils cherchent surtout à procurer le triomphe de leurs idées personnelles, vi, 12, 13. — Dans la première Épitre aux Corinthiens, saint Paul revient sur l’inutilité de la circoncision ; ceux qui l’ont reçue n’ont pas à la faire disparaître, mais les incirconcis n’ont nullement à la recevoir. L’important, c’est l’observation "tles commandements, vii, 18-20. — Aux Romains, dont l’Église se composait d’une majorité d’anciens idolâtres, il écrit : la circoncision n’était qu’un signe extérieur, tandis que l’obéissance à la loi constituait le véritable juif ; être incirconcis et fidèle vaut donc beaucoup mieux que d’être circoncis et infidèle, ii, 25-29. Par la même foi, Dieu justifie le circoncis et l’incirconcis, iii, 30 ; mais la justification est si peu attachée à la circoncision elle-même, qu’Abraham a été justifié par sa foi avant d’être circoncis ; c’est pour cette raison qu’il est le père de tous les croyants, circoncis ou non. iv, 9-12. — Aux Colossiens, il assure encore qu’il n’y a plus de différence entre le circoncis et l’incirconcis, iii, 11, et enfin il déclare aux Philippiens, iii, 3-5, que, circoncis lui-même, il ne met pas sa gloire et sa confiance dans la circoncision, mais en JésusChrist seul.

2° La pratique. — Dans les premiers temps, les chrétiens d’origine juive purent conserver l’usage de la circoncision, à condition toutefois de n’attacher à cette pratique aucune valeur justificative. Saint Paul lui-même, qui s’était refusé à la circoncision de Tite quand il avait fallu affirmer l’indépendance de l’Évangile vis-à-vis des institutions mosaïques, fit circoncire Timothée, fils d’une mère juive, Act., xvi, 1-3, mais uniquement pour ménager au nouveau prédicateur l’entrée des synagogues. Peu à peu la circoncision disparut des familles chrétiennes autrefois juives, surtout après la ruine de Jérusalem. Toutefois quelques groupes de chrétiens, peu nombreux du reste, gardèrent pour les anciens usages un attachement qui finit par les isoler de l’Église. « Vers la fin du IV siècle, divers auteurs, Philaslrius, saint Épipliane, saint Jérôme surtout, parlent de chrétiens circoncis, de langue hébraïque, orthodoxes, sauf leur attachement à la loi. On ne leur fait aucun reproche à propos des dogmes définis dans les derniers conciles ; on remarque qu’ils acceptent l’apôtre saint Paul et ses Épîtres. Ce sont les nazaréens. » L. Duchesne, Les origines chrétiennes, Paris, 1878-1881, p. 135. Ces nazaréens représentaient probablement les restes de l’ancienne Église de Jérusalem,

exilée depuis le siège de la ville. D’autres judaïsants plus, acharnés formèrent une sente d’hérétiques circoncis, connus sous le nom d’ébionites, qui disparurent vers la fin du ii « siècle. La circoncision fit dans l’Église une réapparition assez inattendue dans les dernières années du xiie siècle. Elle était pratiquée par les passagins, hérétiques ainsi appelés du mot passagium, « voyage, » parce qu’ils venaient probablement d’Orient à la suite des croisades. Hergenrcether, Histoire de l’Église, trad. Bélet, Paris, 1888, t. iv, p. 224, 225. Ces hérétiques furent condamnés aux synodes de Vérone (1181) et de Bénévent (11378). Aujourd’hui les chrétiens abyssins et coptes sont seuls, parmi les disciples de Jésus-Christ, à pratiquer la circoncision, mais sans en faire un rite religieux.

V. La. circoncision spirituelle. — C’est Moïse te premier qui recommande expressément de ne pas la séparer de.la circoncision corporelle, Deut., x, 16, et il ajoute que Dieu donnera cette grâce à Israël, Deut., xxx, G, faisant entendre par là que cette seconde circoncision ne peut être pratiquée par les seules forces de la nature. Jérémie, iv, 4, en signale la nécessité aux Juifs qui veulent obtenir le pardon divin. Le pécheur, au contraire, est appelé « esprit incirconcis », Lev., xxvi, 41, et « incirconcis de cœur », Jer., IX, 26. La double incirconcision corporelle et spirituelle caractérise les idolâtres. Ezech., xliv, 7, 9. Saint Paul enseigne que, même pour le juif, la circoncision du cœur était beaucoup plus importante que celle du corps : « On n’est pas juif par l’extérieur, et la vraie circoncision n’est pas celle qui apparaît dans la chair ; on est juif par l’intérieur, et la vraie circoncision est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. » Rom., ii, 28, 29. Saint Augustin, De spiritu et littera, viii, t. xliv, col. 208, définit cette circoncision du cœur « une volonté dégagée de toute concupiscence illicite, ce qui n’est pas l’effet des leçons et des menaces de la lettre, mais de l’Esprit qui aide et qui guérit ». À raison de sa nature même, la circoncision spirituelle ne prend point fin avec l’Ancien Testament ; elle s’impose au chrétien et est imprimée en lui par le baptême. Col., ii, 11. — L’incirconcision des oreilles s’entend de l’obstination à ne point écouter les enseignements divins. Jer., vi, 10 ; Act., vii, 51.

CIRCONVALLATION. Voir Siège d’une ville.

CIRE, substance jaunâtre, très fusible, produite par les abeilles par une sorte de transsudation ou sécrétion. Les Hébreux lui donnaient le nom de dônag, de la racine inusitée dânag, « fondre. » C’est, en effet, à cause de la facilité qu’elle a de fondre à la chaleur que la cire est citée comme terme de comparaison dans six passages de l’Écriture. Judith, xvi, 18 ; Ps. xxi, 15 (Septante et Vulgate : lvii, 9 ; l’hébreu porte Sabelûl, « limaçon » ) ; lxvii, 3 ; xcvi, 5 ; Michée, i, 4. Les Livres Saints ne contenant que ces images ne nous apprennent rien sur les usages que les Hébreux faisaient de la cire ni sur la manière dont ils pouvaient la préparer.

CIS. Hébreu : Qîs ; Septante : Kl ; . Nom de cinq Israélites.

1. CIS, père de Saûl, I Reg., ix, 1, 3 ; x, 11, 21 ; xiv, 51 ; 1 Par., viii, 33 ; ix, 39 ; xii, 1 ; xxvi, 28. Il est qualifié de puissant ou de riche (hébreu : gibbôr J.iayil ; Vulgate : fortis robore ; Septante : 6’jvaTi ; ), I Reg., ix, 1. Cis était de la tribu de Benjamin, de la famille de Métri. I Reg., x, 21. Il est donné, I Reg., xiv, 51, comme père de Ner, lequel avait pour fils Abner. Plusieurs exégètes ont confondu Ner avec le père de Saùl, et pour cela, ils supposent qne les passages « Ner engendra Cis », I Par., viii, 33 ; ix, 39, sont fautifs et qu’il faut y lire : « Ner engendra Abner. » Alors il n’y a plus qu’un seul personnage du nom de Ner, et un seul du nom de Cis..

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CIS — CISON (TORRENT DE)

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La plupart des commentateurs conservent le texte des Paralipomènes et distinguent deux Ner et deux Cis. Ils admettent un Cis fils de Jéhiel et père de Ner, lequel serait le même qu’Abiel, selon les uns, t. i, col. 47, ou, selon d’autres, le père d’Abiel et le grand-père du second Ner et de Cis, père lui-même de Saùl. D’après I Par., viii, 33 et ix, 39, Cis aurait été fils et non petit-fils de Ner ; mais il y a dans ces deux passages une omission, puisque, d’après I Reg., ix, 1 et xiv, 51, Cis était fils d’Abiel. Il faut donc suppléer le nom d’Abiel dans les deux passages des Paralipomènes pour avoir la généalogie complète de Cis. Ce personnage est mentionné comme ayant envoyé Saùl à la recherche de ses ânesses égarées. I Reg., ix, 3. Il fut enterré à Séla, sur le territoire de Benjamin. Ce fut dans son tombeau qu’on ensevelit Saùl et Jonathas et les fils de Respha, concubine de Saùl. H Reg., xxi, 13-14. Cis est nommé une fois dans le Nouveau Testament. Act., xiii, 21. Dans ce passage, le texte reçu porte Kfç, mais les principaux manuscrits ont Ke :  ; .

P. Renard.

2. CIS, troisième fils de Jehiel ou Abigabaon et frère de Ner, le grand-père de Saùl. I Par., viii, 30 ; ix, 36.

3. CIS, lévite, un des chefs de la branche de Mérari au temps de David. I Par., xxiii, 21. Éléazar son frère étant mort sans enfant mâle, ses filles furent mariées aux fils de Cis, leurs cousins. I Par., xxiii, 22. Un de ses fils était Jéraméel. I Par., xxiv, 29.

4. CIS, lévite de la branche de Mérari au temps d’Ézéchias. II Par., xxix, 12. Il fut un des quatorze chefs de lévites chargés de puriQer le Temple au début de ce régne.

5. CIS, aïeul ou ancêtre de Mardochée. Esth., ii, 5 ; xi, 2. C’est peut-être le même que Cis 1.

    1. CISON##

CISON (TORRENT DE) (hébreu : nahal Qisôn ; Septante : 6 ^ « IJ-àppo’j ; Kiaûv, Jud., iv, 7, 13 ; v, 21 ; KiaiTûv, 1Il Reg., xviii, 40 ; Keiaùiv, Ps. lxxxii [hébreu, i.xxxm], 10 ; le Codex Alexandrinus porte généralement Kîi<jd>v, et la Vulgate a Cisson au Ps. lxxxii, 10), torrent ou rivière de Palestine, qui traverse la grande plaine d’Esdrelon et se jette dans la Méditerranée près de Khaïfa. Il fut témoin de deux grandes scènes de l’histoire biblique : la défaite de Sisara, Jud., iv, 7, 13 ; v, 21 ; Ps. lxxxii, 10, et la destruction des prophètes de Baal par Élie. 1Il Reg., xviii, 40.

I. Nom et identification. — Le nom de Qîsôn se rattache à la racine qôs, qui, comme en arabe, signifie « être recourbé » à la manière d’un arc, d’où le sens de « tortueux ». Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1211. Il n’est pas mentionné par son nom dans la description ou les limites de la Terre Promise d’après Josué. Cependant « le torrent qui est contre Jéconam », Jos., xix, 11, est bien le Cison, si réellement cette ville correspond au Tell Keimoun, situé au pied sud-est du Carinel. Il est appelé en hébreu nal.ial qedûnùm (ce que la Vulgate a traduit par le nom propre Cadumim) dans le cantique de Débora, Jud., v, 21. Voir Cadumim, t. ii, col. 28. La tradition et les vieux Itinéraires des pèlerins l’ont laissé dans l’oubli. Josèphe ne le cite nulle part ; Eusèbe et saint Jérôme ne font qu’indiquer son origine près du Thabor. Cf. Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 272. Malgré cela, son identification avec le Nahr el-Mouqatla’est incontestable. La mention de Thanac (aujourd’hui Ta’annouk) et de Mageddo (El-Ledjdjoun) près de son cours, Jud., v, 19, et l’histoire d’Élie avec les prophètes de Baal, 1Il Reg., xviii, 40, suffisent pour donner une certitude complète. Quelques-uns prétendent même que le nom actuel de Mouqatta’, de la racine arabe qata’, « couper, » se rattache au « massacre » des prophètes. Il en est qui le font dériver d’une autre signification du même verbe, « passer » [un fleuve], et lui attribuent le sens de « gué ». Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 365, note 4 ; Freytag, Lexicon arabicolatinum, Halle, 1835, t. iii, p. 465. D’autres enfin disent qu’il n’est pas rare en Syrie et y voient l’idée de « coupe » ou lot de terre assigné à quelqu’un. Cf. Survey of Western Palestine, Name Lists, Londres, 1881, p. 114.

IL Description. — Le Cison ou Nahr el-Mouqatla’est le produit du drainage des eaux de la grande plaine d’Esdrelon et des montagnes qui l’environnent : le Carmel, la chaîne de Samarie au sud, les monts de Galilée au nord, le Gelboé et le Petit-Hermon à l’est, y déversent le tribut de leurs torrents temporaires, qui viennent ainsi se perdre dans la Méditerranée. Il est formé de deux branches principales, qui, après avoir coulé dans un sens opposé, se rencontrent et s’unissent, vers le milieu de la plaine, pour prendre la direction du nord-ouest. L’uue, la plus éloignée, descend des pentes septentrionales des monts de Samarie, du côté de Djénin, et prolonge sa pointe plus à l’est jusqu’à l’arc dessiné par le Gelboé, dont elle égoulte les flancs occidentaux. Sa direction est du sud-est au nord-ouest. L’autre a son origine, non pas tout à fait au pied du Thabor, comme on l’a cru, mais aux environs d’Iksàl (anciennement Casaloth ou Céséleth Thabor). Thomson, en effet, The Land and the Book, Londres, 1890, p. 434-435, a constaté que les eaux qui viennent des collines situées à l’est de ce village courent directement vers Vouadi Scherrar, qui se jette dans le Jourdain ; tandis que toutes celles qui coulent à l’ouest tombent dans le Cison. Ainsi la ligne de partage des eaux entre les deux bassins se trouve, de ce côté, entre Iksâl et Endôr. Cette seconde branche a aussi pour affluents les torrents qui descendent des pentes occidentales du Djebel Dahy ou Petit-Hermon, et elle se dirige du nord-est au sud-ouest. Un fleuve opposé, le Nahr Djâloud, s’avance assez loin entre ces deux bras du Nahr el-Mouqatta’.

Le Cison est entretenu non seulement par des torrents temporaires, mais encore par des sources assez abondantes, comme celle de Djenîn (l’ancienne Engannîm), et celles qui se rencontrent en assez grand nombre aux environs et au - dessus A’El-Ledjdjoun (Mageddo). Son cours en somme se rapproche des montagnes de Samarie ; puis, en quittant la plaine d’Esdrelon pour entrer dans celle de Saint -Jean-d’Acre, il se trouve resserré entre le Carmel et les collines, derniers prolongements des monts galiléens, sur lesquelles est bâti El-Harthiyéh. Avant d’arriver à la mer, il reçoit les eaux d’Ain es-Sa’âdeh et de Vouadi el-Malek. À sec dans sa partie supérieure, excepté pendant l’hiver et après de grandes averses, il ne devient permanent que dans sa partie inférieure, six à sept kilomètres au-dessus de son embouchure. Cependant, durant la saison des pluies ou après de violents orages, les torrents lui amènent des eaux impétueuses, et il transforme certains bas-fonds de la plaine en marécages dangereux. Les voyageurs qui ont comme nous traversé ces parages en de pareilles circonstances n’ont pas oublié les difficultés et les émotions qu’ils éprouvèrent en voyant les chevaux s’enfoncer dans la vase. Nous ferons tout à l’heure l’application de ces détails à la défaite de l’armée de Sisara.

Le Cison « coule quelquefois dans un lit profondément creusé dans une terre noirâtre ; les berges sont alors escarpées, taillées à pic et hautes de plusieurs mètres. D’autres fois, son lit se subdivise et forme de grands marais, recouverts de joncs et de roseaux, parmi lesquels fourmillent des tortues d’eau (Eniys caspica et Emys sigris) et de nombreux oiseaux aquatiques aux brillantes couleurs. Il y a là, comme dans le Nahr Zerka, des cro[ codiles d’une belle venue. Le fait est aujourd’hui hors dfe

: doute, grâce à une exploration d’un Anglais, M. J. Mac-Gregor, 

qui, en 1868 et 1869, a parcouru en yole-périssoire les principaux cours d’eau de la Syrie. Sur le Cison,

non loin de Khaïfa, il a vu au milieu des roseaux des crocodiles d’une taille assez considérable, qui se sont approchés fort près de son embarcation et qu’il a été obligé de repousser à coups de rame ». Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xli, p. oï. L’embouchure du fleuve est curieuse. Sous la prédominance des vents sud-ouest, les dunes s’amoncellent graduellement, et leur progrès de ce côté force les eaux à se frayer un chemin, à chercher sans cesse de nouveaux débouchés plus au nord. Les lagunes qui existent maintenant derrière ces collines de sable, sur la rive gauche, sont peut-être le résultat d’un premier cours. Quand le

III. Histoire. — Avec la description que nous venons de donner, il est plus facile de comprendre certains détails des deux événements qui ont rendu le Cison célèbre. 1° Sans reproduire tout au long le combat de Débora et Barac contre Sisara, Jud., iv, v (cf. "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 116-123), nous nous arrêterons aux faits qui se rattachent à cet article. L’armée d’Israël s’était rassemblée sans bruit sur le mont Thabor, forteresse inexpugnable et excellent poste d’observation, d’où l’œil domine la plaine d’Esdrelon. Sisara, généralissime des troupes de Jabin, roi d’Azor, habitait Haroseth des Nations, c’est 284. — Le Cison, près de la montagne du sacrifice d’Élie. D’après une photographie de M. L. Heidet.

vent vient de l’est, la rivière s’échappe à travers le sable vers la mer ; mais, quand il souffle de l’ouest sur la côte, les eaux forment une véritable barre. On trouve en Palestine peu de vues aussi pittoresques et aussi complètement orientales qu’à l’embouchure du Cison. Les palmes, qui ne fleurissent que sur la côte, là où se rencontrent l’eau et le sable, à l’abri du froid, croissent le long des dunes et autour des lagunes. Une bordure de joncs et de plantes grasses couvre les rives, le long desquelles se tiennent des hérons gris, guettant le poisson, pendant que çà et là une aigrette blanche promène ses pas délicats, que des bandes d’oiseaux courent sur le sable ou à travers les marais. La large baie de Saint-Jean-d’Acre, les pentes sombres et escarpées du Carmel, un premier plan de palmiers, forment le cadre de ce tableau. Cf. Conder, Tentwork in Palestine, in-8°, Londres, 1889, p. 97-98. Pour cette description, voir la carte de la tribu d’IsSACHAR,

à-dire probablement, selon plusieurs auteurs, El-llarthiyéh, que nous avons signalé plus haut, place très importante, parce qu’elle commande le passage de la plaine d’Acre dans celle d’Esdrelon, la gorge étroite dans laquelle coule le Cison entre le Carmel et les premières collines de Galilée. « Je te l’amènerai au torrent de Cison », avait dit la prophétesse à Barac, au nom du Seigneur. Jud., iv, 7. Il vint, en effet, avec ses redoutables chars de guerre et une nombreuse armée, prendre position dans la plaine, sur les bords du torrent, Jud., iv, 13, entre Mageddo et Thanac :

Les rois sont venus, ils ont livré bataille, Ils ont livré bataille, les rois de Chanaan, A Thanach, près des eaux de Mageddo. Jud., v, 19.

Le champ de bataille était parfaitement choisi. Les neuf cents chariots de fer des Chananéens pouvaient se développer dans cet endroit, où la plaine est le plus large et

le plus unie. Les deux villes importantes, restées en grande partie aux mains des anciens maîtres du pays, formaient un point d’appui aux troupes de Jabin. Hommes et chevaux trouvaient de quoi élancher leur soif dans « les eaux de Mageddo », c’est-à-dire les cours d’eau qui descendent des collines voisines et sont alimentés par les sources que nous avons déjà mentionnées. Dans ces conditions, Sisara pouvait tranquillement attendre l’attaque des Israélites. Humainement parlant, c’était folie pour ceux-ci d’affronter un ennemi qui avait tous les avantages. Mais Dieu était avec eux ; cela suffit pour des hommes d’énergie et de foi. Descendant de leur forteresse du Thabor, ils tombent avec impétuosité sur les Chananéens, effrayés de tant d’audace. Le ciel en même temps combat pour Israël :

Du ciel ou a combattu [ pour nous ], Les étoiles, de leurs orbites, ont combattu contre Sisara.

Jud., v, 20.

Josèphe., Ant. jud., V, v, 4, interprète de la tradition juive, nous dit expressément qu’un orage terrible éclata, accompagné de pluie et de grêle. Les éléments déchaînés, poussés par le vent, fouettaient le visage des guerriers ennemis, les aveuglant et rendant leurs coups inutiles, tandis que la tempête, frappant à dos les Israélites, ne faisait que stimuler leur ardeur, et les lançait comme par une force surnaturelle au milieu des rangs chananéens. C’est ainsi que Dieu se sert des causes matérielles pour manifester la puissance de son secours. La pluie, qui tombait avec violence, grossit bientôt le torrent de Cison et détrempa peu à peu la terre légère de la plaine. Tressés par l’armée d’Israël, les vaincus ne songèrent naturellement qu’à regagner la forteresse d’Haroseth, d’où ils étaient partis. Enfermés entre les monts de Samarie et le Carmel à gauche, le torrent débordé à droite, et les vainqueurs qui les poursuivaient par derrière, ils n’avaient d’autre issue que par l’étroit passage qui sépare les deux plaines. Mais on comprend l’horrible confusion dans laquelle tombèrent les fuyards : hommes, chevaux et chariots roulaient en s’écrasaut dans un pêle-mêle indescriptible ; les bas-fonds se transformèrent en marais, et le fleuve, coupant la vallée de son cours tortueux, emportait les cadavres que les rangs pressés y jetaient successivement :

Le torrent de Cison a roulé leurs cadavres,

Le torrent des combats, le torrent de Cison,

Et moi, j’ai foulé aux pieds les forts.

Alors les chevaux se sont épuisés

Dans la course rapide des chars. Jud., v, 21, 22.

C’est à peu près sur le même champ de bataille que, le 16 avril 1799, Napoléon livra le combat dit « du mont Thabor », et dans lequel les Turcs furent aussi précipités dans les fondrières perfides des sources du Cison. La défaite de Sisara laissa naturellement un souvenir profond dans les annales d’Israël, et plus tard le psalmiste, parlant à Dieu de ses ennemis, disait, Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 10 :

Traite - les comme Madian,

Comme Sisara et Jabin au torrent de Cison.

2° Le même fleuve entraîna vers la mer les corps des prophètes de Baal, miraculeusement confondus par Élie sur le Carmel. L’homme de Dieu ordonna de les prendre, « sans en laisser échapper un seul ; et le peuple s’étant saisi d’eux, Élie les fit descendre au torrent du Cison, et les y fit mettre à mort. » III Reg., xviii, 40. La scène est facile à reconstruire, grâce au souvenir que la tradition locale a gardé de cet événement. À la pointe sud-est du Carmel se trouve un endroit connu sous le nom de El-Mouhraqa, « le sacrifice, l’holocauste ; » il rappelle ainsi Je sacrifice qui y fut offert. De ce point élevé, le regard plonge, à l’est, sur l’immense plaine d’Esdrelon, et, au

bas des pentes abruptes de la montagne, coule, à une profondeur d’environ 340 mètres, le Nahr el-Mouqatta’, qui rase de près les flancs inférieurs du Carmel. On montre encore aujourd’hui, précisément au bas de cette hauteur, un monticule situé sur les bords du torrent, et que les Arabes appellent Tell elOasis, « la colline des prêtres ; » d’autres la désignent également sous la dénomination de Tell el-Qatl, « la colline du massacre, » à cause des prêtres de Baal qui y furent égorgés. Cf. V. Guérin, Samarie, 1875, t. ii, p. 245, 247. La pluie qui tomba, à la prière d’Élie, grossit le Cison, dont les eaux roulèrent les cadavres des faux prophètes, comme elles avaient emporté ceux des Chananéens. — Outre les auteurs cités dans le corps de l’article, on peut voir aussi Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-8°, Londres, 1865, p. 171-174 ; Biblicàl Researches in Palestine, t. ii,

p. 363-366.
A. Legendre.

CITÉ (DROIT DE). On appelait « droit de cité », dans l’antiquité, l’ensemble des privilèges qui assuraient à un individu la protection complète des lois d’un État et le droit de participer à son gouvernement. Ces privilèges variaient d’un État à l’autre. Ils appartenaient à ceux qui étaient nés d’un père et d’une mère citoyens ou qui avaient été admis dans la cité à la suite d’une concession émanant du souverain, ou du peuple dans les États démocratiques. Démosthène, Contr. Steph., i, 78. Nous possédons un grand nombre d’inscriptions mentionnant la collation du droit de cité par différentes villes en récompense de services rendus. Dittenberger, Sylloge inscript, grsecarum, 134 ; 253, 1. 44 ; 314, 310 ; Epheni. arcliseolotj., 1883, p. 37-38, etc. Les Juifs avaient reçu le droit de cité dans un certain nombre de villes grecques, notamment en Egypte et en Syrie.

1° Droit de cité à Alexandrie. — Ce fut Alexandre lui-même qui accorda, dit Josèphe, Contr. Apion., ii, 4, le droit de cité aux Juifs d’Alexandrie. Cela signifie qu’il leur donna les mêmes droits municipaux qu’aux Macédoniens. Cette situation persista sous la domination romaine, et les empereurs Titus et Vespasien refusèrent de les leur enlever, comme le demandaient les Grecs. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1 ; xviii, 7. Les Juifs formaient cependant une sorte d’État dans l’État. Ils s’administraient eux-mêmes dans une certaine mesure. Ils avaient un ethnarque qui commandait à la nation, jugeait les procès, décidait dans les contestations relatives aux contrats, et signait des ordres comme s’il était à la tête d’une cité indépendante. Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2 ; x, 1 ; XVIII, vi, 3 ; XIX, v, 2 ; Bell, jud., xviii, 7. Voir Alexandrie 1. La position des Juifs était la même à Cyrène, Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2, et à Bérénice. Corpus inscript, grœc, n°5161 ; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. Cagnat, in-8°, Paris, 1889, t. xi, p. 65-66 ; Em. Schûrer, Geschichle des Jûdischen Volkes, t. ii, in-8°, 1889, p. 500, 514 et 515.

2° Droit de cité à Antioche. — Séleucus Nicator accorda aussi aux Juifs, dans des conditions semblables, le droit de cité à Antioche et dans les colonies qu’il fonda dans la Syrie inférieure. Ils eurent les mêmes droits que les Macédoniens et les Grecs, Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1 ; Contr. Apion., ii, 4, et ils les conservèrent sous les empereurs romains, malgré les réclamations des Grecs. Josèphe, Ant. jud., VII, v, 2. À Antioche, comme à Alexandrie, ils avaient un chef particulier. Josèphe, Ant. jud., VII, iii, 2. Il est plusieurs fois question dans l’Écriture des Juifs citoyens d’Antioche. II Mach., iv, 9 ; vi, 1 ; Act. vi, 5. Voir Antioche de Syrie. Cette organisation, dont nous trouvons aussi la trace à Smyrne, Revue des études juives, 1883, p. 161, existait partout où le nombre des Juifs était considérable. Em. Schûrer, Geschichte des Jûdischen Volkes, t. ii, p. 498, 513, 529, 534.

3° Droit de cité romaine. Voir Citoyen romain.

E. Beurlier.

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    1. CITERNE##

CITERNE (hébreu : bar, une fois bô’r, II Reg., XXIII, 15, et une autre fois gébé’, Is., xxx, 14 ; Septante : Xi-/.-/.o ;  ; Vulgate : cistema, lacus, fovea), cavité artificielle dans laquelle on fait arriver l’eau de pluie, quelquefois même l’eau de source, pour la conserver. La citerne n’a qu’une ouverture médiocre, ordinairement fermée, ce qui la distingue de la piscine, qui est à ciel ouvert. Elle diffère du puits en ce que celui-ci s’alimente au moyen des eaux souterraines qui viennent couler à travers ses parois poreuses, tandis que la citerne s’alimente au moyen des eaux superficielles qu’elle retient dans ses parois étanches.

1° Citernes des nomades. — Quand les nomades circulent en caravanes plus ou moins nombreuses, ils ne peuvent toujours emporter avec eux la provision d’eau nécessaire au voyage. Aussi de tout temps se sont-ils efforcés de se ménager des réservoirs d’eau dans les endroits propices. Voici comment, d’après Diodore de Sicile, xix, 94, procédaient les Arabes. Dans le sol argileux ou formé de pierre tendre, ils creusaient de grands trous, étroits à l’orifice, mais s’élargissant en profondeur. Ces réservoirs souterrains atteignaient jusqu’à un plèthre (cent pieds grecs), c’est-à-dire à peu près trente mètres de côté. On les remplissait d’eau de pluie ; les ouvertures étaient bouchées, le niveau du sol reconstitué, de sorte que seuls les Arabes pouvaient distinguer la présence d’une citerne à certains signes connus d’eux. C’est dans une citerne semblable, alors dépourvue d’eau, que Joseph fut descendu sur la proposition de son frère Ruben, Gen., xxxvii, 22-29, avant d’être vendu aux trafiquants madianites. Voir Dothaïn.

2° Citernes des Hébreux. — Dans un pays presque entièrement montagneux, comme celui de Chanaan, les habitants des hauts districts ne pouvaient se passer de citernes pour recueillir l’eau des pluies, partout où les sources faisaient défaut. Les Chananéens en avaient eux-mêmes construit un grand nombre dans le pays, et le Seigneur ne manque pas de faire remarquer aux Hébreux quel avantage ce sera pour eux de trouver des citernes toutes creusées, à leur entrée dans la Terre Promise. Deut, vi, 11 ; II Esdr., ix, 25. — Pendant une de ses luttes contre les Philistins, David exprima le souhait d’avoir à boire de l’eau d’une citerne de Bethléhem. II Reg., xxiii, 15, 16 ; I Par., xi, 17, 18. À cinq cents mètres environ au nord de la ville, se voient encore trois citernes creusées dans le roc et appelées Biâr-Daoûd, les « puits de David ». La plus grande a quatre mètres de large et à peu près dix-huit de long. Liévin, Guide de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 65. — La Sainte Écriture mentionne plusieurs autres citernes, celle de Socho, I Reg., xix, 22 ; celle de Sira, II Reg., iii, 26 ; les nombreuses citernes que le roi Ozias lit creuser pour ses troupeaux dans la campagne et dans le désert, II Par., xxvi, 10 ; celles que le général chaldéen Nabuzardan abandonna au menu peuple qu’il laissait en Judée. Jer., xxxix, 10. — Les citernes étaient de première nécessité dans les places qui pouvaient être assiégées. Celles de Béthulie furent épuisées après vingt jours de siège. Judith, vii, 11. Josèphe signale les services que rendirent les provisions des citernes pendant l’investissement des tours de Jérusalem et de la forteresse de Masada. Bel. jud., V, IV, 4 ; VII, vin, 3 ; Ant. jud., XIV, iv, 6. Les citernes creusées dans l’enceinte du Temple existent encore en partie. « Dès l’origine, elles étaient indispensables au service liturgique. Les unes devaient fournir les eaux nécessaires aux ablutions, les autres devaient recevoir les eaux de lavage. Leur creusement a donc accompagné, sinon précédé, la construction du premier Temple. » De Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, p. 27. Du reste, dans toute la Palestine, on rencontre « des citernes creusées habilement dans les rochers et disséminées à profusion le long des routes, dans les champs, dans les jardins, dans les aires à battre le grain, dans les villages et surtout dans les villes. À Jérusalem, on ne peut déblayer une cinquan taine de mètres de terrain sans en découvrir au moins une. Dernièrement, dans l’ancien mur d’enceinte sud de Jébus (Sion), sur une étendue d’une centaine de mètres, on a mis à découvert treize citernes. » Liévin, Guide, 1. 1, p. 39.

3° Construction des citernes. — Les habitants de la Palestine avaient d’assez grandes facilités pour creuser de bonnes citernes dans le sol calcaire de leur contrée. Parfois ils purent utiliser des cavités naturelles, en les adaptant à cette destination. Le plus souvent, ils pratiquèrent des réservoirs artificiels. Comme dans les citernes de Dothaïn, qui sont taillées dans le roc en forme de bouteilles, l’orifice restait assez étroit, et la cavité allait en s’élargissant à mesure qu’on descendait. De la sorte, la partie supérieure formait voûte et assurait la solidité de la masse surplombante de la roche. Quand le calcaire était suffisamment compact, la citerne n’avait pas besoin d’autre préparation pour garder l’eau. Si, au contraire, la roche présentait des fissures, ou si la citerne était construite dans un terrain perméable, on enduisait les parois de chaux ou de mortier, pour que l’eau ne s’échappât point. Pirke Aboth, ꝟ. 2, 11 ; Winer, Biblisches Realwôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 234. Cette précaution faisait-elle défaut, ou la citerne demeurait-elle trop longtemps sans réparation, l’eau n’y pouvait plus rester. Jérémie, ii, 13, reprochant au peuple d’avoir abandonné le Seigneur pour les idoles, dit qu’on a « délaissé la source d’eau vive pour se creuser des citernes crevassées qui ne peuvent garder les eaux ». Ces réservoirs souterrains conservaient l’eau très fraîche, Jer., vi, 7, et à l’abri de l’évaporation, grâce à l’étroitesse de l’orifice, d’ailleurs muni d’une fermeture. Ils affectaient une forme tantôt ronde, tantôt carrée, et atteignaient des dimensions considérables. On en trouve encore qui ont plus de trente mètres de profondeur. Socin, Palàslina und Syrien, Leipzig, 1891, p. cxxi. Dans la citerne de Bethacad, Jéhu put faire égorger quarante-deux des frères d’Œhozias, IV Reg., x, 14, et dans celle que le roi Asa avait fait creuser à Jérusalem, Ismaël jeta les cadavres de soixante-dix hommes de Samarie, partisans de Godolias. Jer., xli, 7-9. On puisait l’eau des citernes à l’aide de vases suspendus à des cordes ; quelquefois même la corde s’enroulait sur une roue facile à mettre en mouvement, mais qui à la longue tombait de vétusté. Eccle., xii, 6.

4° Prescriptions de la loi sur les citernes. — La loi ordonnait de couvrir les citernes, pour empêcher les animaux d’y tomber. Exod., xxi, 33, 31. On les fermait parfois avec une grosse pierre, comme les puits du désert. Gen., xxix, 2. Mais comme on avait souvent besoin d’eau, à proximité des habitations, on employait des fermetures plus faciles à soulever. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 37, dit qu’on recouvrait les puits et les citernes avec des planches, et même qu’on les entourait d’une palissade servant de muraille protectrice. Si, malgré ces précautions, le cadavre d’un animal tombait dans la citerne, ce cadavre qui, en droit, souillait ce qu’il touchait, ne rendait cependant pas l’eau impure. Lev., xi, 36. Cette exception à la règle générale s’explique par la rareté de l’eau dans les régions rocheuses, et par le grand dommage qui eût été causé à une famille dont la provision eut subi une contamination légale. Les chutes d’animaux dans les citernes abandonnées n’étaient point rares. Du temps de David, pendant l’hiver, un lion tomba dans une citerne dont la neige dissimulait l’orifice. Banaïas pénétra dans la cavité et tua l’animal. II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22 ; Josèphe, Ant. jud., VII, xii, 4. Il est probable que quand Notre-Seigneur parle de la brebis qui tombe dans un trou (|306-Jvo{, fovea) le jour du sabbat, Matth., xii, 11, il songe à ces citernes disséminées dans les campagnes et insuffisamment recouvertes. C’est parce que l’animal court danger de se noyer qu’il est si urgent de le retirer de la cavité où il est tombé.

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CITERNE — CITOYEN ROMAIN

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5° Usages des citernes. — Les citernes étaient naturellement destinées à conserver l’eau. Is., xxx, 14. Chaque famille tâchait d’avoir la sienne, et « boire en paix l’eau de sa citerne », IV Reg., xviii, 31 ; Is., xxxvi, 16, constituait un des agréments de la vie. — Bien que « les eaux dérobées soient plus agréables », chacun doit « boire l’eau de sa propre citerne ». Prov., IX, 17 ; v, 15. Le Sage se sert de cette image pour recommander la fidélité conjugale. — Les citernes abandonnées servaient de refuges. Au temps de Saûl, les Israélites traqués par les Philistins se cachèrent dans des cavernes et dans des citernes. I Reg., xiii, 6. Cf. Josèphe, Bell, jud., III, viii, 1. — Elles devenaient aussi des prisons. Jérémie, xxxviii, 6-13, fut ainsi descendu avec des cordes dans la citerne de Melchias, et en fut délivré par l’eunuque éthiopien Abdemélech. Zacharie, ix, 11, parle aussi de citerne

sans eau d’où l’on tire des prisonniers.
H. Lesêtre.

CITHARE. Les Septante traduisent par xivvpoe ou x18âp « et la Vulgate par cithara, « cithare, » l’instrument de musique appelé en hébreu kinnôr et qui est une espèce de harpe. Voir Harpe. — Dans le Ps. lxxx, 2, le mot y.iOipa, cithara, rend l’hébreu nébél, qui est traduit ordinairement par « psaltérium » ou par « lyre ». Voir Psaltérium et Lyre.

    1. CITOYEN ROMAIN##

CITOYEN ROMAIN (grec : ’P^aTo ;  ; Vulgate : Romanus, Act., xvi, 38 ; homo romanus, Act., xvi, 37 ; xxiii, 27 ; civis romanus, Act., xxii, 26, 29). Le titre de citoyen romain conférait à celui qui le possédait un certain nombre de droits qui lui assuraient une place privilégiée dans l’empire. Saint Paul était citoyen romain, et, à plusieurs reprises il invoqua les droits qui étaient attachés à ce titre. Act., xvi, 37-39 ; xxii, 25-30. Silas, son compagnon de voyage en Macédoine, l’était également. Act., xvi, 37-39.

I. Acquisition du droit de cité. — Le droit de cité romaine pouvait s’acquérir de trois manières : par naissance, par concession ou par affranchissement. Il n’est question, dans le Nouveau Testament, que des deux premiers modes d’acquisition. Était citoyen romain par la naissance l’enfant né d’un père citoyen romain, marié selon le droit civil romain. Gaius, Institut., i, 67-89 ; Ulpien, Regulse, v, 3, 4, 8, 9. C’était le cas de saint Paul. « Je suis citoyen de naissance, » réponditil au tribun Claudius Lysias. Act., xxii, 28. Le père de saint Paul était donc citoyen romain. Ce n’était pas à titre d’habitant de Tarse qu’il jouissait du droit de cité romaine, — Tarse n’avait pas reçu la collation collective de ce droit, — ce devait donc être à la suite d’une concession individuelle faite à lui-même ou à l’un de ses ancêtres, en récompense de services rendus au peuple romain.

Le droit de cité était souvent, en effet, accordé individuellement (virititn ou sigillatim) à certaines personnes, comme il l’était parfois collectivement aux habitants d’une ville. Sous la république, le peuple assemblé en comices pouvait seul concéder le droit de cité. Tite-Live, iv, 4 ; vin, 17, 21 ; Cicéron, Pro Balbo, 10, 11, 14, etc. ; Pro Archia, 10, etc. Parfois il ne faisait que ratifier les décisions des généraux ou des proconsuls. Cicéron, Pro Balbo, 17, 20-24 ; Pro Archia, 10. Ce fut probablement le cas pour le père ou l’ancêtre de saint Paul, et la concession dut être faite par Pompée ou par quelqu’un des généraux romains qui combattirent en Cilicie ou en Syrie. Un grand nombre de Juifs avaient reçu le droit de cité dans des circonstances semblables : par exemple, pour des services rendus à Jules César durant la guerre d’Egypte. Josèphe, Ant. jud., XIV, viii, 1, 2. Beaucoup d’entre eux s’étaient établis en Grèce ou en Asie Mineure. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 13, 14 ; xi-xix. Ils restaient néanmoins soumis aux autorités juives. Selden, De Synedriis, ii, 15, 11. C’est pourquoi saint Paul est conduit par le tribun devant le sanhédrin, même après qu’il s’est déclaré citoyen ro main. Act., xxii, 30. Sous l’empire, le droit de cité fut accordé plus facilement par les princes, qui substituèrent sur ce point leur autorité à celle des comices. A.W. Zumpt. Studia romana, in-8°, Berlin, 1859, p. 303, 306 et 308^ Claude en particulier fut très généreux à cet égard, ce qui mécontenta beaucoup l’aristocratie romaine. Tacite, Annal., xi, 23, 25 ; Suétone, Claud., 18 et 19 ; V. Duruy, Histoire des Romains, in-4°, Paris, 1882, t. iv, p. 416-418. L’empereur, l’impératrice ilessaline, les affranchis de la maison impériale, vendaient le droit de cité. Dion Cassius, lx, 17. Ce fut probablement alors que le tribun Lysias l’acheta, ainsi qu’il le dit à saint Paul, au prix d’une somme considérable. Act., xxii, 28. Cela expliquerait pourquoi il portait le nom de Claudius. Il a dû prendre ce nom gentilice en devenant citoyen.

IL Privilèges des citoyens romains. — 1° Le droit de cité se composait d’un ensemble de droits particuliers. C’étaient au point de vue du droit privé : 1° le jus connubii ou l’aptitude à contracter un mariage auquel étaient attachés les droits que la loi romaine reconnaissait à cet acte ; 2° le jus commercii, ou la capacité de contracter, d’acquérir, d’aliéner entre vifs, suivant les formes du droit civil romain ; 3° le droit de faire un testament ou d’hériter ; 4° le droit d’ester en justice devant le magistrat romain et suivant les formes de la procédure romaine. Il n’est pas fait mention de ces différents droits dans le Nouveau Testament.

2° Au point de vue du droit public, le citoyen était inscrit dans une des trente-cinq tribus romaines. Nous ignorons dans quelle tribu étaient inscrits saint Paul, Silas et Claude Lysias. Le citoyen ne pouvait être battu de verges ni soumis à une peine corporelle ou déshonorante. Cicéron, In Verrem, actio II, v, 63, 66 ; Pline, H. N., vii, 44 ; Digeste, xlviii, 6, 7, 8. Ce privilège datait de la loi Porcia, votée probablement en 197, sur la proposition de Caton le censeur. Tite-Live, x, 9 ; Salluste, Catilina, 51 ; Cicéron, Pro Rabirio, iii, 4 ; iv, 12 ; In Verrem, act. II, v, 63 ; Aulu-Gelle, Noct. attic, x, 3, 13 ; Festus, édit. Ottfried Mùller, p. 231. Il fut confirmé à plusieurs reprises. Cicéron, De republ., xlii, 31, 54. Cf. L. Lange, Histoire intérieure de Rome, trad. franc., in-8°, Paris, 1885, t. i, p. 451, 458, 500. Les magistrats romains et à plus forte raison les magistrats municipaux qui contrevenaient à ces lois s’exposaient aux plus sévères châtiments. C’est là ce qui explique l’émotion profonde qui s’empara des duuinvirs de Philippes quand ils apprirent que saint Paul et Silas, qu’ils avaient fait battre de verges, étaient citoyens. Act., xvi, 19-37. Lors de son dernier voyage à Jérusalem, saint Paul, arrêté par l’ordre du tribun Claude Lysias, se réclama encore une fois de son droit de cité. Le tribun, qui croyait avoir affaire à un Égyptien, avait ordonné qu’on le battit de verges et qu’on le soumît à la torture. Au moment où on l’attachait, Paul dit au centurion : « Vous est-il permis de fouetter un citoyen romain qui n’a pas été condamné ? » Aussitôt le centurion avertit le tribun, et celui-ci fut pris de peur à la pensée qu’il avait fait attacher au poteau un citoyen. Act., xxii, 25-29. Dans les deux cas, nous voyons que la seule affirmation de Paul avait suffit à arrêter soit les magistrats municipaux de Philippes, soit l’officier qui commande à la tour Antonia. On ne lui demande aucune preuve de l’exactitude de son dire. Cicéron, In Verrem, act. II, v, 62, suppose que tel était, sinon le droit, du moins l’usage constant.

3° Un autre privilège du citoyen romain était, sous la république, le droit d’en appeler au jugement du peuple dans les causes capitales, jus provocationis ad populum. Ce droit était fondé sur la loi Valeria, de provocatione, votée dès les premiers jours de la république, eu 508, Cicéron, De republ., II, xxxi, 54 ; Tite-Live, II, 30 ; Valère Maxime, iv, 1, et sur la loi Sempronia, de capite civis romani, votée sur la proposition de Caius Gracchus, en 121. Salluste, Catilina, 51 ; Cicéron, Calilin., i, 5, 10,

TV, 11, 28 ; Pro Iïabirio, IV, 8 ; In Verrem, act. II, v, 63 ; Aulu-Gelle, Noct. altic, x, 3. Sous l’empire, le jus provocations fut remplacé par le jus appella.iionis, c’est-à-dire par le droit d’en appeler directement au tribunal de l’empereur. Suétone, Octave, 33 ; Dion Cassius, lix, 8 ; Digeste, xlix, 2, 1. Ce fut la loi Julia de vi publica, substituée par Auguste aux leges Porcise, qui remplaça par ce droit d’appel l’ancienne inviolabilité du citoyen. Paul, Sententise, xxvi, 1 ; Digeste, xlviii, 6, 7 et 8. Ce système d’appel personnel à César fut un instant supprimé par Caligula, mais après lui il fut rétabli et généralisé. Suétone, Caligula, 16 ; Dion Cassius, iii, 33 ; lv, 7 ; Tacite, Annal., vi, 10 ; Pline, Epist., vi, 22, 31 ; vii, 6. Saint Paul usa de ce droit quand il vit que le procurateur de Judée, Portius Festus, voulait le ramener à Jérusalem pour le juger ! Act., xxv, 10-11. Et Félix fit la seule réponse qu’il pouvait faire : « Tu en as appelé à César, tu iras à César. » Act., xxv, 12. L’appel suspendait la juridiction du magistrat, c’est pourquoi celui-ci ne le renvoie pas absous. Act., xxv, 25 ; xxvi, 32. L’accusé qui avait invoqué Je droit d’être jugé par César étaitenvoyé à Rome sous escorte. Saint Paul fut confié à un centurion nommé Julius. Act., xxvii, 1. En même temps était remise à l’officier une lettre contenant un rapport sur le crime ou le délit reproché à l’accusé. Cette lettre portait le nom À’apostoli ou de litterse dimissorise. Digeste, xlix, 6, 1 ; 14, 9.

4° Enfin le citoyen condamné à mort ne pouvait être exécuté que par le glaive, qui, sous l’empire, avait remplacé la hache en usage sous la république. Digeste, xlviii, 19, 8, 1. Cf. Tacite, Annal., ii, 32 ; Le Blant, Les persécutions et les martyrs aux premiers siècles de Rome, in-8°, Paris, 1893, p. 222. Conformément à la loi, saint Paul fut décapité et non crucifié comme saint Pierre, qui « tait Juif ! Eusèbe, H. E., ii, 25, 5, t. xx, col. 208 ; S. Jérôme, De viris illustribus, , t. xxiii, col. 617.

5° Les citoyens romains n’avaient pas tous la plénitude des droits politiques. Les uns pouvaient voter dans les assemblées romaines et être élus aux magistratures qus suffragii, jus honorum) ; on les appelait cives optimo jure. Les autres n’avaient pas le droit de suffrage et à plus forte raison le droit d’être magistrats ; on les appelait cives sine suffragio ou imminuLo jure. Saint Paul, Silas et les Juifs qui avaient le droit de cité devaient appartenir à cette seconde catégorie.

III. Bibliographie. — C. Accarias, Précis de droit romain, 4e édit., in-8°. Paris, 1886, p. 115-122 ; Ch. Maynz, Cours de droit public romain, 4e édit., Bruxelles, 1876, t. i, p. 129, 138, 255 et 314 ; Ch. Laboulaye, Essai sur les lois criminelles des Romains, in-8°, Paris, 1845, p. 317-319 ; H. de Lesterpt de Beauvais, Du droit de cité à Rome, in-8°, Paris, 1882 ; G. de Letourville, Étude sur le droit de cité à Rome, in-8°, Paris, 1883 ; C. G Zumpt, Ueber die persônliche Freiheit des rômischen Rûrgers, in-8°, Darmstadt, 1846 ; Théod. Mommsen, B’ùrglicher und peregrenischer Freiheitsschutz im rômischen Staate, dans les Jurist. Abhandlungen, in-8°, Berlin, 1885, p. 253-292 ; A. Bouché -Leclercq, Manuel d’institutions romaines, in-8°, Paris, 1886, p. 350-374.

E. Beurlier.

CITRONNIER. — I. Description. — Arbre de la famille des aurantiacées, qui de l’Inde s’est répandu par la culture dans les régions chaudes du monde entier. Le citrus limonum diffère de l’oranger ordinaire par ses fleurs fréquemment teintées de rouge, par son fruit plus long que large, ordinairement bosselé et terminé par une sorte de mamelon (fig. 285). C’est à peine si on peut le séparer spécifiquement du cédratier ou citrus medica. Le suc en est plus acide, sauf dans quelques variétés comme celle qui est connue aux Indes sous le nom de iweet lime ou limon doux. F. Hy.

IL Exégèse. — 1° Plusieurs interprètes ont cherché à identifier le citron avec le fruit de l’arbre hâdâr, du

Lévitique, xxiii, 40, que la Vulgate rend par fructus arboris pulcherrimse. On peut faire valoir les mêmes raisons et aussi opposer les mêmes difficultés que pour le cédrat. Voir Cédratier, t. ii, col. 372-374. La principale difficulté est que la Palestine ne paraît avoir connu le citron, comme le cédrat, que vers l’époque de la captivité

Citronnier.

de Babylone. Du reste, ce qu’on appela vers l’époque chrétienne « citron des Juifs » est plutôt un cédrat. On peut dire cependant, au sujet du citron, que Moïse a pu le connaître en Egypte ; car avant lui Thothmès III l’avait rapporté de ses expéditions lointaines en Asie. Dans

286. — Citronnier snr un monument égyptien. D’après Mariette, KarnaJc, pi. xxs.

le temple de Karnak, élevé par ce monarque, au milieu de plantes exotiques, est représenté un arbre qui a toute l’apparence d’un citronnier avec ses fruits (fig. 286). Mais on ne saurait dire si le citronnier fut cultivé et implanté dès lors en Egypte. Un citron, conservé au Louvre, a été trouvé dans un sarcophage égyptien ; malheureusement

Champollion n’a pas indiqué l’époque de cette tombe, et la provenance de ce fruit n’est pas sans être enveloppée de doute. Ce qui est certain, c’est que les ScaUe coptes mentionnent le citron, KOfT I M OC, nom d’apparence grecque, qu’elles font suivre du mot tout à fait égyptien A.6A.p6 : ce qui confirme l’opinion d’une introduction du citron en Egypte beaucoup plus ancienne qu’on ne croyait jusqu’ici. V. Loret, Études de Botanique égyptienne, dans Recueil, t. xvii, p. 196. — 2° On a voulu aussi voir le citron dans le tappuah, plusieurs fois mentionné dans l’Écriture. Cant., ii, 3, 5 ; vii, 9, etc. Mais les caractères du (appuah ordinaire ne conviennent pas plus au citron qu’au cédrat. Le seul passage où il pourrait en être question est Prov., xxv, 11, où l’on compare la parole dite à propos à « un tappuah d’or sur une corbeille d’argent ». Car quand bien même le tappuah dans son sens ordinaire désignerait la pomme, on pouvait appeler poétiquement « pomme d’or » le citron, le cédrat ou l’orange. Pour l’oranger, il ne paraît pas avoir été connu dans l’Asie occidentale avant la domination des Arabes. Alph. de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 146. Quant au citron ou au cédrat connu plus anciennement, des fruits ont pu être apportés par le commerce des caravanes jusqu’en Palestine vers l’époque de Salomon ou d’Ézéchias, sans que l’arbre ait été encore implanté : ce qui ne paraît avoir eu lieu que plus tard. oir CÉDRATIER, t. ii, col. 372. E. Levesque.

    1. CLAIR Claude##

CLAIR Claude, né à Montcoy, canton de Saint-Martinen-Bresse (Saône-et-Loire), le 23 octobre 1839, mort à Menton (Alpes -Maritimes), le 16 novembre 1881. Après avoir fait ses études au petit séminaire d’Autun, il entra, en octobre 1859, au grand séminaire de cette ville, où il fit ses études théologiques-et s’adonna à l’étude de l’hébreu jusqu’en 1863. Au mois d’octobre de cette année, il alla au séminaire de Saint -Sulpice suivre les cours de M. Le Hir, et fut ordonné prêtre à Paris, le 10 juin 1865. Nommé vicaire à Saint -Pierre de Chalon-sur-Saône, le 19 juin 1865, il fut transféré, à cause de sa mauvaise santé, à Rully, le 12 juin 1866. En mars 1867, il dut renoncer complètement au ministère pour ne plus s’occuper que d’une éducation particulière. Il n’en travailla pas moins avec application et persévérance et publia dans La Sainte Bible avec commentaires, éditée par la librairie Lethielleux, Le livre de Josué, in-8°, Paris, 1877 ; Les Juges et Ruth, in-8°, Paris, 1878 ; Les livres des Rois, 2 in-8°, Paris, 1879 ; Les Paralipomènes, in-8°, Paris, 1880.

    1. CLARIO Isidore##

CLARIO Isidore, prélat italien de l’ordre de Saint-Benoît, né à Chiari, près de Brescia, en 1495, mort à Foligno le 28 mai 1555. Le 24 juin 1517, il faisait profession de la règle bénédictine à l’abbaye de Saint -Jean de Parme, et était bientôt remarqué par sa profonde connaissance des langues grecque et hébraïque. Il gouverna successivement les abbayes de Pontida, à Bergame, et de Notre-Dame de Césène. Le pape Paul III, qui l’avait appelé au concile de Trente, le nomma évêque de Foligno, et il mourut dans cette ville, à l’âge de soixante ans. Parmi ses nombreux écrits, nous signalerons : Vulgata editio Novi ac Veteris Testamenti quorum alterum ad hebraicam, alterum ad grsecam veritatem emendatum ut diligentissime… adjunctis et eruditis Scriptoribus scholiis, in-f°, Venise, 1512, 1557. Cet ouvrage fut condamné pour la façon dont Isidore Clario y avait parlé de la Vulgate dans sa préface. Les notes qu’il a ajoutées sont empruntées pour la plupart à Sébastien Munster. Plus tard, il publia le même travail, après correction, sous le titre : BiUlia sacrosancta Veteris ac Novi Testamenti, adjectis et eruditis Scriptoribus scholiis ita, uti est, locuplelibus, ut pro commentariis sint ; multis enim certe locorum millibus presse) tim diffici lioribus lucem afferunt et secunda authoris recognitione, deputatorum concilii Tridentini servata censura, in-f°, Venise, 1564. On doit encore à Isidore Clario : Canticum canticorum Salomonis latine, ad hebraicam veritatem emendatum, adjectis scholiis et arcanis Hebrseorum erutis, in-8°, Vienne, 1544 ; Novum Testamentum (Evangelia et Acta Apostolorum) latine Vulgatse editionis ad vetustissimam exemplarium fidem emendala, adjectis scholiis, in-8°, Venise, 1541 ; In Evangelium secundum Lucam orationes quinquagenta quatuor, in-4°, Venise, 1565 ; Super Missus est et super canticum Magnificat orationes variée de Beala Virgine, in-4°, Venise, 1565 ; In sermonem Domini in monte habitum secundum Matthxum orationes sexaginta novem, in-4°, Venise, 1566 ; Orationum extraordinarium volumen i et ii, in quibus utriusque Testamenti insigniores quique loci illustrantur, in-4°, Venise, 1567. Un grand nombre de ces ouvrages furent publiés après la mort de leur auteur par les soins de Benoit Guidi, religieux de la congrégation du Mont-Cassin. — Voir Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament (1685), p. 320, 443 ; Histoire critique des versions du Nouveau Testament (1690), p. 144 ; Dupin r Histoire des auteurs ecclésiastiques du xvt s siècle, de 1550 à 1600 (1703), p. 60 ; Armellini, Bibliotheca Benedictino - Cassinensis, part. Il (1732), p. 49 ; Ziegelbauer, Historia rei litter. Ordinis S. Benedicti, t. iii, p. 344, 347 ; t. iv, p. 11, 15, 48 ; Ughelli, Italia sacra (1717), t. i, p. 712 ; Tiraboschi, Storia délia lett. ital. (1823), t. vii, p. 504.

B. Heurtebize.

1. CLARKE Adam, théologien wesleyen, né vers 1762 à Moybey, dans le comté de Londonderry, en Angleterre, mort du choléra le 26 août 1832. Il devint méthodiste en 1778, et se rendit célèbre comme prédicaleur populaire. Depuis 1805, il habita ordinairement Londres ou son voisinage. Il étudia les classiques anciens, les écrivains orientaux et les Pères de l’Eglise et publia divers ouvrages. En 1805, il donna une nouvelle édition de la traduction anglaise par Farneworth des Mœurs des Israélites de Fleury. De 1810 à 1826, il fit paraître à Londres, en 8 volumes in-4° et in-8°, son œuvre la plus importante, The Holy Bible, with a Commentary and critical notes (nouvelle édition, 6 in-8°, 1851), qu’il s’efforça de rendre en même temps scientifique et populaire, et qui lui valut une grande réputation, quoiqu’il y soutint plusieurs opinions singulières, par exemple que le serpent qui tenta Eve était un babouin. En 1820, il publia Clavis Biblica, or a Compendium of Biblical knowledge, in-S", Londres, 1820. — Voir An Account of the Infancy, Religious and Literary Life of Adam Clarke, by a member of his family, 3 in-8°, Londres, 1833.

2. CLARKE Samuel, dont on écrit aussi le nom Clark, commentateur non conformiste anglais, né à Shotwich, près de Chester, le 12 novembre 1626, mort à High Wycombe le 24 février 1701. Il consacra sa vie presque entière à annoter la Bible. Son travail parut sous le titre : The Old and New Testaments with Annotations and parallel Scriptures, iu-f°, Londres, 1690 ; 1760 : Glasgow, 1765. Ses notes sont remarquables par leur concision. On a aussi de lui : An Abridgment of the historical Parts of the Old and New Testaments, in-12, Londres, 1690 ; À Survey of the Bible or an Analytical Account of the Holy Scriptures by chapter and verse, in-4°, Londres, 1693 ; À Brief Concordance of the Holy Scriptures, in-12, Londres, 1696 ; An Exercitation concerning the original of the chapters and verses in the Bible, in-8°, Londres, 1698 ; The Divine Authority of the Scriptures asserted (en réponse à Richard Simon et autres), in-8°, Londres, 1699. Il étend l’inspiration aux pointsvoyelles du texte hébreu et à la division des versets. Voir L. Stephen, Dictionary of national Biography, t. x, . 1887, p. 412.

    1. CLAROMONTANUS##

CLAROMONTANUS (CODEX). Ce manuscrit

appartient au groupe des manuscrits bilingues, grécolatins, du Nouveau Testament, dont il a été question déjà t. i, col. 1233, 1769, 1826. Le Claromontanus, qui contient seulement les Épitres paulines, est à la Bibliothèque Nationale de Paris, où il porte le n° 107 du fonds grec, après avoir porté le n° 2245 de la Bibliothèque du Roi. On le désigne dans l’appareil critique des Épitres paulines par la lettre D pour le grec, et d pour le latin. Il est écrit à pleine page, le grec sur la page gauche, le latin sur la page droite, comme dans le Codex Bezse, Je grec et le latin se faisant vis-à-vis verset par verset. Le parchemin, d’une extrême finesse, est partagé en quaternions, et le manuscrit compte 533 feuillets, chaque page 21 lignes ; la dimension de chaque feuillet est de 246 millimètres sur 190. Tant dans le grec que dans le latin, le texte est divisé en stiques ou versets. Mais les mots ne sont pas séparés dans l’intérieur du verset : ni accents, ni esprits, ni ponctuation autre que la ponctuation finale du verset. Les initiales sont saillantes en marge, sans décor et seulement un peu plus grandes que les lettres du texte. Les trois premiers versets de chaque épître sont écrits à l’encre rouge, ainsi que les citations de l’Ancien Testament. L’écriture est onciale : on la date du VIe siècle. Mais le texte a subi maintes corrections, Tischendorf distingue jusqu’à dix mains différentes et de diverses époques, depuis la fin du vie siècle jusqu’à la Renaissance, qui ont surchargé le texte premier et que l’on désigne par les sigles D>>, D", D**’, D"’, D"*, d*", etc. Voyez C. R. Gregory, Prolegomena ad N. T. Tischendorf, Leipzig, 1884, p. 419-422. Le fac-similé ci-joint {fig 287) contient Rom., vii, 4-7.

Le manuscrit renferme les Épitres paulines, il ne présente que quelques rares lacunes accidentes : Rom., i, 1-7 ; le feuillet 6, contenant Rom., i, 27-30, a été rétabli par D b (vie siècle). Les feuillets 162-163 sont palimpsestes, et G. Hermann, en 1821, y a lu un fragment du Phaëlon d’Euripide, écriture du Ve siècle. Le texte de î’Épître aux Hébreux est précédé (fol. 467-468) de la plus ancienne stichométrie des livres de la Bible que nous possédions : c’est un catalogue des livres canoniques, avec l’indication pour chacun du nombre de stiques qu’il compte. One édition spéciale de ce catalogue a été donnée par M. Zahn, Geschichte des Neutestamentliehen Kanons, t. ii, Leipzig, 1890, p. 157-172 ; le texte de Zahn est reproduit par M. Preuschen, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 142-144. Ce catalogue est de grande importance pour l’histoire du canon : M. Zahn pense qu’il n’est pas propre à notre manuscrit, qu’il a été à l’origine rédigé en grec, vraisemblablement dans le cercle de l’Église alexandrine, et enfin qu’il est antérieur à saint Athanase, sans qu’il puisse facilement être plus ancien que le milieu du ni" siècle. Voyez A. Harnack, Geschichte des altchristlichen LiUeratur, . I, Leipzig, 1893, p. 451. Toutefois il convient de noter que l’hypothèse de M. Zahn, conjecturant que ce texte est traduit du grec, n’est pas solidement motivée. Voyez les objections de M. Jùlicher, Theologische Litteraturzeilung, 1891, p. 221.

Le Codex Claromontanus fut légué à la Bibliothèque du Roi par les frères Jacques et Pierre Dupuy, bibliothécaires de ladite bibliothèque, avant la mort du premier (1656) ; il avait été la propriété de leur père, Claude Dupuy. Au xvie siècle, Thédore de Bèze avait utilisé le Claromontanus pour son édition du Nouveau Testament grec de 1582, et il déclare l’avoir trouvé dans le monastère de Clermont, au diocèse de Beauvais, in Claromontano apud Bellovacos cœnobio repertum. D’autre part, le manuscrit oncial qui porte le sigle E dans l’appareil critique des Épitres paulines et qui est un manuscrit grécolatin, copié en Occident au IXe siècle, le Sangervianensis, aujourd’hui à Saint-Pétersbourg Csesareus 20 est une copie immédiate de notre Claromontanus, voyez

Grégory, ouvr. cit., p. 423 : le Claromontanus était donc dès le IXe siècle en Occident. Le correcteur D*** du Claromontanus est du commencement du IXe siècle ; il a mis au grec les accents et les esprits, et a revisé tout le texte grec ; mais la renaissance carolingienne a eu ses hellénistes. On a montré qu’il existait une étroite parenté entre VAugiensis et le Bœrnerianus, tous deux dépendant probablement d’un même archétype que l’on pourra appeler X ; on a montré aussi que ce manuscrit X et notre Claromontanus devaient dépendre d’un archétype commun ou Z, que ce manuscrit Z avait pour auteur un Latin et représentait une édition gréco-latine des Épitres paulines, laquelle n’avait pas compris Î’Épître aux Hébreux, conforme en cela au canon que représente l’Ambrosiaster, apparentée à la tradition textuelle latine que représentent et Y Ambrosiaster et Victorinus, conforme en somme à l’état du texte des Épitres paulines en Italie et plus particulièrement à Rome vers le temps du pape Damase ; et qu’enfin cette édition gréco-latine des Épitres paulines ne devait pas être antérieure au commencement du Ve siècle. Voir P. Corssen, Epistularum paulinarum codices grsece et latine script. Augien. Bœmerian. Claromontan. examin. inter se compar. ad communem originem revoc, Kiel, 1887-1889. L’ingénieuse construction de M. Corssen a été vivement attaquée. M. Samuel Berger toutefois incline à l’admettre, pour cette raison que le texte latin qui avait place dans cette édition bilingue « était, autant que nous en pouvons juger, un texte italien », que le Codex Laudianus des Actes des Apôtres, un autre manuscrit bilingue, provient au moins indirectement de Sardaigne. Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 115. Quoi qu’il en puisse être, on tient que le texte latin du Codex Claromontanus est un texte de la Bible latine antérieure à saint Jérôme, que ce texte a été adapté au grec qui lui fait vis-à-vis ; quant au grec, il est un remarquable représentant de la tradition textuelle que l’on appelle occidentale. Le Claromontanus a été utilisé par Bèze au xvie siècle, par Jean Morin et par Walton au xviie, collationné par Wetstein en 1715, publié quant au latin par Sabatier en 1751, étudié par Montfaucon et Griesbach au xviii siècle, publié intégralement par Tischendorf en 1852 : Codex Claromontanus slve epistulx Pauli omnes gr. et la.*., ex cod. Paris, celeberrimo nomine Claromontano plerumque diclo, Leipzig, 1852. P. Batiffol.

1. CLAUDE, empereur romain (fig. 288 et fig. 271, col. 708). Tibérius Claudius Drusus Néro Germanicus régna du 24 janvier 41 au 13 octobre 54. Il était fils de Néro Claudius Drusus Germanicus et d’Antonia, fille de Tibérius Claudius Néro et de Livie, qui épousa plus tard Auguste. Il était neveu de Tibère et oncle de Caliguja. Né à Lyon, le 1 er août de l’an 10 avant J.-C, il eut une enfance maladive. Méprisé par toute sa famille, il fut abandonné aux soins des affranchis et des esclaves. La carrière des honneurs lui fut fermée sous Auguste et sous Tibère ; il ne devint consul que sous Caligula. Quand Chéréas eut fait périr ce prince, le timide Claude craignit pour sa vie et se cacha. Un soldat le découvrit derrière une tapisserie, le salua empereur, et la troupe le porta en litière au camp prétorien, où la garde impériale tout entière lui prêta serment de fidélité. Pendant deux jours, il y eut contre lui une violente opposition de la part d’une partie des sénateurs qui voulaient restaurer la république et qui étaient soutenus par la garde urbaine. Mais l’intervention d’Hérode Agrippa 1° amena le sénat à reconnaître Claude. Josèphe, Ant. jud., XIX, i-iv ; Bell, jud., II, XI. En reconnaissance, le nouvel empereur ajouta au territoire qu’Agrippa gouvernait déjà la Judée et la Samarie, en sorte que le royaume d’Hérode le Grand fut reconstitué au profit de son petit-fils, qui prit le titre de roi. Josèphe, Ant. jud., XIX, v, 1 ; viii, 2 ; Bell, jud.,

II, xi, 5 ; Philon, In Flaccum, 41 ; Dion Cassius, lx, 8. Voir HénoDE 6

Agrippa I er resta toute sa vie l’ami de Claude. Il fit notamment célébrer des jeux à Césarée en l’honneur de l’empereur, et ce fut pendant la célébration de ces jeux qu’il mourut. Josèphe, Ant. jud., XIX, viii, 2. L’empereur fit châtier sévèrement les habitants de Césarée et de Sébaste, qui avaient outragé la mémoire du roi. Josèphe, Ant. jud., XIX, ix, 2. Claude donna à Hérode, frère d’Agrippa, le royaume de Chalcis, Josèphe, Ant. jud., XIX, viii, 1 ; Eckhel, Doctr. nuni., t. III, p. 492, et après la mort de son frère il le nomma gardien du Temple de Jérusalem, et lui donna le droit de nommer le grand prêtre. Josèphe, Ant. jud., XX, I, 3. À la même époque, Claude permit aux Juifs de garder dans le temple les habits pontificaux qui avaient été déposés dans la tour Antonia. Josèphe, Antiq.jud., XX, i, 1. À cause de la jeunesse d’Agrippa II, le gouvernement de la Judée lut confié à un procurateur résidant à Césarée. Josèphe, Bell, jud., II, xv, 6 ; Act., xxiii, 23 et 33 ; xxv, 1. En 4?, l’empereur donna la principauté de Chalcis à Hérode Agrippa II. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2 ; Bell, jud., II, xil, 1. En 53, il lui reprit ce domaine et lui donna en échange l’ancienne télrarchie de Philippe, que gouvernait Agrippa I er au temps de Caligula. Josèphe, Ant. jud., XX, vu, 1 ; Bell, jud., II, xii, 8. Il lui accorda en même temps le titre de roi. Act., xxv, 13 ; xxvi, 2. Voir Agrippa II. Eii conséquence, la juridiction des procurateurs fut réduite à un territoire moins étendu.

D’un caractère timide, Claude fut durant tout son règne sous la domination de ses affranchis. Antonius Félix, nommé procurateur de Judée, en 52, Act. xxiii, 24, 20 ; xxiv, 3, 22, 24-27 ; xxv, 14, était le frère de Pallas, l’un d’entre eux. Tacite, Hist., v, 9 ; Suétone, Claude, 28. Voir FÉux. Il était probablement affranchi d' Antonia, mère de Claude. Josèphe, Ant. jud., XVIII, xvi, 9. Claude se montra très bienveillant à l'égard des Juifs d’Alexandrie, si maltraités sous Caligula. Un de ses premiers actes fut de leur rendre leurs anciens privilèges et la liberté de leur culte. Josèphe, Ant. jud., XIX, v, 2. Cf. U. YVllcken, Alexandrinische Gesandtschaften von Kaiser Claudius, dans Y Hermès, t. xxx, 1895, p. 481-498 ; Th. Reinach, L’empereur Claude et les antisémites d’Alexandrie, dans la Revue des études juives, t. xxxi, 1895, p. 161-177. II favorisa de même les Juifs de toutes les provinces ; mais il prit soin, dans son édit de tolérance, de leur rappeler qu’eux-mêmes devaient respecter les usages des autres peuples. Josèphe, Ant. jud., XIX, v, 2.

La plupart des auteurs ecclésiastiques placent sous le règne de Claude, en 42, la première venue de saint Pierre à Rome. Eusèbe, H. E., ii, 14, t. XX, col. 171 ; S. Jérôme, De viris illustribus, 1, t. xxiii, col, 607. Cf. Chronic. ad ann. Christi 42, t. xxvii, col. 577 ; P. Orose, Histor., vu, 6, t. xxxi, col. 1072. Cependant Eusèbe, Chronic. ad ann. Caii Caligulx III, t. xix, col. 539, fait arriver l’apôtre à Rome dès le règne de Caligula, en l’an 40. Voir Pierre. Quoi qu’il en soit de cette date, la prédication de l'Évangile excita sous Claude une vive émotion parmi les Juifs. Il y eut des émeutes, et l’empereur chassa de Rome lin grand nombre d’entre eux, Suétone, Claude, 25, parmi

288. — Monnaie de l’empereur Claude. TI CLATJDIUS CAESAR ATJG P M TR IMP P PP. Tête de Claude l.iurée, à droite ; derrière la nuque, en contremarque : N CA PR. — ^. EX… || P… | OB CIVES II SERVATOS dans une couronne de chêne.

lesquels furent les chrétiens, ou du moins ceux qui furent connus comme tels, et notamment Aquila et Priscille. Act., xviii, 2. Voir Aquila et Priscille.

Quelques historiens ont soutenu que l’expression dont se sert Suétone pour indiquer la cause des troubles, impulsore Chresto tumultuantes, n’avait aucun rapport avec le christianisme, mais qu’il s’agissait d’un affranchi nommé Chrestos. V. Duruy, Histoire des Romains, édit. in-4°, t. iv, p. 406. Le nom de Chrestos est, en effet, très fréquent parmi les Juifs, Corpus inscript, grsec, n° 21 146 ; Levy, Epigraphische Beitrâge zur Geschichte derjuden, dans le Jarhbuch fur die Geschichte der Jùden, 1861, t. ii, p. 301-313 ; mais cette opinion est presque universellement rejetée, même par les rationalistes. P. Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 2e édit., ih-8°, Paris, 1892, p. 20 ; E. Renan, Saint Paul, in-8°, Paris, 1869, p. 99 ; E. G. Hardy, Christianily and the Roman government, in-8°, Londres, 1894, p. 56. W.Sanday et A. C. Headlam, À critical and exegetical

commentary on the Epislle to the Romans, in-8°, Edimbourg, 1896, p. xxixxii. Orose, Hist., vii, 6, t. xxxi, col. 1875, place l'édit de bannissement des Juifs à la neuvième année du règne de Claude, soit en 49 ou 50 ; il se réfère à Josèphe, qui ne dit rien à ce sujet. R. Anger, ' De temporum in Aclis Apostolorum rationc, in-8°, Leipzig, 1833, p. 118, pense aussi que l'édit n’a pu être porté tant qu’Agrippa demeura à Rome, c’est49. Quelques historiens reculent l'édit C. Goyau, Chronologie de l’empire Paris, 1891, p. 105. D’autres font re à-dire jusqu’en jusqu’en l’an 51 romain, in-16,

marquer que le fait n’est pas mentionné dans les Ilis toires de Tacite qui nous ont été conservées, et que la partie perdue des Annales contenait le récit des six premières années de cet empereur. Ils concluent de là que l'édit est antérieur à l’an 46. Voir sur cette question Tillemont, Histoire des empereurs, t. i, p. 550. D’après Dion Cassius, lx, 6, tous les Juifs n’auraient pas été expulsés, mais il aurait été interdit à ceux qui seraient demeurés de se réunir. Claude défendit aux Juifs de Jérusalem d’employer aux fortifications de la ville le tribut du didrachme, que l’on payait chaque année pour l’entretien du Temple. Josèphe, Ant. jud., XIX, vii, 2 ; xx, 1. Pendant le règne de Claude, les Juifs se révoltèrent plusieurs fois contre le gouvernement impérial ; vers 45, sous la conduite de Theudas, Josèphe, Ant. jud., XX, v, 1 ; Eusèbe, H. E., ii, 11, t. xix, col. 162 ; en 51, sous la direction d'Éléazar et d’Alexandre. Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 1-3 ; Bell, jud., II, xii, 3-7. Ces révoltes, souvent causées par les exactions des gouverneurs, Tacite, Hist., v, 9, furent réprimées avec la plus grande sévérité. Des milliers de Juifs furent massacrés, Josèphe, Ant. jud., XX. v, 3 ; Bell, jud., II, xii, 1 ; deux des fils de Judas le Gaulonite furent crucifiés. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2. Cependant dans une querelle qui eut lieu entre les Samaritains et les Juifs, Claude, sous l’iniluence d’Hérode Agrippa II, donna raison à ceux-ci et exila Cumanus, qui les avait maltraités. Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 1-3 ; vu, 1. À ces souffrances s’ajoutèrent de nombreuses famines. Act., xi, 28-30 ; Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2 ; cf. III, xv, 3 ; XX, ii, 6 ; Dion Cassius, lx, 11 ; Aurelius Victor, De Cœsaribus, 4 ; Tacite, Annal., xii, 43 ; Suétone, Claude, 18 ;

Orose, VII, vi, 11 ; R. Anger, De temporum in Actis Apostolomm ralione, in-8°, Leipzig, 1833, p. 41-49 ; Wieseler, Chronologie des aposlol. Zeitalters, in-8° Gœttingue, 1848, p. 156-161.

Claude mourut empoisonné par sa femme Agrippine. Suétone, Claude, 44 ; Tacite, Annal., xii, 66 ; Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 1 ; Bell, jud., II, xii, 8. Voir E. Schùrer, Geschichte des Jùdischen Volkes in Zeitalter Jesu Christi, t. i, in-8°, Leipzig, 1890, p. 270, 405, 420, 462, 461, 469, 474 ; t. ii, 1889, p. 508 et 530. E. Beurlier.

2. CLAUDE LYSIAS, tribun d’une cohorte romaine à Jérusalem. Act., xxiii, 26. Voir Lysias.

3. CLAUDE, évêque de Turin, né en. Espagne, mort en 839 dans sa ville épiscopale. Disciple de Félix, évêque d’Urgel, il vint dans les Gaules quelques années avant la mort de Charlemagne, et enseigna les lettres sacrées dans l’école établie par cet empereur à Aix-la-Chapelle. Il devint ensuite chapelain de Louis le Débonnaire, qui le fit nommer évêque de Turin. Afin d’enlever à ses diocésains toute occasion de rendre un culte exagéré aux images des saints, il les proscrivit d’une façon absolue, allant jusqu’à faire disparaître des églises la figure de la Croix. Dans son zèle, il blâmait les pèlerinages aux tombeaux des Apôtres et le culte rendu aux saintes reliques. Il a été également accusé d’avoir professé quelques-unes des erreurs d’Arius et de Nestorius. Claude de Turin a commenté un grand nombre de livres de la Sainte Écriture ; mais une faible partie seulement de ses travaux a été publiée. Au t. xiv de la Bibliotheca maxima Patrum se trouve son Enarratio in Epistolam D. Pauli ad Galatas. Mabillon, dans ses Vêlera Analecta, in-f°, Paris, 1723, a publié Prsefatio in libros Informalionum litterse et spiritus super Leviticum, ainsi que la Prsefatio Exposilionis in Epistolam ad Ephesios. Chrysostome Trombelli, dans son ouvrage Bedæ et Claudii Taurinensis itemque aliorum veterum Patrum opuscula, in-4°, Bologne, 1755, a édité ses commentaires sur les livres des Rois. Le savant Mai, dans sa Scriptorum veterum nova collectio, t. vii, p. 274, a publié Prologus in commenlarios ad Pauli Apostoli Epistolas, et dans son Spicilegium romanum, au t. iv, la Prsefatio in Catenam super sanctum Matthseum, et au t. ix, VExpositio Epistolae ad Philemonem. Migne a reproduit, au t. civ de sa Patrologie latine, tous ces ouvrages ou fragments d’ouvrages cie Claude de Turin. — Voir Histoire littéraire de la France, t. iv, p. 223 ; Antonio, Bibliotheca hispana vêtus, t. i (1788), p. 458 ; Ughelli, Italia sacra, t. iv (1719), col. 1025 ; Tiraboschi, Storia délia lett. italiana (1823),

t. iii, p. 303.
B. Heurtebize.

4. CLAUDE DE MONTMARTRE, carme, naquit sur la colline de Montmartre, à Paris, fut docteur en théologie et professeur au collège des Carmes de la place Maubert, puis vicaire général de la congrégation d’Albi, et enfin prieur de Paris, en 1544. On a de lui In Apocalypsim enarrationes, in-16, Paris, 1549.

F. Benoit. CLAUDIA (KXauêia), chrétienne de Rome de la part de laquelle saint Paul salue Timothée. Il Tim., IV, 21. Elle est nommée par l’Apôtre en même temps que Pudens. Or on sait par une épigramme de Martial, iv, 13, sur le mariage de Pudens, que la femme de ce dernier s’appelait Claudia ; on a donc supposé que Claudia était la femme de Pudens, ce qui est possible. Voir Pudens. On a supposé de plus qu’elle était originaire delà Grande-Bretagne et fille du roi Cogidubnus, allié de Rome. Tacite, Agricola, 14. Sur ces conjectures, voir Williams, On Pudens and Claudia, Londres, 1848 ; Alford, The Greek Testament, Excurs., t. iii, Proleg-, p. 104 ; Acta sanctorum, t. îv maii, p. 296. — D’après quelques-uns, Claudia

serait la femme de Ponce Pilate, à laquelle on attribue le nom de Claudia Procula ou Procla ; mais c’est une hypothèse sans fondement.

CLEF (hébreu : maftêa’, du verbe pâta’, « ouvrir ; » Septante :-x).ê{ ; , de x>.ei’m, « fermer ; » Vulgate : clavis), instrument qui sert à faire mouvoir la pièce mobile d’une serrure ou pêne, pour obtenir l’ouverture ou la fermeture d’une porte.

I. Les clefs dans l’antiquité. — Les clefs des anciens étaient des instruments assez rudimentaires, en bois, en bronze ou en quelque autre métal, au moyen desquels on faisait avancer dans un sens ou dans l’autre un verrou intérieur. Ce verrou se composait le plus souvent d’une barre de bois retenue derrière la porte par d’autres pièces de bois solidement fixées à la porte même, mais entaillées de telle sorte que le verrou pouvait s’y mouvoir pour entrer dans une gâche ou en sortir. De bonne heure on chercha à faire jouer du dehors le verrou intérieur. On adapta au verrou une espèce de poignée, et, par un trou pratiqué dans la porte, on faisait pénétrer soit une tige en bois recourbé, soit un crochet de métal en forme de faucille, qui atteignait la poignée du verrou et le poussait dans un sens ou dans l’autre. Ensuite, on pratiqua dans le verrou des dentelures ou bien on le pourvut de chevilles saillantes que la clef recourbée accrochait. Le mouvement imprimé à cette clef avait ainsi pour effet de faire glisser peu à peu le verrou vers la gâche ou hors de la gâche. Cf. Loquet, Aperçu historique de la serrurerie, Rouen, 1886, p. 10. La serrure dite égyptienne, restée encore en usage sans avoir subi grande modification depuis l’antiquité, réclamait une clef de forme autre que celle d’un crochet. Pour comprendre le jeu de cette clef, il faut se faire une idée exacte de la serrure de l’époque. Celle-ci se compose de trois pièces.

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289. — Serrure égyptienne.

principales (fig. 289). La première, AB, est un morceau de bois massif qui est fixé à la porte de manière à faire corpsavec elle. Au préalable, ce morceau de bois a été creusé en forme de rainure dans toute sa longueur, CB. À la partie supérieure de cette rainure, on a pratiqué intérieurement des trous cylindriques, qui cependant ne traversent pas la pièce de bois de part en part. Ces trous n’ont d’ouverture qu’à l’intérieur de la rainure, et on lesa ménagés en nombre plus ou moins grand à deux endroits, DE. Une petite cheville de bois peut être logéedans chacun d’eux sans frottement. La seconde pièce, FG, constitue le pêne ; elle est faite pour se mouvoir aisément dans la rainure CB de la première pièce. Elle est percée, à sa partie supérieure, de trous qui correspondent exactement aux trous DE de cette dernière. Quand ces trous H sont amenés au-dessous des trous E, les chevilles tombent, mais ne traversent pas FG de part en part, parce que les ; trous H ont à leur base une forme conique dont le dia

mètre est moindre que celui des chevilles. Si le pêne est amené dans une position telle que H soit au-dessous de E, son extrémité G se trouve engagée dans la gâche N, et la porte est fermée. Si, au contraire, H est amené au-dessous de D, c’est l’extrémité F qui dépasse en C, et la porte peut s’ouvrir. La troisième pièce, KL, n’est autre que la clef. Elle est munie à son extrémité de chevilles fixes M qui peuvent pénétrer dans les trous H par leur partie inférieure et affleurer à la surface supérieure du pêne, FG. Veut-on ouvrir ou fermer, le pêne étant placé une fois pour toutes dans la rainure CB ? On introduit la clef KL da119 la partie creuse I du pêne, jusqu’à ce que les chevilles fixes M rencontrent les trous H ; on soulève alors la clef, les chevilles fixes M font remonter en D ou

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291. — Clef romaine. D’après Pitt-Hlvera, On the development of primitive locks, pi. iii, fig. 246.

en bronze. On l’ouvrait avec une clef plate qui manœuvrait horizontalement de droite à gauche et réciproquement, d’une façon analogue à la serrure égyptienne. Voir A. H. de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine, in-12, Paris (1876), n » s 84-85, p. 56-57. — Ces sortes de serrures et de clefs se retrouvent encore actuel lement en Palestine. Elles sont généralement en bois. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, in-4°, Paris, 1884, p. 352

— Les anciens se servaient aussi de clefs en métal, qui au lieu d’être à peu près droites comme les clefs de bois affectaient une forme plus ou moins recourbée et se termi’naient en anneau à l’extrémité que manœuvrait la main. Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, Londres, 1878, t. ii, p. 112, reproduit le dessin d’une clef de métal qu’il croit égyptienne. P. Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Paris, 1875, p. 133, pense, au contraire, que cette clef est plutôt d’origine grecque ; il regarde comme <i plus que douteux que les Égyptiens DICT. DE LA. BIBLE.

200. — Clef et serrure de la porte de Sour-Bahar. Musée judaïque du Louvre.

en E les chevilles mobiles, et à l’aide de la clef on pousse ou on tire le pêne avec facilité. Ce système permet de laisser la serrure à l’extérieur de la porte, et personne ne pourra ouvrir ni fermer sans la clef, d’autant plus que les trous sont en nombre variable et occupent une situation différente pour chaque serrure. À l’intérieur, on ferme au moyen de barres. Voir t. i, col. 1468. Le Musée judaïque du Louvre possède une porte monolithe qui fermait l’entrée d’un sépulcre situé prés du village de Sour-Bahar, sur la route de Jérusalem à Bethléhem. La serrure (fig. 290) en est bien conservée. Elle est

aient jamais fait usage des serrures ». Les Romains coudèrent la partie de la clef qui portait les dénis (fig. 291). Pitt-Rivers, On the development of primitive locks, Londres, 1863, pi. iii, fig. 24 1 >. On employa aussi plus tard des serrures à clefs tournantes. Ces dernières, en bronze ou en fer, avaient un panneton découpé et un anneau ; elles ressemblaient par conséquent aux nôtres. La Bible ne fait guère allusion qu’à des clefs d’un genre primitif. IL Les clefs dans la Bible. — 1° Au sens littéral. — La plus ancienne mention que les auteurs sacrés fassent de ces instruments se trouve dans le livre des Juges, m-, 25. Aou vient de tuer Églon, et les serviteurs de ce dernier attendent à la porte en pensant que leur maîlre dort. À la fin, « voyant que personne n’ouvre, ils prennent la clef, ouvrent et trouvent leur maître gisant sans vie. i> L’habitalion d’Églon avait une porte de derrière par la 292. — Saint Pierre portant la clef symbolique.

ÏIETPOT AIIO2T0AOT. Chapelle copte de Sebûc.

D’après Lepsius, Denkmiiler, Abth. iii, Bl. 181.

quelle Aod s’était enfui. Les serviteurs possédaient la clef de la porte principale et pouvaient ouvrir du dehors. Il est donc probable que leur clef appartenait au système des clefs de bois à chevilles fixes. — Des lévites, « préposés à la clef, » I Par., ix, 27 (hébreu), avaient la fonction d’ouvrir le Temple chaque matin. Cette clef était de métal, comme probablement la serrure et la porte elle-même.

— Dans le Cantique, v, 5 (hébreu), il est question d’une sorte de verrou ou de loquet, man’ûl, placé à l’intérieur, mais qu’on pouvait ouvrir du dehors en passant la main par un trou ménagé dans la porte. Il ne paraît pas qu’une clef ait été nécessaire pour faire mouvoir ce loquet.

2° Au sens métaphorique. — La clef des maisons royales et des édifices importants n’était confiée qu’à des hommes éprouvés. Ceux-ci devinrent bientôt des dignitaires, et chez les Grecs, le nom de y.XTiSoù^o ; , « porte-clefs, » fut même synonyme de prêtre et de protecteur céleste. Euripide, Iphig. Taur., 132 ; Aristophane, Fest. Cer., 1142 ; Plutarque, Moral., 591 b. La clef fut portée comme insigne de commandement, et Callimaque, Hymn. Cer., 45, représente Cérès comme ayant une clef y. « Taiu.âB[av, « suspendue à l’épaule. » — Dans les auteurs sacrés, la clef symbolise également la puissance. D’après Isaie, xxii, 22, le Messie « recevra sur son épaule la clef de la maison de

II. - 26

803

CLEF — CLÉMENT D’ALEXANDRIE

804,

David. Il ouvrira, et personne ne fermera ; il fermera, et personne n’ouvrira ». Cf. Is., IX, 6 (hébreu, 5). La maison de David représente ici l’Église et ensuite le ciel, dans lesquels le Bédempteur a seul le droit de faire entrer les âmes par la vertu de sa croix. Il porte cette clef sur son épaule, comme l’insigne du pouvoir qui lui est donné par le Père. Cette clef, sans laquelle on ne peut ni ouvrir ni fermer, rappelle la clef de bois, décrite plus haut, sans laquelle il est impossible de soulever les chevilles mobiles pour faire mouvoir le pêne de la serrure. Saint Jean parle aussi du Sauveur comme de celui « qui a la clef de David ; il ouvre, et personne ne ferme ; il ferme, et personne n’ouvre ». Apoc, iii, 7. Jésus-Christ a encore « les clefs de la porte du tombeau », Apoc, i, 18, parce qu’il est « la résurrection et la vie », Joa., xi, 25, pour sa propre humanité et pour tous ceux qui profitent de sa rédemption. Il transmet à saint Pierre « les clefs du royaume des cieux », Matth.. xvi, 19, et. le constitue ainsi le grand dignitaire de l’Eglise militante, avec le pouvoir d’introduire dans l’Église triomphante les âmes auxquelles il applique les mérites du Rédempteur. Les clefs sont ainsi la marque de son autorité (iig. 292). Cf. Knabenbauer, Evang. secundum Matth., in-8°, Paris, 1893, t. ii, p. 64 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 180 ; Pératé, L’archéologie chrétienne, Paris, 1892, p. 282. — Un ange a la clef du puits de l’abîme, Apoc, ix, 1 ; xx, 1, c’est-à-dire le pouvoir de déchaîner certains fléaux. Enfin Notre - Seigneur reproche aux docteurs de la loi d’avoir « pris la clef de la science, de ne pas entrer eux-mêmes et d’empêcher les autres d’entrer », Luc, xi, 52, c’est-à-dire de se réserver l’interprétation des Écritures, mais de ne pas les comprendre eux-mêmes et d’égarer leurs disciples par leur enseignement.

H. Lesêtre.

1. CLEMENT (KVfj|jLY]5), compagnon de saint Paul, qui l’appelle son « collaborateur », uuvepYÔç (Vulgate : adjutor). Phil., iv, 3. La tradition l’identifie avec le pape saint Clément. Origène, In Joa., vi, 36, t. xiv, col. 293 ; Eusèbe, H. E., iii, 4, 15, t. xx, col. 221 ; S. Jérôme, Devïr. ill., 15, t. iii, col. 631 ; S. Épiphane, Hier., xxvii, 6, t. xli, col.372 ; Const. Apost., vii, 46, t. i, col. 1053. Cf. S. Irénée, Hier., m, 3, 3, t. vii, col. 849. Cette identification est à tort contestée par un certain nombre de critiques protestants, qui voudràienten faire un chrétien de l’Église dePhilippes.Voir J. Ellicott, St. Paul’s Epistle to the Philippians, 4e édit., in-8°, Londres, 1875, p. 90. — Saint Clément fut le second ou le troisième successeur dé saint Pierre sur le siège de Rome, et mourut martyr sous l’empereur Trajan. L. Duchesne, Liber pontificalis, 2 in-4°, Paris, 1890-1892, t. j, p. cclx, 123-124 ; cf. p. lxxi, xgi, 118-119. Il écrivit vers 95 une lettre célèbre à l’Église de Corinthe. Elle nous fournit des renseignements précieux sur le Canon des Écritures (col. 144, 167). La seconde Épître publiée sous son nom est en réalité une homélie d’un auteur inconnu de la première partie du IIe siècle. Toute la littérature pseudoclémentine, Homélies, Récognitions, Epitome de Gestis S. Pétri, est une œuvre apocryphe et romanesque. Sur la part que put avoir saint Clément dans la rédaction de l’Épitre aux Hébreux, voir Eusèbe, H. E., VI, 25, t. xx, col. 584-585 ; Canon, col. 172.

2. CLÉMENT D’ALEXANDRIE. On sait peu de chose de la vie de cet écrivain (Eusèbe, H. E., vi, 13, 1, t. xx, col. 546-550), qui florissait dans la seconde moitié du H » siècle, de 191 à 212 ou 220 selon les uns, de 186 à 217 suivant d’autres. Les prénoms de Titus Flavius, qu’on lui donne parfois, semblent provenir d’une confusion avec le martyr saint Clément, parent de Vespasien. Athènes et Alexandrie en Egypte se disputent l’honneur d’avoir donné le jour à Clément. Ses parents étaient païens ; mais lui-même se convertit, jeune encore, à la foi du Christ. Vers 195, il reçut le sacerdoce à Alexandrie et succéda à Pantène dans la direction de la fameuse école des caté chèses de cette ville. Parmi les plus célèbres de ses disciples on compte Origène et saint Alexandre, évêque de Jérusalem. Vers 202, lors de la persécution de Sévère, Clément s’enfuit d’Alexandrie et se retira en Cappadoce. Depuis lors il n’est plus fait mention de lui dans l’histoire que deux fois : la première en 211, date à laquelle saint. Alexandre de Jérusalem lui confia une lettre pour l’Église d’Antioche, qui venait d’élire évêque Asclépiade ; la seconde fois en 215 ou 216, quand le même Alexandre, dans une lettre à Origène (Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 554), fait allusion à Clément, mais comme s’il était déjà’mort.

En fait d’ouvrages proprement dits sur l’Écriture Sainte, on connaît de Clément d’Alexandrie : 1° une dissertation aujourd’hui perdue et signalée uniquement par un passage de l’Historia Lausiaca, c. 139 (Migne, Patr. gr., t. xxxiv, col. 1236) : enjyjpanna e’t ; tov itpoç’/ir/iv’Anwç ; 2° les Hypoiyposes, ’Ttiotutcwssiç (Patr. gr., t. IX, col. 729-740) ; 3° les èxXoyil èx tûv 7tpo9 ?)-uxwv (col. 697698). Des Hypotyposes il reste seulement quelques fragments en grec et une partie assez notable d’une version latine de cet ouvrage, sous ce titre : Adumbrationes démentis Alexandrini in Epistolas canonicas. Les vingt-huit fragments grecs ont été recueillis par Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des neutestamentlichen Kanons, Erlangen, 1884, t. iii, p. 64-78. Cf. Ad. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. i, p. 303-305. Le texte latin des Adumbrationes imprimé dans la plupart des anciennes collections patristiques a été naguère publié d’après les exigences de la critique par Th. Zahn, op. cit., t. iii, p. 79-103, et dans l’ouvrage cité d’Ad. Harnack, p. 306-307, on trouvera de nombreuses variantes à cette édition. Lesextraits peu nombreux qui restent des Hypotyposes permettent cependant de se faire une idée du caractère de, cet ouvrage. Photius, Cod. 109, Patr. gr., t. ciii, col. 382, l’avait décrit de la manière suivante : Ai |ikv ouv ûto-cu7cto<TEt ; ôtaXa[j.êàvoufꝟ. 7tept pY]-côW Ttvwv-ri) ; te 7caXaïaç xal. véaç Ypacpîiç, wv xai xepaXaiwSûç (ï> ; 8rj6sv èi^-piciv te xal Jp(jw)ve£av îroteftas. Définition un peu vague : les hypotyposes ne sont d’aucune façon un commentaire proprement dit de la Bible, ce sont plutôt des scolies sur certains passages choisis. On a longtemps hésité à croire que ; Clément fût l’auteur des ÈxXova’i é-I. tûv TipoçiqTtxûv : l’opinion de Th. Zahn, op. cit., t. iii, p. 127, qui en fait unepartie du livre vm des Slromates, semble aujourd’hui prévaloir. Cf. J. Ab. Araim, De octavo démentis Stroniateorum libro, Rostock, 1894, et G. Krùger, Grundriss der theologischen Wissenschaft, Abth. 93, p. 104. Toutefois d’autres critiques voient dans les èxXo-fai un extrait : des Hypotyposes. Bardenhewer, Patrologie, Fribourgen-Brisgau, 1894, p. 144.

Il ne faut pas restreindre à ces fragments des œuvresbibliques proprement dites de Clément d’Alexandrie toute l’importance qui revient à ses travaux pour l’étude de l’Écriture. Ses trois ouvrages principaux, le Discours aux Grecs, Aôyoç 71poTpe7CTixô ; itpb ; "EXXriva ;  ; le Pédagogue, natSayu-fôç, et surtout les Stromates, STpû|iata, font à la Bible une large place. Nous citeronsentre autres les passages Strom., l, 1, t. viii, col. 697 (cf. Westcott, À gênerai Survey of the Canon of the-New Testament, 6= édit., 1889, p. 344), et Strom., i, 21, t. viii, col. 819-890 (cf. P. de Lagarde, Septuagintastudien, dans les Abhandlungen der Gesellsch. der Wissensch. zu Gottingen, t. xxxvii, année 1891, p. 72 et suiv.). Ces deux passages sont surtout intéressants, le premier pour l’histoire du Canon, le second pour la chronologie biblique. L’ensemble des doctrines de Clément d’Alexandrie sur l’Écriture a été longuement développé dans les amples dissertations des PP. Le Nourry, Apparatus ad bibliothecam maximam veterum Patrum, Paris, 1703, p. 664-680, et Lumper, Historia theologicociilica, Augsbourg, 1785, part, iv, p. 142-187. C’est.

805

CLÉMENT D’ALEXANDRIE — CLÉOPHAS

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surtout pour l’histoire du Canon et la place faite dans ses œuvres aux livres apocryphes que les données de Clément ont leur importance, et l’on peut voir, principalement par le travail de Lumper, ce qu’il y a à rectifier à cet égard dans la note de M. Courdaveaux sur « les livres qui composaient pour Clément la religion écrite ». Revue de l’histoire des religions, t. xxv, année 1892, p. 299. On peut consulter sur la même question W. Hillen, Clemens Alexandrinus quid de libris sacris Novi Testamenti sibi persuaserit, Goesfeldii, 1867, in-8° ; "VVestcott, op. cit., p. 354-338, 512-520 ; P. Dausch, Der neutestam. Schriftcanon und Clemens von Alexandrien, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894 ; H. Kutter Clemens Alex, und das N. T., in-8°, Giessen, 1897 Les principes d’herméneutique de Clément d’Alexandrie, qui est, comme on le sait, l’un des principaux tenants de l’école allégorique, ont été nettement exposés par l’abbé Cognât, Clément d’Alexandrie, sa doctrine et sa polémique, Paris, 1859, p. 374-402. C’est aussi dans le même ouvrage qu’on trouvera la dissertation la plus étendue sur l’orthodoxie de Clément d’Alexandrie, p. 451467. Le zèle pour la défense y est peut-être un peu outré, car il est malaisé de défendre toutes les vues de Clément.

J. VAN DEN GHEYN.

    1. CLÉMENT DE BOISSY Athanasevlexandre##

CLÉMENT DE BOISSY Athanasevlexandre, jurisconsulte et littérateur français, né à Créteil le 16 septembre 1716, mort à Sainte-Palaye le 22 août 1793, fut conseiller à la chambre des comptes. Parmi ses écrits nous devons citer : Abrégé et concorde des livres de la Sagesse, in-12, Auxerre, 1767 ; Abrégé de l’Ancien et du Nouveau Testament, 2 in-12, Paris, 1788 ; Manuel des Saintes Écritures, 3 in-12, Paris, 1789. Ces deux derniers ouvrages furent publiés sous le pseudonyme de M. Pontenay. — Voir Quéraid, La France littéraire, t. n (1828), p. 225. B. Heuktebize.

    1. CLEO PATRE##

CLEO PATRE (K), E071àTpx, « [née] d’un père illustre » ), nom grec de femme, qu’on rencontre déjà dans Homère, lliad., ix, 556, et qui a été rendu célèbre par plusieurs reines et princesses égyptiennes qui l’ont porté dans les familles des Séleucides et des Ptolémées. L’Écriture fait allusion à Cléopâtre, fille d’Antiochus III, et nomme une reine d’Egypte de ce nom, ainsi qu’une reine de Syrie.

1. CLÉOPÂTRE, première du nom, reine d’Egypte, fille d’Antiochus III le Grand, épousa, en 193 avant J.-C, Ptolémée V Épiphane. Elle n’est pas nommée par son nom dans l’Écriture ; mais Daniel, xi, 17, fait allusion à son mariage, que son père fit faire par politique, espérant en tirer profit. La nouvelle reine préféra les intérêts de son époux à ceux de son père. Voir t. i, col. 690.

2. CLÉOPÂTRE, reine d’Egypte, nommée avec un Ptolémée, roi d’Egypte, dans la partie grecque du livre d’Esther, xi, 1, pour marquer la date de l’année où Dosithée apporta en Egypte « la lettre des phurim », c’est-à-dire probablement la traduction grecque du livre d’Esther. L’identification de cette Cléopâtre n’est pas sans difficulté, parce que quatre Ptolémées, Ptolémée V Épiphane (204-181), Ptolémée VI Philométor (181-170), Ptolémée VII Physcon (170-117) et Ptolémée VIII Soter II ou Lathyre (117-107 ; 89-81) eurent tous pour femme une Cléopâtre. On admet cependant presque universellement que c’est de Ptolémée VI Philométor qu’il est question dans ce verset. Cf. Josèphe, Cont, Apion., II, v. Sa femme Cléopâtre était la seconde du nom, la fille de Cléopâtre I re et la petite-fille d’Antiochus III, par conséquent sa propre sœur. Justin, xxxviii, 8, 9 ; xxxix, 1, 2 ; Tite-Live, Ep., 59.

F. Vigouroux.

3. CLÉOPÂTRE, fille de Ptolémée VI Philométor et

de sa sœur Cléopâtre IV. Elle épousa d’abord Alexandre I er

Balas (fig. 293). Jonathas assista à son mariage. I Mach.,

x, 57-58 ; Josèphe, Ant.jud., XIII, iv, 1, 5. Voir Alexandre

Balas. Ptolémée VI Philométor, qui s’était brouillé avec son gendre, dont il craignait les complots, promit à Démétrius II Nicator, roi de Syrie, dont il recherchait l’alliance, de lui donner la main de Cléopâtre, et la lui donna en effet. I Mach., xi, 9-12 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 7. Ce prince, fait prisonnier par les Parlhes, fut bien traité par eux, et épousa Rodogune, fille de Mithridate Arsacès VI. Cléopâtre ne put lui pardonner cet outrage. Elle épousa Antiochus VII Sidétès. Démétrius remonta sur le trône après avoir battu et tué Antiochus,

293. — Monnaie d’Alexandre I" Balas et de Cléopâtre. son épouse.

Bustes accolés de Cléopâtre Théa, voiléje et diadémée, et d’Alexandre Balas diadème, a droite. — ï$. BASIAEQS AAESANAPOY. Corne d’abondance remplie de fleurs et de fruits et ceinte du diadème royal.

puis il fut lui-même défait de nouveau par Ptolémée Physcon et Alexandre Zebina. Cléopâtre refusa de lui ouvrir la ville de Ptolémaïde. Suivant Justin, xxxix, 1, et Josèphe, Ant. jud., XIII, IX, 3, Démétrius se dirigea vers Tyr et fut tué au moment où il cherchait à s’embarquer. D’après Appien, Syriac., 68, et Tite-Live, Epit. lx, ce fut Cléopâtre elle-même qui le fit assassiner. Elle fit également mettre à mort Séleucus, l’un de leurs deux fils, qui essaya de prendre possession du trône sans son aveu. Appien, Syriac., 69 ; Justin, xxxix, 1. Elle établit sur le trône leur autre fils, Antiochus VIII Grypus

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294. — Monnaie de Cléopâtre et de son flls Antiochus VIII Srygas.

Têtes accolées de Cléopâtre et d’Antiochus YIII, fi droite. — iij. BASIAEQS ANT10XOT [BASIAISSJHS KAEO11ATPAS. Aigle debost, à gauche. Dans le champ, MK. 2IIT.

(fig. 294). Mais comme ce prince ne lui laissait pas un pouvoir suffisant à son gré, elle tenta de l’empoisonner à son tour. Grypus en eut le soupçon et obligea sa mère à boire la première à la coupe qu’elle lui offrait. C’est ainsi qu’elle mourut. Justin, xxxix, 2. E. Beurlier.

    1. CLEOPHAS##

CLEOPHAS, nom, dans la Vulgate, d’un ou de deux personnages du Nouveau Testament, dont le nom est différemment écrit dans le texte grec.

1. CLÉOPHAS (K).EÔ7ta ?), un des deux disciples à qui apparut Notre-Seigneur lorsqu’ils se rendaient à Emmaùs, le jour de Pâques. Luc, xxiv, 18. Son nom, d’après un assez grand nombre dexégètes, est une contraction de IO.eôica-rpo ; , « [né] d’un père illustre, » comme Antipas de’AvTÎiraTpoç, et par conséquent grec. Certains interprètes ont pensé qu’il était le même que le Cléophas de Joa., xix, 25 ; mais comme ce dernier est appelé KXonrâç, nom qui paraît dérivé d’une racine araméenne, cette iden

lifieation est rejetée par un grand nombre. On ne sait rien d’ailleurs de précis sur Cléophas. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 186 et 187 ; saint Jérôme, Epist. cviii, 8, t. xxii, col. 883, supposent qu’il était d’Emmaùs-Nicopolis. De là on a conclu qu’il retournait chez lui avec son compagnon lorsque Jésus les rejoignit sur la route d’Emmaûs et qu’il reçut lo Sauveur dans sa propre maison, qui fut depuis transformée en église. Le martyrologe romain fait mention de saint Cléophas le 25 septembre. Voir Acta sanctorum, t. vu septembris, p. 5-10.

2. CLÉOPHAS (Kî.wTiâ :  ; ), personnage nommé Joa., xix, 25, pour distinguer « Marie de Cléophas », Mapiàjji » ! toû KXuità, de Marie, mère de Jésus, et de Marie Magdeleine, nommées dans le même verset. On interprète presque universellement « Marie de Cléophas » par Marie, femme de Cléophas, quoique quelques interprètes aient soutenu qu’il fallait sous-entendre « sœur » au lieu de « femme ». Eusèbe, H. E., iii, 11, t. xx, col. 245-247, rapporte, d’après Hégésippe, que ce Cléophas était frère de saint Joseph et père de Simon, second évêque de Jérusalem. Un grand nombre de critiques croient que Cléophas est le même qu’Alphée, père de l’apôtre saint Jacques le Mineur, et que Cléophas et Alphée ne sont qu’une transcription grecque différente du même nom araméen ; d’autres en font deux personnes distinctes. Voir Alphée, t. i, col. 418-419. F. Vigouroux.

    1. CLERC##

CLERC (LE), CLERICUS. Voir Le Clerc (Jean).

    1. CLIFFORD William##

CLIFFORD William, théologien catholique anglais, né à Irnham, dans le comté de Lincoln, le 24 décembre 1823, mort à Bath le 14 août 1893. Après avoir fait ses premières études à Hodder Place et à Stonyhurst, en Angleterre, il entra au collège ecclésiastique des nobles à Rome. Le 25 août 1850, il fut ordonné prêtre à Clifton, dont il devait devenir évêque en 1857. Il est connu par une explication particulière du premier chapitre de la Genèse, exposée dans The Days of the week and the works of Création (Dublin Review, avril 1881, p. 311332)..D’après lui, le prologue delà Genèse n’est qu’un chant liturgique des Hébreux, sans caractère historique et scientifique. Sa théorie a eu peu de partisans. Elle suscita de nombreuses contradictions, et il s’efforça de répondre aux difficultés qu’on lui opposait dans The Days of création, some further considérations (Dublin Review, avril 1883, p. 397-417). — Voir C. Looten, M> r Clifford, dans la Revue de Lille, octobre 1893, t. viii, p. 570-580 ; P. de Foville, Les jours de la semaine et les œuvres de la création, in-8°, Bruxelles, 1882 ; Id., Encore les jours de la création, in-8°, Bruxelles, 1884. F. Vigouroux.

CLIMAT de Palestine. Voir Palestine.

    1. CLOCHETTE##

CLOCHETTE (hébreu : pa’âmôn ; Septante : y.wfioov ; Vulgate : tintinnabulum), instrument creux, en métal, qui résonne quand il est frappé par un battant suspendu à l’intérieur. Il n’en est question sûrement dans l’Écriture qu’à propos de la tunique du grand prêtre ; peut-être en est-il fait aussi mention dans le prophète Zacharie sous le nom de mesillôt. — 1° Dieu ordonna à Moïse de placer au bas de la tunique (rne’îl) du grand prêtre des clochettes d’or, alternées avec des grenades. Exod., xxviii, 33, 34 ; xxxix, 24. « [Dieu], dit l’auteur de l’Ecclésiastique, xlv, 10-11, a donné [à Aaron] la robe qui descend jusqu’aux pieds, … et il l’a entourée d’un grand nombre de sonnettes d’or, pour faire du bruit dans sa marche et faire entendre ce bruit dans le Temple comme un avertissement pour les fils de son peuple. » Cf. Exod., xxviii, 35. Ces clochettes devaient avoir à peu près la même forme que celles d’aujourd’hui. On en a retrouvé en Egypte

S 95. — Clochette

égyptienne.

British Muséum.

qui ont peut-être la même forme que celles de la robe du grand prêtre. Nous en reproduisons ici une qui est conservée au British Muséum (fig. 295). Cf. V. Ancessi, L’Egypte et Moïse, in-8°, Paris, 1875, p. 85. M. de Morgan a exhumé à Dahchour en 1894 (fig. 296) une clochette gréco-romaine. J. de Morgan, Fouilles à Dahchour, in-4°, Vienne, 1895, fig. 103, p. 46. Il en existait aussi en Assyrie. M. Layaid, A’tneveh and Babylon, î8A, p. 1877, a découvert à Nimroud, renfermées dans une chaudière, quatre - vingts clochettes en bronze, avec un battant en fer. Elles sont conservéesaujourd’hui au British Muséum (fig. 297). Leur dimension varie de 50 à 75 millimètres de hauteur et de 25 à 50 millimètres de diamètre. — Le nombre des clochettes de la tunique du grand prêtre était de trois cent soixante-six, d’après Clément d’Alexandrie, Strorn., v, 6, t. ix, col. 64 ; de soixante-douze, d’après les rabbins. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, B" édit., 1848, p. 406. Certains commentateurs, à la suite de Josèphe, Bell, jud., V, v, 7, ont cherché un sens symbolique aux clochettes de la tunique du grand prêtre ; mais, d’après le texte sacré lui-même,

Exod., xxviii, 35 ; Eccli.,

xlv, 10, elles avaient pour

but d’avertir les fidèles (cf.

Luc, i, 9, 21), de la même

manière que l’Église se sert

aujourd’hui de la sonnette

pendant la célébration des

offices. Voir J. de Blavignac,

La Cloche, in-8°, Genève,

1877, p. 309-313.

2° D’après certains com mentateurs, le prophète Za charie, xiv, 20, fait mention

des sonnettes qu’on attachait

au cou des chevaux : « En ce

temps-là, dit-il, il sera [écrit]

sur les mesillôt des chevaux : Consacré à Jéhovah, » c’est-à-dire, dans le nouveau royaume de Dieu, tout sera consacré au culte de Dieu, et l’inscription qu’on lisait sur la lame d’or placée sur le front du grand prêtre, Exod., xxviii, 36, on la lira désormais jusque sur les mesillôt

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296. — Clochette trouvée

dans les fouilles de Dahchour.

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297. — Clochettes assyriennes. British Muséum.

des chevaux. Saint Jérôme, à la suite des Septante, a traduit ce mot hébreu par « frein » ; mais il reconnaît lui-même, Comrn. in Zach., xiv, 20, t. xxv, col. 1539, que cette signification est loin d’être certaine, et l’on s’expliquerait difficilement qu’on plaçât une inscription sur le frein. Aussi admet-on communément aujourd’hui que les mesillôt sont des ornements mis au cou du cheval, c’est-à-dire, d’après les uns, des sonnettes ou grelots ; d’après d’autres, des plaques métalliques pouvant faire l’office de sonnailles. Pour les sonnettes, voir J. Doughtey, qui a réuni dans ses Analecta sacra, 183, in-12, Londres,

1668, p. 496-498, les passages des auteurs grecs et latins où il est fait mention de cet usage. Il est certain que les Grecs suspendaient des clochettes au cou de leurs chevaux. Diodore de Sicile, xviii, 27, 5, rapporte qu’aux funérailles d’Alexandre le Grand, chaque mule avait une clochette d’or. Un bas-relief de Persépolis (fig. 298) représente un chameau avec une sonnette. Voir aussi fig. 180, col. 524. La forme de la sonnette se prête toutefois moins

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298. — Bas-relief de Persépolis.

D’après Flandin et Coste, Voyage en Perse, pi. 108.

bien que celle d’une lame plate de métal à une inscription. Il est donc assez vraisemblable qu’il s’agit d’ornements de métal, comme les iaharônîm de Jud., viii, 21 ; Is., iii, 18, qui s’entrechoquaient quand les chevaux étaient en marche. Jahn, Biblische Archâologie, n° 96. Le mot mesillôÇ dérive du verbe salai, « résonner », comme mesiltayim, qui signifie « les cymbales » et a une forme duelle parce que les cymbales se composent de deux bassins.

3° De petites clochettes servaient autrefois comme aujourd’hui de parure aux femmes ; mais, quoique certains auteurs aient vu une allusion à cet usage, Is., iii, 16, il n’en est fait aucune mention certaine dans l’Écriture.

J. Parisot.

    1. CLORIVIÈRE##

CLORIVIÈRE (Pierre Joseph Picot de), jésuite français, né à Saint-Malo le 29 juin 1735, mort à Paris le 9 janvier 1820. Il entra dans la Compagnie de Jésus le 14 août 1756. Après la suppression de l’ordre en France, il reçut la prêtrise et devint curé de Paramé, près de Saint-Malo. Il fut emprisonné sous la Terreur, et de nouveau pendant le consulat de Napoléon. En 1814, il rentra dans la Compagnie, rétablie par Pie VII, et devint provincial de France. Il a laissé : Explication des Épîtres de saint Pierre, 3 in-12, Paris, 1809 ; 2 in-12, Lyon et Paris, 1861. On conserve encore de lui les manuscrits suivants : Explication du Cantique des cantiques ; Explication littérale du texte de l’Apocalypse ; Analyse de l’Apocalypse ; Explication du discours de la Cène.

C. SOMMERVOGEL.

CLOU (hébreu : vâv, yâtêd, masmerîm, maimerôt ; Septante : ï)), o ; , 71àaca).o ;  ; Vulgate : clavus, cselatura, paxillus, palus).

I. Le clou en général. — 1° Le vâv est un clou de métal. Il n’en est question que dans l’Exode, à propos des clous d’or qui doivent soutenir le voile devant l’arche, Exod., xxvi, 32, 37 ; xxxvi, 36, 38, et des clous d’argent fixés aux colonnes du parvis. Exod., xxvii, 10, 11, 17 ; xxxviii, 10, 11, 12, 17, 19, 28. — 2° Le yâtêd, du radical arabe yâtad, « fixer solidement, » est la cheville de bois ou de métal que l’on enfonce dans la terre ou dans un mur pour y assujettir les objets. Tels sont les clous de bronze qui servent à fixer le tabernacle au moyen de

cordages, Exod., xxvii, 19 ; xxxv, 18 ; xxxviii, 20, 31 ; xxxix, 40 ; Num., iii, 37 ; iv, 32, et les chevilles qui maintiennent sur le sol les tentes ordinaires. Is., liv, 2 ; Eccli. xiv, 25. Ces chevilles étaient en bois dur et résistant ; on n’aurait pu les fabriquer avec de la vigne. Ezech., xv, 3. On les enfonçait aussi dans le mur, entre deux pierres, pour y accrocher les objets. Eccli., xxvii, 2. On employait le yâfed dans certains cas pour creuser un trou dans la terre. Deut., xxiii, 13. C’est avec un de ces clous que Jahel transperça la tête de Sisara, Jud., iv, 21, 22 ; v, 26, et qu’ensuite Dalila fixa Samson sur le sol par sa chevelure. Jud., xvi, 13, 14. — Comme le clou assure la sta — bilité de la tente, il devient au figuré le symbole du secours divin qui maintient le peuple de Dieu à sa place. Le Messie sera planté comme un clou dans un lieu inébranlable, Is., xxii, 23 ; Zach., x, 4, tandis que les clous d’autrefois, c’est-à-dire les secours humains, seront arrachés et cassés. Is., xxii, 25. Le clou de Sion ne sera plus enlevé, Is., xxxiii, 20, après la restauration messianique. Au retour de l’exil, les Juifs supplient Dieu de leur accorder <x un clou dans le lieu saint », c’est-à-dire un séjour assuré près du temple du Seigneur. I Esdr., IX, 8. — 3° Les masmerîm et les maimerôt ne sont nommés qu’au pluriel. D’après le radical sâmar, s faire saillie en pointe, » ce sont les clous pointus en métal. David avait préparé du fer afin qu’on fabriquât des clous de cette sorte pour les portes du Temple. I Par., xxii, 3. Salomon fit exécuter pour le Saint des saints des masmerîm en or du poids de cinquante sicles chacun, soit d’environ sept cent dix grammes. II Par., iii, 9. Lui-même compare les paroles des sages à des maimerôt solidement plantés. Eccle., xii, 11. Enfin, c’est avec des clous qu’on fixait en place

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299. — Clous assyriens.

D’après Place, Ninive et l’Assyrie, t. iii, pi. 74.

les idoles. Is., xli, 7 ; Jer., x, 4. Voir (fig. 299) des clous de bronze assyriens d’après Place, Ninive et l’Assyrie, Paris, 1867, t. iii, pi. 74.

II. Les clous de la Croix du Sauveur. — Ils ne sont nommés qu’une fois. Joa., XX, 25. Il y en avait probablement quatre. S. Ambroise, De obitu Theod., 47, 49, t. xvi, col. 1401, 1403 ; Rufin, H. E., i, 8, t. xxi, .çol. 477 ; Théodoret, H. E., i, 17, t. lxxxii, col. 960 ; S. Grégoire de Tours, De gloria martyr., 6, t. lxxi, col. 710. Un seul clou pour les deux pieds superposés n’eût pu être enfoncé qu’avec une extrême difficulté, et les os eussent été infailliblement brisés. L’usage était d’ailleurs, chez les Romains, de clouer les deux pieds séparément. « Deux fois on fixera les pieds et deux fois les mains, » dit Plaute en parlant du supplice de la croix. Mostellaria, II, i, 13. Cf. Curtius, De clavis dominicis, in-8°, Anvers, 1670, p. 34. Les clous du Sauveur étaient assez gros. Ils devaient soutenir le divin patient sans trop déchirer ses membres, et la blessure qu’ils lui firent fut

assez large pour qu’on eût pu y introduire le doigt. Joa., xx, 27. Après la descente de la croix, les quatre clous furent enfouis avec l’instrument du supplice. Sainte Hélène les retrouva en même temps que la croix. Avec l’un deux, elle fit faire un mors pour le cheval de son fils Constantin (conservé aujourd’hui à Carpentras), et avec un autre une sorte de cercle pour son casque. Ce cercle

i % a 4

300. — Clous de la Croix du Sauveur. Reliques conservées 1. à Venise ; — 2. à Sainte-Croix-de-Jérusalem, à Rome ; — 3. a Trêves ; — 4. à Florence, couvent degïi Angioll ; — 5. 4 Arras ; — 6. à Venise ; — 7. à Colle ; — 8. a Sienne ; — 9. à Rome, Santa Maria in Campitolli ; — 10. à Notre-Dame de Paris. — Demi - grandeur des originaux. — D’après Rohault de Fleury, Mémoire sur les instrumenta de la Passion, pi. xvl, xvii et xx.

est, croit-on, enclavé dans la couronne de fer qui se conserve actuellement à Monza. Sainte Hélène jeta un troisième clou dans la mer Adriatique pour apaiser une tempête ; mais peut-être ne fit-elle que l’y plonger. Aujourd’hui on vénère des saints clous dans un bon nombre de villes (Sg. 300). Pour expliquer cette multiplicité, il n’y a pas lieu de supposer que les différentes pièces de la croix aient été assujetties entre elles par des clous de

i fer. Des chevilles de bois ont été certainement employées I dans ce but, le fer n’étant pas assez commun alors i pour qu’on s’en servît quand on pouvait faire autrement. Mais, dans la suite des temps, des parcelles, et de la limaille furent détachés des clous authentiques et insérées dans des fac-similé. On connaît trente-deux de ces clous, dont un à Notre-Dame de Paris (fig. 300, n° 10), deux à Rome, trois à Venise, un à Trêves, complété par celui de Toul. « On doit admettre que celui [qui est conservé à la basilique de Sainte -Croixde -Jérusalem ] de Rome vient de Constantin ; mais, d’après sa figure, ce pouvait être un des modèles fabriqués avec des parcelles de vrais clous. Celui de Paris pourrait être dans le même cas. » Rohault de Fleury, Instruments de la passion, Paris, 1870, p. 181 ; cf. F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques

modernes, 2e édit., 1896’, p. 182-183.
H. Lesêtre.
    1. CNIDE##

CNIDE (grec : KvîBoç ; Vulgate : Gntdus), ville de Carie. Elle est mentionnée, à l’époque des Machabées, parmi les villes à qui fut envoyée la lettre des Romains

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301. — Monnaie de Cnide.

Tête de Vénus, à droite. — iî|. KNIAIQN. La Fortune debout,

à gauche, tenant une corne d’abondance et un gouvernail.

annonçant qu’ils prenaient le peuple juif sous leur protection. I Mach., xv, 23. Elle faisait alors partie de l’empire des Séleucides, ainsi que toute la Carie. Voir Carie. Quand saint Paul fut envoyé à Rome par Festus, le navire sur lequel il fut embarqué à Myre essaya de s’abriter à Cnide contre le mauvais temps ; mais il ne put y parvenir, parce que la pointe de la presqu’île sur laquelle se trouve cette lie remonte subitement vers le nord et par conséquent livre passage au vent violent qui balaye l’archipel. Act., xxvii, 7. Voir fig. 80, t. ii, col. 280. Cnide faisait alors partie de la province romaine d’Asie. La ville de Cnide était située à l’extrémité occidentale d’une presqu’île qui ferme au sud le golfe Céramique. Elle avait deux ports, dont un facile à fermer, et un arsenal muni de cale pour navires. Une île située en avant de la ville était reliée à la presqu’île par un double môle et protégeait les deux ports. Strabqn, XIV, ii, 15. D’après Pausanias, VIII, xxx, 2, et V, xxiv, 7, un canal étroit recouvert d’un pont avait été laissé entre les deux ports. Le double port existe encore aujourd’hui. Fr. Beaufort. Karamania, in-8°, Londres, 1817, p. 81. L’île était habitée, mais la ville proprement dite se trouvait sur la presqu’île. C’est là qu’on a trouvé de nombreuses ruines. Les quais antiques subsistent encore, ainsi que les murs. Les uns et les autres sont bâtis à l’aide d’énormes pierres. W. J. Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres, 1842, t. ii, p. 39 ; cf. l’édition allemande ; Reisen in Kleinasien, revue par Kiepert, in-8°, Leipzig, 1843, p. 38 (lig. 302).

L’extrémité occidentale de la péninsule Cnidienne portait dans l’antiquité le nom de Triopium Promontorium, Hérodote, i, 174 ; Thucydide, viii, 35 ; Scylax, Peripl., 99 ; elle se nomme aujourd’hui le cap Crio. Le territoire de la cité s’étendait probablement à l’est jusqu’à Bubassus, c’est-à-dire au fond du golfe de Symé. Cnide était une colonie dorienne. Hérodote, i, 144 ; Pausanias, X, xi, 1. Les Cnidiens furent de bonne heure en relations commerciales avec l’Egypte. Hérodote, ii, 178. Ils essayèrent de résister à Cyrus, mais ils furent vaincus et « 13

CNIDE — COA

814

soumis à l’empire de Perse. Hérodote, i, 174. Après avoir fait partie de la confédération détienne, ils abandonnèrent les Athéniens à la suite des désastres de Sicile. Thucydide, viii, 35, 42-44. Après le partage de l’empire d’Alexandre, ils furent soumis aux Séleucides. Us secondèrent les Romains dans la guerre que ceux-ci firent à Antiochus III le Grand, Tite-Live, xxxvii, 16, et après la conquête ils furent englobés dans la province d’Asie ; mais leur ville reçut les privilèges attachés au titre de civiias libéra. Pline, H. N., v, 104.

Les sciences et les arts furent en honneur à Cnide. Pline, H. N., xxxvi, 20-22. Son école de médecine était très renommée. Revue archéologique, nouv. sér., t. xi, p. 260. Une partie des peintures de Polygnote, qui ornait la galerie de Delphes appelée Lesché, avaient été rpayées par les Cnidiens ; ils avaient offert aussi à ce sanc 1. COA (hébreu : miqvéh ; Septante : Kovs ; Vulgate : Coa), localité mentionnée dans III Reg., x, 28, et II Par., i, 16, selon la Vulgate, comme ayant fourni des chevaux à Salomon concurremment avec l’Egypte. Les Septante ont vu également à cet endroit un nom géographique, qu’ils ont rendu par Ko-jé, devenu suivant les textes’Exoué et QexouÊ ou KwS ; au contraire, le texte hébreu donne à ce mot des voyelles différentes, le joint à la lettre formative D, mem, qui indique l’origine, et lit migvéh, nom commun ayant généralement le sens de « réunion, assemblage », et, aux deux endroits indiqués, « caravane [de marchands et de chevaux]. » i, vav, sert, en effet, à écrire soit la consonne v, soit la voyelle ô ; mais la phrase devient alors obscure et irrégulière, appliquant le mot migvéh d’abord aux marchands dont le nom est exprimé, puis aux chevaux dont le nom est sous-entendu.

Echelle :

— 1 50p mètres

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302. — Péninsule de Cnide.

1. Temple corinthien. — 2. Portique dorique. — 3. Terrasse. — 4. Temple corinthien. — S. Ruines doriques. e.Euines corinthiennes. — 7. Pont. — 8. Temple. — 9. Théâtre.— 10. Colonnade dorique.

tuaire et à celui d’Olympie un certain nombre de statues. Pausanias, V, xxiv, 7 ; X, xi, 1 ; xxv, 1. On connaît aussi la fameuse statue de la Vénus de Cnide, œuvre de Praxitèle, qui est représentée sur plusieurs monnaies de cette ville, et dont il existe des répliques au musée du Vatican et au musée de Munich. A. Baumeister, Denkmâler des classischen Altertwms, in-4°, Munich, 1888, p. 1402-1405 ; P. Paris, La sculpture antique, in-8°, " Paris, 1889, p. 272-275. On venait de loin pour voir ce chef-d’œuvre. Pline, H.N., xxxvi, 20. Le mathématicien et astronome Eudoxe, le médecin et historien Ctésias, le géographe Agatharchide, étaient originaires de Cnide. Strabon, XIV, ii, 15.

Bibliographie. — Voir les ouvrages cités au mot Carie, et, en plus, Fr. Beaufort, Karamania, in-8°, Londres, 1817, p. 76-77 ; Texier, Asie Mineure, dans l’Univers pittoresque, p. 369-641 ; C. T. Newton, Papers respecting the excavations at Budrum, with further papers respecting the excavations at Budrum and Cnidus, Londres, in-f°, 1858-1859 ; À history of discoveries at Halicarnassus, Knidos and Branchidx, 2 in-8°, Londres, 1862-1863. E. Beurlier.

Kimchi proposait pour migvéh le sens de fil de liii, et Bochart celui de tribut, péage ; mais ce sont des traductions absolument gratuites. L’explication des Septante et de saint Jérôme est donc la seule soutenable.

— La situation de Coa est inconnue : en tout cas, ce n’était vraisemblablement pas une localité au nord ou à l’est de la Palestine, et par conséquent ce n’était pas la Coa d’Ezéchiel ( voir Coa 2), puisque les princes héthéens et araméens recevaient par l’intermédiaire de Salomon les chevaux de Coa. Elle ne pouvait donc être située qu’en Arabie ou en Afrique. On a proposé Coa de l’Arabie Heureuse. Ptolémée, vi, 17 ; Michoe de la Troglodyte, Pline, vi, 34 ; Ku, dans l’intérieur de l’Afrique. Voir Calmet, Comm. litt., Rois, Paris, 1721, t. ii, p. 199 ; Keil, Die Bûcher der Kônige, in-8°, Leipzig, 1876, p. 131 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 362 ; Bochart, Chanaan, 1681, 1. i, c. 7. Cf. Hierozoic, t. i, 1. ii, c. 9, édit. Rosenmûller, 1793, p. 136 ; Michælis, Mosaisches Recht, 1797, part, ni, p. 332.

2. COA (hébreu : qôa’; Septante : â-/cvi), nation ou S1E

COA — COCHENILLE

816

localité mentionnée dans Ézéchiel, xxiii, 23, avec Soa’et Pekôd comme alliée des Babyloniens et des Chaldéens au moment de l’invasion de la Judée et de la prise de Jérusalem. La Vulgate a traduit ces. noms géographiques par des noms communs, et spécialement Coa par principes. L’ancien traducteur grec Aquila avait fait de même, et beaucoup d’interprètes modernes les suivent encore. Les Septante ont traduit ir/o-j ; , parce qu’ils ont transcrit en tête de ce mot le vav de l’hébreu, qui équivaut à la conjonction et. — On retrouve fréquemment, dans les textes cunéiformes assyriens, les noms ethniques Pukudu, Sutu et Kutu, rapprochés l’un de l’autre, comme dans le texte d’Ézéchiel ; le second perd même souvent sa désinence féminine tu, et il est croyable que le troisième la pouvait perdre également. (Cf. ûikla-t[u] en assyrien, devenu en hébreu Hiddékél, « le Tigre, » ) Sutu et Kutu sont généralement mentionnés soit à côté de la Babylonie, soit à côté du pays d’Élam, dont ils sont les alliés. Il est évident qu’ils devaient être situés dans le voisinage de ces deux pays, par conséquent dans la partie orientale de la Mésopotamiej vers le sud de l’Assyrie. DeUtzsch les place avec grande vraisemblance sur la rive est du Tigre, au sud du Zab inférieur, jusque vers la frontière élamite, Coa au nord, et Soa au sud. — Le pays de Kutu paraît aussi dans les textes cunéiformes sous les formes Gutu, et Gutium, apparemment le pays de Goïm, mentionné dans le texte hébreu de la Genèse, et traduit dans la Vulgate par gentium, Gen. xiv, .l. Il est remarquable que le roi de ce pays, Thadal, apparaît précisément comme allié de celui de Larsa en Babylonie et de celui d’Élam : c’est le même groupement que dans les textes cunéiformes et dans celui d’Ézéchiel. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? Leipzig, 1881, p. 233-236 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform inscriptions and the Old Testament, Londres, 1888, t. ii, p. 120 ; Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, Giessen, 1878, p. 171, 294, 451, 473 ; Galmet, Commentaire littéral, Ezéchiel, Paris, 1715, p. 224 ; Keil, Ezéchiel, 1868, p. 202 ; Rosenmùller, Ezéchiel,

1826, t. ii, p. 39.
E. Pannier.
    1. COBBIN Jugram##

COBBIN Jugram, ministre indépendant anglais, né à Londres en décembre 1777, mort le 10 mars 1851. Après avoir rempli diverses fonctions pastorales, il se retira, en 1828, à Camberwell, et consacra les dernières années de sa vie à la composition de divers ouvrages, parmi lesquels se trouvent : Child’s Commentator, 7 in-18, nouvelle édition en un volume, en 1851 ; une édition d’Albert Barnes’s Exposition of the New Testament, 9 in-12, Londres, 1853 ; Condensed Commentary on the Bible, in-8° et in-4°, Londres, 1837, 1839, etc. ; The Domestic Bible, in-8°, Londres, 1849, 1852.Voir L. Stephen, Dictkmary of national Biography, t. xi, 1887, p. 145.

    1. COCCEIUS Jean##

COCCEIUS Jean, nom latinisé de Cox, théologien protestant hollandais, né à Brème en 1603, mort à Leyde le 4 novembre 1669. Ses premières études achevées, il se rendit à l’université de Franeker, d’où il revint enseigner la langue hébraïque dans sa ville natale. En 1636, il obtint une chaire à Franeker, et, en 1650, fut nommé prolesseur de théologie à Leyde. Ses œuvres, qui sont considérables, furent publiées à Amsterdam, 12 in-f°, 1701. Elles renferment des commentaires sur presque tous les livres de la Bible. En opposition à Grotius, Cocceius considérait le sens littéral de l’Écriture comme entièrement subordonné au sens spirituel et mystique. D’après lui, tout dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament se rapporte à l’alliance de Dieu avec les hommes. La Jérusalem céleste décrite par saint Jean dans l’Apocalypse représente l’Église glorieuse sur la terre, et non celle qui doit triompher dans le ciel. Gocceius exposa son système dans un ouvrage intitulé Sunima doctrinx de fœdere et iestamento Dei, in-8°, Leyde, 1661, qui eut plusieurs éditions. Ses disciples, qui se recrutèrent sur tout parmi les théologiens hollandais, reçurent le nom de Coccéiens. On a aussi de lui : Lexicon et commentarius sermonis hebraici et chaldaici Veteris Testamenti hebraice ; accedunt interpretatio vocum germanica, belgica ac grseca ex LXX interpretibus, in-f°, Amsterdam, 1669. — Voir G. W. Meyer, Geschichte der Exégèse

(1804), t. iii, p. 103.
B. Heurtebize.

COCHENILLE. Hébreu : tôW, {ôlê’âh ou tôla’at, « ver, » sâni, « cramoisi ; » fôla’at sâni, « ver à cramoisi, » et Sâni tôla’af, « cramoisi de ver ; » karmil ; Septante : y.ôxxo ; , x6xxivov, çotvixouv ; Vulgate : coccus, coccinum, vermiculus, croceum.

1. Nature et propriétés de la. cochenille. — 1° Son histoire naturelle. — La cochenille, le coccus des naturalistes, est un insecte hémiptère homoptère, c’est-à-dire

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303. — Cochenille (Coccus iZi’cis).

à quatre ailes ayant partout la même consistance. Elleappartient à la famille des gallinsectes, petits êtres qui déterminent des galles ou excroissances sur les feuilles ; . des arbres. Le mâle seul possède des ailes et s’en sert avec activité. La femelle, deux fois plus grosse que le mâle, a de petites pattes qui lui servent à s’accrocher sur la plante, et là, elle demeure absolument immobile et se nourrit sur place. Un peu avant la ponte, elle sécrètfr une matière cotonneuse, y dépose ses œufs au-dessous de son corps et meurt ensuite. Son corps se dessèche, la paroi abdominale prend peu à peu une forme concave qui la rapproche du dos de l’animal, et les larves se développent à l’abri de cette coque. La cochenille desséchée, puis réduite en poudre, fournit une matière colorantfr rouge. C’est au moment où la femelle va effectuer sa ponte que cette substance est le plus abondante. L’immobilité de la cochenille l’a fait prendre autrefois pour une simple galle, Pline, H. N., xvi, 12, et on l’a longtemps appelée « graine d’écaiiate ». Il existe plusieurs espèces de cochenilles. Le coccus cacti, importé du Mexique seulement au xvie siècle, fournit depuis lors la plus grande partie de la teinture de cochenille. L’animal vit sur le nopal. On en a acclimaté sur les côtes de la Méditerranée, et on en cultive actuellement en Palestine, notamment à Naplouse. Tristram, The natural history of the Bible r Londres, 1889, p. 319. Le coccus polonicus ne vient guère que dans l’Ukraine et les pays assez froids. Le coccus lacca, qui détermine l’exsudation de la laque, vit sur différentes espèces de figuiers des Indes. Le coccus manniparus fait exsuder par sa piqûre sur le tamaris mannifera une substance sucrée dans laquelle certains auteurs ont prétendu trouver la manne des Hébreux au désert.

Voir Manne. Enfin le coccus ilicis (fig. 303), le seul dont parle la Bible, vit sur un chêne, le quercus coccifera, très commun en Syrie. La femelle de cette cochenille est d’une couleur rouge sombre ; elle a à peu près la grosseur d’un noyau de cerise, mais se recoquille quand on la dessèche et se réduit au volume d’un grain de froment.

2° La cochenille dans l’antiquité. — Le coccus ilicis a été connu dès les temps les plus reculés. Il est appelé en sanscrit kirmi ou karmi, en arabe kermès, en arménien karmir, en persan qirmiz, nom qui est passé en hébreu sous la forme karmil, qu’on ne trouve qu’au second livre des Paralipomènes, et qui a donné carmesinum en bas - latin, « carmin » et « cramoisi » en français. Au (ôlâ’hébreu, qui parfois ne désigne que le « ver » en général, correspond, au contraire, le vermiculus de la Vulgate, d’où nous sont venus « vermeil » et « vermillon ». Les anciens tiraient de la cochenille une couleur rouge assez vive. Isaïe, lxiii, 1, semble faire allusion à cette couleur et l’appelle hâmûs, « aiguë, » de même que les Grecs la nommèrent y_pûioi J5 - J. Josèphe, Ant.jud., III, vii, 8, dans son explication symbolique des couleurs, dit qu’elle représentait le feu. Pline, H. N., xxi, 22, lui attribue l’éclat de la rose. Le kermès des anciens n’était ni le carmin, découvert seulement au moyen âge, quand on apprit à traiter la cochenille par l’alun, ni l’écarlate proprement dite, d’une préparation assez compliquée. Cf. Rosenmûller, Scholia in Exodum, Leipzig, 1783, p. 576. C’était un cramoisi tirant légèrement sur le violet, d’une teinte moins vive et moins belle, mais plus solide que celle du coccus cacti. On l’emploie encore, même dans nos ateliers, pour la teinture des coiffures rouges si estimées des Arabes et des Turcs. Guinet, .ies couleurs, Paris, 1889, p. 141, 142. Le coccus ilicis a dû être autrefois très commun en Palestine, où il abonde encore aujourd’hui. Les Hébreux le connaissaient dès l’époque patriarcale, Gen., xxxviii, 27, et ils continuèrent à se servir en Egypte d’étoffes « cramoisies », que les Bédouins du désert leur apportaient de Syrie ou d’Arabie, ou pour la préparation desquelles ils leur fournissaient le kermès. Cf. Ebers, Aeqypten und die Bûcher Moses, Leipzig, 1868, t. i, p. 292. Mais c’étaient surtout les Phéniciens qui préparaient en grand les tissus cramoisis destinés à l’exportation. Aussi appelaiton cette couleur « phénicienne » aussi bien que la pourpre. Bâhr, Symbolik des mosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, t. i, p. 309-310. Les Hébreux employèrent les étoffes cramoisies en assez grande quantité pour la décoration du Tabernacle et du sanctuaire, pendant leur voyage au désert. La Bible appelle ces étoffes du nom même de la teinture, fôla’at Sdnî, ou simplement de l’un ou l’autre de ces deux noms. Dans plusieurs passages de l’Exode, les anciennes versions traduisent ces mots comme si sâni venait de sânâh, qui veut dire « redoubler », Septante : xôxxivov SmXoûv, « cramoisi double, » Exod., xxxv, 6 ; Aquila, ôi’Saçov, « deux fois teint ; » Vulgate : coccus bis tinctus, Exod., xxvi, 1, 31. Aucun auteur ancien ne parle de cette double teinture au kermès. Pline, H. N., ix, 65, ne mentionne la teinture de kermès que superposée à celle de pourpre. D’ailleurs les versions ne traduisent pas toujours tôla’at sâni de la même manière. Les Septante remplacent fréquemment 8171X0ÙV par x ; xXto<T|jivov, « filé, » vev/]<r(ji£vov et ôtavevïja-jjivov, qui ont le même. sens. Aquila traduit par êtobopov, qui peut signifier soit « différent », probablement dans le sens de « double », soit aussi « excellent ». Enfin la Vulgate met très souvent vermiculus, Exod., xxxv, 25, 37, etc., à la place de coccus bis tinctus. Cf. S. Jérôme, Ep. lxiv, ad Fabiolam, 18, t. xxii, col. 617. Le mot sâni doit être rattaché à une autre racine, Sânâh, qui signifie « resplendir » en hébreu comme en arabe. L’araméen zïhôr, « cramoisi, » vient de même sorte de zâhar, « resplendir. » Le sâni est par conséquent la couleur brillante par excellence et la plus anciennement

employée dans la teinture, le rouge cramoisi. Le sens de Siêaço ; est maintenu à sâni par Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1796, t. iii, p. 525-527. Mais Gesenius, Thésaurus, p. 1452 ; Rosenmûller, Scholia, Iesaias, Leipzig, 1810, t. 1, p. 45, etc., défendent l’autre sens avec raison. La substitution de karmil, dans les Paralipomènes, à sâni du Lévitique rend ce second sens indubitable.

II. Les usages de la cochenille dans la Bible. — 1° Les rubans cramoisis. À la naissance des deux fils jumeaux de Thamar, on attache un ruban de cette couleur à la main de l’ainé pour le reconnaître, Gen., xxxviii, 27, 30. C’est à un ruban semblable, fixé à la fenêtre de Bahab, que les Hébreux reconnaissent la maison qu’ils doivent épargner à Jéricho. Jos., ii, 18, 21. Dans le Cantique, îv, 3, les lèvres de l’épouse sont comparées à un ruban de sâni. — 2° Les tentures cramoisies. On en fit grand usage dans l’aménagement du sanctuaire portatif de Moïse. On en reçut en prémices, Exod., xxxv, 6, 23, 25, 35 ; II Par., 11, 7, 14 ; on s’en servit ensuite pour confectionner les rideaux du sanctuaire et du Tabernacle, Exod., xxv, 4 ; xxvi, 1, 31, 35 ; xxvii, 16 ; xxxvi, 8, 35, 37 ; xxxvin, 18, 23 ; II Par., iii, 14, et _pour faire un tapis destiné à recouvrir la table des pains de proposition. Num., iv, 8. À Rome, on eut plus tard des tapis de luxe de cette même couleur. Horace, Satir., II, vi, 102. — 3° Les vêtements cramoisis. Les étoffes de cette couleur entraient dans la composition des vêtements du grand prêtre. Exod., xxviii, 5, 6, 8, 15, 33 ; xxxix, 1, 2, 8, 22, 28. Les vêtements cramoisis étaient réputés luxueux et solides. Jer., iv, 30 ; Apoc, xviii, 12, 16. Cf. Martial, Epigramtn., II, xxxix, 1 ; III, ii, 11 ; Suétone, Domit., 4. Saül en donnait de semblables aux filles d’Israël. II Reg., 1, 24. À l’époque de la captivité, les riches « qui étaient portés sur la tôlâ’ont embrassé le fumier », ils sont passés de l’opulence à l’extrême détresse. Lam., iv, 5. Dans l’éloge de la femme forte, il est dit qu’  « elle ne craint pas pour sa maison au temps de la neige, parce que toute sa famille est vêtue de sânîm ». Prov., xxxi, 21. Le mot sânîm est un pluriel de sâni qui se retrouve dans lsaïe, 1, 18. Le chaldéen, le syriaque et la version grecque Veneta traduisent ici par « vêtements rouges ». Le grec de la version d’Alexandrie et la Vulgate traduisent comme s’ils lisaient en hébreu senayim, « doubles » vêtements. Cette seconde leçon peut ici se défendre ; mais rien n’oblige à abandonner la première. Les vêtements cramoisis protégeaient contre le froid par leur épaisseur. Peut-être même avait-on déjà remarqué que le rouge absorbe les rayons caloriques et s’oppose à la déperdition de la chaleur animale. Cette couleur convenait par conséquent pendant l’hiver, tandis que le blanc, qui renvoie les rayons du soleil, vaut mieux en été. Aujourd’hui encore les Arabes portent des burnous qui sont blancs d’un côté et rouges de l’autre. Dans ce texte des Proverbes, les Septante se contentent de traduire l’hébreu par IvSsSuijiévot, « bien vêtus. » — 4° Les vêtements militaires. Dès les plus anciens temps, la couleur rouge fut employée dans l’habillement des soldats. Cf. Jud. viii, 26 ; Elien, Hist. var., vi, 6 ; Pollux, 1, 13 ; Valère Maxime, ii, 6. Dans Isaïe, lxiii, 2, le Messie qui combat contre ses ennemis porte un vêtement rouge. Les soldats qui marchent contre Ninive sont vêtus de (ôlâ’. Nah., 11, 4. Les soldats romains portaient une chlamyde ou paludamentum en étoffe cramoisie, teinte au kermès. Pline, H. N., xxii, 3. Ce fut une chlamyde de cette couleur, -/>.a(i-jSa xoxxwviv, que les soldats du prétoire mirent sur les épaules de Notre-Seigneur pendant sa passion. Matth., xxvii, 28. Voir Chlamyde. Deux évangélistes, il est vrai, disent que le manteau dont on se servit en cette circonstance était de pourpre. Marc, xv, 17 ; Joa., xix, 2. On a cherché à concilier les différents textes en disant que le manteau en question pouvait être ôiSxqo ; , et avoir reçu la double teinture pourpre et cramoisie dont parle Pline, H. N., ix, 65. Il est plus simple de penser avec saint Augustin, De con

sensu evang., iii, 9, 36, t. xxxiv, col. 1181, que, les deux teintes différant assez peu, saint Marc a pu sans inconvénient appeler pourpre ce qui était en réalité cramoisi. Cf. Knabenbauer, Comment, in Matlh., Paris, 1893, t. ii,

p 508.
H. Lesêtre.
    1. COCHER##

COCHER (hébreu : rakkâb ; Septante : tjviV/o ;  ; Vulgate : auriga), conducteur d’un char. Quoiqu’il soit souvent question de chars dans l’Écriture, il n’est parlé explicitement de cocher que I (III) Reg., xxii, 34, et II Par., xviii, 33. Dans ces deux passages, le roi d’Israël Achab, mortellement blessé, dit à son cocher de l’éloigner du champ de bataille. — La Vulgate nomme deux autres fois le cocher, IV Reg., ii, 12, et xiii, 14. Lorsque Élie est enlevé au ciel sur un char de feu, Elisée lui dit : « Mon père, mon père, vous qui êtes le char d’Israël et son cocher, auriga. » Joas, roi d’Israël, adresse ces mêmes paroles à Elisée mourant. Le texte hébreu, II Reg., ii, 12, et xii, 14, porte aux deux endroits pârâsâv, « ses cavaliers, » îmceù ; ctùxoù ont traduit les Septante ; c’est-à-dire, de même que les chars de guerre et les cavaliers étaient la force et la défense du royaume d’Israël, Élie et Elisée le protégeaient et le défendaient contre ses ennemis. Théodoret, Interrog. nu in IV Reg., t. lxxx, col. 749.

COCHON. Voir Porc.

CODEX. On désigne généralement les manuscrits par le nom de Codex, en faisant suivre ce mot du nom du lieu d’où le manuscrit est originaire. Codex Alexandrinus, Codex Sinai’icus, ou bien du lieu où il est actuellement conservé, Codex Vaticanus, ou bien du nom d’un de ses propriétaires, Codex Bezse, ou enfin de quelque autre circonstance particulière, Codex Ephrsemi rescriptus, etc. Pour tous les manuscrits, voir au mot qui les distingue les uns des autres : Alexandrinus, Sinaiticus, Vaticanus, Bez^e, Ephrsemi, etc.

    1. COOURC Philippe##

COOURC Philippe, théologien français, né à Annonay, mort à Nîmes en 1660. Appartenant à une famille protestante, il fut pasteur à Manosque et à Riez en Provence, puis professeur d’hébreu à Montpellier et à Nîmes. Ses études l’amenèrent à embrasser la foi catholique. Très versé dans la connaissance des langues orientales, il écrivit les ouvrages suivants : Les livres de Job et de Salomon, les Proverbes, VEcclésiaste et le Cantique des cantiques traduits d’hébreu en françois avec une préface sur chaque livre et des observations sur quelques lieux difficiles, in-8°, Paris, 1647 ; De genealogia Jesu Christi a SS. Mattliœo et Luca conscripta dissertatio, in-4°, Paris, 1646 ; La conciliation de saint Matthieu avec saint Luc sur la généalogie de Jésus-Christ, in-4°, Paris, 1650 ; Clavis politicse, id est libri Salomonis qui dicitur Ecclesiastes versio nova ex hebrseo : cuni brevi in illum commentario, in-4°, Paris, 1657 ; Annotationes in Epistolam ad Hebræos (c. ix, ꝟ. 16, 17 et 18), in-4°, Paris, 1646. Ce dernier travail fut attaqué par Henri Guisard, ministre du Vigan, qui publia contre Codurc : Vindictes testamentariae seu dissertationes cujusdam in ix cap. Epistolse ad Hebrseos a Ph. Codurco concinnatse confutatio, in-8°, Genève, 1656.

— Voir Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques

du xvii* siècle, 2e partie, p. 331.
B. Heurtebize.
    1. COËFFETEAU Guillaume##

COËFFETEAU Guillaume, théologien, né à Châteaudu-Loir, dans le Maine, en février 1589, mort à Paris en 1660. Il fil ses études à Paris et devint curé de Bagnolet. Il passa les dernières années de sa vie chez les dominicains réformés de la rue SaintHonoré, à Paris. Son neveu Jacques Hallier, qui appartenait à l’ordre de Saint -Dominique, réunit les divers ouvrages qu’il avait composés et les publia sous ce titre : Guillelmi Coeffeleau, CenomanensU presb’jteri 1 Iheoloqi Florilegiuni,

in-4°, Paris, 1667. On trouve dans ce recueil une exposition littérale et mystique d’un certain nombre de psaumes et de quelques cantiques de l’Ancien et du Nouveau Testament. — Voir B. Hauréau, Histoire littéraire

du Maine (1871), t. iii, p. 103.
B. Heurtebize.

CŒLESYRIE (t| Koftri Eupîa, « la Syrie creuse, » I Mach., x, 69 ; II Mach., iii, 5, 8 ; iv, 4 ; viii, 8 ; x, 11 ; la Vulgate, dans ce dernier passage, porte seulement Syria), nom primitivement donné par les Grecs, après la conquête d’Alexandre, à la grande et remarquable vallée qui s’étend entre les deux chaînes du Liban et de l’Anti-Liban.

I. Nom ; son extension. — Il n’est qu’incidemment cité dans l’Écriture, à propos des gouverneurs de cette province, et dans le seul livre des Machabées. I Mach., x, 69 ; II Mach., iii, 5, 8 ; iv, 4 ; viii, 8 ; x, 11. Il s’est appliqué dans la suite à des contrées avoisinantes, en sorte qu’il n’a pas toujours eu la même extension. Après avoir, dans l’origine et d’une manière très caractéristique, désigné la plaine qui sépare, comme un immense fossé, les deux montagnes parallèles, il comprit peu à peu les pays situés à l’est, principalement le territoire de Damas, V’Aram DamméSéq, la « Syrie de Damas », de l’Ancien Testament. II Reg., viii, 5, 6. Ainsi, à l’époque des Séleucides, la vallée de l’Oronte, depuis Homs (Émèse) jusqu’à la source du fleuve, la vallée de Léontès [Nahr el-Leïtani ) et la Damascène formaient la Cœlésyrie. C’est dans ce sens que les livres des Machabées prennent cette province, toujours distinguée de la Phénicie, bien qu’elles n’eussent toutes les deux qu’un seul et même gouverneur. Lorsque les Ptolémées se furent emparés d’une grande partie de la Syrie ( 192 avant J.-C), le nom en question s’étendit à toute la Syrie méridionale, y compris la Phénicie et la Palestine. « Le nom de Cœlésyrie, dit Strabon, xvi, p. 746, s’applique [en général] à toute la contrée qui s’étend depuis la Séleucide jusque vers l’Egypte et l’Arabie ; mais il désigne en particulier le pays renfermé entre le Liban et l’Anti-Liban : le reste se compose, 1° du littoral de la Phénicie, formant une lisière très étroite, depuis Orthosia jusqu’à Péluse ; 2° du pays qui, de la Phénicie, s’étend à l’intérieur entre Gaza et l’Anti-Liban, jusqu’aux Arabes : on le nomme la Judée. » Diodore de Sicile, i, 31, attribue de même Joppé (Jaffa) à la Cœlésyrie. Les Romains, après la conquête (64 avant J.-C), séparèrent la Phénicie et la Judée de la Cœlésyrie, à laquelle appartinrent cependant l’Iturée et la Trachonitide, Damas et la Décapole. Ptolémée, v, 15. Josèphe, Ant. jud., i, xi, 5, y place les Moabites et les Ammonites, et même la ville de Scythopolis (l’ancienne Bethsan, aujourd’hui Beïsan), quoique située à l’ouest du Jourdain. Ant. jud., X11I, xiii, 2. — Plusieurs auteurs ont pensé, sans raison suffisante, que la Cœlésyrie était désignée, en dehors du livre des Machabées, par « la vallée du Liban » (hébreu : biq’af hal-Lebànôn), dont il est question dans Josué, xi, 17, et par « la plaine de l’idole » (hébreu : biq’a(-’àvén), dont parle Amos, i, 5. Voir Aven, t. i, col. 1286-1288 ; Baalgad, t. i, col. 1336-1337.

II. Description. — Nous n’avons à décrire ici que la Cœlésyrie proprement dite, aujourd’hui en arabe El-Beqâ’a, « la plaine, » mot qui répond à l’hébreu Biq’àh. Pour le reste, voir Syrie de Damas. La grande vallée que bordent, comme deux immenses murailles, le Liban et l’Anti-Liban (fig. 304), s’étend dans la direction du sudouest au nord-est, sur une longueur de cent douze kilo r mètres environ, depuis le niveau d’Hasbeya au sud jusi qu’au lac de Homs au nord. À une époque fort ancienne, on croit qu’elle renfermait de grands lacs analogues à ceux de la Suisse, et dont les eaux se sont écoulées par des failles qui s’ouvrirent à la suite d’une dislocation causée par le contre-coup d’une grande commotion, due peut-être au soulèvement et aux éruptions volcaniques du Hauran et du Djaulan. Dans la partie méridionale, il

y en avait un considérable, dont les traces ont longtemps subsisté et qui s’est desséché à la suite de l’ouverture de la grande fente par laquelle le Leïtani se rend aujourd’hui à la mer. Le faîte de la plaine se trouve à peu près juste au milieu, vers Baalbek, qui est à 1176 mètres d’altitude ; elle se divise donc en deux versants, dont l’un s’incline au nord-est et l’autre au sud-ouest. De ce faîte partent les deux fleuves qui arrosent la vallée. Le premier est l’Oronte ou Nahr el-Asi, qui naît sur le flanc occidental de l’Anti-Liban, à une faible distance au nord de Baalbek. Ses premières eaux, fournies par la fonte des neiges, sont irrégulières dans leur débit ; les indigènes voient sa vraie source dans un bassin d’eau permanente, à trente-cinq kilomèlres en aval des premiers ravins. En amont de Homs, il forme un vaste lac, appelé

^SiWlUnr. Ac& ». 5 S »

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304. — Carte de la Cœlésyrie.

encore dans le pays « lac de QadèS », en souvenir de la ville célèbre autrefois, dont l’existence nous a été révélée par le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens. Voir Cédés des Héthéens. Après s’être grossi jusque-là des torrents qui descendent des deux chaînes opposées, il continue son cours dans la direction générale du nord ; puis, faisant un coude vers l’ouest, au-dessus d’Antioehe, il vient se jeter dans la Méditerranée. — Le second est le Nahr elLeïtani ou Léontès, qui naît à quelques centaines de mètres des premières eaux torrentielles de l’Oronte, mais dont la vraie source jaillit dans une gorge de l’Ànti-Liban, à vingt-cinq kilomètres environ au sud de Baalbek. Gonflé par les mille fontaines qui du Liban et de l’Anti-Liban lui envoient leurs filets d’eau, ce fleuve, qui roule en moyenne cent quarante-trois mètres cubes à la minute, semblerait devoir continuer son cours dans la direction du sud en longeant la base de l’Anti-Liban. Mais une fissure lui a permis de traverser le Liban et de se diriger vers la Méditerranée, après avoir fait un coude à angle droit du côté de l’occident. À partir du point où il entre dans cette gorge profonde de la chaîne occidentale, la plaine se rétrécit de plus en plus, tandis qu’elle s’ouvre à son extrémité septentrionale. Cf. Elisée Reclus, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 720, 725. « Le sol de la Beqâ’a est une terre d’un noir rougeâtre très riche en humus ; aussi à l’époque romaine cette contrée étaitelle un véritable grenier d’abondance. Aujour d’hui encore sa ferlilité est la même ; mais, à cause de l’incurie et de la mauvaise administration du gouvernement turc, une très petite partie seulement est cultivée convenablement. Grâce aux nombreux cours d’eau qui la sillonnent, cette plaine a le grand avantage d’être admirablement arrosée ; elle est même marécageuse dans quelques endroits. Là où le sol est travaillé à l’européenne, … elle donne de magnifiques et abondantes récoltes ; le blé, le maïs, le coton, les fèves, les lentilles, la vigne, viennent admirablement dans ces alluvions profondes. .. Cette vallée, très chaude en été, est cependant souvent froide en hiver et au printemps, à cause de sa grande élévation au-dessus de la mer. Elle est encore refroidie par les plus hautes cimes du Liban et de l’Anti-Liban, qui restent couvertes de neiges épaisses pendant une grande partie de l’année. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliv, p. 394. — La plaine est coupée par la route et le nouveau chemin de fer de Beyrouth à Damas : une autre route carrossable va de Schtôra à Baalbek. Celte dernière ville est bien la merveille de la Cœlésyrie. Voir Baalbek, t. i, col. 13261336. — Cf. Robinson, Biblical Reçearches in Palestine, 3 in-8°, Londres, ’1841, t. iii, second appendice par Eli Smith, p. 440 ; Physical Geograp/iy of the Holy Land, in-8°, Londres, 1865, p. 316.

III. Histoire. — L’histoire de la Cœlésyrie se rattache naturellement à celle de la Syrie ; il nous suffit d’indiquer ici les principaux points qui touchent plus directement l’histoire sainte. Successivement gouvernée, au moment de la conquête macédonienne, par Parménion, Andromaque et Memnon (Quinte Curce, iv, 5, 8), cette province fut plus tard une pomme de discorde entre les Lagides et les Séleucides, tour à tour attaquée, prise et reprise par les uns et par les autres. Sous Antiochus III le Grand, pendant ses guerres avec Ptolémée IV Philopator et son fils, les habitants eurent beaucoup à souffrir. Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3. Le roi de Syrie, ayant ensuite fait paix et alliance avec Ptolémée V Épiphane, lui donna sa fille Cléopâtre en mariage, avec la Cœlésyrie, la Samarie, la Judée et la Phénicie comme dot. Ant. jud., XII, iv, 1. Sous Séleucus IV Philopator, la première et la dernière de ces contrées avaient pour gouverneur Apollonius, fils de Tharsée. II Mach., iii, 5. Voir Apollonius 4, t. i, col. 777. Nous trouvons ensuite, sous le règne d’Antiochus IV Épiphane, à la tête de la même province, Ptolémée, surnommé Macer, à qui Philippe, gouverneur syrien de la Judée, demanda du secoure contre Judas Machabée, dont les exploits allaient toujours croissants. II Mach., viii, 8. Accusé plus tard auprès d’Antiochus V Eupator d’être favorable aux Juifs, il fut remplacé par Lysias. II Mach., x, 11-13. Alexandre I er Balas confia le même pouvoir à un autre Apollonius, surnommé « le Daén » par Josèphe, Ant. jud., XIII, ix, 3 ; mais celui-ci l’abandonna pour se ranger du côté de Démétrius II Nicator. I Mach., x, 69. Voir Apollonius 1, 1. 1, col. 776. — Après avoir conclu à Scythopolis (Beisân) un traité d’alliance avec Cléopâtre, mère de Ptolémée Lathyre, Alexandre Jannée, débarrassé de la crainte que lui inspirait ce dernier, conduisit ses troupes en Cœlésyrie, et commença le siège de Gadara, qui dura dix mois. Ant. jud., XIII, xiii, 2, 3. — En l’année 87 avant J.-C, Antiochus XII surnommé Dionysus réussit à s’emparer de Damas, où il prit le titre de roi ; après sa mort, les habitants offrirent le gouvernement de la province à Arétas, roi des Arabes, par haine de leur puissant voisin, Ptolémée, fils de Mennée, tétrarque de Chalcis. Ant. jud., XIII, xv, 2 ; Bell. jud., i, iv, 8. Enfin, convertie en province romaine par Pompée, la Cœlésyrie fut remise entre les mains de Sauras. Ant. jud., XIV, iv, 5.

A. Legendre.
.

CŒUR. Hébreu : lêb ou lébdb ; Septante : xapSia ; Vulgate : cor ; chaldéen : lêb, Dan., vii, 28, et bâl, Dan., VI, 15. Considéré à quelques points de vue particuliers,

le cœur porte parfois d’autres noms en hébreu : kâbôd, « gloire, » en tant que partie la plus noble de l’homme, Ps. (hébreu) xvi, 9 ; xxx, 13 ; lvii, 9 ; cviii, 2 ; mê’îm, « les entrailles, » en tant que partie la plus intime, Job, xxx, 27 ; Lam., i, 20 ; Cant., v, 4 ; Is., xvi, 11 ; Ps. XL (hébreu), 9 ; qéréb, « l’intérieur, » Ps. (hébreu), v, 10 ; xlix, 12 ; lxiv, 7 ; liéléb, « la graisse, » pour désigner le cœur épais, sans intelligence. Ps. xvii (hébreu), 10. Ces quatre derniers termes ne sont employés qu’exceptionnellement, et seulement dans les textes poétiques.

Il est question du cœur, lêb, environ dans un millier de passages de la Sainte Écriture. On emploie souvent lêb dans un sens qu’il n’a pas dans nos langues européennes. Le lêb se confond parfois avec l’àme végétative, voir Ame, t. i, . col. 457, d’autres fois avec l’esprit, rûah. Il désigne communément l’âme en général, soit dans ses fonctions physiologiques, soit dans ses facultés spirituelles, soit enfin dans sa vie morale. Par analogie, la Sainte Écriture parle aussi quelquefois du cœur de Dieu.

I. LE CŒUR, PRINCIPE DE LA VIE CORPORELLE. — Le

cœur est un organe essentiel à la vie ; on le perce quand on veut donner sûrement la mort à quelqu’un. II Reg., xviii, 14 ; IV Reg., IX, 24. Si le cœur est en bon état, c’est la santé pour tout le corps. Prov., xiv, 30. Gomme il gouverne les fonctions végétatives, on dit qu’il est satisfait et fortifié lorsque l’homme prend sa nourriture. Gen., xvii, 5 ; Jud., xix, 5 (hébreu) ; III Reg., xxi, 7 (hébreu) ; Act., xiv, 16. L’odeur des parfums le réjouit, Prov., xxvii, 9 ; mais c’est surtout le vin qui lui cause d’agréables sensations, Ps. ciii, 15 ; Eccli., xl, 20 ; Zach., X, 7, poussées quelquefois jusqu’à l’abus coupable. Ose., iv, II ; Eccli., xxxi, 31 ; Jacob, v, 5. Chez les Égyptiens, le mort s’appelait l’homme « au cœur immobile ». Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 116, 217.

II. Le cœur, centre des facultés spirituelles. — Tandis que dans nos langues le cœur est habituellement pris comme le siège des sentiments et de l’amour, dans l’Écriture le cœur est : 1° le siège de la pensée, de la réflexion, de la méditation. C’est le cœur qui connaît, Jer., xxiv, 7 ; qui médite, Ps. xviii, . 15 ; Luc, ii, 19, 51 ; qui réfléchit, Is., lvii, 1 ; Jer., xii, 11 ; qui se parle à lui-même. Gen., xvii, 17 ; Ps. iv, 5, etc. Les pensées montent dans le cœur, Jer., xix, 5 ; Luc, xxiv, 38 ; Act., vii, 23 ; I Cor., Il, 9, ou sur le cœur. Jer., iii, 16 ; xliv, 21 ; li, 50 ; Ezech., xxxviii, 10. Pour appliquer son esprit à une chose, on la met dans son cœur, I Reg., xxi, 12 ; Luc, xxi, 14 ; on met son cœur sur elle, Agg., i, 5, 7 ; ii, 16, 19 ; on y applique son cœur. Jer., xxx, 21 ; Dan., x, 12. Comme la vérité est la lumière de l’intelligence, les métaphores tirées de la vision corporelle sont appliquées au cœur. Le cœur reçoit la lumière de la vérité divine, II Petr., i, 19 il a des yeux que cette vérité illumine. Eph., i, 18. Mais il peut être voilé, II Cor., iii, 15, ou même totalement aveugle, c’est-à-dire ignorant et incrédule. Is., vi, 10 ; Marc, iii, 5 ; vi, 52 ; viii, 17 ; Rom., i, 21. Le cœur est ouvert à la loi, quand il la connaît. II Mach., i, 4. Il ressemble à une terre dans laquelle la parole de Dieu est semée, Matth., xiii, 19, à un trésor qui fournit des pensées et des paroles à la bouche. Matth., XII, 34 ; Luc, vi, 45. C’est encore le cœur qui croit, Rom., x, 10, parfois avec lenteur. Luc, xxiv, 25. Un cœur large désigne une grande intelligence, III Reg., iv, 29 ; la petitesse du cœur caractérise la sottise. Eccli., xvi, 23 ; xvii, 5. Le cœur du sot ressemble au vase fêlé qui laisse tout s’échapper, Eccli., xxi, 17, à la cendre, qui n’est bonne à rien. Sap., xv, 10. La parole manifeste la pensée ; aussi, dans le sage, c’est le cœur qui parle, et dans le sot, c’est la bouche qui pense et fait fonction de cœur. Eccli., Xxi, 29. Le cœur, devenu mauvais, par suite de la chute originelle, conçoit naturellement des pensées mauvaises, Gen., vi, 5 ; viii, 21 ; Joa., xiii, 2, et inspire les paroles qui les expriment. Eccle., v, 1. Dans Homère, Iliad.,

xxi, 441, etc., le cœur est également considéré comme le siège de l’intelligence.

2° Le siège de la sagesse, qui est un don accordé par Dieu à l’intelligence. C’est au cœur d’hommes de son choix que Dieu met la sagesse et l’habileté nécessaires pour fabriquer les objets du culte au désert. Exod., xxviii, 3 ; xxxi, 6 ; xxxv, 34 ; xxxvi, 8. Le don de sagesse est accordé au cœur de Salomon, III Reg., iii, 12, et à celui du juste. Prov., ii, 2, 10 ; xvi, 21 ; Eccli., xxiii, 2.

3° Le siège de la mémoire, qui retient ce que l’intelligence a appris. Deut., iv, 9 ; viii, 5 ; Prov., iv, 21 ; Is, , li, 7 ; Dan., vii, 28. Les choses sont inscrites dans le cœur comme sur des tablettes. Prov., iii, 3. Pour révéler un secret, on ouvre son cœur. Jud., xvi, 18. Cf. Prov., xx, 5.

4° Le siège de la volonté. Le cœur porte à agir, il est le principe de l’action. Exod., xxxv, 21, 26 (hébreu) ; Prov., xvi, 9 ; Eccl., ii, 20 ; on exécute ce qu’on a dans le cœur. I Sam. (Reg.), xiv, 7 (hébreu). Vouloir, c’est donner son’cœurà l’action. Is., x, 7 ; lxiii, 4 ; Eccle., viii, 9 ; Eccli., xxxviii, 27 ; xxxix, 6. Posséder son cœur, Prov., xv, 32, c’est être le maître de sa volonté. Le sage tient son cœur de la main droite, le sot de la main gauche, Eccle., x, 2, c’est-à-dire que l’un a une volonté énergique, l’autre une volonté débile. Agir de grand cœur, II Mach., 1, 3, c’est mettre en œuvre toute la puissance de sa volonté, et lever son cœur pour prier, Lam., iii, 41, c’est adresser à Dieu une prière très instante. Comme la volonté est libre, elle peut résister aux influences du dehors, et particulièrement aux ordres de Dieu. On dit alors que le cœur est dur, ou qu’il s’endurcit. Cette expression revient souvent dans la Sainte Écriture. Deut., xv, 7 ; Eccli., iii, 27 ; Is., xlvi, 12 ; Ezech., iii, 7 ; Marc, xvi, 14, etc. La dureté du cœur est comparée à celle de la pierre, Job, xli, 15, et même à celle du diamant. Zach., vii, 12. Quand le cœur s’amollit, la volonté devient plus docile,

II Par., xxxiv, 27 ; Job, xxiii, 16, ou même faiblit. Jer., Li, 46. Le changement du cœur de pierre en cœur de chair, Ezech., xi, 19 ; xxxvi, 26, marque le passage de la révolte à l’obéissance.

5° Le siège des dispositions de l’âme. — Ces dispositions sont bonnes ou mauvaises. Parmi les bonnes dispositions du cœur, les auteurs sacrés rangent la droiture, Deut., ix, 5, la simplicité, Gen., xx, 5, 6 ; III Reg., ix, 4 ; la docilité, III Reg., iii, 9 ; l’humilité. Ps. cxxx, 1 ; Dan., m, 87. Le cœur est parfait quand il est fidèle à Dieu.

III Reg., xi, 4 ; xv, 14. L’expression « n’avoir qu’un seul cœur » marque l’union étroite qui règne entre les membres d’une même société. II Par., xxx, 12 ; Jer., xxxii, 39 ; Ezech., xi, 19 ; Act., iv, 32. Le cœur a aussi ses défauts ; il est vain, Ps. v, 10 ; léger, Eccli., xix, 4 ; présomptueux, Prov., xxviii, 26 ; pesant, c’est-à-dire porté vers les choses de la terre, Ps. iv, 3 ; épais comme la graisse, Ps. cxviii, 70, c’est-à-dire stupide et grossier. Le cœur double est le cœur de l’hypocrite et de l’inconstant, I Par., xii, 33 ; Eccli., i, 36, auquel on ne peut se fier, et qui n’aboutit à rien, parce qu’il marche par deux chemins à la fois. Eccli., iii, 28. Quand on incline ou qu’on tourne sou cœur vers quelqu’un, on prend parti pour lui. Jud., ix, 3 ; II Reg., xiv, 1.

6° Le siège des passions et des sentiments. — Dans le cœur prennent naissance l’orgueil, Deut., xvii, 20 ; Judith, I, 7 ; Ezech., xxviii, 2, 6 ; Abd., 3 ; Luc, i, 51 ; l’envie, Prov., xxiii, 17, qui engendre la discorde, Jacob., iii, 14 ; l’avarice, Ezech., xxxiii, 31 ; II Petr., ii, 14 ; la haine, Lev., xix, 17, qui déchire le cœur, Act., vii, 54, et l’amour, Ps. lxii, 26 ; lll Reg., xi, 3 ; Cant., iv, 9 ; Is., xxix, 13 ; Matth., VI, 21 ; la crainte, qui bouleverse et dissout le cœur, Lev., xxvi, 36 ; Deut., i, 28 ; xx, 8 ; xxviii, 65 ; Jos., v, 1 ; Jer., iv, 19, et le courage, II Reg., vii, 27, qui va jusqu’à l’audace, Il Par., xvii, 6, et qui donne à l’homme un « cœur de lion », II Reg., xvii, 10 ; la tristesse qui abat, I Reg., i, 8 ; II Reg., xiii, 20 ; Prov., xii, 25 ; xxv, 20 ; Is., i, 5 ; Joa., xvi, 6 ; Act., xxi, 13 ; la douleur qui,

trouble le cœur, Ps. cviii, 22 ; cxlii, 4, qui le broie Ps. l, 19 ; cxlvi ; 3 ; Jer., xxiii, 9, le consume, Ps. xxxviii, 4, le fait fondre, Ps. xxi, 15, et le tue, I Reg., xxv, 37, et la joie qui le fait revivre, Exod., iv, 14 ; I Reg., ii, 1 ; Is., lxv, 14,

Ainsi, dans la Sainte Écriture, le cœur est comme « le centre de tout l’homme, le principe interne, à la fois spirituel et animé, qui fait l’unité concrète de l’homme, et d’où part son activité dynamique et sa détermination morale. Tout ce que le grec ou l’helléniste appellent vo3ç (esprit), Xdyoç (raison), ff-jveîSvjdi ; (conscience), lvy.6 ; (ca ; ur), se trouve renfermé dans r.xpSii, et tout ce qui affecte le corps (bâsâr) ou l’âme (néfés) arrive dans le lêb à être connu clairement ». Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 551. Cette concentration de toute la vie physiologique et spirituelle dans le cœur n’est pas particulière aux écrivains hébreux. Le cœur joue le même rôle dans Homère. Aristote et le stoïcien Chrysippe font également du cœur le siège de la pensée. Delitzsch, ibid : , p. 253. À raison de ces sens divers, les Hébreux ne se servent pas du mot lêb quand il s’agit des animaux. L’expression « cœur de lion », II Reg., xvii, 10, forme une exception justifiée par la nature de la métaphore.

III. Le cœur, centre de la vie morale. — Si l’intelligence et la volonté ont leur siège et, pour ainsi dire, leur principe dans le cœur, c’est le cœur qui est responsable de leur action. Les Livres Saints envisagent encore cœur à ce point de vue.

1° Le cœur siège des désirs. — Le cœur désire ce qui est bon et permis, Ps. xix, 5 ; XX, 3, mais aussi, sous l’influence de la concupiscence native, il désire le mal. Prov., vi, 25 ; Eccli., v, 2 ; Bar., i, 22 ; Matth., v, 28 ; xv, 18. Le cœur qui s’abandonne aux désirs mauvais est appelé « incirconcis ». Jer., iv, 4 ; ix, 26 ; Ezech., xliv, 7 ; Act., vu, 51. La circoncision du cœur, c’est-à-dire la lutte contre la concupiscence, est un devoir imposé au chrétien. Rom., ii, 29. Voir Circoncision, col. 777.

2° Le cœur siège de la conscience. — Le cœur a la connaissance du mal qui est en lui, III Reg., ii, 44, et il reprend le coupable. Job, xxvii, 6 ; I Joa., iii, 20. Celuici revient à son cœur, c’est-à-dire rentre en lui-même, Is., xlvi, 8, et se frappe le cœur en signe de repentir. I Reg., xxiv, 6. Il n’est pas bon de manifester son cœur à tous. Eccli., viii, 22. Il faut le renouveler à l’aide de la grâce divine, Ezech., xviii, 31, et le rendre pur, pour qu’il plaise à Dieu. Ps. xxiii, 4 ; l, 12 ; Prov., xxii, 11 ; Eccli., xxxviii, 10 ; Matth., v, 8. La joie de la conscience est la conséquence de cette pureté. Eccli., xxx, 16 ; xxxvi, 22. Cependant personne ne peut assurer qu’il possède la pureté parfaite. Prov., xx, 9.

3° Les deooirs à remplir « de tout son cœurii. — Cette expression « de tout son cœur » revient souvent dans les Livres Saints. C’est a de tout son cœur » qu’il faut aimer le Seigneur, Deut., vi, 5 ; Marc, xii, 30, etc. ; chercher Dieu, Jer., xxix, 13 ; se convertir, Deut., xxx, 10 ; Joël, il, 12, et croire. Act., viii, 37. Cette manière de parler signifie qu’il faut appliquer à l’accomplissement de ces différents actes toutes les facultés de l’âme comprises dans le mot « cœur », par conséquent l’intelligence, la réflexion, la volonté, les passions et la conscience morale.

IV. L’action de Dieu sur le cœur. — Dieu a créé en particulier tous les cœurs des hommes, Ps. xxxii, 15 ; il les voit, I Reg., xvi, 7 ; III Reg., viii, 39 ; I Par., xxviii, 9, les connaît, Ps. cxxxviii, 23 ; Ezech., xi, 5 ; Act., i, 24 ; les sonde et les scrute, Ps. vii, 10 ; Jer., xvii, 10 ; Hebr., iv, 12 ; Apoc., ii, 23 ; les éprouve. Ps. xvi, 3 ; I Par., xxix, 17. Il les a dans sa main, Prov., xxi, 1, 2 ; les incline, Ps. cxviii, 36 ; les dirige, II Thess., iii, 5 ; les affermit par sa grâce. Hebr., xiii, 9. Il est dit aussi que Dieu change les cœurs, 1 Reg., x, 9, 26 ; Job, xii, 24, et même qu’il les endurcit. Exod., iv, 21 ; Is., lxiii, 17. Cette action

de Dieu ne doit pas s’entendre dans un sens inconciliable avec la liberté de l’homme. L’action divine se contente alors d’exécuter des effets voulus parla volonté de l’homme ou mérités par des infidélités antérieures. Enfin le cœur est appelé à devenir l’habitation même de Jésus-Christ. Ephes., iii, 17.

V. Le cœur de Dieu. — Par analogie, la Sainte Écriture attribue parfois un cœur à Dieu lui-même. Ce cœur est sage, Job, ix, 4, et sujet à la douleur. Gen., vi, 6. Il s’incline vers l’homme. Job, vii, 17. L’homme « selon le cœur de Dieu » est celui qui plaît à Dieu par l’usage qu’il fait de ses dons. I Reg., xiii, 14 ; Jer., iii, 15. Notre-Seigneur se présente lui-même à nous comme « humble de cœur ». Matth., xi, 29. Il n’y a pas de raison pour donner au mot « cœur », dans ce passage, un sens plus restreint que dans le reste de la Sainte Écriture. L’humilité du cœur de Jésus-Christ se rapporte donc à la fois à ses pensées, à ses volontés, à ses affections, en un mot

à tous les actes de son âme.
H. Lesêtre.

COGNASSIER. — I. Description. — Cet arbre (fig. 305) de la famille des pomacées est très voisin du

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305. — Cognassier.

poirier ; seulement sa tige est moins élevée avec des rameaux tortueux ; son fruit aromatique, pendant à l’extrémité des branches, renferme un plus grand nombre de graines, dont le tégument est riche en mucilage. Le cydonia wulgaris est originaire de l’Asie occidentale.

F. Hy.

IL Exégèse. — O. Celsius, Hierobotanicon, t. i, p. 254267, E. F. K. Rosenmûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, p. 308-312, identifient le tappual } avec le coing. Le tappuah se présente trois fois comme arbre, Cant., ii, 3 ; viii, 5 ; Joël, i, 12 ; trois fois comme fruit, Cant., ii, 5 ; vii, 9 (Vulgate, 8) ; Prov. xxv, 11, et aussi comme nom de deux villes de Palestine, Jos., xii, 17 ; xv, 34 ; xvi, 8 ; xvii, 8, etc. Sans doute le coing est parfumé, comme l’est le tappuah d’après Cant., ii, 5 ; vii, 9 ; sans doute, il peut être appelé poétiquement un fruit doré, Prov., xxv, 11 ; mais le parfum et la couleur dorée conviennent également et mieux à d’autres fruits ; et l’opinion qui voit ici le coing n’a pour elle aucune des versions anciennes, qui toutes traduisent simplement par pomme. L’arabe a encore le même nom, taffâh, pour désigner ce fruit. Le Talmud de Babylone, Suc. 31, a, qui appelle tappuah la pomme, a un nom particulier pour le coing, pâriS. Enfin le coing n’est pas en telle estime dans l’Orient, qu’il puisse entrer dans des comparaisons comme celles du Cantique ou du livre des Proverbes. E. Levesque.

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COHORTE — COIFFURE

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    1. COHORTE##

COHORTE (grec : oTreïpa ; Vulgate : cohors), corps de troupe.

I. Cohorte dans les Machabées. — Au temps d’Antiochus, quarante cavaliers apparurent dans les airs à Jérusalem. Ils étaient, dit l’Écriture, « rangés en cohortes, » a-xziprfio-i. Il Mach., v, 2. Le sens de ce passage est que les cavaliers marchaient en rangs. Les Grecs indiquent deux ordres habituels de marche pour les troupes de cavalerie, tantôt sur huit, tantôt sur quatre chevaux de profondeur, et par conséquent ici sur cinq ou dix de front. Polybe, XII, xviii, 3 ; Maurice, II, v, 58. — Judas Mæhabée, dans la bataille qu’il livra à Timothée, rangea son armée en cohortes. II Mach., xii, 20, 22. Le mot « cohorte » désigne ici un corps de troupe dont nous ignorons l’importance. Le sens donné au mot iritsïpot dans les auteurs profanes ne peut servir à nous éclairer sur ce point ; Polybe emploie ce mot tantôt pour désigner une partie de la phalange, sans dire combien de soldats elle comprenait, xviii, 28 ; tantôt pour désigner un manipule romain, c’est-à-dire deux centuries, ou un tiers de cohorte, XI, xxix, 1 ; xxiii, 1 ; ailleurs enlln sans aucune indication, II, iii, 2 ; XV, ix, 9.

II. Cohorte romaine. — Dans le Nouveau Testament, il est plusieurs fois question de la cohorte romaine. La cohorte de la tour Antonia prend part à l’arrestation de Notre -Seigneur sous la conduite de Judas. Joa., xviii, 3. Pendant la passion, elle se rassemble tout entière pour insulter le Sauveur. Matlh., xxvii, 27 ; Marc, xv, 16. Dans les Actes, xxi, 31, il est question de la même cohorte au moment de l’arrestation de saint Paul. — Au temps de l’empire, les Romains appelaient cohorte une subdivision de la légion La légion comptait dix cohortes ; chacune d’elles était commandée, selon toutes les probabilités, par le centurion de la première centurie. On appelait ces centurions primi ordines. J. Marquardt, L’organisation militaire des Romains, trad. Brissaud (Manuel des antiquités romaines de Th. Mommsen et J. Marquardt, t. xi), in-8°, Paris, 1891, p. 183. — On donnait aussi le nom de cohortes aux corps auxiliaires d’infanterie, même lorsqu’ils comprenaient une partie de cavalerie. Voir Auxiliaire. Les cohortes d’auxiliaires étaient commandées par des tribuns ou par des prsefecti. La cohorte de la tour Antonia était donc une cohorte auxiliaire. Joa., xviii, 12 ; Act., xxi, 31. Voir Tribun. On distinguait parmi les cohortes auxiliaires les cohortes italicse civium romanorum. Le centurion Corneille appartenait à une de ces cohortes. Act., x, 1. Ces cohortes étaient au nombre de trente-deux. Elles étaient composées de volontaires italiens. Le service y durait vingt-cinq ans, mais il était moins pénible que dans la légion. Végéce, Epitom. rei milit., ii, 3. Plus tard on admit les provinciaux dans ces cohortes. J. Marquardt, ouvr. cit., p. 189-191. Les milices des provinces formaient le reste des cohortes auxiliaires. Parmi ces cohortes, les unes conservaient leurs armes nationales, et, à cause de cela, on les appelait sagittarii, scutali, contarii catafracti, funditores, etc. Corpus inscript, latin., t. iii, n os 99, 129, 335, 600 ; Ephem. epigraphica, t. v, p. 172, 249, etc. À cause de leur armement plus’léger que celui des légionnaires, on les désignait d’une manière générale sous le nom de levés cohortes. Tacite, Ann., i, 51 ; ii, 52 ; iii, 39, etc. — Certaines de ces cohortes étaient composées de 500 hommes divisés en six centuries, c’étaient les cohortes quingenarise ; d’autres comprenaient 1000 hommes ou dix centuries, c’étaient les cohortes milliariee. Les unes et les autres étaient tantôt exclusivement composées de fantassins, elles étaient dites alors pedilse, Corpus inscript, latin., t. iii, n° 3318 ; tantôt elles étaient composées de fantassins et de cavaliers, on les appelait alors equitatse. G.Wilmanns, Exempla inscriptionum latinarum, in-8°, Berlin, 1873, n°* 691, 1140, 1576, 1580, etc. — La cohors quingenaria equitala comprenait 120 cavaliers et 360 à 380 fantassins. Hygin, De castrametatione, 26. La cohors

milliaria equitata comprenait 240 cavaliers et 760 fantassins. Hygin, ibid. ; cf. Ephem. epigr., t. v, p. 31. Josèphe, Bell, jud., III, iv, 2, donne pour les cohortes de l’armée de Vespasien les chiffres de 013 fantassins et de 120 cavaliers. J. Marquardt, ouvr. cit., p. 191-194. La cohorte de la tour Antonia était equitata. Act., xxiii, 23, 31, 32. Voir Cavalier romain. — Les cohortes portaient des noms empruntés soit à leur pays d’origine, soit à leur cantonnement, par exemple, Cohors II Thracum Syriaca (voir Ephem. epigr., t. v, p. 487) ; soit au gouverneur de province qui avait fondé le corps, ou à un empereur. Ibid., p. 246 ; J. Marquardt, ouvr. cit., p. 195. — Les troupes de la garde impériale étaient également divisées en cohortes, appelées cohortes pretorise, qui étaient au nombre de neuf au temps de Notre-Seigneur et des Apôtres. Tacite, Ann., 1, 7 ; ii, 34. Elles étaient Joutes milliarix equitatse. Tacite, Ann., i, 24 ; ii, 93. Chacune d’elles était commandée par un tribun, sous le commandement en chef du préfet du prétoires La garnison de Rome comprenait en plus des cohortes urbaines au nombre de trois, numérotées à la suite des cohortes prétoriennes, et des cohortes de vigiles, à la fois agents de police et pompiers. Les tribuns dès cohortes urbaines obéissaient au préfet de la ville, et ceux des vigiles au préfet des vigiles.

Quand saint Paul fut envoyé à Rome par le procurateur de Judée, Portius Festus, il fut confié à Julius, à qui le texte sacré donne le titre de « centurion de la cohorte Augusta ». Act., xxvii, 1. Les commentateurs ont tous pensé qu’il s’agissait d’une cohorte auxiliaire portant le nom de l’empereur Auguste. Voir Augusta (Cohorte). M. Mommsen croit que le mot « cohorte Auguste » signifierait simplement la « troupe de l’empereur ». Sitzungsberichte der Preuss. Akademie tu Berlin, 1895, p. 501. Cf. W. Ramsay, Saint Paul, The traveller and the Romancitizen, in-8°, Londres, 1895, p. 314-315 et 348.

Bibliographie. — Henzen, Sui tribuni coniandanti di coorti ausiliarii, dans les Annal, del’Instit, archeol., 1858, p. 17-27 ; R. Hassencamp, De cohortibus Romane— rum auxiliariis, in-8°, Gœtlingue, 1869 ; O Schûnemann, De cohortibus Romanorum auxiliariis, in-8°, Halle, 1883.

E. Beurlier.

COIFFURE. — I. La coiffure ordinaire. — Il serait dangereux, en Palestine, de s’exposer tête nue aux rayons du soleil. De tout temps les Israélites ont eu la tête couverte d’une pièce d’étoffe faisant un ou plusieurs tours, et qui n’est autre que le turban oriental. On l’appela par la suite sudar, Schabbath, 77 b (aouEâptov, sudarium). On ne le quittait jamais, ni dans le Temple, ni dans les synagogues. Kidduschin, 31 a. Il était tellement extraordinaire d’aller tête nue, que la loi enjoignait aux lépreux de marcher ainsi, pour qu’on les distinguât plus facilement. Lev., xiii, 45. On découvrait aussi par déshonneur la tête de la femme soupçonnée d’adultère. Num., v, 18. La coiffure des gens du. peuple ne devait pas différer beaucoup de ce qu’elle est encore aujourd’hui en Syrie, le turban vert ou blanc, ou tout simplement le kouffièh, grand mouchoir à couleurs vives, qui s’attache autour de la tête avec une corde en poils de chameau, et dont les extrémités flottent sur le cou et sur les épaules. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 192, 194. Quand Notre-Seigneur cheminait à travers la Palestine, il avait certainement la tête couverte d’un kouffièh, et n’allait pas plus nu-tête que ses compatriotes. Voir les coiffures modernes en usase en Palestine, t., fig. 151, col. 633 ; fig. 164, col. 671 ; fig. 203, 204, col. 830, 831 ; fig. 438, col. 1451 ; fia. 446, col. 1453 ; fig. 489-491, col. 1616 ; fig. 493, col. 1623 ; fig. 494, col. 1631 ; fig. 595, col. 1899 ; t. ii, fig. 45, col. 115 ; fig. 165, col. 480 ; fig. 209, col. 596 ; fig. 211, col. 599. — À l’époque des Machabées, le grand prêtre Jason s’appb’qua à introduire les usages grecs à Jérusalem. Entre autres innovations, il bâtit un gymnase, et « mena sous le chapeau les plus nobles jeunes gens ». II Mach., iv, 13. Dans les exercices de la palestre,

les jeunes gens se mettaient à l’abri du soleil et de la pluie au moyen d’un chapeau à larges bords, appelé itrradoç. Pollux, x, 164. Le même chapeau était porté par le dieu protecteur des exercices, Hermès. Athénée, Deipnosoph. , xii, édit. Meineke, Leipzig, 1858, t. ii, p. 482. L’expression employée par l’auteur des Jlachabées, ûità Tzé-zaaoy àyeiv, « mettre sous le chapeau, » expression d’ailleurs mal rendue par la Vulgate, in lupanaribus ponere, fait donc simplement allusion à une coutume grecque, dans des jeux d’ailleurs justement répréhensibles aux yeux des Juifs tidèles à la Loi. — Dans sa première Épitre aux Corinthiens, xi, 5-15, saint Paul veut que, contrairement à l’usage suivi par les Juifs, l’homme prie la tête découverte, mais que la femme ait toujours la tète voilée ou couverte dans l’assemblée des fidèles. C’est la coutume qui a prévalu dans l’Église chrétienne.

IL La coiffure de luxe. — : La Sainte Écriture ne fait aucune allusion directe à la coiffure ordinaire des Israélites ; mais elle nomme différentes autres coiffures réservées à certains personnages, à raison de leurs fonctions ou de leur situation sociale. 1° Mîsnéfét, xtSapi ; , lA’Tpa, cidaris, mitra, la coiffure spéciale du grand prêtre. Exod., xxviii, 4, 37, 39 ; xxix, 6 ; xxxix, 28, 30 ; Lev., vin, 9 ; xvi, 4. Voir Cidaris, Mitre, Tiare. Ézéchiel, xxi ; 31 (26), appelle du même nom la coiffure du roi de Babylone. Voir des tiares assyriennes, t. i, fig. 35, col. 227, fig. 37, col. 235 ; fig. 136, col. 553 ; fig. 158, col. 637 ; fig. 216, col. 898 ; fig. 217, col. 899 ; fig. 284, col. 1058 ; lig. 212, col. 1145 ; fig. 319, col. 1158 ; fig. 619, col. 1939, etc. À l’époque de Josèphe, Ant.jud., III, vii, 3, on donnait aussi le nom de mîsnéfét aux coiffures des simples prêtres. — 2° Mîgbd’âh, xi’Sapiç, cidaris, la mitre des simples prêtres. Exod., xxviii, 40 ; xxix, 9 ; xxxix, 28 ; Lev., viii, 13. Voir Mitre. — 3° $âniꝟ. 61à6Y)|j.a, xîSapi ; , diadema, vitts, le bandeau qui est porté autour de la tête par les femmes, Is., iii, 23 ; les rois, Is., lxii, 3 ; le grand prêtre, Zach., iii, 5 ; les personnes de condition, Job, xxix, 14. Voir Bandeau, Couronne, Diadème. — 4° Tebûlîm, 71apaëoniTâ, tiarse tinctx, Ezech., xxiii, 15, la tiare des rois de Babylone. Voir Tiare. — 5° Pe’êr, xîSapi ; , [iiipa, cidaris, corona, mitra, le turban des femmes, Is., iii, 20 ; des prêtres, Exod., xxxix, 28 ; Ezech., xliv, 18 ; de l’époux, Is., lxi, 10 ; des personnes de condition. Is., lxi, 3 ; Ezech., xxiv, 17, 23. Voir Turban. — Enfin les femmes ont parfois pour principale coiffure un voile, sammâh, Cant., iv, 2, 3 ; vi, 7 ; Is., xlvii, 2 ; sâ’if, Gen., xxiv, 65 ; xxxviii, 14, 19 ; redîd, Cant., v, 7 ; Is., m, 23. Voir Voile. Pour la coiffure des guerriers, voir Casque. Outre les figures indiquées précédemment, voir encore des coiffures égyptiennes, t. i, fig. 219, col. 900 ; fig. 306, col. 1126 ; fig. 415, col. 1388 ; fig. 592, col. 1896 ; t. ii, fig. 46, col. 119 ; une coiffure d’Amorrhéen, t. i, fig. 123, col. 510 ; des coiffures de guerriers assyriens, t. i, fig. 57, col. 304 ; fig. 227, col. 904 ; une coiffure d’ancien juif, t. i, fig. 448, col. 1454, et des Juifs prisonniers emmenés nu-lète, t. i, fig. 455, col. 1485 ; des coiffures perses, t. i, fig. 221, col. 901 ; fig. 587, col. 1886 ; une coiffure de Charcamis, t. ii, fig. 202, col. 584 ; une coiffure palmyrénienne, t. i, fig. 543, col. 1795 ; une coiffure cvpriote, t. ii, fig. 194, col. 567 ; des coiffures grecques, " t. i, fig. 412, col. 1376 ; fig. 586, col. 1888 ;

t. ii, fig. 95, col. 310.
H. Lesêtre.
    1. COISLIANUS##

COISLIANUS (CODEX), manuscrit de la Bible grecque. Il appartient à la Bibliothèque Nationale, à Paris, où il est coté Coislin. 1. L’écriture est onciale, d’une main du vi ! siècle (Omont) ou du VIIe (Gregory) : chaque page a deux colonnes de texte, chaque oolonne 49 lignes. Les initiales sont pareilles aux lettres du texte et légèrement en saillie sur la marge ; ni accents, ni esprits. Hauteur : 33 eent. ; largeur : 22, 9. Le manuscrit compte 227 feuillets. En tête (fol. 1-4) un lexique de noms hébreux, mutilé, commençant à AXa, unissant à Ivjfiiu ;  ; puis (fol. 5-227)

le texte de l’Octateuque et de Rois I -III, viii, 40. En marge, des scholies de la main même du copiste, donnant des extraits du Nouveau Testament (Mattk., Luc, Joa., Act, I Cor., II Cor., Gal., Col., Hebr.), que Tischendorf a publiés dans ses Monumenta sacra inedita, Leipzig, 1846, p. 401-405. Ces scholies sont désignées dans l’appareil critique du Nouveau Testament par le sigle F a. Le texte, de l’Octateuque et des Rois est décrit par Montfaucon, Bibliotheca coisliana, Paris, 1715, p. 1-32. Un fac-similé du manuscrit est donné par Silvestre, Paléographie universelle, Paris, 1841, t. ii, n » 65.

Le même fonds Coislin possède douze feuillets de parchemin, sous la cote Coislin. 202, dont on a établi qu’ils faisaient partie d’un même manuscrit que cinq feuillets actuellement à Saint-Pétersbourg, deux autres à Moscou, un à Kiew, deux à Turin : tous ces feuillets avaient été utilisés dans des reliures au mont Athos, où l’on a retrouvé neuf nouveaux feuillets. L’ensemble est actuellement composé de 41 feuillets in-quarto (les dix derniers légués par M. Miller) ; chaque page aune colonne de 16 lignes. L’écriture est onciale et du vi « siècle. Les initiales n’ont rien qui les distingue des lettres du texte courant, lequel est partagé en stiques. Ces fragments, désignés ensemble par le sigle ii, appartiennent à I Cor., II Cor., Gal., Col. et I Thess. Ils viennent d’être publiés en une édition d’ensemble par M. Oinont, Notices et extraits des manuscrits, t. xxiii, Paris, 1890, p. 141-192, avec deux excellents fac-similé. Le quatorzième feuillet Coislin porte la suscription du copiste avec cette mention : <c Le livre a été collationné sur l’exemplaire de la bibliothèque de saint Pamphile, à Césarée, exemplaire par lui copié. » Voyez A. Ehrhardt, Rômische Quartalschrift, t. v, 1891, p. 240 et suiv., et Centralblatt fur Bibliothekswesen, t. viii, 1896, p. 385-411 : Der Codex H ad Epistulas Pauli und Euthalios diaconos. P. Batiffol.

    1. COKE Thomas##

COKE Thomas, évêque méthodiste anglais, né à Brecon le 9 septembre 1747, mort en mer, en se rendant à Ceylan, le 30 décembre 1813. Il fut un ardent prédicateur méthodiste et l’un des plus zélés auxiliaires de Wesley. En janvier 1784, il publia le premier plan de la fondation d’une société méthodiste pour l’établissement de missions parmi les païens. Le 18 septembre de la même année, il arrivait à Baltimore avec le titre de surintendant, qu’il changea, en 1787, en celui d’évêque. Il se prononça contre l’esclavage et, le 29 mai 1789, fit adhésion à Washington. Il dirigea les missions méthodistes américaines jusqu’en 1791, où, à la nouvelle de la mort de Wesley, il retourna en Angleterre et y devint directeur général des missions de sa secte. Parmi ses œuvres, on remarque À Commentary on the Old and New Testaments, 6 in-4°, Londres, 1803-1808 ; History of the Bible, 1812 (inachevée). Son commentaire, emprunté en grande partie à Dodd, est diffus et superficiel.

— Voir Sam. Drew, Life of D r Coke, 2 in-8°, Londres, 1817 ; J. W. Etheridge, The Life of the Rev. Thomas Coke, in-8°, Londres, 1860.

    1. COLAIA##

COLAIA (hébreu : Qôlâyàh, « voix de Yâh, » abréviation de Jéhovah ; Septante : KuXïi’a), Benjamite, fils de Masia et père de Phadaia, ancêtre de Sellum qui habita Jérusalem après le retour de la captivité. II Esdr., xi, 7.

    1. COLBERTINUS##

COLBERTINUS (CODEX), manuscrit de la version latine de la Bible antérieure à saint Jérôme. Il appartient à la Bibliothèque Nationale, à Paris, où il est coté lat. 254 ; c’est l’ancien 4051 de la bibliothèque de Colbert. L’écriture est du XIIe siècle : chaque page a deux colonnes de texte, chaque colonne 40 lignes. Hauteur : 26 cent. ; largeur : 17. Le manuscrit compte 149 feuillets. Il contient les quatre Évangiles de première main ; une seconde main a ajouté le reste du Nouveau Testament, mais d’après la Vulgate hiéronymienne. Le texte préhié

ronymien est, avec le Corbeiensis, un bon représentant du type « européen ». Il a été publié par Sabatier, Bibliorum Sacrorum latinas versiones antiques, t. iii, Paris, 1751, et encore, mais mal, par Belsheim, Codex Colberlinus parisiensis, Christiania, "1888.

P. Batiffol.

COLCHIQUE. Hébreu : hâbaçsélét ; Septante : av60ç, Cant., ii, 1 ; xpîvov, Is., , xxxv, 1 ; Vu] gâte : flos, Cant., H, 1 ; lilium, Is., xxxv, 1.

I. Description. — Herbe à souche bulbeuse appartenant aux liliacées, tribu des colchicées (fig. 306). Les

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306. — Colchimm variegalum.

(leurs paraissent souvent dès l’automne, avant les feuilles ; l’ovaire, profondément enfoui dans le sol, ne prend son développement qu’au printemps suivant, en même temps que le pédoncule s’allonge, entouré par le bouquet de feuilles. Le fruit mùr se rompt suivant trois valves qui dédoublent les cloisons des loges. Tous les organes, surtout les bulbes et les graines, renferment un principe irritant nommé colchicine. De nombreuses espèces habitent les côtes de l’Asie Mineure, notamment le colchicum variegatum à belles fleurs violettes panachées de blanc. Le colchicum Steveni, commun en Syrie, produit ses feuilles en automne, presque en même temps que les fleurs. F. Hy.

II. Exégèse. — Le hàbassélét est la fleur de la plaine de Saron, Cant., ii, 1 ; c’est une fleur aux belles couleurs, capable d’embellir le désert. Is., xxxv, 1. D’après son êtymologie, le hàbassélét est une plante à racines bulbeuses bï3, bésél. Gésénius, Thésaurus, p. 440. Les Septante et la’Vulgate ont traduit par fleur en général, et par lis. Le syriaque a rendu l’hébreu par un mot à peu

p p

près semblable, hamzaloito’, ) fl>-^-. v —, qui serait le

colchicum autumnale. Payne Smith, Thésaurus syriacus, in-f°, Oxford, 1879, t. i, p. 1308. Ce sens est adopté

par un bon nombre d’interprètes. Le hàbassélét serait donc un colchique, non pas le colchicum autumnale, qui ne se trouve pas en Palestine, mais plutôt quelque espèce ou variété voisine, comme le colchicum Steveni, ou le colchicum variegatum. Du reste, les Hébreux devaient comprendre sous un même nom ces diverses espèces. Le Targum rend le mot hâbassélet par otou, narqos, narcisse, et cette traduction est plus suivie actuellement. Voir Narcisse. E. Levesque.

    1. COLENSO John William##

COLENSO John William, évêque anglican rationaliste de Natal, né à Saint -Austell (Cornouailles) le 24 mai 1814, mort à Natal le 20 juin 1883. Il fit ses études à Cambridge, où il devint fellow de St. John’s Collège, en mars 1837, et y professa les mathématiques de 1841 à 1846. Nommé alors recteur de Forncett Saint-Mary, dans le diocèse de Norfolk, il y resta jusqu’à sa promotion à l’évêché de Natal, dans l’Afrique du sud, en 1853. En 1860, il commence à agiter l’opinion par un mémoire à l’archevêque de Cantorbéry : Letter to his Grâce the Archbishop of Canterbury, upon the question of polygamy, as found already existing in couverts from heathenism, in-8°, Londres, 1862. Il y revendique, au nom de l’Évangile et de la tradition, pour les Cafres polygames convertis, le droit de conserver leurs femmes, à la seule condition de devenir monogames par la mort successive de ces épouses. En 1861, son rationalisme se manifeste encore dans St. Paul’s Epistle to the Romans, newly translated with a commentary, in-8°, Londres, 1861, où il se prononce contre l’éternité des peines de l’enfer. Mais il mit le comble au scandale par sa publication de The Pentateuch and book of Joshua critically examined, 5 in-8°, Londres, 1862-1865. Dans cet ouvrage, Colenso nie l’authenticité et la valeur historique des livres de Moïse ; il s’attache à prouver l’impossibilité matérielle des faits racontés par Moïse, et voit des mythes dans ces récits. En 1864, les deux chambres de la convocation de la province de Cantorbéry condamnèrent ce livre, mais à une faible majorité, et le docteur Gray, évêque de Capetown, métropolitain de Colenso, le révoqua de ses fonctions épiscopales. Celui-ci fait appel de cette révocation au conseil privé, qui la déclare nulle et de nul effet, parce que les sièges du Cap et de Natal relevaient de la législation coloniale et non point de la couronne. J_.e comité d’évêques directeur du fonds destiné à salarier les évêques coloniaux supprime alors le traitement de Colenso ; mais, en 1866, un jugement de la cour de la chancellerie contraignit ces administrateurs de lui payer même les arrérages. Colenso, malgré son incrédulité notoire, conserva son siège épiscopal. On a aussi de lui : Lectures on the Pentateuch and the Moabite stone, in-8°, Londres, 1873, résumé de ses travaux antérieurs et des principaux résultats de la critique allemande ; Notes on the Gospel of St. Mathew, in-8°, Cambridge, 1833 ; The New Testament translated into Zulu-Kaffir, in-8°, Ekukanyeni, 1868 ; The books of Genesis and Exodus, translated into Zulu-Kaffir, in-8°, Ekukanyeni, 1868. Il se fit aider dans ses traductions par de jeunes Cafres, et c’est aux objections qu’ils lui firent en collaborant avec lui qu’il attribue l’origine de ses premiers doutes et de son scepticisme définitif. — Voir "W. Cox, The life of John William Colenso, Bishop of Natal, 2 in-8°, Londres, 1888 ; Boase et W. P. Courtnay, Bibliotheca Cornubiensis, 3 in-4°, Londres, 1874, t. i, p. 76 et 77 ; Thomas Land, À key to bishop Colenso’s biblical arithmetic, in-8°, Londres, 1863 ; D r Benish, Bishop Colenso’s objections to the historical character of the Pentateuch and the book of Joshua critically examined, in-8°, Londres, 1863 ; Meignan, L’évêque Colenso et l’Église anglicane, dans le Correspondant du 25 avril 1863, p. 751-780 ; Il Dottor Colenso ed un giornale francese, dans la Civiltà catlolica, mai et juin 1863, p. 285-306 ; 397-413. O. Rey.

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COLÈRE — COLLIER

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    1. COLÈRE##

COLÈRE (hébreu : ’af, de ânaf, « respirer par le nez, » parce que la colère se manifeste par une respiration précipitée ; Septante : ôpf r) ; Vulgate : ira, iracundia). 1° Cette passion considérée comme un mouvement désordonné de l’âme est condamnée en plusieurs endroits de la Sainte Écriture. Ps. xxxvi, 8 ; Eccle., vii, 10 ; Matth., v, 22 ; Rom., xii, 19 ; Ephes., iv, 31 ; Jac, i, 19. Il ne dépend pas de l’homme de ne pas éprouver des mouvements de colère, mais le sage doit les dominer et les réprimer. Prov., xii, 16. Il faut éviter non seulement la colère, mais les hommes portés à la colère. Prov., xxii, 24, 25. Les effets de la colère sont comparés à ceux d’un feu dévorant, Prov., xxvi, 21, ou au poids insupportable d’une lourde pierre. Prov., xxvii, 3. Les plus fréquents de ces effets sont les querelles engendrées par la colère. Prov., xxvii, 3, 4 ; xxix, 22 ; xxx, 33. Elle abrège la vie, Eccli., xxx, 26 ; elle est comptée parmi les œuvres de la chair. Gal., v, 20. Pour être un vrai chrétien, Col., iii, 8, à plus forte raison pour être un digne évêque, il faut y avoir renoncé, Tit., i, 7 ; car elle est opposée à la justification. Jac, i, 19, 20. D’ailleurs elle est la source de toute sorte d’autres péchés. Prov., xv, 18 ; xxix, 22. Elle est si pernicieuse, qu’elle mérite d’être appelée folie. Prov., xiv, 17 ; Eccle., vii, 10.

2° La colère est considérée quelquefois comme une simple impatience de l’impie sous le coup des châtiments divins, et elle est condamnée encore ici comme une folie, car personne n’a le droit de se révolter ainsi contre Dieu. C’est dans ce sens que la colère tue l’irascible en le mettant en état de mort spirituelle devant Dieu. Job, v, 2. Selon une interprétation du Psaume IV, 5, il est permis à l’homme, dans certaines limites de respect et de soumission à l’égard de Dieu, de se fâcher à cause des peines qui lui arrivent.

3° La Sainte Écriture attribue souvent à Dieu des mouvements de colère, qui ne peuvent signifier que des œuvres de justice à l’égard des créatures. Par ses châtiments, en effet, Dieu réprime la malice des impies et venge la vertu outragée. Exod., xv, 7 ; Num., xvi, 46 ; III Reg., xi, 9 ; II Par., xix, 2 ; xxv, 15 ; xxxiv, 25 ; II Esdr., ix, 26, 27 ; Job, xlii, 7 ; Ps. ii, 12 ; Rom., i, 18 ; ii, 5-6. D’autres fois de simples épreuves envoyées aux justes sont représentées comme des effets de la colère de Dieu, bien qu’en réalité elles ne soient que des manifestations de sa bonté. Ainsi les épreuves que Job attribuait à la colère divine lui étaient envoyées pour éprouver et manifester sa vertu. Job, xiv, 13 ; xix, 11, etc. David repentant demandait à Dieu de ne plus exercer contre lui sa colère, dont il avait encouru les rigueurs à cause de ses péchés passés. Ps. vi, 2. Les signes de la colère divine sont empruntés aux manifestations de la colère humaine. Ils sont même plus effrayants encore. Il est dit, par exemple, de Dieu irrité, que la fumée s’échappe de ses narines, qu’un feu dévorant sort de sa bouche, II Reg., xxii, 8, 9 ; Ps. xvii, 9, qu’il foule aux pieds l’objet de ss colère, Is., lxiii, 3, 6. La colère de Dieu est comparée à une baliste qui envoie des projectiles meurtriers au milieu des ennemis. Sap., v, 23. Elle est aussi comparée à un vin que doivent boire ceux contre lesquels Dieu est irrité. Cette expression « le vin de la colère de Dieu » est répétée plusieurs fois dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Ps. lxxiv, 9 ; Is., li, 17 ; lxiii, 6 ; Jer., xxv, 15 ; Ezech., xxiii, 32-34 ; Apoc, xiv, 8, 10 ; xvi, 19. De là est venue la métaphore du « pressoir du vin de la colère de Dieu ». Apoc, xix, 15. La colère divine, à cause de l’étendue de ses effets, est encore comparée à un immense lac. Apoc, xiv, 19. Elle s’exercera surtout au jugement dernier, qui est appelé le « jour de la colère ». Rom., ii, 5. C’est dans ce sens qu’elle est appelée, sans autre détermination, « la colère à venir. » Matth., iii, 7 ; Luc, iii, 7. La colère de l’Agneau, dont il est question Apoc, vi, 16, signifie le jugement exercé par Jésus-Christ, l’agneau de Dieu, à la lin des temps. P. Renard.


    1. COLERIGDE Henri Jacques##

COLERIGDE Henri Jacques, jésuite anglais, né à Londres le 20 septembre 1822, mort à Roehampton le 14 avril 1893. Entré dans la Compagnie le 7 septembre 1857, étant déjà prêtre, il enseigna l’Écriture Sainte à St. Bruno’s, et dirigea la revue The Month, de 1866 à 1880. Il publia, en 1869, un ouvrage ascétique : Vila vitx nostrae meditantibus proposita, dont il donna un commentaire en anglais, en 22 volumes, de 1874 à 1892, sous ce titre : The Life of our life. Les quatre premiers forment Introductory volumes ; les 5e -7e, The holy Infancy ; les 8 « -18 « , The public Life ; les 19° -22 « , The first Days of holy Week. Cet ouvrage estimé a été traduit en français par le P. Petit, S. J., et par l’abbé Mazoyer ; cette traduction vient d’être achevée. On a donné en allemand : Die Menschwerdung des Sohnes Gottes, oder Erwâgungen ûber die Geheimnisse der neuen Monate von der Geburt unseres Herrn, in-8°, Ratisbonne, 1888. — Le P. Coleridge a encore publié : The Theology of the Parables, Londres, 1871 ; Chapters on, the Payables, in-8°, Londres, 1889 ; — dans The Month : Structure of St. Matthew’s Gospel, t. xxm ; Studies of St. Paul, t. xxxvi ; — dans The Messenger of the Sacred Heart, qu’il dirigea plusieurs années : St. Paul studied in his Epistles, en 1881-1882 ; St. Paul and the Corinthians, en 1883. C. Sommervogel.

    1. COLIAS##

COLIAS (hébreu : Qôlàyâh, « voix de Yâh, » abréviation de Jéhovah), père du faux prophète Achab, à l’époque de la captivité. Jer., xxix, 21. Au chapitre xxxvi des Septante, qui correspond au xxix de l’hébreu, ce nom est omis.

    1. COLLIER##

COLLIER (hébreu : râbîd, Gen., XLi, 41 ; Ezech., xvi, 11 ; ’ânaq, Jud., viii, 26 ; Cant., rx, 9 ; Prov., i, 9 ; Uarûzîm, Cant., i, 10 [Vulgate, 9] ; chaldéen : hamenîkà’, Dan., v, 7, 16 ; Septante ixXoiô ; , Gen., xii, 42 ; Eccli., vi, 25, 30 ; nàflE|ia, Ezech., xvi, 11 ; icEpîfle|ia, Jud., viii, 26 ; ynjvi’ffxoc, Jud., viii, 26 ; ôp[u’<ry.o ; , Cant., i, 10 [Vulgate, 9] ; vu, 1 [hébreu, 2] ; Vulgate : torques, Gen., xli, 42 ; Prov., [, 9 ; Ezech., xvi, 11 ; Dan., v, 7, 16, 29 ; monile, Cant., i, 9 [hébreu, 10]). Cercle de métal, chaîne ou cordon de pierres et d’ornements de métal ou de verre, placé autour du cou. Le collier était tantôt un signe d’autorité, Gen., xli. 42, tantôt un simple ornement. Il est impossible de distinguer les formes du collier d’après les mots hébreux qui servent à le désigner. Dans les Septante, le mot xâSefia, qui traduit le mot râbîd, dans fczéchiel, xvi, 11, sert à rendre le mot netifôp, « pendants, » dans Isaïe, iii, 19. Dans les Juges, viii, 26, ce mot est traduit parij.T|vt(rxo ; . Le même mot hébreu est traduit dans la Vulgate par torques, Jud., viii, 26 ; Is., iii, 19, comme les mots râbîd, Gen., xli, 42 ; Ezech., xvi, 11 ; et’ânaq, Prov., i, 9. Dans la Vulgate, le mot monile traduit le mot /ia<"ûztni, Cant., i, 9 (hébreu, 10) ; dans d’autres endroits, il est employé au pluriel pour désigner les bijoux en général, en hébreu keli, Cant., vii, 1 (hébreu, 2) ; Jer., [v, 30, ou la parure, ’âdi. Voir Bijou. Dans le Cantique des cantiques, iv, 9, la Vulgate a traduit le mot’ânaq par crinis. Voir Cheveu.

1° Colliers des Hébreux. — La Bible fait allusion aux colliers portés par les hommes dans des comparaisons. Prov., i, 9. Il y est parlé expressément des colliers de femmes, Ezech., xvi, ll ; Cant., i, 10 (Vulgate, 9) ; iv, 9 ; vu, 2 (Vulgate, ! ), et des pendants des colliers. Is., iii, 19. Mais l’Écriture ne nous donne de détails ni sur la forme de ces colliers, ni sur la matière dont ils étaient faits. Nous pouvons cependant nous faire une idée des colliers portés par les femmes juives, comme des autres bijoux, en étudiantceux des peuples avec lesquels les Israélites furent en contact, c’est-à-dire des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, dont nous parlerons plus loin, des Perses et des Phéniciens. Ce dernier peuple colportait ses bijoux sur toutes les côtes de la Méditerranée. On

II. — 27

a retrouvé un certain nombre de colliers phéniciens à Camiros et à Curium, dans l’île de Cypre, dans les tombes de Sardaigne, à Sidon, etc. Un des colliers du trésor de Curium est composé de soixante-dix perles d’or et d’une vingtaine de glands de même métal. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, gr. in-8°, Paris, 1885, t. iii, p. 818, fig. 576 B. Un autre de la même provenance, également tout en or, est formé de perles ovales et rondes,

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307. — Colliers puniques. Musée Saint -Louis. Carthage.

et de boutons de lotus alternant avec des fleurs de la même plante. Au centre est une tête coiffée à l’égyptienne. Ibid., p. 818, fig. 576 A. Un autre est fait d’une épaisse tresse d’or. À l’une des extrémités est une belle tête de lion, montée sur un cylindre de très fin grènetis ; de la gueule sort un anneau. À l’autre extrémité, un nœud très compliqué se termine par une rosace d’où sort un crochet. Ibid., p. 826, fig. 587. Voir Cesnola, Cyprus, 1879, pi. xxv. Dans quelques-uns, les pendants sont des grenades ou d’autres fruits. Parfois les perles d’or sont mêlées à des grains de cornaline, d’onyx, de cristal de roche, à des fleurs de lotus. G. Perrot, ibid., p. 824-826, fig. 588 et pi. x. D’autres colliers sont moins riches ; ils sont faits de pièces de verre et de terre émaillée. Ibid., p. 827 et pi. m. À tous ces colliers sont attachés les pendants dont parle la Bible. Les basreliefs

et les statues nous montrent comment ils étaient attachés au cou et pendaient sur la poitrine. G. Perrot, ibid., p. 257, 450, 519, 554, 563, 824, fig. 196, 331, 328, 373, 377, 384, 586. Voir t. i, fig. 543, col. 1795. Ces colliers phéniciens étaient également portés par les Grecs de l’époque archaïque, chez qui ils étaient appelés opjioi. Homère, Iliad., xviii, 401 ; Odyss., xv, 460 ; Eschyle, Choéphores, 617, etc. ; Monuments de l’Institut archéologique, t. x, pi. iv, v À ; W. Helbig, L’épopée homérique, trad. Trawinski, in-8°, Paris, 1894, p. 340-343 ; G. Perrot, Histoire de l’art, t. VI, p. 857, fig. 517. On a trouvé également en Étrurie des colliers de style oriental. Jules Martha, L’art étrusque, gr. in-8°, Paris, 1889, p. 105 et 109. Le P. Delattre a découvert dans les tombeaux puniques de Carthage de nombreux colliers semblables aux colliers phéniciens. Nous en reproduisons ici quelques-uns (fig. 307).

2° Colliers des Égyptiens. — Lorsque Joseph eut interprété les songes du pharaon, celui-ci, émerveillé de la sagesse du jeune homme, lui confia le gouvernement de l’Egypte, et, en autres marques de sa faveur, il lui mit au cou un collier d’or. Gen., xli, 42. La scène décrite ici est exactement la même que celle qui est représentée sur une stèle du musée du Louvre. « La partie gauche de la représentation, dit M. de Rougé, montre le profil d’un na"s dans lequel est figuré le roi Séti I er, avec une figure jeune et imberbe. Il se penche en avant sur une sorte de balcon où s’appuie sa main gauche, et semble adresser la parole au personnage qui est devant lui. Celui-ci lève les bras en signe d’allégresse, pendant qu’un serviteur lui attache au cou un collier à plusieurs rangs. » Celte scène représente la cérémonie de l’investiture d’un collier d’honneur, accordé par le pharaon à un fonctionnaire éminent. C’est ce qui résulte également des discours gravés sur la stèle auprès des personnages. « Le roi dit aux chefs qui approchent de sa personne : Donnez plusieurs colliers d’or au favorisé, chef du [gynécée ( ?)] royal, Hor-Khem. » Hor-Khem remercie le roi de ses bienfaits. P. Pierret, Description sommaire des salles du Musée égyptien, in-18, Paris, 1895, p. 49 ; Prisse d’Avennes, Monuments égyptiens, Paris, 1847, pi. xxx, reproduit une scène analogue. Cf. G.Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, in-8°, Londres, 1878, t. iii, p. 370, 371, pi. lxiv (fig. 308). « Les colliers égyptiens, dit encore M. de Rougé, étaient souvent à plusieurs rangs ; ils étaient composés d’objets symboliques, comme les poissons sacrés, les lézards, l’œil d’Osiris, les fleurs de lotus. Les fermoirs sont fermés d’un petit verrou qui tient très solidement. La tête d’épervier servait souvent à décorer les extrémités des colliers destinées à être attachées sur les épaules. Un charmant motif de chaîne, pour de petites pendeloques, se compose d’une série de vipères sacrées qui relèvent la tête : la pendeloque se termine par une tête de la déesse Hathor. » E. de Rougé, Notice sommaire des monuments égyptiens, in-18, nouvelle édition, refondue par P. Pierret, Paris, 1894, salle civile, vitrine P, p. 92. Les colliers présentaient donc une grande richesse et une grande diversité. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, gr. in-8°, Paris, 1895, t. i, p. 235. Les rois et les grands sont souvent représentés sur les monuments égyptiens portant des. colliers au cou. Lepsius, Denkmàler, t. iii, pi. 115, 118 ; G. Maspero. ouvr. cit., t. i, p. 58, 227, 253, 273, 297 ; G. Perrot, Histoire de l’art, in-8°, Paris, 1882, t. i, p. 91, 125, 127, 133, etc. ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, in-8°, Paris, 1882, t. ii, p. 15, 17, 38, 49, etc. Les dieux en portent également. G. Maspero, ouvr. cit., 1. 1, p. 136, 161 ; G. Perrot, ouvr. cit., t. i, p. 51, 52, 53, 55, etc., fig. 85, 172, 175, 176, pi. H et m ; F. Lenormant, ouv. cit., t. ii, p. 267, 276, 299, etc. ; t. iii, p. 25, 43, 102, 108, 111, 177, etc. Les colliers étaient du nombre des présents qu’ils agréaient volontiers. Une stèle du roi Horsintef, de la XXVIe dynastie, représente ce pharaon V

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et sa sœur offrant chacun à Amen-Ra deux colliers d’or. A. Mariette, Monuments divers découverts en Egypte et en Nubie, Paris, 1872, t. i, pi. 11, 12 et 13 ; G. Maspero, Records of the past, t. vi, p. 86.

Les femmes de haut rang portaient aussi de riches colliers, avec lesquels elles sont souvent représentées sur les monuments. G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 363 ; G. Pcrrot, Histoire de l’art, 1. 1, p. 143, 259, 307, 709, etc. ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. ii, p. 153, 321, 334 ; t. iii, p. 68, 73, 74, 155, etc. Dans les fouilles faites à Dahchour, en 1894, M. J. de Morgan a trouvé un grand nombre de colliers formés de cyprées, de perles plates ou rondes, de maillons de coquilles en or et de pierres précieuses de diverses espèces. Ces colliers appartenaient à des princesses égyptiennes et, en particulier, à la

toms of the ancient Egyptians, in-8, Londres, 1878, t. ii, p. 544, ꝟ. 449. De Rougé, Notice sommaire, salle civile, vitrine Q et R, p. 93-94. Il est toutefois difficile de savoir si quelques-uns de ces colliers n’appartenaient pas à des hommes.

Les colliers servaient quelquefois d’objets d'échange pour les achats. Lepsius, Denkmâler, t. ii, pi. 96 S. ; G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 323-325. Les rois en jetaient en présents aux courtisans dans les cérémonies ; Amenhotep IV est représenté faisant une distribution de ce genre. Lepsius, Denkmâler, t. iii, pi. 115. Dans les funérailles, les colliers figurent parmi les objets appartenant au mort que l’on portait en procession. C’est ce que l’on voit en particulier dans les peintures de BeniHassan. G. Wilkinson, Manners and Customs of the

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309. — Colliers égyptiens trouvés dans les fouilles de Dahchour.

princesse Noub-Hotep. J. de Morgan, Fouilles à Dahchour, in-4°, Vienne, 1895, p. 60-66, 113, pi. xv-xviii, xxii-xxiv (fig. 309). Un des plus beaux spécimens de colliers égyptiens est celui de la statuette en bronze de la reine Karomama, épouse de Takelot II, pharaon de la xxii dynastie (Musée du Louvre, salle historique, vitrine du milieu, n° 52). Ce collier (fig. 310) est en or et composé d’ornements de style géopiétrique. Il est formé de huit rangs alternés de rosaces, de fleurettes et de lamelles disposées tantôt en long, tantôt en large. Il se termine à l’extrémité inférieure par des fleurs de lotus d’où sortent des pendeloques. Le fermoir placé derrière est un large cartouche auquel sont suspendues des lamelles. Cf. Gazette des beaux-arts, 3e série, t. xv (1896), p. 477-485. — Les femmes du peuple portaient des bijoux plus simples, tantôt des chaînes en argent, tantôt des colliers formés de coquillages perforés mêlés à des graines, de cailloux brillants, de perles d'émail rondes ou allongées en poires ou en cylindres ; des plaquettes en bois, en os, en ivoire, en faïence, en terre colorée, percées de trous où passaient les fils, maintenaient l'écart entre les rangs et fixaient les extrémités du collier. G. Maspero, Guide du visiteur au musée de Boulaq, p. 270-271, 276, n » ' 4129, 4130, 4160 ; Histoire ancienne, t. i, p. 57-58 ; Prisse d’Avennes, Monuments égyptiens, pi. xlvii ; G. Perrot, Histoire de l’art, t. i, p. 835, fig. 570 ; G. Wilkinson, The Manners and Cus ancient Egyptians, t. iii, pi. lxvi. Voir t. i, fig. 544 T col. 1797.

3° Colliers des Madianites. — Les rois madianites portaient des colliers d’or. Gédéon se fait livrer tous les objets en or, et entre autres les colliers des rois. Jud., vi, 26. Ni le texte hébreu ni les Septante ne disent que les colliers fussent en or, mais cela ressort du contexte ; la Vulgate a ajouté l'épithète aureas au mot torques.

4° Colliers des Assyriens et des Babyloniens. — Quand le roi Baltasar eut aperçu écrits sur la muraille les mots Mane, Thecel, Phares, il offrit un collier d’or au devin qui les interpréterait. Dan., v, 7. Aucun des devins chaldéens ne put y réussir ; on lui amena alors Daniel, à qui il fit la même promesse. Dan., v, 16. Le prophète donna le sens de la terrible inscription et reçut le collier. Dan., v, 29. On a découvert à Koyoundjik un collier du genre de celui dont Baltasar fit présent à Daniel. Il est formé de tubes minces en or, que séparent des perles de même métal, alternativement unies et côtelées. G. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 765, fig. 435. Les rois et les grands personnages sont souvent représentés portant au cou des colliers auxquels sont suspendues des amulettes, et en particulier un bijou qui a la forme d’une croix de Malte. Layard. Monuments of Nineveh, 1853, t. i, pi. 92, 93 ; t. ii, pi. 4, 5 ; G. Perrot. ouvr. cit., t. ii, p. 763, fig. 429 ; cf. p. 549, 621, fig. 255, 306 ; F. Lenormant et K. Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 206, 299 ; DICTdelaBIBLE

Letouzey et Ané édii

LA REINE KAROMAMÂ

; Musée du Louvre)  

Archéologie orientale, in-8°, Paris, p. 153. G. Rawlinson, The five great monarchies, in-8°, Londres, 1878, 1. 1, p. 489. Les dieux et les génies en portaient également (fig. 311). Layard, ouvr. cit., t. i, pi. 34, 35, 44, 5 et 8 ; G. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 619, fig. 305 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. v, p. 267. Voir 1. 1, fig. 316, col. 1154. Souvent les colliers étaient formés de pierres percées, telles que cornalines, jaspes, améthystes, etc.,

311. — Divinité ailée trouvée à Nlmroud. British Muséum. D’après une photographie.

taillées en perles, en cylindres, en barillets, en médaillon, en olives, en noyaux de dattes, etc. Un fil métallique reliait entre elles toutes ces pièces. G. Perrot, ouvr. cit., t. ii, p. 761-763, fig. 425-428. Voir Place, Ninive et l’Assyrie, in-f°, Paris, 1867, t. iii, pi. 75.

5° Colliers d’animaux. — Les animaux portaient aussi des colliers et des pendants en matière précieuse. Les chameaux des rois madianites avaient des colliers d’or. Jud., viii, 26. Les monuments égyptiens et assyriens nous montrent de riches colliers suspendus au cou des chevaux. Voir Char, Cheval. Quelquefois ces colliers étaient de simples ornements, mais le plus souvent ils servaient à conduire les animaux. Voir t. i, fig. 555, col. 1829 ; t. ii, fig. 177, col. 525. Les bas-reliefs assyriefis représentent souvent des chiens tenus ainsi par des colliers. G. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 557, fig. 259 ; p. 559, fig. 262. Voir t. ii, fig. 267 et 268, col. 700 et 701.

6° Comparaisons tirées du collier.’— La Bible a emprunté un certain nombre de comparaisons à l’usage du

collier. Les enseignements d’un père, d’une mère, ornent le cou de l’enfant comme un collier. Prov., i, 9. Les Septante et la Vulgate ajoutent que ce collier est en or. L’orgueil tient l’homme comme un collier. Ps. lxxiii (Septante et Vulgate, lxxii), 6. Les Septante et la Vulgate ont traduit le mot’ànaq, « tenir comme un collier, » simplement par les mots Èxpitiriasv et lenuit, « tient en sa puissance. » L’Ecclésiastique, vi, 25 et 30, conseille de mettre les pieds dans les entraves de la sagesse et de passer le cou dans son collier. Car ce collier sera comme un vêtement de gloire. Dans ces trois derniers passages, il s’agit évi 312. — Prisonniers assyriens.’D’après The Brome Ornaments of the Palace Gates 0/ Balawat,

ꝟ. 5-6.

demment non pas des colliers qui ornent le cou, mais des colliers qui servent à conduire les animaux et qu’on passait aussi au cou des captifs (fig. 312).

E. Beurlier.

COLLINES. Voir Hauts Lieux et Montagnes.

    1. COLLYRE##

COLLYRE (xoMoûpiov ; Vulgate : collyrium), préparation destinée soit à guérir les yeux malades, soit simplement à entretenir et à augmenter leur beauté. Aetius, Tetrabiblos, ii, sermo iii, cap. 98, dans les Medicse artis principes, édit. de H. Etienne, in-f°, Paris, 1677, col. 340.

I. Origine et signification du nom. — Suivant les uns, collyrium dérive du grec xoXXOpa (Thésaurus linguse grsecse, au mot xoMùpiov ; Saumaise, Exercitationes plinianse, in-f », Paris, 1689, t. ii, p. 936, 937), parce que les collyres affectaient la forme du petit pain qui portait ce nom, nom que Plaute, Perses, I, iii, 12, a transporté dans la langue latine. D’autres, au contraire, veulent que collyrium soit formé de xolo ?, « coupé, » et où pâ, « queue. » Forcellini, Lexicon, édit. Y. de Vit, au mot Collyrium ; Saumaise, ouvr. cité, p. 937. Oribase, Medicin. coll., x, 23, dans les Medicse artis principes, p. 396, dit, en effet, que les collyres doivent avoir une longueur de quatre doigts et être façonnés en forme de queue de souris. Quoi qu’il en soit, le mot « collyre » désignait à l’origine un médicament solide destiné a être inséré dans une cavité quelconque, naturelle ou artificielle, du corps ( Oribase, loc. cit.). Peu à peu le sens se restreignit et devint plus spécial aux remèdes pour les yeux, Celse, VI, vi, 2, trad. Védrènes, in-8°, Paris, 1876, p. 399 ; Horace, Sat., i, v, 31, etc. ; mais, dans ce sens restreint, on étendit la dénomination des collyres solides aux collyres en poudre, en onguents et même liquides.

843

COLLYRE

844

II. Le collyre dans l’antiquité avant l’ère chrétienne. — L’usage des collyres, beaucoup plus ancien que le mot relativement récent par lequel on désigne aujourd’hui encore ces médicaments, remonte à la plus haute antiquité.

1° Égyptiens. — À une époque très reculée, les Égyptiens se servirent de collyres, comme l’attestent les papyrus et les étuis à collyre. LePapyrus Ebers, Dos hermetische Buchàberdievrzeneimittelderalten Aegypter, trouvé vers 1860, à El-Assasif, près de Thèbes, et qu’on

fait remonter à l’an 1550 avant J.-C, contient, pi. 54-64, des recettes pour les collyres. Le Musée du Louvre possède un étui à collyre (fig. 313), composé de quatre cylindres réunis en faisceau autour d’un cylindre central. Il est en bois de cèdre, haut de 57 millimètres. Sur deux des côtés, en visà-vis, est un trou peu profond, ayant servi d’un côté à fixer, de l’autre à arrêter un couvercle plat qui s’ouvrait en pivotantsurlui-même (H. Thédenat, Note sur un étui à collyre égyptien conservé au Musée du Louvre, in-8°, Paris, 1881). Chacun des compartiments porte une inscription indiquant la nature ou les vertus du collyre qu’il était destiné à contenir : 1° <i Bon collyre. » — 2° « Bon pour la vue. » — 3° « Repousser le sang. » — 4° « Repousser la douleur. » L’étui a conservé les petits bâtonnets en bois dont l’extrémité arrondie en forme d’olive servait à introduire le collyre sans risquer de blesser l’œil. M. Pierret rapporte ce petit monument à la XVIIIe ou XIXe dynastie, c’est-à-dire de 1800 à 1500 ans avant J.-C. — Dans plusieurs étuis à collyre égyptiens, on a retrouvé des restes desséchés de ces préparations, et l’analyse a fait retrouver du plomb, du fer, du bioxyde de manganèse, de l’oxyde de cuivre et, contrairement à l’opinion commune, très rarement de l’antimoine, etc. Voir A.Wiedemann, Aegyptologische Studien : Die Augenschminke Mesdem, Bonn, 1889 ; X. Fischer, Uéber die cheniisclie Zusammensetsung altàgyplischer Augenschminken, dans VArchiv fur Pharmacie, t. ccxxx, 1892, p. 9 ; K. B. Hoffmann, Ueber Mesdem, dans les Mitlheilungen des Vereins der Aertze in Steiermark, n° s 1 et 2, 1891 ; Florence et Loret, Le collyre noir et le collyre vert trouvés dans le tombeau de la princesse Noub Hotep, dans J. de Morgan, Fouilles à Dahchour, in-4°, Vienne, 1895, p. 153-164.

2° Assyriens. — Les maladies d’yeux n’étant pas aussi fréquentes en Assyrie qu’en Egypte, les collyres étaient sans doute moins recherchés par les Assyriens, du moins comme remèdes. Hérodote, iii, 1, raconte que Cyrus demanda à Amasis et obtint de ce roi l’envoi à sa cour du meilleur des médecins oculistes de l’Egypte. Avant l’époque de Cyrus, les étuis à collyre étaient connus sur les bords du Tigre. M. Babelon (dans le Bulletin des antiquaires de France, 1895, p. 180) en a reconnu un dans un objet

313.

— Étui a collyre égyptien. Musée du Louvre.

trouvé à Khorsabad, par Botta, en 1846, et conservé aujourd’hui au Cabinet des médailles, à Paris (fig. 314). Il est en serpentine, haut de 77 millimètres, large de 66 et épais de 20. Ses faces sont décorées de figures en relief.

3° Hébreux. — Les Hébreux durent connaître les collyres par les Égyptiens, qui en faisaient si grand usage.

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311. — Étui à collyre assyrien. Cabinet de France.

Dans l’Ancien Testament, il n’en est question que commeingrédient pour peindre les yeux afin d’en relever la beauté. II (IV) Reg., ix, 30 ; Jer., iv, 30 ; Ezech., xxiii, 40. Voir l’explication de ces passages, t. i, col. 672-673. — Le livre de Tobie, vi, 5 ; xi, 4, 7-8, ’13-15, raconte que ce saint personnage fut guéri de la cécité au moyen du fiel

315. — Vase à collyre. Cabinet de France.’Iâaovoç Xuxcov : « Collyre lycium de Jason. » Corpus inscr. grsec. 5779. Trouvé- à Tarente.

316. — Coupe du même vasS* montrant la partie creuse qui contenait le collyre. — Grandeur de l’original.

d’un poisson du Tigre. Nous verrons plus loin que le fiel des animaux entrait dans la composition de certains collyres. Les commentateurs admettent, les uns, que la guérison de Tobie fut naturelle ; les autres, qu’elle fut l’effet d’un miracle. Voir Calmet, Commentaire littéral, Esdras, Tobie, Paris, 1722, p. 299-300. Quoi qu’il en soit, il est curieux de rapprocher du récit du livre de Tobie l’inscription gravée sur une des tranches d’un cachet d’ocu

liste trouvé à Reims ( Espérandieu, Recueil des cachets d’oculistes romains, in-8°, Paris, 1893, rt° 142) :

M CLMARTINI DI ACHO AD LEV

M[arci] Cl[audii] Martini diacho[les] ad leu[coma], « Collyre diacholes (au fiel) de Marcus Claudius Martinus contre le leucoma (ou, en latin, albugo). » Le texte grec de Tobie, xil, 14, pour caractériser la maladie de Tobie, emploie le même mot que le cachet de Reims, ).eOxti)u, a (Vulgate : albugo). L’auteur sacré ajoute que lorsque le fiel du poisson eut été appliqué aux yeux malades de Tobie, xii, 14, il en sortit comme une « membrane d’oeuf ». Marcellus, vin, dans les Medicx artis principes, p. 277, dit que, aussitôt après l’application du collyre, l’œil atteint du leucoma « se dépouille comme d’une écaille », emittit quasi squamam.

III. Le collyre dans le Nouveau Testament. — Le mot « collyre » se lit seulement dans l’Apoca-Denys. » Bulletin iy psej lii, 18. Dieu fait écrire, entre des Antiquaires de au t res choses, par saint Jean, en K^S Jan f age métaphorique, à l’ange de neure 1 église de Laodicee : « Oins aussi

tes yeux avec un collyre, afin que tu voies, » c’est-à-dire : tu es aveuglé sur ton état de tiédeur, guéris-toi de ta cécité pour te rendre compte de ton état. Le texte sacré ne nous fournit aucune explication sur la nature du collyre auquel il fait allusion, mais il s’agit certainement des collyres tels qu’ils étaient en usage aux premiers siècles chez les Grecs et les Romains, qui avaient recueilli et s’étaient approprié les traditions orientales à ce sujet. On confectionnait les collyresavec différents métaux, cuivre, antimoine, fer, plomb ; avec de là terre, comme la terre de Samos, de Chio ; avec les plantes, leurs Heurs, leurs racines, leurs graines, leur suc, le viii, le vinaigre, l’huile ; avec dillérentes essences

317. — Tase à collyre en plomb. Cabinet de France. Aiovuo-t’ou Mxiov a Collyre lycium. de

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318. — Fragments de collyre trouvés à Kelms : MCarci) Clfaudii)

M(artinï) [ad clicaUrices] : Collyre de M. Claudius

Martinus contre les cicatrices de la cornée.

de bois préalablement réduites en charbon pulvérisé ; avec les ossements, la corne, le poil, le sang, la bile, le lait, le fiel de différents animaux, etc. Chez tous les médecins de l’antiquité, le fiel est une des substances les plus fréquemment prescrites contre les maladies d’yeux. Cf. de Villefosse et Thédenat, Cachets d’oculistes, t. i, p. 41.

Les collyres étaient, les uns solides, les autres liquides. On a retrouvé un certain nombre de vases à collyre (fig. 315, 316 et 317). Les médecins oculistes avaient des préparations qui leur étaient propres et sur lesquelles ils

apposaient leurs cachets, dont un certain nombre ont été découverts dans toutes les parties de l’empire romain et particulièrement en Gaule (fig. 318). Il y avait donc partout des oculistes et des collyres, et saint Jean, en parlant comme il le fait dans l’Apocalypse, se servait d’une comparaison facilement intelligible pour ses lecteurs.

Voir dans Medicse arlis principes, in-f°, Paris, 1677, les chapitres consacrés aux collyres et aux maladies des yeux, et Galien, Œuvres, t. xii, édit. Kuhn ; Jugler, De collyriis veterum, in-12, Butzov, 1784 ; C. G. Kuehn, Index medicorum oculariorum inter Grsecos Romanosque, in-4°, Leipzig, 1829-1830 ; H. de Villefosse et H. Thédenat, Cachets d’oculistes romains, in-8°, Paris, 1882 ; Deneffe, Les oculistes gallo-romains au 111e siècle, in-8°, Anvers, 1896. H. Thédenat.

COLOMBE. Hébreu : yônâh ; Septante : « spiarspi ; Vulgate : columba.

I. Histoire naturelle de la colombe. — 1° Ses caractères zoologiques. — On donne le nom de colombes ou de pigeons à des oiseaux de l’Qrdre des gallinacés, et de la famille des colombidés ou pigeons. Cette famille se compose de trois genres : les colombes, les colombars et les colombi-gallines. Ces deux derniers genres ne se rencontrent que dans les pays les plus chauds, et il n’est point question d’eux dans la Bible. Le genre colombe, qui est d’ailleurs le principal des trois, comprend quatre espèces : le ramier, columba palurnbus, qui a le plumage gris-ardoisé, avec des reflets bleuâtres, verts et roses ; il habite de préférence les forêts et établit son nid sur la cime des arbres ; — le colombin ou petit ramier, columba amas,

qui ne diffère du précédent que par sa taille plus petite, et niche surtout dans le creux des arbres ; — le biset, columba livia, qui a le plumage d’un bleu-cendré, se plaît dans les endroits rocailleux et arides, dépose ses œufs dans les fentes des rochers et les trous des bâtiments en ruines ; on le regarde comme la souche des pigeons domestiques ; — enfin la tourterelle, columba turtur. Voir Tourterelle. — Par sa conformation zoologique, la colombe se range entre les passereaux et les gallinacés. Ses formes lourdes et certains caractères anatomiques la rapprochent de ces derniers ; mais elle ressemble aux passereaux par ses mœurs, sa manière de percher et le soin qu’elle prend de ses petits. Les colombes sont remarquables par la douceur de leurs mœurs et la facilité avec laquelle elles se prêtent à la domestication. Dès la IVe ou Ve dynastie, des pigeonniers existent partout en Egypte pour l’élève de ces oiseaux. — La colombe peut enfler son jabot et y accumuler une certaine quantité d’air dont l’expulsion produit le roucoulement. Le mâle et la femelle s’unissent ensemble à peu près indissolublement et paraissent avoir l’un pour l’autre une vive et jalouse affection. Ils partagent en commun l’incubation et l’éducation des petits, ordinairement au nombre de deux, une ou deux fois l’an.

2° Les colombes de Palestine. — Le biset existe en nombre incalculable dans les ravins et dans les régions rocheuses de la Palestine. Il établit sa demeure dans tous

319. — Colombe. ( Columba palumbus.)

les creux des rochers les plus élevés, loin du voisinage des hommes. Plusieurs vallées en ont pris le nom de oued el-Hamâm, « vallée des Pigeons, » particulièrement celle qui débouche dans le lac de Tibériade, près de l’ancienne Magdala. Il se trouve aussi des colombes en quantités énormes dans les gorges du Kelt, du Cédron, dans la région de la Quarantaine et dans le pays de Moab. Elles appartiennent à l’espèce columba livia, ou à la variété d’Égpyte, la columba schimperi, qui diffère à peine de la précédente. Ni l’une ni l’autre de ces deux variétés n’émigrent de Palestine, et l’on y trouve leurs œufs et leurs petits en toute saison de l’année. — Le ramier, columba palumbus, se rencontre en grande quantité dans les forêts de Galaad et sur le Carmel. Le colombin n’apparaît que l’été en Palestine, et encore en assez petit nombre. On l’aperçoit surtout dans les régions de Galaad et de Basan et dans le voisinage de Jéricho. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 119. Rien ne peut donner l’idée du mouvement des myriades de pigeons dans les ravins qu’ils occupent, du bruit qu’ils y font avec leurs ailes, de la précipitation avec laquelle ils décrivent leurs cercles en volant et de l’agitation qu’ils communiquent à l’air en le traversant dans tous les sens. C’est au point que, si de grands oiseaux viennent à passer tranquillement au-dessus de ces ravins, ils sont tout d’un coup retournés sur eux-mêmes comme par une rafale inopinée de vent violent. Wood, Bible Animais, Londres, 1884, p. 419. Pendant que les colombes prennent ainsi leurs ébats, la lumière est obscurcie dans le fond du ravin comme par un nuage épais, et la fiente y tombe semblable à des flocons de neige fondante. — Les pigeons domestiques sont élevés en très grand nombre dans tout l’Orient. « Aujourd’hui, en Syrie, le pigeon est le compagnon assidu de l’homme, en quelque lieu qu’il établisse sa demeure. Le scheikh du village fait preuve de richesse s’il possède un grand colombier séparé, construit en torchis ou en briques et recouvert d’un toit. Le colombier est rempli par des pots de terre, pourvus d’une large ouverture, et servant de nid chacun à une paire de pigeons. Les gens du peuple en élèvent dans leur maison même. Dans les villages qui entourent le Carmel, il y a dans les maisons, juste sous la partie du toit qui fait face à la porte, une rangée de petits réduits carrés pratiqués dans le mur pour les pigeons. Chaque trou a sa paire d’habitants qui, pour entrer ou sortir par la porte commune, volent par-dessus les têtes de toute la famille. y> Tristram, The natural history of tlie Bible, Londres, 1889, p. 212. Les pigeons sont ainsi comme les familiers intimes de la famille. On les a toujours sous la main, pour en faire ce que l’on veut. Il en devait être à peu près de même chez les anciens Hébreux.

II. Les colombes dans la Bible. — Les colombes sont, de tous les oiseaux, ceux qui sont mentionnés le plus fréquemment dans la Sainte Écriture.’1° La colombe de l’arche. — Vers la fin du déluge, Noé fait sortir une colombe de l’arche pour se rendre compte de l’état du sol. L’oiseau était choisi à dessein, parce qu’il ne se pose que sur les endroits secs et qu’il se nourrit de graines. La colombe revint, ce qui prouva que la terre n’était pas encore assez sèche, et qu’à sa surface il ne se trouvait encore rien qui put nourrir l’oiseau. Sept jours après, la colombe fut lâchée de nouveau et revint en portant une feuille nouvelle d’olivier. À la suite d’une troisième sortie, sept autres jours plus tard, la colombe ne revint plus et Noé jugea qu’il pouvait sortir de l’arche. Gen., viii, 8-12. La colombe se retrouve dans le récit chaldéen du déluge. Samasnapistim (Hasisadra) dit dans son récit à Gilgamès (lzdubar) : « Le septième jour, je fis sortir une colombe et la lâchai. La colombe alla et tourna : elle ne trouva pas de place de repos et revint. » Col. iii, 38, 39. Ce sont ensuite une hirondelle et un corbeau qui succèdent à la colombe. Cet épisode du déluge a quelque analogie avec ce que pratiquaient

les anciens navigateurs. Ils emportaient avec eux des oiseaux en mer, et les lâchaient quand ils voulaient connaître par leur vol la proximité et la direction de la terre. Pline, H. N., i, 24. Les Argonautes en particulier lâchèrent des colombes pour savoir s’ils pouvaient traverser les Symplégades, ccueils qui fermaient l’entrée du Bosphore. Apollonius de Rhodes, Argonautica, ii, 328.

2° Les colombes dans les sacrifices. — La colombe, soit de l’espèce livia, soit de l’espèce tourterelle, est le seul oiseau qui puisse être offert dans les sacrifices. La colombe apparaît d’abord dans un rite particulier prescrit par le Seigneur à Abraham, quand il voulut contracter alliance avec lui. Le patriarche dut immoler trois quadrupèdes d’espèces différentes, les diviser en deux et placer trois moitiés à gauche et trois à droite ; il immola également une tourterelle et une colombe, puis il plaça l’une à droite et l’autre à gauche, sans les diviser. Gen., xv, 9, 10. Les oiseaux ne furent pas divisés, d’abord à cause de leur petitesse, et aussi parce qu’étant à peu près semblables l’un à l’autre, ils se correspondaient aussi exactement que les deux moitiés des autres animaux. Abraham eut à passer entre les victimes ainsi disposées. Ce rite constituait un acte d’alliance et de contrat. Jer., xxxiv, 18, 19.

— Dans les sacrifices proprement dits, l’offrande de deux tourterelles ou de deux petils de colombes n’était indispensable qu’en deux circonstances : pour l’expiation de certaines impuretés corporelles, Lev., xv, 14, 29, et À la suite de la violation d’un vœu de nazirat. Num., vi, 10. Hors de ces deux cas, l’offrande de colombes remplaçait celle de victimes trop coûteuses pour ceux auxquels la loi imposait un sacrifice. Ainsi, quand un lépreux était pauvre, il pouvait se contenter de présenter après sa guérison un agneau destiné à être offert, et deux tourterelles ou deux petits de colombes, dont l’un devait être consumé en holocauste. Lev., xiv, 22, 30. Après un refus de témoignage, un contact impur ou un serment coupable, il fallait offrir un sacrifice expiatoire composé d’une brebis ou d’une chèvre, ou à leur défaut de deux tourterelles ou de deux petits de colombes. Lev., v, 7. Il en était de même pour la purification de la femme, quarante jours après la naissance d’un enfant mâle ; celle-ci devait offrir un agneau d’un an pour l’holocauste, et le petit d’une colombe ou une tourterelle pour le péché ; si elle était pauvre, elle remplaçait l’agneau par une tourterelle ou le petit d’une colombe, destinés l’un ou l’autre à l’holocauste. Lev., xii, 6, 8. Ces petits de colombes sont des benê-yônàh, des « fils de colombes », c’est-à-dire des oiseaux qui ne sont encore ni pères ni mères, et n’ont point d’oeufs à couver ni de petits à nourrir. Le Seigneur se contentait de ces modestes victimes que les Israélites avaient sans cesse sous la main, ou qu’ils pouvaient se procurer aisément avec une dépense insignifiante. Il faut remarquer que dans ces sacrifices où deux oiseaux sont requis, l’un est simplement offert et mis à mort, tandis que l’autre est consumé en holocauste. Ces colombes tenaient, en effet, la place d’un agneau ou d’un autre quadrupède dont il était fait deux portions dans le sacrifice : l’une que le feu consumait entièrement et qui représentait comme la part de Dieu dans le sacrifice, l’autre qui était réservée pour la nourriture des sacrificateurs. Une colombe eût été trop petite pour qu’on en fit deux parts. On offrait donc deux colombes, l’une destinée à l’holocauste, l’autre réservée aux sacrificateurs. — Quand la sainte Vierge présenta Notre -Seigneur au Temple, elle apporta l’offrande des pauvres, « une paire de tourterelles ou deux petits de colombes, » Luc, ii, 24, beaucoup moins sans doute par pauvreté véritable que par humilité et obéissance aux intentions secrètes du divin Enfant. — Pour la plus grande commodité de ceux qui avaient à offrir des sacrifices, et probablement aussi pour d’autres raisons moins avouables, les prêtres tolérèrent sous les portiques du Temple la présence de marchands qui vendaient des victimes. Une première fois, Noire - Seigneur

chassa du Temple à coups de fouet les vendeurs et leurs quadrupèdes ; mais par égard pour la faiblesse et la douceur des colombes, il se contenta de dire à ceux qui les gardaient : « Emportez-les d’ici. » Joa., ii, 15, 16. Une seconde fois, il ne trouva plus dans le Temple que des changeurs et des marchands de colombes ; il renversa les tables et les sièges des hommes, mais ne fit rien aux oiseaux.

3° Remarques bibliques sur les colombes. — 1. Leur rapidité. Isaïe, lx, 8, montre les nations accourant à Jérusalem, aux jours du Messie, « comme des nuées qui volent, comme des colombes vers leurs colombiers. » La Vulgate traduit : « vers leurs fenêtres, » parce que les colombes sont comme à la fenêtre quand elles se tiennent à la porte du colombier. L’image employée par le prophète évoque le souvenir de ces nuées de pigeons qui reviennent à tire d’aile à leurs nids. David en butte à la persécution avait déjà dit :

Qui me donnera les ailes de la colombe ? Je m’envolerais et m’établirais en repos !

Ps. lv (hébreu), 7.

Osée, xi, 11, dit aussi des exilés de son peuple : « Ils s’envoleront de l’Egypte comme un oiseau, et de l’Assyrie comme une colombe ; et je les rétablirai dans leurs maisons. »

— 2. Leur gémissement. Le roucoulement de la colombe a quelque chose de doux et de plaintif qui semble exprimer la douleur. Ézéchias dans sa maladie « gémissait comme la colombe ». Is., xxxviii, 14. À la ruine de Ninive, les servantes « gémissent comme des colombes ». Nah., H, 7. Les Israélites frappés de Dieu à leur tour feront de même, Is., lix, 11, et ceux qui échapperont aux envahisseurs « seront dans les montagnes, gémissant comme les colombes des forêts ». Ezech., vii, 16. — 3. Leur plumage. Le Psalmiste dit aux Hébreux :

Quand vous étiez couchés au milieu des bercails, Les ailes de la colombe étaient couvertes d’argent, Et ses plumes avaient l’éclat de l’or.

Ps. lxviii ( lxvii), 14.

Après la victoire, les Israélites sont « couchés au milieu des bercails », c’est-à-dire qu’ils jouissent de la plus profonde paix. Cꝟ. 1. 1, col. 1916. La nation, représentée par la colombe, a les ailes argentées et dorées, c’est-à-dire qu’elle est enrichie des dépouilles de l’ennemi. — 4. Leur nid. Jérémie, xlviii, 28, dans sa prédiction contre les Moabites, fait allusion aux nombreux pigeons qui vivent dans les rochers de leur pays. Il leur conseille de fuir les villes et d’être « comme la colombe qui fait son nid au sommet <ies rochers ». — 5. Leur simplicité. La colombe est un animal sans défiance, qui se laisse prendre aisément. Osée, vii, 11, reproche à Éphraïm d’être « comme une colombe facile à séduire et n’ayant pas de cœur », c’est-à-dire d’intelligence. Les Israélites, en effet, se laissèrent attirer par les Égyptiens et les Assyriens, sans tenir compte de la colère de Dieu qui les menaçait. — Notre-Seigneur prend, au contraire, en bonne part la simplicité de la colombe, mais à condition que s’y ajoute la prudence du serpent : « Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes, » Matth., x, 16, par conséquent sans duplicité, sans astuce, sans désir de nuire ni de se venger. — 6. La fiente de colombes. Pendant le siège de Samarie par Benadad, roi de Syrie, les habitants endurèrent une. famine si horrible, qu’on vendait « une tête d’âne quatre-vingts pièces d’argent, et le quart d’un cab de fiente de colombes cinq pièces d’argent ». IV Reg., vj, 25. Le quart d’un cab équivalait à peu près à un -demi-litre. Voir Cab. En hébreu, la fiente de colombes « st appelée hiryyônim, que les massorètes ont adouci par le qéri dibyônim, ayant du reste le même sens. Certains commentateurs ont voulu voir dans ce mot un nom de plante, comme, par exemple, la racine de l’ornithogalum umbellatum, plante bulbeuse de la famille des

liliacés, vulgairement appelée « belle de onze heures ». Les Arabes nomment eux-mêmes kali, « fiente de moineau, » une salsalée. Cf. Tristram, The natural history, p. 443. Il est assez peu probable qu’il soit ici question d’une plante ; on ne l’eût guère trouvée en quantité suffisante à la fin du siège, et on l’eût vendue autrement qu’à la mesure. Le mot hébreu doit donc plutôt être pris à la lettre. Quand tous les pigeons des colombiers eurent été mangés et que toute nourriture fit défaut, on se rabattit sur les déjections des colombes, qui ne devaient pas manquer tout d’abord. Elles contenaient encore quelques principes nutritifs échappés à la digestion rapide des oiseaux et pouvaient à la rigueur occuper quelque temps l’estomac des affamés. Il se passa un fait analogue pendant le siège de Jérusalem par Titus. Les habitants en furent réduits à manger les détritus de la voirie et les vieilles bouses de bœufs. Josèphe, Bell, jud., XIII, v, 7. 4° Symbolisme de la colombe. — 1. La colombe assyrienne. Jérémie, xxv, 38, parlant des invasions assyriennes et chaldéennes, par lesquelles le Seigneur exerce sa vengeance sur le monde, dit que « le pays est ravagé par la colère de la colombe, pat la colère de la fureur divine ». Dans deux autres passages, xlvi, 16 ; L, 16, il parle du « glaive de la colombe ». Le nom de la colombe n’existe ici que dans la Vulgate. Cette traduction a été suggérée à saint Jérôme par une croyance des Juifs de son temps, qui prétendaient que la colombe était représentée sur les étendards des Babyloniens, et qu’elle pouvait ainsi figurer l’empire chaldéen. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 488. Les légendes grecques racontaient, en effet, que la prétendue fondatrice de Babylone avait été nourrie par les colombes, et en conséquence « les Syriens accordaient à ces oiseaux des honneurs divins ». Diodore de Sicile, ii, 4 ; Tibulle, Elegise, i, 7. Voir sur ce mythe Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, Paris, 1885, p. 126. Le Louvre possède une terre cuite, trouvée près de Tortose, représentant une Astarthé qui tient une colombe appuyée sur sa poitrine. Cꝟ. 1. 1, fig. 328, col. 1181. M. Clermont-Ganneau pense que le village actuel de Hamâni, près d’Ascalon, doit sa dénomination au culte de la colombe. Le nom ancien de la bourgade serait Peleia, « la colombe, » et non Palsea, « l’ancienne, » comme on l’avait cru d’abord. Acad. des inscriptions et belles-lettres, 6 sept. 1895. Mais le texte hébreu doit très vraisemblablement être entendu dans un tout autre sens que celui qui est adopté par saint Jérôme. Dans l’expression mippenê hârôn hayyônâh, le mot yônâh serait un participe du verbe yânâh, ce être cruel. » Jérémie, xlvi, 16 ; L, 16, parle deux fois du héréb hayyônâh, qu’il faudrait rendre par « glaive [le] cruel » bien plutôt que par « glaive de la colombe ». En conséquence, mippenê hârôn hayyônâh signifierait « devant la fureur du cruel », avec le mot héréb, « glaive, » sous-entendu. Les autres versions ont entendu le texte à peu près dans ce sens, sans aucune mention de la colombe. Septante : « devant la face du grand glaive, » ce qui suppose la lecture héréb au lieu de hârôn ; syriaque : « à cause de la colère du Seigneur, » ce qui suppose Yehôvâh au lieu de hayyônâh. De même, dans le passage où Sophonie, iii, 1, accuse Jérusalem, hâ’ir hayyônâh ne signifie pas « ville de la colombe », mais « ville la cruelle », l’oppressive. La paraphrase chaldaïque traduit ici : « ville qui ne cesse de provoquer à la colère. » Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 601 ; Rosenmûller, Scholia, Jeremix vaticinia, Leipzig, 1826, t. i, p. 598 ; Prophètes minores, 1816, t. lv, p. 50. La désignation de Babylone par le symbole d’une colombe n’est donc pas justifiée. — 2. La colombe du Cantique des cantiques. L’épouse du Cantique est appelée plusieurs fois du nom de colombe ; Cant., ii, 10 (seulement dans la Vulgate), 14 : « Ma colombe, dans les cavités du rocher, dans la retraite de la paroi, laisse-moi voir ton visage. » Cant., v, 2 : « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite, s Cant., vi, 8 : « Unique est ma colombe, ma par

faite. » La colombe est l’image de l’épouse par sa douceur, sa docilité, sa beauté et sa fidélité. Elle vit dans les creux des rochers, loin de tout regard et de toute atteinte, ne songeant qu’à son compagnon. Par deux fois aussi, l’époux dit à l’épouse qu’elle a des « yeux de colombe », et l’épouse fait une fois le même compliment à son époux. Gant., i, 14 ; iv, 1 ; v, -12. « Ce sont surtout des yeux purs, beaux, vifs et chastes, que les Hébreux envisagent ici, car la colombe ne regarde que son conjoint et ne jette les yeux sur aucun autre. » Rosenmùller, Scholia, Salomonis scripla, Leipzig, 1830, t. ii, p. 319. Cf. Elien, Hist. anim., iii, 44. L’épouse recevait les caresses de l’époux comme la colombe reçoit celles des habitants de la maison. — 3. La colombe symbole du Saint-Esprit. Au baptême de Notre - Seigneur, le Saint-Esprit se montre sous l’apparence d’une colombe. Matth., iii, 16 ; Marc, I, 10 ; Luc, iii, 22 ; Joa., i, 32. Les Pères et les commentateurs assignent les raisons pour lesquelles la figure de la colombe a été choisie par le Saint-Esprit en cette circonstance. Le Saint-Esprit apporte aux hommes la délivrance et la paix, et la colombe fut la messagère de la paix quand, après le déluge, elle revint à l’arche avec le rameau d’olivier, La colombe est remarquable par sa simplicité, sa fidélité affectueuse, sa tendresse pour ses petits, sa fécondité, etc., toutes choses qui sont le symbole de l’action surnaturelle de l’Esprit divin. Cf. Fillion, Saint Matthieu, Paris, 1878, p. 78 ; Knabenbauer, Comment, in Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 140.

Remarquons enfin que le nom de la colombe a servi de nom d’homme chez les Hébreux, et qu’il a été porté en particulier par le prophète Jonas. — Le rôle assigné à la colombe dans la Sainte Écriture et la parole de Notre-Seigneur recommandant de lui ressembler en simplicité ont porté les premiers chrétiens à se représenter eux-mêmes, dans leurs peintures des catacombes, sous là figure de cet oiseau. Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 186-188.

H. Lesêtre.
    1. COLOMBIER##

COLOMBIER (hébreu : ’ârubbôf, « [lieu] percé de trous ; » non rendu dans les Septante ; la Vulgate traduit par fenestras), lieu où l’on. élève des colombes. Is., lx, 8. Voir col. 850, 3°. Les colombiers ont toujours été nombreux en Orient. Ils sont quelquefois placés dans la partie supérieure de la maison, quelquefois isolés.

    1. COLOMME Jean-Baptiste Sébastien##

COLOMME Jean-Baptiste Sébastien, théologien, né à Pau le 12 avril 1712, mort à Paris en 1788. Il fut supérieur général des Barnabites, et composa un ouvrage intitulé Dictionnaire portatif de l’Écriture Sainte, in-8°, Paris, 1775. Une première édition de cet écrit avait paru sous le titre Notice sur l’Écriture Sainte, in 8°, Paris, 1773. — Voir Quérard, La France littéraire, t. ii,

p. 257.
B. Heurtebize.
    1. COLONIE##

COLONIE (Ko).<ima). La ville de Philippes en Macédoine est qualifiée du titre de « colonie » dans les Actes, xvi, 12. — 1° Les Romains appelaient « colonie » un groupe de citoyens régulièrement organisé et envoyé, en vertu d’une loi ou d’un décret impérial, pour occuper tout ou partie d’une cité conquise ou pour fonder une ville nouvelle sur un territoire appartenant à l’Etat, et par extension cette ville elle - même. En grec, colonie se dit èitoixt’a ; saint Luc, Act., xvi, 12, comme le font parfois, dans les inscriptions, les habitants des colonies situées en pays grec, Bulletin de correspondance hellénique, t. vu (1883), p. 260, a grécisé le mot latin en désignant la colonie de Philippes. Cette ville portait, en effet, le titre de Colonia Julia Philippensis ou de Colonia Augusta Julia Philippi (fig. 320). Eckhel, Doctrinanumorum, t. ii, p. 76 ; Corpus inscript, latin., t. iii, n° » 386, 633. Après la victoire d’Actium, les habitants des villes d’Italie qui avaient embrassé le parti d’Antoine furent dépouillés

de leurs terres par Octave, au profit des vétérans de son armée. Ils furent envoyés dans un certain nombre de villes de Macédoine, notamment à Dyrrachium et à Philippes, qui devinrent alors des colonies. Dion Cassius, Li, 4. Th. Mommsen, Res gestse divi Augusti, 2e édit., in-8% Berlin, 1883, p. 119.

L’institution des colonies date des origines mêmes de Rome. Les Romains confisquaient une partie du territoire des peuples conquis et y établissaient des citoyens romains. Les premières colonies furent donc comme des garnisons permanentes placées sur divers points de l’Italie. Cicéron, De leg. agr., II, xxvii, 73 ; Denys d’Halicarnasse, n, 53 ; VI, 32. À l’époque des Gracques, on commença à établir des colonies pour venir en aide à la plèbe romaine, en donnant des terres aux pauvres. Plutarque, G. Gracchus, 10, 11, 14 ; Appien, Bell, civil., i, 24. Des colonies de ce genre furent fondées jusqu’à l’époque de

320. — Monnaie de la colonie de Philippes. Monnaie de Claude frappée à Philippes de Macédoine. — TI CLAt/DIUS CAESAK. AUG. P M. TEP. IMP. Tête de l’empereur Claude, à gauche. — i$. COL AUG IUL PHILIP. Entre deux cippes, statues de Jules César et d’Auguste, placées sur un piédestal sur lequel on lit DIVUS AUG.

Sylla. Ce dernier, et après lui Pompée, César, Antoine et Octave, fondèrent des colonies pour leurs vétérans. Ces colonies furent établies non pas seulement avec des terres ; du domaine public, comme cela avait lieu auparavant, mais souvent aux dépens des particuliers dont on confisquait les propriétés. Appien, Bell, civ., i, 96 ; Virgile, Eclog., ix, 28 ; Horace, Epist., II, ii, 49.

Les colonies romaines étaient généralement établies dans des villes déjà existantes. Siculus Flaccus, dans les Grùmatici veteres, édit. Lachmann, in-8°, Berlin, 1848, t. i, p. 135 ; Servius, Ad JEneid., i, 12. Il y avait donc dans la colonie deux sortes d’habitants : 1° les colons romains, qui formaient une commune à l’image de Rome, avec des magistrats, un sénat municipal et des comices, et qui continuaient à jouir de leurs droits de citoyens romains, Act., xvi, 21 ; 2° les indigènes, qui n’avaient pas le droit de prendre part au gouvernement de la colonie. Les colonies étaient établies par une loi, qui nommait une commission de trois membres (triumviri colonise deducendae ) ou d’un plus grand nombre de membres, et qui fixait le nombre des colons et le territoire qui leur était assigné. La fondation d’une colonie était entourée de cérémonies particulières. Les agrimensores procédaient à l’arpentage du terrain et à la division des lots selon les règles de la science augurale. Les lots étaient assignés selon la loi du sort. Hygin, De limitibus, p. 113, 199-201, 204. Les colons étaient propriétaires absolus de leur lot, d’après le droit quiritaire. Sous l’empire, on leur permit de les vendre, ce qu’ils ne pouvaient ordinairement faire sous la république. Le magistrat fondateur de la colonie prenait les auspices et traçait l’enceinte de la nouvelle cité avec le soc de la charrue, selon le rite étrusque. Ce rite est représenté sur les monnaies coloniales (fig. 321). Eckhel, Doctrina numorum, t. iv, p. 489 ; Cicéron, De leg. agrar., II, "Xii, 31 ; Servius, Ad JEneid., v, 755. À l’exception de celles de Carthage et de Narbonne, toutes les colonies de l’époque républicaine furent établies en Italie. À partir de César, un grand nombre furent établies dans les pro

vinces. Les citoyens romains des colonies provinciales ne jouissaient pas du jus honorum, à moins qu’il ne leur eût été expressément concédé. Voir Citoyen romain. De plus, le sol provincial était frappé d’un impôt, stipendium, et ne pouvait pas être possédé d’après le droit quiritaire. Gaius, Institut., i, 27 ; ii, 15 ; xxvii, 21 ; Gromatici veteres, p. 4. Pour faire disparaître cette infériorité, on créa le jus italieum. Les colonies qui en jouissaient étaient considérées comme situées en Italie ; elles étaient affranchies de l’impôt provincial (immunes), et leur sol pouvait être acquis et transmis par les voies du droit civil romain. Philippes possédait le jus italieum. Digeste, L, xv, 8, 8. Voir Philippes. La loi organisant une colonie s’appelait lex colonies. On possède quelques-unes de ces lois, notamment la lex colonies Juliw Genetivse. Corpus inscript, latin., t. ii, p. 191 ; Ch. Giraud, Les bronzes d’Osuna, in-4°, Paris, 1874 ; Les nouveaux

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321. — Monnaie d’Hadrien,

frappée pour la colonie d’^Elia Capitolina (Jérusalem). fflP CAE TRAIANO HADKIANO. Buste de Trajan, à droite, lauré. — fy COL. AEL KAPIT. Colon conduisant deux bœufs derrière lesquels est un étendard planté en terre. Dans l’exergue : COND.

bronzes d’Osuna, in-4°, Paris, 1877. Le langage officiel des colonies était le latin, même dans les pays grées. Cela est manifeste par les légendes des monnaies et par les inscriptions, c’est le cas à Philippes. Les divers événements qui marquèrent le séjour de saint Paul à Philippes, Act., xvi, sont pleins de traits qui font allusion aux privilèges de la ville de Philippes en tant que colonie et aux privilèges de l’Apôtre en tant que citoyen romain. Voir Citoyen romain et Philippes.

Voir Madvig, De jure et condicione coloniarum populi romani, dans les Opuscula, in-8°, Copenhague, 1834, p. 208 ; Ruperti, De coloniis Romanorum, in-4°, Rome, 18M) ; C. Dumont, Essai sur les colonies romaines, in-8°, Bruxelles, 1844 ; Sambeth, De Romanorum coloniis, in-4°, Tubingue, 1861-1862 ; E. Baudouin, Étude sur le jus italieum, dans la Nouvelle revue historique du droit, 1881, p. 145-194, 592-642, et 1882, p. 684-621 ; J.-B. Mispoulet, Institutions politiques des Romains, in-8°, 1883, t. ii, p. 31-39, 82-86 ; Bouché- Leclercq, Manuel des institutions romaines, in-8°, Paris, 1886, p. 173, 198, etc. ; J. Marquardt, Organisation de l’empire romain, trad. franc., t. i (Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités roniaines, t. vin), in-8°, Paris, 1889, p. 47-54, 12$1-$274.

2° La Vulgate, Exod., XII, 48, emploie le mot colonia, « colonie, » dans un sens large et figuré qui ne répond d’ailleurs à aucun mot particulier du texte hébreu. Au lieu de la phrase de saint Jérôme : « Si quelque étranger veut entrer dans votre colonie et faire la Pâque du Seigneur, etc., » l’original porte : « Si quelque étranger, qui habite avec toi, veut faire la Pâque, qu’il circoncise tous les mâles de sa famille et qu’ainsi il la fasse. »

E. Beurlier.

COLONNE DE FEU. Voir Colonne de nuée.

    1. COLONNE DE NUÉE##

COLONNE DE NUÉE (hébreu : ’amrnûd hé-’ânân), nuage miraculeux qui accompagna les Hébreux depuis leur sortie d’Egypte jusqu’à leur entrée dans la terre de Chanaan.

I. Unité de la nuée mystérieuse. — Ce nuage porte parfois, dans l’Écriture, le nom de « colonne de feu », parce que la nuit il devenait lumineux et présentait l’aspect du feu. Quelques-uns ont cru d’après certains passages, principalement Exod., xiii, 21-22, que c’étaient deux colonnes distinctes, paraissant l’une le jour, l’autre la nuit, et se succédant alternativement ; mais cette complication gratuite du miracle est contraire au texte sacré, et l’unité de la colonne apparaît clairement en plusieurs endroits. Nous lisons, en effet, Exod., xiv, 24, que Dieu ce regarda le camp des Égyptiens à travers la colonne de feu et de nuée » ; nous voyons, Exod., xiv, 20, que cette colonne « était ténébreuse, [d’un côté] et brillante [de l’autre] ». D’autre part, la colonne portait le nom de « nuée », même quand elle brillait pendant la nuit. Num., ix, 21 ; cf. Num., ix, 15-16 ; Exod., xvi, 10 ; xl, 32-35, etc.

H. Forme de la colonne de nuée. — Elle fut désignée sous le nom de « colonne » à cause de la forme qu’elle affectait habituellement. Cf. Jud., xx, 40. Sa hauteur devait être fort considérable, pour qu’elle fût aperçue de tout le peuple d’Israël soit dans le camp, soit pendant les marches. Exod., XL, 36 ; cf. Num’, xvi, 19, etc. Il n’est pas sûr cependant que cette forme ne fût pas quelqueibis modifiée selon les circonstances. C’est ainsi que la nuée protectrice dut, au moment du passage de la mer Rouge, s’élargir pour former comme une muraille capable de masquer aux yeux des Égyptiens l’armée d’Israël qu’ils poursuivaient. Exod., xiv, 20.

III. Place occupée par lactlonne de nuée. — Quelques exégètes ont pensé qu’elle avait toujours été, même pendant les campements, à la tête de la tribu de Juda jusqu’à l’époque de la dédicace du Tabernacle. Mais puisqu’à partir de cette époque elle dut rester au-dessus du Tabernacle, Exod., xl, 34-36 ; Num., ix, 22, par conséquent au centre du camp, il semble plus rationnel de lui attribuer dès le commencement de son apparition cette place centrale pendant les périodes de séjour. En marche, au contraire, elle devait être à la tête des tribus qu’elle avait à diriger, sauf à s’étendre en arrière quand il le fallait, pour protéger les Hébreux contre les ardeurs du soleil ou contre leurs ennemis. Cf. Exod., xiv, 19. Ainsi sa place variait selon les offices que Dieu voulait lui faire remplir.

IV. Triple destination de la colonne de nuée. — Ces offices peuvent se ramener à trois : diriger Israël, le protéger, servir comme de trône à Jéhovah pour gouverner son peuple. — 1° La principale fonction de la colonne de nuée, celle qui apparaît en maint passage de l’Écriture comme sa véritable raison d’être, était de conduire Israël jusqu’à la Terre Promise. Deut., i, 30, 32-33 ; II Esdr., ix, 12-19 ; Sap., xviii, 3 ; Ps. lxxvii, 14. C’est même le seul rôle que lui assigne l’auteur inspiré au moment où il parle d’elle pour la première fois ; le Seigneur, qui venait de tirer Israël de l’Egypte, allait compléter son œuvre en se faisant, du sein de la nuée, le conducteur de son peuple, sans discontinuation pendant les quarante ans du séjour au désert. Exod., xiii, 21-22. On voit par ce dernier passage et par presque tous ceux que nous venons de citer que les marches des Israélites avaient lieu la nuit aussi bien que le jour. La nuée, par ses mouvements, parlait à leurs yeux au nom de Jéhovah, et leur donnait le signal pour partir ou pour s’arrêter. Qu’il fallût faire une simple halte ou un long séjour, ils devaient s’en tenir, comme cela est dit plusieurs fois, « à l’ordre du Seigneur », c’est-à-dire aux signaux donnés par la colonne de nuée, et s’avancer à sa suite quand elle marchait, ou stationner là où elle s’arrêtait. Num., IX, 17-23 ; Exod., XL, 34-35. La colonne de nuée, c’était Dieu lui-même ou son ange, cf. Exod., xiv, 19, se rendant en quelque sorte visible : c’est ainsi qu’il est dit, Exod., xxxiii, 9, que la colonne, c’est-à-dire le Seigneur qui y résidait, parlait avec Moïse. Aussi lorsqu’on élevait 855 COLONNE DE NUÉE — COLONNES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM 856

l’arche, qui devait rester sous la colonne, Moïse disait-il : « Levez-vous, Seigneur ; » de même qu’il disait : « Revenez, Seigneur, » au moment où, la colonne s’arrètant, on déposait l’arche. Num., x, 34-36 ; cf. Is., lxiii, 14. On a cependant contesté que pendant les marches l’arche fut toujours portée en avant de l’armée, et qu’elle se trouvât par conséquent sous la colonne de nuée. Voir, sur cette difficulté, Cl. Fillion, La Bible, 1. 1, 1888, p. 461, et Keil, Penlaleuch, trad. anglaise, Edimbourg, 1880, t. iii, p. 61-62.

2° Une autre fonction que l’Écriture attribue à la colonne de nuée, c’était de protéger les Israélites, principalement contre les ardeurs du soleil. Ps. civ, 39 ; Num., x, 34 ; xiv, 14 ; Sap., x, 17 ; xix, 7 ; cf. Ps. cxx, 6 ; Is., iv, 5 ; I Cor., x, 1. Les Septante disent, Num., x, 34, que la nuée ombrageait les Israélites, axiiÇoumi, de même Sap., xix, 7. L’analogie avec d’autres passages, et en particulier Sap., xix, 7, semblerait demander, à rencontre du sens indiqué par la construction, qu’on entendit « le soleil inoffensif » de Sap., xviii, 3 b, de la nuée protégeant contre le soleil, comme l’a compris Jansenius, In Exod., xiii, 21.

3° Le troisième office de la colonne de nuée était de servir de trône au Seigneur résidant au milieu de son peuple. Eccli., xxiv, 7. De là le nom de Sekinâh, « résidence, » que les rabbins lui donnèrent dans la suite. Tant que les Israélites séjournaient dans leurs campements, la colonne demeurait suspendue au-dessus du Tabernacle, à partir du jour de sa dédicace, Exod., XL, 35-36, non seulement pour attester la présence du vrai roi d’Israël, Jéhovah, mais encore pour être sa demeure et le renfermer en quelque sorte dans ses voiles. Dans certaines circonstances, pour manifester davantage sa présence ou pour exercer son autorité, Dieu faisait descendre la nuée devant la porte du Tabernacle, Exod., xxxiii, 9-10 ; Num., xii, 5 ; xvi, 19 ; Deut., xxxi, 15 ; ou bien elle pénétrait dans le lieu saint et le remplissait. Exod., XL, 32-33 ; cf. III Reg., Tin, 10-11 ; II Par., v, 13-14 ; vii, 2 ; Ezech., x, 4, 18. C’est de là que souvent le Seigneur parlait à Moïse, Exod., xxxm, 10, quoique le lieu ordinaire où il lui dictait ses oracles fût le propitiatoire placé au-dessus de l’arche d’alliance. Voir Arche d’alliance, t. i, col. 918-919. C’était dans des circonstances exceptionnelles, Exod., xxxiii, 10 ; Num., xiv, 10-12 ; xi, 25 ; xii, 5 ; xx, 6 ; xvi, 20-24, 45 ; Deut., xxxi, 7-8, 14-23, qu’il parlait du sein de la nuée, et alors d’autres que Moïse entendaient ses ordres ou du moins les recevaient aussitôt par l’intermédiaire du chef d’Israël. Ps. xcviii, 7.

V. La colonne de nuée disparaît lors du passage du Jourdain. — La colonne de nuée ne quitta jamais les Hébreux depuis le jour où Dieu la leur donna à Ramsès ou à Soccoth, ou seulement à Étham, jusqu’au moment du passage du Jourdain. Exod., xiii, 21-22. Pour passer le fleuve, les Hébreux eurent à suivre non plus la colonne, mais l’arche d’alliance ; d’où saint Augustin, Qusesl. ni in Jesum Nave, t. xxxiv, col. 777, conclut à bon droit que la nuée avait déjà disparu pour ne plus revenir. Ils étaient arrivés, en effet, au terme où elle devait les conduire.

— Une fois cependant, à la dédicace du Temple de Salomon, la nuée et la gloire du Seigneur se firent voir encore, comme si Dieu avait voulu, en renouvelant après tant de siècles l’antique manifestation de sa présence, attester que l’édifice durable construit par le fils de David était bien l’héritier légitime du sanctuaire mobile dressé par Moïse. III Reg., ym, 10-12 ; II Par., v, 13-14 ; vii, 1-2. — Tout ce que dit l’Écriture de la colonne miraculeuse, depuis son apparition première jusqu’à sa disparition définitive, au terme du voyage, lorsque ce guide surnaturel devient inutile, montre bien, de plus, qu’on ne saurait y voir, comme l’ont fait des exégèles incroyants, une de ces torches placées au haut d’une perche et dont on a toujours fait usage en Orient (Quinte-Curce, V, ii, 7) pour diriger la marche des armées et des caravanes dans le désert.

VI. Caractère figuratif de la colonne.— La colonne

de nuée est d’après saint Paul une figure du baptême. I Cor., x, 1-2, 6. Les Pères et les commentateurs ont vu aussi en elle la figure du Saint-Esprit, conducteur de l’Église en général aussi bien que des âmes des justes en particulier dans leur voyage vers la vraie terre promise. Cf. Matth., iv, 1. E. Palis.

COLONNES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM.

Parmi les œuvres d’art que Salomon fit exécuter par le Phénicien Hiram pour. orner le Temple, on remarquait en particulier deux colonnes {’ammûdîm) monumentales. L’Écriture en parle avec une complaisance marquée, et elles devinrent célèbres dans tout Israël. I (III) Reg., vu, 15-22, 40-42 ; II (IV) Reg., xxv, 13, 16 ; Il Par., m, 15-17 ; iv, 12-13 ; Jer., xxvii, 19 ; lii, 17-23 ; cf. Ezech., xl, 49.

I. Description des colonnes. — Toutes les descriptions architecturales sont vagues, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de dessins. Or, non seulement nous ne possédons aucune représentation antique des colonnes salomoniennes, mais même les renseignements graphiques que nous ont laissés les auteurs sacrés sont incomplets. On ne peut donc pas reconstituer complètement l’œuvre d’Hiram. Voici ce que nous apprend le texte sacré.

1° Dimensions des colonnes. — Les colonnes du Temple étaient au nombre de deux, en bronze (nehôsêf), I (III) Reg., vii, 15, et creuses à l’intérieur (nâbûb). Jer., lu, 21. Elles avaient dix-huit coudées (9™, 45) de hauteur sans le chapiteau, vingt-trois coudées (12™ 75) avec le chapiteau. Leur circonférence était de douze coudées, et par conséquent leur diamètre de trois coudées 9/11 (l m 983). I (III) Reg., vii, 15-16. L’épaisseur du métal dans chaque colonne était de quatre doigts (0 m 086). Jer., lu, 21. Il n’est dit nulle part si elles avaient une base et si le fût en était lisse ou non ; on ne sait donc rien de positif sur ce point. — On a trouvé en Assyrie des débris de placage en bronze qui avaient recouvert une sorte de colonne simulant un tronc de palmier. Voir Place, Ninive et l’Assyrie, t. i, p. 120-122 ; t. iii, pi. 73. On avait donc en Assyrie des colonnes de bronze, mais elles n’étaient pas en métal fondu comme celles d’Hiram ; elles consistaient en un tronc d’arbre qu’on recouvrait de lames de plomb ouvragé.

2° Chapiteaux. — Chaque colonne était couronnée d’un chapiteau (kotérét) en bronze, haut de cinq coudées (2 m 625). Ce chapiteau se décomposait en deux parties de une et de quatre coudées. I (III) Reg., vii, 19. C’était la partie la plus ornée. On y remarquait : 1. deux rangs de cent grenades chacun, placés vraisemblablement au-dessus et au-dessous de la partie inférieure du chapiteau qui avait une forme renflée et bombée (gullôt, « boules » ). I (III) Reg., vii, 41. — 2. Entre les deux rangs de grenades, sur la partie globuleuse des chapiteaux, était figuré un réseau (sebahàk). I (III) Reg., vu, 42 ; II Par., IV, 12, 13. Ce réseau, d’après un passage très obscur de I (III) Reg., vii, 17, semble avoir formé comme sept séries de chaînettes. Un chapiteau trouvé en 1892, par M. Pétrie, à Tell el-Amarna, et que nous reproduisons, fig. 322, nous offre probablement un exemple de cette sorte de réseau dont parle le texte sacré. FI. Pétrie, Tell el-Amarna, in-4°, Londres, 1894, pi. iv et p. 10. Les palmes qui forment le chapiteau de la colonne égyptienne et la divisent en séries sont garnies de pierres précieuses, séparées par des lignes d’or, imitant une mosaïque ou un grillage, comme on a aussi traduit le mot sebahàk. Hirain fit sans doute en bronze un ouvrage analogue. — 3. Au-dessus du réseau et des grenades, le chapiteau se terminait comme une fleur, que le texte, I (III) Reg., vii, 19, appelle SûSan. On traduit ordinairement ce mot hébreu par « lis », mais il s’agit probablement ici du lotus (lotus blanc, nymphxa lotus), qu’on appelait en Egypte séSen. Le lotus (lotus rose, nelumbium speciosum, avec une forme un peu modifiée), DICTIONNAIRE DE LA BIBLE.

LETOUZEY et ANE Editeurs

TEMPLE DE JERUSALEM

Fond de Vase Juif

CHAPITEAU DE TELL EL AMARNA

CHAPITEAU D’UNE COLONNE DU TEMPLE DE KARNAK

était le motif d’ornement le plus commun en Egypte, et la plupart des colonnes en particulier s’épanouissaient à leur sommet en fleur de lotus, comme dans celle que nous reproduisons fig. 322. Cf. V. Loret, Flore pharaonique, 2e édit., p. 112. — MM. Perrot et Chipiez ont donné dans l’Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 316-321, pi. vi et vii, et dans le Temple de Jérusalem, in-f°, Paris, 1889, p. 65-67, pi. vu et ix, une restitution du chapiteau des colonnes du Temple qui paraît trop donner à l’arbitraire et manquer de la simplicité et du naturel caractéristique des monuments anciens. Sur hût, voir Fil, col. 2243.

II. Noms des colonnes. — Chacune des deux colonnes eut son nom propre. « [Hiram], dit l’auteur sacré, érigea la colonne de droite et il l’appela Jachin (Yâkîn), et il érigea la colonne de gauche et il l’appela Booz (Bô’az).D III Reg., vii, 21. — Jachin apparaît comme nom d’homme dans divers livres de l’Écriture, Gen., xlvi, 10 ; I Par., xxiv, 17 ; il signifie : « [Que Dieu] fortifie ou affermisse. »

— Booz est aussi un nom d’homme, celui d’un ancêtre de David. Ruth, ii, 1. Sa signification est incertaine. D’après les uns, ce mot veut dire « vif, agile » ; mais comme ce sens ne peut s’appliquer à une colonne, ceux qui l’admettent supposent qu’elle reçut ce nom parce que c’était celui de l’ancêtre de David (Targum de II Par., m, 17) ou bien celui d’un des aides d’Hiram ou du donateur. Mûhlau et Volck, Gesenius’hebràisches Handwôrterbuch, 8e édit., 1878, p. 121. D’après d’autres, l’hébreu bô’az doit se décomposer en be et’ôz, « dans la force, » ou « en lui [Jéhovah] est la force ». — Plusieurs auteurs modernes ont supposé qu’il y avait une phrase entière dans les deux mots yâkîn et bô’az : « Que [la colonne] se tienne avec force » ou soit stable et solide. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 314. Rien ne prouve que les deux mots, placés sur deux colonnes différentes, formassent une inscription. Cette interprétation est même contraire au texte. Nous savons d’ailleurs par d’autres exemples qu’on avait coutume de donner des noms particuliers à des objets analogues. Moïse, après la victoire remportée sur Amalec, donne aussi un nom à l’autel qu’il élève en actions de grâces et l’appelle Yehôvdh nissî (Dominus exaltatio mea, traduit la Vulgate). Voir aussi Jud., vi, 24.

III. Emplacement des colonnes. — Les archéologues ne s’entendent point sur la nature et la position des deux colonnes. D’après M. le comte de Vogué, Le Temple de Jérusalem, in-f », Paris, 1864, p. 29, cf. p. 34, elles faisaient partie du portique et supportaient l’architrave. La preuve en est, dit-il, que ces colonnes étaient terminées par des chapiteaux et qu’elles devaient avoir par conséquent un entablement à porter. D’autres savants pensent que Jachin et Booz étaient isolées devant le portique, comme les obélisques des temples égyptiens, suivant la disposition de la mosaïque célèbre de Palestrine. Zoega, De origine et usu obeliscorum, in-f", Rome, 1797, p. 151-154. Le Temple ayant été construit par. un architecte phénicien, cet architecte dut imiter dans une certaine mesure les temples de sa patrie, qui ressemblaient en beaucoup de points aux temples égyptiens et dont les principaux en particulier, comme celui de Baalsamin, à Tyr, se distinguaient par deux colonnes sacrées et symboliques. Movers, Die Phônizier, t. i, p. 292-299, 393. On peut donc admettre que les deux colonnes, malgré leurs chapiteaux, étaient isolées et ne supportaient rien. Apion, dans un passage obscur et fort controversé, que nous a conservé Josèphe, Cont. Apion., ii, 2, édit. Didot, t. ii, p. 368, dit que Moïse « substitua des colonnes aux obélisques », àvti Se ô6eÂûv ïarraz xcovaç. Quoi qu’il en soit de la véritable signification et de l’exactitude de ces paroles, il est certain que les colonnes n’avaient pas la forme des obélisques ; mais il ne s’ensuit pas qu’elles supportaient une partie de l’édifice. On peut alléguer en faveur de l’isolement de Jachin et de Booz un fond de verre juif trouvé dans un cimetière de Rome et publié

par J. B. de Rossi (fig. 322, au milieu). On y voit deux colonnes isolées, placées à droite et à gauche du Temple, et qui « ne cadrent nullement avec le type ordinaire des temples grécoromains, dit M. de Rossi. C’est une particularité caractéristique…, et j’estime qu’il y a là une réminiscence de la réalité, sauf les erreurs et les impropriétés d’une perspective aussi grossière et d’un dessin à peine ébauché. Je crois que, pour dégager la perspective du Temple, le dessinateur a écarté les deux colonnes, qui auraient dû être marquées devant la façade, auprès des degrés, comme les obélisques devant les pylônes des temples égyptiens… Ézéchiel, xl, 48-49, entré dans le vestibule, les place devant les antes [ d’après M. de Vogué]. Cependant, en suivant la vision du prophète, on voit qu’après avoir mesuré le vestibule, il compte les gradins par lesquels on y montait, et qu’il mentionne ensuite les deux colonnes situées en avant, l’une à gauche, l’autre à droite. Cette description me paraît convenir à des colonnes monumentales isolées, situées auprès de l’escalier du vestibule, comme les obélisques devant les temples égyptiens ; déjà d’autres savants les avaient supposées isolées comme nous les montre cet ancien verre. (De Saulcy, Histoire de l’art judaïque, 2 8 édit., 1864, plan du Temple de Salomon, K, L ; [cardinal ] Bartolini, SuW anlico Tempio di Salomonee sull’antica grotta in Betlemme, Roma, 1868, pi. m.) Ces colonnes étaient creuses ; les chapiteaux se terminaient en forme de lis ; des colonnes semblables, sans architraves à supporter, mais soutenant des canthares d’argent, furent placées par Constantin, à Jérusalem même, autour de l’hémicycle par lequel se terminait la basilique du Saint -Sépulcre décrite par Eusèbe, Vit. Constantini, m, 38. Il y en avait aussi à Rome, dans la basilique constantinienne du Latran ; elles étaient au nombre de quatre, en bronze doré, dans l’abside, et supportaient des lampes… (Descriptio sancluarii Ecclesise romanx, ms. Vat. Reg. 712.) Je ne dis pas que sur celles de Jérusalem il y eût des lampes au-dessus des chapiteaux terminés en forme de lis ; bien que, dans l’art chrétien et dans la liturgie chrétienne, le terme de lilia ait désigné des chapiteaux et des candélabres. » J. B. de Rossi, Verre représentant le Temple de Jérusalem, in-4°, Gènes, 1883, p. 7-8.

L’isolement des deux colonnes devant le vestibule du Temple est d’autant plus probable, que le second livre des Paralipomènes, iii, 15, 17, porte, d’après la traduction la plus naturelle : « [Hiram] fit devant (lifnê] le Temple (hab-bayît) deux colonnes [ante fores templi, traduit la Vulgate)… Et il plaça les colonnes devant (’al penê) le Temple (ha-hêkâl). » Ce n’est que par une interprétation peu naturelle que les commentateurs, avec l’idée préconçue que les colonnes supportaient quelque chose, ont traduit qu’elles étaient placées dans le vestibule même. Le texte de 1.(111) Reg., vii, 21, ne dit pas que les colonnes étaient devant, mais il ne dit pas non plus qu’elles étaient be, dans le vestibule ; il a l’expression vague le’uldm, « à » ou « pour le vestibule. » Remarquons enfin que deux colonnes seules se comprennent mieux isolées qu’encastrées dans le portique.

IV. Histoire des colonnes. — Les deux colonnes furent coulées par parties dans la terre argileuse de la vallée du Jourdain, entre Sochoth et Sârthan, I (III) Reg., vu, 46, avec du bronze provenant des victoires de David sur Adarézer, roi de Soba. I Par., xviii, 7-8. Leurs dimensions étaient trop considérables pour qu’il fût possible de les couler d’une seule pièce. Pendant quatre siècles elles firent l’admiration de tous les visiteurs du Temple. Jérémie, xxvii, 19, annonça qu’elles deviendraient la proie de Nabuchodonosor. En effet, à la prise de Jérusalem, en 588, les deux colonnes de Jachin et de Booz furent brisées par les Chaldéens, lors de la destruction du Temple, et les fragments en furent emportés à Babylone. Jer., lii, 17. F. YiGOliftOUX.

COLOQUINTE. Hébreu : paqqu’ôt, II (IV) Reg., iv, 39 ; Septante : zal-jr.rft àypiav ; Vulgate : colocynthidas ; — hébreu : peqâ’îm ; Septante : xXoxïj ;  ; Vulgate : tornaturas, III Reg., vi, 18 ; — Septante : ùnoa-nç>i^ia-ci ; Vulgate : sculptura, III Reg., vii, 24.

I. Description. — C’est le fruit du Citrullus Colocynthis, dont la pulpe renferme un principe amer et drastique, la colocynthine. La plante, vivace, croît sur les sables de la Méditerranée orientale et même dans les lieux arides de l’intérieur. La tige, rude et grisâtre, sort d’une racine épaisse et pivotante, et porte des feuilles triangulaires, à trois ou cinq lobes profonds, accompagnées de vrilles, comme la plupart des autres cucurbitacées. Les fleurs, solitaires, sont monoïques ; les fruits, globuleux, verts, tachés de jaune, de la grosseur d’une orange, sont remplis de graines aplaties, à téguments très durs, sans principe amer, mais huileux intérieurement (fig. 323). F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Il est fait mention de la coloquinte sauvage dans un épisode du quatrième livre des Rois,

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323. — Coloquinte.

iv, 39. C’était à l’époque d’une grande famine ; le prophète Elisée, arrivé à Galgala, avait chargé un de ses serviteurs de préparer un repas pour les fils des prophètes qui l’avaient suivi. Celui-ci, trouvant une plante qui par le feuillage ressemblait à une vigne sauvage, cueillit des fruits, paqqu’ôt, plein son manteau. Il les coupa en morceaux et les fit Caire dans la marmite, sans savoir ce que c’était. À peine les disciples d’Elisée en eurent-ils goûté, qu’ils s’écrièrent pleins d’effroi, se croyant empoisonnés : « La mort est dans la marmite. » Mais le prophète, prenant un peu de farine, la jeta dans le vase ; aussitôt cet aliment perdit son amertume et cessa d’être nuisible. Ces paqqu’ôt sont des coloquintes, qu’un serviteur inexpérimenté avait pu prendre pour des concombres ; elles abondent dans la région où se trouvait le prophète, dans la vallée du Jourdain et sur les bords de la mer Morte. Le fruit est extrêmement amer : on l’a appelé « le fiel de la terre ». C’est un purgatif très violent. Il n’est pas étonnant qu’après en avoir mangé les fils des prophètes se soient crus empoisonnés. La petite quantité de farine qu’Elisée jeta dans la marmite ne pouvait naturellement enlever l’amertume et l’effet nuisible des coloquintes : cela ne peut s’expliquer que par un miracle. L’action du prophète n’était ici qu’un signe extérieur pour marquer que le poison allait se changer en aliment sain et bienfaisant, comme la farine. Plusieurs auteurs préfèrent voir dans les paqqu’ôt le concombre des prophètes. Voir Concombre.

2° À l’intérieur du Saint, dans le Temple de Jérusalem, les lambris de cèdre étaient ornés d’une sorte de sculpture appelée peqâ’îm. III Reg., VI, 18. Deux rangées de

peqâ’im décoraient aussi la partie supérieure de la mer d’airain ; ils étaient au-dessous du bord, dix par coudée, faisant le tour de la cuve ; ils n’étaient pas appliqués sur la mer d’airain, mais coulés en relief sur elle. III Reg., vu, 24. Ces peqâ’im sont généralement assimilés à des coloquintes. Celsius, Hierobolanicon, t. i, p. 397 ; H. B. Tristram, The natural history of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 452. La forme du fruit, son feuillage élégant, font, en effet, du Citrullus Colocynthis une plante très décorative. De plus, le pluriel masculin, peqâ’im, appliqué à un motif de décoration, fait naturellement penser au pluriel féminin de la même racine, paqqu’ôt, qui paraît bien désigner la coloquinte. Kimchi dit formellement que ces ornements étaient nommés peqâ’îm parce qu’ils rappelaient la forme des paqqu’ôt. Celsius, Hierobotan., t. i, p. 397. Cependant quelques auteurs, rattachant le mot peqâ’îm à une autre racine, pàqa’, signifiant « aller en cercle, enrouler », et le rapprochant des mots chaldéens nyps, paqqa’at, « boule^ involucre, » et Nyips, peqî’a', « pelote, » traduisent par « boutons de fleurs ». On a ainsi une ornementation en boutons de fleurs, peqâ’îm, et en fleurs écloses, ouvertes, feturê sis$im, qu’on retrouve en Egypte et en Assyrie. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 319. Malgré tout ce qu’a de frappant ce rapprochement, la première opinion paraît préférable ; elle est confirmée par le Targuin, IV Reg., lv, 39, et les talmudistes, qui emploient le mot piq’in, pekuôt. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, p. 891.

E. Levesque.

    1. COLOSSES##

COLOSSES (Ko), o(j(7ai dans saint Paul, Col., i, 2 ; Strabon, xii, 8, 4 ; Xénophon, Anab., i, 2, 6 ; Hérodote, vu, 30 ; Pline, H. N., v, 41), ville de Phrygie (fig. 324).

324. — Monnaie de Colosses de Phrygi.e. AHMOS | KOA… Tôte du Démos de Colosses, lauré, il droite.

— lî. KO | AO£ || XH | NON. Quadrige de face.

Le nom de Colosses et Colosséens a subi, dès la plus haute antiguité, si nous en jugeons par les médailles qui subsistent, une orthographe très variable : AHMOS KOAOSSHNQN ou KOAOSSHNQN, ou enfin KOAO-SHNQN. Cette cité, que Strabon classe avec Aphrodisias, Métropolis et d’autres parmi les centres importants, xo’kiay.a.id, de la Phrygie, intéresse la science biblique en ce sens que, si Paul ne l’a pas personnellement évangélisée, ce que plusieurs contestent d’après Coloss., ii, 1, il a, du moins, adressé à l’Église qui y fleurit de très bonne heure une de ses épîtres. Là vécurent plusieurs personnages ayant joué un rôle dans l’histoire des origines chrétiennes : Archippe, que Paul appelle son compagnon d’armes, Col., iv, 17 ; Phil., 2 ; Philémon, qui fut l’auxiliaire de sa prédication, Phil., 2 ; Appia, qu’il qualifie de très chère sœur ; Onésime, qu’il recommande comme ses entrailles, Phil., 12 ; Épaphras, le grand prédicateur de l’Évangile et probablement le fondateur des Églises du Lycus, Colosses, Laodicée, Hiérapolis. Col., lv, 12-13 (cf. i, 7).

Bâtie sur des gisements volcaniques, Colosses fut de bonne heure éprouvée par une série de tremblements de terre, dont l’un, mentionné par Orose, Ristoriarum lib. vii, 7, t. xxxi, col. 1078, dut se produire au temps même des Apôtres, l’an 66, mais sans conséquences trop C2

désastreuses, puisque cinq ans après elle avait repris sa place parmi les plus belles cités de Phrygie, Pline, H. N., v, 41. Les invasions successives des peuples conquérants sur le chemin desquels elle se trouvait, lui devinrent autrement funestes, et, après avoir été pillée et détruite plusieurs fois, elle finit, au moyen âge, par disparaître entièrement. Ses habitants paraissent s’être réfugiés au pied du mont Cadmus, dans la ville de Chonas (fig. 325), à laquelle ils essayèrent, peut-être, de donner le nom de leur patrie délaissée ; en sorte que la même ville eut désormais deux noms. C’est ainsi que Nicétas, un auteur byzantin, surnommé le Choniate parce qu’il était originaire de Cho tructions modernes ont été apportés des bords du Lycus, et en réalité la ville actuelle ne présente aucun caractère d’antiquité. Elle est assez régulièrement bâtie en amphithéâtre sur la base des derniers contreforts du Cadmus. Avec leurs petites terrasses couvertes de branches d’arbres et tournées toutes vers le nord, ses maisons de pisé apparaissent, de loin, comme un vaste groupement de nids d’hirondelles. Chonas se compose de deux villages distincts, le turc au levant et le chrétien au couchant, celui-ci ayant peut-être servi d’asile spécial aux émigrés de Colosses. Une grande déchirure dans les roches de la montagne donne passage à un petit tor Kffl^Si

Chonas. Vue prise près du ravin qui sépare les deux parties du village. D’après une photographie de M. Henri Camhonrnac.

nas, dit, Histor., vi, 1, t. cxxxix, col. 524, que dé son temps, vers l’an 1200, sa patrie et Colosses n’étaient qu’une même cité. Cette erreur s’est si bien accréditée parmi les habitants du pays, que lorsque, en avril 1894, nous avons voulu visiter le<= ruines de Colosses, notre guide Hélias, malgré nos protestations, nous a conduits directement à Chonas. Par bonheur qu’en passant le Lycus, point de repère fixé par Hérodote, vii, 30, nous avions d’un coup d’œil reconnu le vrai site de Colosses, et force fut bien à Hélias de nous y ramener. Tous les habitants de Chonas, depuis le pappas, curé grec de la petite ville, jusqu’au médecin du pays, nous ont affirmé qu’il n’y avait pas chez eux de ruines importantes. Les restes d’un château au flanc de la montagne, les arasements d’une église consacrée à saint Michel et quelques débris de remparts, visibles çà et là, remontent tout au plus au moyen âge. Pas de vestiges de théâtre ni de cirque. Les fragments de colonnes qu’on retrouve dans les cons rent qui sépare les deux bourgs ! L’eau descendant des neiges étincelantes du Cadmus ressenible aux ruisseaux blanchâtres qu’on trouve dans les Alpes. Je ne sais si elle est potable. Chonas est d’ailleurs pourvu d’une très abondante fontaine, où il fait bon se désaltérer. En réalité, le site de cette localité est très pittoresque, mais n’a rien de commun avec l’ancienne Colosses.

C’est à quatre kilomètres vers le nord, et sur la ri%e gauche du Tchoruk-Tchaï, le Lycus d’Hérodote, qu’il faut chercher la cité de Philémon et d’Épaphras. Là, au confluent de trois ruisseaux dont un venant du nord, l’Ak-Su, roule des eaux pétrifiantes, et les deux autres, descendant des contreforts du Cadmus, vont parallèlement se perdre dans le Lycus, s’élèvent deux collines contiguës, aplaties l’une et l’autre au sommet et disposées de façon que celle du sud a dû, tout naturellement ; servir de large escalier à celle du nord. Au-dessus des blés qu’on y a semés, des colonnes décapitées émergent çà et là. Lee

pieds de nos chevaux glissent sur les débris de poterie et de briques qui couvrent le sol, et parfois même se heurtent à des pierres de grand appareil dont le travertin noirâtre rappelle les constructions de Tralles et d’Hiérapolis. Du sommet de la plus haute colline, où subsistent encore les ruines de murs carrés qui firent partie de l’antique acropole, descendait une ligne de fortifications dont on peut suivre les arasements autour des deux collines, du moins au couchant et au midi. Le Lycus servait de défense naturelle au nord. Des faubourgs s’étendaient le long des deux ruisseaux qui vont parallèlement rejoindre ce fleuve. Dans un champ de blé, au

cumulés par les orages sur ces débris qui, malgré tout, lèvent encore hors du sable leur tête séculaire. Sur quelqu’une de ces vieilles pierres se sont assis Philémon et son esclave Onësime, pardonné et affranchi ; à l’ombre de ces colonnes se sont promenés en discourant Épaphras, Archippe et peut-être Paul lui-même.

Si on traverse, sur un pont dont les assises peuvent bien remonter à l’époque romaine, le Lycus, qui roule ses eaux bouillonnantes à travers des arbres déracinés et sur des roches où elles multiplient leurs capricieuses cascades, on trouve à droite les ruines d’une église, et à gauche un moulin. Les eaux incrustantes de l’Ak-Su

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326. — Kuines de Colosses. D’après une photographie de M. Henri Cambournao.

couchant, par delà des jardins plantés de tabac, d’arbres fruitiers et de vignes qui grimpent jusqu’au sommet des plus grands arbres, on peut voir les ruines d’un ancien aqueduc. Le théâtre, qui est toujours parmi les monuments des vieilles cités détruites le dernier à disparaître, parce que d’ordinaire il est creusé dans le roc d’une montagne et que la configuration du sol le protège, se trouve ici au bas de la deuxième colline, tourné vers le levant et presque au bord de la route actuelle. Il mesure vingt-cinq mètres de diamètre. La place des gradins est encore visible, mais tous les marbres ont disparu. Le proscenium, enfoui sous terre, se trouve couvert par le blé qu’on y a semé.

De l’autre côté de la route actuelle, qui peut-être correspond à une de ces grandes rues traversant les vieilles cités et longeant le théâtre, comme à Hiérapolis, à Laodicée, à Philippes, il faut chercher, vers deux buttes de terre blanche qui se dressent au levant, la place probable de l’agora. Des fragments de colonnes y gisent épars. On doit regretter que la pioche des chercheurs n’ait pas interrogé les monceaux de boue desséchée, ac couvrent journellement les roues de celui-ci d’une couche calcaire qu’il faut enlever avant qu’elle durcisse, si on veut empêcher l’appareil moteur de se pétrifier en entier à très bref délai.

Tandis que notre escorte mangeait de la salade et buvait du raki, les meuniers nous ont raconté l’histoire de l’église voisine. C’est tout simplement la légende de l’Archégète saint Michel. La source d’eau vive qui coule près des ruines, et où nos moukres sont allés puiser pouf boire, serait celle-là même que les apôtres Jean et Philippe auraient fait jaillir à l’endroit précis où ils voulaient que le Taxiarque Michel fût honoré et opérât des prodiges. Il ne paraît pas douteux au meunier que de très^ nombreuses guérisons s’y soient accomplies. La plus célèbre fut celle de la fille d’un païen de Laodicée, muette de naissance. Comme on lui jetait de l’eau dans la bouche, elle recouvra la parole, et le père, après s’être fait baptiser avec tous les siens, bâtit en ce lieu un petit sanctuaire, e>/.TT, piov jjuv.pôv, abritant la source sacrée. Un saint ermite s’y était établi, quand des hommes méchants firent dévier un lleuve sur le sanctuaire. Ces

hommes méchants sont peut-être la personnification légendaire de pétrifications croissantes de l’Ak-Su, qui dirigèrent insensiblement vers le petit oratoire les eaux du lleuve cristallisant. Celui-ci se heurtant à la chapelle, qu’il envahit, forma bientôt une sorte de pont naturel ou plateforme, sous laquelle le Lycus se précipitait comme dans un gouffre, laissant croire que saint Michel avait englouti dans l’abîme ses audacieux ennemis.

Quoi qu’il en soit du récit du meunier, nous constatons que le culte de l’archange Michel fut ici très répandu, car voilà la seconde église qu’on nous montre consacrée dans le pays à l’Archégète ouTaxiarque, chef de la milice sacrée. Ceci nous rappelle que Théodoret, t. iii, col. 490, à propos d’un concile de Laodicée (voir Synode de Laodicée, dans Hefelé, Histoire des conciles, t. ii, p. 156 de la traduction française) condamnant l’adoration des anges, observe que saint Michel compta toujours de nombreux sanctuaires dans le pays. Si on en juge par les capricieuses évolutions de l’Ak-Su sur le plateau où il coule, et où il a élevé les murs les plus bizarres et multiplié les avancements de terrain les plus surprenants, on n’aura pas de peine à expliquer, par ses invasions sur le Tchoruk-Tchai, non pas seulement le récit légendaire du meunier, mais le fameux -/âcjjjLa yr^, ou abîme souterrain, dont parle Hérodote, vii, 30, sous lequel le Lycus s’engouffrait près de Colosses, disparaissant pendant près d’un kilomètre, au grand étonnement des anciens. Le Lycus est, en effet, à cet endroit très encaissé, et quand on a vu les prodigieuses stratifications que produisent les eaux incrustantes de la contrée, à Hiérapolis, par exemple, rien n’est plus aisé que d’imaginer le pont immense qu’elles avaient pu former sur le fleuve où elles se précipitaient. Sur les deux rives, M. Vigouroux m’a fait observer comme des amorces de ces gigantesques pétrifications. Le dire d’Hérodote, confirmé par Strabon et Pline, sur le long tunnel couvrant le cours du Lycus près de Colosses, nous a donc paru d’autant plus fondé, que la nécropole de la ville, sur la rive droite du fleuve, au nord par conséquent des deux collines où fut l’antique cité, se trouve elle-même creusée dans de vastes couches de concrétions produites par les eaux pétrifiantes.

Du point culminant de cette nécropole, qui monte en pente douce vers le plateau où passé la route actuelle de Denizli à Tchallova, on se rend un compté exact de l’importance stratégique de Colosses, si heureusement située sur la route allant vers l’Euphrate. Xénophon, Anab., i, 2, 6, dit que Cyrus, venant de Sardes, par Philadelphie et Tripolis, la trouva à huit parasanges (quarante-huit kilomètres) du Méandre, qu’il passa près de la station actuelle du Sérakevi. C’est exact comme distance. Il y resta sept jours comme en un lieu fortifié et bien pourvu, où son armée pouvait se refaire. De là, en trois étapes, il atteignit Célène, Diner actuelle, à vingt parasanges, soit cent vingt kilomètres de Colosses, ce qui se trouve encore rigoureusement vrai. La vallée que commandait Colosses est des plus riantes et des plus fertiles. La ville, bâtie en amphithéâtre sur la double colline qui, vue du nord, semble former une hémisphère aplatie, devait présenter un aspect très gracieux. Les rues montantes, contournant en lacets réguliers toute la hauteur, se devinent encore à travers la verdure qui couvre le mamelon isolé. Au fond du tableau, le Cadmus dresse sa tête couronnée de neiges étincelantes. De Colosses, on apercevait Laodicée et Hiérapolis, les villes sœurs où Épaphras avait prêché l’Évangile, et dont les communautés formaient, avec celle de Colosses, un groupe très connu dans l’histoire de nos origines chrétiennes, sous le nom d’Églises du Lycus.

Il y a peu de voyageurs qui aient exploré les ruines de Colosses, aujourd’hui pourtant très aisément abordables. W. J. Hamilton, Besearches iii, Asia Minor, 2 in-8°, Londres, 1842, t. i, p. 507-514, est le seul auteur qui donne quelque idée du site de Colosses. F.V. J. Arundell,

DICT. DE IA BIBLE.

A visit to the seven Churches in Asia, in-8°, Londres, 1828 ; Id., Discoveries in Asia Minor, 2 in-8°, Londres, 1834, t. ii, p. 163-179, l’avait très mal visité ; il confond Colosses avec Chonas. Voir aussi H. B. Tristram, The seven Churches of Asia, the resuit of txoo y cars explorations, in-4°, Londres, 1868 ; W. M. Ramsay, The Bistorical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 1890, p. 61, 80, 135, 429 ; Fr. A. Heule, Kolossû, in-8°, Munich, 1887, p. 1-37 ; notre Voyage aux sept Eglises, et une note intéressante de M. G. Weber, de Smyrne : Der Unterirdische Lauf des Lykos bei Kolossai, dans le Jahrbuch des kaiserlichen deutschen archâologischen Instituts, in-4°, Berlin, 1891, xvi. E. Le Camus.

    1. COLOSSIENS##

COLOSSIENS (ÉPÎTRE AUX). Elle porte dans les manuscrits des titres divers : irpoç KoXouo-aetç ou 7rpo ; KoXaffuæic ; c’est la forme la plus ancienne. Pour le détail de l’appareil critique, voir C. Tischendorf, Novum Testamentum grsece recensuit, editio octava major, t. ii, p. 726.

I. Destinataires, occasion et eut de l’ÉpItre. — L’Église de Colosses n’avait pas été fondée par saint Paul, Col., ii, 1, mais par Épaphras, I, 7, originaire de cette ville, iv, 12. Celui-ci, probablement disciple de l’Apôtre à Éphèse, avait enseigné aux Colossiens les doctrines pauliniennes, i, 6, 7, 23 ; ii, 5, 7 ; iii, 7. Venu à Rome, peut-être pour rendre compte à Paul de l’état des esprits à Colosses, il donna à celui-ci bon témoignage de la foi des Colossiens ; mais en même temps il signala les tendances pernicieuses, tout à la fois dogmatiques et morales, qui se faisaient jour dans la jeune communauté. Pour connaître celles-ci, il faut prendre le contre-pied des enseignements de saint Paul dans son Épitre.

Le point de départ des erreurs enseignées à Colosses était que Dieu, absolument transcendant au monde, entrait en communication avec celui-ci par une série d’êtres célestes, qui étaient les agents de la création, i, 16, l’image du Dieu invisible, i, 15, les chefs de la création, ii, 10, 15, possédaient la plénitude de Dieu, i, 19, et par conséquent devaient être adorés, ii, 18. De ces principes découlait, comme conséquence pratique, qu’il fallait se détacher absolument de la matière par l’ahstinence du vin et de la viande, ii, 16 ; par la mortification du corps, ii, 23 ; par la circoncision, ii, 11, et par l’observation rigoureuse des fêtes, des nouvelles lunes, des sabbats, ii, 16. À quelle secte de l’antiquité chrétienne faut - il rattacher cette hérésie colossienne ? Les hypothèses ont été nombreuses. Les hérétiques de Colosses, a-t-on dit, étaient des philosophes (Tertullien, Euthalius), des épicuriens (Clément d’Alexandrie), des pythagoriciens (Grotius), des philosophes chaldéens (Hug), des chrétiens disciples de Jean-Baptiste (ICopp), des disciples d’Apollos (Michælis), des Esséniens chrétiens (Klôpper, Mangold), des judéochrétiens, esséniens (Thiersch, Credner, Ewald, Ritschl, Salmon et surtout Lightfoot, Epistle to the Colossians, p. 71-111) ou cabbalistes (Osiander) ou alexandrins (Schenkel), des gnostiques cérinthiens (Mayerhoff, Neander), des ébionistes gnostiques (Baur, Lipsius, Sabatier, Davidson, Blom, Pfleiderer, Schmiedel). Reuss croit que les faux docteurs de Colosses se rattachaient les uns aux Esséniens, les autres aux Alexandrins. Oltramare, Commentaires sur les Épltres de saint Paul aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon, in-8°, Paris, 1891, t. i, p. 58, résume ainsi l’hérésie colossienne : « Des docteurs de Colosses, professant des doctrines théosophiques transcendantes, puisées dans les élucubrations de la raison humaine (çiXoo-oipîa, ii, 8), ainsi que des principes de sanctification empruntés aux rudiments de ce monde (il, 8), prétendent par leurs spéculations philosophiques et par leur ascétisme conduire les chrétiens à la connaissance de Dieu et à la perfection. Ils se vantent (9’jo-io’jlievo ; , ii, 18) d’une science théologique supérieure et d’une sainteté en dehors du Christ (oO xati XpiuTiv, ii, 8). Ne tenant pas ferme à celui qui est la tête, le chef de l’Église

II. — 28

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    1. COLOSSIENS##

COLOSSIENS (ÉPITRE AUX)

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(il, 19), ils égarent les âmes par leur prétendue science (yvSmts ?) et les dévoient des voies véritables de la sainteté par leurs principes ascétiques. Ils portent la division et le trouble dans l’Église (m, 14-15). »

Ce résumé des opinions anciennes et modernes sur le caractère des erreurs colossiennes montre qu’il est difficile sinon impossible de dire exactement à quelle secte se rattachaient les hérétiques de Colosses. Pourquoi vouloir d’ailleurs ne pas y voir une hérésie composite, admettant des doctrines anciennes, mais ayant aussi ses caractéristiques propres et nouvelles, issues de circonstances locales, telles que les cultes de Mêm et de la grande Cybèle ? Il faut y reconnaître un certain fond de christianisme, où dominent les doctrines juives : nécessité de la circoncision, observation des fêtes, des nouvelles lunes, des sabbats ; mais c’est un judaïsme altéré, car par ces observances, par l’abstinence dans le boire et dans le manger et par d’autres pratiques ascétiques, on devait se détacher de la matière et être en communication avec les êtres surnaturels, les anges, auxquels on rendait un culte.

Pour réfuter ces erreurs, saint Paul établit que Jésus-Christ, image du Dieu invisible, agent et chef de la création, est l’unique médiateur entre Dieu et l’homme, qu’en lui est la plénitude (7cXrjpw|J.a) de la divinité, qu’en lui tout a été racheté, et que toutes les puissances lui sont soumises ; que toutes ces pratiques mesquines, observations des fêtes, sabbats, néoménies, abstinences, sont inutiles, puisque Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous. À cette spiritualité factice il oppose la sanctification réelle de la vie entière, individuelle, domestique et sociale. L’analyse de l’Épître fera ressortir les erreurs des faux docteu-s de Colosses et la réfutation qu’en donne saint Paul.

II. Lieu de la. composition de l’Épître. — C’est pendant qu’il était prisonnier que saint Paul écrivit l’Epître aux Colossiens, iv, 3, 10, 18. Mais est-ce de Césarée ou de Rome, les deux villes où il fut captif, qu’il l’envoya ? Les critiques ne sont pas d’accord sur ce point. D’après la tradition, l’Épître aux Colossiens fut écrite à Rome ; comme témoins de cette tradition, nous avons les souscriptions des manuscrits onciaux A, B°, P, K ; des minuscules 12, 42, 109, etc. ; des deux versions syriaques, cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, edit. viii, t. ii, p. 748 ; le témoignage des Pères grecs et latins : S. Chrysostome, In Éphes. argum., t. lxii, col. 10 ; Théodoret, In’Eph. arg., t. lxxxii, col. 508 ; S. Jérôme, In Ephes., t. xxvi, col. 477-553 ; Synopse d’Athanase, t. xxviii, col. 417 ; le texte grec reçu, fin de l’Épître. — De nos jours, la très grande majorité des critiques catholiques, beaucoup de protestants et même de rationalistes, Mangold, Klopper, Ewald, Holtzmann, Oltramare, Godet, von Soden, adoptent cette tradition. Cependant quelques auteurs catholiques, Haneberg, Duchesne, Lesêtre ; quelques protestants et la majorité des rationalistes, Schulz, Wiggers, Reuss, Meyer, Schenkel, Weiss, llilgenfeld, Hausrath, Plleiderer, pensent que cette lettre a été envoyée de Césarée. Atoici les arguments mis en avant de part et d’autre.

1° La liberté dont jouit saint Paul pendant sa captivité fut plus grande à Rome qu’à Césarée. Ici les siens pouvaient lui rendre des services, Act., xxiii, 35 ; mais il était en prison dans le prétoire, et il ne semble pas que des étrangers pussent venir à lui. À Rome, au contraire, il était lié à un soldat, Act., xxviii, 16 ; mais il demeura dans un appartement qu’il avait loué, et où il recevait tous ceux qui venaient le voir, prêchant le royaume de Dieu en toute liberté. Cette situation répond bien à ce que saint Paul écrit aux Colossiens, iv, 3 : « Priez en même temps pour nous, afin que Dieu nous ouvre la porte de la parole, pour que j’annonce le mystère du Christ, pour lequel je suis lié. » Les tenants pour Césarée font remarquer que ces paroles indiqueraient plutôt que

saint Paul réclame plus de liberté pour prêcher l’Évangile, et que c’est de Césarée seulement, où toute communication avec d’autres que les siens lui était interdite, qu’il a pu écrire ces lignes.

2° Mais ce n’est pas, réplique-t-on, à Césarée, mais à Rome qu’il a pu recevoir Onésime, l’esclave fugitif ; Èpaphras, l’apôtre des Colossiens, son compagnon de captivité, et qu’Aristarque partageait sa prison. Col., IV, 10. De plus, Onésime, fuyant son maître, a dû se réfugier à Rome, où il était facilement perdu dans la foule, plutôt qu’à Césarée, où il pouvait plus aisément être découvert. — Non, répond-on, il a dû fuir à Césarée, beaucoup plus rapprochée de Colosses que Rome. — La distance, réplique-t-on, ne peut être prise en considération, puisque de Colosses il était plus facile, en passant par Éphèse, d’aller à Rome qu’à Césarée.

3° En outre, dans la lettre à Philémon, envoyée à Colosses en même temps, il demande à celui-ci de lui préparer un logement. Comment, s’il a écrit de Césarée, peut-il, si peu de temps après avoir fait ses adieux aux « anciens » d’Éphèse, Act., XX, 36-38, penser à retourner déjà en Asie Mineure, lorsque quelque temps auparavant, Rom., xv, 28, il annonçait un voyage en Espagne ? Lorsqu’il fut à Rome, nous voyons, au contraire, par l’Épître aux Philippiens, ii, 24, qu’il avait l’intention de retourner en Orient avant son départ pour l’Espagne. — Les faits s’enchaînent bien mieux, répond-on, si l’on suppose que la lettre a été écrite de Césarée. Là, saint Paul espérait être mis bientôt en liberté ; il avait toujours l’intention d’aller à Rome, mais librement, et de là en Espagne. Avant de partir pour ce pays lointain, il visiterait les communautés chrétiennes d’Asie Mineure, qu’il avait fondées, et s’arrêterait à Colosses, chez Philémon.

4° Outre les arguments cités plus haut, les tenants pour Césarée ajoutent les suivants : Dans l’Épître aux Colossiens il est parlé d’Onésime, et il n’en est pas fait mention dans celle aux Éphésiens. Onésime devait donc rester à Colosses ; par conséquent, la lettre venait de l’Orient et non de Rome, auquel cas il aurait passé par Éphèse. — Cet argument est faible, car saint Paul a pu parler d’Onésime aux Colossiens parce qu’il était leur compatriote ; il n’en dit rien aux Éphésiens, qui ne le connaissaient pas.

5° Saint Paul, écrivant de Rome vers l’an 61, aurait dû, ajoute-t-on, parler aux Colossiens du tremblement de terre qui en 60-61 frappa Laodicée et les environs ; il a donc écrit de Césarée avant l’événement. La preuve ex silentio est toujours contestable. En outre. Tacite mentionne seulement le tremblement de terre de Laodicée, et il est possible que Colosses ait été très peu atteinte. Eusèbe parle bien d’un tremblement de terre qui frappa Colosses, mais il le place en 64.

6° Saint Paul dit, iv, 11, aux Colossiens, qu’Aristarque, Marc et Jésus Justus sont les seuls judéo-chrétiens qui l’ont aidé à prêcher le royaume de Dieu et lui sont venus en aide. Mais alors, s’il écrit de Rome, que sont devenus ces nombreux amis, qu’il salue dans son Épitre aux Romains, xvi, et qui étaient venus à sa rencontre jusqu’à Très Tabernae ? Act., xxviii, 15. — Il est singulier, en effet, que Paul ne mentionne que ces trois judéochrétiens ; mais il est possible que la restriction porte seulement sur le fait que seuls ces trois-là ont été ses collaborateurs pour le royaume de Dieu ; les autres probablement vaquaient à leurs affaires. — Tout bien examiné, nous devons reconnaître que les arguments tirés de l’étude même de l’Épître indiquent qu’elle a été écrite à Rome plutôt qu’à Césarée, et comme la tradition est unanimement en faveur de cette hypothèse, nous conclurons que cette lettre a été écrite à Rome, tout en reconnaissant que l’opinion contraire a pour elle quelques vraisemblances.

III. Date de la. composition. — Ceci admis, la date de composition peut être fixée entre des limites assez

étroites. Saint Paul est arrivé à Rome au printemps de 61, et il est resté captif dans cette ville pendant deux ans. L’Épître aux Colossiens a été écrite avant celle aux Philippiens ; or il a dû se passer un changement de situation pour l’Apôtre entre les deux dates d’envoi de ces lettres, car dans la lettre aux Philippiens il se plaint vivement de ceux qui l’entourent, i, 15, 17 ; ii, 21, et il parle d’une condamnation à mort comme possible, ii, 17. Quelque temps a été nécessaire pour la production de ces événements. Qu’il y ait eu un intervalle de temps entre les deux lettres, cela est prouvé encore par le fait que Luc et Aristarque, qui avaient accompagné l’Apôtre de Césarée à Rome, sont nommés dans l’Épître aux Colossiens, iv, 10, 14, tandis qu’il n’en est pas parlé dans l’Épître aux Philippiens. Leurs salutations auraient été certainement envoyées à Philippes, puisque Aristarque était de Thessalonique, Act., xx, 4, et que saint Luc avait habité longtemps à Philippes. Donc, si nous plaçons la lettre aux Philippiens vers la fin de 62 ou le commencement de 63, celle aux Colossiens aura été écrite fin de 61 ou commencement de 62. Disons cependant que Cornely, Introductio specialis in N. T. libros, p. 449, rappelant que saint Paul demande à Philémon de lui préparer un logement, croit que celui-ci a le ferme espoir de sa libération prochaine ; par conséquent il a écrit vers le terme de sa première captivité, fin de 63.

IV. Texte, de l’Épître aux Colossiens. — Mort, The New Testament in original Greek, t. ii, p. 127, affirme que l’Épître aux Colossiens, et plus spécialement le second chapitre, a été mal conservée dans les temps anciens, et que quelques-unes des difficultés qui s’y rencontrent sont dues à cette corruption primitive. Comme le critique anglais ne donne aucune preuve de cette affirmation, il est permis de n’en pas tenir compte. Nous reconnaîtrons cependant certaines altérations, dues à une cause spéciale. Ainsi qu’il sera dit plus loin, l’Épître aux Colossiens présente de nombreux points de contact avec l’Épître aux Ephésiens. Aussi, comme dans les textes parallèles, les Évangiles synoptiques, par exemple, il y a eu quelquefois assimilation de textes. Les diverses variantes ont été discutées par Lightfoot, Epistle to t/ie Colossians, in-8°, Londres, 1892, p. 244-255 ; de l’examen il ressort que le manuscrit B (Vaticanus) est celui qui se montre le plus exempt d’assimilations. Il préfère donc ses leçons même à celles qui sont le mieux appuyées ; il ne faudra pas oublier cependant que ce manuscrit a une tendance à supprimer tous les mots qui lui paraissent superflus. La variante la plus intéressante est celle de ii, 18 : S w (oùx) êwpaxev s[16aTS-jwv, « pénétrant dans les choses qu’il n’a point vues ; » ou ci swpav.sv i(16 « Te - Jwv, « scrutant les choses qu’il a vues. » Le sens est tout différent. Lightfoot affame que la deuxième leçon est la plus ancienne et la meilleure ; nous serions moins affirmatif que lui. Il est à remarquer que la première leçon semble avoir été le texte officiel, adopté par l’Église d’Orient et par celle d’Occident.

V. Analyse de l’Épître. — On peut distinguer le préambule, le corps de l’Épître et l’épilogue. Le corps de l’Épître se subdivise en deux : une partie dogmatique et une partie morale. La partie dogmatique se divise à son tour en deux : une partie didactique et une polémique. Dans la partie morale, il faut distinguer les exhortations générales et les exhortations spéciales.

I. préambule, i, 1-14. — 1° Salutation apostolique de Paul et de Timothée aux frères de Colosses, i, 1-3. — 2° Action de grâces, i, 3-8, offerte à Dieu pour les vertus de foi, d’espérance et de charité, 3-5, dont sont animés les Colossiens depuis qu’ils ont reçu l’Évangile par le ministère d’Épaphras, 5-7, qui a rendu d’eux à saint Paul un bon témoignage, 8. — 3° Prière, 9-13, pour que les Colossiens croissent dans la science du salut en force et en constance, 9-11, comme héritiers du royaume de Jésus-Christ, 12-13.

II. corps de L’Épître, i, 14-iv, 7. — § I. Partie dogmatique, i, 14-m, 1. — i. Partie didactique, i, 14-23.

— 1° Dignité de Jésus-Christ, i, 14-20, notre rédempteur, i, 14, par rapport : 1. à Dieu le Père, dont il est l’image, 15 ;

— 2. à toutes les créatures qui ont été créées et qui sont conservées par lui, 16-17 ; — 3. à l’Église, dont il est le chef, en vertu de sa résurrection et parce qu’en lui habite la plénitude de la divinité, 18-19. — 2° Grandeur de l’œuvre de Jésus-Christ, i, ’20-23, qui, par sa mort réconciliatrice, est l’auteur du salut pour toutes choses au ciel et sur la terre, 20, et pour les Colossiens, s’ils demeurent dans la foi et ne se laissent pas détourner de l’Évangile, 21-23. — n. Partie polémique, i, 21-m, 1.

— 1° Préambule, i, 24-n, 8, dans lequel l’Apôtre explique pourquoi il écrit. — 1. Il a été chargé par Dieu d’annoncer le mystère de Jésus-Christ, i, 24-29.

— 2. Sollicitude de saint Paul pour les Églises de Colosses, de Laodicée, et pour tous ceux qui ne l’ont pas vii, afin qu’ils arrivent à la pleine connaissance du mystère de Dieu, ii, 1-3. — 3. Exhortation à ne pas se laisser séduire, mais à continuer à marcher avec Jésus-Christ, affermis parla foi et attachés à JésusChrist, ii, 4-7. — 2° Mise en garde contre les hérétiques, ii, 8111, 1. — 1. Principes, ii, 8-16 : Ne pas se laisser séduire par la philosophie, qui s’appuie sur la tradition des hommes et non sur Jésus-Christ, 8, en qui habite toute la plénitude de la divinité, 9 ; — en qui nous avons tout et qui est le chef de tous les anges, 10 ; — en qui vous avez été circoncis spirituellement, ayant été ensevelis avec lui par le baptême et étant ressuscites en lui par la foi, 11-12 ; — qui vous a vivifiés avec lui, vous qui étiez morts, vous a pardonné vos péchés ; qui a détruit le décret qui vous était contraire et a triomphé en la croix des esprits mauvais, 13-15. — 2. Ligne de conduite, n, 16- iii, 1 : Ne plus tenir compte des lois cérémonielles juives, ombres de la réalité, qui est JésusChrist, 16-17 ;

— ni rendre un culte aux anges, en pénétrant des choses qui n’ont point été vues ( variante : en scrutant des visions) ; mais ne tenant pas ferme au chef, qui est Jésus-Christ, 18-19 ; — ni s’astreindre à des pratiques ascétiques, pernicieuses, et qui ne sont bonnes qu’en apparence, 20-23.

§ n. Partie morale, iii, 1-iv, 6. — i. Exhortations générales, iii, 1-18. — 1° Puisqu’ils sont ressuscites, qu’ils cherchent les choses d’en haut, iii, 1-4 ; — 2° qu’ils dépouillent le vieil homme de péché, en rejetant les vices des païens, 5-9 ; — 3° qu’ils revêtent l’homme nouveau, fait à l’image de Jésus-Christ, et pratiquent les vertus chrétiennes, surtout la charité et la paix de Jésus-Christ, 10-16 ; — 4° qu’ils s’édifient mutuellement par des hymnes, des psaumes, et que toutes leurs actions se fessent au nom du Seigneur Jésus, 17. — n. Exhortations spéciales, m, 18-iv, 1. — 1° Devoirs mutuels des époux, iii, 18-19 ;

— 2° des enfants et des parents, 20-21 ; — 3° des esclaves et des maîtres, iii, 22-iv, 1, — m. Conseils généraux de conduite comme conclusion, iv, 2-6. — 1° Persévérer dans la prière, et prier pour lui, iv, 2-4. — 2° Prudence dans les actions et dans les paroles, 5-6.

/II. épilogue, iv, 7-18. — 1° Mission de Tychique et d’Onésime, iv, 7-9. — 2° Salutations diverses, 10-15. — 3° Communication de cette lettre à l’Église de Laodicée, 16-17. — 4° Adieu autographe et bénédiction apostolique, 18.

VI. Canonicité et authenticité. — Dès les premiers temps de l’Église chrétienne, l’Épître aux Colossiens a été acceptée comme écrite par saint Paul, et par conséquent rangée parmi les écrits canoniques. En établissant la canonicité de cette Épitre, nous en prouvons en même temps l’authenticité.

Nous la trouvons mentionnée dans la liste la plus ancienne de livres canoniques que nous avons, le canon de Xluratori. Mais elle était connue plus anciennement, voir Clément Romain, I Cor., xxiv, 1, t. i, col. 260, et

Col., i, 18 ; I Cor., xux, 2, t. i, col. 309, et Col., iii, 14 ; Barnabe, xii, 7, t. ii, col. 161, et Col., i, 16 ; S. Ignace martyr, Ephes., x, 2, t. v, col. 653, et Col., i, 23 ; S. Polycarpe, Philipp., xi, 2, t. v, col. 1013, et Col., iii, 5, où l’avarice est assimilée à l’idolâtrie ; Justin martyr, Dial. cum Tryph., 84, 6, t. vi, col. 673 ; 85, 6 ; 125, 7 ; 138, 5 ; 100, 6, et Col., i, 15 ; 43, 3, et Col., ii, 11, 12. Saint Irénée, Adv. hser., iii, 14, t. vii, col. 914, cite l’Épître aux Colossiens et l’attribue à saint Paul ; cf. Col., iv, 16. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 1 ; iv, 8, t. viii, col. 705, 1276 ; v, 10 ; vi, 8, t. ix, col. 93, 284 ; Tertullien, De prsescript., vii, t. ii, col. 20 ; Contra Marcion., , 19, t. ii, col. 520 ; De resurrect., 23, t. ii, col. 826 ; Origène, Contra Ceîs., v, 8, t. xi, col. 1 192, rendent à l’Épître aux Colossiens le même témoignage. — Les hérétiques du IIe siècle l’acceptent comme étant de saint Paul. Saint Épiphane, Hères., xlii, 9, t. xli, col. 708, affirme que Marcion recevait dans son canon l’Épître aux Colossiens ; cela ressort aussi de l’argumentation de Tertullien, Contra Marcion., v, 19, t. ii, col. 519. On trouvera dans Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 526529, les passages de l’Épître aux Colossiens d’après Marcion, qu’on a pu reconstituer. Saint Irénée relève plusieurs extraits des écrits de Valentin où sont cités des passages de l’Épître aux Colossiens. Adv. hser., i, 3, 1 ; i, 3, 4 ; i, 8, 4 ; i, 8, 5, t. vii, col. 473, 529. Nous constatons aussi, d’après les Philosophumena, v, 12 ; viii, 10, t. xvi, col. 3162, 3335, que les Pérates et les Docètes avaient abusé des textes de cette Épître (Col., ii, 14, 15, et ii, 9). Enfin nous la trouvons mentionnée nominativement dans les listes d’écrits canoniques suivantes : canon de Muratori, catalogue du Claromontanus, canon du synode de Laodicée, lettre pastorale d’Athanase, liste d’Amphiloque, liste des soixante livres canoniques (voir Canon, col. 170 etsuiv.) ; dans les autres canons, elle est comptée en bloc dans les treize ou quatorze épîtres de saint Paul. Nous pourrions aussi appeler en témoignage les anciennes versions, syriaques, égyptiennes, latines, et les plus anciens manuscrits grecs, Sinaiticus, Vaticanus, Alexandrinus, etc., qui tous contiennent l’Épître aux Colossiens.

Toute l’antiquité chrétienne a regardé cette Épitre comme canonique, et en outre l’a acceptée comme étant de saint Paul. C’est en 1838 que, pour la première fois, Mayerhoff, Der Brief an die Koïosser, a mis en doute son origine paulinienne ; il prétendait qu’elle n’était qu’un extrait de l’Épître aux Éphésiens et qu’elle avait été composée pour combattre l’hérésie de Cérinthe. Baur soutient, Der Apostel Paulus, in-8°, Stuttgart, 1845, que la doctrine combattue dans cette Épître était le judéo-christianisme ébionite du IIe siècle, dont ou retrouve là tous les traits caractéristiques : circoncision, observance des fêtes juives, abstinence des viandes et du viii, culte des anges. La christologie transcendante de l’Épître est celle du gnosticisme de cette époque ; on y trouve les termes propres à cette hérésie. Holtzmann, Kritik der Epheserund Kolosserbriefe, in-8°, Leipzig, 1872, adoptant l’hypothèse de Hitzig, suppose une épître primitive de saint Paul aux Colossiens, d’après laquelle un auteur gnostique aurait écrit l’Épître aux Éphésiens ; puis, à l’aide de celle-ci, il aurait remanié l’épître primitive, et de ces manipulations successives serait sortie l’épître actuelle. On y distingue très bien, dit-il, deux polémiques différentes : l’une contre des judéo-chrétiens, attachés aux observances légales et aux jeûnes ; l’autre contre un judéochristianisme gnostique et théosophique. En somme, il rejette 53 versets sur 94, et en particulier le beau passage sur la dignité suréminente de Jésus-Christ, i, 15-20. Von Soden, dans les Jahrbùcher fur protestantische Théologie, 1885, p. 320, 497, 672, examinant à nouveau cette hypothèse, ne rejette plus comme interpolés que i, 15-20 ; ii, 10, 15, 181>. Enfin Hilgenfeld, Pileiderer, Weizsàcker rejettent toute l’Épître comme non authentique et en reportent la composition au ne siècle.

Toutes les objections soulevées contre l’aulhenticité de l’Épître aux Colossiens peuvent être classées sous deux chefs ; on discute la forme et le tond ou la doctrine de l’Épître.

1° Forme de l’Épître. — Nous soutenons que la langue et le style de l’Épître aux Colossiens sont, si l’on en excepte ce qui tient au sujet particulier de cette lettre, les mêmes que dans les Épîtres acceptées comme authentiques même par les rationalistes. Les différences signalées n’existent pas réellement ou ne prouvent rien ; l’Épître aux Colossiens a une allure et une couleur nettement pauliniennes. — Remarquons tout d’abord combien sont variables et peu sûres ces conclusions, tirées uniquement de la critique littéraire d’un écrit. Les rationalistes affirment actuellement que la langue et le style de l’Épître ne sont pas de saint Paul. Mais ils ne s’entendent pas entre eux ; il en est même, Holtzmann, qui y reconnaissent le style de l’Apôtre ; d’autres, deWette et Renan, acceptent l’Épître aux Colossiens et rejettent celle aux Éphésiens. Mais comment les anciens Pères grecs, qui certes devaient connaître la langue et le style de saint Paul, ont-ils tous accepté sans hésitation cette lettre comme étant de saint Paul ? En outre, les observations faites sur la forme de cette Épître sont ou insignifiantes ou ne prouvent rien.

1. Langue de l’Épître. — On relève 10 mots : àyûv, n, 1 ; àôpaToj, I, 15, 16 ; SEap.ô ; , IV, 18 ; u.ep ;  ; , J, 12 ; râÇt ; , n, 5, etc., qui se retrouvent dans le Nouveau Testament, mais que saint Paul emploie rarement ; 22 autres : « ). « : , IV, 6 ; txTCOxpi’vsdûat, I, 5 ; àpTusiv, II, 3 ; rci-.cpatveiv, ii, 4 ; ëvxocX|ia, ii, 22, etc., qu’il n’emploie jamais, et 34 mots : 7rpoaxoÛEiv, i, 5 ; àpeuxst’a, i, 10 ; ôpaxô ; , i, 16 ; EÎpïivoicoieïv, i, 20 ; atffxpoXoyi’a, iii, 8 ; 18eÀo8pv]<îx£Îa, ii, 23 ; È|j.êïTS’JEiv, ii, 18 ; raOavoXoyîa, ii, 4 ; <TuXay<oy£ïv, ii, 8, etc., qui ne se rencontrent ni dans les écrits de saint Paul ni dans le Nouveau Testament. Les noms composés sont, dit-on, trop nombreux ; il y en a quinze. De plus, on trouve deux préfixes là où Paul n’en met qu’un : àTtoxaTaXXâs<rstv, I, 20, 21, pour xïTaÀXâsuEiv ; ànïxSÛE<x6ai, II, 15, pour eh8ùe<t0c<l ; une accumulation de synonymes : <xo ; pîot xa (Tuviffei, 1, 9 ; içt’/M itpuJTÔTOxoç tûv vExpûv, 1, 18 ; tti ; <TOçîa ; xa : tt)ç yvcisEco ; , II, 3 ; bpfri xai W[it>{, III, 8 ; tÉXeioi xal 7r£7rXv]p(û[iévoi, iv, 12, etc., et de génitifs : tù X6~(u> tyj ? àXriÔEÎaç toû tùiitiXlov, I, 5 ; ttiv (SastXsiav toû uloO iffi àyânT) ; a-j-oî, i, 13 ; l’emploi redoublé de l’adjectif nàç. On n’y trouve ni les mots qu’emploie le plus souvent l’Apôtre : ôixaioauv/], ato-u^pia, tuct-ueueiv, vdfxoç, xEnvcovta ; ni ses conjonctions accoutumées : e ! |xyJ, o-jcé, Siô, Biôn, apoc, apa oOv.

Observons d’abord que les phénomènes que l’on vient de relever se reproduisent dans les autres Épîtres de saint Paul, et il ne peut en être autrement quand on possède un si petit nombre d’écrits d’un auteur. Chaque lettre renferme son contingent de mots, que l’Apôtre n’a pas employés ailleurs, qui ne sont nullement caratéristiques et se rencontrent très ordinairement, et d’autres qui sont des étitotÇ r(ôi.&<x. On compte de ces derniers : 96 dans l’Épître aux Romains, 98 dans la première aux Corinthiens, 92 dans la deuxième, 33 dans l’Épître aux Galates, 38 dans l’Épître aux Éphésiens, 36 dans celle aux Philippiens, 18 dans la première aux Thessaloniciens, 7 dans la seconde, 73 dans la première à Timothée, 44 dans la deuxième, 31 dans celle de Tite et même | 5 dans la courte lettre à Philémon. Peut-on s’étonner

! qu’il y en ait 34 dans l’Épître aux Colossiens, où l’Apôtre
; traite de doctrines dont il n’a parlé nulle part ailleurs ?

i C’est dans le chapitre ii, où le sujet traité est tout spécial, qu’il s’en rencontre plus de la moitié. L’enseignement et

: la polémique de l’Apôtre ayant changé avec les circons ! tances, les expressions devaient nécessairement changer

I aussi. Ceci explique également pourquoi on ne trouve pas les expressions familières de saint Paul ; il ne s’agissait plus ici de la justification par la foi ou par les œuvres,

mais d’une perfection supérieure à laquelle on prétendait arriver par des pratiques ascétiques. Si d’ailleurs on avait affaire ici à un faussaire, il aurait été bien malhabile d’employer tant d’expressions nouvelles et de laisser de côté toutes celles qu’on rencontrait le plus fréquemment dans les Épîtres de saint Paul..

On insiste et l’on fait remarquer que certains mots sont répétés si souvent, qu’ils constituent une singularité de cette Épître, tels sont fvupi’îw, i, 27 ; iv, 7, 9 ; èvepysta, 1, 19 ; ii, 12, et ses composés ; vjv, vjvî, itX^poOv, i, 9, 25 ; II, 10 ; iv, 12, 17, au lieu de lù.iot. Cette particularité s’explique par le fait, signalé plus haut, que le sujet traité était tout spécial. D’ailleurs saint Paul n’était pas un littérateur, et il ne cherche nullement à varier ses expressions ; ce que l’on peut constater dans ses autres Épîtres. — Quant à la rareté de certaines conjonctions qu’emploie souvent saint Paul, cela provient de ce que, dans cette Épître, l’Apôtre expose plus qu’il ne discute. Ici cependant nous avons la préposition <rjv, employée en composition dans le sens de avec et comme. Cet emploi de <7-jv est particulier à saint Paul : Rom., vi, 4 ; vi, 6, 8 ; vm, 17 ; Gal., ii, 20, et Col., ii, 12, 13, 20 ; iii, 1. En outre, onze mots particuliers à saint Paul, - et qui ne se trouvent que dans les Épîtres : âvaxatvoOv, iii, 10 ; craeîvas, ii, 5 ; ISpato ; , ’l, 23 ; eîv.tj, ii, 18 ; èptSi’Çsiv, iii, 21 ; 9pia|j.g£-JE’.v, II, 15 ; ixavoOv, I, 12 ; ï<x6ty|î, IV, 1 ; mx60{, iii, 5 ; auvai^[AaXtoToc, iv, 10 ; quv6ï7TT£tv, ii, 12 ; çucno’jv, ii, 18, sont dans l’Épltre aux Colossiens. La moitié des mots composés qu’on relève se retrouvent dans les autres Épîtres, et l’on sait que l’Apôtre aime à créer des mots composés. — Quant aux doubles préfixes signalés, le fait est rare et se reproduit de même dans la deuxième Épître aux Corinthiens, v, 2, 4. L’accumulation des synonymes et des génitifs se trouve aussi dans les autres Épîtres. Rom., i, 23 ; il, 5 ; viii, 21 ; I Thess., i, 3. L’adjectif jtï ; est nécessairement employé souvent dans l’Épître aux Colossiens, puisqu’il y est question de la réunion de tous les êtres en Jésus-Christ ; mais saint Paul en fait ailleurs un usage fréquent. Il se trouve 47 fois dans la première Épître aux Corinthiens, 15 fois dans le chapitre x, 14 fois dans le chapitre xm et 18 fois dans le chapitre xv.

2. Style de l’Epître. — On fait ensuite remarquer que cette Épître n’a pas la vive allure des autres écrits de Paul, que le style en est lourd, embarrassé, les constructions traînantes, les phrases fort longues. Ces observations sont exactes, mais elles ne prouvent pas que l’Épître n’a pas été écrite par saint Paul. Dans les Épîtres aux Galates, aux Corinthiens, aux Romains, le style est plus dégagé, plus alerte, plus passionné, pourrait-on dire ; mais c’est parce que l’Apôtre discute, combat directement des adversaires vivants et qu’il connaît ; dans l’Épître aux Colossiens, il n’attaque pas directement des adversaires, qui lui sont inconnus d’ailleurs ; mais il les combat en exposant d’une manière positive la doctrine évangélique, opposée à leurs erreurs. L’allure de l’Épître en devient nécessairement plus calme, plus tranquille. Mais aussi le style est alourdi, traînant, les phrases très longues, les propositions s’enchaînent au moyen de relatifs et de participes dont l’emploi n’est pas toujours régulier. Tout ceci est caractéristique de la manière de saint Paul dans ses expositions doctrinales. Ces constructions embarrassées et ces phrases très longues se retrouvent ailleurs : Rom., i, 1-8 ; ii, 13-16 ; iv, 16-22 ; I Cor., i, 4-8 ; II Cor., i, 3-7, 8-11 ; vi, 1-18 ; viii, 1-6 ; Gal., ii, 1-10 ; Eph., i, 3-7, 23-30. L’allure de l’Épître devient plus dégagée dès que saint Paul (chapitre iii) aborde les questions pratiques. Le même phénomène se reproduit dans les autres lettres pauliniennes et surtout dans l’Épître aux Éphésiens, qui a tant de points de contact avec l’Épître aux Colossiens.

Ces rapports entre les deux Épîtres sont nombreux, et l’on en a tiré la supposition que l’Épître aux Colossiens dépendait de celle aux Éphésiens et réciproque ment (Holtzmann) ; nous renvoyons à l’article Éphésiens (Épître aux) la discussion de cette question. Signalons seulement ici les points de contact entre les deux Epîtres.

Col., i, 3, 4 = Eph., i, 15-17.

iv, 1. i, 9. i, 21.

1, 22 et suiv. i, 10 ; ii, 16. il, 1, 12 et suiv. iii, 7. m, 1. ni, 2.

m, 3, 5. *

i, 18 ; iii, 8 et suiv. n, 5. ii, 15.

iv, 15 et suiv. m, 9.

iv, 19 ; v. 3, 5. , v, 6. iv, 22 et suiv., 25 et suiv. iv, 29, 31 ; v, 4. iv, 2, 32. iv, 3 et suiv. v, 19 et suiv. v, 22. v, 25. vi, 1. vi, 4.

vi, 5 et suiv. vi, 9.

vi, 18 et suiv. v, 15. iv, 29. vi, 21 et suiv.

Nous verrons plus tard que ces nombreuses ressemblances ne prouvent pas une dépendance réciproque de ces deux lettres, mais seulement qu’elles ont été écrites à la même époque, sous l’empire des mêmes préoccupations et pour combattre les mêmes erreurs.

2° Doctrine de l’Epître. — D’une manière générale, on reproche à l’Épître aux Colossiens d’enseigner des doctrines qui sont ou étrangères à saint Paul ou qui dépassent en les modifiant les doctrines pauliniennes, et, en particulier, de contenir des spéculations métaphysiques, qui appartiennent aux systèmes gnostiques des siècles suivants. C’est d’abord l’enseignement de saint Paul sur Jésus-Christ et les anges qui est attaqué. La préexistence, la divinité, la suprême autorité de Jésus-Christ sur tous les mondes, la classification des anges en hiérarchie organisée, l’application du sang du Christ aux êtres célestes, sont dans l’Épître aux Colossiens particulièrement mises en relief, tandis que, dit-on, la justification par la foi et l’action rédemptrice de Jésus-Christ, placées au premier rang dans les grandes Épîtres, sont ici presque passées sous silence. Que saint Paul n’ait pas répété dans l’Épître aux Colossiens tout ce qu’il avait dit ailleurs, et qu’il ait envisagé Jésus-Christ à un autre point de vue, personne ne devrait s’en étonner ; cependant, en réalité, on retrouve dans l’Épître aux Colossiens les enseignements des autres Épîtres, et dans ces dernières le germe des doctrines qui seront développées dans l’Épître aux Colossiens. Les doctrines fondamentales de saint Paul sur la réconciliation avec Dieu par la mort de Jésus-Christ, sur la mort au péché par l’union avec Jésus-Christ, réalisée dans le baptême, se retrouvent la première dans l’Épître aux Colossiens, I, 14, 20, 21 ; ii, 14, et la seconde, ii, 12 ; iii, 1, 5. En outre, les doctrines spéciales que saint Paul développe ici sur Jésus-Christ et les anges se lisent ailleurs. Dans I Cor., viii, 6, la

I,

3, 4

I,

10

14

I,

16

I,

18 et suiv.

I,

20

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21

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24

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I,

26

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27

II,

13

H,

14

II,

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création est attribuée à Jésus-Christ ; sa préexistence ressort de II Cor., viii, 9 : « Lui qui, étant riche, s’est fait pauvre pour vous. » Si l’Apôtre, insiste ici sur la divinité de Jésus-Christ et sa suprématie sur tous les êtres créés, c’est qu’il avait à combattre des adversaires qui par leur enseignement sur les médiateurs célestes entre Dieu et le monde tendaient à diminuer le rôle et la nature de Jésus-Christ ; ces enseignements, ici plus précis et plus développés, se retrouvent dans les autres Epîtres. Quant aux énumérations d’êtres célestes, nous en possédons de semblables dans les autres Épttres : Rom., viii, 38 ; I Cor., xv, 24. Les termes ne sont pas toujours les mêmes, ni les êtres célestes en nombre égal ; mais cela prouve que l’Apôtre en parle d’une manière générale et non systématique. Quant à la pacification des êtres célestes par la croix de Jésus, il n’en est question nulle part ailleurs ; mais il est d’autres doctrines qui ne se trouvent qu’une fois dans les Épitres de saint Paul, cf. I Cor., vi, 3 ; I Cor., xv, 28, et on n’en rejette pas pour cela l’authenticité.

Mais, soutiennent les rationalistes, les systèmes que combat l’Apôtre se sont produits au plus tôt au il" siècle, et, en outre, la terminologie de l’Épitre est celle des hérésies gnostiques, qui n’ont fait leur apparition qu’après le I er siècle. Nous avons déjà vu que les critiques sont loin de s’accorder sur les caractéristiques propres de l’hérésie colossienne, et, en fait, tout en se rapprochant des systèmes gnostiques des siècles suivants, elle ne répond exactement ni au eérinthianisme, ni au valentianisme, ni à l’ébionitisme gnostique. D’ailleurs pourquoi ne retrouverait-on pas au I er siècle le germe de ces erreurs gnostiques ? Les causes qui les ont produites au IIe siècle étaient déjà agissantes au I er. Saint Paul n’avait-il pas déjà eu à combattre dans l’Épitre aux Romains, xiv, une forme de judéochristianisme ascétique et abstinent, qui rappelle celui de Colosses ? Cette condamnation du retour aux « éléments du monde » et aux observances légales, que porte saint Paul dans l’Épitre aux Colossiens, est le thème principal de l’Épitre aux Galates. Enfin la terminologie de cette Épître est la même que celle des autres lettres. Les mots yvûiriç, i, 9 ; ii, 3 ; TuXVipwpia, I, 19 ; ii, 9, et d’autres mots sont employés ici dans le même sens que dans les autres Epîtres de saint Paul, tandis que les hérétiques gnostiques les emploient dans un sens technique tout particulier.

Comme conclusion générale, remarquons que toutes ces objections contre l’authenticité de l’Épitre aux Colossiens ont pour base cette règle critique, que, dans tous les écrits pauliniens, on doit retrouver sans aucun changement la langue, le style et les doctrines des quatre grandes Épitres aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates. On voudrait ainsi obliger l’écrivain le plus original qui fut jamais à se répéter constamment, quand, au contraire, son style est très varié, et que, d’ailleurs, les circonstances l’ont obligé à traiter les points les plus divers de la doctrine chrétienne.

VIL Bibliographie. — S. Jean Chrysostome, Homilise in Epist. ad Colossenses, t. LXir, col. 299-392 ; Théodore de Mopsueste, In Epist. B. Pauli Commentaria, t. lxvi, col. 926-931 ; Théodoret, Opéra, t. lxxxii, col. 592-628 ; Ambrosiaster, dans Commentaria in tredecim Epistolas B. Pauli, t. xvii, col. 421-442 ; Pelage, dans les Œuvres de saint Jérôme, t. xxx, col. 853-861 ; Œcuménius, t. exix, col. 14-56 ; Théophylacte, t. cxxiv, col. 1206-1279 ; Euthymius Zigabène, édit. Kalogeras, Athènes, 1887 ; S. Thomas d’Aquin, In omnes divi Pauli apostoli Epistolas commentaria ; Estius, In omnes Pauli apostoli Epistolas commentarii ; Cornélius a Lapide. — Travaux modernes. — Catholiques. Outre les introductions du Nouveau Testament et les commentaires généraux des Epîtres de saint Paul : Henle, Kolossà und rler Brief des Apostels Paulus an die Kolosser, in-8°, Munich, 1887. î, .cssiær, Erklârung des Kolosserbriefs, in-8°, Brixen, 1863.

— Non catholiques. F. Bà’hr, Commentar ûber den Brief Pauli an die Kolosser, in-8°, Bùle, 1833 ; W. Steiger, Der Brief Pauli an die Kolosser, in-8°, Erlangen, 1835 ; W. Bbhmer, Theologische Auslegung des paulinischer Sendschreibens an die Kolosser, in-8°, Breslau, 1835 ; J. E. Hûther, Commentar ûber den Brief Pauli an die Colosser, in-8°, Hambourg, 1841 ; 0. Baumgarten-Crusius, Commentar ûber die Briefe Pauli an die Ephescr und Kolosser, in-8°, Gotha, 1847 ; Fr. Dalmer, Auslegung des Brief es Pauli an die Kolosser, in- 8°, Gotha, 1855 ; Eadie John, Commentary on the Greek texte of Colossians, in-8°, Londres, 1856 ; Ellicot, Commentary on the Epistle to the Colossians, in-8°, Londres, 1857 ; Fr. Bleek, Vorlesungen ûber die Briefe an die Kolosser, Philemon, in-8 3, Berlin, 1865 ; K. von Hofmann, Die Briefe Pauli an die Kolosser und an Philemon, in-8°, Nordlingue, 1870 ; Klôpper, Der Brief an die Kolosser, in-8°, Berlin, 1882 ; IL Frank e, Briefe Pauli an die Philipper, Kolosser, in-8°, Gœttingue, 1880 ; A. Maclaren, The Epislle to the Colossians, in-8°, Londres, 1887 ; H. Oltramare, Commentaire sur les Épitres de saint Paul aux Colossiens, aux Ephésiens et à Philemon, in-8°, Paris, 1891 ; il. von Soden, Die Briefe an die Kolosser, Epheser, in-8°, Fribourg, 1891 ; J. B. Lightfoot, S. Pauls Epistle to the Colossians, in-8°, Londres, 1892.

— Travaux spéciaux : Holtzmann, Kritik der Epheserund Kolosser-Briefe, in-8°, Leipzig, 1872 ; von Soden, Kolosserbrief, dans les Jahrbxïcher fur prolestanlische Théologie, 1885, p. 320, 497, 672. E. Jacquier.

    1. COLUMBI Jean##

COLUMBI Jean, jésuite français, né à Manosque (Basses -Alpes) en 1592, mort à Lyon le Il décembre 1679. Il entra au noviciat des Jésuites en 1608, enseigna les belles-lettres, la théologie et l’Écriture Sainte. Il publia plusieurs ouvrages concernant l’histoire politique et ecclésiastique de son pays, et en outre des Commentaria in Sacram Scripturam ab initia Geneseos usque ad finem librum Begutn, in-f°, Lyon, 1656. L’auteur s’attache au sens littéral de la Vulgate, donne brièvement le sens moral et mystique d’après les mots de la Vulgate, des Septante, de l’hébreu et des anciens Pères. On conserve, à la bibliothèque de Lyon, 8 vol. in-f" de ses commentaires sur l’Ancien Testament^ et 2 vol. sur les Épilrcs canoniques et l’Apocalypse. C. Sommervogel.

COMBAT. Voir Guerre.

COMBUSTIBLE. Voir Feu.

    1. COMESTOR##

COMESTOR, surnom de Pierre deTroyes.Voir Pierre Comestor.

    1. COMÈTE##

COMÈTE, astre qui se meut, comme les planètes, à travers les constellations, et qui se compose ordinairement d’un point lumineux, appelé noyau, et d’une traînée brillante à laquelle on donne le nom de queue. La partie lumineuse qui entoure immédiatement le noyau se nomme chevelure. Cet aspect a valu au météore le nom de comète, -/.o^tt, ; , « astre chevelu. i> Aristote, Meteor., i, 6. Les comètes décrivent dans leur course une ellipse très allongée dont le soleil occupe un des foyers ; elles ne sont visibles que dans le voisinage de cet astre. La matière dont elles sont formées est transparente et paraît extrêmement ténue. On a constaté et calculé la périodicité d’un certain nombre de comètes. — Les anciens ont eu certainement l’occasion de voir assez fréquemment des comètes ; mais la Sainte Écriture ne semble pas faire d’allusion directe à ces météores. Quelques auteurs ont soutenu que l’étoile des mages était une comète ; cette comète serait même celle dont les Tables astronomiques des Chinois ont enregistré l’apparition à une époque qui correspond aux mois de février, mars et avril de l’année 750 de la fondation de Rome, et elle aurait

été visible à Bethléhem. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, 1. 1, p. 86. Un seul mot du texte suffit à condamner cette hypothèse : l’étoile s’arrêta au-dessus de la maison qui abritait l’Enfant. Matth., ii, 9. Cet arrêt est inconciliable avec la marche d’un astre ordinaire, particulièrement d’une comète. — Saint Jude, dans son Épitre, 13, qualifie sévèrement les docteurs de mensonge, et dit, entre autres choses, qu’ils sont des « astres errants », àcTTÉpe ; it).axT|Tii[. Chez les auteurs grecs, on appelle iù.6.vi, xe ; àercépeç, Xônophon, Memorabil., IV, vii, 5, ou simplement 71), âvr|Teç, Aristote, Analytic. poster., i, xiii, 1, les astres que nous nommons planètes, par opposition aux étoiles fixes (èv6eSî[Asvoi ou ànXavsîc). Toutefois Platon, Leges, vii, 821, se refuse à regarder comme astres errants, à’crcpa 7tXavi, tâ, le soleil, la lune et les autres corps célestes qui ont une route certaine. D’après le contexte, il est fort peu probable que saint Jude veuille parler des planètes, dont la marche apparente est lente et régulière. Il songe plutôt à ces météores qui étonnent quelque temps par leur forme et leur éclat, mais qui sont passagers, comme « les nuées sans eau, ballottées parles vents », comme « les flots d’une mer en courroux qui bouillonnent en désordre ». Ces météores sont vraisemblablement les comètes, « qu’attend pour toujours la tempête des ténèbres, » fꝟ. 12, 13. Cependant l’expression dont se sert saint Jude n’est pas tellement déterminée, qu’elle ne puisse s’entendre également d’autres phénomènes du monde sidéral, comme les bolides et les étoiles filantes. Ces dernières sont appelées simplement àa-cépi ; par Homère, Iliad., iv, 75 ; Aristophane, Pax, 838, etc. — Parmi les prodiges qui précédèrent la ruine de Jérusalem, Josèphe, Bell, jud., VI, v, 3, signale une comète qui fut visible pendant toute une année, et qui affectait la forme d’un glaive. Cette apparition fut considérée comme de mauvais augure, conformément a un préjugé qui a duré de longs siècles. II. Lesétre.

    1. COMITOLI Paul##

COMITOLI Paul, jésuite italien, né à Pérouse en 1544, y mourut le 18 février 1626. Il entra au noviciat des Jésuites en 1559, enseigna la rhétorique, la théologie morale et l’Écriture Sainte. Il a laissé : Catena in beatissimum Job absolutissima, e XXIV Grsecise doctorum explanationibus contexta, in-4°, Lyon, 1586 ; Venise, 1587. Dans son avis au lecteur, en tête de l’édition de Venise, il réprouve formellement celle de Lyon, comme infidèle en beaucoup d’endroits. C. Sommervogel.

COMMANDEMENTS DE DIEU. Voir Décalogue.

COMMENTAIRES DE L’ÉCRITURE. On entend par commentaire de l’Écriture une explication du sens du texte sacré ou une exposition développée des vérités qui y sont contenues. Tous les ouvrages anciens, composés dans un milieu différent du nôtre, par des écrivains qui parlaient une autre langue et avaient des habitudes et des coutumes particulières, ont besoin d’éclaircissements qui nous fassent connaître les lieux dont ils parlent, les faits, les mœurs et les usages auxquels ils font allusion, etc. ; la Bible, écrite en hébreu, en Orient, pour un peuple sémitique, entouré de nations qui avaient une religion, des lois et une manière de vivre dont nous ne pouvons avoir l’idée que par l’étude et par les livres, n’est intelligible dans un grand nombre de passages que grâce aux explications des commentateurs. Même avant la venue de Jésus-Christ, après le retour de la captivité de Babylone, dès que les Juifs eurent cessé dé parler l’hébreu proprement dit, il devint nécessaire de traduire en araméen, dans les synagogues, le texte original des livres de l’Ancien Testament que l’on ne comprenait plus et d’y joindre les explications nécessaires. Ce fut là l’origine des Targums, paraphrase chaldaïque de nos Livres Saints. Voir Targums. L’usage d’expliquer ainsi la parole de Dieu dans les réunions des fidèles fut adopté

par les Apôtres et par l’Église, et c’est ce qui donna naissance aux homélies ou explication d’un passage de l’Écriture qu’on venait de lire dans l’assemblée des chrétiens.

La plupart des explications des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament par les Pères qui nous sont parvenues sont sous forme d’homélies. Mais non content d’expliquer l’Écriture par des homélies, qui sont surtout une explication pratique et populaire, Origène (185-253) entreprit d’expliquer chaque livre, verset par verset, c’est-à-dire d’en faire un commentaire proprement dit. Il fit un troisième travail, qui était aussi une sorte de commentaire, mais auquel il donna le nom de scholies, parce qu’il s’attacha seulement à expliquer les endroits les plus difficiles, à la manière dont l’avaient fait les scholiastes d’Alexandrie pour les auteurs profanes. Sur le caractère de ces commentaires, voir Alexandrie (École exégétiqde d’), t. i, col. 301, et comparer Antioche (École exégétique d’), t. i, col. 683.

Depuis Origène, les homélies et les commentaires de toute sorte se sont multipliés presque à l’infini. On les divise en littéraux et spirituels f - selon qu’ils s’attachent à l’explication du sens littéral ou du sens allégorique [voir Allégorique (sens)], en critiques, philologiques, pratiques, selon qu’ils s’occupent de la critique du texte, de la philologie et de la grammaire ou qu’ils se proposent spécialement un but pratique d’édification. Le même commentaire peut exposer a la fois l’Écriture Sainte à plusieurs de ces points de vue ou même les réunir tous. — Un certain nombre de commentateurs chrétiens, comme Carrières (voir col. 323), se sont bornés à paraphraser le texte sacré, dans le genre des Targums, en insérant quelques explications plus ou moins courtes dans le texte sacré.

Pour les commentaires des divers livres de l’Écriture, voir l’article consacré à chacun de ces livres ; pour les commentateurs, voir au nom des commentateurs. Pour l’histoire générale et la bibliographie des commentateurs, voir Richard Simon, Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament depuis le commencement du christianisme jusqu’à noire temps, in-4°, Rotterdam, 1693 ; J. Lelong, Bibliotheca sacra, 2 in-8°, Paris, 1709 ; 2 in-f°, Paris, 1723 ; nouvelle édition augmentée par Chr. Fr. Borner, Leipzig, 1709 ; autre édition plus complète par A. G. Masch, 5 in-4°, Halle, 1778-1790 ; Calmet, Bibliothèque sacrée, voir col. 74 ; J. Darling, Cyclopedia bibliographica, Subjects, Holy Scriptures, in-8°, Londres, 1859. Cf. Ph. H. Schuler, Gescliichte der populairen Schrifterklàrung unter den Christen von dem Aufang des Christenthums bis auf gegenwârtige Zeiten, 2 in-8°, Tubingue, 1787 ; J. G. Rosenmùller, Historia interprétation™ librorum sacrorum in Ecclesia christiana, 5 in-8°, Leipzig, 1795-1812 ; E. F. K. Rosenmùller, Uandbuchfûr die Literatur der biblischen Kritik und Exégèse, 4 in-8°, Leipzig, 1797-1800 ; Chr. V. Flùgge, Einleitung in das Studium und in die Literatur der Religionsund Kirchengeschichte, in-8°, Gœttingue, 1801 ; G. W. Meyer, Gescliichte der Schrifterklàrung seit der Wiederherstellung der Wissenschaften, 5 in-8°, Gœttingue, 1802-1808 ; Ed. Reuss, Geschichte der heiligen Schrift des Neuen Testaments, 2e édit., 1853 ; 6e édit., 1887 ; L. von Diestel, Geschichte des Alten Testaments in der christlichen Kirche, in-8°, Iéna, 1869 ; J. Fùrst, Geschichte der biblischen Literatur, 2 in-8°, 1867-1870 ; Id., Bibliotheca judaica, 3 in-8°, Leipzig, 1849-1863.

F. Vigouroux.

COMMERCE. Hébreu : 1° sehorâh, du verbe sâi, iar, « voyager » pour faire le commerce, d’où sohêr, « marchand ; » sohérét, « marchande ; » sâhdr, « marché ; » sahar, « profit ; » mishdr, « marchandise ; » 2° ma’ârâb, de’ârab, « faire le commerce ; » mimekar et mimekérét, « vente, » de mâkar = mâhar, « vendre, » d’où mékér = mehîr, « prix de vente. i> Au commerce se rap

portent encore les mots rokêl, « marchand, » de râkal, « voyager » pour faire le commerce, d’où rokélét, « marchande ; » rekullâh, « marchandise ; » markolét, « marché ; » maqqâhôf, « marchandise, » de lâqah, « prendre ; » ’izzâbôn, « marché, » de’âzab, « vendre ; » ’îs Kena’an et Kena’ânî, « chananéen = marchand ; » qonéh, « acheteur, » de qânâh, « acquérir, » d’où qineyân et miqnâh, « achat. » Septante : épiTropîa, « commerce ; » ejiTtopo ; , « marchand ; » ijjmôpiov, « marché ; » èjMtopsîve’Èjiitopeùscôoci, « faire le commerce, » et dans saint Luc, repai’|iatE’Jecr9ai, « négocier ; » -/œvavocîo ; , « chananéen = marchand. « Vulgate : negoliatio, negotiator ; mercatus, mercator ; inslitor, « commerçant. »

I. Le commerce a l’époque patriarcale. — Le commerce est l’échange entre les hommes des divers produits de la nature et de l’industrie. Dans cet échange, le vendeur cherche ordinairement son bénéfice, et l’acheteur son utilité présente ou son gain futur. Les Hébreux, qui devaient par la suite manifester tant de goût et faire preuve de tant d’aptitude pour le négoce, furent loin d’être commerçants au début de leur histoire. À l’époque patriarcale, les Livres Saints n’ont guère à enregistrer que des achats et des ventes, sans que, dans ces diverses transactions, apparaisse aucune préoccupation de trafic, au moins de la part des Hébreux. — 1° Achats de terrain ou de portions du sol. Abraham achète aux fils de Heth la caverne de Makpelah, à Hébron, Gen., xxiii, 3-20, pour y donner la sépulture à Sara. Les circonstances de cet achat sont racontées en détail par l’écrivain sacré, et nous montrent comment on procédait alors à une opération de ce genre. La chose se traite à la porte de la ville et en présence d’un bon nombre de témoins, y. 10. Abraham fait valoir sa qualité d’étranger, qui doit lui assurer la sympathie des habitants du pays, ꝟ. 4. Les fils de Heth répondent par les démonstrations les plus gracieuses et offrent à Abraham leurs plus beaux sépulcres pour y mettre la défunte, ꝟ. 6. Abraham s’adresse alors aux témoins pour qu’ils négocient avec les fils de Heth l’achat d’une caverne qui lui appartienne en propre, et ces derniers ripostent aussitôt : « Je te donne mon champ et la caverne qu’il renferme, » ꝟ. 11. Mais cette donation apparente n’est qu’une formule de politesse destinée à préparer l’acheteur à une plus grande largesse vis-à-vis de ses vendeurs. La même formule se retrouve plus tard dans la bouche d’Oman, quand David demande à celui-ci de lui vendre son aire : « Oman donne tout au roi, » ce qui n’empêche pas le roi de payer largement ce qu’il achetait. Il Reg., xxiv, 21-24 ; I Par., xxi, 22-25. On procède encore de même aujourd’hui en Orient. Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. xliv. « Que d’Européens ont ouï de nos jours les mêmes paroles dans les mêmes contrées ! Un Arabe donne aujourd’hui également sa maison, ses chevaux, son champ, en attestant comme témoins tous les spectateurs, et en accompagnant ce dire des protestations et des serments les plus sacrés ; mais tout le monde sait que ce langage n’a pas d’autre but que de faire payer plus cher ce qu’on achète. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1. 1, p. 518. Les fils de Heth finirent par réclamer quatre cents sicles d’argent, et Abraham fit peser des sicles d’argent « ayant cours pour le so/iêr », pour le marchand (Septante : Soy.i|iou Êij.7 : ôpoi : ), ꝟ. 16. On sait qu’à cette époque la monnaie n’était pas en usage, mais qu’on payait avec des lingots de métal plus ou moins précieux qu’on vérifiait à la balance au moment de chaque négociation. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 749. Voir Monnaie. — Jacob achète un champ aux fils de Hémor, au prix de cent qe&îtalt. Gen., xxxiii, 19.

— 2° Achat et vente d’esclaves. Joseph est vendu par ses frères à des Ismaélites, au prix de vingt pièces d’argent, et ceux-ci le revendent en Egypte à Putiphar, avec bénéfice sans aucun doute. Gen., xxxvii, 28, 36. Voir Caiuvane, col. 217. Un peu plus tard, sous l’administration

de ce même Joseph, les Égyptiens se vendaient comme esclaves en retour de leur nourriture. Gen., xlvii, 19. — 3° Achat de vivres. Quand les patriarches nomades ne peuvent trouver de quoi vivre sur le sol qu’ils occupent, ils sont forcés d’aller acheter des provisions dans les pays mieux pourvus. Gen., xli, 57. C’est ce qui arrive à deux reprises à Jacob et à ses enfants. Ceux-ci se rendent en Egypte, comme on le faisait du reste tout autour d’eux, Gen., xlii, 5, et ils donnent de l’argent en retour des sacs de blé qu’on leur vend. Gen., xlii, 25 ; xliii, 15 ; xliv, 1.

IL Le mouvement commercial de l’ancien monde autour des Hébreux. — À partir du moment où ils furent constitués en corps de nation dans la terre de Chanaan, les Hébreux, à raison même de la situation géographique de leur pays, furent en contact fréquent avec des peuples commerçants. La Palestine était un lieu de passage inévitable pour la plupart des caravanes marchandes qui établissaient des relations de trafic entre l’Egypte et les pays du nord et de l’ouest, la Phénicie, la Syrie, la Chaldée et l’Arabie. De là les noms de sohèr et de rokêl, c’est-à-dire de « voyageurs », pour désigner des marchands. La Bible fait un certain nombre d’allusions aux différents peuples qui se livraient au commerce, soit autour des Hébreux, soit avec eux.

1° Les tribus arabes. — Les fils d’ismaël sont regardés comme les plus anciens intermédiaires du commerce entre les peuples de l’antiquité. Leurs mœurs essentiellement nomades, la position de leur péninsule Arabique entre la mer Erythrée, par laquelle arrivaient les produits de l’Inde, l’Egypte et les pays de l’Asie occidentale, enfin la nécessité de se procurer les approvisionnements et les objets manufacturés que leurs déserts ne pouvaient leur fournir, les mirent de très bonne heure en rapport de commerce avec tous leurs voisins. Voir Caravanes commerciales, col. 246. Dès l’époque patriarcale, la Bible signale le passage dans le pays de Chanaan d’une carai vane d’Ismaélites qui se rendent en Egypte avec un char ! gement de parfums, et qui, habitués aussi à faire le trafic des esclaves, achètent volontiers le jeune Joseph à ses frères. Gen., xxxvii, 25-28. Le commerce entre l’Inde et l’Arabie remonte aux temps les plus reculés. La longueur du chemin, l’absence ou l’insécurité des routes rendaient dangereux le voyage par terre. Les trafiquants prenaient de préférence la voie de mer, qui était facile et assez rapide, malgré la longue distance, à cause du phénomène régulier des moussons. Les marchandises étaient débarquées à Aden, à la pointe méridionale de la presqu’île, sur la côte d’Oman, à l’extrémité orientale, ou même dans le golfe Persique. De leur côté, les Sabéens, tribu arabe qui faisait volontiers le commerce des esclaves, Joël, m (hébreu, rv), 8, traversaient le golfe Arabique et s’en allaient chercher en Afrique les produits du pays. De la pointe d’Aden et de la côte d’Hadrainaut, voir Asarmoth, les caravanes arabes longeaient la côte du golfe jusqu’à Macoraba (la Mecque), passaient par Yathrippa (Médine) etPétra, et atteignaient la Phénicie à travers les territoires de Moab et d’Ammon. De la côte d’Oman, on se rendait au port de Gerrha, sur le golfe Persique, d’où les caravanes partaient pour le désert, et d’oasis en oasis arrivaient jusqu’en Syrie. Aux produits de l’Inde, les trafiquants arabes ne manquaient pas de joindre ceux de leur propre pays, particulièrement de la partie fertile de la péninsule qu’on appelle Arabie Heureuse. Les Jladianites, qui dans les premiers temps faisaient le transport des aromates de Galaad, Gen., xxxvii, 25, étaient encore à l’époque d’isaïe, lx, 6, de riches marchands de chameaux et de grands conducteurs de caravanes commerciales, ainsi que les Arabes de la tribu d’Épha. Les tribus de Saba exportaient l’or et les essencesaromatiques qui faisaient la renommée de la Sabée méridionale. Is., lx, 6 ; Ps. lxxi (lxxii), 10 ; Ezech., xxvii, 22. Les Arabes de Dadan portaient leurs tapis précieux au.

marché de Tyr. Ezech., xxvii, 20 ; xxviii, 13. Les Nabathéens, qui avaient Pétra pour capitale, furent rattachés à l’empire de Ninive par Assurbanipal, voir 1. 1, col. 1147 ; ils rétablirent à cette époque la navigation de la mer Rouge, abandonnée après Salomon, et firent dériver par cette voie la plus grande partie du commerce de l’Inde. Ils étaient en même temps grands entrepreneurs de transports par caravanes. Fr. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. vi, Paris, 1888, p. 464. Les Nabathéens, et aussi les Arabes de la tribu de Cédar, élevaient de nombreux troupeaux de bétail, dont ils tiraient grand profit sur les marchés de Jérusalem et de Tyr. Is., lx, 7 ; Ezech., xxvii, 21. Ceux de la péninsule Sinaïtique ne pouvaient attendre de leur sol ingrat tous les approvisionnements dont ils avaient besoin. Ils se rapprochaient donc des frontières de l’Egypte ou de la Syrie méridionale, et ils échangeaient le miel, la laine, les gommes, la manne, le charbon de bois, contre les objets manufacturés et surtout contre le blé et les céréales. Ce sont les mêmes produits que les Bédouins apportent encore en Egypte. Description de l’Egypte, t. xvi, p. 185-187 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 350 ; Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 152. Baruch, iii, 22, 23, fait allusion à l’habileté commerciale des fils d’Agar et des marchands de Théman et de Merrha, ces derniers appartenant probablement à la tribu sabéenne qui habitait la ville de Marane, sur la mer Rouge. Pline, H. N., vi, 28, 32 ; Strabon, xvi, 4. On comprend qu’avec un trafic aussi actif, les commerçants arabes aient été souvent en contact avec les Hébreux, soit pour le transit, soit pour la vente de leurs marchandises. 2° Les Égyptiens. — Les Hébreux eurent des relations commerciales avec l’Egypte dès l'époque patriarcale, quand les fils de Jacob allèrent acheter du blé dans ce pays. La vallée du Nil fut considérée par l’ancien monde comme un véritable grenier d’abondance, et jusque sous l’empire romain on y alla chercher du blé. Pendant leur séjour dans la terre de Gessen, les Hébreux durent entrer fréquemment en rapport avec les Egyptiens pour des achats ou des ventes. Ces derniers ne s’abstinrent nullement, comme on l’a dit quelquefois, d’entrer en relations d’affaires avec les peuples étrangers. Ce que paraît rapporter à ce sujet Diodore de Sicile, I, 67, 69, ne peut s’appliquer qu'à une courte période de temps. Homère, Odys., xiv, 246-291, parle du commerce des étrangers avec l’Egypte. Les monuments anciens sont beaucoup plus explicites à ce sujet. Dès la VIe dynastie, les Égyptiens entraient en rapport avec les haoui-nîbou, « les gens d’au delà les mers, » au nord. Leurs vaisseaux partaient du Nil, et s’en allaient le long des côtes de Syrie chercher le bois de sapin et de cèdre, ainsi que l’ambre jaune et l'étain apportés par les Phéniciens. Des perles d’ambre (voir t. i, col. 449) ont été trouvées dans les tombes de cette dynastie. À là même époque, des caravanes allaient d’Egypte en Chaldée à travers la Syrie et la Mésopotamie, parfois à travers le chemin plus court du désert. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 393. Au midi, les Égyptiens s’avançaient vers les tribus africaines pour leur demander l’or en poudre ou en barre, les plumes d’autruche, les peaux de lion et # de léopard, les dents d'éléphant, le bois d'ébène, l’encens et les gommes. Ils donnaient en échange de la verroterie, des bijoux, de la coutellerie grossière, des parfums et ces rouleaux de toile blanche et colorée qui n’ont pas cessé de plaire sur les marchés de l’intérieur de l’Afrique. Les caravanes asiatiques leur apportaient les denrées précieuses de l’Orient et du Nord lointain, les esclaves, certains parfums, les bois et les essences de cèdre, les vases émaillés, les pierreries, les lapis-lazuli, les lainages brodés ou teints dont la Chaldée conserva le monopole jusqu'à l'époque romaine. Ebers, Aegypten und die Bûcher Mose’s, Leipzig, 1861, p. 288. En retour ils livraient leurs produits manufacturés, des toiles fines, des bijoux ciselés

et cloisonnés, des amulettes en verre ou en métal, etc. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 427, 470, 494. Thotmès III, de la XVIII » dynastie, avait dans la Méditerranée une flotte montée par des Phéniciens. C’est à Ramsès II qu’on attribue le percement d’un canal entre le Nil et la mer Rouge, pour faciliter le commerce. Ce canal s’obstrua bientôt, et Néko II, au vir* siècle, tenta en vain de le réparer. Sous ce dernier prince et par ses ordres, des marins phéniciens firent en trois ans la circumnavigation de l’Afrique. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1882, t. ii, p. 198, 391, 392. Les Égyptiens n’hésitaient donc pas à demander aux étrangers les matières premières que ne produisait pas leur sol ou les objets manufacturés qu’ils ne savaient pas fabriquer. À l’intérieur même du pays, le commerce devait être très actif en certaines circonstances. À l’occasion de la fête des dieux, par exemple, on accourait de toutes parts autour des temples, et le pèlerinage se terminait en foire. Éleveurs, maraîchers, pêcheurs, chasseurs, y échangeaient leurs produits contre les ouvrages des artisans, outils, souliers, nattes, vêtements, bracelets, hameçons, etc. Une antique peinture représente une de ces scènes de marché. Lepsius, Denkmàler, t. ii, Bl. 90. Les anciens Hébreux eurent sous les yeux ces assemblées à la fois religieuses et commerciales. Par la suite, ils n’entretinrent guère de rapporte directs avec les marchands égyptiens, si ce n’est à l'époque de Salomon, qui y acheta des chevaux. III Reg., x, 28-29. C’est par les intermédiaires qu’arrivaient en Palestine ces tapis d’Egypte dont parlent les Proverbes, vii, 16, ainsi que tous les autres objets d’origine égyptienne qui furent à l’usage des Hébreux. Dans leurs oracles contre l’Egypte, les prophètes ne font aucune allusion à son commerce.

3° Les Assyriens et les Chaldéens. — Ninive fut un grand centre dé commerce et d’industrie, grâce à sa situation favorable sur le Tigre, au milieu d’une contrée des plus fertiles. Sur son marché affluaient toutes les richesses minéralogiques de la haute Mésopotamie, soufre, alun, sel, bitume, fer, plomb, argent, antimoine, et même l’or et l'étain. Bien préférable encore était la position de Babylone, à cinq cents kilomètres, il est vrai, du golfe Persique, mais sur l’Euphrate, qui lui permettait de communiquer directement avec ce bras de mer, et par lui avec l’Inde. Cette ville était le rendez-vous des navigateurs venant d’Afrique, d’Arabie et de l’Inde, dont ils amenaient les produits. De Babylone, ils remportaient les objets manufacturés, les tissus de laine et de liii, les bijoux de luxe, les armes ciselées, les cylindres de pierre dure servant de cachets, etc. Pour faciliter la navigation commerciale, le cours du fleuve avait été aménagé au moyen de digues, et de nombreux canaux, auxquels la Bible fait plusieurs allusions, avaient été creusés. Voir Canal. Sur le fleuve et ses canaux, on naviguait au moyen de radeaux juchés sur des outres gonflées, et tout à fait identiques à ceux qui existent de nos jours dans ces parages et poi’tent le nom de kéleks. D’un faible tirant et très stables sur l’eau, ils étaient capables de tenir la mer et faisaient le cabotage ou la piraterie aussi bien dans le golfe Persique que sur l’Euphrate ou le Tigre. Hérodote, i, 194 ;

! Pline, H. N., vi, 34. Il paraît aujourd’hui certain que les

| Babyloniens ont été les premiers navigateurs, et ont de ! vancé sous ce rapport les Phéniciens eux-mêmes. Voir Jhering, Vorgeschichte der Indoeuropâer, Leipzig, 1894, p. 205-266. Par terre, des routes importantes mettaient Babylone en communication avec les pays les plus éloignés. L’une d’elles partait vers l’est, passait par Ecbatane et Ragse, desservait l’Hyrcanie, la Bactriane, atteignait l’Inde, et par l’Inde le pays d’où venait la soie, produit dont parle Ézéchiel, xxvii, 16. D’autres routes se dirigeaient vers l’Arabie, la presqu'île Sinaïtique et l’Egypte à travers le désert, vers la Méditerranée à travers la Syrie, vers l’Asie Mineure par l’Arménie, la Cilicie et la Cappadoce. Voir Fr. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne

de l’Orient, Paris, t.v, 1887, p. 102-120 ; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 614-616, 751-752. — Les Hébreux furent témoins de cette activité commerciale pendant leur captivité. Ceux d’entre eux qui demeurèrent dans le pays, après le retour de l’exil, durent devenir en grand nombre commerçants. Voir Captivité, col. 239. Cf. Fouard, Saint Pierre, Paris, 1893, p. 49-51. Mais les Livres Saints font à peine mention du commerce assyrien et chaldéen. C’est surtout à l’idolâtrie de Babylone et aux vices qui en sont la conséquence que les prophètes s’en prennent dans leurs prédictions. Nahum, iii, 16, se contente de dire que Ninive « a multiplié ses marchands plus que les étoiles du ciel », et Isaïe, xiv, 8, représente les sapins et les cèdres du Liban comme « se réjouissant de la ruine de Babylone, parce qu’on ne monte plus pour les couper ».

4° Les Phéniciens. — Les Chananéens, et particulièrement les Chananéens maritimes ou Phéniciens, ont été les plus grands commerçants de l’antiquité. Primitivement établis à l’est de la péninsule Arabique, ils se transportèrent de bonne heure sur la côte méditerranéenne, et s’y maintinrent même quand les Hébreux occupèrent l’intérieur du pays de Chanaan. De Tyr et de Sidon, ces hardis navigateurs rayonnèrent de toutes parts sur leurs vaisseaux. Ils parcoururent d’abord la Méditerranée, semant des colonies sur tous les rivages, particulièrement en Afrique, dépassant les colonnes d’Hercule, s’aventurant dans l’Atlantique et rapportant les produits naturels de tous les pays où ils abordaient, l’argent, l’étain, le plomb, le fer, etc. Aux sources de l’Éridan, ils allaient chercher l’ambre jaune que les caravanes germaniques apportaient des bords de la Baltique. Ils avaient soin, du resté, pour conserver leur monopole, de garder le secret sur leurs expéditions lointaines. Quand l’Egypte voulut avoir une marine, elle s’adressa aux Phéniciens, qui fournirent des équipages à ses navires. Ces derniers en profitèrent pour étendre par mer leurs opérations commerciales du côté de l’océan Indien. Ils établirent des colonies et des comptoirs sur les rivages de cette péninsule Arabique qu’ils avaient habitée autrefois, particulièrement à Tylos et à Arvad, deux îles du golfe Persique. Dès la XIXe dynastie égyptienne, des vaisseaux montés par des Phéniciens parcourent la mer Rouge et regagnent la Méditerranée par le canal du Nil. Ces courses maritimes ne cessèrent qu’avec l’obstruction du canal. Elles reprirent sous une autre forme à l’époque d’Hiram et de Salomon. Tout le commerce du golfe Persique fut détourné vers Babylone par Nabuchodonosor, et enfin ruiné sous la domination perse. Lieblein, Handel und Schrijfahrt auf déni rothen Meere in alten Zeiten, Christiania, 1886. Grâce à sa situation géographique, la Phénicie servait d’entrepôt entre l’Occident et l’Orient. Elle atteignait l’Occident par sa marine, mais c’est surtout par voie de terre qu’elle communiquait avec l’Orient. Du sud, elle recevait les produits de l’Ethiopie, de l’Arabie et de l’Inde occidentale ; de l’est lui arrivaient les laines de Syrie et les articles commerciaux de Babylonie et des pays plus lointains ; du nord, elle faisait venir les esclaves du Caucase, les chevaux et les mulets de Thogorma en Arménie. Elle avait du reste à son service les caravanes arabes et syriennes, qui venaient apporter à Tyr et à Sidon les produits naturels ou manufacturés de l’Asie intérieure, et en remportaient les marchandises que les vaisseaux phéniciens étaient allés chercher en Occident, ainsi que les objets qui sortaient des fabriques tyriennes. Car, comme tout ce commerce se faisait par trocs ou se soldait en lingots métalliques, les Phéniciens attiraient les denrées précieuses de l’Asie en offrant en échange les objets qui répondaient le mieux aux besoins et aux goûts de leurs clients. Leur industrie très ingénieuse s’accommodait habilement aux désirs des différents peuples avec lesquels ils étaient en relations d’affaires. Outre les métaux bruts ou ouvrés, ils savaient admirablement préparer leur fameuse pourpre de Tyr, les verreries dont ils avaient découvert le secret, la poterie

décorée, la marqueterie d’ivoire, la tabletterie sculptée, des parures qu’estimaient extraordinairement les femmes juives, et mille objets utiles ou simplement agréables dont l’écoulement leur procurait les plus riches bénéfices, Fr. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, t. vi, 1888, p. 365, 535-542. Il n’est donc pas étonnant que, dans la Bible, le nom de « Chananéen » soit plusieurs fois pris pour celui de commerçant. Job, XL, 25 (hébreu) ; Prov., xxxi, 24 ; Is., xxiii, 8 (hébreu) ; Ose., xii, 7 ; Soph., i, 11. — Les prophètes donnent de nombreuses indications sur le commerce de Tyr et de Sidon, S’ils prédisent le châtiment de ces villes, ce n’est pas toutefois à raison de leur trafic, mais à cause de leur idolâtrie, de leur cupidité et de leurs autres vices. Joël, m, 5-7, reproche aux Phéniciens d’avoir enlevé l’or et l’argent d’Israël et d’avoir vendu aux Grecs des fils de Juda et de Jérusalem ; eux-mêmes seront vendus aux Sabéens. Amos, i, 9, les menace également pour avoir vendu des Israélites aux Iduméens, malgré les alliances antérieures. Pour Osée, xii, 7, le Chananéen est le type du fraudeur et de l’injuste. Dans son oracle contre Tyr, Isaïe, xxiii, 1-18, parle des vaisseaux qui vont de Tyr à Céthim, port de l’île de Chypre où les Phéniciens avaient un important marché. Sidon a aussi ses navires qui vont en Egypte ; c’est pourquoi les Égyptiens seront désolés de la chute des deux grandes villes phéniciennes, ꝟ. 2-5. Ce fut sous la domination égyptienne, en effet, que Sidon atteignit sa prépondérance commerciale, et devint l’entrepôt du commerce de l’étain, apporté d’Espagne, avec l’Egypte, la Grèce et l’Italie. Fr. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. vi, p. 483-492. Le commerce constituait pour la Phénicie une source d’opulence. « Ses marchands passaient pour des princes et ses négociants pour les plus illustres personnages du monde, » ꝟ. 8. Toute cette prospérité sera détruite ; mais un jour elle renaîtra et sera consacrée au Seigneur, ꝟ. 17-18. Les psalmistes font écho à cette dernière partie de l’oracle. Ps. xliv, 13 ; lxxxvi, 4. C’est surtout Ézéchiel, xxvii, 1-25, qui nous a laissé la description la plus complète du commerce de Tyr. Il énumère les peuples avec lesquels la cité commerçante entrait en rapport, et les produits qu’ils lui apportaient. Ses vaisseaux étaient faits avec les sapins de Sanir, les mâts avec les cèdres du Liban, les rames avec les chênes de Basan, les bancs avec de l’ivoire incrusté dans le buis venu des îles des Kittim (voir Céthim 2, col. 470), les voiles avec le byssus multicolore venu d’Egypte, les tentures avec des étoffes de couleur violette et pourpre des îles d’Ionie, ꝟ. 5-7. Il décrit ensuite en ces termes le mouvement commercial de Tyr : « Les négociants de Tharsis font pour toi le commerce des choses précieuses en abondance, argent, fer, étain, plomb. Les Grecs, les Ibères et les Cappadociens, tes fournisseurs d’esclaves et de vases d’airain, t’apportent leurs marchandises. Du pays de Thogorma on échange avec toi chevaux, cavaliers et mulets. Les gens de Dedan, tes marchands, les contrées qui te sont associées pour le grand commerce, te payent en dents d’ivoire et en ébène. Les Syriens, qui trafiquent de la multitude de tes ouvrages, amènent à tes marchés les perles, la pourpre, les étoffes brodées, le byssjis, les coraux et les rubis. La Judée et la terre d’Israël, en trafic avec toi, te fournissent leurs denrées, le froment de première qualité, le baume, le miel, l’huile et la résine. Les gens de Damas, en retour de tous tes ouvrages, te livrent toutes sortes de marchandises, les vins de Chalybon et la laine éclatante. Les Dedanites et les Javanites d’Uzal exposent sur tes marchés le fer ouvré, la casse et le roseau dont tu fais commerce. Les Dedanites sont tes fournisseurs de tapis de siège. Les Arabes et tous les cheikhs d’e Cédar trafiquent pour ton compte et font avec toi le commerce des agneaux, des béliers et des boucs. Les marchands de Saba et de Rahmah, en relations d’affaires avec toi, apportent à tes marchés toutes les variétés d’aromates de choix, de pierres

précieuses et d’or. Ceux de Haran, de Ghen, d’Éden, les commerçants de Saba, les Assyriens de Chelmad, trafiquent avec toi. Ils sont tes fournisseurs pour les objets les plus précieux, les étoffes d’hyacinthe et brodées, les ballots de vêtements de prix, empaquetés et liés de cordes, tels qu’on les voit sur tes marchés. Les vaisseaux de ïharsis sont à la tête de ton trafic, et toi, tu es opulente et glorieuse au sein même de la mer. » fꝟ. 12-25. C’est cette ville qui sera châtiée et que « siffleront les commerçants étrangers », y. 36. Un des derniers prophètes, Zacharie, ix, 3, 4, constate que Tyr « a amassé l’argent comme la poussière, et l’or comme la boue des rues », mais qu’elle sera punie. Au temps des Machabées, Tyr achetait à Ménélaùs une partie des vases d’or soustraits au Temple de Jérusalem. II Mach., iv, 32. À l’époque de saint Paul, il est encore parlé de cargaisons débarquées dans le port de Tyr. Act., xxi, 3.

5° Les Hébreux. — À un moment de leur histoire, les Israélites se mêlèrent au mouvement commercial des peuples voisins. Salomon entreprit de créer au profit de son royaume un trafic d’exportation et d’importation. Il commença par bâtir Palmyre, au cœur même du désert, pour protéger contre les attaques des Bédouins pillards les caravanes qui se rendaient de Palestine aux bords de l’Euphrate. Il inaugura ensuite les relations commerciales directes avec l’Egypte et fit venir de ce pays des chevaux et des chars. III Reg., x, 28, 29 ; II Par., r, 16, "17. Cf. Cûa. Des achats semblables étaient faits chez les Héthéens et, les Syriens. Mais il eut surtout à cœur de créer une marine de commerce. Déjà, dans les plus anciens temps, les tribus de Dan et d’Aser avaient possédé des ports et des bateaux sur la Méditerranée. Jud., v, 17. Mais leur commerce fort restreint n’avait pas dû tarder à disparaître devant la concurrence phénicienne. C’est du côté de la mer Rouge que Salomon tournait ses regards, vers ces rivages dont la conquête de lTdumée, faite par David, II Reg., viii, 14, lui assurait le libre accès. Il s’entendit donc avec les Phéniciens, seuls capables de lui fournir des marins. De concert avec Hiram, roi de Tyr, dont les navires ne pouvaient plus depuis longtemps se rendre dans le golfe Persique, il fonda, au fond du golfe Élanitique, les deux ports d’Élath et d’Asiongaber. Voir la carte, t. i, col. 1099. De là, les matelots phéniciens et israélites partaient de conserve pour aller chercher à Ophir, probablement dans l’Inde, les produits précieux de la contrée. Ils rapportèrent à Salomon une énorme quantité d’or, des pierres précieuses, de l’ivoire, du bois de santal, des singes et des paons. III Reg., ix, 26-28 ; x, 11, 22 ; II Par., ix, 10, 11. Ces voyages maritimes en commun se faisaient tous les trois ans. III Reg., x, 22. Les Israélites en étaient fort émerveillés. On comparait la femme forte à un de ces navires marchands qui s’en allaient au loin chercher les produits étrangers, Prov., xxxi, 14, et Salomon lui-même appelait « poudre de marchand » les aromates précieux qu’on apportait à Jérusalem. Cant., iii, 6 (hébreu). Le grand commerce ne survécut pas à Salomon chez les Israélites. Le schisme paralysait les forces de la nation et interdisait les expéditions lointaines. Un instant les deux rois de Juda et d’Israël, Josaphat et Ochosias, s’entendirent pour fréter une flotte à Asiongaber et l’envoyer chercher l’or d’Ophir. Mais le prophète Éliézer signifia à Josaphat que le Seigneur réprouvait cette alliance, et la flotte périt dans le port même. Ochosias proposa de renouveler la tentative ; mais le roi de Juda n’y consentit point. III Reg., xxii, 49, 50 ; II Par., xx, 36, 37. Les Hébreux exportaient principalement les produits de leur sol, l’huile en Egypte, Ose., xii, 1 ; le blé, le baume, le miel, l’huile, la résine chez les Phéniciens. Parmi les objets manufacturés, la Rible ne cite que les ceintures. Prov., xxxi, 24. Voir Heeren, De la politique et du commerce des peuples dans l’antiquité, trad. Suckau, Paris, 1830-1833, t. v, p. 308-332, 474-489 ; Lindsay, Hïstory of merchant Shipping and ancient Commerce, Londres, ]

1874-1876, 1. 1, p. 26-27, et dans ce volume la carte des routes suivies par les caravanes ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 358-397 ; Ancessi, Atlas géographique et archéologique, Paris, 1876, carte xiv, mouvement commercial de l’ancien monde. En somme, les Hébreux des temps antérieurs à la captivité n’ont pas été de grands commerçants comme les Arabes et les Phéniciens. Voici ce que dit Josèphe, Cont. Apion., i, 12, à ce sujet : « Pour nous, nous habitons un pays qui n’est pas maritime, nous n’avons pas de goût pour le commerce ni pour les relations qu’il établit avec les étrangers. Nos villes sont loin de la mer, et nous cultivons avec soin la contrée qui nous est échue. Plus que tous les autres, nous aimons à veiller sur l’éducation des enfants et à observer les lois, parce que nous regardons la fidélité à les exécuter comme l’affaire la plus nécessaire de la vie. En outre, comme notre manière de vivre est toute particulière, rien dans les temps anciens n’a pu nous faire contracter avec les Grecs des relations comme en avaient les Égyptiens pour l’exportation ou l’importation, et comme les Phéniciens, qui, habitant les bords de la mer, s’adonnent par cupidité au trafic et.au négoce. » Josèphe appuie surtout sur la conformation de la Palestine pour expliquer la répugnance des Hébreux à l’égard des entreprises commerciales. Cette raison n’est certainement pas la principale. Plusieurs grandes routes de caravanes passaient par leurs pays ; ils auraient pu avoir sur la Méditerranée un port à Joppé, sans parler de ceux qui furent créés par Salomon dans le golfe Élanitique. Leur situation géographique était même excellente au point de vue commercial. On ne peut pas dire non plus qu’ils sont restés inactifs sous ce rapport faute d’aptitude ; la suite de leur histoire a montré ce dont ils étaient capables dans les affaires de trafic et de finance. La raison capitale est la première qu’indique Josèphe. L’esprit de la loi, sinon la lettre, éloignait les Israélites de tout contact avec les étrangers idolâtres, et cet éloignement n’avait fait que s’accentuer avec le temps, comme le montrent les hésitations de saint Pierre, quand il lui fallut entrer en rapport avec les gentils. Act., x, 13-16, 28 ; xi, 3. Du reste, le dessein de la Providence fut certainement de les tenir ainsi à l’écart des autres peuples, tant que leur mission principale dut être la garde de la révélation. Quand leur rôle religieux eut pris fin, ils purent se livrer au commerce et mettre ainsi en relief une des aptitudes les plus remarquables de. leur race. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 393.

6° Les Romains. — Au commencement du vu siècle avant J.-C., les Grecs se mirent à faire une concurrence sérieuse aux Phéniciens dans tout le bassin de la Méditerranée. Sur toutes les côtes, ils fondèrent des colonies et des comptoirs. Les deux grands sièges que subit Tyr, sous Nabuchodonosor (574) et sous Alexandre le Grand (332), portèrent un coup terrible à la prospérité commerciale de cette cité, et Carthage devint le principal entrepôt du trafic phénicien. La prépondérance de Tyr sur les marchés méditerranéens passa aux Grecs. La Sainte Écriture ne fait pas mention de l’activité commerciale de ces derniers. Ils furent, du reste, bientôt évincés par les Romains, qui s’emparèrent successivement de tous les grands centres de l’ancien trafic, de l’Espagne (202), de la Macédoine (148), de la Grèce (146), de Carthage (146) et enfin de l’Asie Mineure et de la cote de Syrie. Le premier livre des Machabées, viii, 3, mentionne la conquête de l’Espagne, où les Romains « firent passer en leur pouvoir les mines d’argent et d’or qui s’y trouvent ».

A l’époque évangélique, ce sont les publicains qui, par leur présence, nous révèlent l’existence d’un transit commercial assez considérable en Palestine. Ces publicains sont chargés de percevoir, pour le compte de Rome, les impôts indirects, et spécialement les droits de péage au passage des caravanes marchandes. Ils perçoivent ces

droits sur les routes ou à certains passages que doivent nécessairement franchir les commerçants. C’est pour ce motif que des postes importants de publicains sont établis à Capharnaûm et à Jéricho. Matth., ix, 9 ; Luc, xix, 2. Mais déjà, à cette époque, les Juifs formaient des colonies dans tous les centres commerciaux du monde romain et dans la capitale elle-même. Ils s’y livraient surtout au négoce. C’est à ces Juifs que s’adresseront tout d’abord les Apôtres, et surtout saint Paul, quand ils viendront apporter l’Évangile dans un pays. Cf. Fouard, Saint Pierre, 1893, p. 52-59, 315-318. En parlant des divers voyages de saint Paul, saint Luc mentionne à plusieurs reprises des bateaux qui font le cabotage sur les côtes d’Asie Mineure ou de Syrie, ou lés transports commerciaux à travers la Méditerranée. Act., xx, 15 ; xxi, 3 ; xxvii, 2, 6, 19 ; xxviii, 11. Enfin saint Jean, décrivant la ruine de la grande Babylone, c’est-à-dire de Rome, parle de son commerce dans des termes qui rappellent ceux d’Ézéchiel au sujet de Tyr : « Les marchands de la terre pleureront et se lamenteront sur elle, parce qu’il n’y aura plus personne pour acheter leurs marchandises, marchandises qui sont l’or et l’argent, les pierres précieuses, les perles, le byssus, la pourpre, la soie, le cramoisi, tous les bois de Thya, toutes sortes de vases de pierre précieuse, d’airain, de fer et de marbre, le cinnamome, les essences, les parfums, l’encens, le viii, l’huile, la farine, le froment, les bêtes de somme, les brebis, les chevaux, les chars, les esclaves et les vies d’hommes. » Apoc, xvin, 11-13. Cette énumération renferme une partie des articles d’importation que les marchands du monde entier apportaient à Rome au I er siècle. « Les marchands qui se sont enrichis à vendre ces objets se tiendront loin d’elle… Les pilotes, ceux qui naviguent le long des côtes, les matelots et tous ceux qui travaillent sur. mer se tiennent au loin… Malheur, malheur ! cette grande cité dont les payements enrichissaient tous ceux qui avaient des navires sur la mer, la voilà ruinée en une heure. » Apoc, xviii, 15, 17, 19. Cf. Duruy, Histoire des Romains, Paris, t. iv, 1882, p. 71 ; de Champagny, Les Césars, Paris, 1876, t. iii, p. 163-167.

III. Le petit commerce. — Les Livres Saints mentionnent fréquemment des achats et des ventes portant sur des immeubles, des objets mobiliers, des animaux et des esclaves. — 1° Immeubles. David achète l’aire d’Ornan, II Reg., xxiv, 24. Amri, roi d’Israël, achète à Somer la montagne de Samarie au prix de deux talents d’argent. III Reg., xvi, 24. Le serviteur d’Elisée, Giézi, se proposait d’acheter des plantations d’oliviers, des vignes, des troupeaux et des esclaves, avec l’argent reçu de Naaman à l’insu du prophète. IV Reg., v, 26. La femme forte trouve un champ à sa convenance, l’achète avec le produit de son travail et y plante des vignes. Prov., xxxi, 14. On vendait des chevreaux pour acquérir un champ. Prov., xxvii, 26. Néhémie donne comme preuve de son intégrité qu’il ne s’est pas acheté un champ avec l’argent extorqué au peuple. II Esdr., v, 16. Notre -Seigneur dit, dans une de ses paraboles, que lorsqu’on découvre un trésor dans un champ, on vend tous ses biens pour faire l’acquisition de ce champ. Matth., xiii, 44. Avec l’argent de la trahison de Judas, les princes des prêtres achètent le champ du potier. Matth., xxvii, 7. Ananie et Sapphire ont vendu un champ dont ils dissimulent ensuite le prix. Act., v, 1. L’invité du père de famille a acheté un domaine et s’excuse sous prétexte de l’aller visiter. Luc, xiv, 18. — 2° Maté^ riaux. Du bois et des pierres sont achetés pour la restauration du Temple. IV Reg., xir, 12 ; xxii, 6 ; II Par., xxxiv, 11. Après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, ceux qui demeurent dans le pays en sont réduits à payer pour avoir de l’eau et du bois. Lam., v, 4. — 3° Ustensiles. Les Chaldéens achètent des idoles à tous prix. Bar., vi, 24. En Palestine, on achète et on vend des roseaux aromatiques, Is., XLIII, 24 ; des armes, Luc, xxii, 36. Amos, viii, 6, dit que, dans les temps de calamité,

on se vend soi-même en échange de chaussures et de déchets de blé. — 4° Objets de luxe. On fait le commerce de tissus et de ceintures, Prov., xxxi, 24 ; Marc, xv, 48 ; de perles, Matth., xiii, 46 ; d’aromates, Matth., xxv, 9 ; Marc, xiv, 5 ; xvi, 1. — 5° Vivres. Les Hébreux au désert reçoivent l’ordre d’acheter à prix d’argent leur pain et leur eau aux Iduméens et aux Amorrhéens. Deut., ii, 6, 28. Pendant le siège de Samarie, on payait une tête d’âne quatre-vingts pièces d’argent, et cinq pièces d’argent le quart d’un cab de fiente de colombes. IV Reg., vi, 25. Il est aussi question de vente et d’achat d’huile, IV Reg., iv, 7 ; Matth., xxv, 9, 10 ; de pain, Marc, vi, 37 ; Joa., vi, 5 ; de vivres en général. Deut., xiv, 26 ; Matth., xiv, 15 ; Marc, vi, 36 ; Luc, ix, 13 ; Joa., iv, 8 ; xiii, 29.

— 6° Animaux. L’achat et la vente des animaux se faisaient surtout en vue des sacrifices. Lev., v, 15 ; I Esdr., vu, 17 ; Bar., i, 10. Au temps de Notre -Seigneur, ce commerce s’était installé sacrilègement jusque dans le Temple. Joa., ii, 14 ; Matth., xxi, 12 ; Marc, xi, 15. On achetait aussi des animaux pour l’élevage, II Reg., xii, 3 ; le labourage, Luc, xiv, 19, ou l’alimentation. Exod., xxi, 35 ; Job, XL, 25. — 7° Esclaves. Exod., xxi, 2, 7 ; Lev., xxii, 11 ; Deut., xxviii, 68 ; Esth., vii, 4 ; Matth., xviii, 25. Voir Esclave. — 8° Argent : Sur le commerce de l’argent, voir Changeur.

IV. Législation commerciale. — La loi mosaïque avait posé certaines règles qui devaient présider aux relations commerciales. Tout d’abord, le septième commandement rappelait les exigences de la loi naturelle à cet égard. Exod., xx, 15. Le Seigneur condamnait sévèrement la balance et les poids falsifiés. Lev., xix, 36 ; Prov., xi, 1 ; xx, 23 ; Eccli., xlii, 4 ; Mich., vi, 11. — D’autres prescriptions plus particulières régissaient en certains cas l’achat et la vente. À l’année du jubilé, qui revenait tous les cinquante ans, tous les biens fonciers qu’une famille Israélite avait aliénés lui faisaient retour. Vendre un champ, c’était donc en vendre seulement l’usufruit, et le prix était proportionnel au nombre des années qui restaient à courir jusqu’au prochain jubilé. Lev., xxv, 10-16. — Quand un champ était mis en vente, le plus proche parent de l’ancien possesseur du champ avait toujours le droit de préemption. Si celui-ci renonçait à son droit, il déliait sa chaussure et la donnait au parent plus éloigné ou à l’Israélite auquel il cédait son privilège, pour marquer que le nouvel acquéreur pouvait marcher dans le champ comme dans sa propriété. D’ailleurs l’affaire se traitait devant un certain nombre de témoins. Lev., xxv, 23-28 ; Ruth, iv, 1-9. C’est dans ces conditions que Jérémie achète à Hanaméel, son cousin germain, un champ situé à Anathoth. Jer., xxxii, 7-10, 25, 44. — Celui qui vendait une maison située dans l’enceinte d’une ville pouvait la racheter pendant tout le cours d’une année. Passé ce temps, la vente était définitive, et le jubilé n’avait pas d’action sur elle. Les maisons des villages sans enceinte et les maisons des lévites, même situées dans les villes, devaient être achetées dans les mêmes conditions que les champs, avec rachat toujours possible et retour au propriétaire primitif à l’époque du jubilé. Lev., xxv, 29-33. — Le commerce était rangé au nombre des œuvres serviles défendues le jour du sabbat, parce qu’il nécessitait des transports incompatibles avec l’observation de la loi du repos. II Esdr., x, 31. Néhémie eut à intervenir avec autorité pour faire cesser les abus qui se commettaient sous ce rapport à Jérusalem par des marchands de toutes sortes, et spécialement par des Tyriens, vendeurs de poissons et d’autres denrées. II Esdr., xiii, 15-21. — Le droit de vendre et d’acheter appartient naturellement à tout homme. Aussi, dans la Sainte Écriture, « vendre et acheter » est une expression qui marque le cours ordinaire des relations sociales, ls., xxiv, 2 ; Ezech., vii, 12 ; I Mach., xii, 36 ; xiii, 49 ; Luc, xvii, 28. Parmi les attentats qui signaleront le règne de Satan sur la terre à la fin des temps, saint Jean note la

défense d’acheter ou de vendre à quiconque ne porte pas 2e « caractère de la bête ». Apoc, xiii, 17.

V. Remarques bibliques sur le commerce. — Il convient de parler à chacun de ce qui l’intéresse, « d’échange avec le négociant, de vente avec l’acheteur. » Eccli., xxxvii, 12. C’est un devoir « de ne pas faire de distinction entre l’achat et les marchands », Eccli., xlii, 5, c’est-à-dire de maintenir les prix égaux, quel que soit l’acheteur. Platon, De legibus, xi, édit. Didot, p. 463, a formulé une règle analogue. « Cela ne vaut rien, cela ne vaut rien, dit tout acheteur ; mais, une fois loin, il se félicite. » Prov., xx, 14. L’acheteur cherche ainsi à déprécier la marchandise, afin de la payer moins cher. De Son côté, le marchand la fait valoir tant qu’il peut. Sous ce rapport, les choses se passaient en Palestine comme en Egypte. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 323-324. Aujourd’hui, voici quels sont les usages suivis dans le petit commerce oriental. « Quand il s’agit d’acheter une marchandise, il est de règle que le prix en soit surfait ; car rien n’a de prix fixe en Orient. Il faut toujours marchander, parfois même très effrontément. Si l’on connaît d’avance et si l’on indique le vrai prix de l’objet, le vendeur ne manque pas de dire : kalîl, « c’est peu ! » Il laisse pourtant la marchandise. Se croit-on trompé par le vendeur, on se retire, et on se dirige vers un second. À chaque pas qu’on fait pour s’éloigner, le premier vendeur abaisse son prix et cherche à vous rappeler. L’offre qu’on fait au marchand doit toujours être assez basse pour qu’on puisse l’élever ensuite, min schânah’, « a cause de vous, » car la patience échappe même aux Orientaux. Les marchands de ce cérémonieux pays ont pour formule favorite : Chudu balâsch’, « Prendsle pour rien, » ce qui naturellement ne doit pas être entendu plus à la lettre que cette locution bien connue : Bètî bêtak, « Ma maison est ta maison. » Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. xliv ; Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 210. — Il est dit à propos des accapareurs : « Celui qui cache le froment est maudit du peuple ; la bénédiction est sur la tête de ceux qui le vendent. » Prov., xi, 26. La tentation d’accroître son gain fait souvent du commerce une source de péchés. « Deux choses m’ont paru difficiles et périlleuses : le marchand se défend difficilement de la négligence (Septante : à™ 71)iï][mE)iE[’aç, « de la faute » ), et l’aubergiste n’échappe pas au péché (Vulgate : au péché de la langue). » Eccli., xxvi, 28. Pour celui qui cherche avant tout à s’enrichir, « de même qu’une cheville est enfoncée entre des pierres assemblées, ainsi le péché est serré entre la vente et l’achat. » Eccli., xxvil, 2. Cet amour du gain entraîna Judas à vendre le divin Maître. Matth., xxvi, 15 ; Marc, xiv, 11 ; Luc, xxii, 4. Aussi l’Église l’appelle-t-elle mercator pessimus, « abominable trafiquant. » II’Noct. du jeudi saint, v répons. Parmi les sentences attribuées au docteur juif Ben-Syra se lit celle-ci : « On ne trouve la loi ni chez les commerçants ni chez les marchands. » Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1869, p. 732. Au jugement même des talmudistes, les dangers que le commerce faisait courir à la conscience n’étaient donc guère écartés. Le rabbi Éléazar n’en disait pas moins : « Il n’y a pas de pire métier que l’agriculture, » et le rabbi Rabh ajoutait : « Toutes les récoltes du monde ne valent pas le commerce. » Jebhamoth, 63, 1. Ces idées ont depuis totalement prévalu chez les Juifs, en dépit de la répugnance que Josèphe, Cont. Apion., i, 12, leur attribuait pour le négoce. Écrivant à des chrétiens, saint Jacques, iv, 13, recommande aux commerçants de penser à leur mort et de ne pas dire avec trop d’assurance : « Aujourd’hui ou demain nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous y ferons le commerce et nous réaliserons un bénéfice. » Saint Paul écrit aussi aux chrétiens qu’ils doivent « acheter comme ne possédant pas ». I Cor., vii, 30. — L’acquisition de la sagesse ou des biens spirituels est parfois représentée métaphoriquement sous la figure d’un achat. Prov., xvii, 16 ; xxiii, 23 ; Apoc,

m, 18. Les dons divins s’achètent sans argent. Is., LV, i ; Eccli., li, 33 ; Apoc, xxii, 17. Voir L. Herzfeld, Hândelsgesch. der Juden des Alterthums, in-8°, 1894.

H Lesêtre

COMMUNAUTÉ DE BIENS dans l’Église primitive de Jérusalem. Voir Ananie 6, t. i, col. 541.

COMMUNION SACRAMENTELLE. Voir Eucha ristie.

CONCILE DE JÉRUSALEM. On appelle ainsi l’assemblée que tinrent les Apôtres à Jérusalem, en l’an 51 ou 52, pour trancher le différend qui s’était élevé à Antioche entre les convertis ju’daïsants et les convertis de la gentilité, les premiers voulant soumettre les seconds aux observances de la loi mosaïque. Act., xv, 1-2 ; Gal., il, 11-14. Paul et Barnabe furent députés à Jérusalem afin de soumettre la question aux Apôtres. Les pharisiens étaient d’avis qu’on devait imposer à tous la circoncision. Saint Pierre déclara, en faisant allusion à la conversion du centurion Corneille, Act., x, 1-48, que Dieu avait appelé à la foi les incirconcis comme les circoncis, et qu’il ne fallait pas imposer aux gentils le joug de la loi. Saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem, parla dans le même sens que le chef des Apôtres. Act, xv, 7-21. On rédigea en conséquence une lettre encyclique contenant les résolutions du concile, et adressée aux Églises de Syrie et de Cilicie. Ce décret apostolique affranchissait les chrétiens des observances légales, en ne leur « imposant rien au delà de ce qui était nécessaire ». Act., xv, 28. Il rappelait seulement trois préceptes particuliers dont les circonstances et la situation des nouveaux convertis au milieu des Juifs et des païens rendaient l’obligation indispensable : 1°. l’abstention des viandes offertes aux idoles ; 2° l’abstention du sang et de la viande des animaux étouffés ; 3° de la fornication. Act., xv, 29, cꝟ. 20. Sur les deux premières défenses, voir Chair des animaux, col. 495 et 498. Pour la troisième, voir Fornication. — Le concile défend, en raison du scandale, de manger la chair des animaux qui avaient été offerts en sacrifice aux faux dieux (elSuAJOuTa), parce que c’était participer en quelque sorte à leur culte. Quoique, comme l’explique saint Paul, I Cor., viii, 1, 4, il n’y eût aucun mal en soi à manger la viande de ces animaux, on devait l’éviter pour ne pas faire de mal à l’âme de ses frères. I Cor., viii, 13 ; x, 28. Voir Bacuez, Manuel biblique, 8e édit., t. iv, p. 328.

CONCOMBRE. Hébreu : qiSsu’îm ; Septante : crr/.uos ; Vulgate : cucumeres.

I. Description. — Genre de Cucurbitacées renfermant de nombreuses espèces à tiges scabres, qui se traînent sur le sol ou grimpent autour des arbres à l’aide de vrilles simples. Les fleurs sont solitaires à l’aisselle des feuilles, à sexes séparés, mais réunies sur le même individu. La plupart sont originaires des régions chaudes de l’ancien continent et donnent des fruits comestibles. — Les espèces à racine vivace, qui croissent spontanément en Palestine, ont des baies très petites, à peine de la grosseur d’une prune, et à pulpe amère. Le fruit est couvert d’aiguillons mous dans le Cucumis prophelarum (fig. 327), de la région désertique au voisinage de la mer Rouge ; il est simplement revêtu de poils caducs chez une forme voisine qui habite la Syrie septentrionale, et que Boissier, à l’exemple de Naudin, assimile au Cucumis trigonus, décrit par Roxburg, Flora Indica, Sérampore, 1832, t. iii, p. 722. On a pu même confondre parfois avec ces concombres sauvages, à fruits petits et amers, soit la coloquinte, soit une plante plus caustique encore et répandue au milieu des décombres dans toute la région méditerranéenne, VEcballium elaterium (fig. 328), nommé vulgairement melon d’attrape, parce qu’à la maturité sa baie éclate spontanément ou sous l’action du moindre choc,

lançant violemment sa pulpe mêlée aux graines. — Outre ces types indigènes, on cultive depuis longtemps en Palestine : 1° le vrai concombre, Cucumis salivus (iig. 329), originaire de l’Inde, à chair sans odeur ni saveur bien marquée et se mangeant surtout cuit ou confit ; 2° plusieurs variétés rapprochées aujourd’hui du vrai melon (Cucumis chale et Cucumis dudaim), parce qu’elles en

tures préférées du peuple. — Établis dans la Palestine, les Israélites les cultivèrent. On en voyait des champs entiers, au milieu desquels le cultivateur élevait une cabane de branchages, où il demeurait pour les garder. Les concombres une fois recueillis, on abandonnait et on laissait tomber ces misérables abris. Aussi le prophète Isaïe, menaçant Jérusalem, la compare-t-il à une cabane abandonnée dans un champ de concombres, miqsdli. Is., i, 8. (Septante : a-mur, pa-rov, cucumerarium) Pendant que les concomhrcs mûrissaient, le cultivateur ne

. — Cucumis propliciarum.

ont la chair odorante. Ynir Naudin, dans les Annales des sciences naturelles, série iv, t. xi, 1859 ; Boissier, Flora orientalis, t. ii, p. 758. F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Les Israélites, au milieu des pérégrinations du désert du Sinaï, fatigués de la manne, soupiraient après la nourriture d’Egypte, en particulier après les concombres. Num., xi, 5. Les qiSSu’îm rappellent

îœy

S23.

EcbaUlum elatcrtum.

l’arabe qatta ou qassa, d’où est venu un peu défiguré le nom de chate, donné à une des espèces de concombres. Le grec, peut-être par transposition des lettres de qassa, l’appelle (j’.y.voc. Il faut remarquer que qassa et qissu’îm s’appliquent au Cucumis sativus comme au Cucumis chate, et peut-être même à d’autres espèces cultivées en Egypte ou en Palestine. On rencontre souvent les concombres représentés parmi les offrandes funéraires sur les parois des tombeaux. C’est qu’ils étaient très estimés : dans ces pays d’Orient, ils sont plus beaux, plus agréables au goût, bien moins indigestes que les concombres européens. Avec le melon et l’oignon, c’est une des nourri 329. — Cucumis sativus.

se contentait pas de les surveiller de sa cabane, bâtie sur une petite éminenee au milieu de son champ ; mais il plaçait ça et là un épouvanta : ’pour en écarter les animaux, surtout le chacal. Aussi Baruch, vi, 69, comparet-il les dieux de bois, d’argent et d’or, à un épouvantail qui ne peut préserver le champ de concombres au milieu duquel il est dressé.

2° Les fruits amers, que le serviteur d’Elisée servit aux fils des prophètes sont vraisemblablement des coloquintes. Voir Coloquinte. Cependant un certain nombre d’exégètes y voient soit le concombre des prophètes, soit le concombre d’âne. Sans doute le Cucumis prophetarum est un gracieux petit concombre, à peine gros comme une noix, singulièrement amer. On le trouve dans la péninsule sinaïtique et aussi dans la contrée où se trouvait le prophète, c’est-à-dire près de la mer Morte ; mais son fruit est trop petit pour avoir été pris pour quelque melon ou concombre cultivé et avoir été coupé par morceaux. — À plus forte raison peut-on en dire autant du concombre d’une, ou Ecballium elaterium. Les partisans de cette opinion observent que la racine de paqqu’ôt paraît être pakka ou bakka, qui signifie « rompre, éclater », en hébreu et en syriaque. Or, quand le fruit de Yecballium ou momordique à ressort est mur, il se détache de son pédoncule et projette au loin ses graines en se contractant brusquement, à peu près comme le fruit de la balsamine. M. Jullien, L’Égyple, in-8°, Lille, 1891, p. 280. Son fruit est très amer. Mais le concombre d’âne est trop commun en Palestine pour avoir été l’objet de la méprise du serviteur des prophètes. De plus, son fruit, à peine gros comme une datte et hérissé de poils, pouvait difficilement être pris pour quelque vrai concombre comestible. Enfin, quand on le touche, il éclate, il ne reste plus que l’écorce. Aussi l’opinion qui avec la Vulgate tient pour la coloquinte reste-t-elle encore la mieux appuyée. Cette plante, commune dans la région où était arrivé Elisée, entre Jéricho et. la mer Morte, était inconnue dans le pays

| montagneux d’où il venait, et la forme du fruit, assez semblable à un melon cultivé, pouvait être cause d’une

, méprise. E. Levesque.

1 CONCORDANCES DE LA BIBLE. Concordance, i qui vient du verbe latin concordare, « se trouver ou se

mettre d’accord, » est le nom donné communément aux recueils dans lesquels tous les passages de la Bible qui ont entre eux un rapport d’idée ou de son se trouvent disposés par ordre alphabétique, avec indication du livre, du chapitre et du verset d’où ils sont tirés. Par leur moyen, on peut savoir sur-le-champ en quelle partie de l’Écriture se lit un mot biblique quelconque et quels sont les textes analogues pour le fond ou l’expression. Les concordances de la Bible sont de deux sortes : les unes sont fondées sur les mots et ne tiennent pas compte de l’ordre logique des matières ; on les appelle verbales ; les autres ont pour fondement les choses mêmes de l’Écriture, les pensées exprimées, les vérités énoncées ; on les nomme réelles. I. Concordances réelles. — 1° Sous des titres tels que : Abnégation, Abstinence, etc., elles indiquent ou reproduisent intégralement tous les passages scripturaires qui traitent du sujet déterminé par le titre. Destinées à fournir aux prédicateurs de la parole sainte des matériaux bibliques, elles sont parfois dogmatiques, le plus souvent morales, ou à la fois dogmatiques et morales. Si elles n’ont pas l’importance des concordances verbales, leur origine est plus ancienne. Saint Antoine de Pacfoue (1195-1231) en est l’inventeur. Il a composé : Concordantise morales SS. Biblim, qui ont été imprimées à Rome, en 1621, d’après un manuscrit du couvent de l’Ara Cœli ; à Paris, en 1641, et à Cologne, en 1647. Voir t. i, col. 709-710. À l’œuvre de saint Antoine, le premier éditeur, Francois-Luc Wading, a ajouté un ouvrage du même genre, qui a été écrit au xme siècle par un franciscain irlandais, et dont le titre fait bien connaître le contenu : Promptuariurn morale sacras Scripturse in très partes distributum, in quarum prima reponuntur themata prsedicanda per annum ; in secunda pro festivitatibus sanctorum ; in tertia pro omnibus hominum statibus et conditione. — On imprima à Paris, en 1497, urne œuvre de même nature intitulée Compendium biblicum quod aureum alias Biblise Repertorium nuncupatur. Au siècle suivant, Pierre Patient rédigea une concordance réelle en langue allemande sur la version de Luther : Concordant ! ùber die ganze Bibel aus die Dolmetschung Lutheri gerichtet, Francfort, 1571. Un frère mineur, Antoine Broickwy de Koninsteyn, composa Concordantise breviores omnium fere materiarum ex sacris Bibliorum libris, 2 in-8°, Cologne, 1550 ; Paris, 1551 et 1554. — Un théologien anglais, exilé de sa patrie, Guillaume’Allot, dédia au pape Grégoire XIII un répertoire biblique, destiné à aider dans leur tâche les pasteurs et les prédicateurs : Thésaurus Bibliorum, oninem utriusque vitee antidotum secundum utriusque instrumenti veritatem et historiam succincte complectens. Aux noms des vertus et aux sujets de morale, il mêle suivant l’ordre alphabétique les noms propres, avec indication des principaux passages de la Bible où ils sont reproduits. La dédicace est datée d’Anvers, du 26 septembre 1579. Une première édition parut en cette ville, en 1581 ; une seconde fut imprimée en 1585. — Antoine de Baliughem, jésuite belge (1571-1630), publia à Douai, en 1621 : Sacra Scriptura in locos communes morum et exemplorum novo ordine distribula, à l’usage des prédicateurs. Pour ne pas les obliger à rechercher dans les concordances verbales les passages utiles à la chaire, il les réunit sous un titre commun : Abnegalio - Zelus. Son ouvrage a été réédité à Cologne, en 1659 ; à Trévoux, en 1705, et à Lyon, en 1711. Voir t. i, col. 1414. — Un autre jésuite, P. Eulard, se proposa le même dessein, et, à l’usage des théologiens et des missionnaires, il résuma les concordances verbales, qui étaient trop étendues. Dans la disposition du sujet, il suivit un ordre mixte, de sorte que sa concordance est à la fois réelle et verbale : Bibliorum sacrorum concordantise morales et historiés, concionatoribus imprirnis atque universis S. Scripturse studiosis utilissimse, Anvers. in-4°, 1625. — Philippe - Paul llerz, luthérien converti et devenu prêtre catholique,

: corrigea et amplifia le Thésaurus d’Allot. Il retrancha les

noms propres et le résumé historique qui les accompagnait, et il ne garda que les sujets moraux, depuis À bnegatio jusqu’à Zelus. Son ouvrage, intitulé Thésaurus

: biblicus, hoc est, dicta, sententiss et exempla ex sanctis

, Bibliis collecta et per locos communes distributa, ad usum concionandi et disputandi, a été souvent édité : Augsbourg, 1731, 1738, 1751, 1791 ; Venise, 1758, 1818 ; Paris, 1822, 1825 et 1883. Il sert de table homilétique à La Sainte Bible, publiée chez Lethielleux. — Godefroy Bùchner publia Biblische Handconcordanz, qui contient des définitions et des notes et ressemble à un petit dictionnaire de la Bible. Son œuvre parut sous une double forme. La plus courte fut imprimée la première à Iéna, en 1740 ; la plus développée, dans la même ville, en 1750. L’une et l’autre eurent beaucoup d’éditions. Un moment éclipsée par la Concordance de Wichmann, à Dessau et Leipzig, 1782 et 1806, la Concordance réelle de Bùchner, revue par L. H. Heubner (6° édition, Halle, 1840), a reconquis son ancienne vogue. Elle avait atteint sa 18e édition en Allemagne en 1888, et il en a été publié en Amérique une édition complétée par Spath, Philadelphie, 1871. — Mentionnons encore G. Michælis, Kleine biblische Concordanz, Iéna, 1712 et 1734-1741 ; W. Niederwerffer, Biblischer Kern und Stem oder Handconcordanlz ûber den HauptSpràche der heiligen Schrifft, Leipzig, 1714 ; Matalène, Répertoire universel et analytique de l’Ecriture Sainte, contenant tout le texte sacré selon l’ordre alphabétique des sujets d’histoire, de dogme et de morale, 2 in-4°, Paris, 1837 (le texte est reproduit en latin ; il en a été fait une seconde édition, 2 in-4°, Paris, 1864) ; A. J. James, Dictionnaire de l’Écriture Sainte, ou Répertoire et concordance de tous les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament mis par ordre alphabétique et méthodique, in-8°, Paris, 1838 ; Lueg, Biblische Realconcordanz, 2e édit. par Heim, Ratisbonne, 1855, in-8° ; G. Mazeron, SS. Scripturse Concordantiee novse, seu doctrina moralis et doymaticae sacris Testamentorum codicibus ordine alphabetico desumpta, in-8 1, Paris, 1869 ; F. J. Bernhard, Biblische Concordanz, 1e édit., Dresde, 1890.

2° Les Indices ou tables alphabétiques plus ou moins complètes et plus ou moins détaillées, qui terminent beaucoup d’éditions de la Vulgate latine ou des versions modernes de la Bible, sont de véritables concordances réelles. D’après Sixte de Sienne, Bibliotheca sancta, Venise, 1566, I. IV, p. 361, leur premier auteur est un franciscain, Gabriel Brunnus, provincial de la Terre Sainte ; il dressa, en 1496, une table alphabétique historique. Cet Index Bibliorum fut augmenté, en 1537, par Conrad Pellican, mais dans un sens qui favorisait les erreurs de sa secte ; puis par Robert Estienne, en 1540. Il parut, en 1550, une traduction anglaise de Vlndex de Pellican, sous ce titre : À Briefe and a Compendious Table, in maner of a Concordance, openyng the waye to the principall Historiés of the whole Bible. L’Index biblicus ad certa capita ordine alphabetico dispositus, Anvers, 1571, qui fait partie de la Polyglotte de Plantin, forme un volume à part. D’autres Indices de la Vulgate latine sont cités par Le Long, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 456-458. À la traduction française de la Bible, composée par Olivétan et publiée à Neufchâtet, en 1535, on ajouta un Indice des principales matières contenues dans la Bible, rédigé par Matthieu Gravelin. On le retrouve corrigé et augmenté dans toutes les éditions de la Bible de Genève. Il forma bientôt un volume distinct : Indice et concordance des choses contenues en la Bible, disposés par lieux communs selon l’ordre alphabétique, in-4°, Lyon, 1545 ; in-8°, Genève, 1561 ; in-12, 1563 ; inf°, 1566. Nicolas Malingre est l’auteur de l’Indice des matières qui accompagne la Bible de Calvin, imprimée à Genève, en 1540. Il a paru à Paris, en 1745, une Concordance française, ou Extrait du

Nouveau Testament par lettres alpliabétiques, pour trouver aisément ce que Von pourra désirer dans les quatre Evangélistes, les Actes et les Epîtres des Apôtres. C’est l’œuvre d’un protestant.

3° Une autre sorte de concordances réelles reproduit les passages bibliques qui sont en rapport avec le droit canonique. Il faut ranger dans cette catégorie les Concordantise Bibliorum et Canonum d’Hugues de Cologne, imprimées à Bologne, en 1479 et 1486. Jean, abbé de Nivelle, fit un travail analogue, qui parut à Bâle, en 1489, in-4°, sous le titre : Concordante auctoritatum Sacrse Scriplurse juxta ordinem librorum biblicorum in quibus loci juris civilis reperiuntur, ou plus brièvement : Concordantias Biblise et canonum totiusque juris civilis. Tous les passages des Livres Saints, de la Genèse à l’Apocalypse, qui s’accordent avec les décrets des souverains pontifes, sont cités textuellement, avec l’indication des livres et distinctions correspondants des Décrétales. Ces références seules sont entrées dans les concordances marginales de la Biblia cum concordantiis Veteris et Novi Testamenti et sacrorum canonum, éditée à Lyon, en 1543, chez Jacques Mareschal.

4° Aux concordances réelles on peut joindre les concordances marginales, reproduites aujourd’hui encore aux marges de toutes les Bibles. Gaspard de Zamora en attribuait à tort l’invention au dominicain Hugues de Saint-Cher. Elles furent rédigées progressivement. Un religieux cistercien, Hugues Ménard, établit les concordances que les quatre Évangiles présentent entre eux ; il ne fit qu’exprimer en chapitres modernes les tables des canons d’Eusèbe, qu’on lisait dans la plupart des manuscrits des Évangiles. Voir Ammoniennes (Sections), t. i, col. 493-494. Son travail fut imprimé pour la première fois à Nuremberg, en 1478 : Biblia latina cum canonibus evangelistarumqUe concordantiis Menardi monachi. On les trouve aussi dans une Bible latine, éditée à Ulm, en 1480. Une autre Vulgate, imprimée en 1489, contient pour le Nouveau Testament seulement des concordances marginales, qui résument les relations de chaque livre avec tous les livres de la Bible. Celles de l’Ancien Testament se rencontrent pour la première fois dans une Bible latine, sortie des presses de Froben, à Bàle, en 1491. Elles sont répétées dans une édition de 1495 ; elles y sont très peu nombreuses. Cf. Quétif et Échard, Scriptores ordinis Prædicatorum recensiti, Paris, 1719, t. i, p. 208-209. On les multiplia et on les retoucha, parfois avec maladresse, et beaucoup de fautes s’y glissèrent. M. Fillion les a revisées dans sa Biblia sacra, Pans, 1887 et 1889.

II. Concordances verbales. — Ces concordances, qui rangent les mots de la Bible suivant l’ordre alphabétique, sont les plus importantes et les plus nombreuses. Il en existe en plusieurs langues, car elles ont été faites sur les versions anciennes et modernes aussi bien que sur les textes originaux de l’Écriture.

I. concordances latines. — Les premières ont été rédigées sur la Vulgate, et elles sont dues aux Dominicains. Quétif et Échard, Scriptores ordinis Prsedicatorum recensiti, Paris, 1719, 1. 1, p. 203-209, ont démontré qu’elles étaient bien l’œuvre de ces religieux, et non celle des Franciscains ou des Cisterciens, à qui on en faisait parfois honneur. Les fils de saint Dominique les ont organisées sous plusieurs formes différentes. Hugues de Saint-Cher, qui fut plus tard cardinal, est l’inventeur de la première forme. Comme il se proposait, en commentant la Bible, d’indiquer exactement le sens du texte sacré, il comprit que pour préciser la signification de chaque mot, il fallait comparer tous les passages de l’Écriture où ce mot était employé. Cette comparaison exigeait une table complète, une sorte de dictionnaire de toutes les expressions bibliques. Hugues de Saint-Cher, aidé, dit-on, par cinq cents dominicains, fit opérer le dépouillement détaillé du texte latin de la Vulgate et

réalisa la première Concordance verbale. Les mots, disposés dans l’ordre alphabétique, n’étaient écrits qu’une seule fois et servaient de titre. Au - dessous étaient indiqués en abrégé le livre, le chapitre et la partie du chapitre où ces mots sont employés. En effet, pour faciliter les références, Hugues de Saint-Cher adopta la division en chapitres, récemment inventée par Etienne Langton (voir Chapitres de la Bible), et il partagea chaque chapitre en sept parties à peu près égales, qui furent désignées par les premières lettres de l’alphabet, a, b, c, d, e, f, g. Ainsi « Terra, Gen., i, a », signifie que le mot terra se trouve au commencement du premier chapitre de la Genèse. Certaines expressions, qui sont souvent réunies dans la Bible et ont une signification distincte, comme terra Juda, terra Moab, terra aliéna, terra inimicorum, tempus senectutis, tempus pluvise, formaient des articles séparés. Les principales particules, telles que absque, olim, propter, quasi, sicut, velut, y étaient mentionnées. Cet ouvrage si considérable fut terminé en 1230, et comme il avait été composé au couvent de Saint -Jacques, à Paris, où habitait alors Hugues de Sainf-Cher, il fut appelé Concordantiae sancti Jacobi.

Cependant il était défectueux et rendait peu de services. On n’y trouvait qu’une sèche liste de mots, détachés du contexte ; il fallait recourir dans les manuscrits aux passages indiqués, et cette recherche prenait beaucoup de temps. Aussi les Dominicains, comprenant les avantages que les prédicateurs retireraient d’un vocabulaire détaillé de la Bible, perfectionnèrent l’œuvre primitive et joignirent aux références la citation complète de tous les passages mentionnés. Ainsi, tandis que Hugues de Saint-Cher avait seulement écrit à la première ligne de sa Concordance : « A, a, a. Jerem. i, b. xiv, d, » ses continuateurs transcrivirent : « A, a, a. Jerem. i, b. A, a, a. Domine Deus, ecce nescio loqui, quia puer ego sum. Xiv, d. A, a, a, Domine Deus, prophetæ dicunt eis : Non videbitis gladium, et faînes in vobis non erit. » Comme ces additions furent faites, vers 1250, par trois dominicains anglais, Jean de Derlington, Richard de Stavenesby et Hugues de Croyndon, les nouvelles Concordances furent nommées Concordantise anglican ». Elles furent imprimées à Nuremberg, en 1485, sous le titre de Concordantise magnse. Voir Arlotto, t. i, col. 967.

Vers 1310, un autre dominicain, Conrad de Halberstadt, apporta des modifications à l’œuvre de ses confrères. Cette dernière était trop volumineuse et trop prolixe ; elle reproduisait des périodes entières et contenait des membres de phrases inutiles. Conrad ne conserva que les mots essentiels, les seuls qui étaient nécessaires pour déterminer le sens du terme principal. De plus, tout en maintenant dans les longs chapitres la division en sept parties, il n’admit dans les chapitres courts que quatre sections, désignées par les lettres a, b, c, d. Ces deux innovations réduisirent notablement le volume des Concordances ; aussi furentelles bien accueillies. L’ouvrage ainsi diminué fut adopté partout et eut le premier les honneurs de l’impression. Ce fut à Strasbourg qu’il parut, vers 1470, sous ce titre : Fratris Conradi de Alemania, ordinis Prsedicatorum, concordantise Bibliorum. Une seconde édition vit le jour à Strasbourg aussi, vers 1475. Voici un spécimen de ces incunables, sans tenir compte des abréviations : « A, a. Jere. i, aaa. Domine Deus, ecce nescio loqui. xiv, b. prophetse dicunt eis. Eze. iv, d. Domine Deus, anima mea non est. xxi, a (xx, 49), Domine Deus, ipsi. Joelis, i, c. Diei, quia prope est dies Domini. »

Enfin, un dominicain slave, Jean Stoikowic, dit Jean de Raguse, fit faire de nouveaux progrès aux concordances bibliques. II était procureur général de son ordre auprès de Martin V, et il fut président du concile de Bàle. Dans le cours des sessions de 1433, il eut à discuter avec les Bohémiens, au sujet de la communion sous les deux espèces, sur le sens de la particule nisi en Joa., vi, 54.

Envoyé en 1435, par les Pères du concile, à Constantinople, il eut des démêlés avec les Grecs sur les prépositions ex et per, èx et Ssi, relativement à la procession du Saint-Esprit. Or, dans ces deux circonstances, il constata que les Concordances ne contenaient pas les passages bibliques où se trouvent ces prépositions. De retour à Bâle, il résolut de combler cette lacune et de réunir toutes les particules indéclinables des Livres Saints. Il recueillit lui-même les citations de l’adverbe non et de quelques autres particules d’un emploi peu fréquent. Empêché par ses travaux au concile d’achever cette œuvre, il la fit continuer par son chapelain, Gautier Jonau, Écossais, maître en théologie. Celui-ci parcourut tous les chapitres de la Bible et nota, au fur et à mesure de sa lecture et en suivant l’ordre des Livres Saints, tous les mots indéclinables, n’exceptant que ceux qui étaient répétés presque à chaque ligne. Ces extraits n’étaient pas encore entièrement terminés au bout de trois ans ; ils furent achevés par deux autres secrétaires. Un docteur espagnol, Jean de Ségovie, archidiacre de Villaviciosa, dans le diocèse d’Oviédo, et plus tard créé cardinal par l’antipape Félix V, les disposa alphabétiquement, et écrivit une introduction qui contient la plupart des renseignements précédents. Son ouvrage avait pour titre : Concordantise partium sive dictionum indeclinabiliwn totius Biblise. En 1496, Sébastien Brant ajouta ce supplément aux Concordances de Conrad de Halberstadt, qu’il appelle Concordantise S. Jacobï. Le livre, imprimé à Bàle, chez Froben, eut ainsi deux parties sous ce titre général : Concordantise majores Biblise tara dictionum declinabilium quam indeclinabilium diligenter visse cum textu ac secundum veram orthographiant etnendatse. Dans la première partie, tous les chiffres avaient été collationnés avec soin ; les erreurs des éditions précédentes avaient été corrigées, et le second livre d’Esdras était indiqué sous le nom de Néhémie. Froben en publia d’autres éditions avec des titres un peu modifiés, en 1506, en 1516, en 1521, en 1523, en 1525 et en 1526. Mareschal le fit imprimer à Lyon, en 1526 et 1528. Il y en eut encore des éditions à Strasbourg, à Lyon et à Cologne, mentionnées par Le Long, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 457-458. Des recensions furent faites par Arola (voir t. i, col. 1027), et par Gastius.

En 1555, Robert Estienne introduisit dans les Concordances latines d’heureuses modifications. Il se proposait de combler les lacunes des éditions précédentes et de corriger les fautes qui s’y étaient glissées. Le premier il mélangea les particules indéclinables aux mots déclinables, donna tous les noms propres et rangea le tout selon l’ordre alphabétique. Une autre innovation consista à indiquer les références bibliques au moyen des versets, qu’il avait imaginés depuis peu. Il conserva en même temps les lettres a, b, c, d, etc., pour l’avantage de ceux qui ne possédaient pas de Bible à versets numérotés. Il pouvait donc à bon droit intituler son ouvrage : Concordantise Bibliorum utriusque Testamenti V. et N. novse et integrx, quas rêvera majores appellare possis. Jean Hervagius de Bâle entra dans la même voie et fit imprimer, en 1561, l’édition qu’avait préparée son père. Il sépare encore les particules des expressions déclinables, mais admet la division des versets : Sacrorum utriusque Testamenti librorum absolutissimus Index, quas Concordantias majores vocant, tu vel maximas appelles, licet. Une seconde édition vit le jour en 1568.

Jean Benoît, théologien de Paris, corrigea les éditions protestantes : Concordantise novse utriusque Testamenti juxta tropos et phrases locosque communes distinctæ, cunctis sacrarum litterarum studiosis vice commentarii profuturx, quales nemo hactenus est aggressus, 1562, in-f°. Georges Bullocus produisit à Anvers, 1572, une Concordance très volumineuse et très complète : Concor- ; dantiarum S. Scripturse œconomia melhodica. Les [ Concordantise Bibliorum, id est, dictiones omnes qux j

in Vulgata editione latina librorum V. et N. T. leguntur, ordine digestse et Ma distinctse ut maximise et absolutissimse ( quas offert hmc editio) Concordantise dicï possint, imprimées en 1600, chez Claude Marnius et Jean Aubrius, sans nom de lieu, présentent quelques particularités. Elles distinguent les mots homonymes, souvent confondus dans les autres éditions, et indiquent séparément les passages bibliques extraits des livres apocryphes, c’est-à-dire des deutérocanoniques et des IIIe et IV » livres d’Esdras. Pierre de Besse, docteur de Sorbonne, se proposa d’accorder les éditions discordantes et de corriger leurs fautes. Comme Robert Estienne, il indiqua à la fois les lettres et les versets : Concordantise Bibliorum utriusque Testamenti générales, Paris, 1611.

Toutes ces Concordances latines avaient été rédigées sur des éditions différentes de la Vulgate ; aussi divergeaient-elles plus ou moins les unes des autres. Quand eut paru, en 1592, la Bible Clémentine, qui était imposée à tous les catholiques, il fallut conformer à son texte authentique les Concordances bibliques. La première qui présenta cette conformité sortit des presses de Plantin : Concordantise Bibliorum juxta reeognilionem Clementinam, in-4°, Anvers, 1599. Si nous en croyons Le Long, op. cit., p. 458, d’autres éditions parurent en diverses villes, en 1606, 1612 et 1615, avec des annotations de François Luc de Bruges. Quoi qu’il en soit, le savant doyen de l’église cathédrale de Saint-Omer fit paraître à Anvers, en 1617, des Concordantise Bibliorum sacrorum emendatse, in-f". Comme il le remarque dans la préface, elles présentent trois particularités : 1° elles reproduisent le texte de la Bible Clémentine ; 2° elles ne contiennent pas les mots inutiles, tels que la plupart des pronoms, les conjonctions et les prépositions, les noms Deus et Dominus et les verbes surn et dico, qui sont employés trop fréquemment dans l’Écriture ; 3° quelques mots, dont l’orthographe est rétablie, sont mis dans un ordre plus commode, à leur place naturelle. La Concordance de Luc de Bruges fut réimprimée à Genève et à Francfort, en 1625, et à Paris, en 1635 et en 1646. Elle fut retouchée. Hubert Phalésius, sous-prieur du monastère bénédictin d’Afflinghem, au diocèse de Malines, revit en 1612 l’édition de 1617, ajouta quelques versets et corrigea les erreurs de chiffres dans l’indication des chapitres et des versets. Il la compara aux Concordantise sacrorum Bibliorum… absolutissimze, qu’avait publiées à Rome, en 1627, le jésuite Gaspard de Zamora, et qui contenaient, disait-on, cent mille textes nouveaux. Cette énorme différence provenait de l’insertion des particules indéclinables et des mots volontairement omis par Luc de Bruges, et de l’indication des versets des III 8 et IVe livres d’Esdras. Phalésius introduisit dans son édition les noms Deus et Dominus, en se bornant toutefois à des passages choisis, et les particules sicut et quasi. Il sépara aussi des expressions réunies à tort, comme tibia, « os de la jambe, » et tibia, « flûte ; » palma, « paume de la main, » et palma, « palme ; » plaga, « plage, » et plaga, « plaie. » La revision de Phalésius fut rééditée à Lyon, en 1649, 1652, 1667, 1687 et 1700 ; à Paris, en 1656 ; à Cologne, en 1684, et à Mayence, en 1685. Une autre correction de la Concordance de Luc de Bruges fut entreprise par Georges Siberbaur, et imprimée à Vienne, en 1700. F. Schmid a fait réimprimer à Vienne, en 1825, l’ouvrage de Luc de Bruges.

Les presses de Cologne avaient produit, en 1629, 1661 et 1663, des Concordances revues et augmentées par des théologiens de cette ville. Les particules y sont mélangées avec les mots déclinables, et les références y sont marquées à la fois par les lettres et les numéros des versets. Plus tard, les bénédictins de Wessobrunn suivirent une voie nouvelle dans leur Bepertorium biblicum, seu Concordantise S. Scripturse utriusque Testamenti, 2 in-f°, Augsbourg, 1751. Au lieu de reproduire de simples bouts de phrase, ils citent les versets en entier, ou au moins

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les parties qui présentent un sens complet. Les formes verbales sont classées d’après les temps et les personnes ; ainsi abbrevio est subdivisé en abbrevians, abbreviatus, etc. Les noms sont rangés selon les cas ; les particules les plus usuelles sont omises. Des abréviations et des sigles ou signes conventionnels évitent les répétitions et gagnent de la place.

La plus récente édition complète des Concordances latines est celle de F. P. Dutripon : Concordantiæ Bibliorum sacrorum Vulgatæ editionis… notis historicis, geographicis, chronicis locuplelatæ, in-4°, Paris, 1838. Elle comprend vingt mille versets de plus que les autres et distingue avec soin les différents noms propres, ce qu’on ne faisait pas dans les éditions antérieures ; elle a été imprimée pour la septième fois en 1880. Une revision en a été publiée par G. Tonini, à Prato, en 1861. Signalons enfin le Concordantiarum S. Scripturæ manuale des trois jésuites, H. de Raze, Ed. de Lachaud et J. B. Flandrin, in-8°, Lyon, 1852 ; 13e édition, Paris, 1895 ; il omet un grand nombre de passages bibliques, se bornant à faire un choix, et il ne suit pas dans ses citations l’ordre des livres bibliques, comme la plupart des Concordances, mais l’ordre grammatical des cas pour les mots déclinables, et des temps pour les verbes ; M. Bechis, Totius Sacrée Scripturse Concordantiæ juxta Vulgatse editionis exemplar prœter alphabeticum ordinem in grammaticalem redaclx, 2 in-4°, Turin, 1887 ; C. Legrand, Concordantiœ librorum N. T. D. N. J. C., juxta Vulgatam editionem, in-8°, Bruges, 1889 ; V. Coornært, Concordantiœ librorum Veleris et Novi Teslamenti juxta Vulgatam editionem ad usum Prœdicatorum (choix de textes), in-8°. Paris et Bruges, 1892. — Il n’existe malheureusement encore aucune Concordance latine indiquant quel est le mot hébreu ou grec du texte original que traduit le terme latin.

n. concordances hébraïques. — L’utilité des Concordances latines engagea des savants à entreprendre le même travail sur les textes originaux de la Bible. La première Concordance hébraïque eut pour auteur un juif de Provence, R. Isaac Mardochée Nathan, fils de Kalohymos. Dans la préface, il a fait connaître les raisons pour lesquelles il composa cet ouvrage. Les chrétiens au milieu desquels il vivait soulevaient sans cesse contre le judaïsme des objections qu’il ne pouvait résoudre. Il cherchait les moyens de leur répondre, lorsqu’une Concordance latine tomba entre ses mains ; elle lui servit, dit-il, à triompher des attaques de ses adversaires. L’avantage qu’il en avait retiré lui fit prendre la résolution de préparer une pareille Concordance du texte hébraïque. Il la commença en 1438, et, avec l’aide de nombreux collaborateurs, il la termina en 1448. Il adopta la division des chapitres de la Vulgate ; mais il ajouta l’indication des versets massorétiques, qu’il avait comptés et dont il avait noté dans une table générale le nombre en chaque chapitre. Son œuvre fut imprimée pour la première fois à Venise, en 1523, par Daniel Bomberg, sous le titre de Mê’ir netib, a. La lumière de la voie, » c’est- à-dire Concordance. Le mot Concordantia est transcrit dans le titre en caractères rabbiniques. Isaac suit l’ordre des racines hébraïques, disposées alphabétiquement. Elles sont accompagnées d’une explication écrite en caractères hébreux. Si une racine a plusieurs significations, elles sont distinguées par les lettres N, 3, etc. Tous les dérivés sont cités sans autre ordre que celui des livres do l’Ancien Testament, et suivis des références qui indiquent le chapitre et le verset d’où ils sont tirés.

Ainsi 3’3N se lit k4 : r^™, c’est-à-dire Exode, ix, 31.

Isaac avait laissé de côté les noms propres, les particules et les mots chaldéens. De nouvelles éditions furent publiées à Venise, en 1564, et à Baie, en 1581. Reuchlin en avait fait une traduction latine fort défectueuse, qui fut imprimée à Bâle, en 1566, sous ce litre : Concordantia rum hebraicarum capita quse sunt de vocum expositionibus a R. Mardochœo Nathan conscripta. La bibliothèque Bodléienne d’Oxford en possède une autre traduction latine manuscrite par Nicolas Fuller.

Un religieux franciscain, Marius de Calasio, prépara une seconde Concordance hébraïque. Voir t. ii, col. 54-55. Le ministre général de l’ordre, Bénigne de Gênes, chargea le P. Michel-Ange de Saint-Romule de l’éditer. Elle parut à Rome, en 1621 et 1622, en 4 vol. in-f°, et elle est intitulée Concordantiæ Sacrorum Bibliorum hebraicorum, in quibus chaldaicæ etiam librorum Esdræ et Danielis suo loco inseruntur. Le plan est le même que celui de Nathan, mais il est complété. Les explications hébraïques des racines sont reproduites, traduites en latin et parfois augmentées. Les mots des langues apparentées à l’hébreu sont cités et expliqués. Une version latine, ordinairement empruntée à Santés Pagnin, accompagne tous les passages bibliques. En marge, on lit les variantes de la Vulgate et des Septante. Une liste des noms propres a été dressée à la fin du quatrième volume. Des rééditions ont été faites à Cologne, en 1646, et à Rome, en 1657. Celle qui parut à Londres, 1747-1749, sous la direction de Guillaume Romaine, contient les particules hébraïques et remplace la version latine des Septante par le texte grec de l’édition de Grabe.

Jean Buxtorf le père conçut le dessein de disposer dans un ordre nouveau les Concordances hébraïques. La mort l’empêcha d’achever son œuvre, qui fut continuée par son fils et parut à Bàle, en 1632, sous ce titre : Concordantiœ Bibliorum hebraicæ, nova et arlificiosa methodo dispositœ. Voir t. i, col. 1981. Le fond de l’ouvrage est emprunté à Isaac Nathan. Il est enrichi de quelques mots nouveaux et de plusieurs centaines de passages qui avaient été précédemment omis. Les interprétations des racines hébraïques sont reproduites, puis accompagnées d’une traduction latine faite par Buxtorf l’ancien. Mais la principale amélioration consiste dans la disposition des dérivés. Au lieu d’être cités pêle-mêle suivant l’ordre des livres de la Bible, ils sont distingués et classés : les verbes précèdent les substantifs et sont rangés d’après les conjugaisons, les temps, les modes, le nombre, la personne et le genre ; les diverses formes des noms sont réunies et séparées les unes des autres par une croix. Un supplément important contient la Concordance de tous les mots chaldaïques de l’Ancien Testament. Les particules, qui manquaient en partie, ont été ajoutées dans la nouvelle édition de B. Bær : J. Buxtorf, Concordantiœ Bibliorum hebraicæ et chaldaicæ, in- 4°, Stettin, 1847. Elles avaient déjà été réunies et groupées suivant leurs diverses significations par Christian Nolde : Concordantiœ particularum ebrœo-chaldaicarum, in-4°, Copenhague, 1675 et 1679. Une meilleure édition a paru à Iéna, en 1734. Elle a été préparée par Jean Godefroy Tympe, et publiée par son frère, Simon Benoît Tympe. Elle contenait à part la concordance des pronoms hébreux et chaldaïques. Les noms propres ont été recueillis par Hiller, Onomasticon sacrum, in-4°, Tubingue, 1706, et par Simonis, Onomasticon Veteris Testamenti, in-f°, Halle, 1745. Un abrégé de la Concordance de Buxtorf fut publié à Wittemberg, en 1653 : Manuale Concordantiarum hebrœobiblicarum, in-4 s. Un autre, rédigé par Christian Rave, est intitulé : Fons Sion sive Concordantiarum hebraicarum et chaldaicarum J. Buxtorfii epitome ad instar lexici, in-8°, Berlin et Francfort, 1677. John Taylor publia en Angleterre : Jiebrew Concordance adapled to the English Bible, disposed after the manner of Buxtorf, 2 in-f », Londres, 1754-1757.

La Concordance hébraïque de Jules Furst : psS -, sin unpn, « Trésor de la langue sainte, » ou Librorum sacrorum Veteris Testamenti Concordantiæ hebraicæ atque chaldaicæ, Leipzig, in-f°, 1837-1840, est supérieure aux précédentes. Elle corrige celle de Buxtorf en six cents endroits et la complète par l’addition de plusieurs milliers « 01

CONCORDANCES DE LA BIBLE

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de passages. Le plan est le même, mais il est perfectionné. Chaque mot hébreu est accompagné d’une explication hébraïque et latine. Les dérivés sont classés régulièrement, selon l’ordre des flexions ou de la conjugaison, et les références sont indiquées, non plus en chiffres hébraïques, mais par les numéros des chapitres et des versets, exprimés en chiffres arabes. Tous les mots hébreux sont imprimés avec les points-voyelles. Malheureusement les noms propres, les pronoms et la plupart des particules indéclinables sont omis. Un Onomasticum sacrum contenant 2668 articles est placé à la suite de la Concordance, mais il explique seulement la signification des noms propres, sans indication des passages bibliques où on les trouve. La grandeur du format rend l’usage du volume peu commode. M. Salomon Mandelkern a publié en 1896 : Veteris Testamenti concordantise hebraiese atque ehaldaicse, quibus continentur : cuncta quse in prioribus concordantiis reperiuntur vocabula, lacunis omnibus expletis, emendatis cujusguemodi viliis, locis ubique denuo excerptis atque in meliorem formam redactis, vocalibus interdum adscriptis, particulee omnes adhuc nondum collatse, pronomina omnia hic primum congesta atque enarrata, nomina propria omnia separatim commemorata, servato texlu massoretico librorumque sacrorum ordine tradito, in-4°, Leipzig, 1896.

Les presses de Bagster ont produit : The Englishman’s Hebreiv and Chaldee Concordance of the Old Testament, in-8°, Londres, 1843 ; 3e édit., 1866. Le plan en avait été formé en 1830. Elle fut éditée par G. V. Wigram et imprimée à ses frais. Au nombre de ses collaborateurs on compte S. P. Trégelles et B. Davidson. C’est une œuvre fort bien faite. Le genre des substantifs, les modes et les temps des verbes sont indiqués ; les passages bibliques sont reproduits en entier et avec les points-voyelles ; le mot qui fait le sujet de l’article est imprimé en italiques et transcrit en caractères latins. Parmi les appendices, on trouve une liste des noms propres. Une édition, corrigée par J. Huyghes, de B. Davidson, Concordance of the Hebrew and Chaldee Scriptures, a paru à Londres, in-8°, en 1876.

/II. concordances GRECQUES. — Les Concordances latines embrassent tout à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament ; les hébraïques ne comprennent que les livres protocanoniques de l’Ancien Testament. Un moine basilien, Euthalius de Rhodes, en 1300, et plus tard Sugdor composèrent des Concordances grecques de toute la Bible ; mais elles n’ont pas été imprimées. Celles qui ont eu les honneurs de l’impression sont de deux sortes : les unes contiennent tous les mots grecs de l’Ancien Testament ; les autres, tous ceux du Nouveau.

1° Concordances grecques de l’Ancien Testament. — La première parut à Francfort, en 1607 : Concordantise V. T. grseese, Ebrxis vocibus respondentes, nolixPW^oi, 2 in-4°. L’auteur, Conrad Kircher, crut nécessaire de rapprocher les mots grecs des mots hébreux qu’ils traduisaient. Aussi adopta- 1- il l’ordre alphabétique des expressions hébraïques et rangea - 1 - il sous chacune d’elles leurs diverses traductions grecques, avec citation

des passages bibliques où elles se lisent. Ainsi 3N, ger minatio, arbustum, fructus, viror, a été traduit par piÇa, radix, Job, viii, 12, et par (Évvr l [jL « , generatio, Cant., vi, 10. Le second volume se termine par une longue table alphabétique des mots grecs ; elle renvoie à tous les passages où ces mots sont cités et permet de former une concordance grecque. Le plan, on le voit, était mal conçu ^t rendait l’ouvrage d’un emploi difficile. On avait une concordance hébraïco-grecque plutôt qu’une concordance grecque.

Abraham Tromm fit une Concordance grecque sur un plan tout à fait nouveau. Après seize années de recherches opiniâtres, il livra son œuvre à la publicité : Concordantise grxcm versionis vulgo dictæ LXX interpretum,

cujus vor.es secundum ordinem elementorum sermonis grseci digestse recensentur, contra atque in opère Kircheriano factum fuerat, 2 in-f°, Amsterdam et Utrecht, 1718. Les mots grecs sont rangés suivant l’ordre alphabétique et sont accompagnés de leur traduction latine. Sous chacun d’eux, les expressions hébraïques qu’ils rendent sont reproduites avec une interprétation en latin ; puis viennent les versets bibliques où ils sont employés. Les passages qui nous restent des versions grecques d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion sont cités après ceux des Septante et à leur place alphabétique. Un professeur d’Oxford, Jean Gagnier, répliqua aux critiques que Tromm avait faites de la Concordance de Kircher dans ses Vindicise Kirchetianse seu animadversiones in novas Ab. Trommii Concordantias grsecas versionis LXX, in-8°, Oxford, 1718.

La Concordance de Tromm était jusqu’à une date récente la meilleure Concordance grecque de l’Ancien Testament ; mais elle est maintenant surpassée par une œuvre en cours de publication : À Concordance to the Septuagint and the other Greek^ Versions of the Old Testament, Oxford. Commencée par Ed. Hatch et continuée par H. A. Redpath, cette Concordance a six parties qui ont paru, 1892-1897. La grande innovation de cet ouvrage, c’est qu’il indique les leçons des manuscrits onciaux, Y Alexandrinus, le Vaticanus et le Sinaiticus, aussi bien que les restes des anciennes versions grecques, recueillis par Field. On regrette seulement que les noms propres aient été exclus de cette magnifique Concordance.

La librairie Bagster a aussi publié À handy Concordance of the Septuagint, giving various readings from Codex Vaticanus, Alexandrinus, Sinaiticus and Ephrsemi, withan Appendix ofwords from Origen’s Hexaplœ not found in the above manuscripts, in-8°, Londres, 1887.

2° Concordances grecques du Nouveau Testament. — La première fut composée par Sixtus Bétulius, de son vrai nom Sixte Birken, bibliothécaire de la ville d’Augsbourg. Il avait repris un projet commencé, puis abandonné, et après huit années de labeur et avec l’aide de ses disciples il le mena à bonne fin. L’ouvrage parut à Baie, en 1546, sous ce titre : Suborna, t] aJXXsÇiç zfj ; 81a8r|X71 ;-cTt ; vixwru ;  ; et Novi Testamenti Concordantise grseese. Les mots grecs sont disposés par ordre alphabétique et ordinairement accompagnés de leur traduction latine. Si les formes et les temps des verbes sont distincts, les flexions des substantifs ne sont pas séparées. Quelques noms fréquemment réunis, comme uib ; Bsoù, ulbç àvBpcircou, forment des articles à part. On y trouve les noms propres. Pour les adverbes, les prépositions et ies conjonctions, l’auteur s’est borné à quelques exemples. Aux citations sont jointes des références aux livres et aux chapitres seulement, car la division des versets n’avait pas encore été imaginée.

Henri Estienne, réalisant un dessein de son père, publia à Paris, en 1594, la seconde Concordance grecque du Nouveau Testament : Concordantes Testamenti Novi grseco-latinse. Ce n’était pas son œuvre, et l’auteur est resté inconnu. La Concordance de Bétulius servit de fondement, mais elle fut corrigée et perfectionnée, notamment par l’introduction des versets, inventés par Robert Estienne. Les mots grecs sont tous suivis de leur interprétation latine. L’ordre alphabétique est rigoureusement établi ; il renferme des mots omis par Bétulius et un plus grand nombre de citations. Cependant Érasme Schmid a constaté encore de nombreuses omissions, des confusions et des hésitations sur le sens des mots. Cette Concordance a été rééditée en 1600, avec un supplément par Robert Olive Estienne, et en 1624, par P. et J. Chouët.

Erasme Schmid, qui avait remarqué les fautes de la Concordance d’Estienne, tenta de faire mieux, et après trois années de travail acheva une troisième Concordance grecque du Nouveau Testament. Ses héritiers la publièrent

en 1638, sous ce titre : Novi Testamenti Jesu C/iristi gra>ci, hoc est, originalis linguse Tociiieïov, in-f°, Wittenberg. La traduction latine des mots grecs n’est pas reproduite. Les passages qui se répètent textuellement ne sont transcrits qu’une fois avec référence aux autres endroits bibliques. Beaucoup de pronoms et de particules sont omis. Ernest Salomon Cyprian réédita cet ouvrage avec quelques corrections, in-f°. Gotha et Leipzig, 1717. Une troisième édition parut à Glasgow, en 1819. William Greenfield en donna un abrégé chez Bagster, in-16, Londres, 1830.

La quatrième Concordance grecque du Nouveau Testament est sortie des presses de Tauchnitz, à Leipzig, en 1842. Elle a été préparée par Charles Hermann Brader et est intitulée : Ta|iieïov t&v ttjç xïivîj ; Siaô’^y.r, ; Àe’Çewv, « Trésor des mots du Nouveau Testament. » Elle est plus parfaite que les précédentes et la meilleure de toutes. Elle ne contient pas de traduction latine. Tous les mots grecs s’y trouvent, sauf l’article, le pronom relatif 8 ; et la conjonction v.xi, qui sont d’un usage trop fréquent. La dernière édition, format in-4°, est datée de 1887. G. Schmoller en a fait un abrégé : Tociueïov oder Handconcordanz zum griechischen Neuen Testament, in-16, Stuttgart, 1869.

G. V. Wigram a édité et publié à ses frais YEnglishman’s Greek Concordance of the New Testament, in- 8°, Londres, 1839 ; 1844. Comme sa Concordance hébraïque, c’est une œuvre excellente. Tous les mots grecs du Nouveau Testament y sont rangés alphabétiquement, sans tenir compte des flexions, et ils sont accompagnés de leur transcription en caractères latins. Sous chacun d’eux on a reproduit les passages de la version anglaise où il se trouve traduit, et le mot anglais correspondant est imprimé en caractères italiques. À la lin de l’ouvrage se trouvent un index anglaisgrec, qui permet de constater quels sont les mots grecs rendus par l’expression anglaise, et un index grec-anglais, qui énumère tous les mots anglais par lesquels est traduit chaque terme du texte original.

Des savants américains ont fait paraître, en 1870, A critical Greek and English Concordance of the New Testament. Préparée par Charles F. Hudson, sous la direction d’Osée L. Hastings, revisée et complétée par Esdras Abbott, cette Concordance donne les mots grecs dans l’ordre d’un dictionnaire. Sous chacun d’eux on a reproduit les passages de la version anglaise « autorisée » qui le traduisent. Ils sont rangés par ordre alphabétique et imprimés en caractères gras. Les noms propres forment une série à part à la lin du volume. Une troisième édition a été faite à Boston, en 1875.

IV. CONCORDA NCE SYRIAQUE DU NOUVEAU TESTAMENT.

— Il n’existe pas de Concordance syriaque proprement dite ; mais Charles Schaaf a publié à Leyde, en 1709, un lexique qui est assez complet pour en tenir lieu : Lexicon syriacum concordantiale, omnes N. T. syriaci voces et ad harum illuslrationem multas alias syriacas et linguarum affmium dicliones complectens, in-4°. C’est une véritable Concordance du Nouveau Testament, car sous chacun des substantifs et des formes verbales, l’auteur a indiqué tous les passages de la Peschito où ce mot et cette forme sont employés. Sous les particules et les pronoms, les références ne sont pas complètes ; on y trouve cependant l’indication de la plupart des versets. Toutefois le texte des versets n’est pas reproduit. Ainsi le premier mot, ’o’ar, aër, est suivi de ces références : I Cor., ix, 26 ; xiv, 9 ; Ephes., ii, 2 ; I Thess., iv, 17 ; Apoc, îx, 2 ; xvi, ’17. Une liste des noms propres en latin est placée à la fin du lexique.

V. CONCORDANCES DES VERSIONS MODERNES. — Sur le

modèle des concordances des versions anciennes et des textes originaux, on en fit aussi pour les versions de l’Écriture dans les langues modernes.

1° Concordances allemandes. — La première a été exécutée sur le Nouveau Testament de la traduction allemande de Luther. Jean Schroter la compila : Concordant !

des Newen Testaments zu teutsch, in-f°, Strasbourg, 1524. Léonard Brunner compléta le travail de Schroter et édita à Strasbourg, en 1546, une Concordance de toute la Bible allemande. Elle ne comprenait pas tous les mots et ne reproduisait pas tous les passages bibliques. On signale d’autres travaux analogues : Kleine Concordantz-Bibel, par Michel Muling, in-8°, Leipzig, 1602 ; Schatz-Kammer der H. Schrift, das ist, ieutsche biblische Concordantzen, par Luc Stockel, in-4°, Herborn, 1606. Ils furent surpassés par les Concordante Bibliorum^ das ist, biblische Concordantz und Verzeichnuss der Fûrnembslen Wôrter, de Conrad Agricola (Baur), in-f°, Francfort-sur-le-Main, 1610. Cette Concordance contient tous les noms et tous les verbes, mais les pronoms et les particules en partie seulement. Les références sont faites au moyen des chapitres et des versets ; le texte n’est reproduit qu’une fois, et parfois les diverses significations d’un mot sont distinguées. La Concordance renvoie aux fragments deutérocanoniques de l’Ancien Testament et même aux III » et IV » livres d’Esdras aussi bien qu’au IIIe livre des Machabées. En 1612, l’auteur fit paraître un Appendix, qui comblait les lacunes de son premier ouvrage. Dans les rééditions de 1621, 1632 et 1640, cet appendice fut inséré dans le corps du volume.

Christian Zeise fit imprimer à Leipzig, en 1658, une Concordance améliorée : Concordantise Bibliorum emendatx, complétée ac fere novæ in-f°. Comme elle n’est qu’un perfectionnement de l’ouvrage d’Agricola, le titre allemand est répété. Les mots sont disposés dans un ordre meilleur ; les fautes sont corrigées ; les variantes de la version allemande sont mentionnées, et les lacunes sont remplies. Un supplément in-4° parut en 1664. Dans une nouvelle édition de 1674, l’auteur ajouta aux mots qui formaient titre une explication latine. Frédéric Lanckisch apporta à la Concordance d’Agricola des modifications pius importantes. Ne se contentant pas de tout revoir et d’ajouter les particules indéclinables, il résolut de placer sous chaque mot allemand le mot hébreu ou grec dont il était la traduction. La concordance allemande était suivie de deux catalogues, l’un des mots hébreux, l’autre des mots grecs. Les premiers étaient notés par des lettres grecques et les seconds par des lettres latines, et ces lettres, reproduites à côté des passages allemands, indiquaient le mot original, traduit par Luther. De cette sorte, on avait dans le même volume une concordance allemande, hébraïque et grecque. Aussi l’ouvrage était-il intitulé avec raison : Concordantise Bibliorum germanicohebraico - grsecse. Deutsche, Hebràische und Griechische ConcordantzBibel. L’auteur mourut en 1669, avant la publication de son œuvre, qui n’eut lieu qu’en 1677, à Leipzig et à Francfort. Elle reçut bon accueil, et on en fit successivement trois éditions, revues et corrigées avec soin, en 1688, 1696 et 1705. Une cinquième fut donnée par Christian Reineck, en 1718 ; la seconde partie, publiée seulement en 1742, contenait les nombres, les pronoms et les particules. Il avait paru sous le même titre, en 1680, un abrégé qui n’est véritablement qu’un dictionnaire hébreu-allemand et grec-allemand. — Indiquons enfin la Biblische Hand-Concordanz fur Beligionslehrer und aile Freunde der heiligen Schrift, in-8°, Leipzig, 1841.

2° Concordances anglaises. — La première de ces concordances, comme la première en langue allemande, n’embrasse que le Nouveau Testament : The Concordance of the New Testament, Londres, sans date. Elle est certainement antérieure à 1540. On l’a attribuée à Thomas Gybson ; mais elle est probablement de l’imprimeur John Day. La concordance de John Marbecke s’étendait à la Bible entière : À Concordance, that is to saie, a Worke wherein by the order of the Letters A. B. C. ye maie redely finde any Worde conteigned in the Bible, in-f°, Londres, 1550. Les références sont faites aux chapitres seulement. J. Darling, Cyclopsedia biblïo

graphica, Subjects, in-8°, Londres, 1859, col. 1899, énumère six autres concordances anglaises, publiées entre 1578 et 1696, dont la plus importante est celle de Samuel Newman, Londres, 1643 ; réimprimée à Cambridge, en 1720, et connue généralement sous le nom de Cambridge Concordance. La plus célèbre concordance anglaise est celle d’Alexandre Cruden : Complète Concordance to the Holy Scriptures of the Old and New Testament, Londres, 1737. Elle contient des notes explicatives sur les mots les plus importants, mais elle ne renferme pas toutes les expressions de l'Écriture et laisse en particulier à désirer relativement aux noms propres. Il en a paru en différents formats de nombreuses éditions plus ou moins complètes. La meilleure est celle de la Society for Promoting Christian Knowledge. Les Concordances de Brown, Cole et Eadie ne sont que des revisions de celle de Cruden. Celle-ci a d’ailleurs été dépassée par le travail de Robert Young : Analytical Concordance to the Bible, Edimbourg, 1879 ; quatrième édition revue, 1881. C’est le fruit d’un labeur de quarante ans ; l’impression seule dura près de trois ans. Celte concordance, tout à fait complète, contient tous les mots de la version autorisée, rangés par ordre alphabétique, avec l’indication du terme hébreu ou grec original, le sens littéral de chacun et sa prononciation, les identifications géographiques, etc.

3° Concordances belges ou hollandaises. — Le mennonite PierreJean Twisck fit paraître à Horn, en 1615, une concordance in-folio de la Bible de Luther, traduite en hollandais. Sébastien Dranck en publia une autre à Harlem, en 1618. Avant de préparer sa concordance .grecque, Abraham Tromm avait achevé une concordance belge, commencée par Jean Martin. Elle formait deux -volumes in-folio, et elle vit le jour à Amsterdam, en 1685. JElle fut rééditée en 1692.

1° Concordances danoises. — On en mentionne deux : la première est l'œuvre de E. Ewald et comprend trois volumes, publiés à Copenhague, 1748-1749 ; la seconde est intitulée VerbalConcordans eller Bibel-Ordbag til det Nye Testamente ; elle ne porte que sur les livres du Nouveau Testament, et elle a été publiée à Kjôbenhavn, en 1856.

5° Concordances françaises. — Il n’existe en notre langue que des concordances protestantes : MarcWilks, Concordance des Saintes Écritures, Paris, 1840 ; (W. B. Mackensie), Concordance des Saintes Écritures (pour la version d’Osterwald) précédée des analyses chronologiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1867 ; nouvelle édition, 1874 ; Dictionnaire des concordances des Saintes Écritures d’après la version du D T Segond, in-8°, Lausanne, 1886.

6° Concordance suédoise. — Laurent Holenius a publié à Stockholm, en 1734 et 1742, Svensk-hebraisk og svenskgrekisk Concordans over G. og N. Test., 2 part, en 3 vol.

: in-f ».

VI. Bibliographie. — Sixte de Sienne, Bibliotheca sancta, Venise, 1566, 1. iii, p. 241-247, et 1. iv, passim ; Le Long, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 454-459 ; Calmet, Bibliothèque sacrée, dans le Dictionnaire de la Bible, Paris, 1730, t. iv, p. 243-245 ; W. Orme, Bibliotheca biblica, in-8°, Edimbourg, 1824, p. 112-120 ; Histoire littéraire de la France, t. xix, Paris, 1838, p. 43-47 ; H. E. Bindseil, Concordantiarum homericarum spécimen cum prolegomenis in quibus prsesertim concordantise biblicsB recensentur earumque origo et progressus declarantur, Halle, 1867 ; Ueber die Concordanzen, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1870, p. 673-720 ; L.-C. Fillion, Essais d’exégèse, Lyon et Paris, 1884, p. 327-344 ; Wetzer etWelte, Kirchenlexicon, 2e édit., art. Bibelconcordanzen, t. ii, 1883, col. 636-647 ; S. M. Jackson, dans Religions-Encyclopsedia, t. i, p. 522-526.

E. Maxgenot.

CONCORDE DES ÉVANGILES. Voir Évangiles.

    1. CONCUBINE##

CONCUBINE (hébreu : pîlégés, que plusieurs rapprochent du grec 71à), ).aÇ, « jeune fille, » et TtaXXaxvj, « concubine ; » chaldéen : lehênâh, Dan., v, 2, 3, 23). Ce mot ne désigne pas dans l'Écriture une femme illégitime, mais une femme régulièrement unie à son mari, et ne se distinguant de l'épouse, 'iSsâh, que par le rang secondaire qu’elle occupait dans la famille. Cette pratique paraît avoir eu pour cause chez les Hébreux le désir d’avoir une postérité. Voir Gen., xvi, 1-4 ; xxx, 1-5, 9. Dieu tolérait cet état de choses, comme la polygamie, jusqu'à ce que le christianisme vint restaurer la sainte institution du mariage selon l’ordre primitif de l’unité conjugale. Matth., xix, 5 ; 1 Cor., vii, 2. L’usage des concubines ne se borna pas d’ailleurs au cas de la stérilité de l'épouse. Sous différentes influences, les unes bonnes, comme le désir d’avoir une nombreuse postérité ; les autres mauvaises et découlant des passions, la pratique en devint ordinaire et générale, à ce point que la loi mosaïque dut intervenir et y introduire une réglementation minutieuse.

1. Lois relatives aux concubines. — 1° Cette législation reconnaissait aux Hébreux le droit d’acheter une jeune fille à son père pour avoir une concubine, c’està-dire une esclave cohabitant.avec le maître à titre d'épouse du second rang. Exod., xxi, 7. Elle consacrait aussi le droit pour le vainqueur de se choisir des concubines parmi les jeunes païennes devenues captives à la guerre, Deut., xxi, 10-12, pourvu qu’elles ne fussent pas Chananéennes. Deut., xx, 16. D’ailleurs les filles des Hébreux de condition libre pouvaient également devenir concubines. La concubine de Gédéon, Jud., viii, 31, semble avoir été une femme d’un rang distingué. Il est vraisemblable que celle du lévite dont il est question Jud., xix, 1.-4, 24, appartenait également à une famille honorable et considérée. Les concubines achetées à leur père jouissaient auprès de leur maître, qui était en même temps leur mari, d’une position beaucoup plus avantageuse que les esclaves ordinaires. À cause de cela, elles ne participaient point au privilège de recouvrer la liberté au début de la septième année. Exod., xxi, 2, 7 ; Deut., xv, 12. Cependant, si l’une d’elles venait à déplaire à son mari, celui-ci pouvait (selon le texte hébreu) la revendre à un autre Israélite, mais non à un païen. Exod., xxi, 8. De plus, si, ne voulant plus la garder pour lui-même, il la donnait à son propre fils, elle devait dès lors être traitée comme sa fille, et, si ce fils venait à épouser une autre femme, il devait continuer de bien traiter sa concubine répudiée, en lui assurant la nourriture, des vêtements et tous les droits qu’elle possédait auparavant. Dans les cas où ces règles n’auraient pas été observées, la concubine devenait libre de plein droit, et sans rien payer à son maître. Exod., xxi, 9-11. À l'égard de la concubine prise parmi les captives, il lui était accordé un mois de liberté pour pleurer la perte de ses parents et de ses amis ; alors seulement son maître pouvait la prendre pour épouse. Deut., xxi, 13. Elle en revêtait les habits, après avoir coupé ses cheveux et ses ongles, cérémonies symboliques qui signifiaient le changement de vie qu’elle acceptait. Deut., xxi, 12, 13. Et si plus tard son mari cessait d’avoir de l’affection pour elle, il pouvait la renvoyer libre, sans pouvoir la vendre ou la réduire à l'état d’esclave ordinaire. Deut., xxi, 14.

2° Les concubines qui étaient servantes dans la maison de celui qui les choisissait comme épouses de second ordre continuaient de rester au rang de servantes et sous l’autorité de l'épouse, maîtresse de la maison. Gen., xvi, 1-6. Cependant le père d’une concubine était réputé et appelé beau-père de celui auquel elle appartenait, et cet homme était appelé son gendre. Jud., xix, 4, 5. L’infidélité de la concubine était regardée comme criminelle aussi bien que l’infidélité de l'épouse, Jud., xx, 3 ; II Reg., tu, 7, 8 ; mais elle n'était pas aussi sévèrement punie. Lev., xix, 20. "Voir Adultère.

3° L’union d’une femme au titre de concubine n'était 907

CONCUBINE — CONFESSION

908 En cours consacrée par aucune cérémonie religieuse ni par aucune autre formalité. Il n’y avait pas pour elle ce prix de l’épouse, mohar, Gen., xxxiv, 12, que l’époux donnait à l’épouse et aux parents de l’épouse le jour du mariage, soit en argent, soit par des présents en nature. Gen., xxiv, 53 ; xxrx, 18. La répudiation d’une concubine n’était point soumise aux formalités exigées pour la répudiation de l’épouse.

II. Les enfants nés de ce mariage. — Les enfants de la concubine étaient légitimes, sans qu’ils eussent le même rang que ceux de l’épouse ordinaire. Dans le partagé des biens paternels, ceux-ci leur étaient préférés. Le père pouvait même, au moyen de présents, exclure les enfants d’une concubine de son héritage. Gen., xxv, 6. On voit par là, — et l’Écriture le dit expressément, — qu’une certaine note de mépris s’attachait au « fils de l’esclave ». Cette expression était, en effet, employée comme un terme de dédain. Jud., ix, 18 ; cf. Ps. cxv, 16.

III. Leur histoire. — Il est question dans l’Écriture, avec plus ou moins de détails, des concubines de Nachor, Gen., xxii, 24 ; d’Abraham, Gen., xxv, 6 ; de Jacob, Gen., xxxv, 22 ; d’Éliphaz, Gen., xxxvi, 12 ; de Gédéon, Jud., vin, 31 ; de Caleb, I Par., ii, 46, 48 ; de Saùl, II Reg., m, 7 ; de David, II Reg., v, 13 ; xv, 16 ; xvi, 21 ; I Par., m, 9 ; de Salomon, III Reg., xi, 3 ; de Manassé, I Par., vu, li ; deRoboam, II Par., xi, 21 ; d’Abia, II Par., xiii, 21, et de Balthasar, Dan., v, 2. L’usage des concubines, que la loi tendait à maintenir dans des limites convenables, prit à l’époque des rois un développement excessif. Les rois semblèrent vouloir en cela prendre modèle sur les habitudes des monarques païens, qui avaient dans leurs harems un très grand nombre de concubines. Roboam en avait soixante, II Par., xi, 21 ; Salomon en eut jusqu’à trois cents. III Reg., xi, 3. D’ailleurs, à partir de la royauté en Israël, il n’est plus question dans l’Écriture que de concubines royales. On ne peut donc se servir de ces données pour juger des habitudes reçues parmi le peuple. Un nouveau roi entrait par le seul fait de son élection dans tous les droits de son prédécesseur à l’égard des concubines de celui-ci, II Reg., xii, 8 ; xvi, 21 ; car ce droit était comme le symbole du pouvoir royal. C’est en vertu du même principe que le fait de s’emparer des concubines d’un roi était considéré comme un acte d’usurpation. Tel fut probablement le sens de la tentative d’Abner, II Reg., iii, 7, et de la requête adressée par Bethsabée en faveur d’Adonias. III Reg., Il, 21-24.

Voir Selden, Uxor Ebraica, seu de Nuptiis et Divortiis ex jure civili, id est divino et talmudico veterum Ebrseorum libri très, in-4°. Londres, 1646 ; De jure naturse et gentium secundum disciplinant Ebrseorum libri septeni, in-4°, Leipzig, 1695 ; De successionibus in bona defunctorum ad leges Hebrseorum, c. iii, in-4°, Londres, 1646 ; Ugolini, Vxor hebrsea, dans le Thésaurus antiquitatum,

t. XXX, COl. CLXXXIV-CCCLXV. P. RENARD.

CONDAMNATION. Voir Jugement et Supplices.

CONDAMNÉ DÉLIVRÉ POUR LA PÂQUE. Voir Barabbas, t. i, col. 1443.

CONFESSION. Ce terme a divers sens ; mais il signifie d’ordinaire l’aveu des péchés, fait à Dieu ou aux hommes, en public ou en particulier, par des formules générales ou en entrant dans le détail des diverses fautes. Cet aveu des péchés a été aussi appelé exomologèse, du grec È$o[i.oXôfïimc. L’aveu détaillé des péchés fait par les chrétiens à un prêtre, en vue d’en recevoir l’absolution, est appelé confession sacramentelle, parce qu’il fait partie du sacrement de pénitence.

Pour embrasser les enseignements de la Bible sur la confession et les pratiques principales qu’ils ont inspirées, nous allons étudier successivement : 1. la confession des

péchés chez les Juifs avant la ruine du second Temple ; 2. la confession des péchés chez les Juifs depuis la ruine . du second Temple ; 3. la confession au baptême donné par saint Jean-Baptiste ; 4. la confession chez les chrétiens, d’après les Évangiles ; 5. la confession chez les chrétiens, d’après les Actes des Apôtres et les Épitres ; 6. les textes de l’Écriture qui semblent contraires à la confession sacramentelle.

I. La confession des péchés chez les Juifs avant la ruine du second Temple. — Dieu veut que chacun de nous reconnaisse ses fautes et s’en repente ; aussi la Bible présente - 1 - elle cette confession des péchés devant Dieu comme la condition du pardon. Dieu cherche à obtenircet aveu d’Adam et d’Eve, Gen., iii, 11, 13, après leur prévarication ; de Caïn, Gen., IV, 9, après son fratricide ; de David, II Reg., xii, 13, après son adultère. L’esprit de toute la Bible à cet égard est résumé dans l’Ecclésiastique, iv, 31, qui invite à ne pas rougir de confesser ses péchés, et dans les Proverbes, xxviii, 13, qui promettent le pardon à celui qui avouera ses péchés et y renoncera. Cf. Ps. xxxi, 5 ; L, 6 ; Bar., ii, 8 ; Dan., IX, 4 ; I Esdr., ix, 6. Cet aveu des fautes qu’on a commises est exigé de tous les hommes dans le Nouveau aussi bien que dans l’Ancien Testament ; mais la loi mosaïque prescrivait la confession sous des formes particulières, dans des circonstances déterminées.

Le grand prêtre faisait chaque année une confession publique de tous les péchés d’Israël. Cette confession avait lieu en la fête de l’Expiation. Les deux mains sur la tête du bouc émissaire, le grand prêtre confessait toutes les iniquités des enfants d’Israël, toutes leurs transgressions et tous leurs péchés ; il en chargeait le bouc avec malédiction, puis le faisait conduire dans le désert par un homme destiné à cet office. Lev., xvi, 21. Voir Bouc émissaire. Cette confession solennelle faite à Dieu, au nom de tout le peuple, était évidemment exprimée en termes généraux.

La loi de Moïse imposait en d’autres occasions la confession de fautes spéciales et déterminées. Elle obligeait à cette sorte de confession ceux à qui elle prescrivait un sacrifice pour le péché ou pour le délit. La nécessité de cet aveu n’est pas toujours exprimée par la Vulgate ; mais elle est marquée clairement dans le texte original. Il était imposé au grand prêtre, pour une erreur involontaire dans l’accomplissement de ses fonctions, Lev., iv, 3-12 ; aux anciens du peuple, pour un péché commis par le peuple par ignorance, Lev., iv, 13-21 ; aux princes et aux particuliers, pour les violations involontaires de la loi, Lev., iv, 22-35 ; à tous ceux qui auraient refusé de rendre témoignage, lorsqu’ils y étaient invités, ou qui auraient touché quelque objet impur, ou qui auraient violé leurs serments par oubli. Lev., v, 1-18. Un aveu semblable était encore commandé à ceux qui auraient une restitution à faire au prochain, en raison d’un vol, d’une tromperie ou d’un dommage. Lev., vi, 1-7 ; Num., v, 6-7. Cette confession, entrant dans le rit expiatoire de la faute, était faite à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Ainsi l’Ancien Testament distinguait trois confessions des péchés, faites à Dieu : une première, qui était le commencement et le signe du repentir et pouvait être tout intérieure ; deux autres, qui devaient être extérieures : l’une générale, pour tous les péchés du peuple ; l’autre spéciale, pour certaines fautes particulières. Ces deux dernières confessions appartenaient seules à la loi mosaïque proprement dite.

II. LÀ confession des péchés chez les Juies depuis

LA DESTRUCTION DU SECOND TEMPLE. — Nous trouvons

des renseignements à cet égard dans le Talmud, pour le temps où il fut rédigé, et dans divers auteurs, pour les temps plus rapprochés de nous. — La Mischna s’occupe de deux confessions des péchés, celle des criminels condamnés au dernier supplice et celle de la fête de l’Expiation. Le traité Sanhédrin, vi, 3 ; Schwab, Le Talmud

de Jérusalem traduit, t. x, p. 278, dit que tous ceux qui sont condamnés à être lapidés doivent confesser leur crime avant leur exécution, aiin d’avoir leur part dans le monde futur. Le traité Yoma, ii, 6 ; iv, 2, et vi, 2 ; Schwab, ibid., t. v, p. 194, 205 et 232, rapporte de son côté les foTmules de confession employées par le grand prêtre en la fête du Grand Pardon. Ce sont des formules générales. Il cc-nfessait en ces termes ses propres iniquités : « Éternel, j’ai été pervers, j’ai péché, j’ai commis des fautes devant toi, moi et ma maison ! Dieu, pardonne les crimes, les péchés et les fautes dont je me suis rendu coupable devant toi, moi et ma maison, comme il est écrit dans la loi de Moïse, ton serviteur, Lev., xvi, 30 : Car en ce jour se fera votre expiation, etc. » Il renouvelait à deux autres reprises la même confession : une première fois pour lui, sa maison, les fils d’Aaron et le peuple saint ; une seconde fois pour le peuple et la maison d’Israël.

Le même traité Yoma, qui est consacré à la fête du Grand Pardon, déclare, viii, 8 ; Schwab, ibid., p. 255, que pour les péchés commis envers Dieu la cérémonie de cette fête expie les fautes ; mais que, pour les fautes envers le prochain, elles ne sont expiées que si l’on satisfait directement au prochain. Au commentaire de ce texte, la Ghemara du Talmud de Jérusalem ajoute des observations importantes au sujet de la confession que chaque pécheur devait faire de ses propres fautes, soit au prochain qu’il avait offensé, soit à Dieu. Celui qui a péché envers le prochain devra aller auprès de lui et lui dire : « J’ai commis un péché envers toi, et je le regrette. » Si l’offensé est mort, il faudra aller sur sa tombe exprimer son repentir, et lui dire : te J’ai péché, j’ai tourné le bien en mal, et j’en éprouve des regrets. » — Tous les Israélites doivent, la veille et le jour de l’Expiation, faire cinq fois leur confession : la veille à l’entrée de la nuit, le matin, à midi, aux vêpres et enfin dans la prière de clôture. Sont-ils tenus d’énoncer dans cette confession le détail de toutes leurs actions blâmables ? Le Talmud a rapporté deux opinions à ce sujet. Selon Rabbi Juda ben Bethera, cette énumération est nécessaire. Selon Rabbi Akiba, l’énumération est inutile. Traité Yoma, viii, 8 ; Schwab, ibid., t. v, p. 257-258 ; cf. traité Nedarim, v, 4 ; Schwab, ibid., t. viii, p. 198. — En résumé, le Talmud impose une confession générale le jour de l’Expiation. Il impose également à celui qui est lapidé la confession spéciale du crime pour lequel il est condamné. Il prescrit encore à celui qui a fait tort à son prochain l’aveu de cette injustice. Il ne se prononce pas sur l’opinion des rabbins qui demandaient une confession distincte de tous les péchés commis.

Ce point continua depuis lors à diviser les docteurs juifs. On peut voir dans le P. Morin, Commentarius historicus de disciplina et administratione sacramenti Pœnitentise, Anvers, 1682, lib. n et ix, un grand nombre de réponses des rabbins à ce sujet. En général, ceux qui se montrent favorables à la confession distincte et puolique, en dehors des cas spécifiés par la Mischna, se contentent de la conseiller. Plusieurs enseignent que la confession peut se faire par l’intermédiaire d’une tierce personne. Jean Buxtorf l’ancien (voir ce mot), Synagoga judaica, tertia editio de novo restaurata a Johanne Éuxtor/io filio, Bâle, 1661, a recueilli les usages reçus chez les Juifs du xvie siècle à cet égard. Il parle de trois circonstances où les Juifs confessent leurs péchés. À la fête du renouvellement de l’année, ils récitent dans un bain une formule de confession générale formée de vingt-deux mots. A chaque mot, ils se frappent la poitrine, et, après avoir achevé cette confession, ils se plongent tout le corps dans l’eau. Buxtorf, ibid., ch. xxiii, p, 491. À la fête de l’Expiation, ils récitent la même formule. Ils se servent également de formules plus longues. Lorsqu’ils, les récitent tout haut et publiquement, il n’y a pas lieu d’y énumérer leurs péchés ; mais lorsqu’ils les récitent tout bas et en particulier, ils font bien de les énumcrer en

détail. À la fin des cérémonies de la fête, il est d’usage qu’ils se retirent deux à deux en divers lieux de la synagogue, pour se donner la flagellation. L’un se prosterne à terre, le visage vers le nord ou vers le midi, et confesse ses péchés, en se frappant la poitrine à chaque mot de la formule de confession. Pendant ce temps, l’autre, armé d’une lanière ou d’une ceinture, lui en applique trenteneut coups sur le dos, en récitant trois fois le ^. 38 du Psaume lxxviii. Ensuite celui qui vient d’être flagellé se relève et rend à son flagellateur le même service qu’il vient de recevoir de lui. Buxtorf, ibid., ch. xxv, p. 521-522. Enfin, à leur lit de mort, les Juifs font la confession de leurs péchés par des formules qui varient suivant les pays. Après cette confession, ils disent au rabbin qui les a visités ce qu’ils pourraient avoir de secret à lui communiquer, demandent la rémission de leurs péchés, pardonnent à leurs ennemis, bénissent leurs enfants et font le partage de leurs biens. Buxtorf, ibid., ch. xiix, p. 492-494. On voit que, suivant Buxtorf, ils ne confessent leurs péchés en détail que lorsqu’ils parlent à Dieu tout bas, le jour du grand pardon, et que toutes leurs autres confessions sont faites par des formules reçues. C’est donc à tort que Calmet, Dictionnaire de la Bible, édition Migne, Paris, 1845, art. Confession, t. i, col. 1153, invoquait l’autorité de Buxtorf pour affirmer des Juifs d’aujourd’hui qu’ils se confessent à peu près comme nous au lit de mort, et que ceux qui reçoivent la flagellation le jour du grand pardon déclarent leurs péchés, en se frappant la poitrine à chaque péché qu’ils confessent.

Ces erreurs de Calmet et une lecture trop peu attentive de Morin firent croire à quelques auteurs de la première moitié de ce siècle, comme l’abbé Gerbet, dans l’Université catholique, t. i, Paris, 1836, p. 336, et l’abbé Pernet, Études historiques sur le célibat ecclésiastique et sur la confession sacramentelle, Paris, 1847, p. 310, que les Juifs se confessent en détail comme les catholiques. M. Drach répondit à l’abbé Gerbet dans une brochure où il prétendit réfuter Morin, bien qu’il acceptât à peu près les mêmes conclusions qu’a formulées le savant oratorien. Tractatus historicus, p. 717. Voici les conclusions de M. Drach, telles qu’il les a reproduites lui-même, dans son Harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 547. Sauf en ce qui regarde l’obligation que nous avons considérée comme certaine, de confesser au prochain les torts qu’on lui a faits, ces conclusions sont conformes à ce que nous venons de dire de la confession extérieure et publique des Juifs. — 1° Les Hébreux, c’est-à-dire les fidèles de l’ancienne loi, ne confessaient pas leurs péchés un à un (singillatim) ; ils n’avaient, comme encore les Juifs modernes, qu’une formule générale, qui consistait à s’avouer coupables, en se frappant la poitrine en signe de contrition. Dans deux cas seulement les rabbins permettent au pénitent, et quelques-uns lui ordonnent, de spécifier ses péchés, ou mieux le repentir de ses péchés ; savoir : 1. s’il a nui au prochain dans son bien ou sa réputation ; 2. si le péché envers Dieu a été commis publiquement. (Le P. Morin dit qu’ils doivent faire connaître leurs torts au prochain qu’ils ont lésé, et que la confession publique de ces torts est partout réputée plus parfaite ; c’est en cela que ses conclusions diffèrent de celles de M. Drach.) — 2° Ce qui distingue encore la confession juive de la confession sacramentelle instituée par Notre - Seigneur, c’est qu’il n’est point nécessaire qu’elle soit entière, c’est-à-dire qu’elle comprenne tous les péchés du pénitent ; et que celui-ci peut se confesser par la bouche d’un autre. — 3° Les Hébreux ne se confessaient pas aux prêtres.

III. La. confession des péchés au baptême de saint Jean-Baptiste. — Les Juifs que saint Jean baptisait confessaient leurs péchés, confitentes peccata sua, sÇojio-Xoyo’ju, evoi - : à « àjxapxiaî aùtùv. Matfh., iii, 6 ; Marc, i, 5. Cette confession était bien propre à inspirer l’esprit du baptême du Précurseur, qui était un baptême de péui

tence. Voir Baptême. Mais quelle forme revêtait-elle ? Nous l’ignorons. Tertullien, De baplismo, xx, t. i, col. 1332, pense que c’était une confession détaillée des péchés que chacun avait commis. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., m, 4, t. xxxiii, col. 437, croit que les baptisés avouaient au précurseur leurs fautes personnelles. « Ils montraient, dit- ii, leurs blessures, et lui (saint Jean) leur appliquait ensuite des remèdes. » Comme le baptême était donné individuellement, il semble bien que la confession était également individuelle. Chacun avouait donc ses propres péchés. Le repentir pouvait amener plusieurs pénitents à spécifier les fautes qui leur causaient le plus de remords. Saint Jean-Baptiste se contentait peut-être d’un aveu général. D’ailleurs, au milieu de la foule qui venait à lui, il n’avait sans doute ni le temps ni la facilité d’écouter l’énumération détaillée de toutes les fautes commises par chaque baptisé. Les exhortations qu’il faisait d’après l’Évangile, Luc, iii, 7-16, regardaient les péchés publics plutôt que les fautes secrètes. Tout en se distinguant des confessions de l’Ancien Testament, qui étaient générales ou ne portaient que sur une faute particulière, la confession demandée par saint Jean-Baptiste avait, semblet-il, plus d’analogie avec elles qu’avec la confession détaillée que les chrétiens font aux prêtres pour recevoir l’absolution. Voir Patrizi, De Evangeliis, diss. 44, n. 6, Fribourg-en-Brisgau, 1853, t. iii, p. 470.

IV. La. confession chez les chrétiens d’après les Évangiles. — Dans l’Ancien Testament, Dieu n’avait accordé à aucun homme la puissance de remettre les péchés. Dans le Nouveau, cette puissance a été communiquée par Jésus-Christ aux Apôlres et aux prêtres leurs successeurs, en même temps que l’obligation de recourir à cette puissance était imposée à tous les chrétiens. On comprend quelle profonde différence ce pouvoir d’absoudre, donné aux prêtres de la nouvelle loi, établit entre les deux Testaments, au point de vue de la rémission des péchés. De ce mode nouveau d’absolution découlaient nécessairement des différences dans le mode de confession. Sans doute les chrétiens devaient continuer à s’accuser de leurs péchés devant Dieu, comme les Juifs. Ils pouvaient, comme eux, pratiquer la confession générale dans leur culte public. Ils pouvaient même y introduire une confession spéciale de certaines fautes déterminées. Mais à ces confessions diverses ils étaient tenus d’ajouter la confession détaillée de leurs fautes à ceux qui avaient reçu le pouvoir de les absoudre. Cet aveu détaillé de tous ses péchés à un prêtre, en vue de recevoir l’absolution, a été appelée confession sacramentelle, comme nous l’avons dit en commençant. C’est de cette confession propre au christianisme que nous devons surtout nous occuper dans la suite de cet article.

Les Évangiles ne nous expliquent pas la manière dont elle doit se faire ; mais ils affirment clairement le principe d’où dérivent la nécessité et la nature de cette confession, c’est-à-dire le principe du pouvoir accordé aux prêtres de remettre et de retenir les péchés. Voyons donc comment les Évangiles affirment ce principe ; nous indiquerons ensuite les conséquences qui s’en déduisent par rapport à la confession.

Le Sauveur a investi saint Pierre et les Apôtres de la charge de le représenter jusqu’à la fin des siècles, et leur a donné, à eux et à leurs successeurs, le pouvoir de gouverner son Église et de nous appliquer les moyens extérieurs de sanctification, et tout particulièrement d’administrer les sacrements. Ce pouvoir spirituel a été promis dans son universalité à saint Pierre, lorsque Jésus-Christ lui a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle, et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que lu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Matlh., xvi, 18-19. Il lui a été conféré, lorsque le Sauveur lui a dit : « Sois le pasteur

de mes agneaux, … sois le pasteur de mes brebis. » Joa., xxi, 15-17. Ce même pouvoir spirituel a été promis aux Apôtres par ces paroles, semblables à celles qui avaient été adressées à saint Pierre : « En vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matth., xviii, 18. Il leur a été conféré, quand, au moment de monter au ciel, le Sauveur leur a communiqué son pouvoir en ces termes : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit : leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé ; et Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles, » Matth., xxviii, 18-20.

L’universalité de ce pouvoir spirituel était indiquée de plusieurs manières en ces diverses paroles. Elles ne marquaient pas seulement qu’il s’étendrait à toute l’Église et à tous les peuples ; elles faisaient encore entendre qu’il renfermait toutes les attributions de la puissance spirituelle, que Jésus-Christ possédait comme notre Sauveur. C’est ce qu’exprimaient en particulier ces termes : « Tout ce que vous délierez sur la terre le sera au ciel, et tout ce que vous lierez sur la terre le sera au ciel. » Qusecumque ligaveritis, Ôaa Èàv 8r)<iriTe ; qusecumque solveritis, Sua sàv Xûur|Te. Ces termes généraux n’expriment pas formellement le pouvoir de remettre les péchés. Cependant, à ne tenir compte que de cette formule, il y aurait eu lieu de penser qu’il y était renfermé. Jésus-Christ avait 1, en effet, exercé ce pouvoir. Il avait même tenu à établir par un miracle qu’il possédait ce pouvoir sur la terre, dans son humanité. Les trois synoptiques, Matth., ix, 2-8 ; Marc, ii, 3-12 ; Luc, v, 18-26, nous l’ont raconté avec les mêmes détails circonstanciés. On venait d’apporter un paralytique devant le Sauveur, afin qu’il le guérit. « Mon fils, lui dit Jésus, vos péchés vous sont remis. » En l’entendant, des scribes, qui se trouvaient présents, se dirent en eux-mêmes : « Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème : qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » Mais Jésus, connaissant leurs pensées, guérit le paralytique, et leur déclara que c’était pour leur prouver que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre. Il avait donc montré que son humanité même, Films hominis, possédait ce pouvoir, et cela sur la terre, in terra. En promettant ensuite à ses Apôtres que tout ce qu’ils lieraient ou délieraient sur la terre, Matth., xvi, 19 ; xviii, 18, le serait dans le ciel ; en leur conférant ce pouvoir, en vertu de la pleine autorité qu’il avait reçue au ciel et sur la terre, Matth., xxviii, 18, Jésus-Christ faisait entendre assurément que la puissance qu’il communiquait à ses Apôtres renfermait ce pouvoir de remettre les péchés sur la terre, qu’il avait revendiqué pour le Fils de l’homme.

Mais afin qu’aucun doute ne pût s’élever à ce sujet, il tint à leur donner ce pouvoir d’une manière distincte et en termes formels. Dans une des apparitions qui suivirent sa résurrection, il leur dit : « La paix soit avec vous. Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie. » Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez le Saint-Esprit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux pour qui vous les retiendrez. » Joa., xx, 21-23.

Il est manifeste que par ces paroles Jésus-Christ a donné à ses Apôtres le pouvoir de remettre les péchés. Il présente, en effet, le pouvoir qu’il leur confère comme égal et semblable à celui qu’il a reçu de son Père. Il met en eux un pouvoir surnaturel qui vient du Saint-Esprit ; il exprime enfin clairement qu’il s’agit de la rémission des péchés ; car le mot àuapTiac, dont il se sert, ne peut avoir ici que ce sens. D’autre part, Jésus-Christ donne aux Apôtres non seulement le pouvoir de remettre les péchés, mais encore celui de les retenir, comme dans l’annonce de l’autorité qu’il leur réservait il leur avait

promis le pouvoir non seulement de délier, mais encore de lier. Il ne se borne pas à dire : « les péchés que vous ne remettrez pas ne seront pas remis ; » il emploie une formule positive : « les péchés que vous retiendrez seront retenus, » oiv Ttvtov xporîiTS, y.expir^vTat. Or, et ceci est important pour nos conclusions relativement à la nécessité de la confession, le pouvoir de remettre et de maintenir les péchés établit les Apôtres juges de toutes les fautes et entraîne l’obligation de les leur soumettre toutes. En déclarant, en effet, que ces péchés seraient remis que les Apôtres remettraient, et que ceux-là seraient retenus que les Apôtres retiendraient, le Christ a montré que Dieu ne remettrait lui-même que ceux qui auraient été remis par ses représentants. Or nous devons obtenir de Dieu le pardon de nos péchés. Nous sommes donc dans l’obligation d’en demander l’absolution aux Apôtres, puisque c’est la condition mise par Dieu à leur pardon.

Il s’agit, bien entendu, des fautes graves, et non des fautes vénielles ; car ce sont les fautes graves, c’est-à-dire celles qui attirent sur nous l’inimitié de Dieu et nous rendent dignes de la damnation, ce sont ces fautes graves, dis-je, que désigne le terme âiiap-ri’aç, peccatum, employé par Jésus-Christ. Les théologiens en ont conclu qu’on n'était pas tenu de soumettre les fautes vénielles aux prêtres successeurs des Apôtres. Cependant les prêtres donnent validement l’absolution de ces fautes vénielles, parce qu’un moyen qui efface les péchés mortels doit avoir, à plus forte raison, l’eflicacité de remettre les fautes vénielles.

La puissance de remettre les péchés accordée par le Sauveur aux Apôtres a été regardée par les anciens protestants, Cambier, De divina institutions confessions sacramentalis, Louvain, 1884, p. 14, comme un simple pouvoir de déclarer la rémission de ces péchés ; mais les expressions dont Jésus-Christ s’est servi ne comportent pas ce sens ; car il dit que les péchés seront remis si les Apôtres les remettent, et non que les Apôtres les déclareront remis lorsqu’ils le seront par Dieu. Sans doute les Apôtres ne sauraient exercer un ministère aussi sacré que de la part de Dieu, en son nom et en tenant compte des règles posées par la loi divine ; mais ils n’en sont pas moins investis du pouvoir d’absoudre, puisque Dieu pardonne au ciel les péchés qu’ils absolvent sur la terre.

Ce pouvoir de remettre les péchés est d’ailleurs distinct des autres pouvoirs accordés aux Apôtres et à leurs successeurs. Il diffère en particulier du pouvoir de baptiser. Le baptême efface sans doute les péchés ; mais, lorsque l'Écriture en parle, elle le désigne par l’ablution ou par l’eau qui en est la matière. Elle attribue les effets de ce sacrement à l’eau régénératrice, plutôt qu’au ministre du baptême. Or, dans le texte qui nous occupe, JésusChrist attribue, au contraire, la rémission ou le maintien des péchés au pouvoir conféré à ses ministres. Ajoutons que remettre ou retenir les péchés suppose un jugement rendu et non une ablution faite, et que les formules « tout ce que vous lierez sera lié », « les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, » expriment une puissance qui s’exercera indéfiniment, tandis que le baptême né saurait se réitérer.

C’est donc avec raison que le concile de Trente a consacré, sess. xiv, can. 3, par la définition suivante l’interprétation que nous venons de donner des enseignements <les Évangiles : « Anathème à qui dirait que ces paroles de notre Seigneur et Sauveur : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, ne doivent pas être entendues du pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de pénitence, comme l'Église catholique l’a toujours entendu depuis le commencement ; mais combattrait l’institution de ce sacrement, en les appliquant faussement au pouvoir de prêcher l'Évangile. »

Après avoir reconnu que Jésus-Christ a investi ses

i Apôtres du pouvoir de remettre ou de retenir les péchés, 1 montrons comment la nécessité de la confession sacramentelle découle de cette institution. Nous disions plus haut que l’obligation où nous sommes d’obtenir de Dieu notre pardon entraîne l’obligation de soumettre tous nos péchés graves à ceux qui sont revêtus de ce pouvoir. Nous ajoutons maintenant qu’elle entraîne par le fait même l’obligation de faire l’aveu détaillé de toutes ces fautes, aveu qui constitue la confession sacramentelle.

La nécessité de cet aveu détaillé vient de ce que Dieu a confié le ministère d’absoudre ou de maintenir nos péchés à des hommes qui ne les peuvent connaître que par notre propre confession. Si Dieu s'était réservé, comme dans l’ancienne loi, le pouvoir de pardonner, la confession que nous lui ferions à lui-même pourrait rester générale, puisqu’il connaît bien nos péchés. Aussi, chez les Juifs, la confession détaillée faite à Dieu n'étaitelle utile que pour exciter et exprimer le repentir du pécheur. Elle n'était pas nécessaire en elle-même. Aujourd’hui encore la contrition, qui nous fait pleurer nos fautes devant Dieu, n’a pas besoin d'être détaillée ; il suffit qu’elle soit universelle et qu’elle n’excepte aucune faute grave. Mais la confession aux prêtres, qui s’ajoute parmi les chrétiens à cette contrition, comme une condition mise par JésusChrist au pardon de nos péchés ; cette confession, dis-je, doit être détaillée. Pour que les Apôtres et leurs successeurs puissent exercer leur pouvoir d’absoudre ou de condamner, il faut, en effet, que chaque péché soit soumis à leur jugement ; il faut par conséquent qu’il leur soit accusé. Sans doute leur jugement sera universel ; ils remettront ou ils retiendront tous les péchés qui leur seront soumis par une même personne, ainsi que les paroles de Jésus-Christ le font entendre : quorum remiserilis peccata remit luntur. Cette universalité de l’absolution tient à ce que les péchés ne sont pardonnes que par la réception de la grâce sanctifiante et de l’amitié de Dieu, qui suppose un pardon universel. Elle tient encore à ce que les prêtres doivent remettre ou retenir les péchés, suivant qu’ils trouvent le pénitent bien ou mal disposé. Mais pour connaître ses dispositions, pour imposer ou conseiller à chacun les réparations convenables, pour juger en connaissance de cause s’il convient de remettre ou de retenir les péchés, il est nécessaire qu’ils aient reçu du pénitent lui-même l’aveu détaillé de tous ses péchés.

Cette confession détaillée faite aux prêtres pour obtenir l’absolution, et qui constitue la confession sacramentelle, est donc indispensable pour l’exercice du pouvoir de remettre ou de retenir les péchés. Elle a donc été instituée par Jésus-Christ, puisqu’il a établi ce pouvoir qui ne saurait s’exercer sans elle. Cette confession sacramentelle peut revêtir des formes diverses. Elle pourra être publique ou privée, simplement privée pour certaines fautes et publique pour d’autres, suivant les mœurs, les circonstances et les règles tracées par ceux qui ont le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés ; car, en leur conférant ce pouvoir, JésusChrist leur a donné, par le fait même, le droit de déterminer dans une certaine mesure les conditions où ils l’appliqueront. Cependant, d’une part, ils doivent exercer ce droit dans l’esprit de miséricorde qui en a inspiré l’institution ; et, d’autre part, ils ne sauraient dispenser le pécheur de l’aveu détaillé, qui est indispensable pour que les ministres de Dieu portent un jugement éclairé sur ses fautes.

V. La confession chez les chrétiens d’après les Actes et les Épîtres. — Quelques textes des Actes des Apôtres et des Épîtres parlent de confession des péchés. Il y a lieu d’examiner de quelle nature était la confession dont ils s’occupent, et si c’est la confession sacramentelle. Les principaux de ces textes sont Act., xix, 18 ; I Joa., i, 9 ; Jac, v, 16. Arrêtons-nous à chacun de ces trois passages.

1° Act., xix, 18. Des Juifs, fils de Scéva, prince des CONFESSION

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prêtres, avaient tenté vainement de chasser le démon d’un possédé, au nom de Jésus-Christ. Le possédé s’était même précipité sur eux et les avait maltraités. « Ce fait, dit le livre des Actes, xix, 17-20, fut connu de tous les Juifs qui habitaient Éphèse ; ils furent saisis de crainte, , et ils glorifiaient le nom du Seigneur Jésus. Et beaucoup de ceux qui avaient cru venaient confesser et déclarer leurs actions.’E^otxoXoyoufxevot xoc avdffiWovztç tÀcç 7cpi ! jei ; a ; T<5v. » Le récit poursuit que beaucoup aussi brûlèrent publiquement des livres de magie qu’ils possédaient. Il conclut qu’ainsi la parole de Dieu croissait et était confirmée. — On se demande si la confession dont il est question dans ce passage est la confession sacramentelle des péchés. Deux opinions sont en présence. Bellarmin, De pœnitentia, lib. iii, cap. iv, Lyon, 1590, t. ii, col. 1624 ; Corneille Lapierre, Commentaria in Script. S., Paris, 1868, t. xvii, p. 351, et le P. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. ii, p. 444, pensent qu’il s’agit de confession sacramentelle. D’autres auteurs, comme Cambier, De divina institutione confessionis sacramentalis, Louvain, 1884, p. 93, estiment, au contraire, que la confession dont il est parlé était semblable à l’aveu que le précurseur avait demandé de ceux qu’il baptisait. La question se ramène à savoir si les croyants dpnt il est dit qu’ils avouaient leurs actions étalent oui ou non baptisés ; car, s’ils étaient baptisés, il y a lieu de regarder leur confession comme sacramentelle ; .cela est impossible, au contraire, s’ils n’avaient pas encore reçu le baptême.

Ceux qui estiment qu’il est question de chrétiens baptisés et d’une confession sacramentelle invoquent les arguments suivants. Le terme de « croyants » désigne les chrétiens dans le Nouveau Testament. Act., ii, 44 ; iv, 32 ; v, 14 ; xv, 5 ; xxi, 20, 25 ; Ephes., i, 19 ; I Thess., i, 7 ; H, 10, 13. Dans le passage que nous étudions, il y a une raison spéciale de donner cette signification au mot nem(jteuv.6tmv ; car on y distingue les croyants des Juifs et des gentils, dont il vient d’être question au verset précédent. Enfin il est plus naturel de penser que ceux que la crainte du démon amenait à avouer leurs péchés et à apporter leurs livres dé magie étaient des chrétiens dont la conscience n’était pas en sûreté. Les auteurs qui appliquent, au contraire, le terme 7CEmffTeux(5™v à des croyants non encore baptisés, citent d’autres passages, Act., XXI, 21 ; xvin, 8, où le mot de croyants désigne des catéchumènes non encore baptisés. Ils font remarquer que les croyants désignés ici ne sont pas présentés par le récit comme différents des Juifs et des païens mentionnés au texte précédent, attendu que. le texte sacré porte HoXXof te, et non IIoXXoi Se. Ils ajoutent qu’il est peu probable que des chrétiens auraient pratiqué la magie, et que la conclusion de tout le récit fait entendre que ces événements attiraient de nouveaux fidèles à l’Église.

Les deux opinions paraissent également probables. Si l’on admet la première, on peut considérer la confession dont il est parlé comme publique ou comme privée. La Vulgate semble supposer une confession publique, car elle porte : confitentes et annuntiantes actus suos ; mais le terme grec àva-fYé), Xovt£ ; , traduit par annuntiantes, ne signifie pas publier, mais rapporter en détail. Cf. Joa., xvi, 13, 25.

2° I Joa., i, 9. Saint Jean vient de s’exprimer ainsi : « Si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous faisons illusion à nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. » I Joa., i, 8. Il poursuit : « Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste : il nous remettra nos péchés et nous purifiera de toute iniquité. » 1 Joa., i, 7. On a prétendu que ce texte prouvait l’existence de la confession sacramentelle, parce qu’il porte que la confession obtiendra de Dieu la rémission des péchés, suivant ses promesses. Mais ce n’est pas seulement à la confession sacramentelle que Dieu a promis la rémission des péchés. Ps. xxxi, 1-2 ; Luc, xviii, 13. Le contexte montre

d’ailleurs qu’il s’agit dnns ce passage de toute espèce de confession. Il y a, en elfet, un parallélisme marqué entre le ꝟ. 8 que nous avons cité et le ꝟ. 9 que nous étudions. Or, dans le ꝟ. 8, saint Jean parle de ceux qui se dissimulent leurs péchés et prétendent être sans faute. Dans le jfr. 9, il entend donc par confession tout aveu des péchés, même celui dans lequel on les reconnaît devant Dieu. Le ꝟ. 8 doit s’entendre des péchés véniels aussi bien que des péchés mortels, puisqu’il affirme que tout homme est pécheur. Or, c’est un fait bien établi, les chrétiens des premiers siècles ne recouraient point à la confession sacramentelle, lorsqu’ils n’étaient coupables que de péchés véniels.

3° Jac, v, 16. L’apôtre saint Jacques vient de dire : « Si quelqu’un est malade parmi vous, qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, eh l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le soulagera, et s’il avait des péchés sur la conscience (s’il se trouvait ayant fait des péchés, xav ànap-râti ; r irenoiYix&ç), ils lui seront remis. » Jac, v, 14-15. Ce texte recommande l’usage du sacrement de l’extrêmeonction conférée par les prêtres au malade et en fait ressortir les effets. Saint Jacques poursuit : Confttemini ergo alterutrum peccata veslra et orate pro invicem ut salveniini : multum enim valet deprecatio justi assidua. « Confessezvous donc mutuellement vos chutes, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés ; car la prière surnaturelle d’un juste a une grande efficacité. » Jac., v, 16. — Voici le grec reçu ; ’Eioi.ooyiïaQi àXXT, Xoi ; xà Tiapa7c-to|j.aTa xat zdxzaftz ûtèp àXX^Xiov, ôrao ; iafirfct itoXù ia-^iiei SL-qmi ; 81xa(ou ivepYouuivï). Il diffère de laVulgate par quelques nuances. On n’y lit point de conjonctions répondant aux mots ergo et enim. Cependant beaucoup de manuscrits portent o5v après’EÇonoXofeïfEe. Le grec n’a point d’adjectif possessif après itapar[Tcô(j. « Ta. Enfin le terme IvepYouuivri exprime une prière ardente comme celle d’Élie, dont parlent les versets suivants. Cette prière sera persévérante au besoin, assidua, comme le marque la Vulgate ; mais le terme grec ne l’exprime pas formellement, et les prières d’Élie, que saint Jacques prend pour exemple, ne tiraient pas leur efficacité de la persévérance du prophète. 1Il Reg., xvii, 1 ; xviii, 1, 36-38.

Après ces observations, cherchons quelle espèce de confession des péchés saint Jacques recommande en ce passage. Trois explications sont en présence, suivant le P. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884-, t. ii, p. 449. — 1. La première opinion a été soutenue par Liagre, Jnterpretatio Epistolse canonicx sancli Jacobi, Louvain, 1860, et adoptée par M. Drach, La Sainte Bible, Épitres catholiques, Paris, 1879, p. 55. L’apôtre recommanderait aux hommes de se faire mutuellement l’aveu de leurs torts, cf. Matth., vi, 14, et de prier les uns pour les autres. Mais le contexte paraît exclure cette interprétation ; car rien n’amène saint Jacques à parler des torts faits au prochain, et la prière dont il s’occupe doit avoir pour objet la santé du malade. — 2. Une seconde opinion, dit le P. Corluy, ibid., a été soutenue par Beelen. L’apôtre recommanderait d’avouer ses fautes à un homme juste, pour lui demander conseil et obtenir ses prières. Cette interprétation ne cadre pas non plus avec le contexte ; car cette demande de conseil n’est pas à proprement parler une confession, et les prières dont il s’agit semblent devoir se rapporter à la guérison du malade. — 3. Une troisième opinion a été admise par le plus grand nombre des commentateurs et des théologiens catholiques. Citons saint Thomas d’Aquin, Summ. theol., Supplem., q. 6, a. 6, Bar-le-Duc, 1870, t. vii, p. 258, ou IV Sent., . Dist, xvii, q. 3, a. 1, quæstiunc 5, Paris, 1873, t. x, p. 503 ; Bellarmin, De pœnit., lib. iii, c. iv, Lyon, 1590, t. ii, p. 1627 ; Morin, De pœnit., lib. viii, c. 8, n. 4, Anvers, 1682, p. 531 ; Wouters, dans Migne, Ours, compl. Scripturne., t. xxiii, col. 1007 ; Danko, Historia revelationis divinie

Novi Testamenti, Vienne, 1867, p. 491 ; Palmieri, De pœnitentia, Rome, 1879, p. 389 ; Cambier, De divina instit. confessionis, Louvain, 1884, p. 88. D’après cette opinion, ce serait de la confession sacramentelle faite aux prêtres que parlerait notre texte. Les auteurs qui adoptent ce sentiment le justifient comme il suit. Après avoir déclaré que l’extrême-onction remettrait les péchés, s’il en restait sur la conscience du malade, il est naturel, disent-ils, que saint Jacques indique le moyen plus régulier d’effacer ces taches, c’est-à-dire la confession sacramentelle. « Nous croyons, dit M. Cambier, ibid., p. 90, que voici l’ordre des pensées de l’apôtre : L’extrêmeonction n’est pas instituée par elle-même pour remettre les péchés, mais le moyen établi par Dieu pour cette rémission est la confession sacramentelle. Confessez-vous donc les uns aux autres de vos péchés, pour vous préparer à la réception du sacrement d’extrême-onction. » La principale difficulté qu’on a faite à cette interprétation, c’est que saint Jacques dit aux chrétiens de se confesser les uns aux autres, au lieu de leur dire de se confesser aux prêtres. On répond à cette objection que l’apôtre parle d’une façon générale, qui suppose chez ses lecteurs la connaissance de la confession sacramentelle et de ses ministres. Lorsqu’il dit : Confessez-vous entre vous vos péchés, il entend dire : Confessez - vous entre vous suivant les règles que vous savez ; en d’autres termes, confessez vos péchés à ceux d’entre vous que le -Seigneur, Joa., xx, 23, a investis du pouvoir de les remettre. C’est ainsi que saint Paul, Ephes., v, 21, dit : « Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ, iitoTaucro(levot àXX^Xotç ev <pdêa> XpidToO, » pour exprimer que les inférieurs doivent être soumis à leurs supérieurs. Ce serait aussi dans le même sens que le mot pro invicem, ûitèp àXXriXùjv, devrait être pris dans la suite de la phrase ; car ces mots orate pro invicem ut salvemini regarderaient principalement les prières des prêtres pour la santé des malades. — On objecte que ces prières sont ensuite appelées par saint Jacques « prière du juste », Sêitnç Sixai’ou. Ce qui suppose qu’il ne s’agit pas des prêtres, mais des justes. Certains auteurs, par exemple Corluy, ibid., répondent qu’il n’y a pas lieu de relier au texte que nous venons d’étudier ce qui est dit de l’efficacité de la prière du juste, attendu que la liaison indiquée dans la Vulgate par le mot enim ne se trouve pas dans le grec. D’autres auteurs, comme Cambier, ibid., admettent que la qualification de juste s’applique aux prêtres. — Les deux premières opinions que nous avons exposées ne semblent pas tenir assez compte du contexte. La troisième nous paraît beaucoup plus admissible, bien qu’elle ne donne pas une explication pleinement satisfaisante de tous les mots de ce passage difficile.

VI. Textes de l’Écriture qui semblent contraires a la confession sacramentelle. — Nous ne nous occuperons pas des passages qui attribuent à Dieu seul le pouvoir de remettre les péchés ; car après ce qui précède il est facile de concilier ces passages avec le pouvoir donné par Jésus-Christ aux prêtres ; car ce pouvoir fait d’eux les ministres et les instruments de Dieu. Les textes qui semblent nier la rémissibilité des péchés offrent plus de difficulté. Le plus connu est relatif aux blasphèmes contre le Saint-Esprit. On en a donné l’explication à l’article Blasphème. D’autres passages ont été invoqués pour appuyer un sentiment admis assez communément parmi les critiques rationalistes. Harnack, Dogmengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. i, p. 142 ; Reuss, Histoire de la théologie au siècle apostolique, Strasbourg, 1881, t. ii, p. 285. Ce sentiment, c’est que le baptême était regardé par les premiers chrétiens comme le moyen unique qui remettait les péchés du passé et assurait la sainteté de l’avenir, de telle sorte que tout péché commis après le baptême était réputé sans rémission. Les auteurs que nous venons d’indiquer croient trouver en particulier cette doctrine dans plusieurs passages de l’Épltre

aux Hébreux. M. Reuss, ibid., en indique trois dont la difficulté a appelé, en effet, depuis longtemps l’attention des théologiens et des exégètes catholiques. Voici ces passages : « Il est impossible à ceux qui ont été une fois illuminés, qui ont goûté le don céleste et ont été faits participants du Saint-Esprit…, puis sont tombés, d’être renouvelés par la pénitence, crucifiant de nouveau le Fils de Dieu pour leur malheur et l’outrageant publiquement. » Hebr., vi, 4-6. — « Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne. nous reste désormais plus d’hostie pour les péchés. » Hebr., x, 26. — « Qu’il n’y ait point de fornicateur ni de profane comme Ésaii, qui pour un seul aliment vendit son droit d’aînesse ; car sachez qu’ensuite désirant hériter de la bénédiction, il fut rejeté ; et il ne put obtenir un changement dans la volonté [de son père], quoiqu’il le lui eût demandé avec larmes. » Hebr., xii, 16-17.

Les enseignements de saint Paul qu’on vient.de lire furent jadis invoqués par les montanistes et les novatiens, pour établir que l’Église ne saurait remettre les péchés soit de fornication, soit d’apostasie. Ces hérétiques, au moins plusieurs d’entre eux, n’admettaient pas, comme les critiques rationalistes modernes, qu’il s’agit dans ces textes de tous les péchés ; ils croyaient, au contraire, qu’il y est seulement question des plus grands. Ces textes parlent tous, en effet, du péché par excellence, qui est l’apostasie ou l’abandon de la foi, ainsi que le montre le contexte. Ils n’enseignent donc point qu’aucun péché ne saurait être remis par l’Église après le baptême. Enseignent-ils au moins que l’Église n’a point le pouvoir de remettre l’apostasie après le baptême ? Pas davantage. On peut même se demander s’ils font allusion à une première rémission des péchés par le baptême. Plusieurs. exégètes l’ont cru, parce que saint Paul dit que les pécheurs impardonnables ont été « illuminés », çu-ucrOiv-Taç, Hebr., vi, 4, et que le terme çioTur^ç, « illumination, » a servi à désigner le baptême ; mais il y a lieu de douter que ce soit ici le sens de ce mot, soit parce qu’il n’était pas encore pris dans cette acception lorsque fut écrite l’Épitre aux Hébreux, soit parce que les passages parallèles de l’Epitre (en particulier x, 26) ne disent rien du baptême. Il est donc bien plus probable, remarque M. Drach, La Sainte Bible, Épitres de saint Paul, Paris, 1871, p. 741, que saint Paul entend parler de ceux qui abandonnent la foi, qu’ils aient ou non reçu le baptême.

— Mais, observerat-on, l’Apôtre affirme qu’il est impossible à ces hommes d’être renouvelés par la pénitence, parce qu’ils crucifient de nouveau Jésus-Christ pour leur malheur et le déshonorent publiquement, Hebr., iv, 6 ; qu’il ne leur reste plus d’hostie pour l’expiation de leurs péchés, Hebr., x, 26, et qu’après avoir méprisé le médiateur de la nouvelle alliance et la parole du Dieu du ciel, ils n’obtiendront pas plus grâce qu’Ésaù n’a pu recouvrer le droit d’aînesse dont il s’était dépouillé. Hebr., xii, 16-29,

— Nous répondrons que telle n’est pas la signification des déclarations de l’Apôtre. Elles n’expriment point que l’Église ne possède pas le pouvoir de remettre le péché d’apostasie ; car, si elles avaient ce sens, elles exprimeraient aussi beaucoup plus clairement que la passion et la médiation de Jésus-Christ sont sans efficacité vis-à-vis de ce péché d’apostasie, puisque saint Paul dit qu’il ne reste plus aux apostats d’hostie pour le péché. Hebr., x, 26 ; cf. xii, 24. Or personne n’impute une pareille doctrine à l’auteur de l’Épltre aux Hébreux, qui a tant célébré la puissance de la médiation de Jésus-Christ. Il faut donc comprendre ces textes en ce sens : d’une part, que ceux qui rejettent la foi ne sauraient participer à cette médiation, ainsi que l’Apôtre le redit souvent, et, d’autre part, qu’après avoir apostasie, il leur est non pas sans doute absolument impossible, mais très difficile, de croire de nouveau, parce qu’ils ont une première fois méprisé le salut et renié le Fils de Dieu. Cette doctrine est précisément la même que Jésus-Christ lui-même a enseignée

en parlant du blasphème contre le Saint - Esprit. Voir Drach, lac. cit., p. 741, 770, 788, et Corluy, L’Épitre aux Hébreux, dans Le Prêtre, 1892, p. 313, 729 et 992.

Beaucoup de protestants ont cru voir dans la Sainte Écriture que le baptême assure la sainteté et le salut à ceux qui le reçoivent, et que l’Église est la communauté des saints sans péché. Ce sont là des vues conformes à la doctrine de Luther et de Calvin sur la justification et sur l’Église ; mais elles sont en contradiction avec les données des Livres Saints. L’Écriture enseigne sans doute (par exemple, I Joa., iii, 9) que nous recevons au baptême une vie qui nous préserve du péché. C’est qu’en effet le baptême met en nous le principe sanctifiant de la grâce, qui nous délivre du péché et nous aide à l’éviter ; mais ce principe ne nous rend pas impeccables. Saint Paul redoutait de tomber dans le péché, I Cor., iv, &’5 ; cf. ibid., ix, 27 ; x, 12 ; il exhortait même les chrétiens de Philippe à opérer leur salut avec crainte et tremblement. Philip., ii, 12. — De ce que les fidèles qui formaient les Églises primitives sont appelés « saints » au livre des Actes et dans les Épîtres des Apôtres, on conclut encore à tort qu’un seul péché excluait à jamais de ces Églises. Voir Saints. L’incestueux de Corinthe fut gardé dans le sein de l’Église jusqu’à ce qu’il fût livré à Satan par saint Paul, I Cor., v, 1-5, et après très peu de temps il y fut de nouveau reçu malgré l’énormité de sa faute. II Cor., ii, 6-11. A. Vacant.

CONFIRMATION. La confirmation est un sacrement qui nous rend parfaits chrétiens, en faisant descendre sur nous le Saint-Esprit avec l’abondance de ses dons. Nous avons signalé (voir Baptême, § iv, t. i, p. 1435 et 1436) plusieurs passages de l’Écriture qui présentent la confirmation comme le complément du baptême. Ce sont néanmoins deux sacrements distincts l’un de l’autre. On va voir que les enseignements de nos Saints Livres l’établissent clairement.

1° Jésus-Christ avait promis que le Saint-Esprit serait donné après son ascension à ceux qui croiraient en lui. Joa., vii, 39 ; cf. Joa., xv, 26 ; xvi, 13-14 ; Luc, xxiv, 49. Cette promesse s’accomplit pour les Apôtres le jour de la Pentecôte. Act., i, 4 ; ii, 4. Dès son premier discours, saint Pierre annonça qu’elle devait aussi s’accomplir pour tous ceux qui recevraient la foi chrétienne. Il laissait en même temps entendre que ce serait par un don qui compléterait la grâce du baptême. Act., ii, 38. Pour des raisons providentielles faciles à saisir, le Saint-Esprit descendit sur le centurion Corneille et sur sa famille, Act., x, 41, aussi bien que sur l’assemblée du cénacle, Act., n, 4, sans l’intervention d’aucun rit sacramentel. Mais, aussitôt après la Pentecôte, les Apôtres se servirent du rit de l’imposition des mains pour communiquer ce divin Esprit aux chrétiens baptisés. Le diacre Philippe avait conféré le baplême à une foule d’habitants de Samarie, mais le Saint-Esprit n’était point descendu sur eux. C’est pourquoi Pierre et Jean furent envoyés dans cette ville parles autres Apôtres, et tous ceux à qui ils imposaient les mains recevaient le Saint-Esprit. L’efficacité de ce signe sensible fut si manifeste, que Simon le Magicien voulut acheter le pouvoir de s’en servir. Act., viii, 12-19. Les Actes des Apôtres, xix, 1-6, rapportent encore que saint Paul, arrivant à Éphèse, demanda à quelques disciples, qu’il croyait chrétiens, s’ils avaient reçu le Saint-Esprit. Il apprit d’eux qu’ils n’avaient été baptisés que du baptême de Jean. Il leur conféra alors le baptême de Jésus, puis par l’imposition de ses mains fit descendre sur eux le Saint-Esprit.

2° Ces deux passages établissent que l’imposition des mains des Apôtres était un moyen établi par Dieu pour faire descendre le Saint-Esprit sur les chrétiens. Comme Jésus avait promis cet Esprit divin à tous ceux qui croiraient en lui, Act., ii, 38, ce rit devait garder son efficacité jusqu’à la fin des siècles. C’est donc un sacrement

véritable, puisqu’un sacrement est un signe sacré et sensible institué d’une manière permanente pour produire la grâce dans nos âmes. Ce sacrement diffère du baptême, puisqu’il a été conféré par Pierre et Jean aux habitants de Samarie après qu’ils avaient été baptisés, et que saint Paul voulait le conférer aux Éphésiens, qu’il croyait déjà chrétiens. Le sacrement ne saurait être conféré que par ceux qui succèdent aux Apôtres dans ce pouvoir. Le diacre Philippe faisait des miracles, prêchait et baptisait une foule de convertis ; mais il était incapable de donner la confirmation.

3° L’efficacité de ce sacrement se manifesta souvent, aux temps apostoliques, par des dons miraculeux ; mais ces dons n’étaient pas également accordés à tous les chrétiens, I Cor., xii, 29-31 ; ils étaient d’ailleurs passagers et intermittents. Le Saint-Esprit venait, au contraire, en tous ceux sur qui les Apôtres imposaient les mains. Une surabondance des dons du Saint-Esprit est donc l’effet que la confirmation produit infailliblement. Ce sacrement a par conséquent pour fin de parfaire la vie surnaturelle à laquelle le baptême nous fait naître. La perfection qu’il ajoute à cette vie de la grâce consiste spécialement dans la force de confesser courageusement la loi de JésusChrist. Le Sauveur avait, en effet, promis aux Apôtres que le Saint-Esprit les revêtirait de force, Luc, xxiv, 49 ; qu’il leur donnerait le courage de rendre témoignage à l’Évangile, à Jérusalem et jusqu’aux extrémités de la terre. Act., i, 8.

4° Outre les textes que nous venons de rapporter et ceux que nous avons indiqués à l’article Baptême, plusieurs passages de la Sainte Écriture parlent de la confirmation. La plupart des auteurs voient une mention distincte de ce sacrement dans II Cor., i, 21-22 ; Ephes., i, 13 ; Tit., m, 5 ; Hebr., vi, 2, 4. A. Vacant.

CONFUSION DES LANGUES. La Genèse, xi, 7 9, rapporte que lorsque les hommes réunis dans la plaine de Sennaar eurent entrepris d’élever la tour de Babel, le Seigneur descendit sur la terre pour « confondre leur langage (littéralement : la lèvre, sâfâh) de manière qu’ils ne s’entendent pas les uns les autres ». Et il les « dispersa dans toute la terre, et ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi son nom fut appelé Babel, parce que Jéhovah y confondit (bâlal) le langage (Sâfâh) de toute la terre ». Tel est l’événement connu sous le nom de confusion des langues. Voir Babel (Tour de). Iln’est pas certain que tous les descendants de Noé fussent réunis dans la plaine de Sennaar au moment de la construction de la tour de Babel ; il semble qu’un nombre plus ou moins considérable avait du rester en Arménie, là où s’était arrêtée l’arche, et sur la route d’Arménie en Babylonie. — C’est parmi ceux qui travaillèrent à la tour que survint la confusion des langues. Fautil entendre les paroles du texte sacré au sens figuré d’une mésintelligence, d’un désaccord grave entre les constructeurs ou à la lettre d’un changement subit de langage qui les mit hors d’état de se comprendre ? Saint Grégoire de Nysse pense que la confusion des langues et la diversité des idiomes ne se produisit pas soudainement, Cont. Eunom., 1. xii, part, ii, t. xlv, col. 995 ; cꝟ. 990 ; cependant la plupart des Pères admettent que la confusion des langues ne consista pas seulement en une mésintelligence produite parmi les hommes par la Providence de Dieu, mais en une impossibilité absolue de se comprendre, par suite de l’introduction miraculeuse d’un langage nouveau différent pour les uns et pour les autres. Cf. S. Augustin, De Civ. Dei, xvi, 4, t. xli, col. 482 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Cont. Julian., iv, vii, t. lxxvi, col. 705, 887 ; S. Éphrem, Op. syr., t. i, p. 59, etc. Voir Vigouroux, Manuel biblique 9e édit., 1. 1, n° « 337-339, p. 637-642 ; Fr. de Hummelauer, Comment, in Genesim, in-8°, Paris, 1895, p. 301-307 ; Fr. Kaulen, Die Sprachwerwirrung lu Babel, in-8°, Mayence, 1861, p. 151-222.

    1. CONOPÉE##

CONOPÉE (xwvii)7r5ïov), moustiquaire. Le mot latin conopeum et le mot français « conopée » ne sont que le mot grec -/.oùvtanEÏov ou xmvwitimv, qui dérive lui-même de -/.wvwti, « cousin, moustique, » parce que le conopée avait pour objet de préserver de la piqûre des moustiques en leur fermant l’accès du lit où l’on dort. Il était surtout usité en Egypte, Horace, Epod., îx, 16, où ces insectes abondent, S. Isidore de Séville, Etymol., xix, 5, 5, t. lxxxii, col. 669 ; mais on s’en servait aussi en Orient, en Grèce (Antholog. pal., ix, 764, édit. Didot, t. ii, p. 151-152) et en Italie. Varron, De re rust., ii, 10, édit. Panckoucke, 1843, p. 256 ; Properce, iii, 11, 45. Le conopée, dit le scholiaste de Juvénal, In Sat., vi, 80, était ordinairement un simple tissu de lin fin, à mailles très serrées, une sorte de gaze, linum tenuissimis maculis variatum, dans le genre des moustiquaires encore aujourd’hui en usage. — L’Écriture ne parle du moustiquaire que dans le livre de Judith, x, 21 ; xiii, 9, 15 ; xvi, 23 (Vulgate : x, 19 ; xiii, 10, 19 ; xvi, 23). Il s’agit de celui dont Holopherne se servait dans sa tente et qui se distinguait sans doute par la richesse de l’étoffe et par des ornements particuliers d’or et de pierres précieuses. Judith, x, 21 (19). Judith, après avoir coupé la tête à Holopherne, emporta le conopée comme un trophée, Judith, xiii, 9, 15 (10, 19), et l’offrit à Dieu en hommage, xvi, 23.

    1. CONRAD D’HERESBACH##

CONRAD D’HERESBACH, théologien et historien allemand, né le 2 août 1496, mort à Wesel le 14 octobre 1576. Il fut conseiller de Guillaume, duc de Clèves, dont il avait été le précepteur. À la fin de sa vie il abandonna la cour de ce prince et se retira à Wesel, pour se livrer entièrement à la prière et à l’étude. Très versé dans la connaissance du grec et de l’hébreu, il écrivit l’ouvrage suivant : Psalmorum Davidicorum simplex et dilucida eœplicatio, in-4°, Bâle, 1578.

B. Heurtebize.
    1. CONRADI Joseph##

CONRADI Joseph, jésuite, né à Rensberg (Bohême) en 1714, mort à Brunn le 17 juillet 1767. Reçu au noviciat des Jésuites en 1732, il enseigna les humanités, la philosophie, l’Écriture Sainte et la théologie. On a de lui : 1° Commentarius in libros Paralipomenon, et reliquos usque ad Prophetas succinctis explicationibus sensum litteralem etprxcipue mysticum indicans, in-4°, Olmutz, 1758 ; 2° Commentarius in Prophetas et duos libros Machabseorum, in - 4°, Olmutz, 1759 ; 3° Commentarius in sensum litteralem tum Prophetarum veteris legis, tum in totum Novum Testamentum, in-4°, Olmutz, 1760.

C. SOMHERVOGEL.

CONSANGUINITÉ. Voir Mariage.

    1. CONSCIENCE##

CONSCIENCE ( (TuvsiSr^i ;  ; Vulgate : conscientia), faculté de l’âme qui lui permet de se connaître elle-même et de distinguer le bien du mal. — Elle n’a pas de nom spécial dans la langue hébraïque, quoique dès le commencement de la Genèse, iii, 8 ; iv, 7, 13, l’Écriture fasse allusion aux remords de la mauvaise conscience. Dans quelques passages, I (III) Reg., ii, 44 ; Job, xxvii, 6 ; Eccle., vii, 22 (Vulgate, 23), elle est désignée (comme en Egypte, Proceedings of the Society of Biblical Archseology, t. IX, 1887, p. 207-210) par le mot « cœur », lêb. La Vulgate a rendu littéralement lêb par cor dans les deux premiers passages, et par conscientia dans le troisième. Elle a aussi employé le mot conscientia dans trois autres endroits de l’Ancien Testament où l’original n’a pas de mot équivalent. Gen., xliii, 22 ; Prov., xii, 18 ; Eccli., xiii, 30. — La conscience morale, <rjv- ; Sr, cri ; , est nommée pour la première fois par l’auteur de la Sagesse, xvii, 10, qui a écrit en grec : « Une conscience troublée redoute toujours des maux terribles. »

— Dans le Nouveau Testament, saint Jean, viii, 9, est le seul des évangélistes qui ait employé le mot a-uvE15r, 171 ; , à propos des accusateurs de la femme adultère, et encore

ce mot, qui ne se lit pas dans le latin, n’est-il qu’une glose insérée à tort dans le texte. Dans les Épttres il est souvent question de la conscience eu général, Rom., H, 15 ; ix, 1 ; xiii, 5 ; I Cor., viii, 7 ; x, 25-29 ; II Cor., i, 12 ; iv, 2 ; v, 11 ; Hebr.. ix, 9, 14 ; x, 2 ; et spécialement d’une bonne conscience (Act., xxiii, 1 ; xxiv, 16) ; I Tim., i, 5, 19 ; iii, 9 ; II Tim., i, 3 ; Hebr., xiii, 18 ; I Petr., iii, 16, 21 ; d’une conscience faible, I Cor., viii, 7, 10, 12 ; mauvaise, Hebr., x, 2, 22 ; I Tim., iv, 2 ; souillée, Tite, i, 15. — Voir Jahnel, Dissertatio de conscientise notione qualis fuerit apud veteres et apud christianos, in-8°, Berlin, 1862 ; M. Kàhler, Das Gewissen. Die Entwickelung seiner Namen und seines Begriffes. À Iterthum und Neues Testament, in-8°, Halle, 1878 ; P. Ewald, De vocis <j-jve18^(T2w ; apud scriptores Novi Testamenti vi et polestate, in-8°, Leipzig, 1883.

1. CONSÉCRATION

Prêtre, t. iv, col. 646.

DES PRÊTRES. Voir

2. CONSÉCRATION DU PAIN ET DU VIN DANS L’Eucharistie. Voir Eucharistie.

    1. CONSEIL##

CONSEIL (GRAND) des Juifs. Voir Sanhédrin.

    1. CONSEILLER##

CONSEILLER (hébreu : yô’ês ; Septante : <rj|iëouXoc ; Vulgate : consiliarius), titre officiel donné à ceux que les rois appelaient dans leurs conseils. — 1° Achitophel, conseiller de David, est ainsi appelé II Sam. (II Reg.), xv, 12 ; IPar., xxvii, 33. Jonathan, oncle de David, était aussi son yô’ês, de même que, après Achitophel, Joaïda, fils de Banaïas, et Abiathar. I Par., xxvii, 32. Il est question des conseillers d’Ochozias, roi de Juda, dans II Par., xxii, 4. Le roi de Juda, Amasias, refuse d’écouter un prophète en lui disant qu’il n’est pas « le conseiller du roi ». II Par., xxv, 16. Nous savons par III Reg., xii, 6, que Salomon avait eu des conseillers, comme David son père. Ils sont appelés dans ce passage, haz-zekênîm, par opposition avec les jeunes gens, ha-yelâdim, que Roboam prit pour ses conseillers et qui l’encouragèrent à repousser les réclamations des Israélites, ce qui amena le schisme des dix tribus. III Reg., xii, 8-16. — Isaïe, xix, 11, dans sa prophétie contre l’Egypte, parle des conseillers du pharaon qui lui ont donné des conseils insensés. — Il est question des conseillers du roi de Perse dans I Esdr., vu, 14, 15, 28 ; viii, 25 ( chaldéen : yâ’êt ; Vulgate : consiliarius) ; ils étaient au nombre de sept, I Esdr., vu, 14 (cf. Esth., i, 14 ; xiii, 3). — 2° Le mot yô’ês, « conseiller, s servait aussi à désigner les principaux personnages d’un pays ou d’une ville. Job, iii, 14 ; xii, 17 ; Is., i, 26 ; iii, 3 ; Mich., iv, 9. — 3° Dieu n’a pas besoin de conseiller, Is., XL, 13 (’ts’âsâtô, « homme de son conseil » ), comme les rois de la terre ( passage cité Rom., xi, 34 [crùjjiëo^o ; ]) ; mais il est lui-même l’esprit de conseil et peut ainsi conseiller ses créatures ; c’est pourquoi Isaïe, ix, 6, énumérant les attributs du Messie, le qualifie de yô’ês, parce qu’il doit être rempli de sagesse et le meilleur conseiller de l’homme.

CONSEILS ÉVANGÉLIQUES. — Ils sont ainsi nommés parce qu’ils ne se trouvent que dans l’Évangile ou, d’une façon générale, dans le Nouveau Testament. Les conseils évangéliques sont des invitations, mais non des ordres, que Jésus-Christ adresse à l’homme pour l’engager à faire le sacrifice de certains biens naturels, qui sont en soi un obstacle à l’acquisition de biens supérieurs. Ces biens naturels, dont la possession est d’ailleurs très légitime, mais qui empêchent l’homme de s’unir plus parfaitement à Dieu, se résument dans la triple sollicitude que chacun de nous a naturellement pour les biens extérieurs, pour sa famille et pour sa propre personne.

Jésus-Christ nous délivre de la première sollicitude, qui est celle des biens de la terre, en nous donnant le

conseil de la pauvreté. « Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres. » Matth., xix, 21. — La seconde sollicitude, qui est celle de Thomme pour sa famille, est combattue par le conseil de la virginité ou de la continence. Matth., xix, 12 ; I Cor., vu, 25, 32, 33, 34. Voir Célibat. — Reste la troisième sollicitude, qui a pour objet notre propre personne. Jésus-Christ nous en délivre en nous conseillant l’obéissance, par laquelle nous remettons entre les mains de nos supérieurs l’entière disposition de nos actes. La formule <le ce conseil a été donnée en même temps que celle de la pauvreté. Notre-Seigneur, en effet, après avoir conseillé au jeune homme riche de vendre ses biens et de les distribuer aux pauvres, s’il voulait être parfait, ajoute aussitôt ces paroles, Matth., xix, 21 : « Viens alors, et suismoi, i> sous-entendu pour vivre habituellement dans ma compagnie, comme mes disciples privilégiés. Or ce qui

dont Notre-Seigneur proclame ailleurs la nécessité absolue pour se sauver. L’observation des commandements exige, en effet, une continuelle abnégation de soi-même. Mais, à côté et au-dessus de cette voie commune, il y en a une autre, que le jeune homme riche soupçonne vaguement, quand il dit : « Tous ces préceptes, je les ai observés dès mon enfance : en quoi suis-je encore imparfait ? » Matth., xix, 20. Jésus lui révèle aussitôt l’existence d’une voie supérieure : « Si vous voulez être parfait, vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres : puis venez et suivez-moi. » Ces paroles sont autre chose qu’un moyen nécessaire à ce jeune homme pour faire son salut. Le texte le dit positivement, en établissant une opposition entre l’observation du précepte, qui est indispensable pour obtenir la vie éternelle, et le détachement absolu de toutes choses, qui est laissé au libre choix du jeune homme, et ne s’impose à lui que s’il veut être parlait. Il

330. — Constellations du ciel septentrional, d’après les Égyptiens. xix « dynastie. Tnèbes. Biban el.-Molouk. D’après Lepslus, Denkmàler, Abth. iii, Bl. 137.

constitue le disciple, c’est avant tout l’obéissance au maître. Le divin Sauveur conseillait donc l’obéissance aux âmes éprises de la perfection.

Les protestants, qui n’admettent pas les conseils évangéliques, expliquent autrement les textes que nous venons de citer, et notamment l’entretien de Jésus avec le jeune homme riche. D’après l’interprétation qu’ils paraissent adopter de préférence, l’invitation du Christ à ce jeune homme ne serait pas autre chose qu’une application spéciale de la loi du renoncement universel, qui est un des fondements du christianisme. Ce jeune homme, disent-ils, était dans une situation exceptionnelle, qui exigeait, dans le plan divin, le sacrifice absolu de tous ses biens pour acquérir la vie éternelle ; en d’autres termes, c’était pour lui le seul moyen qui lui permît d’atteindre sa fin. Il ne s’agit donc pas, dans ce passage, d’une institution nouvelle, établie par le Christ sous forme de conseil ; il s’agit simplement d’un cas très spécial, qui rentre au fond dans une loi antérieure. Cette explication a le tort de faire violence au texte. Pour tout lecteur attentif, il y a deux parties très distinctes dans l’entretien de Jésus avec le jeune homme riche : l’une, qui traite la question du salut éternel et des moyens généraux pour y parvenir ; l’autre, qui pose une question toute nouvelle, celle d’un moyen plus parfait pour mieux atteindre le but, et satisfaire du même coup ce besoin de perfection qui tourmente les âmes d’élite. Le Christ, aussi bien du reste que le jeune homme, distingue nettement ces deux voies qu’on peut choisir pour se diriger vers le ciel. « Si vous voulez parvenir à la vie, observez les commandements. » Matth., xix, 17. Voilà la voie commune et ordinaire, et voilà également ce qu’il faut entendre par la loi du renoncement,

y a donc une voie plus haute et plus difficile que l’obser vation des préceptes : cette voie n’est pas obligatoire, mais facultative ; elle n’est pas ordonnée, mais conseillée.

J. Bellamy.

CONSTELLATIONS. Dès les plus anciens temps, les Orientaux cherchèrent à se reconnaître dans la multitude des étoiles fixes qui peuplent le firmament. Assigner un nom à chacune parut tout d’abord impraticable, tant est considérable le nombre de celles qu’on aperçoit à l’œil nu, surtout dans le ciel pur de l’Orient. On imagina donc une division de la voûte céleste en compartiments de grandeurs diverses et de formes plus ou moins régulières. Quelques étoiles principales furent censées déterminer les contours de certaines figures d’hommes, d’animaux ou de différents objets, qui donnèrent leur nom à ces compartiments. Ceux-ci, contigus l’un à l’autre de manière à occuper tout le firmament, formèrent ce que nous appelons des constellations. Les constellations sont donc des groupements d’étoiles, suivant certaines figures imaginaires. Ces groupements permettent aujourd’hui encore de reconnaître aisément les étoiles. On désigne, chacune d’elles par la constellation à laquelle elle appartient. Dans chaque constellation, quelques étoiles principales ont un nom propre ; les autres sont désignées d’abord par les lettres de l’alphabet grec, puis par celles de l’alphabet latin, enfin par des numéros d’ordre. Les constellations les plus voisines de la zone qui s’étend au-dessus et au-dessous de l’écliptique donnent leurs noms aux douze divisions du zodiaque. Voir Zodiaque. On compte actuellement cent neuf constellations, les douze du Zodiaque, treiite-sept boréales et soixante australes. — Les Égyptiens avaient imaginé des S25

CONSTELLATIONS — CONSUL

926

constellations dont on retrouve les images dans les tableaux astronomiques des tombes et des temples. Sur le plafond du Ramesséum, on voit représentées les principales constellations du ciel septentrional (Kg. 330), en allant de droite à gauche, l’Hippopotame portant le Crocodile, la Cuisse (grande Ourse) figurée ici par un taureau tout entier, l’Épervier, le Lion, le Géant luttant contre le crocodile, etc. L’identification de ces constellations avec nos constellations actuelles, qui sont d’origine gréco-romaine, n’a pu encore être faite d’une manière assurée et complète. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, -1895, t. i, p. 92-95. Les Chaldéens figuraient aussi leurs constellations par des hommes, des animaux, des monstres, la Lance, l’Arc, les Poissons, le Scorpion, les Épis, le Taureau, le Lion, etc., dont l’identification n’est pas mieux établie. La lune chez les Égyptiens, le soleil chez les Chaldéens, avaient à lutter contre ces différents êtres, maîtres d’une portion du ciel, pour accomplir leur course. Cf. Lenormant, Les origines de l’histoire, Paris, 1880, t. i, p. 263 ; Oppert, Tablettes assyriennes, dans le Journal asiatique, 1871, t. xviii, p. 443-453 ; Sayce, The Astrononiy and Astrology of the Babylonians, dans les Transactions of the Society of biblical Archxology, 1874, t. iii, p. 145-339 ; Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 42-57 ; Thering, Vorgeschichle des Indoeuropûer, Leipzig, 1894, t. ii, p. 221-227 ; R. Brown, Researches into the origin of the primitive Constellations of the Greeks, Phœnicians and Babylonians, 2 in-8°, London, 1899-1900. — Les Hébreux, qui n’avaient sur l’astronomie que des notions vagues, empruntées aux peuples voisins, ne se préoccupèrent pas beaucoup de connaître les constellations. L’auteur du livre de Job, qui cherche à faire ressortir les merveilles de la création, est presque le seul des écrivains sacrés qui en mentionne quelques-unes. C’est ainsi qu’il nomme, Job, ix, 9, ’ai, ’ApxToûpoç, Arcturus, voir Arcturus ; kesîl, "Eunepo ; , Orion, voir Orion ; kîmâh, nXeiâj, Hyadse, voir Pléiades ; badrê fêmân, « les chambres du sud, » TajjiEïï vôto-j, inleriora Austri, nom désignant sans doute les étoiles de l’hémisphère austral, qui sont invisibles pour nous ; Job, xxvi, 13, nàl}âS, ôpâxav, coluber, voir Dragon. On retrouve’ayis pour’aS, "Eo-Tiepoç, Vesper, dans Job, xxxviii, 32 ; kesîl et kîmâh (non rendus dans les Septante), Arcturus et Orion, dans Amos, v, 8 ; et enfin kîmâh, IUeict ; , Pléiades., dans Job, xxxviii, 31. Les Gémeaux, Aiôirxoupoi, Castores, sont nommés dans le .Nouveau Testament, Act., xxviii, 11, mais non en tant que constellations. Voir Castors et Astronomie. Sur les mazzâlôf, II (IV) Reg., xxiii, 5, ou mazzârôf, Job, xxxviii, 32, « habitations » par lesquelles passe le soleil, c’est-à-dire probablement les constellations qu’il traverse, voir Zodiaque. II. Lesêtre.

    1. CONSUL##

CONSUL (grec : ’"tikto ;  ; latin : consul). Le mot consul désignait à Rome les deux premiers magistrats de la république. On les appelait ainsi parce qu’ils étaientégaux en droits et gouvernaient ensemble. Le mot Consules a, en effet, le sens de « collègues ». Cicéron, De legibus, III, m, 8 ; Th. Mommsen, Ephem. epigr., t. i, p. 223-232 ; Soltau, Allrômische Volksammlungen, in-8°, Berlin, 1880, p. 285. En grec, on les appelait atparrjyoi ûitatoi, ou, par abréviation, (ina-rot. Polybe, I, lu ; II, xi, 1 ; III, XL, 9 ; VI, xiv, etc. — 1° Le mot « consul » se lit une seule fois dans l’Écriture au sens propre, c’est dans l’en-tête de la lettre envoyée par les Romains au roi Ptolémée et à différents rois et peuples d’Asie en faveur des Juifs, à la suite de l’ambassade de Numénius à Rome. I Mach., XV, 16. Voir Lucius. — 2° Une autre fois il est fait allusion aux consuls. C’est dans le résumé des bruits qui parviennent aux oreilles de Judas Machabée sur les Romains. D’après ces renseignements, les Romains confiaient chaque année le gouvernement de leur pays à un seul magistrat,

et tous lui obéissaient. I Mach., vni, 16. Ces renseignements étaient inexacts ; les consuls étaient, comme nous venons de le dire, au nombre de deux, mais l’auteur sacré les rapporte tels qu’ils furent donnés. F. Vigoureux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, in-18, 3= édit., Paris, 1891, t. iv, p. 603-605. — 3° La Vulgate, Job, iii, 14, a traduit par « consuls de la terre » les mots hébreux yô’àsê’ârés, qui signifient « les grands, les princes, (littéralement) les conseillers de la terre. »

Le consulat fut établi après la chute des rois, en 509 avant J.-C. Tite Live, i, 60. Les consuls portèrent probablement à l’origine le nom de prselores. Tite Live, iii, 55. Cette magistrature ne fut d’abord accessible qu’aux patriciens ; après une lutte de plus d’un siècle, les plébéiens obtinrent par les lois Licinio-Sextiennes, en 366 avant J.-C, le droit de l’exercer. Tite Live, vi, 35 et 42. A partir de cette époque le titre de consul fut le seul porté par les magistrats supérieurs. La nomination des consuls était réservée aux comices par centuries. Tite Live, i, 60. Pour être élu il fallait être citoyen romain, et depuis l’an 80 avant J.-C. avoir été préteur et être âgé de quarante-trois ans. Entre le moment de leur élection et celui de leur entréeen fonctions, les futurs consuls portaient le titre de consules designati. La durée de leur charge était d’un an. Le 1 er janvier, ils étaient conduits solennellement au temple de Jupiter Capitolin. Cette cérémonie s’appelait le processus consularis. Cicéron, De lege agraria, ii, 34. Ils prenaient les auspices, offraient un sacrifice à Jupiter, présidaient une séance du sénat, et dès lors ils étaient investis de la potestas, c’est-à-dire du droit de faire des règlements. Tite Live, xxi, 63 ; xxii, 1 ; xxvii, 1, etc. Dans les cinq jours ils devaient jurer l’observation des lois au temple de Saturne, et recevoir par une loi votée dans l’assemblée par curies Vimperium, c’est- à- dire le pouvoir exécutif. Tite Live, xxxi, 50 ; xxii, 35. Si un consul mourait, on lui nommait pour le reste de l’année un remplaçant, qu’on appelait consul suffectus, par opposition au consul qui entrait en fonctions le 1 « janvier, qui était dit ordinarius. Tite Live, iii, 20 ; xxii, 33 ; xxiv, 7. Les noms des consuls ordinaires servaient à dater l’année. À l’expiration de leurs fonctions, les consuls juraient qu’ils avaient observé les lois ; ils portaient désormais le titre de consularis, et occupaient les premiers rangs au sénat. Cicéron, Ad divin., xii, 4 ; Phiïipp., xiii, 14 ; Aulu-Gelle. Noct. attic, xiv, 7. Les consuls exerçaient alternativement le pouvoir pendant un mois ; celui qui n’était pas en fonctions avait le droit d’intercession, c’est-à-dire d’annuler les actes de son collègue. Cicéron, De rep., ii, 31 ; Aulu-Gelle, Noct. attic, ii, 15. Le pouvoir consulaire était à l’origine le même que celui des rois. Il était cependant restreint par le droit d’intercession dont nous venons de parler, et par la limite d’une année. Il fut encore successivement diminué par différentes lois qui enlevèrent aux consuls le droit de condamner un citoyen à mort ; le droit d’administrer la justice, qui fut donné aux préteurs ; le droit de dresser la liste du sénat, qui fut donné aux censeurs, etc. Les consuls avaient le droit de convoquer le sénat, jus agendi cum palribus, de lui soumettre des propositions, Tite Live, vi, 1 ; xxxvii, 1, etc. ; d’ordonnancer les dépenses de l’État, Polybe, VI, xii, 13 ; de réunir et de présider les assemblées du peuple et de lui soumettre des projets de loi, jus agendi cum populo. Cicéron, De legibus, iii, 4. Ils recevaient et présentaient au sénat les ambassadeurs et les rois étrangers. Tite Live, xxiii, 24 ; xxx, 21 ; xlii, 6. C’est donc par leur intermédiaire que les envoyés de Judas et ceux du grand prêtre Simon furent présentés à ce corps. I Mach., viii, 17-21 ; xiv, 40 ; xv, 15. On leur remettait les dépêches des gouverneurs de province. Tous les magistrats leur étaient subordonnés, bien qu’agissant spontanément dans la sphère de leurs attributions. Polybe, vi, 12. Seuls les tribuns du peuple étaient indépendants.

En cas de danger public, le sénat confiait aux consuls un pouvoir illimité par cette formule : Videant consules ne quid respublica detrimenti capiat. C’est ce qu’on appelait le senatus consullum ultimum. Willems, Droit public romain, 5 S édit., in-8°, Louvain, 1884, p. 239. Les consuls ne pouvaient être l’objet d’une accusation pendant la durée de leurs fonctions.

En temps de guerre, les consuls levaient les troupes et commandaient les armées. Ils avaient le pouvoir absolu sur leurs troupes. Avec les progrès de la domination romaine, l’usage s’établit d’envoyer des préteurs dans certaines provinces ; on confia toujours aux consuls les plus importantes. Cependant à partir de Sylla les consuls durent passer entièrement à Rome leur année de gouvernement. Ils allaient ensuite commander une province sous le nom de proconsul. Voir Proconsul. La loi Pompéia (52 avant J.-C.) décida qu’il y aurait un intervalle de cinq ans entre le consulat et le proconsulat.

Les consuls avaient une escorte de douze licteurs armés de faisceaux formés de baguettes sans hache au milieu de Rome, et avec une hache quand le magistrat était hors de Rome. Les licteurs marchaient un à un devant le magistrat. Celui-ci avait également à son service des scribes, des courriers, des hérauts, etc. Le consul qui n’avait pas l’exercice effectif du pouvoir était suivi et non précédé des licteurs. Voir Licteur. Ils avaient le droit, qui leur était commun avec les autres magistrats supérieurs, de s’asseoir sur une chaise curule, sella curulis, de porter une tunique ornée d’une large bande de pourpre et appelée laticlave, la toge prétexte également bordée de pourpre, enfin des bottines rouges attachées par quatre courroies noires qui montaient à mi-jambe et ornées d’une agrafe en forne de croissant : calceus patricius. Voir Th. Mommsen, Manuel des antiquités romaines, trad. franc., in-8°, Paris, 1892, t. ii, p. 2-13, 33-36, 44, 55.

Le consulat subsista sous l’empire, mais ses fonctions et ses insignes furent modifiés. Il n’est pas question dans la Bible des consuls de l’époque impériale.

Bibliographie. — Klee, De magistratu consulari, in-8°, Leipzig, 1832 ; Romer, De consulum romanorum auctoritate, in-8°, Utrecht, 1841 ; A. Schâfer, Zur Geschichte des rômischen consulates, dans les Jahrbûcher fur Philologie, t. cxv (1876), p. 569-583 ; A. Bouché-Leclercq, Manuel des institutions romaines, in-8°, Paris, 1886, p. 57-61 ; P. Willems, Droit public romain, 5e édit., Louvain, 1884, p. 257 ; Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. franc., Paris, 1893, t. iii, p. 84-161 ; J.-B. Mispoulet, Institutions politiques des Romains, in-8°, Paris, 1882, t. i, p. 81-90.

E. Beurlier.

    1. CONTANT DE LA MOLETTE##

CONTANT DE LA MOLETTE (Philippe du), né dans le Dauphiné le 29 août 1739, mourut sur l’échafaud le 24 juillet 1794, victime du tribunal révolutionnaire de Paris. Il était docteur de Sorbonae et vicaire général de l’évêque de Vienne (Dauphiné). Ses travaux sur l’Écriture Sainte sont des ouvrages exégétiques et critiques. 1° Essai sur l’Écriture Sainte, ou Tableau historique des avantages que l’on peut retirer des langues orientales pour la parfaite intelligence des Livres Saints, in-12, Paris, 1775. On y trouve une notice abrégée des Polyglottes d’Alcala, d’Anvers, de Paris et de Londres ; le plan d’une nouvelle Polyglotte, plus simple et plus utile ; l’histoire des langues orientales et des exemples qui montrent leur utilité pour l’interprétation littérale du texte sacré. — 2° Nouvelle méthode pour entrer dans le vrai sens de l’Ecriture, 2 in-12, 1777. Le même sujet est repris et développé ; ce qu’il y a de nouveau, ce sont quatre dissertations sur l’antiquité de l’écriture, l’arche de Noé, la chronologie biblique et la longévité humaine.

— 3° La Genèse expliquée d’après les textes primitifs, avec des réponses aux difficultés des incrédules, 3 in-12, Paris, 1777. Des observations critiques et des remarques historiques, philosophiques et morales accompagnent et

suivent le texte latin de la Vulgate et sa traduction française. — 4° L’Exode expliqué, 3 in-12, Paris, 1780. L’auteur a reproduit en tête de cet ouvrage une thèse en six langues sur Job, qu’il avait soutenue le 27 juillet 1765. C’est une courte et substantielle introduction historique et critique au livre de Job. Le soutenant y paraît très versé dans les langues orientales. Pour lui témoigner sa satisfaction, Louis XV le dispensa par lettres de cachet de tout interstice pour la licence ; mais le candidat suivit les formes usitées dans l’obtention des grades et n’usa pas de la faveur royale. — 5° Le Lévitique expliqué, avec des dissertations et des réponses aux difficultés des incrédules, 2 in-12, Paris, 1785. Le texte hébraïque, dont les variantes sont citées, est constamment mis en parallèle avec le Pentateuque samaritain. — 6° Les Psaumes expliqués d’après l’hébreu, le chaldéen, le syriaque, l’arabe, l’éthiopien, l’araméen, le grec et le latin, ou Confrontation raisonnée et suivie de la Vulgate avec les différents textes orientaux ou grecs tant des Septante que d’Aquila, de Stjmmaque et de Théodotion, 4 in-12, Paris, 1781. Le tome iv forme un Traité sur la poésie et la musique des Hébreux, pour servir d’introduction aux Psaumes expliqués. — L’abbé Contant de la Molette avait préparé une Nouvelle Bible polyglotte, plus précise et moins dispendieuse que les grandes Polyglottes. Nous doutons qu’elle ait été publiée. Cf. Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviii’siècle, 3e édil., Paris, 1856, t. vi, p. 504 ; Hurter, Nomenclator litlerarius, l re édit., Inspruck, 1883-1886, t. iii, p. 337-338. E. Mangenot.

CONTINENCE. Voir Chasteté.

    1. CONTRADICTION##

CONTRADICTION (EAU DE). La Vulgate a traduit par Aqua contradictionis, « Eau de Contradiction, » l’hébreu Mê Meribâh, nom donné au lieu où Moïse fit jaillir de l’eau du rocher en le frappant. Num., xx, 13, etc. Voir Meribah.

    1. CONTRAT##

CONTRAT, acte en vertu duquel on obtient d’une autre personne, moyennant certaines conditions, la cession d’un bien ou la jouissance d’un avantage. — 1° Le premier contrat que mentionne la Sainte Écriture est celui qu’Abraham passe avec les fils de Heth, pour l’acquisition de la caverne de Makpelah. Gen., xxiii, 3-20. Il n’y a point d’écrit, mais les conditions de la vente sont longuement débattues en public (voir Commerce, col. 879), « sous les yeux des fils de Heth et de tous ceux qui entrent par la porte de cette ville. » Ces témoins, les derniers surtout, qui sont plus désintéressés dans l’affaire, procurent à la transaction un caractère de légalité et d’authenticité qui doivent la rendre désormais inattaquable. On prend soin d’ailleurs, pour éviter toute contestation ultérieure, de dresser un état exact et détaillé de la propriété concédée : « le champ jadis à Éphroh, sis à Makpelah, en face de Mambré, le champ et la caverne et tous les arbres qui sont dans le champ dans tout le pourtour de ses limites. » Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 518-521. — 2° L’histoire de Ruth, iv, 1-11, offre un second exemple de contrat. Il s’agit d’acheter un champ ayant appartenu à Élimélech, le défunt mari de Noémi. Or l’acquisition de ce champ entraîne le droit et le devoir d’épouser Ruth, la belle-fille de Noémi, en vertu de la loi du lévirat. Deut., xxv, 5-7. L’affaire se traite à la porte de la ville, en présence de dix anciens et de tout le peuple. Ruth, iv, 1, 2, 9, 11. Le plus proche parent se récuse. Booz se substitue alors à ses droits. En pareil cas, celui qui cédait son droit devait ôter sa chaussure et la donner au parent qui se subrogeait à lui, comme pour lui transmettre le pouvoir de mettre le pied sur l’héritage en qualité de propriétaire. Deut., xxv, 9. Cf. Rosenmûller, Das alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. iii, p. 70. Les

choses se passent conformément à la loi, et Booz devient propriétaire du champ et l’époux de Ruth. — 3° Quand David veut acheter l’aire d’Oman, il se fait accompagner de serviteurs, qui seront les témoins du contrat. II Reg., xxiv, 20-24. — 4° Salomon passe avec Hiram une sorte de contrat, afin d’obtenir des ouvriers et des matériaux pour la construction du Temple. III Reg., v, 5-9. Mais la Bible ne parle que des conditions du contrat et se tait sur les formalités remplies. — 5° À l’époque des rois, les contrats furent rédigés par écrit. Jérémie décrit très clairement la manière dont on procédait alors. Il veut acheter à Anathoth le champ de son cousin Hanaméel. Voici comment, d’après le texte hébreu, il énumère les formalités alors en vigueur : « J’écrivis sur la cédule (ou tablette ) et je scellai, en présence de témoins, après avoir

nachérib à Darius, fils d’Hystaspe. Depuis lors, on a trouvé beaucoup d’autres tablettes de même nature. Les scribes qui rédigeaient ceS actes les dataient du quantième du mois et de l’année du souverain régnant, ajoutant parfois, pour plus de précision, la mention d’un événement remarquable. La pièce portait les noms des parties contractantes, des magistrats et des témoins, et chacun signait en donnant un coup d’ongle à côté de son nom. Voici le libellé d’un de ces contrats : « Marque de l’ongle de Sarru-ludari, marque de l’ongle d’Atarsuru, marque de l’ongle de la femme Amat-sahula, femme de Bel-duru…, propriétaire de la maison vendue. (Quatre marques d’ongles.) Toute la maison, avec ses ouvrages en bois et ses portes, située dans la ville de Ninive, contiguë aux maisons de Mannu-si-ahi et d’Ilu-siya,

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331. — Tranche latérale gauche. 332. — Recto. 333. — Verso.

Contrat assyrien. Musée historique d’Orléans. Grandeur naturelle.

Sur la tranche (fig. 331) est le sceau d’Abu-um-ilu avec son nom en caractères cunéiformes. — Le contrat porte au recto ( ilg. 332) : « Le prix de la location pour trois mois d’Immer-ibni, ouvrier, flls de Galam, — a savoir, un sicleetdemi d’argent, 130 qo, de farine, un qa et demi d’huile, — que Sumi - irsîtîm n’a pas touché, a été remis par Ibni.Martu et Sikni-ilutim — (Verso, fig. 333) à Immer-ibnl, ouvrier, flls de Galam.’Fait en présence û’Abum-ilu, fils d’Ibni-Samas, d’Ilisu - ibni, flls d’Immèr-ibni, d’Arad - ku - M, fils d’Ahu-vagar. Mois de Sivan, année où la ville de Knnsatu, des vases d’or et d’argent… » Tranche inférieure : « Sceau d’Arad-KU-Bi. » — Marge à gauche du recto (fig. 332) : « Sceau d’Immer-ibni. » — Marge a gauche du verso (fig. 333) : « Sceau de Sumi-irsitim. » Traduction de M. J. Halôvy.

pesé l’argent dans la balance. Je pris ensuite la cédule d’achat, celle qui était scellée, conformément à la coutume et aux lois, et celle qui était ouverte, et je la remis à Baruch, fils de Néri, petit-fils de Maasias, en présence de Hanaméel, mon cousin, et des témoins qui avaient signé la cédule d’achat, et de tous les Juifs qui se trouvaient dans la cour de la prison. Devant eux, je donnai cet ordre à Baruch : Voici ce qu’ordonne Jéhovah, Dieu des armées, Dieu des Israélites : prends la cédule d’achat qui est scellée, ainsi que celle qui est ouverte, et metsles dans un vase d’argile, pour qu’elles se conservent longtemps. » Jer., xxxii, 10-14. Ainsi, au temps de Jérémie, les termes du contrat étaient consignés par écrit en double exemplaire. Les témoins apposaient leur signature sur les pièces. L’une était scellée et conservée en lieu sûr ; l’autre restait ouverte, pour l’usage ordinaire, et, en cas de falsification ou de contestation, on recourait à la cédule scellée. — En 1876, on découvrit à Babylone des vases d’argile, analogues à celui dont parle Jérémie, et remplis de documents cunéiformes. Ces documents, au nombre d’environ deux mille cinq cents, n’étaient autre chose que des contrats, paraissant appartenir pour la plupart à la période qui s’étend de Sc-n-DICT. DE LA BIBLE.

la propriété de Sukaki, il l’a vendue ; et Tslllu - Assur, l’astronome, égyptien, pour un manéh d’argent royal, en présence de Sarru-ludari, d’Atar-suru et d’Amatsahula, femme de son propriétaire, l’a reçue. » Suit la menace d’une amende contre le violateur du contrat, les noms des témoins et la date. Smith, Records of the past, Londres (1875), t. i, p. 141. On apposait ordinairement le sceau des contractants sur le document. Ce sceau s’imprimait sur l’argile molle à l’aide d’un cylindre ou d’un cône tronqué sur lequel était gravé en creux un sujet ordinairement mythologique (fig. 331-333). La yard, Nineveh and Babylon, Londres, 1853, p. 609. Pour obtenir un double exemplaire du contrat, et en même temps assurer l’inviolabilité de la pièce, on recourut dans certaines localités au procédé suivant. L’acte était d’abord dressé sur une

; première tablette, puis celle-ci était recouverte d’une

j seconde couche d’argile sur laquelle on transcrivait le contrat mot pour mot. Avait-on lieu de soupçonner une altération dans les termes de l’acte, on brisait devant témoins la couche supérieure, et.l’on retrouvait sur la tablette primitive la teneur authentique de la pièce. Cf. Boscawen, Babylonian daled Tablels and the Canon t of Ptolemy, dans les Transactions of the Society of

II. - 30

Biblical Archseology, t. vi, 1878, p. 4-6 ; Oppert et Menant, Les documents juridiques de l’Assyrie et de la Chaldée, Paris, 1877 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 520-521 ; t iv, p. 258, 357 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, p. 730-732. — 6° À l’époque des Machabées, la stipulation en vertu de laquelle Simon devint le grand prêtre et le prince des Juifs fut pareillement gravée en deux exemplaires ; on plaça l’un des deux dans la galerie du sanctuaire, et l’autre dans la chambre du trésor, pour l’usage particulier de Simon et de ses fils.

I Mach., xiv, 47-49. — Durant la captivité, les Juifs de Babylonie s’initièrent à la connaissance et à l’usage des procédés chaldéens en vigueur pour la rédaction des contrats. Eux-mêmes conservèrent d’ailleurs leur coutume nationale, qui était peu différente, et par la suite l’appliquèrent fréquemment, à mesure qu’ils se mêlèrent davantage au trafic de l’ancien monde. La Bible ne mentionne pas d’autres contrats avec détails. — Sur l’espèce de contrat passé entre Dieu et la race d’Abraham, cf. Alliance, t. i, col. 387. — Cf. E. Revillout, Les obligations en droit égyptien comparé aux autres droits de l’antiquité, in-8°, Paris, 1886. Voir Vente.

H. Lesêtre.
    1. CONTZEN Adam##

CONTZEN Adam, jésuite allemand, né à Montjoie (Aix-la-Chapelle) en 1577, mort à Munich le 19 juin 1635.

II entra au noviciat des Jésuites en 1595. Très versé dans la connaissance des langues grecque, hébraïque, syriaque et chaldéenne et dans tous les genres d’érudition, il enseigna longtemps à Mayence l’Écriture Sainte ; puis il se consacra tout entier à la controverse contre les hérétiques. Il s’acquit une grande réputation dans ses luttes contre les calvinistes de Heidelberg et les zwingliens de Marburg. Le P. Contzen gouverna pendant quinze ans plusieurs collèges de son ordre. Il a publié : 1° Commentaria in quatuor Sancta Jesu Christi Evangelia, 2 in-f », Cologne, 1626-1627. Il y explique le sens littéral et moral de manière à venger la vérité des attaques des païens, des juifs et des hérétiques, et cela au moyen de la comparaison qu’il établit entre le texte sacré et les conciles, les décrets des papes, les témoignages des Pères anciens ou des interprètes plus récents, et en se servant des langues orientales, de la philosophie, de l’histoire et même des ouvrages des hérétiques. Il suit la même méthode dans son 2° Commentaria in Epistolam S. Pauli ad Romanos, in-f°, Cologne, 1629, 1685 ; 3° Commentaria in Epistolas S. Pauli ad Corinthios et ad Galatas, in-f°, Cologne, 1631. C. Soilmervogel.

CONVIVES. Voir Festin, Repas.

    1. CONYBEARE William John##

CONYBEARE William John, géologue et théologien anglican, né le l= r août 1815, mort à Weybridge en 1857. Il était fils de William Daniel Conybeare, connu aussi comme géologue et théologien. William John fut élevé à Cambridge, et devint, en 1842, principal de la Collegiate Institution, à Liverpool. Sa mauvaise santé l’obligea de résigner ses fonctions en 1848, et il eut pour successeur J. S. Howson, avec qui il publia une œuvre de valeur, The Life and Epistles of St. Paul, 2 in-4°, Londres, 1850-1852. Cet ouvrage a eu depuis de nombreuses éditions, en formats divers, en Angleterre et en Amérique. Conybeare a traduit les Épitres et les discours de saint Paul, Howson a rédigé la partie narrative, archéologique et géographique. Voir L. Stephen, Dictionary of National Biography, t. xii, 1887, p. 62.

F. Vigouroux.

    1. COPTES##

COPTES (VERSIONS DE LA BIBLE). Le copte est la langue issue de l’ancienne langue égyptienne, mélangée de nombreux mots grecs. Il n’a cessé d’être parlé en Egypte que vers le milieu du xviie siècle. A l’heure actuelle la question des versions coptes, si importantes pour la critique du texte sacré, ne peut en core être traitée que d’une façon imparfaite. II n’y a que deux siècles et demi que les savants ont commencé à étudier cette langue : c’était déjà une langue morte, et les documents indigènes qu’ils eurent à leur disposition étaient de basse époque et laissaient fort à désirer. Quand, après un siècle, on soupçonna l’importance des versions coptes de la Bible, on se mit à l’œuvre d’une façon précipitée et dépourvue de méthode, sans avoir une connaissance suffisante de la langue, sans avoir classé les manuscrits. Cette pénible enfance des études coptes, grammaticales et littéraires, se prolongea jusqu’à la fin du premier quart de notre siècle. Les découvertes égyptologiques donnèrent alors à cette étude un essor nouveau. Cependant on étudia la langue copte beaucoup plus en vue des écritures hiéroglyphiques, dont elle était la clef, que pour sa littérature, presque entièrement ecclésiastique. D’ailleurs les matériaux manquaient pour faire une édition complète de la Bible copte. Dans l’état de décadence où elle était tombée depuis plusieurs siècles, l’Église copte s’était peu souciée de conserver le texte sacré, en dehors des parties qui se trouvaient dans les livres liturgiques : si bien qu’il n’était resté aucun exemplaire complet des Saintes Écritures. Sans doute depuis dix ans on a trouvé et publié de nombreux manuscrits ; mais ce ne sont que des fragments, des feuilles détachées, pour la plupart déchirées, rongées par le temps et l’humidité, et plus le nombre des matériaux s’est accru, plus la difficulté augmente de classer tant de fragments d’âges différents. Dans ces conditions nous ne pouvons donner ici qu’une esquisse.

I. Nombre des versions coptes. — La question du nombre des versions est étroitement liée à celle du nombre des dialectes copies. Or les récentes découvertes en Egypte ont porté ce nombre de trois à cinq. Ce sont : 1° Le bohaïrique (de Bohaïrah, nom arabe de l’Egypte inférieure), parlé originairement dans le Delta, et plus spécialement dans la province d’Alexandrie. Pendant longtemps il a été seul connu des savants européens, qui l’appelaient simplement cophte ou copte. Plus tard on le nomma memphitique, par opposition au dialecte thébain ou dialecte de la Haute Egypte. Mais cette appellation n’est pas correcte, car ce dialecte ne se répandit qu’assez tard dans l’ancienne province de Memphis, lorsque les patriarches coptes transportèrent leur résidence d’Alexandrie au Caire. Le nom de bohaïrique est maintenant généralement adopté. — 2° Le sahidique (de l’arabe Es-sa’îd, l’Egypte supérieure), parlé à une époque par toute l’Egypte supérieure, y compris Babylone d’Egypte. On l’appelait autrefois thébain, de Thèbes, capitale de la Haute Egypte ; mais il n’est pas démontré que ce dialecte soit réellement originaire de Thèbes, aussi préfère-t-on lui donner le nom de sahidique, en attendant qu’on puisse le désigner d’une façon plus précise. — 3° Le fayoumien, découvert par Giorgi ( Fragmentum Evangelii S. Johannis grsecocopto-thebaicum, in-4°, Rome, 1789), qui voulait l’appeler ammonien, parce que ce dialecte aurait été parlé, croyait-il, dans l’oasis d’Ammon : ce qui n’est pas exact. C’est le dialecte de la grande et de la petite oasis, d’après Quatremère, Recherches critiques sur la langue et la littérature de l’Egypte, Paris, 1808, p. 147. Zoega, Catalogua codicum copticorum qui in museo Borgiano adservantur, Rome, 1810, p. 140-144, reconnaît dans les fragments de Giorgi le bachmouvique d’Athanase, évêque de Kôs, XIe siècle. Selon Champollion, Observations sur le catalogue des manuscrits coptes du Musée Borgia, Paris, 1811, p. 16-26, le Bachmour était dans le Fayoum. L. Stem, dans la Zeitschrift fur âgypt. Sprache, 1878, p. 23, se prononce en faveur du Fayoum comme lieu d’origine et d’usage du dialecte ; mais il nie son identité avec le bachmourique. Le nom de fayoumien est le plus généralement employé. — 4° Le moyen égyptien ou dialecte de la Moyenne Egypte, en usage dans la province de Memphis, quand cette ville avait encore une certaine

importance, a été d’abord connu par une collection de documents sur papyrus, provenant du couvent de Saint-Jérémie, près du Sérapéum, et publiés par E. Révillout, Papyrus coptes, Paris, 1876. Le nom de memphitique lui conviendrait très bien ; on évite pourtant de le désigner ainsi, pour ne pas le confondre avec le bohaïrique, qui pendant si longtemps a été connu sous ce nom. — 5° Uakhmimien, dialecte dans lequel sont rédigés les fragments trouvés dans les fouilles du cimetière d’Akhmim (l’ancienne Chemmis on Panopolis). M. Bouriant, à qui revient l’honneur "de la première publication de ces documents, avait provisoirement nommé ce dialecte bachmourique.

Ces cinq dialectes forment deux groupes bien caractérisés : le groupe du nord, représenté pour le moment par le bohaïrique seulement, et celui du sud par les quatre autres dialectes connus. Toutefois la transition d’un groupe à l’autre n’est pas brusque. Les dialectes du sud, géographiquement plus rapprochés du bohaïrique, s’en rapprochent aussi davantage au point de vue phonétique. Le bohaïrique et le sahidique marquent les deux extrêmes.

— Pour les particularités de ces dialectes, voir H. Ilyvernat, Étude sur les versions coptes, dans la Revue biblique, juillet 1896, p. 431-432 ; L. Stern, dans la Zeitschrift fur àgyptische Sprache, 1886, p. 129, et Koptische Grarnmatik, Leipzig, 1880 ; Steindorf, Koptische Grammatik, in-12, Berlin, 1894, p. 3 ; M. Bouriant, Les papyrus d’Akhmim, dans les Mémoires de la mission archéo* logique du Caire, t. i, p. 243-304 ; F. Krall, Mittheilungen, ii-m, p. 54-55.

Et maintenant quel est l’âge relatif de chacun de ces dialectes ? La question est de la plus haute importance au point de vue scripturaire, mais nous ne sommes pas encore à même de la résoudre d’une manière définitive. D’après Athanase de Kôs, que nous avons déjà cité, le dialecte sahidique était de son temps encore, c’est-à-dire au xie siècle, parlé au Caire ; d’où nous pouvons conclure que les autres dialectes de la Haute Egypte avaient déjà disparu. Pour les manuscrits écrits en akhmimien et en moyen égyptien, sinon pour ceux du dialecte fayoumien, c’est un brevet d’antiquité, dont le paléographe copte prendra note. Mais on ne peut de cela conclure que le sahidique est moins ancien que les dialectes qu’il a supplantés, de même qu’on ne pourrait conclure que le bohaïrique est plus récent que le sahidique pour l’avoir repoussé vers le sud, et finalement supplanté. Le fayoumien comme le dialecte de la Moyenne Egypte ont dû coexister dès les premiers siècles de notre ère avec l’akhmimien et le sahidique, d’une part, et le bohaïrique, d’autre part : rien dans la grammaire de ces différents dialectes ne nous permet de supposer le contraire. Le fait qu’on possède des manuscrits d’un dialecte plus ancien que le plus ancien monument d’un autre dialecte ne prouve absolument rien.

Aucun des manuscrits bohaïriques que nous avons ne remonte au delà du IXe siècle ; peut-on en conclure que le dialecte bohaïrique n’existait pas déjà depuis plusieurs siècles, même comme langue littéraire ? Ce que nous savons pourtant, c’est que du temps d’Athanase de Kôs les deux seuls dialectes qui eussent quelque importance littéraire étaient le bohaïrique et le sahidique. À cette époque les patriarches monophysites se décidèrent à transporter leur résidence d’Alexandrie au Caire. Ils apportèrent naturellement avec eux le dialecte bohaïrique. Le sahidique, qui avait absorbé l’akhmimien et le moyen égyptien, et probablement aussi le fayoumien, commença à reculer vers le sud, son lieu d’origine ; en sorte que maintenant le bohaïrique est devenu la langue sacrée de toute l’Égyp te - Cette conquête des dialectes du nord sur ceux du sud fut d’autant plus facile, que ceux-ci avaient déjà depuis longtemps commencé à faiblir, au moins comme langues parlées, devant la langue arabe, plus fortement implantée dans les environs du Caire. Le bohaïrique lui même ne résista pas longtemps à la poussée de la langue des conquérants ; il ne tarda pas à donner des signes évidents d’une décadence qui eût été sans doute retardée de plusieurs siècles, s’il était resté à l’abri des couvents de Nitrie, où il avait grandi.

II. Ce qui nous est parvenu des versions coptes. — 1° En bohaîr’jue. — Il n’existe à ma connaissance aucun exemplaire complet de la version bohaïrique. Suivant Quatremère, Recherches, p. 118, Marcel possédait un exemplaire entier de cette version, qu’il avait fait copier au Caire, sur le manuscrit du patriarche des Coptes. Cette copie fut achetée à la mort de Marcel, avec le reste de ses livres, par l’Anglais J. Lee de Hartwell, dans la bibliothèque duquel elle a été vue, en 1847, par J. Bardelli (Daniel copto-memphitice, Pise, 1849, p. xviii-xx professeur des langues sanscrite et copte à l’université de Pise. Elle n’était déjà plus complète ; Bardelli n’y a trouvé que les livres suivants : Genèse, Exode, Lévitique, Psaumes, Osée, Joël, Amos, Abdias et les autres petits Prophètes, les quatre Évangiles, les quatorze Epitres de saint Paul, l’Épltre de^ saint Jacques et la première Épitre de saint Pierre ; en tout quarante et un volâmes in-4°. Cette Bible, disait une note de Marcel, avait été copiée au Caire, par les soins du patriarche copte et par ses propres écrivains, sur un exemplaire très ancien, qu’il assurait être du vil" siècle et qu’il possédait dans sa bibliothèque, où Marcel l’avait vu. Les volumes qui manquaient à l’exemplaire du savant français avaient été consumés dans l’incendie de sa maison au Caire. Le texte copte du manuscrit original était d’une très belle écriture et accompagné d’une version arabe littérale. Cette version copte était fort différente de celle qui avait été publiée en Angleterre. (Marcel sans doute fait ici allusion à l’édition du Pentateuque et du Nouveau Testament de Wilkins.) La version arabe était faite sur la version copte et ne ressemblait à aucune des versions arabes publiées jusqu’alors. Il serait intéressant de savoir ce que sont devenus les manuscrits du patriarche des Coptes. Quant à la copie de Marcel, elle doit être encore en Angleterre ; peut-être les quarante et un volumes ontils été dispersés en différentes collections. — L’Étude sur les versions coptes, dans la Revue biblique, octobre 1896, p. 541-547, donne la liste des principaux manuscrits contenant des portions plus ou moins considérables de la version bohaïrique, principalement d’après les notes que j’ai recueillies au cours de mes recherches dans les bibliothèques publiques ou privées de la France et de l’étranger.

2° En sahidique. — Nous ne possédons non plus aucun exemplaire complet de cette version ; bien peu de manuscrits contenant dans leur entier tel ou tel livre de l’Ancien ou du Nouveau Testament nous sont parvenus. A mesure que le dialecte bohaïrique supplantait le dialecte memphitique, les manuscrits écrits dans ce dernier dialecte étaient mis au rebut, quand ils n’étaient pas dépecés pour servir aux usages les plus divers. Quelques rares manuscrits ont échappé à peu près indemnes à la ruine de la littérature sahidique ; d’autres nous sont parvenus plus ou moins mutilés ; la plupart, ensevelis pendant des siècles sous les décombres des couvents ruinés, sont devenus depuis une centaine d’années un objet de spéculation pour les Arabes maraudeurs, qui les vendent au détail et au poids de l’or aux explorateurs et aux touristes. Quelques feuillets d’un manuscrit se trouvent ainsi dispersés dans les différentes bibliothèques publiques ou privées de l’Europe. Plusieurs milliers de ces précieux parchemins contiennent des fragments plus ou moins considérables des Saintes Écritures en sahidique ou dans quelque autre dialecte de la Haute Egypte. La plupart de ces collections ont été publiées dans les dix dernières années, séparément et telles quelles, dans le mémo désordre qui avait présidé à leur formation. Il reste à classer tous ces fragments au point de vue paléographique d’abord, puis au point de vue de la linguistique

et de la critique textuelle. Alors seulement nous pourrons avoir une idée exacte de la version sahidique. Nous avons donné la liste des manuscrits bibliques ou autres qui pourront servir à ce travail dans la Revue biblique, octobre 1896, p. 547-565.

3° En fayoumien et en moyen égyptien. — M. Headlam, dans À plain introduction to the criticism of the New Testament de Scrivener, 4e édit., Londres, 1894, t. ii, p. 141-142, s’est efforcé de distinguer les fragments de la version fayoumienne de ceux de la version en dialecte de la Moyenne Egypte ; nous croyons cette distinction prématurée. Aucun des fragments cités par M. Headlam ne nous offre le moyen égyptien pur, tel que nous pouvons le concevoir d’après les documents non bibliques ; tous ont subi plus ou moins fortement l’influence du fayoumien. Nous les traiterons donc tous indistinctement sous un même titre, en attendant que les futures découvertes nous démontrent l’existence d’une version en moyen égyptien. Il vaut pourtant la peine d’attirer l’attention du lecteur sur ce fait extraordinaire, que deux dialectes si peu différents que ceux des fragments dont nous parlons et qui étaient usités dans des endroits si rapprochés, aient eu tous les deux l’honneur d’une version de la Bible. — Pour l’indication de ces fragments, voir Étude sur les versions coptes, dans la Revue biblique, octobre 1896, p. 566-568.

4° Version akhmimienne. — Les premiers fragments bibliques de cette version ont été découverts il y a une douzaine d’années, par M. Maspero, dans les fouilles de la nécropole d’Akhmim. Ils sont sur papyrus et ont appartenu à trois manuscrits différents. M. Bouriant, Les Papyrus d’Akhmim, dans Mémoires de la mission archéol, franc, au Caire, t. i, 1885. À peu près à la même époque, la collection de l’archiduc Rénier s’enrichissait de plusieurs fragments de manuscrits provenant également d’Akhmim, en particulier d’un manuscrit sur parchemin de 130 folios, contenant la version akhmimienne des petits Prophètes. Maspero, Notes sur différents points de grammaire et d’histoire, § 0, dans Recueil de phil. et d’archéol. égyptiennes, t. viii, 1886, p. 181 ; Krall, Ueber den Achmimer Fund, dans Mittheilungen, ii-iii, 1887, p. 265 ; iv, 1888, p. 143. Enfin on trouve de courts fragments de la version akhmimienne du Nouveau Testament du v 8 ou vie siècle dans le n° n de la collection de M. Flinders Pétrie, décrits et publiés par M. Crum, Coptic manuscrits brought from the Fayyuni, Londres, 1893. Cf. Revue biblique, 1896, p. 568-569.

III. Ce qui a été publié des versions coptes. — I. vebsto.v bohaïrique. — 1° Ancien Testament. — Le Pentateuque a été publié potir la première fois par David Wilkins, à Londres, en 1731, censément d’après les trois manuscrits du Vatican, de Paris et de Huntington ; mais, de fait, d’après ce dernier manuscrit seulement, comme le remarque P. de Lagarde dans son édition. En 1854, un Français, Fallet, entreprit de publier le Pentateuque, La version cophte du Pentateuque, d’après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, avec des variantes et des notes. Deux livraisons (Genèse, i-xxvii) seulement de cette publication virent le jour, sans introduction, sans même la clef des sigles des manuscrits d’où les variantes sont prises. — En 1867 parut une autre édition complète du Pentateuque, par P. de Lagarde, basée sur l’édition de Wilkins et un manuscrit de Tattam, daté de l’an 1303. Le manuscrit 1 du Vatican, le plus ancien et sans doute le plus correct des six manuscrits connus, n’a donc pas encore été utilisé !

En dehors des fragments contenus dans le manuscrit de Berlin, or. fol. 446, nous n’avons des autres livres historiques que des péricopes qui ont été insérées dans des livres liturgiques : le Rituel, l’Eucologe ou Pontifical, le Psautier et les Lectionnaires. Les trois premiers de ces livres ont été publiés à Rome par Mo r R. Tuki. (Les

Lectionnaires sont encore inédits.) P. de Lagarde a réuni tous ces fragments et les a publiés, en 1879, sous le titre de BruchslUcke der koptischen Uebersetzung des Alten Testaments. Voir dans la Revue biblique, janvier 1897, la liste de ces fragments avec l’indication des ouvrages imprimés ou manuscrits d’où ils sont tirés. L. Stern avait commencé la publication du manuscrit de Berlin dans la Zeitschrift fur Sgyptische Sprache, 1876, quand Brugsch publia le manuscrit en entier, Der Bau des Tempels Salomos nach der koptischen Bibelversion, Leipzig, 1877, édition assez incorrecte et incomplète, comme le montre P. de Lagarde, Bruchstïwke der koptischen Uebersetzung des Allen Testaments, Gœttingue, 1879.

Job. — Ce livre n’a été publié que par H. Tattam, en 1846, . probablement [ ?] d’après les manuscrits du Brilish Muséum, addit. 18997. The ancient coptic version of the book of Job. Rapprochez de cette édition la version arabe publiée, en 1876, par P. de Lagarde, Psalterium, Job, etc., d’après le manuscrit copte-arabe de Berlin, or. fol. 447.

Le Psautier a été publié pour la première fois à Rome, par Ms r R. Tuki, en 1744, d’après le manuscrit copte 5 de la Bibliothèque Vaticane. Edition liturgique, divisée en cinq livres et suivie des cantiques et des prières de l’Ancien et du Nouveau Testament ; le tout accompagné d’une traduction arabe. Indépendamment de la division semblable à celle des Septante, il y en a deux autres : l’une en

vingt K£>9C-V-2>""X’& (katismata, « sièges, repos » ), l’autre en soixante 2ts.OSA (doxa, & dogme, doctrine » ).

— J. L. Ideler donna une seconde édition du Psautier en 1837 (Psalterium coptice), basée sur le manuscrit de Berlin, or. 4° 157. Il avait jugé très sévèrement l’édition de Tuki, ainsi que la réimpression qu’en avait faite, en 1826, la Société biblique d’Angleterre. — M. G. Schwartze ne jugea pas moins sévèrement le travail d’Ideler, dans la préface de son édition publiée à Leipzig, en 1843, Psalterium in dialect. ling. copticie. L’édition de Schwartze est faite sur les trois manuscrits de Berlin, collalionnés sur l’édition de Tuki, le Codex Alexandrinus et le Codex Vaticanus. — En 1875, P. de Lagarde publia la quatrième édition complète du Psautier bohaïrique, malheureusement en caractères latins. Elle est faite sur les manuscrits suivants : 1° Berlin, or. 4° 157 ; 2° Berlin, Dietz A. fol. 37 ; 3° Oxford, Hunt. 121 ; 4° Oxford, Maresch. 31 ; 5° Paris, copte 5 ; 6° Paris, copte 12 (Diurnal, qui ne contient pas tous les psaumes, in-16, environ xiv siècle). Travail soigné et correct. — Enfin F. Rossi publia, en 1894, Cinque manoscritti copti, avec l’exactitude scrupuleuse qui lui est propre, le Psautier bohaïrique de Turin, avec un facsimilé de ce manuscrit et les variantes de l’édition d’Ideler, la seule qui lui fût connue. Le manuscrit est mutilé : il commence avec le 17° verset du Psaume lxviii, et présente encore quelques lacunes ici et là. — On n’a pas encore tiré parti de tous les manuscrits connus pour l’édition du Psautier.

Proverbes. — Les chapitres i-xiv, 26, contenus dans le manuscrit de Berlin, or. fol. 447, ont été publiés par Paul de Lagarde, en 1875, dans Psalterii versio memphitica, etc., Berlin, 1875, en caractères latins. — Ces mêmes chapitres des Proverbes ont été publiés encore par M. U. Bouriant, en 1882, dans le troisième volume du Recueil dephilolog. et arch. égyptiennes, p. 129 et suiv., d’après deux manuscrits de la bibliothèque du patriarcat jacobite, au Caire. Il est évident que ces manuscrits ont dû être copiés sur le même manuscrit que celui de Berlin, qui est de deux ans plus ancien, s’ils n’ont pas été copiés sur ce manuscrit même. M. Bouriant donne une liste des variantes de l’édition de Paul de Lagarde. Il se trompe d’ailleurs quand il dit que ce dernier a publié

son édition des Proverbes d’après trois manuscrits de Berlin. Paul de Lagarde a publié, dans ses Bruchstûcke, etc., les versets 10-20 du chapitre xxxi, d’après le Rituel de Tuki, p. 532. — Tous ces passages (i-xiv, 26 ; xxxi, 10-20) ont été réimprimés à Rome, en 1886, par Ma’Bsciaï, avec la traduction arabe.

Sagesse de Salomon. — M. Bouriant, dans ses Fragments memphitiques (Recueil, vii, Paris, 1886), a publié les passages suivants de ce livre, tirés d’un Lectionnaire de la semaine pascale, « copié en 1592 ( des Martyrs AD. 1876), d’après un livre très ancien, par un prêtre copte : » chap. i, 1-9 ; ii, 12-22 ; v, 1-7 ; vii, 24-29.

Sagesse de Sirach. — Ce savant a publié aussi dans le précédent travail, d’après le même manuscrit, les passages suivants de la Sagesse de Sirach (Ecclésiastique) : i, 1-16, 18-27 ; ii, 1, 9 ; iv, 20-v, 2 ; xii, 13-18 ; xsn, 9-18 ; xxiii, 7-14 ; xxiv, 1-12. — P. de Lagarde, dans ses Bruchstùcke, avait publié ii, 1-9, d’après le Rituel de Tuki, p. 530.

Les douze petits Prophètes. — On trouvera dans Quatremère, Daniel et les douze petits Prophètes [Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Impériale, vin, Paris, 1810), des détails intéressants sur les premiers essais de l’édition de cette partie de la version copte bohaïrique. Ces essais ne sont pas assez importants pour que nous nous y arrêtions ici. Quatremère lui-même n’a publié que de courts extraits dans son travail, à l’exception toutefois du prophète Zacharie, qu’il donne en entier avec une traduction latine. Le texte copte est basé sur les deux manuscrits de la Bibliothèque Nationale, et l’auteur indique les variantes du Codex Vaticanus et du Codex Alexandrinus. — Henry Tattam a publié à Oxford, en 1836, une édition complète, avec traduction latine, des douze petits Prophètes, Duodecim Prophetarum minorum libros latine edidit, etc. Elle est basée sur une copie de Woïde des deux manuscrits de Paris, collationnée sur un manuscrit in-folio qui avait appartenu à J.-J. Marcel, et qui était alors en la possession de J. Lee de Hartwell. Malheureusement Tattam, dans cet ouvrage comme dans les autres dont nous allons parler, ne donne pas l’indication des différentes leçons des manuscrits, en sorte que son travail au point de vue de la critique est à peu près inutile. — Le livre de Baruch a été publié par Mo r Bsciai, Liber Baruch, Rome, 1870, d’après un manuscrit du Caire, et par M. Kabis dans la Zeitschrift fur àgyptische Sprache, 1872-1874.

Daniel. — Ce prophète, dans les manuscrits coptes, vient généralement immédiatement avant ou immédiatement après les petits Prophètes. Dans les manuscrits coptes, le texte de Daniel est divisé en treize visions, comme il suit :

Vision I. Histoire de Susanne.

— IL Chapitre I du texte grec.

— 111. — il »

— IV. — iii, 1-30° avec le cantique des trois

enfants dans la fournaise.

— V. — iii, 31 -îv.

— VI. — v, 1-29.

— VII. — v, 30-vi.

— VIII. — vu.

— IX. — vin.

— X. — ix.

— XL — x-xii.

— XII. — Histoire de Bel.

— XIII. — Histoire du Dragon et de Daniel dans

la fosse aux lions.

Les manuscrits coptes contiennent en plus une quatorzième vision, morceau des plus apocryphes. Cette division en treize visions est entièrement conforme à celle du Codex Alexandrinus, si ce n’est que dans celui-ci l’histoire du Dragon fait partie de la vision précédente, ce qui réduit le nombre des visions à douze ; on voit

par les scholies du Codex Vaticanus que cette division se trouvait aussi dans d’autres manuscrits grecs. — La dixième vision a été publiée par F. Mûnter, à Rome, 1786, Spécimen versionum Danielis coplicarum, etc., en bohaïrique, d’après le manuscrit de la bibliothèque Angélique, et en sahidique, d’après les fragments de la collection Borgia. — En 1849, J. Bardelli publia une édition complète de Daniel, Daniel copto-memphitice, Pise, d’après les deux manuscrits de Paris, et le manuscrit de Tattam, dont il ne donne malheureusement pas la description. Il s’est aussi servi pour quelques passages du manuscrit de Paris, copte 51, qui contient l’office de la semaine sainte ; les variantes sont soigneusement notées en marge ; le texte sahidique de la vision X est réim ; primé d’après l’édition de Mûnter. — Henry Tattam donna

; une seconde édition complète de Daniel en 1852, avec
; traduction latine. Il s’est servi du manuscrit de Paris, 

f copte 2, et des deux manuscrits qu’il avait rapportés

; d’Egypte ; sur l’un de ces deux manuscrits il avait reporté

i des variantes recueillies par lui-même en Egypte, sur un manuscrit de date récente. Bardelli s’était servi, aussi de ces variantes.

Isaïe et Jérémie (avec les Lamentations). — Ces deux prophètes, par malheur, n’ont été publiés que par Tattam, en copte, avec traduction latine, en 1852, Prophétie majores diatect. ling. segypt., Oxford. Pour son édition, Tattam s’est servi d’une copie qu’il avait faite au Caire sur le manuscrit du patriarcat catholique, et collationnée sur l’exemplaire du patriarcat jacobite. Il avait aussi collationné le texte d’Isaïe sur le manuscrit de R. Curzon, et celui de Jérémie et des Lamentations sur le manuscrit qui lui avait été donné par le duc de Northumberland. Les variantes ne sont pas indiquées.

Ezéchiel. — La seule édition de ce prophète est celle de H. Tattam, parue en 1852. L’auteur ( Prophétie majores, t. i, p. vu) nous dit qu’il s’est servi de la copie qu’il avait faite du manuscrit de la Bibliothèque Nationale, à Paris, après l’avoir collationnée sur l’exemplaire de J. Bardelli et le manuscrit de J. Lee. Mais ce dernier manuscrit n’était lui-même qu’une copie du manuscrit de Paris, comme nous l’apprend Bardelli, Daniel coptomemphitice, p. xix, et je crois qu’il faut en penser autant de l’exemplaire de Bardelli.

2° Nouveau Testament. — La version bohaïrique du Nouveau Testament a été publiée en entier, pour la première fois, en 1716, par David Wilkins, avec une traduction latine. C’est l’édition princeps de toute la version bohaïrique. Elle est basée sur les manuscrits suivants Oxford, Bibliothèque Bodléienne, Hunt. 21 ; Hunt. 20 Maresc. 5 ; Maresc. 6 ; Maresc. 52 et 53 ; Maresc. 99 Hunt. 4 (sahidique) ; Hunt. 394 (sahidique) ; Hunt. 43 Hunt. 122 ; Hunt. 203. — Rome, Bibliothèque Vaticane Copt. 8 ; Copt. 9 ; Copt. 10 ; Copt. Il ; Copt. 14 ; Copꝟ. 16

— Paris, Bibliothèque Nationale, Copt. 13 ; Copt. 59 ; plus deux autres manuscrits Reg. 331, que je suppose être le Copt. 17 et Reg. 330. Il y avait là tous les éléments d’un bon travail critique, que nous cherchons en vain dans l’édition de Wilkins. Point de variantes de tous ces différents manuscrits : l’auteur se contente de donner dans ses prolégomènes quelques rapprochements du texte qu’il a choisi avec le grec et les autres versions. De plus, la traduction latine ne mérite aucune confiance. — En 1829, la British and Foreign Bible Society publia une édition de la version bohaïrique (avec traduction arabe) des quatre Évangiles, à l’usage des Coptes. Le texte copte, édité par H. Tattam, n’est autre que celui de l’édition de Wilkins, collationnée sur le manuscrit de la Société. Ce travail n’a aucune valeur critique. Scrivener, À plain Introduction, t. ii, p. 107. — M. G. Schwartze, dont nous avons déjà parlé à propos du Psautier, avait entrepris de donner une nouvelle édition complète du Nouveau Tes-’tament ; il ne publia que la première partie de son trai vail ; elle parut en deux volumes : saint Matthieu et saint

Marc, en 1846 ; saint Luc et sain ! Jean, en 1847. Schwartze connaissait beaucoup mieux la langue copte que Wilkins ; cependant son édition n’est pas aussi supérieure à celle de son devancier au point de vue critique qu’on avait le droit de s’y attendre. Il s’est limité aux manuscrits de Berlin, c’est-à-dire or. Dietz A, fol. 40, les copies de Petræus (celles-ci n’ayant aucune valeur critique) et à l’édition de Wilkins ; pour les variantes du texte grec, il n’a recours qu’au Codex Ephrzem, et aux éditions de Tischendorf, 1841, et Lachmann, 1842. Il ne donne pas la traduction latine. D’autre part, Schwartze a profité de la publication des textes sahidiques par Woïde, dont il donne les variantes dans ses notes, quelquefois avec des corrections, ce dont il faut lui savoir gré. La mort arrêta l’œuvre de Schwartze. — Les matériaux que ce savant avait réunis pour la seconde partie de son travail furent confiés à P. Bœtticher (plus connu sous le nom de P. de Lagarde), qui se chargea de terminer l’édition, mais sur un plan différent. Les variantes de la version grecque furent exclues, et les manuscrits coptes des bibliothèques étrangères furent mis à contribution, quoique d’une manière insuffisante. Pour les Actes et les Épîtres catholiques il se servit : 1° de la collation que son prédécesseur avait faite de deux manuscrits anglais, qu’il se contente de désigner par les épithètes de Tattamianus (Brit. Mus., or, 424) et de Curetonianus (Parham, 124) ; 2° d’une collation faite par lui-même, ou par un autre, des manuscrits coptes 65 et 66 de la Bibliothèque Nationale. Pour les Épîtres de saint Paul il utilisa les deux mêmes manuscrits anglais et un manuscrit de Paris, peut-être Copt.17. Cf. Scrivener, Introduction, t. ii, p. 120. Les Actes des Apôtres parurent en 1852, les Épîtres de saint Paul et les Épîtres catholiques, en 1852 aussi. Le texte n’est pas traduit, en sorte qu’il est inutile pour ceux qui ne savent pas le copte. — À peu près en même temps Henry Tattam publia une magnifique édition du Nouveau Testament, pour le compte de la Society for promoting Christian knowledge, à l’usage du « saint patriarche et de l’Église du Christ, en Egypte ». Les Évangiles parurent en 1847, les Actes, les Épîtres et l’Apocalypse en 1852. Cette édition est basée sur un manuscrit du patriarche jacobite et des manuscrits en possession de Tattam et de R. Curzon. Comme les autres éditions de Tattam et pour les mêmes raisons, elle n’a aucune valeur critique.

II. version sahidiqub. — C’est à R. Tuki que revient le mérite d’avoir donné les premiers spécimens de la version sahidique, dont il a publié de nombreux fragments dans sa grammaire, Rudimenta linguse copiée. Le manuscrit dont il s’est servi appartenait sans doute à l’ancien fonds de la Propagande, s’il n’était pas sa propriété personnelle ; car les Rudimenta parurent en 1778, et ce ne fut qu’en 1778 que le cardinal Borgia reçut les premiers fragments de sa collection. — Les premiers fragments de quelque importance qui furent publiés sont ceux de la collection Nani, I et ii, l’un de saint Matthieu et l’autre de saint Jean. Ils parurent en 1785, dans l’ouvrage jEgyptiorum Codicum reliquiæ Venetiis in Bibl. Naniana asservatse, Bologne, de J. A. Mingarelli, savant helléniste de Bologne, à qui le chevalier Nani avait envoyé sa collection et qui la publia avec une exactitude qui surprend de la part d’un homme qui n’avait jamais étudié la langue copte avant d’entreprendre ce travail. La publication de Mingarelli devait comprendre trois fascicules ; les deux premiers seuls parurent ; l’impression du troisième était commencée, quand l’auteur fut arrêté par la mort. On conserve à la Bibliothèque de Bologne, avec les papiers de Mingarelli, un exemplaire imprimé (l’unique, je crois) de ce troisième fascicule resté inachevé. Il contient : 1° un fragment de l’Évangile de saint Marc, xr, 29-xv, 22 (fragment xvii) ; 2° les citations des Psaumes groupés en concordance (fragm. xviii), auxquelles nous avons fait allusion plus haut ; et 3° un fragment d’une homélie sur les premiers mots de l’Évan gile de saint Matthieu : Liber generationis Jesu Christi (fragm. xix). Chaque fragment est traduit et annoté comme dans les deux premiers fascicules. Le premierfragment de la collection Borgia fut publié en 1789, par Te savant augustin A. Giorgi, Fragmentum Evangelii, etc. Ce sont les portions de l’Évangile de saint Jean contenues dans le n° 65 du catalogue de Zoega. Ce fragment est en copte et en grec et faisait probablement partie d’un manuscrit complet des quatre Évangiles. Le texte grec comprend vi, 28-67, et vii, 6-vin, 31. — La même année, le savant Danois, M. Frédéric Mûnter, publia sa Commentatio de indole versionis sahidicse, in-4°, Copenhague, ouvrage qui était terminé depuis plus d’un an, dit-il. On y trouve, d’après le n° 86 du catalogue de Zoega, les passages suivants : I Tim., i, 14- iii, 16 ; vi, 4-21 ; Il Tim., i, 1-16. — Trois ans auparavant, le même savant avait publié le chapitre ix du livre de Daniel, d’après le n° 13 de la collection Borgia, dans l’ouvrage dont nous avons déjà parlé à propos de la version bohaïrique, Spécimen versionum Danielis, etc.

Ch. G. Woïde fut le premier à entreprendre une édition critique de la version sahidique. Dès 1778 il était chargé par l’université d’Oxford de mettre en ordre et de publier les fragments du Nouveau Testament dans le dialecte de la Haute Egypte, d’après les manuscrits de la bibliothèque Bodléienne (fonds Huntington), et il se mit à l’œuvre sans délai ; mais à mesure qu’il avançait dans son travail ses matériaux augmentaient : il acquérait lui-même neuf fragments assez considérables par l’intermédiaire du consul anglais d’Egypte, G. Raldwin ; Mingarelli publiait les fragments de la collection iam, et le scvant J. S. Chr. Adler, de Copenhague, communiquait à l’auteur ù.vers fragments par lui copiés dans la collection Borgia. Ce ne fut qu’en 1788 que Woïde put commencer l’impression de son ouvrage ; il mourut avant de l’avoir terminée, en 1790. Henry Ford fut chargé par les directeurs de la Clarendon Press de continuer l’impression. Ce savant, non content de donner ses soins à l’édition et d’achever, la traduction latine, revit soigneusement le texte sur les originaux, examina et corrigea ce qui avait déjà été imprimé de la traduction, et rédigea la préface. L’ouvrage, Appendix ad edilionem Novi Testamenti grseci e codice ms. Alexandr., parut enfin à Oxford en 1799. Comme le titre l’indique, c’est un appendice à l’édition du Codex Alexandrinus par Woïde ; on y trouve une longue dissertation de ce savant sur la version copte, dissertation que Ford a enrichie d’excellentes notes. Par l’examen comparé de nos listes des fragments du Nouveau Testament (cf. Revue biblique, octobre 1896, p. 559-565), on se rendra compte des ressources que Woïde et Ford ont eues à leur disposition et du mérite de leur travail.

Cependant le cardinal Borgia se préoccupait de faire publier un catalogue de sa riche collection, alors déposée à Velletri. Il confia ce soin au savant G. Zoega, déjà connu par le catalogue des monnaies égyptiennes de la même collection, Nummi eegyptii, 1787, et par son fameux ouvrage sur les obélisques, De origine et usu obeliscorum, in-f°, Rome, 1797. Le catalogue fut commencé en 1801 ou 1802. Le cardinal mourut en 1804, laissant par testament toute sa collection à la Propagande, qui, l’ayant réunie à l’ancien fonds de manuscrits orientaux, déjà augmenté des manuscrits originaux et des copies de R. Tuki, lui donna le nom de musée Borgia. Zoega compléta alors son travail par la description de l’ancien fonds copte de la Propagande. L’impression fut commencée en 1805, et elle était presque achevée quand l’auteur fut arrêté par un procès avec les héritiers du cardinal. Zoega mourut lui-même en 1809, et son catalogue ne parut que l’année suivante, sous le titre assez inexact de Catalogus codicum copticorum manu scriptorum gui in museo Borgiano Velitris adservantur. — Le Catalogus de Zoega est resté jusqu’à aujourd’hui le 91l

    1. COPTES##

COPTES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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plus important de la littérature copte. Il contient plusieurs index fort complets et des fragments de la version sahidique ; mais il n’en reproduit que de courts fragments, dont on trouve l’indication dans l’ouvrage de M9 r Ciasca, Sacrorum Bibliorum fragmenta copto-sahidica, Rome, 1885-1889, t. i, p. vin et suiv.

A cette période d’activité succéda un long sommeil des études scripturaires coptes, sommeil qui se prolongea près de trois quarts de siècle, pour la version sahidique tout au moins. Rien de cette version, dont l’importance était pourtant bien connue, ne fut publié pendant les soixante-quinze années qui s’écoulèrent de la publication de YAppendix deWoïde à celle du Psallerii copto-thebani spécimen de Bernardin Peyron. Cet ouvrage parut en 1875, d’après le manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Turin, avec des notes critiques tirées des trois éditions du Psautier bohaïrique par Tuki, Ideler et Schwartze, et aussi du manuscrit bohaïrique de Turin, qui depuis a été publié par F. Rossi. Comme Schwartze, B. Peyron se servit aussi des manuscrits grecs, mais sur une plus grande échelle et avec une méthode toute différente ; car, tandis que le savant allemand partait de l’hypothèse que le texte copte le plus pur est celui qui se rapproche le plus de l’hébreu, B. Peyron pose comme principe que les versions coptes ont été faites sur un texte des Septante déjà fortement égyptianisé, et c’est ce texte qu’il essaye de rétablir. Psallerii c.opto-thebani, p. 10.

— La même année P. de Lagarde publiait, avec le Psautier bohaïrique dont nous avons parlé plus haut, les fragments du Psautier sahidique de la bibliothèque de lord Zouche, Parh. 111, malheureusement transcrits en caractères latins. — Ms r Agapios Bsciaï, vicaire apostolique des Coptes, homme très versé dans la connaissance de la langue copte, publia en 1882, dans la Revue égyptologique, t. l, p. 358 et suiv., Liber Proverbiorum coptice, cum notis, d’après les manuscrits de la collection de la Propagande. Le P. A. Ciasca, de l’ordre des Augustins, alors consulteur et interprète de la Propagande, maintenant archevêque de Larisse et secrétaire de la même congrégation, a édité le reste de la collection. Le premier volume, comprenant les livres historiques, parut en 1885, avec dix-sept fac-similé en photolithographie ; le second, contenant le reste de l’Ancien Testament, en 1889, avec vingt-six fac-similé en phototypie. Dans la préface du premier volume on trouvera en note le fragment des Rois conservé à la bibliothèque Laurentienne, à Florence. Cette édition ne laisse absolument rien à désirer au point de vue de l’exacte reproduction des manuscrits. L’auteur a respecté le texte des originaux jusque dans ses moindres détails. D’ailleurs il note fort soigneusement, au bas de la page, les variantes des textes bohaïriques ou sahidiques déjà publiés ou manuscrits, et celles du Codex Vaticanus, du Codex Alexandrinus, du texte grec des Septante, de Sixte-Quint (édition de Tischendorf, et pour la Genèse édition de P. de Lagarde), de la version syrohexaple (éditions de Ceriani, de Lagarde, 1880, et Skat Rorda, 1861) et, dans les passages où la version sahidique s’éloigne des textes bohaïrique et grec, les variantes de l’hébreu et de la Vulgate.

A Gcettingue, Adolphe Erman publiait, en 1880, ses Rruchslûcke der oberâgyptischen Vebersetzung des Allen Testaments, ou fragments de la version sahidique de l’Ancien Testament, d’après les copies faites en Angleterre, en 1848, par Morritz Schwartze. Ce sont : 1° un fragment de l’Exode, d’après Parh. 109 ; 2° deux fragments des livres des Rois, d’après un manuscrit de H. Tattam, qui se trouve peut-être dans la collection Crawford ; 3° un fragment de Jérémie, aussi d’après un manuscrit de Tattam, qu’il m’est également impossible d’identifier avec certitude ; 4° différentes péricopes de l’Ancien Testament, d’après le Lectionnaire Bodl. Hunt. 5, où Woïde a si fréquemment puisé pour son édition du Nouveau Testament. Ceux de ces fragments qui ne se

trouvaient pas dans la collection Borgia ont été réimprimés en note par M » r Ciasca dans son ouvrage.

Trois ans plus tard, P. de Lagarde publiait dans ses jEgypiiaca, Gœltingue, 1883, la Sagesse de Salomon et celle de Sirach, ainsi que le Psaume ci, d’après le manuscrit de Turin, dont, dès 1853, il s’était procuré une copie faite par le savant Amédée Peyron. En France, Ch. Ceugney, élève de l’École des hautes études, publia, en 1880, des fragments de la version sahidique, d’après les manuscrits coptes 68, 78 et 102 de la Bibliothèque Nationale, Quelques fragments coptes thébains inédits, Recueil ii, Paris, 1880. Dans le manuscrit 102, toutefois, il a négligé quelques fragments. — M. G. Maspero avait publié en 1873, dans les Mélanges d’archéologie, etc., t. i, p. 79, le passage IV Reg., xxv, 27-30, écrit sur un ostracon que lui avait donné M. Egger. En 1883, il donna dans ses Etudes égyptiennes, t. i, p. 266-300, plusieurs fragments de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le même savant publia en 1885, dans le Recueil vi, p. 35-37 : des Actes, ix, 36-x, 10 ; de l’Épître aux Romains, vi, 4-6, et de la première Épitre de saint Pierre, iv, 12-14. Ces derniers fragments proviennent des ruines d’Asfoun, au sud d’Erment. L’année suivante, M. Maspero donnait, dans le tome vi du même ouvrage, p. 47-48, deux autres fragments : saint Matthieu, xxv, 14-41, et saint Luc, iii, 81x, 18, dont on n’indique pas non plus la provenance ni le possesseur. — Deux fragments : saint Matthieu, vii, 13-vni, 31, et saint Luc, xxiv, 12-26, appartenant au musée de Boulaq, furent publiés en 1882, par M. Boudant, dans le IVe volume du Recueil, p. 2-4. Ils avaient été achetés à un marchand du Caire. — En outre, M. Bouriant a publié en 1885, dans les Papyrus d’Akhmim (Mémoires, t. i, p. 259), dont nous avons déjà parlé à propos de la version alihmimienne, le fragment sur papyrus de saint Luc, I, 30-68, et deux ans plus tard, dans son Rapport au ministre de l’instruction publique sur une mission dans la Haute Egypte (Mémoires, t. i, p. 395 et suiv.), il a donné le texte de plusieurs autres fragments de la version sahidique provenant du monastère d’Amba - Chenoudah. — M. E. Amélineau a été chargé à trois reprises de missions scientifiques, à Londres, 1862 ; à Rome, 1884, et à Naples et à Rome, 1885, à l’effet de copier les manuscrits coptes du dialecte sahidique se rapportant à la publication du Nouveau Testament. Comme résultat de ces différentes missions, nous avons de M. Amélineau : 1° les Fragments coptes, parus en 1884, dans le Ve volume du Recueil (ce sont les manuscrits 1, 3, 4 et 5 de la collection de lord Crawford ) ; 2° les Fragments de la version thébaine de l’Écriture (Ancien Testament), commencés en 1886, dans le vne volume du Recueil, achevés en 1889, dans le Xe volume de la même publication. L’auteur a simplement édité, dans l’ordre dés livres de la Bible, les nombreux fragments qu’il avait copiés. Plus des quatre cinquièmes du texte publié par lui représentent la collection Borgia, qui a été éditée par Mo r Ciasca avec une exactitude qui ne laisse rien à désirer. 3° Concurremment à cette publication parurent les Fragments thébains inédits du Nouveau Testament, dans la Zeitschrift fur âgypt. Sprache, 1886, p. 41, 103 ; 1887, p. 47, 100, 125 ; 1888, p. 96, sur le même plan, c’est-à-dire sans variantes ni indications critiques. — Nous mentionnerons aussi l’édition du livre de Job, que le même M. Amélineau a publiée, en 1887, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archseology.

La dernière publication de quelque importance, quant à l’étendue, pour la version sahidique est celle des Fragments de la version thébaine de l’Ancien Testament, par M. G. Maspero (t. vi des Mémoires, 1892). C’est la collection de la Bibliothèque Nationale, provenant du monastère d’Amba-Chenoudah. Le travail de M. Maspero est bon et vraiment utile. Le texte des manuscrits semble avoir été reproduit avec une rigoureuse fidélité, jusque 943

    1. COPTES##

COPTES (VERSIONS) DE LA BIBLE

dans les détails d’accentuation et de ponctuation. Chaque fragment est décrit d’une manière suffisante pour que le paléographe se représente la matière et le style calligraphique du manuscrit. On aurait pourtant désiré que ces fragments eussent été classés et numérotés, comme dans le catalogue de Zoega. — De courts fragments de la collection de l’archiduc Rénier ont été publiés par M. Krall, Aus einer Koptischen Kloslerbibliothek, dans Miltheilungen i, 1887, p. 67-68 ; ii-m, p. 67-69. — Dans le deuxième fascicule du second volume de ses Papiri Copti, F. Rossi a publié, en 1889, Alcuni Capitoli dei Proverbi di Salomone, tirés du Papyrus Seplimus d’Amédée Peyron (Lexicon). Ce sont vingtcinq fragments d’un manuscrit des Proverbes (xxvii à la fin du livre, une grande partie des chapitres xxiv-xxvi et quelques versets des chapitres xvii, xviii, xx, xxi et xxvi). Ce même savant a trouvé aussi un certain nombre de versets des chapitres xx, xxi-xxvii du livre de Job et les a publiés à Rome, en 1893, avec les autres fragments du même papyrus, Un nuovo Codice copto del Museo di Torino.

Les fragments de la collection de la Bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg ont été publiés par M. Oscar von Lemra dans ses Bruchstùcke der sahidischen Bibelïibersetzung, Leipzig, 1885, avec un supplément paru dans la Zeilschrift fur àgypt. Sprache, en 1885, sous le titre de Sieben Sahidische Bibel fragmente. Les fragments sahidiques de la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg qui se rapportent à la Bible appartiennent à deux fonds : l’ancien fonds et celui de Tischendorf. L’ancien fonds est représenté par un seul manuscrit, le n° dcxiii du catalogue de Dorn, contenant Josué, xv, 7-xvii, 1. Comme M9 r Ciasca l’a montré, Sacrorum Bi~ bliorum fragmenta copto - sahidica, Rome, 1885-1889, t. i, p. xxi-xxii, ce manuscrit n’est qu’une copie (inachevée ) du n° XI du musée Borgia ; le fac-similé qu’en donne 0. von Lemm me porte à croire que cette copie est de la main de R. Tuki. Le fonds de Tischendorf est représenté par : 1° cinq feuillets et plusieurs petits fragments cotés Cod. copt. Tischendorf ! (ce sont des restes d’un manuscrit des Évangiles) ; 2° plusieurs petits fragments non cotés, qui ont appartenu à un Katameros ou Lectionnaire. Le fragment de Josué et les fragments de l’Évangéliaire forment le corps de la publication de M. 0. von Lemm ; ceux du Katameros sont placés dans la préface, sous forme d’appendice. — En 1890, le même savant publia dans ses Sahidische Bibelfragmenle (Bulletin de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, t. x, 1889) trois fragments provenant du monastère de Chénouti, maintenant conservés au palais de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg : 1° Prov., xi, 16- xii, . 13 ; 2° S. Jean, x, 8-29 ; 3° ibid., xii, 48-xiii, 9. — La même publication contient aussi cinq fragments de la même provenance, appartenant à M. Golenischeff : 1° Ps. xlix, 14- L, 13 ; 2° Ps. cxviii, 152cxix, 1 ; 3° Marc, vi, 46-ix, 2 ; 4° Coloss., iv, 2-8 ; 5° I Thess., i, l-6.

IV. Date des versions coptes. — Nous pourrions rechercher sous ce titre : 1° à quelle époque les Saintes Écritures ont été traduites en copte ; 2° à quelle époque remontent les versions coptes telles qu’elles nous sont parvenues. Mais la seconde question, dans l’état présent de nos connaissances, ne pouvant guère être résolue que par l’examen critique du texte, trouvera naturellement sa réponse sous le titre suivant, où nous parlerons de la nature et de l’importance des versions coptes.

Daniel Huet, De oplimo génère interpretandi et de clans interpretibus, la Haye, 1863, p. 153, après avoir rapporté l’opinion commune que la version copte de l’Ancien Testament a été faite sur les Septante, ajoute que, d’après ce que l’on croit, d’autres versions coptes avaient, été faites sur l’hébreu. Cf. Mûnter, Spécimen versionum ] Danielis copticarum, p. 33 et Théodoret, Grsec. affect. Serm. v, t. lxxxiii, col. 948. — L’existence d’une ver-’sion copte fuite sur l’hébreu est attestée par un certain j

Zozime, de Panopolis (Akhmim), auteur d’un ouvrage de chimie inédit, qui nous a été conservé dans un manuscrit grec de la Bibliothèque de Gotha. Cyprianus, Catalogus, Lipsiæ 1714, p. 87, ad cod. cclxix. D’après Mûnter, Spécimen, p. 34-36, à qui nous empruntons ces détails, l’ouvrage en question serait probablement antérieur à l’an 390 ; mais Woïde, Appendix ad editionem Novi l’estamenti, p. [135] ; cf. ibid., p. xix, ne considère pas ce témoignage isolé comme concluant. Il le rapproche pourtant du fait déjà remarqué par Lacroze, Thésaurus Epistolicus, t. iii, p. 70, que certains Psaumes sont exempts de tous mots grecs, même de ceux qui dans les autres livres de la Bible sont généralement employés de préférence à leurs équivalents coptes ; d’où on pourrait conclure que ces Psaumes appartiennent à une version faite directement sur l’hébreu et non sur le grec, et probablement par des Juifs. Il paraît, en effet, assez probable, que certaines communautés juives d’Egypte avaient traduit les Saintes Écritures en copte pour leur usage. Mais cela ne prouverait rien en faveur de l’antiquité de la version copte, rien ne nous permettant de supposer que ces traductions soient plus anciennes que le Talmud de Babylone, qui est notre unique source d’informations sur ce point. Voyez Buxtorf, Lexicon Talmudicum, aux mots tdsi et Db>y. Woïde, Appendix, p. [136]-[139], avait cru trouver un argument plus décisif dans les citations de l’Écriture Sainte des ouvrages gnostiques contenus dans les Codex Askewanus et Brucianus. D’après ce savant, la Pistis Sophia du Codex Askewanus ne serait autre que la Sagesse de Valentin, dont parle Tertullien, Adversus Valentinianos, ch. ii, Migne, Pair, lat., t. ii, et aurait été composée en copte dans la première moitié du IIe siècle. Les citations de l’Écriture prouveraient l’existence d’une version copte sahidique au commencement du IIe siècle. Le Codex Bmcianus donnerait le même résultat : les éons dont il y est question étant évidemment les mêmes que ceux dont parle saint Irénée, il s’ensuivrait que les ouvrages gnostiques contenus dans ce manuscrit seraient antérieurs à saint Irénée (120-122). Mais, à supposer même que ces ouvrages gnostiques soient aussi anciens que le dit Woïde, et qu’ils aient été originairement écrits en copte (deux points que l’auteur affirme plutôt qu’il ne les prouve), la présence de citations de la Bible ne démontre nullement, à notre avis, l’existence d’une version copte à cette époque : Valentin et les autres gnostiques savaient certainement le grec et n’auraient pas été embarrassés pour traduire en copte les textes de l’Écriture qu’ils voulaient citer. D’ailleurs M. Schmidt, Gnostiche Schrifter in kopticher Spraclie, etc., Leipzig, 1892, qui vient d’examiner avec tous les secours de la critique moderne les ouvrages contenus dans ces deux manuscrits, est d’une opinion toute différente de celle de Woïde. La Pistis Sophia ne serait pas l’ouvrage de Valentin, mais d’un ou plusieurs gnostiques de la secte des Sévériens (p. 659) ; elle aurait été composée en grec (p. 11), vers le milieu du me siècle (p. 598). Quant au Codex Brucianus, il le considère comme formé de deux manuscrits distincts de contenu et d’âge (p. 18). Le premier, divisé en deux parties (les deux livres de Jéù), a pour titre Livre du grand Logos xaià [i’joTTJpiov (p. 27), et, comme la Pistis Sophia, a été composé en grec (p. 11), par un Sévérien (p. 659), vers le milieu du me siècle (p. 598). Le second ouvrage du Codex Brucianus n’a plus de titre ; il serait l’œuvre d’un gnostique de la secte des Séthiens - archontiqùes (p. 659), et aurait été composé en grec (p. 11), vers la fin du IIe siècle (p. 664). Des deux manuscrits du Codex Brucianus, le second serait le plus ancien et pourrait dater de la fin du v « siècle ; le premier serait du commencement du vi" siècle (p. 12-13 ; cf. p. 32 et 35). Ainsi donc les citations de l’Ancien et du Nouveau Testament contenues dans les ouvrages gnostiques ne prouvent rien en faveur de l’antiquité de la version copte. La véritable preuve de l’antiquité des versions coptes

est dans la rapide diffusion du christianisme en Egypte aux temps apostoliques. Ce pays fut, en effet, un des premiers à recevoir la Bonne Nouvelle. Elle y fut apportée, probablement avant l’arrivée de saint Marc, par les Juifs qui se trouvaient à Jérusalem lors de la première Pentecôte. Ces nouveaux chrétiens, qui étaient des Juifs hellénisants, se servant de la langue grecque, n’éprouvèrent sans doute pas le besoin de traduire les Écritures en langue copte. Quoi qu’il en soit, la nouvelle religion se répandit rapidement parmi les indigènes dès l’arrivée de saint Marc (Tillemont, Mémoires… Hist. eccl., saint Marc), ou plus probablement en 40 (Du Sollier, Bolland., Act. sanct., junii t. vii, p. 12*44*). À sa mort, c’est-à-dire en 62 (du Sollier, ibid., p. 5*-6*), ou au plus tard en 68 (Tillemont, ibid.), l’Egypte, suivant l’opinion de la plupart des savants, comptait déjà plusieurs évêques. (Du Sollier, ibid., p. 9*- 10*.) Le christianisme était donc déjà fortement implanté dans ce pays.

Bien d’ailleurs, pendant les cent cinquante ans qui suivirent la mort de saint Marc, ne vint entraver les progrès de la religion chrétienne en Egypte, et c’est sans doute aux puissantes racines que la foi poussa alors dans ce pays qu’il faut attribuer la vigueur avec laquelle il résista plus tard aux persécutions et à un ennemi plus redoutable encore, l’hérésie. Neale, The history of the holy Eastern Church, Patriarchate of Al’exandria, t. i, p. 12. L’histoire des persécutions de Sévère, en 189 ; de Dèce, en 247 ; du schisme de Novat et de l’hérésie de Sabellius (260), montre qu’à ces diverses époques le christianisme était très répandu dans la vallée du Nil. Et la persécution de Dioclétien prouve trop clairement que l’Egypte, à la fin du IIIe siècle, était universellement et profondément chrétienne. Il y avait des évêques partout, et le monachisme, inauguré par saint Antoine, croissait avec une rapidité surprenante.

On ne peut pas conclure de cela que dès la fin du 1 er siècle l’Écriture Sainte ait été traduite en langue égyptienne. Les premiers évangélisateurs de l’Egypte, comme ceux de l’Arménie et d’autres contrées, se sont probablement contentés d’expliquer dans la langue du pays le texte grec de la Bible. Le grec est resté pendant plusieurs siècles la langue sacrée (liturgique et scripturaire) de l’Egypte, comme on peut le conclure de nombreux fragments manuscrits gréco-coptes, liturgiques ou bibliques, qui nous sont parvenus. Il est pourtant fart probable que des versions égyptiennes durent être faites dans le courant du ne siècle, le christianisme étant alors suffisamment répandu pour que l’ancienne population égyptienne ait formé la masse des fidèles et du clergé. Cette probabilité se change en certitude pour le IIIe siècle. L’histoire ecclésiastique nous apprend que les Saintes Écritures étaient alors excessivement répandues chez les chrétiens d’Egypte, dont la grande majorité, appartenant aux classes les moins instruites, ignoraient complètement le grec. Plusieurs passages de la vie de saint Antoine (Patr. gr., t. xxvi, col. 841, 944 et suiv.) prouvent d’une façon certaine que ce saint ermite ne connaissait d’autre langue que l’égyptien, et pourtant ce fut en entendant lire l’évangile à l’église qu’il se décida à la vie monastique. Saint Athanase prétend que ce saint possédait à fond les Saintes Écritures, assertion que confirment les nombreuses citations de l’Ancien et du Nouveau Testament que l’on rencontre dans les quelques écrits que saint Antoine nous a laissés. [Pair, gr., t. XL, col. 953-1102.)

L’histoire nous montre à la même époque un nombre considérable de personnages distingués, évêques ou abbés, qui étaient très versés dans les Saintes Ecritures, et qui pourtant, comme saint Antoine, ignoraient le grec. La langue des églises et des monastères était la langue égyptienne. Saint Pacôme lui-même (292-318) n’avait appris le grec que dans un âge relativement avancé (Bosweyde). Nous voyons pourtant par sa règle monastique, que saint Jérôme nous a conservée (Patr. lat., t, xxui,

col. 70), que l’étude de l’Écriture Sainte était une des principales occupations de ses moines. Les postulants devaient apprendre les Psaumes avant d’être admis dans le monastère, et les religieux les plus ignorants devaient savoir par cœur le Psautier et le Nouveau Testament. Aussi saint Épiphane, Advenus Hieracitas, t. xlii, col. 171, nous dit-il que Hierax, hérétique égyptien, très versé dans les deux langues, grecque et copte, et possédant à fond l’Ancien et le Nouveau Testament, avait séduit les moines égyptiens par ses arguments tirés de l’Écriture Sainte. C’est, croyons-nous, plus qu’il n’en faut pour nous autoriser à conclure que la Bible avait été traduite en langue égyptienne vers la fin du IIe siècle au plus tard.

Les objections peu sérieuses de Wetzstein contre l’antiquité des versions coptes ont été résolues d’une manière suffisante parWoïde, Appendix, p. [140]. M. Headlam (Scrivener, À plain Introduction, t. ii, p. 126) a répondu à celles que M. Stern avait formulées dans son Ueberselzung der Proverbia (Zeitschrift, 1882, p. 202). Quant aux objections de M. Ignace Guidi, Le traduzioni dal copto, Gœttingue, 1889, elles sont d’un caractère purement négatif et trouvent aisément leur réponse : 1° dans la constatation de la haute antiquité du dialecte bohaïrique, que M. Krall a mise en lumière (Mittheilungen, i, p. 41) ; 2° dans la judicieuse distinction que ce même savant a établie (ibid., h-hi, p. 45) entre la littérature officielle et la littérature d’un caractère privé comme la littérature religieuse. — On pourrait, à notre avis, tirer une objection plus forte des fragments bilingues liturgiques et bibliques qui nous sont parvenus, et qui en règle générale ne sauraient être antérieurs au vie ou au vu 8 siècle. On serait tenté d’en conclure qu’à cette époque le grec était encore la langue officielle de l’Église, et que par conséquent on ne saurait faire remonter au IIe ou au m 8 siècle l’existence des versions coptes. Mais pourquoi ne se serait-il pas passé pour la version copte ce qui se passa plus tard pour les versions arabes ? Cf. t. i, col. 853. Pourquoi n’aurait-elle pas existé, pour l’usage des fidèles, à côté de la version grecque, qui aurait été seule pendant plusieurs siècles la version officielle et, pour ainsi dire, canoniquement reconnue, jusqu’à ce que celle-ci lui cédât cette qualité pour être définitivement écartée ? Ne serait-ce pas d’ailleurs la meilleure manière d’expliquer la coexistence de plusieurs versions en dialectes si semblables que ceux du Fayoum et de la Moyenne Egypte ? Ces versions n’auraient été que des traductions à l’usage du vulgaire, indépendantes de la version canonique, mais fort anciennes néanmoins, et non moins intéressantes que la version grecque, comme nous allons le voir.

V. Nature et importance des versions coptes. — Un simple coup d’œil suffit pour se convaincre que les versions coptes ont été faites sur les Septante pour l’Ancien Testament, et sur le grec pour le Nouveau Testament ; il faut excepter toutefois Daniel, pour qui on a substitué la version de Théodotion à celle des Septante. Non seulement la version bohaïrique est indépendante de la sahidique, mais ces deux versions paraissent avoir été faites sur des exemplaires grecs de recensions différentes ; bien plus, on croirait parfois que dans le même dialecte plusieurs recensions ont été en usage concurremment. On comprendra par là qu’il est difficile, qu’il serait même téméraire, de se prononcer définitivement sur la valeur critique des versions coptes avant que nous en ayons des éditions correctes. Nous essayerons néanmoins de résumer les résultats probables auxquels on est déjà arrivé. — Disons d’abord d’une manière générale que les versions coptes fourmillent de mots grecs ; beaucoup d’entre eux ont été incorporés, à une époque très reculée, à la langue copte, soit qu’ils suppléassent heureusement à une lacune dans la structure de la langue, comme les particules à).>â, Se, yip, o-3v, ivv, où&ê, elc, ou qu’ils parussent plus propres à exprimer certaines idées philosophiques ou théologiques que leurs équiva

lents coptes ; soit enfin que l’usage les ait mis sans autre raison sur le même pied que ceux-ci. Il n’est pas rare de trouver un mot de la version grecque rendu par un autre mot également grec ; le traducteur a même poussé parfois la fantaisie jusqu'à employer tour à tour l'équivalent copte et le mot grec dans un même passage pour exprimer un même mot de son original. Cette particularité de la langue copte la rendait très apte à traduire exactement des textes grecs. Ajoutez que le copte, ayant un article défini et un article indéfini, avait sous ce rapport une grande supériorité sur d’autres langues, telles que le latin et le syriaque. D’un autre côté, Lightfoot (Scrivener, Introduction, t. ii, p. 124) fait justement remarquer certains défauts de la langue copte, comme le manque d’une voix passive, et du verbe avoir. Ainsi pour àiie<Trâ>[iEvoç, le copte dit « celui qu’ils ont envoyé » ; pour e^b), « il est à moi, » comme dans les langues sémitiques. — Malgré cela la langue copte est, en règle générale, plus apte que toute autre langue à traduire littéralement le grec, et on peut s’en servir, avec discernement, cela va sans dire, là où les autres versions ne sont d’aucun secours.

Passons maintenant à l’examen des différentes versions.

i. version bohaïrique. — 1° Ancien Testament. — Les seuls travaux de critique textuelle que nous ayons sont ceux qu’un savant catholique allemand, A. Schulte, a récemment publiés, en se basant sur l'édition des Prophètes de Tattam, Die Koptische Uebersetzung der Vier grossen Prophète », , Munster, 1893, et Die Koptische Uebersetzung der kleinen Prophelen, dans la Theolorjische Quartalschrift, 1894 et 1895. D’après M. Schulte, la version bohaïrique des petits Prophètes se rattache à la recension des Septante, représentée par les manuscrits m, xil, 22, 23, 26, 36, 40, 42, 49, 51, 62, 86, 91, 95, 97, 106, 114, 130, 147, 153, 185, 228, 233, 238, 240, 310, 311, et les éditions Complute et Alexandrine. Dans certains passages pourtant elle se rapproche de la version de saint Jérôme (qu’il ne faut pas confondre avec la Vulgate). Ailleurs, par exemple Ose., viii, 4 ; Joël, ii, 11 ; iii, 9 ; Am., viii, 3 ; ix, 7 ; Mich., iii, 1 ; vi, 3 ; Hab., iii, 13 ; Zach., i, 1 ; Mal., iii, 5, elle se rapproche de la Vulgate ; saint Jérôme, dans son second travail, ayant préféré sans doute les leçons de l’ancienne Italique, qu’il avait écartées dans son premier travail. Quelques leçons de la version bohaïrique s’accordent avec l’hébreu contre les manuscrits grecs, et on serait tenté de croire à une revision de cette version sur le texte massorétique ; mais après tout ces leçons proviennent peut-être de manuscrits grecs que nous ne connaissons pas. Mûnter, Spécimen, p. 7, avait déjà remarqué que le passage de Jérémie, cité par saint Matthieu, xxvii, 9-10, et qu’on ne lit dans aucun manuscrit de l’hébreu ni des Septante, se trouvait dans les deux versions coptes. Tuki, Rudimenta lingux copiai, p. 245. Tattam, Prophetx majores, t. i, p. vi, observe qu’on ne le voit dans aucun des manuscrits bibliques, mais bien dans les manuscrits liturgiques de la Pàque, en particulier dans le manuscrit B. M. add. 5997, qui est du xme siècle, et dans un autre manuscrit qui appartenait à ce savant. Voici la traduction latine qu’il en donne : Iteruni dixit Jeremias Pashori : Eritis aliguando cum patribus vestris répugnantes veritati, et filii vestri venturi post vos, isti facient iniquitatem magis abominandam quam vos. Nam ipsi dabunt pretium pro eo, cui nullum est pretium. Et nocebunt ei qui sanat morbos, et in remissionem peccatorum. Et accipient triginta argenteos in pretium ejus quem tradent filii Isrælis. Et ad dandum id, pro agro figuli, sicut mandavit Dominus. Et ita dicent : Veniet super eos judicium perditionis in xternum et super filios eorum quia condemnaverunt sanguinem innocentent. Tuki cite ce passage comme le ꝟ. 4 du chapitre XX, mais d’après Woïde il faudrait le placer à la fin du même chapitre.

2° Nouveau Testament. — Telle que nous la possé dons dans la plupart des éditions et dans les manuscrits récents, dit M. Headlam (Scrivener, ouvr. cit., t. ii, p. 127), la version bohaïrique du Nouveau Testament concorde dans l’ensemble avec les manuscrits grecs les plus anciens. Sans doute elle présente aussi un nombre assez considérable des additions que l’on retrouve dans le texte traditionnel, mais, comme l’a remarqué Lightfoot, ces additions n’appartiennent pas à la version bohaïrique primitive : remarque dont la correction se vérifie de jour en jour. Voir Sanday, Appendices ad Novum Teslamentum, append. iii, p. 182 et suiv. Le texte bohaïrique original représente donc une traduction très pure, exempte des additions dites occidentales, que l’on rencontre dans la version sahidique, et l’on a peine à croire qu’elle puisse être plus récente que celle-ci. Et si le christianisme s’est répandu en Thébaïde dès le commencement du nie siècle, époque à laquelle la critique textuelle assigne l’origine de la version sahidique, il nous faut certainement admettre une date plus ancienne encore, tant pour l'évangélisation du Delta que pour la composition de la version bohaïrique. — Voir, fig. 334, le fac-similé du recto du feuillet 60 de la version copte du Nouveau Testament (Bibliothèque des Bollandistes à Bruxelles), contenant le commencement de l'évangile de saint Marc.

il. version sahidique. — 1° Ancien Testament. — Notre seule source d’information pour la critique textuelle de cette partie de la version sahidique est l’ouvrage déjà plusieurs fois cité de Ma r Ciasca, Sacrorum Bibliorum fragmenta. Le savant augustin a fait dans la préface du volume u un examen minutieux des fragments les plus considérables publiés dans ce même volume, particulièrement de Job, des Proverbes, de l’Ecclésiaste, d’Isaïe, d'Ézéchiel, de Daniel et des petits Prophètes. Voici en peu de mots ses conclusions. La version de Job nous a conservé très purs les Septante d’avant Origène. Quatre manuscrits sur cinq, xxiv, xxv, xxxm et xcix de Zoega (le dernier est un Lectionnaire), omettent 362 versets, qu’Origène avait fait passer avec l’astérisque dans la version des Septante. Il est donc évident que cette version a dû être faite avant le temps d’Origène, ou en tout cas avant que la recension d’Origène ne se fût répandue (et l’on sait par saint Jérôme avec quelle rapidité elle se répandit). De là on peut conclure sans témérité que les versions d’autres livres de la Bible d’un usage plus usuel que le livre de Job, les Psaumes, par exemple, et les Évangiles, sont également antérieures à Origène.

La version sahidique n’a pourtant pas échappé à l’influence des Hexaples. On découvre de nombreuses traces de cette influence dans le cinquième manuscrit dont Ma r Ciasca s’est servi pour son édition du livre de Job, Bodl. Hunt. 5 (Lectionnaire), dans la version des Proverbes, dans celle de l’Ecclésiaste et aussi, mais à un moindre degré, dans la version d'Ézéchiel, qui en revanche semble avoir été revisée sur la version bohaïrique. La version d’Isaïe suit fidèlement les Hexaples. Daniel, comme en bohaïrique, est emprunté à la version de Théodotion. Les petits Prophètes ont été souvent corrigés sur l’hébreu. Il y a donc ou une recension de la version sahidique, mais cette recension a eu lieu plus tard que celle des versions grecques. Cette recension est-elle celle d’Hesychius, dont parle saint Jérôme, Prssfat., in Paralip., t. xxviii, col. 1324? M9 r Ciasca le laisse à décider à plus compétent que lui. En tout cas, il n’hésite pas à attribuer une grande importance à la version sahidique pour la critique textuelle des Septante, et donne à propos du livre de Job un certain nombre d’exemples du parti qu’on peut en tirer sous ce rapport.

2° Nouveau Testament. — Mùnter, Commentatio de indole versionis sahidiese Novi Testamenti, Copenhague, 1784, a été le premier à examiner le texte de la version sahidique du Nouveau Testament. Voici le résumé de ses observations ; elles sont limitées aux fragments de la collection Borgia. 1° La version des Évangiles s’accorde Hier.

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citations des ouvrages gnostiques ne sont pas à dédaigner. Cf. A. Harnack, Untersuchungen ïtber das gnostische Buch Pistis Sophia, et C. Schmidt, Gnostische Schriften, p. 539 et suiv.

VI. Bibliographie. — Outre les nombreux ouvrages déjà cités, voir Assemani, Codices coptici Bibliotliecse Vaticanx, dans Mai, Scriptorum veterum nova collectio, v, Rome, 1831 ; Gregory, Versiones orientales œgyptiacæ Novum Testamentum, t. iii, Prolegomena, Leipzig, 1894 ; H. Hyvernat, Album de paléographie copte, in-f°, Paris et Rome, 1888 ; Scrivener, À plain Introduction to the criticism of the New Testament,

4e édit., t. ii, ch. iv, Londres, 1894.
H. Hyvernat.

COQ (Septante : iXUzwp ; Vulgate : gallus), gallinacé (fig. 335) à la tête haute et surmontée d’une crête rouge, au bec fort et crochu, à l’œil étincelant, à la queue relevée et recourbée en faucille, aux pattes assez hautes et armées d’ongles puissants. L’animal se distingue par la

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335. — Le coq.

fierté de sa démarche, son courage, son cri sonore et son dévouement pour les poules. Le coq est originaire des Indes ou de l’archipel asiatique. Il a pu être importé en Palestine à l’époque de Salomon, en même temps que les paons, III Reg., x, 22, ou peut-être seulement après la captivité. Aujourd’hui, comme au temps de Notre-Seigneur, les gallinacés se rencontrent partout en Palestine.

1° Dans l’Ancien Testament, il n’est probablement jamais question du coq, sauf dans un passage du livre de Tobie, viii, 11, qui fait mention de son chant. — 1. Au livre de Job, xxxviii, 36, la Vulgate traduit : « Qui a donné au coq l’intelligence ? » Le mot rendu par « coq » est l’hébreu sékvî, qui ne se lit qu’en cet endroit. Les écrivains du Talmud lui ont attribué ce sens par comparaison avec l’arabe sakvâ’ou sakijâ’, qui signifie « contemplateur » et désigne à la fois le coq et le prophète. Bosch haschanah, ꝟ. 26 a ; Vayyikra rabba, 25. Les rabbins talmudistes recommandent de dire, quand on entend chanter le coq : « Loué celui qui a donné l’intelligence au èékvi, pour discerner entre le jour et la nuit, » et le Targum explique le passage de Job du coq sauvage, (ai-negôl bdrâ’. Ce nom de (arnegôl viendrait de l’assyrien far Negôl pour Nergal, « oiseau de Nergal, » le dieu-lion ou dieu de la guerre des Assyriens. Halévy, dans le Journal officiel, 8 mars 1884, p. 1262. Les rabbins prétendaient que les Cuthéens, établis à Samarie, adoraient Nergal sous la figure d’un coq. Lenormant estime que « cette tradition n’est peut-être pas complètement à dédaigner ; car un cylindre

(lig. 336) nous montre précisément un coq placé comme attribut à côté du dieu qui, armé de la harpe, combat un taureau. Un autre offre la figure d’un dieu à pieds et queue de coq » (fig. 337). Commentaire sur Bérose, p. 122. Dans le paganisme sémitique, le coq, en qualité de « veilleur », jouait un rôle dans le culte des astres, et les Sabéens immolaient cet oiseau. Le ICoran considère le coq comme un veilleur qui appelle les milices célestes à commencer leur service. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 504, s’appuie sur ces traditions pour identifier le sékvî avec le coq. Le mot hébreu vient en tout cas du radical sâkâh, qui veut dire « voir ». Mais s’il peut avoir le sens

336. — Le coq sur un cylindre assyrien. D’aprèa F. Lajard, Culte de Mithra, pi. xxix, n° 2.

de « contemplateur », il peut aussi prendre celui d’  « organe qui voit », œil ou esprit, et celui de c< chose qu’on voit », phénomène, météore. Gesenius adopte le premier de ces deux derniers sens, Thésaurus linguss hebrxx, p. 1329 ; mais la plupart des commentateurs préfèrent avec raison celui de « météore », qui convient beaucoup mieux au contexte. Rosenmûller, Scholia, Iobus, Leipzig, 1806, t. ii, p. 907 ; Le Hir, Le livre de Job, Paris, 1873,

337. — Personnage à tête et queue de coq sur un cylindre chaldéen. D’après F. Lajard, Culte de Mithra, pi. xra, n° 3.

p. 393 ; Knabenbauer, Job, Paris, 1885, p. 434. — 2. Dans les Proverbes, xxx, 31, l’écrivain sacré range parmi les animaux à fière démarche zarzîr mâtanayim, « celui qui a les reins ceints. » Les Septante et la Vulgate ajoutent ici la mention du coq, dont un des noms arabes est sarsar et dont l’allure répond assez aux données du texte hébreu. Mais l’épithète d’animal « aux reins ceints » ou agiles convient à beaucoup d’autres, et il s’agit plutôt ici d’un quadrupède, probablement le cheval de guerre, à mettre en compagnie avec le lion et le bélier. — 3. Le passage d’Isaïe, xxii, 17, que la Vulgate traduit : « Le Seigneur le fera transporter comme on transporte un coq, » porte simplement en hébreu : « Jéhovah le rejettera par une violente poussée, » et en grec ; « Le Seigneur chassera et brisera cet homme. »

2° Le Nouveau Testament ne mentionne le coq qu’à raison de son chant, appelé àUxTopoçuvia. Marc, xiii, 35 ; Esope, 41. — 1. Les Juifs divisaient primitivement la nuit

en trois veilles. Depuis l’époque où Pompée s’empara de la Palestine, ils adoptèrent la division en quatre veilles de trois heures chacune. Saint Marc, xiii, 35, nomme ces quatre veilles : le soir, minuit, le chant du coq, le matin. Cf. Matth., xiv, 25 ; Luc, xii, 38 ; Tob., viii, 11. Voir col. 65. Il est à remarquer que le nom de chaque veille est emprunté au phénomène qui la termine. Ainsi la seconde veille, qui va de neuf heures du soir au milieu de la nuit, s’appelle minuit. La troisième veille, appelée « chant du coq », allait de minuit à trois heures du matin, et se terminait aux environs de l’heure où le coq chante. C’est ainsi que Pline, H. N., x, 24, peut dire qu’à la quatrième veille, à trois heures du matin, le coq chante pour appeler au travail. Le nom de « chant du coq », pour désigner la troisième veille, est familier aux écrivains latins. Censorinus, xix ; Ammien Marcellin, xxii ; Macrobe, Saturnalia, i, 3. — 2. Les évangélistes racontent la prédiction que Notre - Seigneur fit à saint Pierre de son reniement. Trois d’entre eux la rapportent en ces termes : « Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. » Matth., xxvi, 34, 74, 75 ; Luc, xxii, 34, 60, 61 ; Joa., xrn, 38 ; xviii, 27. Le disciple de saint Pierre, saint Marc, dit avec plus de précision : « Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois, » et il note soigneusement deux chants du coq. Marc, xiv, 30, 68, 72. Le coq, en effet, chante i^usieurs fois pendant la nuit. À Smyrne, les coqs font entendre leur cri une première fois entre onze heures et minuit, une seconde fois entre une heure et deux heures. « L’habitude des coqs d’Orient de crier pendant la nuit à des heures spéciales, écrit Tristram, a été remarquée par beaucoup de voyageurs. Nous avons été particulièrement frappés de cela à Beyrouth, durant la première semaine de notre séjour. Régulièrement nous étions réveillés trois fois chaque nuit par le cri soudain des coqs. » The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 221. Les heures auxquelles chantent les coqs varient naturellement suivant les pays, les races et beaucoup d’autres circonstances. Saint Marc note deux chants du coq à Jérusalem, l’un sans douté aux environs de minuit, l’autre plus tard, vers deux ou trois heures du matin. En ne parlant que d’un seul chant du coq, les trois autres évangélistes se réfèrent à ce second chant, d’autant plus remarquable qu’il donnait son nom à la troisième veille.

On a prétendu qu’au temps de Notre -Seigneur il n’y avait pas de coqs à Jérusalem. La Mischna, Baba Kama, vu, 7, dit qu’ils n’y étaient pas tolérés, parce qu’avec leur habitude de gratter partout, ils pouvaient trouver et transporter de petits animaux impurs, capables de souiller les aliments et les choses sacrées. Cette remarque de la Mischna suppose une coutume qui était peut-être suivie par quelques rigoristes, mais qui n’avait pas force de loi. Le fait qu’un jour un coq fut lapidé à Jérusalem par décision du sanhédrin, pour avoir causé la mort d’un enfant en lui crevant les yeux, Hieros. Erubbin, 26, 1 (M. Schwab, Le Talmud de Jérusalem, t. iv, 1881, p. 294), prouve plutôt qu’on élevait des coqs dans la ville. II est encore écrit dans un autre endroit, Babyl. Yoma, 21 a, que « tous les jours, au chant du coq (appelé ici gébér), on purifiait l’autel de ses cendres, et le jour de l’Expiation, à minuit ». Du reste, si la loi qu’on suppose avait existé, elle n’aurait certainement pas obligé les étrangers, surtout les soldais de la garnison romaine. Quelques auteurs disent que les coqs dont parlent les évangélistes se trouvaient en dehors de la ville. On ne voit pas alors pourquoi la loi invoquée par la Mischna ne s’appliquait pas à la campagne ; elle y avait autant de raison d’être qu’à la ville. On ajoute que la voix perçante des coqs pouvait très bien se faire entendre des vallées voisines jusqu’à Jérusalem. Quand les conditions sont favorables, la voix du coq traverse les Dardanelles et le détroit de Messine. Mais il faut tenir compte du tumulte et du bruit qui se produisaient dans la cour des grands prêtres pendant qu’on

jugeait Notre -Seigneur à l’intérieur. On peut donc admettre l’opinion de ceux qui croient à la présence de nombreux coqs à Jérusalem autrefois comme aujourd’hui. L’église qu’on montrait encore au moyen âge dans la vallée du Cédron, et qu’on appelait’( le cri du coq », Tobler, Topographie Jérusalem und seiner Umgebungen, Berlin, 1854, Siloa, t. ii, p. 301, marque probablement l’endroit où Pierre se retira après son reniement, plutôt que celui d’où les coqs auraient chanté. Dans l’hymne des laudes du dimanche, Mterne rerum conditor, saint Ambroise rappelle les souvenirs évangéliques et les leçons morales

que suggère le chant du coq.
H. Lesêtre.
    1. COQUEREL Athanase Laurent Charles##

COQUEREL Athanase Laurent Charles, théologien protestant, né à Paris le 27 août 1795, mort dans cette ville le 10 janvier 1868. Ses études de théologie achevées à la faculté protestante de Montauban, il fut, en 1817. nommé pasteur de l’église SaintPaul, à Jersey ; mais il refusa ce poste, ne voulant pas souscrire les articles de la confession de foi de l’Église anglicane. Après avoir exercé pendant douze ans les fonctions de ministre à Amsterdam, il fut, en 1830, choisi pour pasteur de l’église réformée de Paris. En 1848, il fut élu représentant du peuple, et prétendit donner l’Évangile pour fondement du système républicain. Voici quelques-uns de ses ouvrages : Biographie sacrée, ou Dictionnaire historique, critique et moral de tous les personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament ; in-8°, Amsterdam, 1825 ; 2e édit. Valence, 1827 ; Histoire sainte et analyse de la Bible, avec une critique et un ordre de lecture, in-12, Paris, 1839 ; Réponse au livre du docteur Strauss : Vie de Jésus, in-8°, Paris, 1841. —’Voir Quérard, La

France littéraire, t. ri, p. 282.
B. Heurtebize.

COR (hébreu : kôr ; Septante : xôpoç), mesure hébraïque de capacité pour les solides et les liquides, la plus grande de toutes. — 1° Elle n’est mentionnée qu’à partir de l’époque des rois. I (III) Reg., v, 2, 25 (Vulgate, îv, 22 ; v, 11) ; II Par., ii, 9 ; xxvii, 5 ; Ezech., xlv, 14 ; I Esdr., vii, 22. Dans les livres de l’Ancien Testament antérieurs à l’époque de Salomon, le « cor » porte en hébreu le nom de ion, hômér. Num., xi, 32 (Vulgate : cori) ; Lev., xxvii, 16 (Vulgate : triginta modii). À partir du règne du fils de David, les deux mots kôr et hômér sont également employés. Le (lômer est nommé dans lsaïe, v, 10 (Vulgate : triginta modii) ; Osée, iii, 2 (Vulgate : corus), et Ézéchiel, xlv, 11, 13, 14 (Vulgate : corus). Saint Jérôme a toujours rendu kôr par corus, et il s’est servi ordinairement du même mot pour traduire hômér, sauf Lev., xxvit, 16, et Is., v, 10, où il a donné l’équivalent en boisseaux ou mesures romaines. — Le mot

hômér est d’origine assyrienne : ^"* J >- » -, imeru. Voir

j. Oppert, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. i, 1886, p. 89. Le kôr était aussi une mesure assyrienne. Le karû à Babylone et à Ninive servait à mesurer les grains, et il semble identique à la plus grande mesure des céréales et des dattes appelée gurru dans les documents cunéiformes. Frd. Delilzsch, Assyrisches Handwôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1894-1895, p. 353 et 205. Le mot kôr était aussi usité chez les Phéniciens. Est-ce pour cela qu’il apparaît pour la première fois dans l’Écriture à l’occasion des rapports qu’eut Salomon avec Hiram, roi de Tyr, nous ne saurions le dire, mais ce qui est en tout cas certain, c’est que le kôr était désigné chez les Grecs comme une mesure phénicienne : ô x<5po « ô « poivixixô ; xa).o’J ; i.Evo ; , dit un écrivain qui vivait au I er siècle de notre ère et paraît être d’origine juive (Frd. Hultsch, Metrologicorum Scriptorum reliquise, édit. Teubner, 186 i, t. i, p. 258 ; cf. H. Lewy, Diesemitischen Fremdwôrter im Griechischen, in-8°, Berlin, 1895, p. 146). — Les orientalistes rattachent le mot kôr, les uns à la racine kâr ou kârar (voir Nbldeke, dans la Zeitschrift des

deutschen morgerilândischen Gesellschaft, t. xl, 1886, p. 734), qui a le sens primitif de « tourner, rouler, arrondir », de sorte que la signification du nom de cette mesure doit être « vase rond » ; les autres croient que kôr vient de kârâh, « creuser, objet creux ». P. de Lagarde, Erklârung hebràischen Wôrler, ii, dans les Abhandlungen der k. Gesellschaft der Wissenschaften zu Gôttingen, t. xxvi, 1880, p. 30-32 ; Id., Uebérsicht ûber die itn Aramâischen, Arabi’schen und Hebràischen ùbliche Bildung der Nomina, dans les mêmes Abhandlungen, t. xxxv, 1888, p. 40, 156. — Hômér est expliqué dans le sens de « amas, monceau », d’après Exod., viii, 10 (Vulgate, 14) ; Job, xxvii, 16 ; Hab., iii, 15. M. Opper’t, rapprochant ce mot de hâmôr, « âne, » suppose que hômer désigne la charge d’un âne. Les mesures assyriennes, dans ses Mémoires divers relatifs à l’archéologie assyrienne, in-4°, 1886, p. 4. Cf. "W. Muss-Arnolt, Assyrischenglisch-deutsches Handwôrterbuch, in-8°, I Lief., Berlin, 1895, p. 61. M. Frd. Delitzsch, Assyrisches Handwôrlerbuch, p. 92, le fait dériver de l’assyrien’amâru, « entourer, embrasser. »

2° Le kôr ou hômér contenait dix éphis ou baths, comme nous l’apprend expressément Ézéchiel, xlv, il. L’auteur anonyme grec (Metrolog. Script., t. i, p. 258) dit que « le cor phénicien contient trente sata », et saint Épiphane, De mensur, , 21, t. xliii, col. 272 : « Le cor contient trente boisseaux (fjiiSioc). » Le saton et le boisseau étaient de même contenance. Ces données concordent avec celles d’Ézéchiel et correspondent dans notre système métrique à 388 litres 80 ( 363 litres 7, d’après Frd. Hultsch, Griechische und rômische Métrologie, 2°édit., in-8°, Berlin, 1882, p.416, 456). Josèphe, Ant.jud., XV, IX, 2, dit que le cor vaut « dix médimnes attiques » ; mais les critiques s’accordent à reconnaître que médimne a été. confondu avec « métrète ». Dix métrètes font dix éphis ou un cor. Hultzsch, Métrologie, p. 448 ; J. Benziger, Hebràische Archàologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 184. Cf. Josèphe, Ant.jud., III, xv, 3.

— Le hômér est nommé comme mesure en général dans Is., v, 10 ; Ezech., xlv, 11 ; comme mesure de froment, Ezech, , xlv, 13, et comme mesure d’orge, Lev., xxvii, 16, Ose., iii, 2 ; Ezech., xlv, 13. Dans les Nombres, xi, 32 ; il est dit que les Israélites, lors du second passage des cailles dans le désert du Sinaï, en amassèrent pour le moins chacun dix hômér. Le cor sert de la même manière à mesurer la farine, I (III) Reg., v, 2 (iv, 22) ; le froment, I (III) Reg., v, 25 (11) ; II Par., ii, 9 (Vulgate, 10) ; xxvii, 5 ; (I) Esdr., vii, 22 ; l’orge, II Par., ii, 9 (10) ; xxvii, 5 ; il sert aussi à mesurer l’huile. Ezech., xlv, 14. — Dans le Nouveau Testament, Luc, xvi, 7, le cor est également mentionné comme mesure du froment, dans la parabole de l’économe infidèle. Hésychius définit le x<Sp<K : « une mesure du froment », (létpov tt <jitix<îv. Metrolog. script., t. i, p. 320.

3° Il existait aussi en hébreu une mesure appelée ; rn, lélêk, qui était la moitié du cor ; c’est pour cela que saint Jérôme l’a rendue par corus dimidius. Elle valait cinq éphis ou 194 litres 40. Elle est nommée une seule fois dans l’Écriture, comme mesure de l’orge, Ose., iii, 2, et son étymologie est inconnue. Cf. P. de Lagarde, Erklârung, dans les Abhandlungen, t. xxvi, p. 32-33. Voir Mesures. F. Vigouroux.

CORAIL. Hébreu : râ’môf ; Septante : jjieTÉtopa, ’Pa[168 ; Vulgate : excelsa, sericum.

I. Le corail en histoire naturelle. — On appelle de ce nom la matière calcaire sécrétée par certains polypes qualifiés de « coralliens ». Ces zoophytes sont essentiellement constitués par un sac stomacal s’ouvrant à l’extérieur au moyen d’une bouche pourvue de huit tentacules. Ils vivent en colonie et forment des polypiers dans lesquels l’estomac, la bouche et les tentacules de chaque individu restent distincts, tandis qu’un même tissu, à travers

lequel circulent les mêmes fluides, réunit tous les polypes en un seul tout. Chaque polype a la cavité stomacale divisée en cloisons, et sa peau a la propriété de sécréter une matière solide presque entièrement composée de carbonate de chaux, que colore une substance sanguine. Ce carbonate ainsi coloré n’est autre chose que le corail rouge. Le premier dépôt de corail est fixé sur un rocher recouvert par la mer. Les polypes qui l’ont sécrété en produisent d’autres qui à leur tour travaillent à la consolidation et à l’accroissement de l’édifice. Le polypier croît ainsi en affectant des formes arborescentes qui le font ressembler à un arbuste sans feuilles ni petites branches (fig. 338). Autour du corail rouge, qui constitue la partie centrale et solide du polypier, se voit une sorte d’écorce grisâtre de laquelle émergent les polypes semblables à de petites fleurs blanches. La vie n’existe toujours qu’à la surface du polypier. Si une branche est brisée et qu’elle soit transportée dans un endroit favorable, elle devient à son tour la base d’une nouvelle colonie. Les

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338. — Corail.

anciens croyaient que le corail était un produit du règne végétal, et cette opinion a fait loi même parmi les savants jusqu’au milieu du xviiie siècle. C’est alors seulement que A. de Peyssonnel, Traité du corail, Paris, 1744 (manuscrit du Muséum), a démontré que les polypes coralliens appartiennent au règne animal. Dans certaines mers, les polypiers ont pris assez de développement pour former des récifs et de véritables îles. On rencontre les polypiers coralliens dans le Pacifique, l’océan Indien, les golfes Persique et Arabique, la mer Rouge et la Méditerranée. Ils ne peuvent exister que dans les endroits où la température superficielle de la mer ne s’abaisse pas au-dessous de 20°, et ils ne se développent jamais au delà de quarante mètres de profondeur. Cf. de Lapparent, Traité de géologie, Paris, 1883, p. 121, 122, 344 ; Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du corail, Paris, 1864 ; Dana, Corals and Coral, Londres, 1872. — Les anciens faisaient grand cas du corail. Par sa dureté, la finesse de son grain et la vivacité de sa couleur rouge, cette substance a toujours mérité d’occuper une place considérable parmi les objets destinés à la parure. Les Égyptiens en fabriquaient des ornements qu’on retrouve fréquemment dans leurs tombeaux. Pline, H. N., xxxii, 2, dit que le corail était aussi estimé par les Indiens que les perles par les Romains. Ce qui ajoutait au prix de cette substance, c’était la difficulté de se la procurer. Les anciens péchaient le corail au moyen de procédés analogues à ceux qu’on emploie encore aujourd’hui. Quand les pêcheurs sont arrivés au-dessus de l’endroit où ils soupçonnent la présence des polypiers, ils font descendre dans la mer des engins pourvus de filets à solides et

larges mailles, et les laissent traîner au fond de l’eau. Ces filets accrochent les polypiers, et, à force de manœuvres et de rudes efforts, les pécheurs finissent par briser quelques branches coralliennes qu’ils remontent dans leur barque. Ils les dégagent ensuite de leur écorce et portent le corail aux marchés du voisinage. Cette pêche se pratique aujourd’hui dans la Méditerranée, particulièrement sur les côtes de Provence, d’Italie, de Sicile, de Tunisie et d’Algérie.

II. Le corail dans la Bible. — 1° Les râ’môt. — Ce nom donné au corail en hébreu paraît tirer son étymologie de râ’am ou rûm, « être élevé, » probablement avec le sens dérivé de <£ ressembler à un arbre » et « être arborescent ». La forme plurielle de râ’môt indique d’ailleurs quelque chose de composé ou de collectif. Carey, dans Frz. Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 371, fait venir ce mot de rëlm, « aurochs, » en alléguant que les ramifications du corail rappellent les cornes de l’aurochs. Pline, H. N., xiii, 51, se sert de la même comparaison à propos de plantes pétrifiées. Cette étymologie, que plusieurs auteurs ont admise, est plus spécieuse que solide. La comparaison du polypier avec un arbuste est beaucoup plus naturelle, et elle a dû s’imposer d’autant plus aisément, que les anciens prenaient cet objet pour un végétal. Gesenius, Thésaurus, p. 1249, rapproche râ’môt du sanscrit ramye, « chose agréable. » Il se pourrait aussi que ce nom ait été apporté aux Hébreux de l’étranger, comme le corail lui-même. L’auteur de Job, xxviii, 18, dit en parlant de la sagesse :

Le corail et le cristal ne lui sont pas comparables,

Et la possession de la sagesse vaut mieux que les perles.

Les versions prennent ici râ’môt dans le sens de « météores, choses élevées ». Le Targum traduit par sandalkin, « sandaraque, » substance qui rappelle au moins le corail par sa couleur rouge. On lit aussi dans les Proverbes, xxiv, 7 :

La sagesse est râ’môt pour le sot,

Et il n’ouvrira pas la bouche à la porte.

La Vulgate traduit : « La sagesse est chose élevée pour le sot, » c’est-à-dire au-dessus de sa portée ; il est par conséquent incapable d’ouvrir la bouche à la porte de la ville où se traitent les affaires. Ce sens peut très bien être adopté. Il est également possible de traduire : « La sagesse est du corail pour le sot ; » c’est une parure d’emprunt, purement extérieure, dont il ne sait pas tirer parti quand il faut parler en public. Enfin Ézéchiel, xxvii, 16, range le corail parmi les objets de trafic que les Syriens apportaient à Tyr ou en exportaient. Les caravanes syriennes transportaient chez les Phéniciens, qui le montaient en colliers et en parures, le corail péché par les bateaux babyloniens dans la mer Rouge et jusque dans l’océan Indien, en même temps que les perles. Les Hébreux ne semblent pas avoir fait grand usage du corail, rarement nommé par les auteurs sacrés. C’est ce qui fait que les versions n’ont pas saisi le sens du mot râ’môt. Dans le passage d’Ézéchiel, les traducteurs grecs se contentent de reproduire le mot hébreu en lettres de leur alphabet, tandis que la Vulgate le traduit par « soie ».

2° Les penînîm. — Gesenius, Thésaurus, p. 1113, donne à ce mot le sens de « corail rouge ». Job, xxviii, 18 ; Prov., iii, 15 (qeri) ; viii, II, xx ; 15 ; xxxi, 10 ; Lam., IV, 7. Il justifie cette traduction en rattachant le mot à la racine pânan, qui désigne en arabe le « rameau », et en hébreu la « partie supérieure ». Il s’appuie surtout sur le passage où Jérémie, Lam., iv, 7, dit que les princes de Jérusalem étaient « plus blancs que le lait et plus rouges de corps que les peninim ». Mais les versions traduisent toujours ce mot par « perles. », et c’est le sens que lui revendiquent Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. iii, p. 619 ; fiosenmûller, Scholia, Ieremia, Leipzig, 1827,

t. ii, p. 586-588, et la plupart des commentateurs. Voir Perles. Dans la Bible, les perles sont toujours rangées parmi les choses les plus précieuses, tandis que le corail est plus commun, a par conséquent moins de prix, et, dans le passage de Job, est mis sur le même rang que le cristal. Quant au passage des Lamentations, il doit certainement être entendu dans un sens atténué. Les princes n’étaient évidemment ni rouges ni blancs, mais d’une teinte rosée qui tenait à la fois des deux couleurs, et rappelait celle de certaines perles. Une expression analogue se lit dans le Cantique des cantiques, v, 10, et dans Homère, lliad., iv, 141-146. Cf. Frz. Delitzsch, Dos Buch

lob, p. 370.
H. Lesêtre.
    1. CORBAN##

CORBAN (xopSSv), mot hébreu et araméen, qorbân, employé par saint Marc, vii, 11, reproduisant un discours de Notre-Seigneur. L’évangéliste nous apprend lui-même qu’il signifie « don », Sûpov. Josèphe l’explique par le même mot grec. Ant.jud., IV, iv, 4. Saint Matthieu, xv, 5, emploie Sûpov, munus, dans le passage parallèle à saint Marc. Dans l’Ancien Testament, l’hébreu qorbân désigne les offrandes et les sacrifices sanglants et non sanglants, et les Septante le traduisent toujours par Sûpov. Dans le Nouveau Testament, corban signifie aussi un don, une offrande faite à Dieu, mais un don d’une espèce particulière. La loi mosaïque avait déterminé, Lev., xxvii, 2-23 ; Num., xxx, 3-16, la manière dont on devait accomplir les vœux ; la tradition juive, Matth., xv, 3, 6 ; Marc, vii, 13, prétendait qu’on pouvait s’interdire par vœu, non seulement de se servir pour son propre usage, mais aussi de donner à autrui ou de recevoir pour lui un objet quelconque, aliment, vêtement, etc. L’objet qu’on s’était ainsi interdit s’appelait corban, et, sous prétexte de corban, on pouvait refuser de fournir, même à ses parents, ce qui leur était nécessaire. Notre-Seigneur condamne cette interprétation et cette application abusive de la loi. Matth., xv, 3-9 ; Marc, vii, 9-13.

    1. CORBEAU##

CORBEAU (hébreu : ’ôrêb, de’âràb, « être noir ; » Septante : xdpal ; Vulgate : corvus), oiseau de l’ordre des passereaux conirostres et de la famille des corvidés

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339. — Le corbeau (.Corvus corax).

(fig. 339). Il a la taille d’une poule, le plumage généralement noir, le bec droit, conique et très fort, la queue ronde ou carrée, la vue et l’odorat très perçants. Il marche gravement, mais sautille quand il veut aller plus vite ou s’envoler. Son vol est élevé et soutenu. L’animal a une grande facilité à s’apprivoiser et même à se familiariser, bien qu’il demeure toujours défiant de caractère, turbulent et querelleur. Il pousse un cri rauque, appelé croassement. Il imite pourtant assez bien la parole. Le corbeau niche dans les arbres élevés, les rochers et les ruines. U a un appétit vorace, se nourrit de cadavres

d’animaux, de détritus de toutes sortes, d’insectes, de vers et de larves qu’il déterre et même de grains qu’il dérobe dans les sillons après les semailles. Cet oiseau est le plus répandu de tous à travers le monde. On le rencontre de l’Islande au Japon, dans toute l’Asie et dans le nord de l’Afrique. Le corbeau du continent américain diffère très peu du nôtre, si bien qu’on l’a souvent regardé comme identique.

I. Les corbeaux dé Palestine. — On trouve en Palestine huit espèces de corbeaux : le corvus corax, corbeau commun ou grand corbeau, qui vit par troupes en hiver et abonde autour de la mosquée d’Omar ; le corvus umbrinus, ou corbeau à gorge brune, commun à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain et parfois solitaire dans les rochers ; le corvus af finis, à queue carrée, le plus petit corbeau connu et ne se rencontrant qu’auprès de la . mer Morte ; le corvus cornxx ou corneille, voir Corneille ; le corvus agricola ou freux, à la tête d’un vert presque noir, au bec droit et effilé, à la taille longue de cinquante centimètres, habitant les ruines et les rocs en certains districts de Palestine, surtout autour de Jérusalem et de Naplouse ; le corvus monedula et collaris, le choucas ou corneille de clocher, le kak des Arabes, qui a le même habitat que le précédent ; le pyrrhocorax alpinus, le choquard ou choucas des Alpes, qui ne se trouve que dans les plus hautes montagnes et fréquente quelques parties de l’Hermon et du Liban ; enfin le garrulus atricapillus, qui ne diffère pas beaucoup du geai d’Europe, autre corvidé voisin des corbeaux ; il réside dans les bosquets d’oliviers, du Liban à l’Hermon, et dans quelques forêts de Galaad et de Basan. À Jérusalem, ce sont les corbeaux qui l’emportent de beaucoup en nombre sur tous les autres oiseaux. Ils partagent d’ailleurs avec les chiens et les chacals le soin de la voirie dans tous les environs. Ils font grand tapage avec leurs cris discordants, surtout lorsque le soir ils se préparent à choisir leur gîte pour la nuit. Les freux, les choucas et les grands corbeaux réunis déchirent l’air par leurs croassements lugubres. Mais au-dessus de leurs cris s’élève la voix plus claire et moins disgracieuse des corbeaux à gorge brune, plus petits, mais plus nombreux. Les oiseaux semblent tenir un bruyant conseil dans les arbres du mont des Oliviers et de la vallée du Cédron. Mais, après le coucher du soleil, ils battent en retraite en silence et partagent indistinctement tous les perchoirs qu’ils peuvent trouver autour des sanctuaires bâtis sur remplacement ds l’ancien Temple. Chaque matin, au point du jour, ils s’envolent en longues files vers le nord. Les freux forment alors une solide phalange qui ouvre la voie, et les corbeaux composent l’arrière-garde, mais en rangs moins serrés. Ces oiseaux se retrouvent en troupes nombreuses dans un bon nombre de vallées sauvages et au sud de la mer Morte, auprès de l’ancienne forteresse de Massada. Les corbeaux sont sédentaires et n’émigrent pas du pays qui les a vus naître. Trislram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 198-201 ; Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 74 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 439-448.

IL Les corbeaux dans la Bible. — Le nom de’ôrêb désigne certainement toutes les variétés de corbeaux et même de corvidés, pies, geais, etc., qui vivaient autrefois en Palestine. Moïse parle, en effet, de « tout corbeau selon son espèce », c’est-à-dire de toutes les espèces d’oiseaux auxquels convient le terme générique de’ôrêb. Lev., xi, 15 ; Deul., xiv, 14. Les Livres Saints mentionnent plusieurs fois ces animaux, à raison de leur caractère, de leurs mœurs ou du rôle qui leur est dévolu. — 1° Le corbeau de l’arche. Le corbeau est le premier oiseau nommé dans la Bible. Le quarantième jour après le commencement du dixième mois, Noé fit sortir un corbeau par la fenêtre de l’arche ; mais celui-ci ne revint pas. Il avait trouvé à se nourrir abondamment avec les cadavres qui flottaient sur les eaux, et s’était réfugié sur

les sommets déjà abandonnés par l’inondation. Gen., viii, 5-7. Noé pouvait conclure de ce départ définitif de l’oiseau que les eaux ne recouvraient déjà plus toute la surface de la terre. Dans le récit chaldéen du déluge, col. 111, lign. 140-152, Samasnapishtin raconte aussi qu’il lâcha successivement une colombe et une hirondelle, qui revinrent toutes deux ; puis il ajoute, lign. 153-155 : « Je fis sortir un corbeau, je le lâchai ; le corbeau alla, et le décroissement des eaux il vit, et il s’approcha, il pataugea ( ?), il croassa, et ne revint pas. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit, 1896, t. i, p. 320.

— 2° Le corbeau animal impur. La loi mosaïque range le corbeau parmi les animaux qu’il n’est pas permis de manger. Lev., xi, 15- ; Deuf., xiv, 14. Cet oiseau, surtout le grand corbeau, se nourrit de chairs pourries qui lui communiquent à lui-même une odeur fétide et le rendent impropre à servir de nourriture. Les freux et les choucas, dont l’alimentation diffère, constituent un gibier moins répugnant. Mais la prohibition visait toutes les espèces, sans doute à cause de la difficulté de les distinguer. — 3° Séjour des corbeaux. Isaïe, xxxiv, 11, nomme le corbeau parmi les animaux sauvages qui habiteront les ruines de l’idumée dévastée. Cet oiseau, à l’état sauvage, s’envole toujours à l’approche de l’homme ; il se rencontre dans les régions les plus désolées de la Palestine. — D’après les Septante et la Vulgate, Soph., ii, 14, le corbeau crie aussi sur les portes de l’Assyrie ruinée. Mais, au lieu de’ôrêb, l’hébreu actuel lit en cet endroit horéb, « sécheresse » et « dévastation ». Aquila a lu héréb, « glaive. » Si l’on tient compte du parallélisme, c’est la leçon représentée par les Septante et la Vulgate qui doit être préférée. On a alors : « La voix [des oiseaux] chantera à la fenêtre, et le corbeau sur le seuil. » — 4° Leur couleur. L’époux du Cantique, v, 11, a les cheveux « noirs comme le corbeau ». La couleur noire et soyeuse d’une chevelure ressemblant au plumage du corbeau a toujours été fort estimée en Orient. Cf. Rosenmûller, Canticum, Leipzig, 1830, p. 383. — 5° Leur nourriture. On lit dans Job, xxxviii, 41 :

Qui prépare sa nourriture au corbeau

Et à ses petits qui crient vers Dieu, Quand ils errent sans pâture ?

Au Psaume cxlvi (cxlvii), 9 :

II donne leur pâture aux animaux,

Aux petits du corbeau qui crient vers lui.

Enfin NotreSeigneur dit lui-même : « Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent et n’ont ni cellier ni grenier ; c’est Dieu qui les nourrit. » Luc., xii, 24. Pour expliquer ces textes, il n’est pas nécessaire de faire appel à cette opinion des anciens, qui croyaient les jeunes corbeaux abandonnés par leurs parents aussitôt après leur naissance. Aristote, Hist. anim., vi, C ; ix, 31, édit. Didot, 1854, t. iii, p. 109, 187 ; Elien, Hist. anim., ii, 49 ; Pline, H. N., x, 15. Au Psaume ciii, 21, il est parlé dans les mêmes termes des lionceaux, et ce que NotreSeigneur dit, des corbeaux, il le dit aussi des oiseaux en général. Matth., vj, 26. Les petits des corbeaux sont cités ici à cause de leur voracité particulière et de leurs cris continuels. Dieu pourvoit à leur nourriture, soit par l’intermédiaire de leurs parents, soit en leur faisant trouver, comme aux autres oiseaux, les aliments nécessaires quand ils peuvent sortir du nid. L’exemple choisi pour manifester l’action de la Providence était d’autant plus topique, que les exigences et l’impatience des jeunes corbeaux sont plus marquées et que le nombre de ces oiseaux est plus considérable. — Les yeux des autres animaux, vivants ou morts, constituent pour le grand corbeau un mets de choix. Buffon, Œuvres complètes, Paris, 1845, t. v, p. 411, dit qu’en certains pays cet oiseau vorace se pose sur le dos des

buffles, leur crève les yeux et ensuite s’attaque à leur chair. On lit dans les Pcoverbes, xxx, 17 :

L’œil de celui qui se rit de son père, Et qui refuse d’obéir à sa mère,

Que les corbeaux du torrent le crèvent Et que les petits de l’aigle le dévorent.

Une pensée analogue, en ce qui concerne les corbeaux, se retrouve dans Aristophane, Thesmoph., 942 ; Horace, Epist., i, xvi, 48, et Catulle, Carm., cviii, 5. Chez les Grecs, « être jeté aux corbeaux » pour devenir leur pâture constituait le suprême déshonneur. Plutarque, Moral., 860 c ; Aristophane, Nub., 123, 789 ; Vesp., 51. — Les corbeaux ont l’habitude de dérober les semences nouvellement jetées en terre, quand ils ne trouvent pas facilement d’autre nourriture. Les moineaux, qui sont aussi des passereaux conirostres, procèdent de même. Mais les dégâts ainsi causés par ces oiseaux sont en général largement compensés par la destruction des vers et des larves dont ils débarrassent les champs de culture. Ces habitudes de maraude avaient fait donner au corbeau, et spécialement au freux, le surnom de anBpy.a)6yoc, « ramasseur de semences. » Aristophane, Aves, 232, 579 ; Aristote, Hist. anim., viii, 36 ; Plutarque, Demetrius, 18. Ce nom s’appliqua ensuite aux misérables qui ramassaient des grains sur le marché pour se nourrir, et par extension aux parasites, aux bouffons et aux gueux de toute espèce. Démosthène, 269, 19 ; Philostrate, 203 ; Plutarque, Moral., 664 a ; Denys d’Halicarnasse, Epist. xvii, 6. Cf. Bailly-Egger, Dict. gr.-franc., Paris, 1895, p. 1777. Quand saint Paul parât à Athènes, avec son accoutrement étranger et sa prononciation barbare, les désœuvrés de l’agora l’accueillirent en s’écriant : « Que. veut donc dire ce gueux-là, trciepiioXÔYOi outoç ? » Act., xvii, 18. La Vulgate a traduit le mot par seminiverbius, « semeur de paroles, » comme s’il y avait en grec cmetpwv Xoyou ; , tandis que dans n71Epi « jXbfoç la première partie du mot représente le substantif formant complément, et la seconde le verbe Xéyoj, « cueillir. » Seminiverbius doit en tout cas se prendre en mauvaise part, avec le sens de « bavard », qui revient à celui de « bouffon ». La traduction de o-h&p[j.6).oy'> ; par seminiverbius est donc suffisamment exacte. — 6° Les corbeaux d’Élie. Le prophète Élie reçut du Seigneur l’ordre de se retirer dans la gorge de Carith, où des corbeaux seraient chargés de lui apporter sa nourriture. Le prophète s’y rendit. Là « les corbeaux (hâ’ôrbîm) lui apportaient du pain [lélfém) et de la viande le matin, et de même du pain et de la viande le soir, et il buvait au torrent ». III Reg., xvii, 6. Voir Carith. Dans les grottes de cette gorge nichent encore d’innombrables corbeaux. V. Guérin, La Terre sainte, Paris, 1882, p. 206. Comme en hébreu le pluriel nmj peut se lire’ôrbim, « corbeaux, » ou’arbim, n Arabes, » II Par., xxi, 16 ; xxii, 1 ; II Esdr., iv, 1, quelques auteurs ont voulu substituer les Arabes aux corbeaux, en tant que nourriciers du prophète. L’autorité des anciennes versions ne permet pas cette substitution. Josèphe, Ant.jud., VIII, xiii, 2, parle aussi formellement de corbeaux. Reland, Palæstina illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p, 913-916, combat l’hypothèse qui fait nourrir Élie par les habitants de la ville d’Aoraba ou Araba, et il ajoute cette observation aussi simple que péremptoire dans la question : Si des hommes avaient apporté le pain et la viande au prophète, ils lui auraient aussi fourni de l’eau quand le torrent de Carith fut desséché. Il s’agit là d’ailleurs d’un fait surnaturel, que Dieu s’est plu à renouveler par la suite en faveur de saint Paul, ermite, et de saint Antoine. S. Jérôme, Vila sancti Pauli, 10, t. xxiii, col. 25.

H. Lesêire.

    1. CORBEIËNSIS##

CORBEIËNSIS (CODEX). Ce manuscrit de la version latine de la Bible antérieure à saint Jérôme appartient à la Bibliothèque Nationale, à Paris, où il est coté iat. 17225 ; c’est l’ancien 195 de la bibliothèque de Cor

bie. L’écriture est du VIe ou du VIIe siècle : chaque page a deux colonnes de texte, chaque colonne 24 lignes. Le manuscrit compte 190 feuillets. Il contient les quatre Évangiles, à quelques lacunes accidentelles près. Le texte appartient au type « européen ». Collationné par dom Calmet, par Bianchini, par Sabatier, il a été publié d’une façon insuffisante par Belsheim, Codex ff i Corbeiensis, Christiania, 1887. On en trouve un fac-similé dans le recueil de la Palseographical Society, t. ii, pi. 87. P. Batiffol.

    1. CORBEILLE##

CORBEILLE, récipient tressé en matière légère, osier, jonc, paille, etc., et destiné à contenir et à porter toutes sortes d’objets non liquides. La corbeille a différents noms dans la Bible.

I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Sal, nom des corbeilles (xcéveov, canistrum) que le panetier du pharaon portait sur sa tête. Gen., XL, 16, 17, 18. En Egypte, les fardeaux étaient portés de cette manière, par les hommes sur la tête, par les femmes sur l’épaule. Hérodote, ii, 35. Le même nom est attribué aux corbeilles dans lesquelles on présentait à l’autel les gâteaux et les pains. Exod., xxix, 3, 23, 32 ; Lev., viii, 2, 26, 31 ; Num., vi, 15, 17, 19. C’est également dans un sal (xdçivo ; , canistrum) que

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340. — Corbeilles égyptiennes. Musée du Louvre.

Gédéon met le chevreau qu’il va servir à ses hôtes. Jud., vi, 19. Au sal se rattache le salsillôf, mot au pluriel (xàp-TaXXoç, cartallus), qui vient de la même racine et désigne le panier du vendangeur. Jer., vi, 9. Il est probable que le sal était surtout la corbeille d’origine égyptienne, que les premiers Hébreux avaient connue sur les bords du Nil, et dont le nom cessa d’être employé après l’époque des Juges. Les monuments égyptiens représentent des corbeilles de formes diverses, soit en osier, soit en jonc (9g. 340). — Cependant la corbeille dans laquelle Moïse avait été exposé sur le Nil n’était pas un sal, dont les parois eussent laissé passer l’eau, mais une têbaf gomé’, « coffre de papyrus » improvisé (Septante : 0c6t| ; Vulgate : fiscella scirpea), que l’on prit soin d’enduire de bitume et de poix pour le rendre imperméable. Exod., il, 3. Le mot tëbâh, que les Septante se contentent de rendre phonétiquement, est d’origine égyptienne. Cf. t. i, col. 923.

2° Dûd, qui signifie aussi « marmite », et dûday (xi-XaOo ; , calathus), Jer., xxxiv, 1, 2, est une’corbeille à porter des fruits. C’est dans un dûd (xipTaXXoj, cophinus ) que Jéhu fait porter à’Jezræl les têtes des fils d’Achab. IV Reg-, x, 7. Le Psalmiste appelle du même nom (xôtpivoç, cophinus) les corbeilles ou couffes que les Hébreux eurent à transporter pendant la servitude d’Egypte. Ps. lxxx (lxxxi), 7. Ces corbeilles sont repré II. — 31

sentées dans la planche coloriée, t. i, col. 1932. Elles ont une forme qui ressemble assez à celle de la marmite et servent à transporter l’argile sur l’épaule. Voir Corvée, i. 3° Téné’, la corbeille dans laquelle on présente les prémices des fruits au Seigneur, Deut., xxvi, 2, 4 (xâptaX-Xoç, cartallus), ou dans laquelle on conserve les provisions, Deut., xxviii, 5, 17 (àito8ï]Xï), horreum). Les Arabes de Tunisie transportent de nos jours les figues et le raisin dans des paniers, de forme légèrement conique, faits avec des tiges de grenadiers et parfois en partie

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341. — Corbeille assyrienne.

D’après L.iyard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 35.

avec l’écorce du roseau. Leur contenance varie selon leur grandeur de quatre à huit kilogrammes de raisin.

On les nomme en arabe <*Jji-3, qartallah, mot qui dérive du cartallus par lequel la Vulgate a traduit téné’.

4° Kelûb, « cavité, » et aussi corbeille de fruits {’iyfo : , « corbeille, » uncinus, « crochet » ). Am., viii, 1, 2. Le Kelûb avait sans doute une forme analogue à celle d’une cage. Voir Cage, col. 30.

II. Dans le Nouveau Testament. — 1° La sjtupi’ç (sporta), corbeille ronde tressée en osier pour porter le pain ou le poisson, Hérodote, v, 16 ; Aristophane, Pax, 1005, est celle qui figure dans la seconde multiplication des pains, Matth., xv, 37 ; xvi, 10 ; Marc, viii, 8, 20, et dans laquelle, d’après saint Luc, saint Paul fut descendu du haut des murs de Damas. Act., îx, 25. — 2° Le xôfivo ; , cophinus, autre espèce de corbeille, sert exclusivement à la première multiplication des pains. Matth., xiv, 20 ; xvi, 9 ; Marc, vi, 43 ; viii, 19 ; Luc, IX, 17 ; Joa., vi, 13. La comparaison de Matth., xvi, 9 ; Marc, viii, 19, avec Matth., xvi, 10 ; Marc, viii, 20, montre que les évangélistes ont entendu parler de deux sortes de corbeilles un peu différentes. Quand les Juifs voyageaient, ils ne manquaient pas de porter avec eux une corbeille, dans laquelle ils gardaient leurs provisions, afin de n’être pas exposés à prendre en route des mets impurs. C’est à raison de cette coutume que Martial, Epigr., v, 17, les appelle « cistiferi », ’porte-corbeilles, et que Juvénal, Sat., iii, 14 ; vi, 542, dit d’eux qu’ils ont pour tout bagage une corbeille et du foin,

Judæis, quorum cophinus fœnumque supellex.

Le foin leur servait à reposer leur tête quand ils voulaient dormir. Il ne fut donc pas difficile, après les multiplica | tions des pains, de trouver un certain nombre de corbeilles vides pour recueillir les morceaux.

3° Enfin saint Paul, II Cor., xi, 33, donne le nom de (Tapyâvr) (sporta) à la corbeille dans laquelle il s’échappa de Damas, et que saint Luc a appelée abrupt’; . Les deux

mots ont d’ailleurs même signification.
H. Lesêtre.
    1. CORBONA##

CORBONA (xop60cvî ; ), nom du trésor où étaient reçus les dons offerts par les fidèles au Temple de Jérusalem. Matth., xxvii, 6. « Le trésor sacré, dit Josèphe, Bell, jud., II, îx, 4, est appelé xopëavâç. » Les princes des prêtres ne voulurent point mettre dans ce trésor le prix de la trahison de Judas, lorsqu’il leur rapporta les trente deniers qu’il en avait reçus pour leur livrer Jésus-Christ. On appelait le trésor xop@ivî< ; , parce qu’il recevait les dons (xopëâv) des fidèles. Voir Corban.

CORDE. Les cordes des anciens étaient faites avec toutes sortes de matières textiles suffisamment résistantes : le liii, Exod., xxvi, 1, etc. ; Is., xix, 9, les fibres des palmiers, les poils de chameau, etc. Un dessin égyptien montre des cordiers qui fabriquent la corde au moyen de la torsion. Auprès d’eux sont des cordages enroulés (fig. 342). La multiplicité des usages auxquels on peut employer la corde fait qu’en hébreu, comme dans nos langues modernes, elle a un certain nombre de noms différents.

Ancien Testament. — 1°’Agmôn (Septante : xpt’vo ;  ; Vulgate : circulus). Job, XL, 26 (Vulgate, 21). C’est le lien de jonc que les pêcheurs passent dans les branchies des poissons pour les conserver quelque temps dans l’eau.

2° Ifébél (Septante : <r> ; otvi<7|i, a, ct^oiviov ; Vulgate : funis, funiculus). C’est la corde proprement dite. — 1. Elle sert à monter et à descendre les lourds fardeaux, Jos., n, 15 ; Jer., xxxviii, 6, 11, 13, parfois à l’aide de poulies ; à fixer la tente sur le sol, Is., xxxiii, 20, 23 ; à suspendre des draperies, Esth., i, 6 ; à lier les animaux, Job, XL, 20 ; à faire des entraves pour les pieds, Job, xviii, 10 ; à dresser des pièges, Ps. cxxxix, 6 ; à lier les ballots de marchandises, Ezech., xxvii, 24 ; à tirer sur des rouleaux les plus pesantes charges. Les partisans d’Absalom parlent hyperboliquement d’entourer une ville de cordages et de l’entraîner dans le précipice. II Reg., xvii, 13. Une peinture égyptienne montre des ouvriers traînant ainsi avec une corde une sorte de chapelle (fig. 343). C’est en s’attelant en nombre immense à de gros cordages que les Égyptiens et les Chaldéens transportaient leurs lourdes statues. Dans un bas-relief représentant Une armée de Babyloniens qui traînent un taureau colossal, on voit les cordes employées à la traction, à la manœuvre des leviers, au maintien de l’équilibre de la lourde masse. Des cordages de rechange sont portés sur des chariots (voir fig. 206, col. 591). — 2. Comme le hébél sert à lier les prisonniers, on se met la corde au cou en signe de soumission. III Reg., xx, 31, 32 (voir t. i, fig. 124, col. 511). Au figuré, le Jfébél désigne les liens de la pauvreté, Job, xxxvi, 8 ; les liens du péché, Prov., v, 22 ; les liens de l’impiété, Is., v, 18, et aussi les « cordes d’homme », c’est-à-dire les soins paternels de la Providence, qui conduit les hommes comme à la lisière, ainsi qu’une mère fait pour ses enfants. Os., xi, 4. — 3. Dans une allégorie de l’Ecclésiaste, xii, 6, la vie humaine est comparée à une lampe d’or suspendue à un hébél d’argent.

— 4. Ce mot désigne aussi le cordeau avec lequel on mesure les grandes longueurs, Zach., ii, 5, 6 (Vulgate, 1, 2), et le niveau au moyen duquel on assure l’horizontalité du sol. Passer une ville au hébél, c’est donc la raser. II Reg., viii, 2 ; Am., vii, 17. — 5. Enfin, la mesure étant prise pour la chose mesurée, hébél est souvent synonyme de propriété, de lot, d’héritage. De là ces paroles du Psaume xv (xvi), 6 : « Les cordeaux sont tombés pour moi dans un lieu délicieux, et l’héritage est pour moi magnifique, s Cf. Deut., xxxii, 9 ; Jos., xvii, 5, 14 ; .

xix, 9, 29 ; IPar., xvi, 18 ; Esth., xiii, 17 ; Ps. lxxvii, 54 ; civ, 11 ; Ezech., xlvii, 13 ; . Mich., ii, 5 ; Soph., ii, 5-7. Le mot hébél précède toujours avec ce dernier sens le nom géographique Argob. Voir Argob, t. i, col. 950.

3° Yétér (Septante : vevpà ; Vulgate : funis nervaceus), Corde solide, peut-être la corde de boyau, avec laquelle on peut garrotter solidement quelqu’un, surtout quand elle est fraîche, Jud., xvi, 7, 9, et dont on fait des cordes

bandelette, Exod., xxviii, 28, 37 ; xxxix, 30 (hébreu, 31) ; Num., xv, 38 ; et parfois un fil d’or. Exod., xxxix, 3.

8° Qâv, de qâvâh, « tordre » (Septante : [jUTpov, crnaptiov YEw(15Tpii ; , ara6(id ;  ; Vulgate : funiculus, mensura, perpendiculum). Le qâv est toujours le cordeau qui sert aux usages techniques. C’est la corde à mesurer, Is., xliv, 13 ; Ezech., xlvii, 3 ; à diriger une construction, Job, xxxviii, 5 ; Zach., i, 16 ; Jer., xxxi, 39 (fig. 341) ;

Fabrication de cordes en Egypte. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, pi. clxiv

d’arc. Job, xxx, 11 ; Ps. xi, 2. Dans ces deux derniers passages, l’hébreu seul nomme cette corde.

4° Mêtâr, du même radical que le précédent, désigne la corde de l’arc, Ps. xxi (hébreu), 13, et les cordes avec lesquelles on dresse les tentes. Exod., xxxv, 18 ; xxxix, 40 ; Num., iii, 37 ; iv, 32 ; Is., liv, 2 ; Jer., x, 20.

à assurer l'égalité du sol et par conséquent à le niveler, IV Reg., xxi, 13 ; Is., xxxiv, 11 ; Lam., ii, 8 ; à indiquer les contours d’un vase. III Reg., vii, 23 ; II Par., iv, 2. Une seule fois, Ps. xix (hébreu), 5, qâv a le sens de corde musicale. Qavvâm signifie dans ce passage « leur son », (pâoyyoî, sonus. Quelques auteurs prétendent ce 343. — Naos tiré arec une corde. D’après Lepslus, Denkmaler, Abth. iii, Bl. 235.

5° Niqpâh (Septante : ir/otvîov ; Vulgate : funiculus), la corde attachée autour du corps du captif. Is., iii, 24.

6° 'Âbot, « ce qui est tressé. » Ce nom est donné aux cordons d’or qui soutiennent le pectoral du grand prêtre, Exod., xxviii, 14, 22 ; xxxix, 15 ; aux liens avec lesquels on attache les prisonniers, Jud., xv, 13, 14 ; xvi, 12 ; Ps. ii, 3 ; cxxix (hébreu), 4 ; Ezech., iii, 25 ; iv, 8 ; aux liens de l’impiété, Is., v, 18, et à ceux de la tendresse paternelle de Dieu. Ose., xi, 4.

7° Pâfll est le cordon auquel on suspend l’anneau, Gen., xxxviii, 18, 25 (hébreu) ; la ficelle (Septante : Sea^o ;  ; Vulgate : ligatura) avec laquelle on maintient le couvercle d’un vase, Num., xix, 15 ; un fil léger, Jud., xvi, 9 ; Ezech., xl, 3 ; la ganse de couleur qui fait l’office de

pendant qu’il faudrait lire qôlam, « leur voix. » En tout cas, le parallélisme ne permet pas de prendre ici le mot qâv dans le sens de corde à mesurer, « domaine. »

9° Tiqvâh, du même radical que le précédent, n’est employé que dans Josué, ii, 18, 21, avec le sens de ruban. C’est le ruban rouge que Rahab attache à sa fenêtre.

Sur le texte de l’Ecclésiaste, iv, 12, où la Vulgate traduit }, iût par funiculus triplex, « triple corde, » voir Fil. Sur plusieurs autres passages où il peut être question de cordes sans qu’elles soient nommées, voir Lacet, Lien. Sur les cordes musicales dont parlent seules les versions, Ps. xxxii, 2 ; cl, 4, voir Mrsxîs, t. iv, col. 1107.

II. Nouveau Testament. — Il n’y est explicitement parlé

de cordes que deux fois. Pour chasser les marchands du Temple, Notre -Seigneur fait un fouet avec des cordes qui servaient vraisemblablement à attacher des animaux ou à lier des marchandises. Joa., ii, 15. Quand le bateau qui porte saint Paul est chassé par la tempête jusqu’en

34J. — Corde il mesurer. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, pi. clxiv.

vue de Malte, les soldats coupent les cordages de la chaloupe dans laquelle les matelots voulaient se sauver.

Act., xxvii, . 32.
H. Lesêtre.
    1. CORDIER Balthasar##

CORDIER Balthasar, jésuite français, né à Arras le 7 juin 1592, mort à Rome le 24 juin 1650. Il fut admis au noviciat des Jésuites le 31 janvier 1612. Après avoir enseigné trois ans la langue grecque et huit ans la théo Psalmos, 3 in-f », Anvers, 1643-1646 ; 5° Job illustratus, in-f°, Anvers, 1646 (inséré dans le Cursus Scripturse Sacras de Migne et dans les Commentaires de Cornélius a Lapide, édition de l’abbé Crampon) ; 6° Symbolx in Matthsewn exhibens catenam grxcorum Patrum unius et viginti, 2 in-f », Toulouse, 1646-1647 ; 7° S. Cyrilli archiepiscopi Alexandrini in homilia XIX in Jeremiam, in-8°, Anvers, 1648. — Il avait le projet, quand il mourut, d’imprimer les homélies sur les Évangiles de Jean Calecas, patriarche de Constantinople, et de Jean Ceraneus, et des commentaires sur le livre de la Sagesse.

C. SOMMERVOGEL.

CORDONNIER. Les cordonniers, ou fabricants de chaussures, ne sont pas nommés dans la Bible ; mais il y avait certainement des ouvriers de ce métier chez les Juifs, quoique une grande partie des chaussures portées en Palestine pouvaient être fabriquées dans la famille pour l’usage de la maison. Les peintures égyptiennes peuvent nous donner une idée de ce qu'étaient les cordonniers juifs. Sur une peinture de Thèbes (fig. 345), on voit un atelier de cordonnerie où travaillent quatre ouvriers. L’un d’eux assouplit le cuir en le pressant contre une forme ; deux autres percent avec des alênes, l’un une oreillette, l’autre une semelle. Voir Alêne, t. i, col. 343. Un quatrième tire avec les dents un cordon qui traverse le cuir. On voit près d’eux d’autres alênes et un tranchet ; des chaussures sont suspendues à la muraille. Elles sont découpées, mais non encore garnies. Champollion, Monuments d’Egypte et de Nubie, in-f", Paris, 1845, pi. clxvi, fig. 3. J.- G. Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., in-8°, Londres, 1878, t. ii, p. 187, fig. 394 ; p. 188, fig. 395. Maspero, Histoire ancienne de l’Orient, 111-4°, Paris, 1895, t. i, p. 313. Une autre peinture représente des cordonniers grattant et as 345. — Cordonniers égyptiens. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte et de la Nubie, pi. clxvi.

logie morale, il prit ses grades de docteur en théologie à Vienne (Autriche) et y enseigna l'Écriture Sainte. Sa grande connaissance de la langue grecque lui permit de traduire en latin un certain nombre d’ouvrages des Pères grecs, dont il recueillit les manuscrits dans les bibliothèques d’Allemagne, d’Espagne, de France et d’Italie. Montfaucon, Mai, Richard Simon, lui ont reproché quelques erreurs de critique dans l’attribution de tel ou tel manuscrit à tel ou tel écrivain ; mais cela ne diminue pas la valeur de ses travaux. On a de lui : 1° Catena sexaginta quinque grsecorum Patrum in S. Lucam, quse quatuor simul evangelistarum introducit explicationem, avec des notes, in-f", Anvers, 1628 ; 2° Catena Patrum grsecorum in S. Joannem, in-f », Anvers, 1630 ; 3° Joannis Philoponi in cap. 1 Geneseos de mxindi creatione libri septem, in-4 « , Anvers, 1630 ; 4° Expositio Patrum grsecorum in

souplissant la peau sur une forme. Champollion, Monuments, pi. CLXXXII.

Le métier de cordonnier était considéré comme très misérable chez les Égyptiens. « Le cordonnier, dit un ancien auteur, est très malheureux ; il geint éternellement, sa santé est celle du poisson qui fraie, et il ronge les cuirs. » Papyrus Sallier, ii, pi. vii, 1. 9 ; pi. viii, 1. 2. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 313-314. Il en fut de même chez les Grecs. Chez les Romains, au contraire, les cordonniers étaient citoyens, et plusieurs d’entre eux devinrent très riches. Martial, Epigr., iii, 16 et 59 ; Tacite, Annal., xv, 34 ; Juvénal, v. 46. On prétend même que Vitellius descendait d’une famille de ce métier. Suétone, Vitellius, 2. Chez les Juifs, le métier de fabricant de sandales paraît avoir été aussi considéré comme honorable. Mischna, Pesach., iv, 6. E. Beurlier.

    1. CORDOVA Jean -Rodolphe##

CORDOVA Jean -Rodolphe, jésuite espagnol, né à Arevalo (Espagne) en 1602, mort à Logrono le 8 octobre 1655. Il entra au noviciat des Jésuites en 1617, professa la théologie morale et fut appliqué pendant vingt ans à la prédication. Il a laissé : Catena proonyma versionum glossematum SS. Patrum veterum et neothericoruni interpretum Hebrxorum, Greecorum, Latinorum in 11Il libros Regum tomus primus… Cum institutionibus nwralibus pro concionatoribus, in-f°, Lyon, 1652. Les deux autres volumes n’ont pas été publiés.

C. SOMMERVOGEL.

CORÉ. Nom de six personnages dans la "Vulgate ; mais, dans le texte hébreu, les quatre premiers portent le nom de Qôrah, « calvitie ; » les deux derniers celui de Qôrê', « héraut. » Les Septante, sauf une fois, transcrivent partout KopÉ.

1. CORÉ. Troisième fils d'Ésaù par Oolibama. Il naquit en Chanaan avant que son père ne se fût fixé dans les montagnes de Séïr, et fut un des chefs, 'allûf, d'Édom. Gen., xxxvi, 5, 14, 18 ; I Par., i, 35.

2. CORÉ. Cinquième fils d'Éliphaz, le premier-né d'Ésaù, d’après Gen., xxxvi, 16. Mais dans la liste des enfants d'Éliphaz donnée plus haut, Gen., xxxvi, 11, ce nom ne figure point, ni non plus dans la liste de I Par., i, 36. Il paraît donc s'être glissé à tort au ꝟ. 16 par inadvertance de copiste : le samaritain dans ce verset omet ce nom.

3. CORÉ, lévite, fils d’Isaar, petit-fils de Caath et arrière-petit-fils de Lévi. Exod., vi, 16, 18, 21. Son nom est resté attaché à une sédition dirigée contre Moïse et Aaron et dont il fut l’instigateur et le chef. La date de cette révolte n’est pas donnée par le livre des Nombres, où l’on en trouve le récit ; mais elle dut éclater peu de temps après l’inauguration du nouveau sacerdoce dans la personne d' Aaron et de ses fils ; car ce fut surtout l’institution de ce sacerdoce qui provoqua les mécontentements dans lesquels il faut voir les origines de la conspiration de Coré.

I. Causes et but de la conspiration. Complices de Coré. — La création du souverain pontificat et du sacerdoce aaronique, que Dieu établit après l’exode, Exod., xxviii, xxx ; Hebr., v, 4 ; II Par., xxvi, 18, constituait une sorte de révolution religieuse de la plus haute importance et qui allait à l’encontre des traditions patriarcales encore en vigueur au moment de la sortie d’Egypte. Selon ces traditions, l’aiué de chaque famille était prêtre. Ëxod., xix, 22-24 ; xxiv, 5. L’innovation dut donc être acceptée à contre-cœur par un grand nombre d’Israélites attachés à cet antique usage. Ce changement fut accueilli avec défaveur même parmi les Lévites. Moins sensibles à l’honneur que Dieu avait fait à leur tribu en les consacrant à son culte, qu'à la position inférieure où il les avait mis vis-à-vis de la famille d’Aaron, dont ils étaient comme les serviteurs, plusieurs d’entre eux prétendirent partager avec les Aaronites la dignité sacerdotale, sinon même la leur ravir à leur profit. Num., xvi, 3, 7 b -H. Le Caathite Coré, qui aspirait au sacerdoce comme les autres Lévites, et portait même ses vues plus haut, jusqu’au souverain pontificat, avait en outre un motif personnel de ressentiment contre Moïse : celui-ci lui avait préféré comme chef de tous les Caathites nlisaphan, qui appartenait à la dernière des branches de la famille, celle des Oziélites. Num., iii, 30.

Une autre tribu n’avait pu considérer sans un dépit particulier la nouvelle organisation des pouvoirs en Israël : c'était celle des Rubénites. Elle voyait les fils d’Amram en possession des droits dont Jacob avait dépouillé Ruben, son fils aîné, le sacerdoce donné à Aaron et surtout la magistrature suprême exercée par Moïse. Gen., xxvii, 29 ; xlix, 3-4, 8 ; I Par., v, 1-2. Voir Aînesse, t. i, col. 318-319. Les Rubénites avaient ainsi un double motif de

jalousie contre les fils d’Amram, l’un religieux, l’autre politique, et celui-ci était le plus puissant, comme on le voit par la suite des faits. Num., xvi, 12-14 ; cꝟ. 24-25.

Toutefois ces mécontentements d’origine diverse répondaient à des intérêts non seulement différents, mais encore opposés les uns aux autres, et faisaient naitre des projets ou des désirs contraires : le peuple en général souhaitait simplement le rétablissement de l’antique sacerdoce de la famille ; les Rubénites aspiraient à reconquérir pour leur tribu les prérogatives perdues par Ruben, et n’entendaient pas travailler à assurer à celle de Lévi ce qu’ils regardaient comme une usurpation accomplie à leur préjudice ; pour les Lévites enfin, l’unique but à atteindre était de dépouiller la famille d’Aaron, mais en faisant toujours de ses fonctions sacrées l’apanage de leur tribu. Il fallait cependant, pour le succès de la conspiration, trouver un terrain sur lequel on put réunir tous les esprits, malgré cette diversité de vues et de tendances particulières. Or le seul point commun entre tous les mécontents était le désir de renverser le sacerdoce aaronique et avec lui, s’il le fallait, l’autorité de Moïse ; ce dernier résultat était même le principal objectif des Rubénites. Celte revendication unanime était un mobile suffisant pour obtenir une action commune. Coré le comprit ; aussi adopta-t-il, pour exprimer les volontés des révoltés, une formule générale et populaire, et le cri de ralliement de tous les conjurés fut l’abolition des privilèges de la famille d’Aaron et l'égalité de tous les Israélites devant le Seigneur. Num., xvi, 2.

Une circonstance topographique favorisa la préparation du complot et contribua à en assurer le succès : les Caathites et les Rubénites se trouvaient placés les uns à côté des autres dans la partie méridionale du camp, au sud du tabernacle. Num., ii, 10 ; iii, 27, 29. Ce voisinage établissait naturellement entre eux des relations plus intimes et facilitait les communications. Coré put donc aisément chercher des partisans parmi les Rubénites. Ses principaux complices furent Dathan et Abiron, fils d'Éliab, et un troisième, Hon, fils de Phéleth, qui n’est plus nommé dans le récit de la sédition. Num., xvi, 1. Ils appartenaient, au moins les deux premiers, aux familles les plus distinguées de la tribu de Ruben. Num., xvi, 5. Outre les Rubénites, Coré souleva encore contre Moïse et surtout contre Aaron, ou plutôt contre Dieu même, Num., XVI, 9, deux cent cinquante Israélites qui comptaient parmi les premiers des différentes tribus, Num., xvi, 2, 11 ; et ensemble ils soufflèrent l’esprit de révolte dans le peuple et l’entraînèrent à leur suite. Num., xvi, 5, 19, 41-42.

II, La révolte et le châtiment divin. — C’est à la tête de cette mullitude hostile que Coré vint dire à Moïse et à Aaron : « Assez pour vous ! » Num., xvi, 3° (selon l’hébreu), et les sommer de rendre le sacerdoce à toute la nation, qui était, disait-il, le peuple de Dieu et un peuple de saints, Exod., xix, 6 ; cf. I Petr., ii, 9, comme si Israël pouvait rester le peuple de Dieu en renversant l’ordre établi par Dieu même. Num., xvi, 3. Moïse se prosterna pour prier ; puis il reprocha sévèrement à Coré et aux Lévites leur ingratitude envers le Seigneur et leur indiqua de sa part un moyen surnaturel de trancher la question entre eux et Aaron. Puisqu’il s’agissait du sacerdoce, dont la prérogative essentielle est le droit d’offrir des sacrifices, c’est dans l’oblation du sacrifice qu’on chercherait la réponse de Dieu, et l’on choisirait le sacrifice de l’encens, pour rendre l'épreuve plus simple et plus facile. Aaron d’un côté, les deux cent cinquante prétendants de l’autre, offriraient en même temps l’encens dans leurs encensoirs allumés. Num., xvi, 4-11, 16-17. Les conjurés avaient dû fabriquer d’avance les encensoirs en prévision de leur usurpation, ou bien ils les avaient emportés avec les autres dépouilles en quittant l’Egypte, Exod., iii, 21 -22 ; xi, 2 ; xii, 35-36, où ces objets étaient très communs.

Cette épreuve eut lieu le lendemain, comme l’avait prescrit Moïse. Accompagnés encore de la multitude séduite par eux, Coré et les deux cent cinquante Israélites se trouvèrent avec leurs encensoirs pleins de feu à la porte du tabernacle, où les attendaient Moïse et Aaron. En ce moment « parut à tous les regards la gloire du Seigneur », c’est-à-dire que la colonne de nuée qui résidait sur le tabernacle devint resplendissante de lumière, afin de rappeler plus vivement la présence de Dieu, qui l’avait choisie pour demeure pendant le séjour d’Israël au déssrt. Voir Colonne de nuée, col. 855. Le Seigneur annonça qu’il allait exterminer à l’instant tous les rebelles ; mais il se laissa toucher à la prière de Moïse et d' Aaron, et, se contentant du châtiment des chefs, il ordonna à Moïse de faire éloigner le peuple des tentes de Coré, de Dathan et d’Abiron, afin qu’il ne fût pas enveloppé dans leur destruction. Num., xvi, 18-26.

Dathan et Abiron allaient être punis auprès de leurs demeures ; ils n’avaient pas cru devoir venir au tabernacle avec les autres rebelles. Déjà, la veille, ils s'étaient retirés pendant que Moïse haranguait les autres, — peutêtre même n'étaient-ils pas venus avec eux, — et, quand Moïse les avait mandés auprès de lui, ils avaient refusé de s’y rendre, en lui reprochant ironiquement d’avoir donné au peuple un désert au lieu d’un « pays où coulaient le lait et le miel ». Num., xvi, 12-14. Leurs critiques s’adressent surtout à Moïse et à son gouvernement, qu’ils censurent amèrement ; ils paraissent moins soucieux de la dignité religieuse d’Aaron, et ce fut peut-être un des jnotifs pour lesquels ils n’allèrent pas offrir l’encens devant le tabernacle. Peut-être attendaient-ils chez eux la nouvelle du succès des sacrificateurs contre Aaron, pour mettre à exécution à leur tour leurs projets contre l’autorité de Moïse. Moïse vint donc avec les anciens du peuple vers ces « hommes impies », et sur son ordre la foule fit cercle autour de leurs tentes. Dathan et Abiron sortirent avec leurs femmes, leurs enfants et ceux qui les soutenaient, et ils se placèrent devant la porte des tentes. Moïse s’adressa alors au peuple pour annoncer qu’il allait agir au nom du Seigneur et par sa puissance, et qu’afin de montrer à tous que Dathan et Abiron s'étaient révoltés contre Dieu même en attaquant Aaron, la terre allait s’ouvrir et les engloutir vivants, eux et teuis familles avec tout ce qui leur appartenait, ce qui eut lieu à l’instant même. La foule, épouvantée par la vue de ce spectacle inouï et par le cri des victimes, s’enfuit dans la crainte du même sort. Num., xvi, 25-34 ; Deut., xi, 6.

Un autre genre de châtiment frappa les deux cent cinquante révoltés qui offraient l’encens devant le tabernacle : ils furent dévorés par « un feu sorti du Seigneur », Num., xvi, 19, 35, et Dieu ordonna qu'Éléazar jetât le feu de leurs encensoirs, et que par ses soins l’airain de ces encensoirs fût réduit en lames et appliqué sous cette forme à l’autel des holocaustes, comme un souvenir de la punition des profanateurs et un avertissement pour ceux qui voudraient les imiter à l’avenir. Num., xvi, 36-40 ; cf. Jud., y. 11. Quant à Coré, le livre des Nombres ne nous dit pas en cet endroit s’il fut puni avec Dathan et Abiron ou bien s’il périt avec ceux que la flamme consuma ; les commentateurs sont en conséquence partagés sur ce point. Le récit de la sédition paraît favoriser le sentiment des exégètes qui pensent que Coré périt par le feu avec ceux qui offrirent l’encens comme lui. Voir Estius, Annot. in Num., xvi, 35.

La mort de Coré ne rétablit pas l’ordre troublé par sa révolte. La multitude qu’il avait gagnée commença à murmurer le lendemain contre Moïse et Aaron, en leur reprochant d’avoir fait périr « le peuple de Dieu ». Le Seigneur avait épargné la veille ces partisans du rebelle ; mais, en entendant leurs murmures, il déchaîna contre eux un fléau terrible, qui sema rapidement la mort dans le camp. La vengeance divine avait déjà fait quatorze mille sept cents victimes, lorsque Aaron vint l’arrêter par

son intervention. Num., xvj, 41-50. Cependant on ne trouva, ni parmi les morts de cette seconde journée ni parmi ceux de la veille, aucun des fils de Coré ; et l’auteur sacré fait remarquer que c’est par une sorte de miracle qu’ils ne furent pas entraînés dans la perte de leur père, Num., xxvi, 10-11, sans s’expliquer sur la nature de ce prodige. La raison de cette préservation providentielle fut sans doute le refus de participer à la révolte de leur père, malgré l’exemple donné par les familles de Dathan et d’Abiron. Dieu sembla les récompenser encore de leur fidélité dans la personne de leurs descendants par la place honorable que ceux-ci obtinrent dans les fonctions du culte et le service du Temple ; ce fut d’ailleurs l’un d’eux et le plus illustre de tous, Samuel, qui reçut de Dieu la mission de fonder la monarchie en Israël. I Beg., i-xxv, 1 ; I Par., vi, 22, 28 ; IX, 19 ; xxvi, ; II Par., xx, 19. Les inscriptions placées en tête des Psaumes en attribuent onze aux « fils de Coré », à savoir : les Psaumes xli, xliii-xlviii, lxxxiii, lxxxiv, lxxxvi, lxxxvii.

III. Importance historique de cet événement. — La révolte de Coré fut un des événements les plus considérables qui signalèrent le séjour des Israélites au désert. Elle se distingua des autres rébellions par son caractère constitutionnel, pour employer une expression empruntée à nos institutions modernes. Le but de son auteur était de détruire la constitution religieuse et l’autorité politique établies par Jéhovah, pour leur substituer un nouvel ordre de choses. Aussi voyons-nous que Dieu, au lieu de châtier simplement les rebelles selon sa coutume, Num., xi, 1 ; xiv, 21-22, etc., daigne les défier et les provoquer à une épreuve solennelle au moyen de laquelle il défend publiquement la légitimité du sacerdoce d’Aaron, tandis que Moïse s’en va de son côté faire éclater son autorité contre les Rubénites, qui en voulaient surtout au chef politique d’Israël. C’est encore pour répondre d’une autre manière aux prétentions des usurpateurs que Jéhovah veut que leurs partisans ne doivent leur salut qu'à l’intercession d’Aaron, Num., xvi, 22, 46-48 ; et de même il confirme la succession des grands prêtres dans la famille d’Aaron en ordonnant qu'Éléazar, son fils aîné, et non Aaron lui-même, disperse le feu des encensoirs et réduise le métal dont ils sont faits en lames qu’il devra attacher de ses mains à l’autel, comme un témoignage perpétuel du droit exclusif et imprescriptible des descendants d’Aaron aux fonctions du sacerdoce. Num., xvi, 37-40. Voir saint Augustin, 1. IV, Qusest. xxx in Num., t. xxxiv, col. 730-731. Telle était l’importance de la question soulevée par Coré, que Dieu voulut la régler une fois de plus et sous une autre forme, par le prodige de la verge d’Aaron fleurissant seule au milieu de celles des chefs des autres tribus. Num., xvii, 1-10. Voir Aaron, t. i, col. 7. Le peuple put comprendre par cette conduite de Dieu toute la gravité de l’attentat de Coré ; aussi la mémoire du rebelle futelle désormais en exécration dans Israël. Nous voyons, longtemps après, les filles de Salphaad protester que leur père n’avait point trempé dans la conspiration, Num., xxvii, 3 ; et, dans le Nouveau Testament, saint Jude, y. 11, met Coré sur la même ligne que Caïn et Balaam. E. Palis.

4. CORÉ. Un des fils d’Hébron dans la descendance de Juda. I Par., ii, 43.

5. CORÉ (Codex Alexandrinus : XwsrJ, père de Sellum ou Mésélémia, chef de portiers sous le règne de David. I Par., ix, 19 ; xxvi, 1, 14. Ce Coré ; hébreu : Qorê') était un descendant de Coré 3 (hébreu : Qovah).

6. CORÉ (Septante : Kopr, ; Codex Alexandrinus : Kuprj), lévite, fils de Jemma. Il était gardien de la porte orientale sous le règne d'Ézéchias et était chargé de la distribution des revenus sacrés. II Par., xxxi, 14.

CORIANDRE. Hébreu : gad ; Septante : xôpiov ; Vulgale : coriandrum.

I. Description. — Herbe annuelle de la famille des Ombellifères et type de la tribu des Coriandrées. À l'état frais l’odeur de la plante entière exhale par le froissemont une odeur fétide, analogue à celle de là punaise ; mais cette odeur se modifie par la dessiccation et devient agréable. On emploie surtout le fruit, qui est globuleux, de cinq millimètres de diamètre, de couleur brun clair, et orné de côtes longitudinales, les unes plus saillantes

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346. — Coriandrum sativum.

La petite graine reproduit, grandeur naturelle, une graine

desséchée, rapportée du Sinaï en 1894.

et rectilignes, alternant avec d’autres un peu déprimées, mais remarquables par leurs plissements. — L’unique espèce cultivée pour l’usage de la parfumerie est le Coriandrum sativum (fig. 346), originaire de l’Orient, et qui croît spontanément dans toute la région méditerranéenne. Boissier, Flora orientalis, t. ii, p. 921, dislingue en outre, sous le nom de Coriandrum tordylioides, une forme voisine, découverte par Fenzl et spéciale à la Syrie, qui ne diffère de la précédente que par son port plus robuste et ses feuilles moins finement découpées. F. Hy. II. Exégèse. — D’après Exod., xvi, 31, et Num., xi, 7, la manne ressemblait à la graine de gad. Or le gad est certainement la coriandre : c’est la traduction des Septante et de la Vulgate, des paraphrases chaldéennes, du syriaque et de l’arabe ; c’est aussi le nom de la même plante en punique ou phénicien, yoîS, selon Dioscoride, m, 64. La coriandre était bien connue des Hébreux pendant leur séjour en Egypte : elle y croît spontanément ; on l’appelait ounsaou, et sa graine ounsi. Les papyrus médicaux la nomment fréquemment ; on se servait de la graine pour rendre le vin plus enivrant. Des débris de cette plante et des graines ont été plusieurs fois trouvés dans les lombes égyptiennes. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., in-8°, Paris, 1892, p. 72. Cette plante était aussi, comme aujourd’hui, très abondante dans le Sinaï et la vallée du Jourdain. Rien donc de plus naturel que de

comparer la manne à une graine si connue des Hébreux. D’après Exod., svi, 31, « la manne est comme la graine de coriandre (fig. 346), lâbàn (blanche). » Cette dernière épithète se rapporte à la manne et non à la graine de coriandre, qui n’est pas blanche. On compare la manne à cette graine pour la grosseur seulement et non pour la couleur. C’est ce qui ressort clairement du reste du passage parallèle, Num., xi, 7 : a La manne est comme la graine de coriandre, avec l’aspect du bdellium. » Voir t. i, col. 1527. Les rabbins l’avaient bien compris ainsi, quand ils disent, Ioma, viii, ꝟ. 75, « la manne est ronde comme la corhndre et blanche comme la perle. »

E. Levesque. CORINTHE (Kôpiveoç), ville de Grèce (iig. 347), où saint Paul a annoncé l'Évangile avec le plus de succès. Il y arriva seul une première fois, après son bref séjour à Athènes, et s’y établit chez Aquila et Priscille, Act, xviii, 1, deux Juifs, mari et femme, chassés de Rome, avec la masse de leurs compatriotes, vers la fin du règne de Claude. D’après Suétone, Claude, xxv, cette expulsion avait été motivée par l’agitation bruyante qui avait

347.

Monnaie de Corinthe.

Tête de Pallas, a gauche ; derrière, tête du Soleil radié ; au-dessous, A. — fy Pégase, a gauche, prenant son essor ; au-dessous le koppa, 9.

concordé dans les synagogues avec l’annonce de l'Évangile et du Christ son auteur, — impulsore Chresto, — prêchée par quelque nouveau venu de Palestine, saint Pierre selon toute probabilité. Pour gagner sa vie, Paul se mit à faire des tentes, comme les hôtes chez qui il avait reçu l’hospitalité. Silas et Timothée ne tardèrent pas à le rejoindre. Sa parole trouvant de violents et obstinés contradicteurs dans la synagogue, il laissa les Juifs de côté, et s’occupa exclusivement de prêcher aux nations. Afin de mieux affirmer aux yeux de tous ses préférences pour les Gentils et l’inutilité des prescriptions légales, il se mit à enseigner chez un païen converti, Titus Justus, dont la maison était contiguë à la synagogue. Ainsi se fonda l'Église de Corinthe. Paul consacra dixhuit mois à la développer, sans se laisser décourager par une sédition de Juifs fanatiques, que le proconsul Gallion traita d’ailleurs avec une parfaite indifférence. L’Apôtre ne partit avec Aquila et sa femme que quand l’heure lui parut propice pour retourner en Orient. Peu après, Apollo, instruit et envoyé d'Éphèse par Priscille, vint l’y remplacer et continuer son apostolat. Act., xviii, 26 et suiv. Nous lisons positivement, Act., xx, 3, qu’une autre fois Paul retourna en Grèce et y passa trois mois, visitant certainement Corinthe. Malheureusement nous n’avons pas de détails sur ce séjour, où il semble avoir eu pour préoccupation principale de recueillir quelques aumônes en faveur des fidèles de Jérusalem. Selon toute probabilité, d’après II Cor., xii, 14 ; xiii, 1, comp. avec II Cor., xii, 21 ; ii, 1 ; xiii, 2, Paul, pendant sa longue station à Éphèse, était déjà allé une seconde fois visiter Corinthe, entre les deux lettres qu’il écrivit aux fidèles de cette Église. Qu’il y ait enfin reparu après son procès de Rome, c’est aussi ce que plusieurs supposent avec quelque vraisemblance. Saint Pierre luimême évangélisa Corinthe et y eut ses partisans. I Cor., i, 12, cf. Eusèbe, H. E., ii, 24, t. xx, col. 209. L'Église

de cette ville, bien que renfermant des Juifs de marque, tels que Crispus, chef de la synagogue, Priscillc, Aquila, se recruta surtout parmi les païens. Les noms qui sont cités soit dans la première Épitre adressée par Paul aux Corinthiens, soit dans les salutations de l’Epître aux Romains, écrite de Corinthe, sont presque tous latins et concordent avec le témoignage des historiens assurant que la ville fut surtout repeuplée par des affranchis. Il suffit de citer Fortunatus, Achaicus, Stephanas, Caïus, Erastus, Quartus, Tertius. I Cor., xvi, 15, 17 ; Rom., xvi, 22-23. Paul écrivit aux fidèles de Corinthe trois lettres, dont la première, I Cor., v, 9, ne nous est pas parvenue ; les deux autres nous font pleinement connaître la situation morale et religieuse de la communauté chrétienne fondée dans cette ville.

I. Le culte païen et les mœurs a Corinthe. — Corinthe était à cette époque le centre le plus peuplé, le plus riche et le plus dissolu de la Grèce. À l’ancienne capitale de la ligue achéenne, détruite par Mummius, avait succédé une cité nouvelle, rebâtie par Jules César, en l’an 44 avant notre ère. Plutarque, Csesar, 57 ; Dion Cassius, xliii, 50. Des commerçants, des industriels, des spéculateurs, étaient accourus de toutes parts, pour exploiter ce centre si heureusement situé sur le grand chemin de l’Orient à l’Occident. La ville, assise entre deux mers, avec un double port, Cenchrées, à douze kilomètres sur le golfe de Salamine, et Léchée, à deux seulement sur celui de Patras, servait de point de transit aux marchandises et aux voyageurs qui craignaient de doubler le cap Malée, si célèbre par ses tempêtes. On avait d’ailleurs trouvé le moyen de construire à Sehœnus, le point le plus étroit de l’isthme, un chemin glissant, Diolcos, pour transborder les navires eux-mêmes. Or tout cela ne se faisait pas sans droits de péage, et on peut dire que rien ne passait sous les. murs de Corinthe sans y laisser trace d’argent. De là le bien-être exubérant de cette ville. La fortune y engendrait l’amour du luxe, des objets d’art et surtout du plaisir. Celui-ci y était transformé en dégoûtante débauche par le culte honteux qu’on y rendait à Vénus

(fig. 348), l’Astarté phénicienne ou la Mylitte babylonienne, Hérodote, i, 199, mise en honneur dans le pays par les fondateurs d'Éphyre, la Corinthe primitive. On sait que le mot %opiv6nx(eiv, vivre à la corinthienne, était couramment employé pour caractériser le genre de vie le plus dissolu que la passion humaine ait rêvé. Depuis les libertins qui cherchaient des jouissances exceptionnellement raffinées, jusqu’aux matelots et aux marchands enrichis qui se contentaient des plus grossières, tous venaient, en payant, se livrer ici à d’indignes orgies et souvent se ruiner. De là le vieux dicton rappelé par Strabon, viii, 6, 20 :

Où mxvToç àvSpôç èç Kôpiv80v eo-8' à TtXoO ; ,

qu’Horace, Ep. i, 17, 36, traduisait ainsi :

Non cuivis homini contingit adiré Corinthum.

Dans le temple de la déesse, qui au sommet de l’acropole dominait les deux mers, on ne comptait pas moins de mille courtisanes, prêtresses de l’infâme divinité. Elles venaient de tout pays, envoyées la plupart du temps par quelque personnage important qui les achetait et les vouait à Vénus de Corinthe, comme on aurait fait immoler des génisses à Minerve ou à Jupiter. La superstition publique prétait d’ailleurs à ces prostituées une puissance d’intercession assez grande auprès de la divinité pour sauver même la patrie aux heures de danger. L’histoire assure

348. — Drachme de Corinthe. Tête de Vomis Érjcine, à gauche. — ^. Pégase volant, à gauche ; au-dessous le koppa, ^.

qu’au bas d’un tableau célèbre, où l’artiste avait représenté la procession de ces abominables prêtresses, Simonide, le poète lyrique qui avait chanté les vainqueurs de Marathon, de Salamine et de Platées, avait écrit des vers pour faire honneur aux suppliantes de Vénus de la défaite des Perses et du salut de la Grèce.

C’est dans ce milieu corrompu de soldats retraités, de navigateurs, de marchands, de petits bourgeois, d’esclaves, que Paul prêcha l'Évangile sous sa forme la plus dure et la moins attrayante, présentant à ces jouisseurscyniques Jésus mis à mort pour le péché du monde, et leur offrant le salut par la croix. Paradoxe aussi consolant qu'étrange, il réussit à fonder une église du Crucifié dansl’immorale ville de Vénus.

II. Topographie de Corinthe. — D’après les indications de Strabon, viii, 6, 20, et de Pausanias, ii, 1-4, on peut reconstituer à peu près Corinthe telle qu’elle était à l'époque où Paul y prêcha (fig. 349). Elle se composait de deux villes enfermées dans une même enceinte de remparts, la ville haute ou l’acropole (fig. 350), et la ville basse ou la ville proprement dite. La première, au sommet d’une immense roche s’avançant à peu près à pic vers le nord de l’isthme, se dressait à une hauteur de 575 mètres au-dessus de la plaine. Elle était à peu près inexpugnable, sauf le cas de surprise ou de trahison. Le dicton répandu était que quatre cents hommes et cinquante chiens suffisaient à la défendre. Le bloc rocheux de l’Acrocorinthe, se trouvant isolé des monts Oniens, nous a çaru autrement grandiose que les hauteurs dominant Éphèse ou Antioche. Stace, Theb., vii, 106, pour donner une idée de l’effet produit par la gigantesque montagne sur la plaine ouverte de tous côtés, la représente promenant du matin au soir sa longue traînée d’ombre d’une mer à l’autre :

…Quia summas caput Acrocorinlhus in auras Tollit, et alterna geminum mare protegit umbra.

Cette acropole ne fut jamais habitée que par des soldats et le personnel attaché au service des temples bâtis dans son enceinte en l’honneur de Junon Bunéa, de la Mère des dieux, de la Nécessité et de la Force, du Soleil, de Sérapis, d’Isis, et surtout de Vénus. Celui-ci, comme on le sait, éclipsait tous les autres par son importance et sa célébrité. Cinq pierres de bel appareil en marquent encore la place, au point culminant de l’Acrocorinthe. Sur Tune d’elles, nous nous sommes assis, lors de notre second voyage en Grèce, en 1893, regardant avec stupéfaction l’amas prodigieux d’indéchiffrables ruines qui couvre aujourd’hui l’acropole, et au milieu desquelles il est absolument impossible de rien reconstituer. Jamais, au cours de nos excursions, nous n’avons rien trouvé d’aussi complètement détruit et bouleversé. Seule la fontaine de Pirène conserve encore ses eaux non moins fraîches qu’abondantes et d’une merveilleuse limpidité. Le coup d'œil dont on jouit du haut des ruines du temple de Vénus est au nord et au sud, au levant et au couchant, un des plus grandioses qu’on puisse rêver. Il embrasse les sites, montagnes, vallées, fleuves, mers, villes, les plus célèbres ; de la Grèce.

On abordait jadis, comme aujourd’hui, l’Acrocorinthe par une longue montée de six kilomètres. Seulement autrefois la route, soigneusement entretenue, était bordée de monuments publics, temples, gymnase, théâtre, thermes et fontaines publiques, qui ont tous disparu. Seule une des fontaines, refaite dans le style turc, avec des chapiteaux d'église chrétienne, se voit encore au départ de la montée. Elle correspond peut-être à la source que Pausanias appelle de Lerne, et où, sous une belle colonnade, sur des sièges de marbre blanc, les Corinthiens oisifs venaient jadis s’asseoir et se distraire.

La ville basse, qui fut celle où Paul prêcha l'Évangile, occupait un vaste trapèze dominant la plaine, à 75 mètres

au-dessus du niveau de la mer. Ses édifices s'élevaient insensiblement en terrasses sur le ilanc septentrional de l’acropole jusqu’au point où, la terre végétale disparaissant, la roche gigantesque, sombre et couverte de déchirures, se dégage aujourd’hui abrupte et inabordable. Le petit sanctuaire dit de Saint-Georges, mais qui porta primitivement le nom de Saint-Paul, marque le point d’arrêt des anciennes constructions. Les habitants du pays prétendent que l’Apôtre eut là sa demeure. Le pourtour de la ville basse était de huit kilomètres. Celui des deux villes, réunies par un immense rempart montant en crémaillère et couronnant l’acropole, était de dixsept.

L’agora, dont l’ancien bazar établi près du temple dorique en ruines a marqué la place jusqu’au dernier trem restre et de Jupiter sans autre désignation. L’Aphrodite d’Hermogène et deux Mercures, dont l’un dans une niche et l’autre en plein air, achevaient d’embellir l’esplanade. De superbes monuments, le temple de la Fortune, celui de Tous-les-Dieux et d’autres encore, dominés par celui d’Octavie, sœur d’Auguste, en garnissaient le pourtour. Les jets nombreux d’une belle fontaine où Neptune était porté sur un dauphin y répandaient la fraîcheur.

A peu près au nord, sous un portique supportanfdeux chars de bronze doré, celui du Soleil et celui du Phaéton son fils, s’ouvrait la rue de Léchée, qui, s’agrandissant, se transformait peu à peu en une voie très large, enfermée entre deux longs murs, comme le chemin d’Athènes au Pirée. Là se pressaient pêle-mêle les chars, les bètes et « iS^TAljjjyWf’i

UUih’NIHE

1 Porte de Léc/vée

2 ÙL.- de Cenchre&s

3 id.de TènÂz

4 id. de Sîcyone

5 Sij sipjteiujn

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349. — Plan de Corinthe et de ses -.environs.

blement de terre, en 1858, était au point central de la vieille ville. Quatre grandes rues y aboutissaient, trois venant de Léchée, de Sicyone, de Cenchrées ou de l’isthme, et la quatrième descendant de l’acropole. Pausanias nous rend compte avec plus de complaisance que

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350. — L’Acrocorinthe sur une monnaie de Marc-Aurèle

frappée à Corinthe.

M AYG AN | TONINVS AVG. Buste de Marc-Aurèle, àUroite,

lauré. — fy CLI COR. Vue de l’Acropole de Corinthe.

de clarté des monuments et des statues qui ornaient cette place publique. Au milieu était Minerve en bronze, sur un piédestal où se voyaient les neuf Muses en relief. On admirait, disséminées sur divers points, une statue d’Artémis Éphésienne et deux de Dionysos, dorées toutes trois et la figure peinte de vermillon, celles d’Apollon Clarius, d’Hermès, de Jupiter céleste, de Jupiter ter les hommes transportant des marchandises au grand port, d’où on les dirigeait vers l’Occident. On y admirait les thermes d’Euryclès de Sparte, en marbre de diverses couleurs, mais où le rouge était surtout remarquable. Nous avons retrouvé la canalisation qui les alimentait. Plus loin les promeneurs visitaient la fameuse fontaine de Bellérophon, où l’eau jaillissait des pieds du cheval Pégase, des statues nombreuses et renommées, entre autres Mercure, le dieu du commerce, tenant un bélier, emblème de la passion impure que la richesse développe. Quant au port lui-même de Léchée, il n'était guère qu’une longue série de docks, et au point de vue artistique il n’offrait rien d’intéressant. Plus vers l’ouest s’ouvrait la rue qui aboutissait à la porte et au chemin de Sicyone. Elle longeait le bas de la montagne et passait devant les temples d’Apollon et d’Athénée Chalinitis, près de la fontaine de Glaucée, dont on retrouve encore la place au milieu d’orties gigantesques. Elle ne passait pas loin du théâtre, de l’ancien gymnase et des sanctuaires de Jupiter Capitolin, d’Esculape et de la Santé. Au midi, un chemin montant se dirigeait vers l’acropole. Vers l’est, et traversant les plus beaux quartiers de la ville, une quatrième rue allait à Cenchrées et à Schœnus. Le Cranion où passait cette avenue était la promenade favorite de l’aristocratie corinthienne. C’est là que Diogène s'était plu à étaler son cynisme en faisant la critique amère des riches et de leurs travers. Son tombeau était sur la route,

ainsi que celui de la fameuse courtisane Laïs. Dans son éloquent symbolisme, ce dernier disait l’impitoyable domination de la femme sur l’homme livré aux désirs de la chair. L’artiste y avait représenté une lionne tenant entre ses griffes un bélier, emblème lubrique, dont elle léchait la tête avant de le dévorer. La nécropole de Corinthe, d’où l’on a extrait, dans l’antiquité et de nos jours, tant de vases et de statuettes de prix, était au nord de cette avenue.

Y eut-il à Corinthe, comme à Rome, des quartiers plus particulièrement fréquentés par les Juifs ? C’est probable, et tout porte à croire que ces petits marchands ambulants durent se tenir vers la porte de Cenchrées, comme

les pierres de bel appareil qui ont appartenu à l’édifice antérieur. Quelques fragments de frises ou de colonnetles se dressent sur des sépultures chrétiennes avoisinant ces sanctuaires. De nombreuses inscriptions se lisent çà et là, mais elles sont peu anciennes. Aussi ne nous ont-elles rien appris sur la vieille histoire des cinq églises que nous avons visitées. Toutefois, si on veut faire attention aux sites que celles-ci occupent et aux saints qu’on y honore, on sera peut-être porté à les identifier arec cinq des temples indiqués par Pausanias. Le sanctuaire de Paraskevi aurait été bâti, selon mon hypothèse, sur celui d’Apollon. Entre le Sauveur et le dieu Soleil il y avait un rapprochement à imaginer, et le christianisme

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351. — Tue de Corinthe. D’après une photographie.

dans la capitale de l’empire ils se tenaient à la porte Capène. Leur synagogue put être plus près de la ville, peut-être à l’église actuelle de Panaghia.

III. PaléoCorinthe. — Nous avons visité trois fois, avec M. Vigouroux, en 1888, en 1893 et en 1894, les ruines de Corinthe (fig. 351), mais sans y jamais découvrir aucune indication sérieuse se rapportant aux origines chrétiennes. Le misérable village actuel de PaléoCorinthe, marquant la place de la grande cité, et qu’il ne faut pas confondre avec la ville moderne de Corinthe, a pourtant cinq églises. Par l’insistance qu’on a mise à les rebâtir, on serait porté à croire qu’elles correspondent à des sites antiques. Leur aspect actuel très misérable nous rappelait les petites bergeries basses qu’on voit dans nos plaines de la Camargue. Une sorte d’auvent en tuiles grisâtres leur sert régulièrement de porche. On y descend par des escaliers, ce qui prouve l’antiquité des édifices primitifs sur lesquels elles ont été construites. Quelques vieilles colonnes à moitié enfouies dans le sol y soutiennent les toitures pitoyablement modernes et banales. Si on examine attentivement les murs engagés sous terre, il n’est pas rare d’y trouver encore

hellénique n’y manqua pas, ainsi que nous l’avons déjà observé en parlant des monuments religieux d’Athènes. L’église du saint Théologien Jean, où l’on descend par plusieurs degrés, et dont une seule nef subsiste, semble correspondre au temple de la sage Minerve. Athénè Chalinitis, apportant à Bellérophon le frein qui devait gouverner Pégase, fit place à l’évangéliste du Verbe donnant à la raison humaine la révélation divine pour se diriger. Saint-Athanase, une dénomination plus moderne, aurait été bâti sur l’ancien temple d’Octavie ; en sorte que la fontaine du Platane serait celle du dauphin et de Neptune, au bout de l’agora. Sainte -Anne, d’après ce que nous affirme notre guide et ami, M. Pélopidès, a été reconstruite sur l’ancienne métropole ou église cathédrale, qui elle-même avait peut-être pris la place du temple de la Fortune, ce sanctuaire principal du paganisme. Quant à la Panaghia, assez éloignée des autres et située sur l’ancienne route de Cenchrées, je la crois trop rapprochée de la ville ancienne pour y chercher les restes du temple de Vénus la Noire, près du bois de cyprès du Craniou. Peut-être consacre-t-elle le souvenir de 981,

CORINTHE

982

l’ancienne synagogue ou du premier sanctuaire qui abrita Paul et l'Église naissante. En tout cas, elle correspond à un très vieil édifice dont les colonnes, les frises brisées sont dispersées çà et là, servant de pavé dans Tintérieur du sanctuaire ou de stèles funéraires dans le cimetière voisin. Sur un escalier extérieur conduisant à la tribune des femmes, nous relevons une inscription romaine : Q. fab. Q. R. Enfin un dernier monument religieux, que l’on a découvert, en 1894, dans les vignes, non loin de l’ancien port de Léchée, montre comment procédait le christianisme pour s’approprier les édifices païens à moitié ruinés. L'église à trois nefs que l’on a exhumée par hasard, en défonçant un terrain de vigne,

saient partie de la façade occidentale, les deux autres marquent le retour et la direction de la façade méridionale. Des fouilles récentes sembleraient établir qu’il y eut là deux sanctuaires ayant chacun son portique. Celui du levant aurait été le plus vaste et de forme oblongue, avec huit colonnes à l’intérieur ; l’autre du couchant, carré, était plus petit, avec quatre colonnes seulement. Ce temple, remontant à la plus haute antiquité, si on en juge par ses formes très massives, — chacune de ses colonnes se compose de deux fûts monolithes et n’a comme hauteur que quatre fois son diamètre, — fut peut-être celui de Tous-les-Dieux, que Pausanias place sur l’agora. L’emplacement des douze colonnes intérieures que l’on a

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352. — Euines d’un vieux temple. À gauche, l’Acropole. D’après une photographie.

a été probablement bâtie sur la fameuse fontaine de Bellérophon. La tête de Méduse retrouvée dans les fouilles et quelques basreliefs semblent autoriser cette supposition. En tout cas, la reconstruction a été faite sur un édifice primitif absolument païen. La mosaïque ancienne qui avait été mise à prolit en fait foi. Les colonnes furent d’ordre corinthien, mais çà et là on retrouve des chapiteaux ioniques. Sur les colonnes païennes, on a écrit verticalement ATIOS.

De l’antique Corinthe, il ne subsiste en réalité que l’amphithéâtre, au nord-est du village actuel, et les sept colonnes d’un vieux temple encore debout (fig. 352) au milieu du paysage désolé. L’amphithéâtre a été creusé dans le roc. L’arène mesure à peu près cent mètres de long sur soixante de large. La profondeur de la cavea a pu être de trente-trois mètres. À une de ses extrémités se voient encore les ouvertures souterraines par où entraient les bêtes et les gladiateurs. Le temple fut de style dorique, périptère avec six colonnes de front et quinze de côté. Des sept qui supportent encore la lourde architrave dont les blocs énormes se désagrègent chaque jour, cinq fai remarqué sur les dalles pourrait bien correspondre aux douze piédestaux portant les statues des dieux de l’Olympe. En ce cas on aurait cherché mal à propos deux cella là où il n’y en eut qu’une.

Quoi qu’il en soit de toutes ces identifications purement hypothétiques, rien n’est plus aisé, quand on descend de l’acropole, que de se rendre compte de la disposition générale de l’antique cité. Pour bien s’y reconnaître, il faut prendre comme point de repère, au bas de la montée, l’emplacement de l’agora, déterminé sûrement par les sept colonnes debout et par ce fait que là s’est tenu jusqu'à ces derniers temps le bazar de Paléo - Corinthe. Au delà et se dirigeant vers le nord, on distinguera très nettement la route de Léchée, et au bout de cette route la lagune entourée de dunes et de sable qui marque l’ancien port. Des cyprès et un jardin sont un peu en avant. A droite, le chemin de Cenchrées et de Schœnus se dessine à travers quelques ravins creusés par de récents tremblements de terre, et s’en va vers l’orient à travers les blés, côtoyant la nécropole antique et de grands cyprès, rejetons probables d’un antique bois sacré. À gauche se

perd, dans des plantations de vignes, la route de Sicyone. En dehors de ces indications générales, d’une ville si opulente, si peuplée, si bruyante, il ne reste absolument rien.

Au moment où nous terminons cet article, on nous apprend qu’une société américaine vient d’exhumer, à six mètres de profondeur, et non loin du temple dont les colonnes (fig. 352) se dressent encore au centre de PaléoCorinlhe, une des anciennes rues de la ville. Soigneusement pavée, la belle voie antique avait un double trottoir, avec rigoles d'écoulement pour les eaux. Ce fut là très probablement une des grandes artères que nous avons signalées comme partant de l’agora. De nombreux fragments de colonnes et de chapiteaux la couvraient dans tout le parcours. Non loin de là, on a mis à jour la cavea d’un monument qui fut un théâtre ou un Odéon, bâti en pierre ordinaire.

Voir J. A. Cramer, À geographical and historical Description of ancient Grèce, 3 in-8°, Oxford, 1828, t. iii, sect. 15, p. 9-37 ; W. M. Leake, Travels in the Morea, 3 in-8°, Londres, 1830, t. iii, p. 229-284 ; Id., Peloponesiaca, in-8o, Londres, 1846, p. 392-395 ; E. Puillon-Boblaye, Expédition scientifique de la Morée. Recherches géographiques sur les ruines de la Morée, in-4o, Paris, 1836, p. 33-40 ; E. Curtius, Peloponesos, 2 in-8o, Gotha, 1851-1852, t. ii, p. 516-537 ; K. E.Wagner, ïterum Corinthiarum Spécimen, in-4o, Darmstadt, 1824 ; H. Barth, Corinthiorum commercii et mcrcaturse historiée particula, in-12, Berlin, 1844 ; Barclay V. Head, Catalogue of Greek Coins, Corinth, in-8o, Londres, 1889 ; Le Camus, Notre voyage aux Pays bibliques, t. iii, p. 289-390 ; Id., Voyage aux sept Églises de l’Apocalypse, in-8°, Paris, 1896, p. 60-68., E. Le Camus.

    1. CORINTHIENS##

CORINTHIENS (PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX).

Les plus anciens manuscrits ont en tête de cette Épltre : irpo ; xoptvfhou ; a ; quelques-uns, plus récents, upo ; xopivfhouç jipuTi]. Pour les titres plus développés, voir Tischendorf, Novum Testamentum gr&ce, 8* edit., t. ii, p. 458.

I. Destinataires de l'Épître. — Nous apprendrons à les connaître en étudiant dans les Actes des Apôtres, xvin, 1-19, le ministère de saint Paul à Corinthe, et en relevant dans les deux épilres ce qu’il nous dit lui-même des fidèles auxquels il s’adresse. Au printemps de l’an 52, l’Apôtre, venant d’Athènes, où sa prédication paraît avoir été peu féconde, arriva à Corinthe, capitale de la province d’Achaïe. Act., xviii, 1. Il y rencontra un Juif, originaire du Pont, Aquila, et sa femme Priscille, tous les deux venus récemment de Rome, chassés par l'édit de Claude qui expulsait les Juifs de cette ville. Ils étaient fabricants de tentes, et Paul habita avec eux pour exercer ce métier, qui était le sien. Il ne semblait pas que dans une ville telle que Corinthe la prédication de l’Apôtre dût être très fructueuse. Cependant, ainsi que Dieu lui-même le dit à saint Paul, Act., xviii, 10 : « Un peuple nombreux est à moi dans cette ville. » Ces paroles se réalisèrent. L’Apôtre, chaque sabbat, parlait à la synagogue, et il persuadait Juifs et Grecs. Dans sa prédication, ainsi que le disent le Codex D et la Vulgate, il prononçait le nom de Jésus-Christ. Act., xviii, 4. Lorsque Silas et Timothée furent venus de Macédoine, Paul se donna tout entier à la parole, rendant témoignage aux Juifs que Jésus était le Christ. Act., xviii, 5. Il a d’ailleurs caractérisé lui-même sa prédication : « Et moi, en venant chez vous, frères, je ne suis pas venu avec supériorité de parole et de sagesse vous annoncer le témoignage de Dieu ; car je n’ai pas jugé que je dusse savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » 1 Cor., ii, 1-2. Devant l’opposition des Juifs et leurs blasphèmes, il se sépara violemment de la synagogue pour s’adresser plus spécialement aux Grecs. Act., xviii, 6, 7. Son ministère fut fécond, surtout parmi les Gentils,

I Cor., xil, 2, et il recruta des chrétiens dans tous les rangs de la société. Nous en connaissons quelques-uns par leur nom : Titus Justus, dans la maison duquel il s'était retiré en quittant la synagogue, Act., xviii, 7 ; Crispus, le chef de la synagogue, ꝟ. 8 ; Stéphanas et sa famille, que Paul appelle les prémices de l’Achaïe, ï Cor., xvi, 15 ; Caius, chez qui il logea lors de son troisième séjour à Corinthe, Rom., xvi, 23 ; Éraste, trésorier de la ville, et Quartus, Rom., xvi, 23 ; Fortunat et Achaïque, qui semblent, d’après la Vulgate, être de la maison de Stéphanas. I Cor., xvi, 15. Nous connaissons aussi deux femmes par leur nom : Chloé, dont les gens avaient instruit Paul de ce qui se passait à Corinthe, I Cor., i, 11 ; Phœbé, de Cenchrée, servante de Dieu, qui avait assisté l’Apôtre. Rom., xvi, 1-2.

Parmi ces convertis, qui furent d’ailleurs très nombreux, Act., xviii, 8, quelques-uns étaient des philosophes, des hommes aimant la discussion, estimant à haut prix la science, témoin les passages où saint Paul parle de ceux qui cherchent la sagesse humaine. I Cor., ï, 18-31. Il y en eut de riches et de puissants, ainsi que le prouve ce qui se passait aux agapes, I Cor., xi, 21, 22 ; mais ils étaient en minorité. Saint Paul lui-même l’atteste, I Cor., i, 26 : « Car considérez, frères, ceux qui ont été appelés parmi vous ; il ne s’y trouve pas beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. » I] y avait des esclaves, I Cor., vu, 21, et même des hommes livrés aux vices les plus honteux. « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du royaume de Dieu ? Ne vous abusez pas : ni débauchés, ni idolâtres, ni adultères, ni efféminés, ni gens de mœurs contre nature, ni voleurs, ni avares, ni ivrognes, ni insulteurs, ni rapaces, n’hériteront du royaume de Dieu. Et c’est là ce que vous étiez quelques-uns. » ICor., VI, 9-11.

Tels étaient les membres de cette communauté de Corinthe, à laquelle fut écrite la première Épître aux Corinthiens ; on y trouvait mélangés des Juifs et des Grecs, des gens de toute condition et de culture intellectuelle très diverse, d'état religieux et moral assez complexe. Les éloges que donne saint Paul aux fidèles de Corinthe, « qui ont été enrichis en Jésus-Christ de tous les biens, de tous les dons de parole et de science, » I Cor., ï, 5, prouvent que la grâce de Jésus-Christ avait puissamment opéré en eux ; mais l'état où se trouva la communauté de Corinthe, deux ans à peine après le départ de l’Apôtre, prouve aussi que la grâce n’avait pas changé complètement en eux la nature. Nous allons voir exposée sous nos yeux, dans les deux Épitres aux Corinthiens, une situation où se montrent à découvert les dons naturels et les défauts des Grecs et des Juifs, membres de la jeune Eglise. C’est aux Grecs que nous avons surtout affaire dans la première Épitre.

IL Occasion et but de l'Épître. — Apres dix-huit mois de séjour à Corinthe, Paul laissa à elle-même la communauté, en ce moment-là en plein développement. Il paraît résulter des textes que l’organisation ecclésiastique en était alors, dans cette Église, à la période de transition qui a précédé celle que nous trouvons dans la Doctrine des douze Apôtres ; les apôtres, les prophètes et les docteurs étaient les conducteurs de la communauté, I Cor., xii, 28 ; l'évêque et le diacre ne sont pas nommés. On ne voit pas que saint Paul y ait établi, comme il le fit ailleurs, Act., xiv, 22, des chefs de l'Église. Il semblerait même que beaucoup de fidèles voulussent, à titre de prophètes ou de docteurs, ou comme possédant les. dons spirituels, conduire la communauté. I Cor., xii et xiv. Cet état d’organisation libre, le tempérament, les dispositions naturelles des membres de cette Église et l’introduction de nouveaux éléments nous expliquent l'état moral qui a obligé saint Paul à écrire sa lettre.

L'Église de Corinthe, nous l’avons vii, était composée de Juifs, mais en grande majorité de Grecs, pour la plu

part de basse condition. Or, si les Juifs principalement subirent l’influence de leurs compatriotes judéochrétiens, venus d’Antioche avec des lettres de recommandation, les Grecs, légers, disputeurs, aimant les coteries, donnèrent bientôt dans la nouvelle communauté un libre essor à leurs défauts naturels. Quelques-uns même retombèrent dans leurs habitudes païennes, et l’impureté, ce vice si répandu en Grèce et surtout à Corinthe, se glissa dans la jeune Église. Bientôt la cène se transforma en un de ces banquets de fête, si nombreux chez les Grecs. Les femmes virent dans la liberté chrétienne une occasion de sortir de l'état de servage que leur imposaient les usages. Enfin, la faconde naturelle aux Grecs se traduisit par une abondance de dons spirituels, de ceux do la parole surtout, qui transformèrent bientôt les assemblées chrétiennes en clubs publics.

A ces ferments intérieurs vinrent se joindre des éléments extérieurs de discorde. Après le départ de Paul était arrivé à Corinthe un Juif alexandrin, Apollo, qu’Aquila et Priscille avaient converti à Éphèse. Aet., xvin, 26. Il était éloquent et connaissait à fond les Saintes Ecritures ; âme ardente, il enseignait avec soin ce qui concernait Jésus, J, 24-26. À Corinthe, il fut très utile à ceux qui avaient cru, ꝟ. 27 ; car il réfutait vigoureusement les Juifs en public, et démontrait par les Écritures que Jésus était le Christ, ꝟ. 28. Apollo affermit donc la foi de ceux qui croyaient, mais par son éloquence et par sa manière plus élégante de présenter la vérité, d’expliquer les doctrines chrétiennes, il entraîna à la foi les esprits les plus distingués, et attira l’attention de tous sur des considérations spirituelles très élevées, qu’ils n'étaient pas en état de faire avec fruit. Bien qu' Apollo n’ait pas eu en vue d’attaquer l’autorité de Paul dans l'Église de Corinthe, son influence plus extérieure diminua aux yeux des Grecs frivoles l’amour et la confiance qu’on témoignait précédemment à l’Apôtre.

Il était venu aussi d’Antioche des chrétiens judaïsants, munis de lettres de recommandation, qui contribuèrent puissamment à augmenter le trouble des esprits et la division des partis. Après les avoir écoutés, les uns se disaient les disciples de Céphas (Pierre), l’apôtre par excellence ; les autres prétendaient se rattacher directement à Jésus-Christ. I Cor., i, '12. Ces chrétiens judaïsants ne paraissent pas avoir ouvertement enseigné la nécessité de la circoncision et de l’observance de la loi mosaïque, mais avoir plutôt attaqué l’autorité de saint Paul et lui avoir dénié le titre d’apôtre. I Cor., ix, 1 ; xv, 9. Nous verrons plus loin les reproches qu’ils lui faisaient. C’est probablement parmi les Juifs convertis qu’ils trouvèrent surtout des adhérents. Ainsi se formèrent à Corinthe les partis dont parle saint Paul dans sa lettre, I Cor., i, 11-12 : « Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères, qu’il y a des contestations entre vous ; je veux dire ceci que chacun de vous dit : Moi, je suis de Paul, et moi d’Apollo, et moi de Céphas, et moi du Christ. »

On a beaucoup discuté sur cette question des partis à Corinthe. Y a-t-il eu deux ou quatre partis distincts ? Quel était le caractère de chacun de ces partis, et y avait-il entre eux des différences dogmatiques ? Il n’y eut pas probablement quatre partis absolument distincts, ni un véritable schisme dans la communauté. Les paroles de saint Paul indiquent plutôt les préférences que chacun montrait pour son maître dans la foi, les qualifications que chacun se donnait pour se rattacher à celui dont il se disait le disciple. C’est la même relation que celle de client à patron. Il ne semble pas qu’au moins dans la première Épitre saint Paul fasse même allusion à des divergences dogmatiques entre les disciples des différents maîtres. Plus tard les divisions s’accentuèrent, les esprits s’aigrirent, les attaques contre Paul devinrent plus violentes, le schisme entre chrétiens pauliniens et chrétiens judaïsants fut sur le point de se consommer, , et nous verions saint Paul lutter avec vigueur dans sa seconde Épître

contre les judaïsants. II Cor., x-xm. C’est en l'étudiant que nous aurons à caractériser plus nettement les partisans de Céphas et du Christ, ou plutôt ces derniers seulement, car il n’est plus question des partisans de Céphas.

L’Apôtre fut mis au courant de cette situation de divers côtés. Il avait écrit à la communauté de Corinthe une lettre, I Cor., v, 9, aujourd’hui perdue, où il stigmatisait la conduite de ceux qui, devenus chrétiens, gardaient les vices du paganisme, et recommandait aux fidèles de n’avoir aucun rapport avec ceux-là. L'Église de Corinthe montrait par sa réponse qu’elle avait mal interprété cette lettre et qu’elle avait trop étendu l’interdiction portée par saint Paul. De là elle concluait à une trop grande liberté, I Cor., vij 12, et voyait même sans indignation un incestueux parmi ses membres. I Cor., v, 1. En outre, elle posait à l’Apôtre diverses questions sur le mariage et le célibat, vii, 1 ; sur les viandes offertes aux idoles, viii, 1 ; sur l’exercice des dons spirituels et en particulier de la prophétie et du parler en langues, XII, 1. On peut retrouver dans la réponse de saint Paul quelques mots qui rappellent certains passages de cette lettre. I Cor., vii, 1, 40 ; vm, 1 ; x, 29 ; XI, '2. En outre, Stéphanas, Fortunat et Achaïque, peut-être porteurs de la, lettre des Corinthiens dont nous venons de parler, étaient venus à Éphèse pour entretenir l’Apôtre sur les diverses questions qui agitaient les esprits à Corinthe, et lui demander la conduite qu’on devait tenir dans les circonstances troublées où se trouvait la jeune communauté. Ils lui apprirent probablement plus en détail ce qui.se passait : la présence d’un incestueux parmi les chrétiens de Corinthe, I Cor., v, 1 ; les procès entre frères portés devant les tribunaux, I Cor., vi, 1 ; les abus dans la célébration de la cène, I Cor., xi, 1-17 ; la tenue peu convenable des femmes dans les assemblées chrétiennes, I Cor., xi, 2-16 ; xiv, 34, 35, et la résurrection des corps, niée par quelques-uns. I Cor., xv, 12. Enfin « les gens de Chloé », I Cor., i, 11, lui avaient appris que divers partis s'étaient formés dans la communauté. II. est possible aussi qu’Apollo, de retour à Éphèse, l’ait instruit plus en détail sur ces divisions et leurs causes. — Emu de ces nouvelles, Paul avait envoyé son disciple Timothée à Corinthe pour rappeler aux fidèles ses enseignements et sa conduite. I Cor., iv, 17 ; Act., xix, 22. Mais afin de tout régler avant l’arrivée de son envoyé, de préparer les Corinthiens à la venue de celui-ci et de bien les disposer en sa faveur, il écrivit notre première lettre, qui fut probablement envoyée directement par mer. Il ne voulait pas encore aller à Corinthe pour n'être pas obligé de se montrer trop sévère, II Cor., i, 23 ; mais il fallait répondre aux questions qui lui étaient posées, et remédier par des mesures énergiques à tous les désordres qui s'étaient introduits dans l'Église de Corinthe. Il le fit par la lettre aux Corinthiens que nous appelons la première.

III. Date et lieu de composition de l'Épître. — Cette lettre fut écrite à Éphèse, vers la fin du premier séjour de l’Apôtre dans cette ville. Saint Paul dit lui-même, I Cor., xvi, 8 : « Je demeurerai à Éphèse jusqu'à la Pentecôte. » Nous savons par les Actes, xix, 22, que c’est à cette époque que furent envoyés en Macédoine Timothée et Éraste. Peu après eut lieu la sédition provoquée par Démétrius. Act., xix, 23. C’est donc en l’an 57, peu avant la Pentecôte, probablement au temps de Pâques, ainsi que l’indiquent les allusions aux pains azymes, à la Pàque, I Cor., v, 6, 7 ; xv, 20, 23 ; xvi, 15, à la résurrection de Jésus-Christ, xv, 4, 12, qu’a été écrite la première Épitre aux Corinthiens. Cornely, Comm. in i am ad Corinthios, p. 6, dit qu’elle l’a été en 58. Quant au porteur de la lettre, il est inconnu. Ce ne peut être Timothée, comme on l’a soutenu, puisqu’il était déjà parti pour la Macédoine, I Cor., iv, 17 ; xvi, 10, 11 ; il n’est pas impossible que, suivant la note placée dans le texte reçu à la suite de l'Épître, Stéphanas, Fortunat et Achaïque en aient été porteurs. Ce serait plus probablement Tite, Il Cor., viii,

16-24 ; xii, 18, dit Plummer, Smith-Fuller, Dictionary of the Bible, 2e édit., 1893, t. i, p. 655.

IV. Authenticité. — La première Épitre aux Corinthiens a en faveur de son authenticité des preuves si décisives que jamais elle n’a été sérieusement mise en doute. Seuls quelques rationalistes récents, Bruno Bauer, Kritik der Paulinischen Briefe, Leipzig, 1851 ; Christus und die Câsaren, Leipzig, 1877 ; Naber et Pierson, Verisimilia, Laceram conditionem N. T. exemplis illustraverunt et ab origine repetierunt, Amsterdam, 1887 ; Loman, Questiones Paulinse, Leyde, 1882 ; Steck, Der Galaterbrief nach seiner Echtheit untersucht nebst kritischen Bemerkungen zu den Paulinischen Hauptbriefen, Berlin, 1888, ont contesté l’authenticité totale ou partielle de cette Épître. Les objections qu’ils ont soulevées sont d’ailleurs si insignifiantes, que nous ne nous arrêterons pas à les discuter ; il suffira de présenter les preuves principales de l’authenticité de notre Épître.

1° Preuves extrinsèques. — Les premiers écrivains ecclésiastiques ont certainement connu la première Épitre aux Corinthiens. Quelques-uns même l’ont citée par son nom. Saint Clément Romain, écrivant aux Corinthiens, en 95, au nom de l'Église de Rome, reproduit, Cor., i, 49, t. i, col. 310, en termes presque identiques le magnifique éloge que saint Paul avait fait de la charité. I Cor., xiii, 1-13. Bien plus, il rappelle en propres termes cette Épître aux Corinthiens et la déclare inspirée : « Reprenez, dit-il, l'Épître du bienheureux Paul l’apôtre. Que vous a-t-il écrit d’abord au commencement de l'Évangile ? En vérité, divinement inspiré, jtvEuiJiaT'.xwç, il vous a écrit sur lui-même, surCéphas et survpollos, parce que déjà alors vous faisiez des préférences. » Ad Cor., xlvii, 1-3, t. i, col. 306. Ce passage de la lettre romaine aux Corinthiens prouve clairement que les Épltres aux Corinthiens étaient tenues, tant à Rome qu'à Corinthe, comme étant de saint Paul et comme canoniques. — Le témoignage de saint Polycarpe est aussi très net. Dans son épître aux Philippiens, xi, 2, t. v, col. 1014, il cite le jt. 3 du chapitre vi de la première Épître aux Corinthiens : « Ne savons-nous pas que les saints jugeront le monde ? » Et il ajoute : xaôw ; IlaCiXoç SiSàtrxEi, « comme Paul l’enseigne. » L'énumération que fait saint Polycarpe des vicieux, Philipp., v, t. v, col. 1010, est exactement parallèle à celle de I Cor., VI, 9, 10, et se termine par une déclaration identique, « qu’ils n’hériteront point le royaume de Dieu. » Nous avons encore des citations plus ou moins textuelles ou des passages analogues dans les écrits suivants : Doctrine des douze Apôtres (70-100), ix et I Cor., x, 16 ; xi, 27 ; Doct., X et [ Cor., xvi, 22 ; Doct., xvi et I Cor., xv, 52 ; S. Ignace martyr, t. v, col. 660, Ephes., xviii et I Cor., i, 18, 23, 24, et une citation approximative de i, 20, dans Ep. ad Rom., v, l ; ibid., col. 692 : i).À' où 7rapà toOto 6eSixac’u>|iai. Citation textuelle de I Cor., IV, 4. — Épître à Diognète, ix, ii, t. ii, col. 1181 et I Cor., iii, 21-26. — Justin martyr (147), t. vi, col. 550, cite dans le Dialogue avec Tryphon, xxxv, le verset 19 du chapitre xi ; il parle des vieilles œuvres, du mauvais levain ; il appelle Jésus-Christ notre Pâque. 1 Cor., v, 6-8. Dans Apol., i, 19, t. v, col. 558, il dit que le corps humain, dissous dans la terre à la manière des semences, ressuscitera par l’ordre de Dieu, et qu’il n’est point impossible qu’il revête l’incorruptibilité. I Cor., xv, 35-37, 53, 54. — Athénagore, vers l’an 177, dans la de Resurr. mort., xviii, t. v, col. 976, cite une partie de I Cor., Xv, 51, comme étant de l’Apôtre. — Saint Irénée (140-202), . t. vii, cite cette Épitre plus de soixante fois, nommant souvent saint Paul et quelquefois les Corinthiens. Adv. hxr., iii, 11, 9, t. vii, col. 891 et I Cor., xi, 4, 5 ; xii-xiv. CI. aussi, ibid., lib. iv, 27, 3, t. vii, col. 1059, et I Cor., x, 1-12 ; ibid., lib. iii, 23, 8, t. vii, col. 966, et I Cor., xv, 22. — Clément d’Alexandrie (180-211), t. vni, cite la première Épitre environ cent cinquante fois, quelquefois par son nom : ivrf, itpOTepa r.po ; Kos'.vfjisv ; ÈhkttoXv-. Ptedag., i, 6, t. viii, col. 290. - Tertullien (195-210) la

cite quatre à cinq cents fois et quelquefois la nomme : Paulus in prima ad Corinthios. De prsescript., 33, t. ii, col. 46. Voir pour plus détails H. Charteris, Çanonicity, Londres, 1880, p. 222-230. — Parmi les écrivains hérétiques, Basilides (125) la connaissait ; Marcion l’avait admise dans son canon. On trouve dans Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 505-514, les passages que l’on a pu reconstituer. D’après Hippolyte, Adv. hser., v, 8, t. vii, col. 1142, les ophites et les pérakites regardaient cette Épitre comme canonique. Même constatation pour Héracléon, d’après Origène, Convni. in Joa., xiii, 59, t. xiv, col. 519 ; pour Ptolémée, d’après saint Irénée, Adv. liser., i, 3, 5, t. vii, col. 476 ; pour Théodote, d’après Clément d’Alexandrie, Excerptas, 49, t. ix, col. 719. — L’ancienne version latine et la Peschito possédaient cette Épitre ; pour le canon de Muratori, voir col. 170. 2° Preuves intrinsèques. — Si nous examinons cette première lettre dans son contenu, tant historique que dogmatique, au point de vue littéraire ou grammatical, nous n’hésiterons pas à l’attribuer à saint Paul. Les observations que nous aurons à faire plus tard sur la langue, le style de cette Épitre, et sur la manière dont sont cités les textes de l’Ancien Testament, la montreront absolument ressemblante aux autres lettres de l’Apôtre. Nous retrouvons ici la marche caractéristique de saint Paul, sa dialectique particulière, son habitude de traiter toute question en établissant des principes généraux, d’où il tire les conclusions particulières. Comme exemple, voir ce qui est dit sur les idolothytes, vm-x ; sur la conduite à tenir par les femmes dans les assemblées publiques, xi, 2-17. Tout ce que nous savons par ailleurs des rapports de saint Paul et de l'Église de Corinthe se retrouve confirmé dans cette Épître. Que l’on compare, par exemple, les passages suivants des Actes des Apôtres et la première Épître aux Corinthiens, et l’on se convaincra que, bien que les deux écrits suivent une marche différente et présentent les faits sous un autre aspect, tout néanmoins s’accorde parfaitement.

I Corinthiens.

n, 1. Saint Paul est allé chez les Corinthiens.

iv, 17-19. Il se propose d’y retourner.

1, 12. Prédication d’Apollo à Corinthe.

iv, 11, 12. Saint Paul travaille de ses propres mains.

ix, 20. Saint Paul a été Juif avec les Juifs.

i, 14. Il a baptisé Crispus.

xvi, 5. Il se propose d’aller à Corinthe en passant par la Macédoine.

Actes des Apôtres.

xviii. Premier séjour à Corinthe. xix, 2. Second séjour.

xviii, 27, 28. Voyage d’Apollos à Corinthe et sa prédication dans cette ville.

xviii, 3 ; xx, 34 ; I Thess., n, 9 ; II Thess., iii, 8, confirment ce fait.

xvi, 3. Il fait circoncire Timolhée ; xxi, 23-26, il accomplit les rites d’un vœu.

xviii, 8. Crispus crut en Jésus-Christ.

xix, 21. Même projet signalé.

Pour le développement de ces indications sommaires, voir Paley, Horse Paulinse, Londres, 1787.

Il est inutile d’insister davantage ; concluons avec Ch. Baur, Der Apostel Paulus, Stuttgart, 1845, t. i, p. 260, que cette Épître porte en elle-même le sceau de son authenticité ; car, plus qu’aucun autre écrit du Nouveau Testament, elle nous transporte dans le vivant milieu d’une Église en formation, et nous procure l’intuition des circonstances qu’avait à traverser le développement de la vie nouvelle évoquée par le christianisme.

V. Canonicité. — La canonicité de la première Épître aux Corinthiens est établie par ce fait que nous la trouvons connue et employée comme Écriture divine par les Pères de l'Église les plus anciens, ainsi qu’il ressort des

témoignages cités plus haut. Elle est cataloguée dans le canon de Muratori et dans tous les autres canons ; elle est dans les vieilles versions syriaques et latines et dans les plus anciens manuscrits grecs, Sinaiticus et Vaticanus.

VI. Importance doctrinale de la première Épître aux Corinthiens. — Chaque phrase de cette lettre porte en soi un enseignement doctrinal et moral ; les relever tous serait faire l’exégèse de toute l’Épttre. Nous signalerons seulement ce qui est dit sur la résurrection de Jésus-Christ, xv, 4-7 ; sur la résurrection, le mode de résurrection], l’état des corps ressuscites, la vie future, xv, 35-58 ; sur le baptême, i, 13-17 ; sur l’Eucharistie, son institution, sa célébration, xi, 23-34 ; sa signification, x, 16, 17 ; sur le culte public, xiv : prière, xiv, 15, prédication, prophétie, xiv, 24-33 ; sur une première ébauche du ministère chrétien, xii, 28, 29 ; sur l’unité de l’Église, dont Jésus-Christ est la tête et les fidèles les membres, xii, 4-27 ; sur l’excommunication, v, 3 ; sur les tribunaux ecclésiastiques, vi, 2-5 ; sur la vertu de charité, xiii ; enfin sur la manière de résoudre les cas de casuistique où les devoirs à accomplir sont en conflit, vu-x et passim. Remarquons encore les versets 3 et 4 du chapitre xv, qui semblent reproduire un symbole de foi. La première Épître aux Corinthiens est bien, on le voit, la source la plus importante que nous possédions sur les croyances et la vie intérieure et publique des premières communautés chrétiennes.

VU. Style et langage. — 1° Cette lettre se distingue entre toutes les Épitres de saint Paul par la noblesse du langage, la hauteur de l’éloquence, la beauté et la variété des figures. L’éloge de la charité, xiii, passe à juste titre pour une des plus belles pages qu’ait écrites l’Apôtre. On dirait qu’il a voulu dans cette Épître prouver aux Corinthiens que, malgré la rudesse de son langage ordinaire, il pouvait, lui aussi, parler une langue châtiée. Il n’est aucune de ses lettres dont le style soit plus clair, la logique plus serrée, les tours de phrase plus vifs et moins enchevêtrés. Il y respecte le plus souvent les règles de la syntaxe grecque. Sa méthode d’argumentation est beaucoup plus conforme aux règles de la logique aristotélicienne que dans certaines de ses Épîtres où dominent les procédés de la dialectique rabbinique. Voir Galates (Épître aux). Il pose un principe général, puis discute la question point par point, en allant du général au particulier, répondant d’avance aux objections et restant toujours dans la question traitée. Il évite ordinairement ces digressions qui lui sont ailleurs si habituelles. On pourrait cependant lui reprocher l’emploi trop fréquent de certains mots, et peut-être un abus de la paronomase. Mais c’est là une des caractéristiques de son style ; quand une idée le préoccupe, saint Paul répète plusieurs fois le mot qui l’exprime.

2° Cette Épître renferme un grand nombre d’âira* Xe-pnsva, cent dix environ ; parmi les expressions les plus remarquables, nous citerons : o %.px°’<~ B i ~ $ aîûvo ; toutou, il, 6, 8 ; tj aostsc toù y.6<sixov toutou, i, 20 ; iii, 18 ; tb TtoTTipiov tt, ; eùXoYÎa ; , X, 16 ; TtoT^piov xupîou, x, 21 ; xvpiaxàv Beîwvov, XI, 20 ; xoivwvî » toû ai’iiatoç, toù o-<i<iato ; , X, 16 ; ib 71veû|ia toû xôo-|iou, II, 12 ; àxa- « -/.cé), U71To ; , xi, 5, 13 ; ptiri) èç&aXjioû, xv, 52 ; |j. « pàv à91, xvi, 22, etc.

3° Les figures de langue et de style y sont très nombreuses, et l’on y retrouve toutes celles qu’a coutume d’employer saint Paul : anacoluthe, iv, 2, 6, 7, 8 ; xii, 28 ; anlithèse, i, 18, 21 ; iii, 2 ; iv, 10, 18 ; viii, 1 ; asyndète, m, 15-16, 17, 18 ; xiii, 4-8 ; euphémisme, v, 1, 2 ; vii, 3 ; ironie, iv, 8 ; viii, 1 ; litote, xi, 17, 22 ; parallélisme, vii, 16 ; x, 23 ; xi, 4-5 ; paronomase, ii, 13 ; iii, 17 ; vii, 31, etc.

4° Relevons comme particularités syntaxiques : l’insertion d’un pronom personnel entre l’article et le nom, IX, 12 ; xvi, 17 ; la répétition des conjonctions, ii, 3 ; in, 22 ; des prépositions, i, 10 ; ii, 3 ; v, 8 ; des mots emphatiques, il, 6, 13 ; x, 1-4 ; l’emploi de toC et de l’inliuitif pour exprimer le but, IX, 10 ; x, 13 ; de v. ; et de ;

npô ; pour exprimer le but ou le résultat, viii, 10 ; ix, 18 ; x, 6, etc.

Vllt. Citations de l’Ancien Testament. — On compte quarante-six citations de l’Ancien Testament dans la première Épître aux Corinthiens ; dixiieuf sont introduites par les termes ù> ; ou xa6<o ; vsyparaTxi, yéy paTrrai yip O’jtw, y.ai yéf paTTTai, « il est écrit », expressions qui dans le langage de saint Paul indiquent une citation des Saintes Écritures. Quinze livres de l’Ancien Testament sont cités : Isaïe douze fois, les Psaumes huit fois, la Genèse cinq, le Deutéronome cinq, l’Exode trois, Osée deux, Job deux, la Sagesse deux, Jérémie, les Lamentations, Malachie, les Nombres, Judith, Ézéchiel, Zacharie, chacun une fois. Quatre citations sont tirées du texte hébreu, i, 20 ; iii, 19 ; xiv, 25 ; xv, 54 ; tandis que huit citations, vi, 16 ; ix, 9 ; x, 7, 20, 21, 26 ; xv, 32, 45, sont exactement conformes au texte grec, et quatorze citations, i, 19, 31 ; ii, 16 ; v, 7, 13 ; x, 5, 6, 22 ; xi, 7, 25 ; xiii, 4 ; xv, 25, 27, 47, reproduisent presque textuellement ou au moins dans sa substance et par allusion le texte grec ; une citation, iii, 20, est conforme aux deux textes hébreu et grec, et trois autres, ii, 9 ; xiv, 21 ; xv, 55, diffèrent tout à la fois des deux textes. Est-il même certain que ii, 9, soit une citation d’isaïe, lxiv, 3 (4) ? I Cor., xiv, 34, serai’t peut-être une citation de Genèse, iii, 16. Enfin quelques-unes de ces citations offrent seulement deux ou trois mots identiques, qui pourraient bien n’être que des rencontres fortuites. Dans cette Épître, comme dans les autres d’ailleurs, nous constatons donc que saint Paul connaissait le texte hébreu, mais employait de préférence le texte grec, ce qui s’explique par ce fait que presque tous ses lecteurs connaissaient seulement les Septante. Il est probable qu’il ne se servait du texte hébreu que lorsque le grec ne pouvait lui fournir la base de son raisonnement.

Cette Épître contient une des trois citations que saint Paul emprunte aux auteurs grecs classiques, xv, 33. « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » reproduit un vers de la Thaïs de Ménandre, qui l’aurait emprunté à Euripide. La parabole du corps et de ses membres, xii, 12-27, ressemble beaucoup à celle que raconte Ménénius Agrippa. Tite-Live, ii, 32.

IX. Texte de l’Épître. — Des vingt manuscrits onciaux qui contiennent les Épitres de saint Paul, quinze la possèdent en entier ou en très grande partie ; les autres en ont seulement des fragments. Voir pour le détail, ainsi que pour ce qui concerne les manuscrits minuscules et les versions, Tischendorf, Novum Testamentum grœce, t. iii, Prolegomena, auctore C. R. Gregory, p. 418-435 ; 653 675, 801-1128, 1286-1297.— Les manuscrits présentent quelques variantes intéressantes ; aucune n’atteint gravement le sens du texte. Une cependant le modifie profondément ; c’est celle du £.51 du chap. xv. Faut-il lire : Ttd’/ttz où xoi[jiT, 8r|(7Ô ! iE6a, 711vT£S 8è à.-in<iôit0a’! — ou bien : ndcvTs ; [xèv xoijj.T, 8r, a6jj.s60<, où hocvte ; 8è à)..yr l ao|a&9x ? — ou bien : ttïvts ; [aev àvao’Tr J o*6’|jLs0a, où TravTeç ôè â).), ïvr ; o-ô’|ji.s6a ? Voir dans Tischendorf, Novum Testamentum grœce, t. ii, p. 561-563, les autorités pour ces Irois variantes. À considérer l’évidence interne et externe, la première doit être adoptée, ainsi que l’a démontré Cornely, I’ad Corinthios, p. 506-509.

X. Analyse de l’Épître. — On peut distinguer dans la première Épître aux Corinthiens : le prologue, i, 1-9 ; le corps de l’écrit, i, 10-xv, 58, et l’épilogue, xvi.

I. Prologue, i, 1-9. — Salutation de Paul, apôtre, et du frère Sosthènes à l’Église de Corinthe et à tous ceux qui invoquent le nom de Jésus-Christ, i, 1-3. — Action de grâces offerte à Dieu pour les dons de parole et de connaissance accordés aux Corinthiens, et espérance de leur persévérance finale, fondée sur la fidélité de Dieu et leur communion avec Jésus-Christ, 4-9.

II. Coups de lÉ pitre, i, 10-xvi, 58.-rpremière partie. Correction des abus, i, 10- vi, 20. — i. Les factions, i, 10-iv, 21. — Exhortation générale à l’unité, i, 10 ; fc !

divisions dans l'Église de Corinthe, 11, 12. — 1° Raisons pour lesquelles ces divisions doivent être évitées, i, 13nt, 17. — 1. Jésus-Christ seul est leur rédempteur, par conséquent le prédicateur de l'Évangile et celui qui baptise importent peu, i, 13-16. — 2e La simplicité de son enseignement ne doit pas éloigner de lui les Corinthiens. — 1. La parole de la Croix n’est pas prêchée avec la sagesse du discours, de peur qu’elle ne soit rendue vaine, i, 17, 18 ; l'Écriture avait prédit le rejet de la sagesse humaine, 19, et Dieu n’a pas choisi des savants comme prédicateurs, pour qu’apparût davantage la puissance divine de l'Évangile, 20-25 ; ce ne sont pas les sages et les puissants qui out été appelés tout d’abord, afin que personne ne puisse se glorifier en soi devant Dieu, 26-31. Aussi la parole et la prédication de l' Apôtre n’a pas consisté dans les discours persuasifs de la sagesse humaine, mais dans une démonstration d’esprit et de puissance, ii, 1-5. — 2. Il prêche, lui, une sagesse, mais aux parfaits, ii, 6, inconnue aux princes de ce monde, 7-9, révélée par l’Esprit-Saint, 10-12, et communiquée spirituellement à ceux qui sont spirituels, 13-16 ; elle n’a pas été transmise aux Corinthiens encore trop charnels, comme le prouvent leurs divisions, iii, 1-4.

— 3. Ces divisions sont absurdes, car tous les prédicateurs de l'Évangile sont les ministres de Dieu, iii, 5-8, qui seront récompensés suivant ce qu’ils auront bâti sur le fondement, qui est Jésus-Christ, ou punis, s’ils ont détruit le temple de Dieu, 9-17. — 3° Conclusions pratiques de cet enseignement, iii, 18-iv, 13. — 1. Que personne ne s’abuse soi - même, ne se glorifie dans les hommes, car tout est à eux, et ils sont au Christ, et le Christ à Dieu, iii, 18-23. — 2. Qu’ils ne jugent personne avant le temps, car le Seigneur jugera quand il viendra, iv, 1-5 ; que personne ne s’enorgueillisse de ce qu’il a reçu, 7, 8 ; qu’ils voient ce qu’ils sont et ce que sont les Apôtres, 9-13, qu’ils écoutent celui qui les a engendrés en JésusChrist et suivent ses exemples, 14, 15 ; qu’ils accueillent Timothée, son envoyé, et à sa prochaine visite il verra s’il doit les traiter avec douceur ou sévérité, 16-21.

H. Les pécheurs publics, v, 1-13. — 1. L’Apôtre réproche aux Corinthiens de n’avoir pas chassé de la communauté l’incestueux qui a la femme de son père, v, 1, 2 ; pour lui, au nom de Jésus-Christ il l’excommunie, 3-5 ; car on doit enlever le vieux levain, 6-8. — 2. Ils ne doivent pas vivre avec des frères qui seraient pécheurs publics, mais ils n’ont pas à juger ceux qui ne sont pas de la communauté, 9-13.

m. Les procès devant les tribunaux païens, VI, 1-8.

— Ils portent leurs procès devant les tribunaux païens, eux qui doivent juger le monde, et lorsque les moindres d’entre eux peuvent juger les choses de cette vie, vi, 1-6 ; d’ailleurs il ne devrait pas y avoir de procès entre eux, 7-8.

iv. Les vicieux et les impudiques, vi, 9-20. — 1. Les vicieux n’hériteront pas du royaume de Dieu, vi, 9-11.

— 2. La fornication ne peut être assimilée aux autres appétits naturels, 12-14 ; elle est coupable, car elle abuse du corps, qui doit être ressuscité, qui est membre du Christ, temple du Saint-Esprit, racheté à grand prix, 15-20.

    1. SECONDE PARTIE RÉPONSES AUX QUESTIONS POSÉES##

SECONDE PARTIE RÉPONSES AUX QUESTIONS POSÉES,

vil, 1-xv, 58. — i. Le mariage et le célibat, vii, 1-40.

— 1° Du mariage, vii, 1-24. — 1. De l’usage du mariage, vii, 1-9. — L’usage du mariage est permis pour éviter l’incontinence, vii, 1-3 ; mais que chacun garde la continence, suivant qu’il lui a été donné, 4-9. — 2. Indissolubilité du mariage, vii, 10, 11 ; entre le fidèle et l’infidèle il doit être maintenu, 12-14, à moins que la partie infidèle ne se retire, 15-16 ; chacun doit rester en l'état où il était quand il a été appelé à l'Évangile, 17-24. — 2° Du célibat, vii, 25-40. — 1. Des vierges, vil, 25-38. — La virginité est seulement conseillée, 25-28 ; il est plus facile de servir Dieu dans cet état que dans le mariage,

29-35 ; conseils aux parents à ce sujet, 36-38. — 2. Des veuves ; elles peuvent se remarier, mais le veuvage est préférable, 39, 40.

il. Des idolothytes, viii, 1-xi, 1. — 1° Solution théorique de la question. 1. Ceux qui possèdent la science savent que les idoles ne sont rien ; il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Seigneur, vni, 1-7. — 2. Le frère qui n’a pas cette connaissance souille sa conscience en mangeant des viandes sacrifiées ; mais celui qui a cette connaissance doit s’en abstenir aussi, si cela devient un scandale pour les faibles, 8-12. — 2° Preuve de celle solution par la conduite personnelle de l’Apôtre, viii, 13IX, 13. — Jamais il ne mangerait de viande s’il devait scandaliser son frère, viii, 13. Sa vie prouve que telle est sa règle de conduite. — 1. Quoique apôtre, il n’a pas usé des privilèges de l’apôtre, ix, 1-18. — Il est apôtre, ix, l'-3 ; comme tel, il avait droit à recevoir sa subsistance des fidèles, droit établi par l’exemple des autres Apôtres, 4-6, par les usages de la vie ordinaire, 7, par la loi de Moïse, 8-11, par la pratique des ministres de l’ancienne loi, 12, 13, par l’ordre du Seigneur, 14. — 2. Il a volontairement renoncé à ce droit pour prêcher gratuitement l'Évangile, 15-18, et, quoique libre, il s’est assujetti à tous pour les gagner tous à l'Évangile, et y avoir part luimême, 19-23. — 3. Il exhorte les fidèles- à agir comme lui, ix, 24-x, 13. — a) La vie chrétienne est une lutte, et celui qui lutte s’abstient de tout, 24, 25, c’est ce qu’il fait ; il assujettit son corps pour n'être pas réprouvé, 26, 27. — b) Cette conclusion est confirmée par l’histoire des Israélites dans le désert, qui, comblés des bienfaits de Dieu, périrent à cause de leur révolte, x, 1-5 ; — c) exemple donné aux chrétiens, afin qu’ils ne s’abandonnent pas comme eux aux convoitises, à l’idolâtrie, à la fornication, à la tentation de Dieu, aux murmures, 6-11 ; mais qu’ils prennent garde de tomber et aient confiance en Dieu, 12, 13.

3° Solution pratique de la question des idolothytes, x, 14-xi, 1. — 1. Il faut fuir l’idolâtrie, x, 14. Or participer aux sacrifices des idoles est incompatible avec la communion du Christ, x, 15-21. — a) Les chrétiens par la communion sont unis à Jésus-Christ, 15-17 ; — b) comme l'étaient à Dieu les Israélites par leurs sacrifices, 18. — c) Quoique les sacrifices aux idoles ne soient rien, ce sont des sacrifices offerts aux démons, et le chrétien ne peut avoir communion avec les démons, 19-21. — 2. Quant aux idolothytes présentés en dehors des sacrifices : a) principe : dans les choses permises il faut choisir ce qui est utile au prochain, 22-24 ; — b) il n’est pas nécessaire de s’enquérir de la provenance des viandes, 25-27 ; mais si l’on est averti qu’elles proviennent d’un sacrifice, il faut s’en abstenir pour éviter le scandale, 28-30 ; en tout, il faut, à l’exemple de l’Apôtre, agir pour la gloire de Dieu, 31-xi, 1.

ni. Sur la bienséance à garder dans les assemblées liturgiques, xi, 2-34. — 1° Tenue extérieure des fidèles, xi, 2-16. — 1. L’homme priera et prophétisera la tête découverte, et la femme la tête voilée, xi, 2-ô, à cause de la dignité de l’homme, de sa prééminence sur la femme et de la présence des anges, 7-10, — 2. quoique l’homme et la femme soient égaux devant le Seigneur, 11-12 ; — 3. mais les convenances naturelles l’exigent, 13-15, — 4. et c’est l’usage dans l'Église, 16. — 2° Les agapes et l’Eucharistie, xi, 17-34. — 1. L’Apôtre ne peut louer ce qui se passe dans les assemblées chrétiennes. Par suite de leurs divisions, qui servent, il est vrai, à faire connaître les vrais croyants, les chrétiens ne mangent pas la cène du Seigneur en prenant séparément leurs repas, ce qui est méprisant pour l'Église et humiliant pour les pauvres, xi, 17-22 ; — 2. car la cène du Seigneur, comme le prouvent les paroles de son institution, c’est la réception du corps et du sang de JésusChrist, en commémoraison de la mort du Seigneur, 23-26. — 3. Il faut donc s’y préparer pour ne pas

les recevoir indignement, 27-29. — 4. Plusieurs des Corinthiens sont déjà châtiés pour ne s'être pas éprouvés euxmêmes, 30-32. — 5. Que les repas soient donc communs et fraternels, 33-34. iv. Des dons spirituels et de leur exercice, xh-xiv, 40.

— 1° Des dons spirituels en général, xii, 1-xm, 13. —

1. L’Apôtre ne veut pas que les Corinthiens soient ignorants sur les dons spirituels, comme lorsqu’ils étaient païens, xii, 1-2. — 2. Qu’ils sachent donc qu’on parle par l’Esprit de Dieu, lorsqu’on professe que Jésus est le Seigneur, 3. — 3. Tous les dons viennent d’un même Esprit pour l’utilité de tous, et l’Esprit les distribue comme il veut, 4-11. — 4. Explication par la comparaison du corps humain et de l'Église. — a) De même que le corps est un, quoiqu’il y ait plusieurs membres, ainsi de l'Église, dont tous les membres ont le même Esprit, 12-13 ; — b) aucun membre du corps ne peut se dire étranger au corps parce qu’il n’est pas tel autre membre ; tous les membres, les plus faibles comme les plus honorés, sont nécessaires les uns aux autres pour former le corps, et sont solidaires les uns des autres, 14-26 ; — c) de même dans l'Église il y a variété de dons, et tous ne les possèdent pas tous, mais que tous désirent les meilleurs ; cependant il est une voie plus excellente, 27-31, — 5. la charité, xiii, 1, — a) tous les dons ne sont rien sans elle, xm, 1-3 ; — b) elle est la mère et la racine de toutes les vertus, 4-7 ; — c) elle est éternelle, elle survivra à tous les autres dons, elle surpasse la foi et l’espérance, 8-13.

2° Des dons de prophétie et des langues en particulier, xiv, 1-25. — Qu’on désire les dons spirituels, mais surtout celui de prophétie, — 1. à cause de sa plus grande utilité, xiv, 1-18 ; car — a) celui qui parle une langue (étrangère) est compris de Dieu seul, celui qui prophétise est utile à tous, 1-6. — 6) À quoi servirait un instrument qui n’aurait pas des sons distincts, ou une langue qu’on ne comprendrait pas ? 7-11. — c) Par conséquent, qu’on désire les dons qui édifient, 12 ; car parler une langue (étrangère) est moins utile s’il ne s’y ajoute le don d’intelligence, et cela sert peu dans les assemblées, 13-18. —

2. Pour lui, il ne s’en sert pas en public, 19, 20, à cause de la fin que doivent atteindre ces dons. — a) D’après une parole d’Isaïe, le don des langues est un signe pour les infidèles, 21, 22, mais pourrait leur faire croire quelquefois que vous êtes hors de sens, 24, tandis que là prophétie peut convertir les infidèles, 25.

3° Règles pour l’exercice des dons spirituels, xiv, 26-40. — 1. Tout doit se faire pour l'édification, xiv, 26.

— 2. Comment et quand peut-on parler une langue (étrangère)? 27-28. — 3. Comment on doit prophétiser, 29-33. — 4. Les femmes né doivent pas parler dans les assemblées, 34-c6. — 5. Ces préceptes sont un commandement du Seigneur ; que tout se passe donc avec ordre et dignité, 37-40.

v. De la résurrection des morts, xv, 1-58. — 1° Preuve de la résurrection future, xv, 1-34, — 1. tirée de la résurrection de Jésus-Christ, qui nous ressuscitera, xv, 1-28. — a) La résurrection de Jésus-Christ, base de la prédication apostolique, est prouvée par les apparitions de Jésus ressuscité, xv, 1-11. — 6) Si Jésus n’est pas ressuscité, vaine est notre prédication, notre foi, 12-19 ; — c) mais nous ressusciterons comme Jésus-Christ, chacun à son rang, et le Christ ne remettra le royaume à son Père que lorsque la mort aura été détruite, 20-28. — 2. S’il n’y a pas de résurrection, à quoi sert le baptême pour les morts, 29, pourquoi s’exposer aux dangers et aux souffrances, 30-34?

2° Mode de la résurrection future, xv, 35-57. — À la question : Comment ressusciteront les morts ? Paul répond — 1. par des exemples tirés de la nature, grain de semence produisant un arbre semblable à lui-même, diversité des corps terrestres et des corps célestes ; il montre que le corps ressuscité sera le même que précédemment, 35-42, mais possédera des qualités nou

velles, 42-44, — 2. ce qui est prouvé par le fait qu’ayant porté l’image du premier Adam, principe de la vie animale, nous porterons l’image du second, principe de la vie spirituelle, 45-49 ; — 3. comme ce n’est pas le corps animal qui héritera du ciel, même ceux qui ne mourront pas subiront un changement, 50-53, afin que la mort et le péché soient complètement détruits, 54-57 ; —

4. restez donc fermes, sachant que votre travail n’est pas vain, 58.

III. Épilogue, xvi, 1-24. — 1. Paul donne des conseils sur la manière de préparer la collecte pour les pauvres de Jérusalem, xvi, 1-4 ; — 2. il annonce sa prochaine visite à Corinthe, 5-9 ; — 3. il recommande de bien recevoir Timothée ; la visite d’Apollon est différée, 10-12 ; recommandations, 13-14 ; — 4. il fait l'éloge des députés de Corinthe, 15-18. — 5. Salutations diverses, 19-24. — 6. Signature autographe de Paul et bénédiction, 21-24.

XI. Bibliographie. — Les commentaires sur la première Épître aux Corinthiens sont très nombreux ; nous ne citerons que les plus importants. — Grecs : Jean Chrysostome, quarante-quatre homélies, t. lxi, col. 9-381 ;

5. Cyrille d’Alexandrie, Fragmenta explanalionis, t. lxxiv, col. 855-915 ; Théodoret de Cyr, I/ilerpretatio, t. lxxxii, col. 225-376 ; Œcumenius, Commentarius, t. cxviii, col. 639-905 ; Théophylacte, Explanatio, t. cxxiv, col. 563793 ; Jean Damascène, Loci selecti, t. xcv, col. 569-705. — Latins : Ambrosiaster, Commentarius, t. xvii, col. 183276 ; Pelage ou un pélagien, Commentarius, t. xxx, col. 717-772 ; Primasius Adrum., Commentaria, t. lxviii, col. 507-553 ; Sedulius Scotus, Collectanea, t. ciii, col. 127-161. Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. exiv, col. 519-550. — Moyen âge : Haymon, évéque d’Alberstadt, Exposilio, t. cxvii, col. 509-605 ; Hugues de Saint-Victor, Qusestiones, t. clxxv, col. 513-5.43 ; Hervé de Bourges, Commentarius, t. clxxxi, col. 813-1002 ; Pierre Lombard, Collectanea, t. cxci, col. 1533-1696 ; Hugues de Saint-Cher, Poslilla ; S. Thomas d’Aquin, Commentarius, Paris, 1880 ; Nicolas de Lyre, Poslilla ; Denys le Chartreux, Commentaria. — xvi-xviii » siècle : Cajetan, Literalis Expositio, Rome, 1529 ; Gagnæus, Brevissima scholia, Paris, 1543 ; Benoit Justinien, Exptanationes, Lyon, 1612 ; Estius, Commentarius, Douai, 1614 ; Picquigny, Triplex exposilio, Paris, 1703 ; Noël Alexandre, Commentarius literalis, Naples, 1741 ; Cornélius a Lapide, Conimentarii, Anvers, 1614 ; dom Calmet, Commentaire, Paris, 1707. — XIXe siècle : Catholiques (commentaires spéciaux) : Mesmer, Erklârung des ersten Korïntherbrief es, Inspruck, 1862 ; Maier, Commentar ûber den ersten Korïntherbrief, Fribourg en Brisgau, 1857 ; Rambaud, Les Épilres de saint Paul analysées, Paris, 1888 ; Cornely, Commentarius in priorem Epistolam ad Corinthios, in-8°, Paris, 1892 ; Seidenpfenning, Der ersten Brief an die Korinther, Munich, 1893. — Non catholiques : D. J. Pott, Epistolæ Pauli ad Corinthios grssce (I Cor., i-x), in-8°, Gœttingue, 1826 ; A. L. Ch. Heydenreich, Comm. in priorem Pauli ad Corinth. epistolam, in-8°, Marbourg, 1825-1828 ; J. F. Fiait, Vorlesungen ûber die biden Briefe Pauli an die Corinther herausgegeben von Hoffmann, in-8°, Tubingue, 1827 ; J. G. Fr. Billrolh, Commentar zu den Brief en der Paulus an die Korinther, in-8°, Leipzig, 1833 ; L. J. Riickert, Der erste Brief Pauli an die Korinther, in-8°, Leipzig, 1836 ; J. E. Osiander, Commentar ûber den ersten Brief Pauli an die Korinther, in-8°, Stuttgart, 1847 ; J. F. Râbiger, Untersuchungen ûber den Inhalt der Korinther Briefe, in-8°, Breslau, 1847 ; 2e édit., 2 in-8°, Breslau, 1886 ; A. P. Stanley, The Epislles of St Pau ! to the Corinthians, 2 in-8°, Londres, 1855 ; Ch. Hodge, An Exposition of the first Epistle to the Corinthians, in-8°, Londres, 1857 ; A. Neander, Auslegung der beiden Briefe an die Korinther lerausgegeben von W. Beyschlag, in-8°, Berlin, 1859 ; F. Kling, Die Korïntherbrief e, in-8,

i Bielefeld, 1865 ; T. S. Evans, Comræntary on the first.

II. - 32

Epistle to the Corinthians, in-8°, Londres, 1881 ; C. Holsten, Das Evangelium des Paulus. Th. I, Der erste Brief an die Gemeinde in Korinth, in-8°, Berlin, 1880 ; Ch. Edwards, À Commentary on the ftrst Epistle to the Corinthians, in-8°, Londres, 1885 ; Godet, Commentaire sur la première épïtre aux Corinthiens, 2 in-8°, Neufchatel, 1886-1887 ; G. Schnedermann, Die Briefe an die Korinther, in-8°, Nordlingue, 1888 ; G. Heinrici, Kritisch exegeliscltes Handbuch ûber den ersten Brief an die Korinther, in-8°, Gœttingue, 1888 ; Ch. Ellicott, A critical and grammatical Commentary on St Paul’s first Epistle to the Corinthians, in-8°, Andover, 1889 ; W. Schmiedel, Hand Commentar zu Korinlherbrief, in-8°, Fribourg, 1890. E. Jacquieh.

2. CORINTHIENS (DEUXIÈME ÉPÎTRE AUX). — Les

plus anciens manuscrits onciaux ont pour titre : upo ; xopivdiou ; B ; les autres, en général, xç> r >s xopiv810u{ SeuTepa e7 « 5To>.Y). Pour les titres plus développés, voir Tischendorf, Novum Testamentum grsece, 8 a edit. maj., t. ii, p. 569.

I. Occasion et but de l'Épître. — La deuxième Épïtre aux Corinthiens est l’unique source que nous possédions sur les événements qui ont suivi la première lettre de Paul et l’obligèrent à écrire la seconde. Mais les exégètes interprètent différemment quelques passages de cette seconde lettre et, par suite, présentent les faits de deux manières différentes, que nous allons exposer successivement.

1° La première lettre de Paul nous avait laissé entrevoir une situation troublée ; l’autorité de l’Apôtre était diminuée par la préférence de quelques-uns pour Apollos, et surtout par les attaques des judaïsants venus d’Antioche. Paul avait envoyé Timothée à Corinthe et avait ensuite écrit aux fidèles de cette ville notre première lettre pour porter remède à cet état de choses ; mais tout alla en s’aggravant. — Quoique ni les Actes des Apôtres ni saint Paul ne nous disent rien du résultat de la mission de Timothée à Corinthe, il est probable qu’il a dû l’accomplir, mais avec peu de succès. La lettre apostolique paraît avoir contristé ceux qui étaient restés fidèles à saint Paul, même en avoir éloigné de lui une partie, et surtout avoir irrité violemment ses adversaires. C’est peut-être à cetie occasion que les violences et les injures contre Paul redoublèrent. Il était accusé de légèreté, de caprice, d’irrésolution dans ses projets, de contradiction avec lui-même. II Cor., i, 17-19. — De loin il fait des menaces. « Ses lettres sont à la vérité graves et fortes, mais la présence de son corps est faible et sa parole méprisable. » II Cor., x, 10. Présent, il est humble d’apparence ; absent, il est plein de hardiesse, x, 2. Comme autrefois il combat avec les armes matérielles, x, 3. Sa prédication falsifie la parole de Dieu ; elle est pleine d’artifices, elle est obscure, iv, 2-3 ; son désintéressement est une ruse et n’est pas réel, xii, 16. Il n’est pas apôtre, car il n’a pas de lettres de recommandation, iii, 2 ; il se recommande lui-même, iii, 1. Il n’est pas un vrai Israélite, un fils d’Abraham, un ministre du Christ, xi, 22, 23 ; il ne se laisse pas entretenir par les fidèles et vit de son métier, xi, 16-21. Il n’a jamais eu ni visions ni révélations, xii, 1-10 ; enfin c’est un fou, un insensé, xi, 1, 16. Telles étaient les accusations des judaïsants, dont Paul eut à se défendre dans sa lettre.

Il semble bien que Paul n’a plus maintenant devant lui que les judaïsants partisans du Christ. II Cor., x, 7. Il n’est plus question des partisans de Céphas. Ces partisans du Christ se flattaient d'être les apôtres par excellence,-inepMav ànôuToXoi, xi, 5 ; xii, II ; ils prêchaient un autre Évangile, un autre Jésus, un autre Esprit, xi, 4. Us n’enseignaient pas ouvertement la nécessité des observances légales, mais se déclaraient les ministres de la justice, Siàxovot Sixaioiôvi, ; , II Cor., xi, 15. Pour le moment ils tiennent secrète leur doctrine, iv, 2, et veulent

s'établir au-dessus de saint Paul ; car ils sont Hébreux, Israélites, de la race d’Abraham, ministres du Christ, xi, 22, 23 ; ils ont des lettres de recommandation, iii, 1. — Mais, dit l’Apôtre, ils se recommandent eux-mêmes, x, 12 ; ils se glorifient des travaux d’autrui, x, 15 ; ils asservissent, ils dévorent, ils outragent les Corinthiens, les frappent au visage, xi, 20 ; ce sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs déguisés en apôtres du Christ, xi, 13. — Il semble bien qu'à un moment ils ont triomphé, et qu’ils ont su tromper la majorité de la communauté corinthienne, xi, 3. Saint Paul insinue qu’elle pourrait supporter qu’un autre Jésus soit prêché, recevoir un autre Esprit, xi, 4, paroles que des faits doivent justifier.

Ému de ces nouvelles, et inquiet de ce qui s'était passé, des résultats qu’avait produits sa première lettre, Paul avait envoyé Tite à Corinthe. L’avait-il muni d’une lettre de recommandation ? c’est ce que nous ne pouvons savoir, mais c’est très probable. Peu après, vers la Pentecôte, chassé peut-être d'Éphèse par l'émeute soulevée par Démétrius, il était parti pour la Macédoine. Arrivé à Troade, il voulait y attendre le retour de Tite ; mais celui-ci n’arrivant pas, de plus en plus inquiet, il passa en Macédoine, où enfin il rencontra son envoyé. Tite lui apportait de bonnes nouvelles. Grâce à son esprit de conciliation et aux explications qu’il avait données, les fidèles avaient été affligés de la peine qu’avait éprouvée Paul, vii, 7 ; ils revenaient entièrement à lui, ils se repentaient et reconnaissaient son autorité, vil, 8-16 ; l’incestueux avait été puni et se repentait, ii, 5-11. Cependant l’opposition n'était pas éteinte ; il y avait encore dans la communauté des gens qui refusaient de reconnaître l’autorité apostolique de Paul. Le parti judaïsant n’avait pas désarmé. De plus, la majorité était revenue à lui, mais elle avait hésité un instant et avait été troublée par les attaques des ennemis de l’Apôtre. Sur le point de faire un nouveau voyage à Corinthe, Paul voulut préparer les voies, éclaircir la situation, répondre à tous les reproches et briser toutes les résistances, afin qu'à son arrivée, tout étant purifié, il put agir chez eux en toute tranquillité et confiance, xiii, 10.

Le but premier de la lettre fut d’abord de témoigner aux fidèles la satisfaction qu'éprouvait l’Apôtre de voir qu’ils revenaient à lui, et leur expliquer les raisons pour lesquelles il avait écrit sa première lettre, puis d’organiser définitivement la collecte pour les pauvres de Jérusalem ; mais, au fond, saint Paul, encore inquiet des attaques des judaïsants, voulait se justifier des reproches qu’on lui faisait et établir son autorité apostolique. Dans une première partie il fait son apologie en expliquant sa conduite récente ; il dissipe les malentendus qui s'étaient élevés entre lui et la jeune Église, et répond aux reproches d’irrésolution et d’arrogance qu’on lui adresse, i-vn. Suivant sa méthode ordinaire, il ne s’arrête pas à des minuties, à des explications oiseuses ; mais, s'élevant aux principes, il décrit le ministère chrétien tel qu’il est et tel qu’il l’a pratiqué ; il met en opposition le ministère chrétien avec le ministère juif, la conduite de ses adversaires judaïsants et la sienne. Ces explications données, il parle de la collecte, vm-ix ; là et dans le cours de l'Épître, à diverses reprises, il se justifie d’un soupçon qu’on avait insinué sur son désintéressement : il ne veut pas être entretenu par les Églises, mais il demande de grosses sommes d’argent. Il règle tout de façon à couper court à ces insinuations, puis brusquement il revient à ses adversaires, et maintenant il les attaque, il les menace ; il les traite de suppôts de Satan, de mauvais ouvriers, xi, 13-15. Ce n’est pas à eux qu’il s’adresse directement, mais aux fidèles de la communauté, qui s'étaient plus ou moins laissés séduire par eux, xi, 3. C’est eux qu’il veut convaincre, et pour obtenir ce résultat il établit d’abord son autorité apostolique, et prouve ensuite qu’il n’est inférieur à personne, qu’au contraire en tout il est égal à ses adversaires ou même leur est supérieur, x-xm. En

résumé, dans tout le cours de la lettre, Paul se propose de prouver qu’il est véritablement apôtre.

2° Les choses ne se seraient pas tout à fait passées ainsi d’après la seconde hypothèse. — La première lettre laisse pressentir que l’autorité et l’influence de Paul 'étaient bien amoindries à Corinthe. Une partie seulement des fidèles lui était restée attachée, et il avait contre lui des adversaires irréconciliables, les judaïsants. Paul, se rendant bien compte de la situation, essaye dans sa première lettre de ramener à lui les indécis, et il déclare qu’il dépend des Corinthiens qu’il aille vers eux avec la verge ou avec amour. I Cor., iv, 21. Cette lettre, quoique très modérée, fit éclater l’orage. L’excommunication qu’il lance contre l’incestueux en vertu de son autorité apostolique, I Cor., v, 1-13, soulève contre lui les judaïsants, et Timothée, qui semble avoir été d’un caractère craintif et peu énergique, I Cor., xvi, 10, et d’ailleurs encore jeune,

I Tïm., iv, 12, ne pouvant apaiser les colères, revient à Éphèse apporter à l’Apôtre ces tristes nouvelles. Celui-ci se rend immédiatement à Corinthe ; mais, chétif d’apparence et peu éloquent, II Cor., x, 10, il ne peut vaincre ses adversaires arrogants ; son autorité est méconnue. Il est même gravement insulté dans l’assemblée publique,

II Cor., Il, 1-10. Il se retire ; mais d'Éphèse il adresse aux Corinthiens une lettre terrible, dont nous le verrons regretter les termes, vii, 8. Inquiet de l’effet produit, il envoie Tite à Corinthe ; mais, toujours plein d’anxiété, il s’avance au-devant de son messager jusqu'à Troade, puis jusqu’en Macédoine. Là il rencontre Tite et il apprend que les Corinthiens ont été affligés de sa lettre, II Cor., vu, 8-11 ; mais qu’ils sont pleins de repentir et d’aCfection pour lui, vii, 7. L’homme qui l’a offensé a été puni, et Tite a été chargé de présenter à Paul leurs regrets de ce qui s'était passé. Paul alors écrit notre seconde lettre.

Trois points sont à prouver pour établir cette hypothèse. 1. Saint Paul a fait à Corinthe une visite entre sa première et sa seconde lettre. Il semble le dire dans II Cor., xm, 1 : « Voici que pour la troisième fois je viens à vous… Je l’ai dit, je le dis d’avance, comme lorsque j'étais présent pour la seconde fois. » Au chapitre xii, 14, il déclare que pour la troisième fois il est prêt à aller chez les Corinthiens. Enfin il nous dit, ii, 1-3, ce qu’a été cette seconde visite : « J’ai donc jugé en moi-même de ne point aller vers vous de nouveau dans la tristesse. » Il avait écrit sa lettre, ii, 2-4, afin qu'à son arrivée il n'éprouvât pas de la tristesse de la part de ceux qui devaient lui donner de la joie. — Quelques exégètes ont supposé que saint Paul faisait seulement dans ces passages allusion aux projets de voyage qu’il avait formés ; mais plusieurs détails, xii, 14, prouvent l’insuffisance de cette interprétation. D’autres pensent que le voyage dont il est question ici aurait été antérieur à la première Épitre ; car il en serait parlé au chapitre xvi, 7, de celle-ci : « Car je ne veux pas cette fois vous voir en passant, » paroles qui ne peuvent se rapporter au premier séjour de Paul à Corinthe, qui dura dix-huit mois.

2. Saint Paul a écrit une lettre entre la première et la seconde que nous possédons. Ce fait ressort encore des paroles de l’Apôtre. II Cor., vii, 8, il écrit : « Si je vous ai attristés dans ma lettre, je ne m’en repens pas ; si je m’en suis repenti (car je vois que cette lettre, du moins momentanément, vous a fait de la peine), je m’en réjouis maintenant, non parce que vous avez été attristés, mais parce que vous l’avez été pour vous repentir. » Qu’on lise encore les passages vii, 12 ; x, 1, 9, et l’on se demandera si ces paroles de saint Paul peuvent bien s’appliquer à la première lettre. Qu’a-til donc écrit qui pouvait autant affliger les Corinthiens, le faire traiter d’homme hardi en paroles et faible dans l’action, x, 10, et surtout que peut-il avoir à regretter dans cette lettre au point de s’en excuser presque ? Il, 4 ; vii, 8. L’Apôtre a donc écrit une autre lettre très énergique, où il flagellait ses adversaires et probablement reprochait aux fidèles leur fai blesse, leur posait une espèce d’ultimatum, ii, 9, et les mettait en mesure de se justifier, vii, 11. — Comment se fait-il, en outre, qu’il ne nous soit rien dit dans la deuxième Épître aux Corinthiens de la mission de Timothée, dont il est parlé à plusieurs reprises dans la première ? L’Apôtre en aurait parlé dans la lettre que l’on suppose. En outre, Tite, qui était inconnu aux Corinthiens, a du emporter une lettre de recommandation. On est allé jusqu'à supposer que cette lettre intermédiaire ne serait autre que la fin de notre seconde Épitre, chapitres x-xm, 11. Hausrath, Das Vier-Kapitelbrief des Paulus an die Corinthier, 1870. Nous verrons plus loin que cette dernière hypothèse n’est pas admissible. Mais que sajnt Paul ait remis à Tite une lettre de recommandation, c’est possible et même probable. Que cette lettre ait été vive et que saint Paul en ait exprimé ses regrets dans les passages sus-mentionnés, c’est encore possible ; mais beaucoup d’exégètes voient dans les passages visés une allusion à la première Epitre, où l’on trouve certes des paroles très sévères à l’adresse des Corinthiens, I Cor., iv, 18-21 ; v, 1-2 ; vi, 8 ; xi, 17-22, et d’autres, que les ennemis de l’Apôtre pouvaient traiter d’arrogantes, ii, 16 ; iv, 1 ; ix, 1 ; xiv, 8 ; xv, 8. Ce serait donc sa première , lettre que Paul aurait en vue dans ces passages, et non une autre, qui n’a jamais été soupçonnée par la tradition. 3. L’homme dont il est question, II Cor., ii, 5-11, n’est pas l’ineestueux, mais probablement un judaïsant, un des prétendus disciples du Christ. Les paroles de saint Paul font, dit-on, allusion à un homme qui l’a directement et personnellement offensé : « Si quelqu’un a causé de la tristesse, ce n’est pas moi qu’il a attristé ; mais, pour ne rien exagérer, en partie vous tous, » ii, 5. — Ce passage ne paraît pas concluant et peut très bien s’appliquer à l’incestueux. Le suivant le serait davantage. « Donc, si je vous ai écrit, ce n’a été ni à cause de celui qui a fait du tort, ni à cause de celui qui a supporté l’offense, mais pour que soit manifesté votre empressement pour nous devant Dieu. » II Cor., vii, 12. On ne voit pas comment se montrerait l’empressement des Corinthiens pour l’Apôtre par la punition infligée au coupable, si Paul n’avait pas été l’offensé. Le texte cependant n’est pas tellement clair qu’on ne puisse l’appliquer, selon l’explication commune, à l’incestueux et à son père, à qui il avait fait injure, et les Corinthiens ont montré leur attachement à l’Apôtre par leur obéissance, en infligeant à l’incestueux la peine que Paul avait portée contre lui. — Le but de la seconde Épître aux Corinthiens reste toujours d’ailleurs tel que nous l’avons exposé plus haut : Paul se justifie des reproches qu’on lui a faits et prouve son autorité apostolique.

II. Date et lieu de la. composition. — La première Épître avait été écrite à Éphèse, au printemps de l’an 57. Vers la Pentecôte, Paul quitta Éphèse, I Cor., xvi, 8, et se rendit à Troade ; n’y trouvant pas Tite, il passa en Macédoine, où celui-ci le rejoignit, lui apportant les nouvelles de Corinthe. Il Cor., ii, 12-13 ; vii, 5, 6. C’est alors que saint Paul écrivit sa seconde lettre, probable. ment vers le mois de septembre 57 ; car, pour que ces | divers événements aient eu lieu, quatre ou cinq mois ont i dû s'écouler entre les deux lettres. L'écrivit-il de Philippes, ainsi que le dit une souscription du manuscrit B et de la Peschito ? C’est ce qu’il est impossible de dire, mais c’est fort possible. — Dans la deuxième hypothèse qui a été présentée, un plus long espace de temps est nécessaire entre les deux lettres, puisqu’il y eut entre elles un voyage de l’Apôtre à Corinthe et une autre lettre ; il faut donc supposer entre les deux au moins l’espace d’un an, ce qui reporterait la date de notre seconde Épitre à l'été de 58.

Les porteurs de cette lettre furent ceux que Paul envoyait à Corinthe pour organiser la collecte pour les 1 pauvres de Jérusalem, viii, 16-24 ; Tite et les deux envoyés I des Églises pour la collecte : le frère dont la louange s’est CK>

répandue dans toutes les Églises par l'Évangile, ꝟ. 18, probablement Barnabe, ou Silas, ou Luc, ou Marc, et le frère dont l’Apôtre a éprouvé le zèle en plusieurs occasions, ꝟ. 22, probablement Apollos, ou Luc, ou Sosthène, ou Timothée. Aucune indication ne nous permet de choisir entre ces divers noms ou d’autres.

III. Authenticité et canonicité. — 1° Preuves extrinsèques. — Nous ne relevons que de très vagues réminiscences de la deuxième Épitre aux Corinthiens dans les premiers écrivains chrétiens ; mais, à partir du milieu du IIe siècle, les témoignages deviennent très abondants. Funk signale six passages de la première épître de saint Clément Romain, un des épîtres de saint Ignace, trois de l'épllre aux Philadelphiens de saint Polycarpe, et trois de l'épître à Diognète, qui rappellent d’assez loin des paroles de saint Paul dans la deuxième Épître aux Corinthiens. La pensée et même quelques expressions sont identiques dans Polycarpe, ad Phitippenses, ii, 2, t. v, col. 1007, et II Cor., iv, 14 ; dans ibid., iv, 1, t. v, col. 1009, et II Cor., vi, 7 : t 07îXi(T[ô|i.E8a toîî ôitXoii xr^i 51xaio<T’ivir|s. — Le beau passage de la lettre à Diognète, v, 8-16, t. ii, col. 1161, est inspiré certainement de II Cor., x, 3, et le passage vi, 8-10 de xi, 24. À comparer aussi Théophile d’Antioche, ad Autolycurn, i, 2, t. vi, col. 1028, et II Cor., vii, 1 ; — i, 7, col. 1026, et II Cor., v, 4 ; - iii, 4, col. 1125, et II Cor., xi, 19. — Saint Irénée cite deux fois ta seconde Épître aux Corinthiens par son nom : Adv. hœr., IV, xxviii, 3, et xxix, 1, t. vii, col. 1063-1064 ; cf. II Cor., ii, 15, et IV, 4 ; — Hier., III, vii, 1, t. vii, col. 864 ; cf. Hœr., lib. IV, xxvi, 4, t. vii, col. 1055 ; xxix, 1, ibid., col. 1063 ; xxxvi, 6, ibid., col. 1095 ; lib. V, xiii, 4, ibid., col. 1159-1160. Voir Werner, Der Paulinismus des Irenmus, Leipzig, 1889. — Athénagore, De resurr., xviii, t. vi, col. 1009, cite une partie de II Cor., v, 10. — Clément d’Alexandrie cite cette Épitre plus de quarante, fois. Cf. Strom., iv, 16, t. viii, col. 13061310, et II Cor., ii, 14 ; iii, 14. Tertullien la cite aussi très souvent, Adv. Marcionem, v, xi, xii, t. ii, col. 498-503. Cf. de Pud., xiii, t. iv, col. 1003 et II Cor., ii, 6-11. — Basilides la connaissait, et Marcion l’avait admise dans sa collection. VoirZahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 513-515, les passages que l’on a reconstitués. La version syriaque Peschito et les vieilles versions latines la possédaient. Le canon de Muratori l’indique. Voir col. 170. — Ces témoignages des Pères, l’admission de cette Épître dans les vieilles versions latines, la Peschito et le canon de Muratori, prouvent que dès le commencement du IIe siècle au moins elle était tenue pour canonique.

2° Preuves intrinsèques. — Aucune lettre ne porte plus marqués les traits caractéristiques de la personnalité de saint Paul. On peut dire qu’il revit là tout entier avec son absolu dévouement à Jésus-Christ, son amour paternel pour les enfants qu’il a enfantés à la foi ; mais aussi avec son tempérament ardent, passionné, et sa mordante ironie. Nous y retrouvons aussi sa méthode ordinaire d’exposition ; il mélange à chaque instant les détails particuliers avec les idées générales ; de la discussion des faits il s'élève à l’enseignement des plus hautes doctrines. Tout en exposant son propre ministère, saint Paul établit la supériorité de la nouvelle alliance sur l’ancienne, m ; de ses propres expériences il conclut à l'état futur, iv, à la résurrection, v. La collecte lui est une occasion d’enseigner l’incarnation de Jésus-Christ, viii, 9 ; la bonté et la munificence de Dieu, ix, 8-12.

Les rapports entre cette Épître et les Actes des Apôtres, ainsi qu’avec les autres Épitres de Paul, sont très nombreux, surtout avec la première Épître aux Corinthiens ; aussi peut-on dire que cette seconde Épitre est la suite naturelle et presque nécessaire de la première. Nous y voyons développés les germes de division qui apparaissaient dans la première ; la situation devient plus accusée et telle qu’elle devait être prévue. Les événements y suivent leur cours normal, si bien qu’on a pu dire qu'à l’aide de

la première lettre on aurait presque pu écrire la seconde ou réciproquement. Signalons les rapprochements les plus frappants :

II Cor., ii, 12. Saint Paul est parti de Troade pour la Macédoine. — II Cor., ix, 2. Saint Paul est en Macédoine.

II Cor., ii, 6-8. Il demande qu’il soit pardonné à l’incestueux. — La plupart des exégètes croient qu’il est question ici de l’incestueux de ICor., v, 1.

II Cor., viii, 1, 2, 5, 7, 11. La collecte pour les pauvres de Jérusalem a été faite.

II Cor., xi, 32. Saint Paul raconte comment il s’est échappé de Damas.

II Cor., 1, 3-10. Saint Paul fait allusion aux dangers qu’il a courus en Asie.

II Cor., i, 19. Silvain et Timothée ont prêché avec lui l'Évangile à Corinthe.

I Cor., xvi, 5. II annonce qu’il passera par la Macédoine pour aller à Corinthe..

I Cor., v, 1-6. Il condamne et excommunie un incestueux.

I Cor., XVI, i. Il a réglé' la manière de faire cette collecte.

Act., ix, 23, 25. Même fait avec quelques autresdétails.

Act., xix. Récit de l'émeute populaire soulevée : par Démétrius contre l’Apôtre.

Act., xviii, 1-5. Silas et Timothée viennent de Macédoine rejoindre Paul à Corinthe.

IV. Intégrité de l'Épître. — 1° Dans la première partie de sa lettre, Paul fait son apologie ; dans la deuxième, il parle de la collecte pour les pauvres de Jérusalem ; puis, au chapitre x, brusquement, sans transition, il apostrophe ses adversaires et recommence son apologie. Le début de ce second plaidoyer personnel paraît être le commencement d’une lettre : « Mais, moimême, Paul, je vous exhorte par la douceur et la clémence du Christ. » Il Cor., x, 1. Aussi a-t-on prétendu que cette dernièrepartie de l'Épitre, tout en ayant été écrite par l’Apôtre, ne faisait pas partie de cette lettre aux Corinthiens, mais aurait été écrite longtemps avant. Hausrath, nous l’avons dit, voyait dans ces quatre chapitres la lettre, dont nous avons parlé plus haut, qui aurait été écrite entre la première et la seconde ; ainsi s’expliquerait la différence de ton entre les premiers chapitres et les derniers, les jugements divers que Paul porte sur ses lecteurs ici et là. Ici, viii, 7, il reconnaît qu’ils possèdent, en abondance la foi, la science et la charité ; là, xii, 20, . il craint qu'à son arrivée il ne les trouve infectés de tousles vices. Ici, il est plein de douceur, il fait presque des excuses, ii, 4 ; vii, 8 ; là, au contraire, il parle avec rudesse, même avec violence ; xiii, 1-10.

Quoique ces observations soient fondées, les derniers chapitres do la lettre n’en sont pas moins la suite naturelle des premiers. Au commencement Paul s’adresse à la partie de la communauté qui lui était restée fidèle ou qui était revenue à lui ; il lui donne des explications très, calmes sur les événements qui ont causé le malentendu entre elle et lui, tandis qu'à la fin il parle de ses adversaires irréconciliables, et, se comparant à eux, il montre combien il leur est supérieur. Cette dernière partie, en outre, ne peut avoir été écrite avant la première, puisque en divers passages elle la suppose ; il y a correspondance évidente entre la fin et le commencement de l'Épître.. Que l’on compare, par exemple, i, 15, et x, 14, ou ii, 2 ; . vu, 9, et xiii, 10 ; c’est la même idée. Aux chapitres iii, 1, . et v, 12, Paul se défend de faire son éloge, tout aussi bien qu’aux chapitres x, 18 ; xi, 16. — Enfin les versets 11-13° du chapitre xm ne peuvent s’appliquer qu’aux lecteurs ; dont il est question dans les premiers chapitres. D’ailleurs les diverses catégories de lecteurs sont bien dis

linguées les unes des autres ; aux uns Paul fait des protestations d’amour, xi, 2, 11 ; xii, 19, tandis qu’il parle aux autres très sévèrement, xi, 4, 13, 21. — Le P. Cornely, Comm. in secundam ad Cor., p. 7, fait remarquer après plusieurs autres que la marche de cette apologie peut très bien être comparée à celle que suit Démosthène dans le Pro corona. Dans la première partie il défend sa vie politique d’un ton modéré et tranquille, puis dans la deuxième partie il attaque son adversaire avec la plus grande violence. — On a supposé que la seconde partie de la lettre avait été écrite quelque temps après la première, au reçu de mauvaises nouvelles venues de Corinthe. Reuss, Les Epîtres pauliniènnes, Paris, 1878, 1. 1, p. 291 ; Fouard, Saint Paul, Paris, 1892, p. 388. Rien ne prouve cette hypothèse, mais elle pourrait expliquer la différence de ton entre le commencement et la fin de .l’Épître.

2° Ewald, Holsten et plusieurs autres à leur suite supposent que le passage vi, 14- vii, 1, serait une addition étrangère au texte, car aux versets vi, 11, l’Apôtre assure les Corinthiens de son amour pour eux et leur demande la réciproque, puis, vi, 14- vii, 1, il y a une digression où il les adjure de ne pas s’unir aux infidèles, et de nouveau il leur demande de l’accueillir, vii, 2. Il faudrait rejeter vi, 14-vn, 1, et souder vi, 13 à vii, 2. Mais, d’abord, on pourrait voir dans ce passage une de ces digressions assez habituelles à l’Apôtre. Quelquefois, abandonnant le fil principal de son discours, il suit une idée connexe, puis revient à son sujet primitif. C’est bien le cas ici. En outre ce passage se trouve dans tous les manuscrits, anciens ou plus modernes ; c’est donc par une supposition tout à fait gratuite qu’on y voit une glose .passée dans le texte.

V. Style et langue de l’Épître. — 1° Saint Augustin, De doct. christ., t. xxiv, col. 94-96, fait très bien ressortir l’éloquence de cette épître et la mordante ironie de l’Apôtre envers ses adversaires. Erasme apprécie ainsi le style de cette Épitre : Les figures de mois, telles que l’opposition des termes, la disposition des périodes, la symétrie des membres de phrase, la similitude des désinences, la répétition des mots, et autres de même genre, impriment à ce style une telle variété et un tel mouvement qu’il ne se peut rien trouver de plus gracieux ni de plus chaleureux. Il en admire aussi la disposition logique : Les plus savants critiques s’escriment à expliquer la pensée des poètes et des orateurs, mais avec cet orateur-là il faut plus d’efforts pour saisir son intention présente, - son but, son dessein ; il y a tant chez lui de tours et de détours, et, soit dit sans irrévérence, tant de ruse, qu’on ne croirait pas que c’est le même homme qui parle. Tantôt, comme une source limpide, il ne bouillonne que peu à peu ; tantôt, comme un torrent, il s’emporte avec fracas, entraînant tout sur son -passage ; maintenant il s’écoule avec une douce tranquillité, puis se répand au loin comme un vaste lac, puis semble se ramasser et se perdre, pour aller, à son gré, reparaître subitement sur un autre point. ( Paraphr. Dedic.) Ce jugement d’Érasme répond bien à l’impression que nous éprouvons en lisant ces belles pages de l’Apôtre ; cependant il doit être légèrement corrigé par celui du D r A. Plummer, Smith’s Dictionanj of the Bible, 2e édit., t. i, p. 657 : « Le style de cette Épitre n’a pas été aussi universellement admiré que celui de la première. Le grec en est rude. Le récit et les raisonnements sont souvent embrouillés et brisés ; l’aisance et la facilité font partout défaut. Les pensées, aussi belles en général que dans la première Épitre, sont moins bien exprimées ; il n’y a aucun passage qui en hauteur d’éloquence égale la première lettre. Cependant, en dépit de la faiblesse du langage, l’éloquence de cette seconde Épître est puissante. L’intensité des sentiments contradictoires sous l’influence desquels elle a été écrite a brisé le rythme et J’arrangement des phrases ; mais il s’en dégage une

impression de vie et de puissance qu’une diction plus châtiée aurait affaiblie. On sent à chaque phrase que l’écrivain parle du plus profond de son cœur, de ce cœur sur lequel Corinthe est inscrit, iii, 2 ; vii, 3. »

2° Les â-xz Xe-j <5|ieva sont au nombre de quatre-vingt-douze dans cette Épître, parmi lesquels nous citerons : e-j’/apisTôîtrOai, i, 11 ; xàXu|i|ia, iii, 13, 14, 15, 16 ; xatoirTpitsïÇiit, ni, 18 ; èti£v80e<j6h, v, 2, 4 ; èx6ri|xetv, et Èvôr, |ieîv, v, 6, 8, 9 ; àypumix, vi, 5 ; xi, 27 ; |jiolutT|i<5c, vii, 1 ; TipoCTa^aTiX^poûv, IX, 12 ; xi, 9 ; ô^’jpwjva, x, 4 ; aapyavï], XI, 33 ; ÛTiEpXian, xi, 5, xii, 11 ; aitoXo^, xii, 7. Parmi les expressions les plus remarquables, nous signalerons : naXaii èixOrp-i], III, 14 ; à 6sô ; toù œîùvoç touto-j, IV, 4 ; 6 ï%o Tip/ùv a’jOptù-no ; , IV, 16 ; à-nb irépuai, viii, 10 ; ix, 2 ; ûi ta a|i£Tpa, x, 13, 15 ; affsXoc çutôc, xi, 14 ; Tpito ; oùpavô ; , xii, 2 ; ay-fsXo ; (raravâ, XII, 7.

3° Les figures de langue et de style sont aussi 1res nombreuses dans cette lettre ; on y trouve des exemples d’anacoluthe, i, 7 ; vii, 5 ; ix, 10-13 ; d’asyndète, ym, 23 ; x, 16 ; xi, 20 ; de construction prégnante, x, 5 ; xi, 3 ; d’euphémisme, vu, 11 ; d’ironie, xi, 16 ; xii, 13 ; d’oxymoron (alliance de mots contradictoires), vi, 9, 10, 14 ; viii, 2 ; xii, 5, 9, 10 ; de parallélisme, vii, 4, 5 ; xiii, 4 ; de paronomase, m, 2 ; iv, 8, v, 4 ; .vm, 22. On pourrait aussi relever les mêmes particularités syntaxiques que pour la première Épître.

VI. Citations de l’Ancien Testament. — On compte vingt - deux citations de l’Ancien Testament dans la deuxième Épître aux Corinthiens ; mais plusieurs sont empruntées à plusieurs livres à la fois, ou bien la source en est incertaine. Cf. iii, 3, et Exôd., xxxi, 18 ; xxxiv, 1 ; Prov., iii, 3 ; Jer., xxxi, 33, ou vi, 18, et II Reg., vii, 8, 14 ; Ose., i, 10 ; Is., xliii, 6 ; Amos, iv, 13, etc. Il en est qui rappellent seulement un mot qui a pu être tiré du langage courant : II Cor., i, 20, et Num., v, 22 ; I Par., xvi, 36 ; Ps. xl, 13 ; II Cor., iii, 18, et Exod., xl, 34 ; III Reg., viii, 11 ; II Cor., iv, 4, et Gen., ix, 6 ; II Cor., vi, 15, et Jud., xix, 22 ; I Reg., xxv, 17 ; II Cor., xi, 21, et Deut., xxv, 3. Douze livres de l’Ancien Testament sont cités : les Psaumes cinq fois, les Proverbes et Isaïe quatre fois, l’Exode trois, le Deutéronome et les Rois deux fois, la Genèse, le Lévitique, Jérémie, Ézéchiel, Osée, Amos, chacun une fois. Quatre citations reproduisent le texte des Septante, iv, 13 ; vi, 2 ; viii, 15 ; ix, 9 ; six autres, ix, 10 (allusion) ; xi, 3 (allusion) ; viii, 21 ; ix, 7 ; x, 17 ; xm, 1, s’en rapprochent beaucoup. Une seule citation, vi, 17, s’accorde avec le texte hébreu contre les Septante. Une autre, ix, 7, reproduit un passage qui n’est pas dans le texte hébreu, Prov., xxii, 8. Nous pouvons donc faire à propos de cette Épitre les mêmes observations que pour les citations de l’Ancien Testament dans la première Épître aux Corinthiens, col. 988.

VIL Texte de l’Épître. — Voir pour les manuscrits ce qui a été dit plus haut. Il y a plusieurs variantes intéressantes : 1, 12, a71XâiT, Ti au lieu de âyiÔTr, Ti ; xii, 1, y.i’jjfadQat Stj où G’jjAOspEi jj.oi ou y.a’j-^SdOat BeÏ où (TUfiçipo^ (iiv. Aucune n’est assez importante pour qu’il soit nécessaire de la discuter. Voir, pour l’appareil critique, Tischendorf, Novurn Testamenlum grœce, 8 a edit. maj., 1. ii, p. 569-626.

VIII. Contenu de l’Épître. — Outre le prologue et l’épilogue, la seconde Épître aux Corinthiens renferme trois parties bien distinctes : 1° l’apologie de l’Apôtre ; 2° la collecte pour les pauvres de Jérusalem ; 3° les preuves de son apostolat.

i. Prologue, i, 1-11. — 1° Salutations de Paul et de Timothée à l’Église de Corinthe et vœux apostoliques, i, 1-2. — 2° Actions de grâces de l’Apôtre pour les consolations reçues au milieu de ses afflictions, qui tournent les unes et les autres au bien des Corinthiens, 3-7 ; — 3° car il a connu de grands dangers, auxquels il a échappé avec l’aide de Dieu, 8-10 ; — 4° les Corinthiens l’aideront aussi de leurs prières, 11.

II. PREMIÈRE PARTIE. — JUSTIFICATION GÉNÉRALE BE

l’Apotre, i, 12-vn, 16. — 1° Réponse au reproche de légèreté et d’inconstance, i, 12-n, 17. — 1. Paul proteste de sa sincérité de conduite et de parole, I, 12-14, en particulier dans le projet, qu’il avait annoncé, d’aller à Corinthe, 15-16. — 2. A-t-il fait preuve de versatilité en ne réalisant pas ce projet ? 17, non ; car sa constance s’appuie sur la fidélité de Dieu et la grâce du Saint-Esprit, 18-22. — 3. Il expose la raison de son changement de projet : a) Il a voulu épargner les Corinthiens et ne pas les revoir dans la tristesse ; il a donc écrit avec larmes pour leur témoigner son amour, i, 23-n, 4 ; — 6) si d’ailleurs quelqu’un a été une cause de tristesse, c’est eux qu’il a attristés et non lui, 5 ; le châtiment infligé par le plus grand nombre suffit ; pour lui, il pardonne à cause d’eux, 6-11 ; — c) n’ayant pas trouvé Tite à Troade, il est parti pour la Macédoine, 12-13. — 4. Il rend grâces à Dieu, qui le fait triompher dans le Christ ; il est la bonne odeur du Christ, et il parle avec sincérité, 14-17.

2° Réponse au reproche de suffisance et d’orgueil, m, 1-vi, 10. — 1. Se recommande-t-il encore lui-même ? non, ce sont les Corinthiens qui sont sa lettre de recommandation, iii, 1-3 ; il a confiance en Dieu, parce que sa capacité vient de Dieu, qui l’a rendu capable d'être ministre de la nouvelle alliance, 4-6. — 2. Excellence de ce ministère nouveau par rapport à l’ancien, iii, 7-18 ;

— relativement à la manière dont il a été donné, 7, 8 ; aux effets de l’un et de l’autre, 9, 10, et à leur durée, 11 ; c’est pourquoi nous agissons avec une grande liberté, 12, et nous n’usons pas, comme Moïse, d’un voile, 13, lequel demeure encore pour les Juifs, jusqu'à ce que leur cœur soit converti, 13-16 ; mais nous, nous contemplons le Seigneur à visage découvert et sommes transformés à son image, 17, 18. — 3. Ayant ce ministère, Paul parle avec confiance et clairement, iv, 1-2 ; son Évangile n’est obscur que pour ceux qui sont aveuglés, 3, 4, car il prêche seulement Jésus-Christ, 5, 6. — 4. Son but est de plaire au Christ, qui doit le récompenser de ses travaux, iv, 7-v, 10.

— a) Il porte ce trésor [de l'Évangile] dans des vases de terre, pour que ressorte mieux la puissance de Dieu, IV, 7 ; il est exposé à tous les périls, mais il est soutenu, et il manifeste en lui la vie de Jésus, 8-12. — 6) Il parle parce qu’il a cru ; il souffre tout, parce qu’il espère la résurrection, 13-15 ; il a confiance parce que les afflictions de cette vie lui procureront une gloire éternelle, 16-18. — c) Car il sait que nous avons dans le ciel une maison que nous désirons habiter, v, 1-5 ; mais, quoiqu’il aimât mieux quitter ce corps, qu’il meure ou qu’il vive, il veut plaire au Christ, notre juge, de qui nous devons recevoir la récompense ou le châtiment, 6-10. — 5. Il ne se recommande pas de nouveau aux Corinthiens, mais il veut leur donner occasion de glorifier Dieu à son sujet ; car, quoi qu’il fasse, c’est pour Dieu et pour eux qu’il le fait, v, 11-13. — Il expose ensuite que le motif de ses actes est la charité, v, 14 -VI, 10. — a) Le mobile de sa conduite, c’est la charité du Christ, mort pour tous, afin que tous vivent pour lui, v, 14-15 ; — b) et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-mèrne par le Christ, dont les Apôtres sont les ambassadeurs, les exhortant à ne pas avoir.reçu en vain la grâce de Dieu, 16-vi, 2. — c) ce ministère, il le rend recommandable par ses souffrances et les vertus qu’il pratique, vi, 3-10.

3° Il termine son apologie par une exhortation, VI, 11VII, 16. — 1. Il demande aux Corinthiens de lui rendre amour pour amour, de ne pas s’unir aux infidèles, car il n’y a pas d’union entre le Christ et Bélial ; qu’ils se séparent donc de tout ce qui est impur, et ils seront les fils de Dieu, vi, 11-vu, 1. — 2. Il exprime son amour pour eux, vii, 2-i, et leur dit ses tristesses et ses craintes à leur sujet et la joie qu’il a ressentie en apprenant de Tite leur repentir, 5-7 ; la tristesse qu’il leur a causée a été selon Dieu et lui est un motif de consolation, 8-13,

laquelle est augmentée par la joie qu’a ressentie Tite et par l’affection réciproque qui unit Tite et les Corinthiens, 14-16.

m. Seconde partie. — De la collecte pour les pa uvp.es be Jérusalem, viii, 1 - ix, 15. — 1° Exhortations générales à prendre part à cette collecte, viii, 1-15. — 1. Suivre l’exemple des Églises de Macédoine, qui, quoique pauvres, ont donné abondamment, viii, 1-5 ; il envoie donc Tite pour recueillir les dons, qui seront abondants, puisque les Corinthiens abondent en toutes les vertus, 6, 7. — 2. Mais il ne commande pas, car il leur suffit de se rappeler Jésus-Christ, qui s’est fait pauvre pour eux, pour terminer ce qu’ils ont commencé l’année précédente, 8-11 ; il les engage donc à donner avec bonne volonté suivant leurs moyens, afin qu’il y ait égalité entre tous, 12-15.

2° Il leur recommande Tite et deux autres frères éprouvés, chargés de faire cette collecte ; car pour lui il ne veut pas s’occuper seul de l’administration de ces aumônes, 16-24.

3° Nouveaux motifs pour donner abondamment, ix, 1-15. — 1. Que l’on donne rapidement, afin qu’il n’ait pas à rougir d’eux en face des Macédoniens, qui viennent avec lui, ix, 1-5. — 2. Qu’on donne abondamment et avec joie, car Dieu est puissant pour les combler de tous dons, et ceux qui recevront leurs aumônes glorifieront Dieu et prieront pour eux, 6-15.

îv. Troisième partie. — Apologie personnelle be l' Apôtre, x, 1-xiii, 10. — Saint Paul établit son autorité apostolique, x, 1-18. — 1. Il exhorte ses adversaires à ne pas le forcer à user avec hardiesse envers eux des armes spirituelles et l’obliger à punir, x, 1-6. — 2. Il est au Christ plus que personne, et il se glorifie de son autorité apostolique ; mais il ne veut pas intimider seulement par lettres, et il sera présent tel qu’il est dans ses lettres, 7-11 ; il n’imitera pas ceux qui se glorifient euxmêmes, mais il est glorifié par Dieu et par ses travaux, 12-16 ; car c’est Dieu qui doit glorifier et recommander, 17, 18.

2° Il prouve qu’il n’est inférieur en rien à ses adversaires, xi, 1-xin, 10. — 1. Qu’on supporte sa folie, car il agit pour les détourner des séducteurs, x, 1-4, auxquels cependant — 2. il n’est pas inférieur, xi, 5-xii, 18, — a) eu science, xi, 5, 6, ni coupable parce qu’il les a évangélisés sans rétribution de leur part, afin d’enlever tout prétexte contre son ministère de la part des faux apôtres, 7-15. — b) Qu’on l’excuse si, imitant ses adversaires, il se glorifie lui-même, xi, 16-21 ; comme eux il est de race juive, 22 ; serviteur du Christ, 23, il l’est plus qu’eux par ses souffrances, par les dangers qu’il a courus, 24-27, par les soucis du ministère apostolique, 28-33 ; il a eu des visions, des révélations, il peut s’en glorifier, xii, 1-5 ; mais il ne veut se glorifier que de ses infirmités, qui lui ont été données pour l'éprouver et afin qu’il soit plus fort, 6-10. — c) Il a agi chez eux en apôtre, et ils ne sont pas inférieurs aux autres sinon en ce qu’il ne leur a pas été à charge, ni ses compagnons non plus, et qu’il ne le sera pas davantage à sou prochain séjour, 11-18. — 3. Que les Corinthiens ne pensent pas qu’il veut se justifier auprès d’eux ; non, il parle devant Dieu pour leur édification et afin qu’ils se corrigent, car il craint de les retrouver encore dans leurs anciens péchés, 19-21 ; mais à son troisième séjour il rétablira l’ordre, et il annonce qu’il sera un juge sévère contre ceux qui refuseront de s’amender, xiii, 1-7 ; il écrit ces choses afin de ne pas être obligé d’user de sévérité à son arrivée à Corinthe, 8-10.

v. Épilogue, xiii, 11-13. — Dernières exhortations, 11. Salutations mutuelles, 12. Bénédiction apostolique, 13.

IX. Bibliographie. — Pères grecs : S. Jean Chrysostome, trente homélies, t. lxi, col. 381-1610 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Fragmenta ex calenis collecta, t. lxxiv, col. 915-951 ; Théodoret, Interpretalio, t. lxxxii, col. 376Q06

460 ; Œcumenius, Comment, , t. cxviii, col. 009-1088 ; Théophylacte, Explanatio, t. cxxiv, col. 795-952. — Pères latins : Ambrosiaster, Commentarius, t. xxx, col. 771-806 ; Primasius Adrum., Commentaria, t. lxviii, col. 553-584 ; Sedulius Scotus, Colleclanea, t. ciii, col. 161-182 ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxiv, col. 551-570 ; Anselrnius Laudunensis, Glossa interlinearis, Bàle, 1502 ; Anvers, 1631. — Moyen âge : Aymon, évêque d’Alberstadt, Expositio, t. cxvii, col. 605-668 ; Hugues de Saint-Victor, Qusesliones et decisiones, t. clxxv, col. 543553 ; Hervé de Bourges, Commentarius, t. clxxxi, col. 100-1-1126 ; Pierre Lombard, Colleclanea, t. cxcii, col. 9-94 ; S. Thomas d’Aquin, Commentarius, Paris, 1880. — xvie - xviiie siècle : Cardinal Cajetan, Literalis Expositio, Rome, 1529 ; J. Gagnseus, Brevissima Scholia, Paris, 1543 ; Salmeron, Commentaria, Cologne, 1614, , t. xiv ; B. Justinien, Explanaliones, Lyon, 1612 ; Estius, Commentarius, Douai, 1614 ; Cornélius a Lapide, Commentarii, Anvers, 1614 ; B. de Picquigny, Triplex expositio, Paris, 1703 ; Noël Alexandre, Commentarius literalis, Naples, 1741 ; dom Calmet, Commentaire, Paris, 1707. — xixe siècle : Catholiques (Commentaires spéciaux) ; Maier, Commentai- ûber den ziveiten Brief an die Corinther, Fribourg, 1865 ; R. Cornely, Commentarius in sancti Pauli Epistolam ad Corintldos alteram, in-8°, Paris, 1892. — Non catholiques : J. G. Fr. Leun, Pauli ad Corinthios epistola secunda grsece perpétua annotatione illustrata, in-8°, Lemgo, 1805 ; E. A. G. Krause, Animadversiones in secundam Epistolam ad Corinthios, in-8°, Kœnigsberg, 1818 ; Chr. Emmerling, Epistola Pauli ad Corinthios posterior, in-8°, Leipzig, 1823 ; L. J. Rùckert, Der zweile Brief Pauli an die Korinther, in-8°, Leipzig, 1837 ; E. Osiander, Commentar ûber den zweiten Brief Pauli an die Korinther, Stuttgart, 1858 ; A. Klôpper, Commentar ûber das ziceite Sendschreiben des Ap. Paulus an die Gemeinde zu Korinth, in-8°, Berlin, 1874 ; G. Heinrici, Das ziveite Sendsclireiten des Ap. Paulus and die Korinthier, in-8°, Berlin, 1887 ; G. Heinrici, Der zioeite Brief and die Korinther, in-8°, Gœttingue, 1890 ; Plumptre, Commentary on Second Corinthians, in-8°, Londres, 1881 ; Waite, Speaker’s Commenlary on second Epistle lo the Corinthians, in-8°, Londres, 1881 ; Farrar, Pulpit Commentary on second Epistle to the Corinthians, in-8°, Londres, 1883 ; A. Beet, Commentary on the Epistles to the Corinthians, in-8°, Londres, 1885 ; Reinecke, Der ziveite Brief Pauli an die Korinther, in-8°, Leipzig, 1886. E. Jacquier.

    1. CORITE##

CORITE (hébreu : haq-qorhi), nom patronymique des descendants de Coré, fils d’Isaar, fils de Caath, fils de Lévi. Exod., vi, 21 (hébreu : benê Qorâh, « les fils de Coré » ) ; I Par., ix, 19, 31 ; xxvi, 1. Les « fils de Coré » sont aussi nommés dans les titres des Psaumes, xli, 1 ; xliii, !  ; xlv, 1 ; xlvi, 1 ; xlvii, 1 ; xlviii, !  ; lxxxiji, 1 ; lxxxiv, 1 ; lxxxvi, 1 ; lxxxvii, 1. Voir Coré 3.

    1. CORLUY Joseph##

CORLUY Joseph, jésuite belge, né à Anvers le 4 octobre 1834, mort à Turnhout le 6 juin 1896. Entré au noviciat le 24 septembre 1853, il enseigna les belleslettres, les mathématiques, la physique, l’astronomie et l’histoire naturelle ; puis, de 1809 à 1893, au scolasticat de Louvain, l'Écriture Sainte et les langues orientales. Nommé ensuite supérieur de la résidence de Malines, il fut frappé d’apoplexie foudroyante à Turnhout, où il allait prêcher une retraite. De 1869 à 1885, il fit autographier ses leçons d'Écriture Sainte, dont quelques-unes furent imprimées : Commentarius sancti Joannis, in-8°, Gand, 1878 ; 2e édition, 1880 ; Spicileyium dogmaticobiblicum seu commentarii in selecta Sacrse Scripturx loca quse ad demonstranda dogmata adhiberi soient, 2 in-8°, Gand, 1884-1885. — Il a collaboré au Dictionnaire apologétique de la foi catholique, publié sous la

direction de l’abbé Jaugey (Paris, 1889) ; les trente et un articles qu’il y a insérés sont tous sur l'Écriture Sainte. — Dans les Etudes religieuses : L’intégrité des Évangiles en face de la critique (1876) ; tiré à part, in-8°, Lyon, 1876 ; Les frères de NotreSeigneur Jésus-Christ (1878). — Dans La Controverse, dans Le prêtre, dans La science catholique, le P. Corluy publia plusieurs articles ; il rédigea le Bulletin scripturaire dans la dernière de ces revues, de 1886 à 1896. — Le Dictionnaire de la Bible renferme deux articles de lui : Actes des Apôtres et Apocalypse. — Trois ans avant sa mort, le P. Corluy entreprit la traduction flamande des quatre grands Prophètes ; elle doit faire partie d’une traduction intégrale de la Sainte Écriture, entreprise par des prêtres du diocèse de Malines ; son travail était presque totalement imprimé. C. Sommervogel.

    1. CORMORAN##

CORMORAN (hébreu : sàlâk, d’après l’opinion commune ; Septante : xxrappctr.Triç ; Vulgate : mergulus), oiseau de l’ordre des palmipèdes à narines cachées ou cryptorhines, et de la famille des pélécanidés. Le cormoran (lig. 353) a une taille qui varie entre celle de l’oie et de

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353. — Lo cormoran.

la sarcelle, le plumage brun foncé en dessous et verdâtre j en dessus, le bec plus long que la tête, robuste, droit, mais recourbé à l’extrémité, les ailes allongées et pointues, la queue arrondie, les pattes et les pieds noirs, ces derniers munis de quatre doigts réunis par une mem brane. D’un caractère tranquille et confiant, cet oiseau se laisse facilement approcher, prendre et apprivoiser.

| Les cormorans se tiennent par troupes sur les rochers qui

! avoisinent la mer ou les fleuves. Ils se nourrissent de

| poissons, qu’ils saisissent en plongeant avec. rapidité et

; qu’ils avalent avec une insatiable gloutonnerie. Ils les

engloutissent vivants et toujours la tête la première. S’ils

ont pris leur proie par la queue, ils la font sauter en l’air

avec leur bec et la saisissent par la tête, de manière que

leur victime ne soit pas arrêtée dans leur gosier par ses

ouïes ou ses épines. Le cormoran porte en grec le nom

de saî.axpoxdpaÇ, « corbeau chauve, » parce que la peau

! de sa face est nue jusqu'à la gorge. Pline, H. N., x, 48, 68.
; Son nom français signifie « corbeau de mer », et indique

j le séjour le plus habituel de l’oiseau. Littré, Dictionnaire

1 de la langue française, t.i, p. 811. — Le cormoran commun,

phalacrocorax carbo ou carbo cormoranus, est abondant sur les côtes maritimes de la Palestine. Il fréquente le Cison et visite même le lac de Génésareth. On rencontre autant de ces oiseaux sur le Jourdain que sur le Nil. On trouve aussi sur le Cison et sur le Litàni le cormoran de

la petite espèce, le phalacrocorax pygmxus ou carbo graculus, — Le mot hébreu Sâlâk vient du verbe sâlak, « jeter du haut en bas, » et désigne un animal qui fond d’en haut sur sa proie. Le grec xaTappaxxrj ; , employé par les Septante, convient aussi à un animal qui « se précipite », et est usité comme nom d’un oiseau de mer qui fond sur sa proie. Aristophane, Aves, 887 ; Aristote, Hist. anim., ii, 12, 15. Le latin mergulus de la Vulgate ou mergus se rapporte à un autre palmipède, le plongeon, qui ne vit que dans les pays du nord. La version syriaque et Onkélos rendent sâlâk par un terme qui veut dire « tirant les poissons ». Le sens général du mot n’est donc pas douteux. Mais comme différentes espèces d’oiseaux se livrent à la pêche du poisson, les auteurs ne sont pas d’accord sur celle que désigne le mot hébreu. Quelquesuns ont pensé au fou, sula bassana ou pelecanus bassanus, pélécanidé qui ne se rencontre guère en Orient. Rosenmûller, Scholia in Leviticum, Leipzig, 1798, p. 67 ; Gesenius, Thésaurus, 1842, p. 1419. D’autres font du sâlâk soit un pélican, soit une hirondelle de mer, dont quelques espèces fréquentent en effet le Nil, les côtes et les mers intérieures de la Palestine. Ce qui est indubitable, c’est que sâlâk désigne en général les oiseaux plongeurs, au nombre desquels il faut nécessairement ranger le cormoran, si commun en Palestine. C’est à ce dernier qu’on applique le plus généralement aujourd’hui le nom de Sâlâk. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 252 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 490-494. La Bible ne mentionne le sâlâk que pour le ranger parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 17 ; Deut., xiv, 17. La chair du cormoran, comme en général celle des pélécanidés, n’est pas mangeable, à cause de sa détestable saveur dé poisson, surtout quand l’oiseau est

déjà vieux.
H. Lesêtre.

CORNALINE. Hébreu : 'ôdem, pierre « rouge » ; Septante et Apocalypse, XXI, 20 : sàpSiov ; Vulgate : sardius ; Apocalypse, IV, 3 : aâpSivoç (sous-entendu Xt’Oo ; ), « pierre de Sardes » ; Vulgate : sardinis.

I. Description. — Cette pierre précieuse est un silex qui varie du rouge sang foncé au rouge de chair tendre, nuancé de jaunâtre ; et alors il n’est presque plus possible de le distinguer du silex sardoine. Sa pesanteur spécifique est 2, 6 ; sa cassure est parfaitement conchoïde. Le poli de cette pierre est d’autant plus gros qu’elle est plus tendre. Théophraste, De lapid., 55, distingue les cornalines mâles, d’un rouge très foncé, et les femelles, d’un rouge plus clair : ce qui correspond à la cornaline orientale et à la cornaline commune. Pline, H. N., xxxvii, 31, en donne trois sortes : une rouge, une seconde qu’on nomme dionum à cause de sa grosseur, et une troisième sous laquelle on met des feuilles d’argent. On les tirait de l’Inde, de la Perse, de l’Arabie. Les plus estimées venaient des environs de Babylone. Pline, loc. cit. On en trouvait également à Leucade en Épire et sur les confins de l’Egypte, mais on les doublait d’une feuille d’or. Les cornalines couleur de miel étaient peu esti- mées. Les Lapidaires arabes, Sérapion, Ibn-el-Beithar, Teifaschi, qui nous ont conservé les traditions orientales, admettent cinq espèces de cornaline, A’kîk : la rouge, la rouge passant au jaune (dont la couleur est pareille à celle du liquide qui se sépare du sang sur lequel on n’a pas jeté du sel), la bleue (probablement la saphyrine Haûyne des minéralogistes), la noire et la blanche. Ils' : mentionnent l’action du feu sur la cornaline, dont J. Coj pland, Journal des voyages, in-8°, 1821, t. x, p. 160, rapporte l’usage dans les mines de cornalines de Baroatch. Elle servait à graver les intailles et les cachets. La cornaline rouge est encore fréquemment employée aujourd’hui pour le même usage. « C’est sur cette pierre, dit King, Antique Gems, p. 5, que toutes les plus belles œuvres des artistes les plus célèbres ont été gravées, et non sans motif, tant est grande la facilité de la travailler,

la beauté de sa couleur et la perfection du poli dont elle est susceptible. » Cf. Ibn el-Beithar, Traité des simples, n° s 1565-1566, dans Notice et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. xxv, i re partie, p. 457 ; Bochart, Hieroxoicon, in-4o, Leipzig, 1796, t. iii, p. 623 ; ClémentMullet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8o, Paris, 1868, p. 129-134, extrait du Journal asiatique, février-mars 1868, p. 157-162 ; del Sotto, Le lapidaire du xive siècle, in-8o, Vienne, 1862, p. 186. F. de Mély.

II. Exégèse. — Le 'ôdem était une des pierres pré- % cieuses du rational, la première du premier rang. Exod., xxviii, 17 ; xxxix, 10. La même pierre précieuse se retrouve dans la description qu'Ézéchiel fait de la riche parure du roi de Tyr. Ezech., xxviii, 13. Dans sa seconde vision, Apoc, iv, 3, saint Jean voit le Seigneur sur son trône briller de l'éclat d’une pierre de sarde, c’est-à-dire de cornaline. Enfin elle est mentionnée Apôc, xxi, 20, comme formant le sixième fondement de la Jérusalem céleste. Le 'ôdem, d’une racine qui signifie « rouge », est la cornaline rouge. S. Isidore de Séville, Etymol., xvi, 8, lxxxii, col. 573. En effet, les Septante traduisent toujours par ffipfiiov, qui est bien le nom de la cornaline, d’après Théophraste, De lapid., 55, et d’après Pline, H. N., xxxvii, 31, qui emprunte en partie la description qu’il en fait à Théophraste et l’appelle sarda, de la ville de Sardes, près de laquelle, dit-il, elle fut primitivement trouvée. Josèphe, Bell, jud., V, v, 7, traduit aussi 'ôdem par (ràpSiov ; il est vrai qu’ailleurs, Ant. jud., III, vii, 6, il le rend par <xap5ôvu£. Mais peut-être, comme beaucoup d’anciens auteurs, confondait-il ces deux pierres, qui ont, en effet, de grandes analogies. Saint Épiphane, De duodecim gemmis, t. xliii, col. 293, qui voit dans la première pierre du rational le uàpSiov (cornaline), le rapproche ainsi de la sardoine, <rapSôvui|. Le syriaque et le Targum d' Onkélos entendent une pierre rouge, qui est plutôt la cornaline que le rubis. E. F. K. Rosenmûller, HandbuchderBiblischenvlterthumskunde, t.iy, Ve part., p. 31 ; J. Braun, Vestitus sacerdotum Hebrxorum, in-8o, Leyde, 1680, 1. ii, c. viii, p. 628-641 ; Critici sacri, t. i, p. 678. Le nom de tribu gravé sur cette première pierre du pectoral, Exod., xxviii, 21, était vraisemblablement celui de Ruben. Les Hébreux, sans doute, connurent cette pierre en Egypte, où on en trouvait des gisements, Pline, H. N., xxxvii, 31 ; mais ils devaient la tirer surtout de l’Arabie, renommée pour ses belles cornalines d’un rouge sombre. Niebuhr, Description de l’Arabie, in-4o, Paris, 1779, t. i, p. 197. Voir Pierres précieuses.

E. Levesque.

1. CORNE (hébreu : qérén ; Septante : xlpaç ; Vulgate : cornu). Les cornes sont des excroissances coniques, dures, plus ou moins contournées, qui poussent symétriquement de chaque côté du front des ruminants. Ces excroissances sont filamenteuses ou lamelleuses, et formées de mucus albumineux sécrété par le derme, comme les ongles, les poils, les sabots, les écailles, etc. Les ruminants ont une paire de cornes. Le rhinocéros a une seule corne plantée sur le museau et qui paraît être le résultat d’une agglutination de poils. Le mot « corne » désigne en français non seulement les éminences frontales des ruminants, mais aussi la substance dure qui forme le pied de certains quadrupèdes, et qui d’ailleurs est de même nature que les cornes proprement dites. Sur ce dernier sens, voir Oxgles.

1° Cornes proprement dites. — Elles sont rarement nommées. David parle du taureau « portant ongles et cornes ». Ps. lxviii (lxvii), 23. Le bélier qui s’est trouvé pris dans les ronces par les cornes est immolé à la place d’isaac. Gen., xxii, 13. Les cornes des animaux constituent des armes offensives très redoutables. Ps. xxi, 22. Il y a toute une législation concernant les accidents causés par les animaux avec leurs cornes. Exod., xxi, 28-36. Voir Bœuf, col. 1832.

2° Corne, récipient. — Quand la corne est coupée, elle

peut servir de récipient. C’est ainsi qu’on met dans la corne l’huile qui sert à sacrer Saùl, I Reg., xvi, 1, 13, et ensuite Salomon. III Reg., i, 39. On utilisait les cornes des plus grands animaux pour porter de l’eau à boire. Cf. Buxtorf, Lexicon, Leipzig, 1869, p. 1059. Job appela sa troisième fille Qérén-happûk, « corne d’antimoine, » Job, xlii, 14, c’est-à-dire corne contenant l’antimoine. Voir Antimoine, 1. 1, col. 670. Les cornes destinées à conserver des substances plus précieuses étaient sans doute polies, ou même ornées de dessins et de ciselures. Eschyle, fragment 170, et Xénophon, Anabase, vii, 32, parlent de cornes servant de vases à boire.

3° Corne, instrument de musique. — Voir Corne 2.

4° Corne, dent d'éléphant. — Ézéchiel, xxvii, 15, appelle « cornes d’ivoire » (Vulgate : dénies eburneos) les défenses d'éléphant, parce qu’elles ont une forme analogue à celle des cornes de ruminants. Pline, H. N., xviii, 1, emploie la même expression.

5° Cornes, symboles de puissance. — Comme la corne est la grande arme offensive et défensive du ruminant, elle devient au figuré le symbole de la force et de la domination. Elle peut ainsi désigner : 1° la force et la prospérité matérielles. Moïse compare la puissance des fils de Joseph à la corne du re'êm (Vulgate : rhinocéros). Deut., xxxin, 17. Pour faire croire aux rois Josaphat et Achab qu’ils triompheront de la Syrie, le faux prophète Sédécias se met des cornes de fer, en leur disant qu’avec ces cornes, symboles de la force de leur armée, ils détruiraient les Syriens. III Reg., xxii, 11 ; II Par., xviii, 10. Cf. Deut., xxxiii, 17. Autrefois les femmes druses du mont Liban avaient l’habitude de porter une grande corne droite sur leur coiffure de fête. Ce même usage est encore en vigueur chez les Bédouines de la presqu'île sinaïtique. Jullien, Sinaï et Syrie, in-8°, Lille, 1893, p. 152. L’idée de force et de victoire sur les ennemis est fréquemment exprimée dans la Sainte Écriture sous le symbole de la corne. Ps. xliii, 6 ; lxxxviii, 18, 25 ; xci, 11 ; exi, 9 ; cxxxi, 17 i cxlviii, 14 ; Eccli., xlvii, 6, 8, 13 ; Jer., xlviii, 25 ; Lam., il, 3, 17 ; Ezech., xxix, 21 ; Mich., iv, 13 ; I Mach., vii, 46. Dans les auteurs profanes, l’idée de cornes implique aussi au figuré celle de force et de courage. Cf. Horace, Od., III, xv, 18. — 2° L’orgueil qui se fie à sa propre puissance. Ps. lxxiv, 5, 6, 11 ; Ezech., xxxii, 2 ; xxxiv, 21 ; Am., VI, 14 ; I Mach., ii, 48. — 3° La force spirituelle et le salut que Dieu communique à l’homme. La « corne du salut », c’est-à-dire la grâce divine qui fortifie et sauve, est ainsi mentionnée par Anne, mère de Samuel, I Reg., n, 1, 10 ; par David, II Reg., xxii, 3 ; Ps., xvii, 3, et par Zacharie, père de saint JeanBaptiste. Luc, i, 69.

6° Cornes dans les visions prophétiques. — Zacharie, Daniel et saint Jean voient dans leurs visions des animaux symboliques, munis de cornes plus ou moins nombreuses. Ces cornes sont encore ici des symboles de puissance, de même que dans les monuments figurés assyrochaldéens. Voir t. i, fig. 316, 317, col. 1154, 1155. Les quatre cornes que voit Zacharie désignent les puissances qui ont dispersé Israël et Juda. Zach., i, 18-21. Un animal à dix cornes apparaît à Daniel, vii, 7-24. Ces cornes figurent dix rois qui succèdent à Alexandre, ou plus probablement dix empereurs romains. Dans une autre vision, le prophète a devant lui un bélier à cornes inégales, désignant l’empire des Mèdes et des Perses ; ensuite un bouc qui a une grande corne remplacée d’abord par quatre autres, puis par une plus petite qui finit par devenir toute-puissante. Ce bouc figure l’empire des Grecs, et ces cornes représentent, la première Alexandre, les quatre suivantes les royautés de Thrace, de Macédoine, de Syrie et d’Egypte, enfin la plus petite Antiochus Épiphane. Dan., viii, 4-21. Dans l’Apocalypse, les cornes sont aussi l’emblème de la puissance. L’Agneau a sept cornes, Apoc, v, 6, symboles de son pouvoir souverain qui va s’exercer par une série de manifestations septennaires. Le dragon, Satan, a dix cornes, Apoc, XII, 3,

indiquant les différentes formes de sa puissance malfaisante. La bête, qui est l’Antéchrist, a aussi dix cornes, Apoc, xiii, 1, qui représentent dix rois. Apoc, xvii, 3, 7, 12. Enfin l’autre bête, qui est le faux prophète, n’a que deux cornes, Apoc, xiii, 11, signifiant peut-être son action sur l'àme et sur le corps.

7° Cornes de l’autel. — L’autel des holocaustes avait quatre cornes que l’on inondait avec le sang des victimes et qui, participant ainsi en quelque façon au pouvoir propitiatoire du sacrifice, rendaient inviolable le coupable qui les saisissait. Exod., xxvii, 2 ; xxix, 12 ; xxx, 2, 3, 10 ; Lev., iv, 7, 18, 30, 31 ; III Reg, i, 50, 51 ; Ps. cxvii, 27 ; Ezech., xliii, 15, 20, etc. Voir Ariel 6, t. i, col. 957 ; Autel, 1. 1, col. 1268, et fig. 369, col. 1269. La signification symbolique de ces cornes ressort du sens général qui est attaché au mot « cornes » dans la Sainte Ecriture. Elles symbolisent les perfections divines et tous les pouvoirs dominateurs et bienfaisants de la divinité. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. I, p. 472. Les Juifs regardaient comme impropre aux usages du culte un autel dépourvu de ses cornes. Succa, ꝟ. 49 a ; Sebouhot, ꝟ. 62 a.

8° Cornes, sommets de montagnes. — Par métonymie, les auteurs sacrés donnent le nom de cornes à des objets qui en rappellent la forme. Isaïe, v, 1, appelle une colline : « la corne du fils de l’huile, » c’est-à-dire tout simplement une petite élévation dont le sol est gras et fertile. Un bon nombre de pics montagneux dans tous les pays prennent le nom de « cornes ». En Palestine, il y a Karn Hattîn, les cornes d’Hattin, ou montagne des Béatitudes, à six kilomètres à l’ouest du lac de Génésareth, et Karn Sarfabe, montagne à deux pointes à l’ouest du Jourdain, à une trentaine de kilomètres au nord de Jéricho. Le mot xépa ; est employé dans le même sens par Xénophon, Anabase, 5, 6, 7 ; Lycophron, 534 ; Philostrate, édit. 1870, p. 09.

9° Cornes, rayons de lumière. — Le verbe qâran signifie « rayonner ». Gesenius, Thésaurus linguse hebreese, Leipzig, 1853, p. 1238. Les qarnaylm sont les rayons de la foudre. Hab., iii, 4. Quand Moïse descendit du Sinaï, sa face « rayonnait », qâran. Exod., xxxiv, 29, 30, 35. Septante : SeSoÇaaTat, « fut glorieuse. » Saint Paul parle aussi de « la gloire du visage » de Moïse. II Cor., iii, 7. Aquila et la Vulgate traduisent donc trop servilement par « était cornue ». Les rabbins, en expliquant le titre du Psaume xxii (hébreu), « Sur la biche du matin, » comparent l’aurore à deux « cornes de lumière ». Berachoth, ꝟ. 2, 3.

10° Cornes d’une armée. — Chez les Grecs et les Romains, on donnait le nom de « cornes » aux ailes d’une armée. C’est en ce sens que le mot est employé I Mach.,

ix, 1, 12, 16.
H. Lesêtre.

2. CORNE (hébreu : qérén), instrument de musique. Ce mot, dans plusieurs passages de l'Écriture, désigne un instrument de forme courbe, du genre des trompettes, qui avait été fait, au moins primitivement, avec une corne d’animal. Il semble n'être dans ce sens qu’un synonyme de sôfâr. La version des Septante traduit en effet indifféremment ces deux termes par xepa-u’v » ], criXiriyÇ et cràXT.'.-r^ xEpaxivïj. Saint Jérôme, In Ose., v, 8, t. xxv, col. 861, dit que la trompette de corne de forme recourbée, dont se servent les bergers, est proprement celle que l’on appelle en hébreu sôfâr, en grec xspats’vï ; . Au reste, les deux termes hébreux sont mis l’un pour l’autre, non seulement dans les passages parallèles, mais encore dans un même verset (voir, par exemple, Jos., vi, 5), où ils ne paraissent pas signifier deux instruments de forme et de matières différentes. Conséquemment, nous les appliquons ensemble à la désignation de la trompette courbe qui fut en usage dans l’antiquité asiatique.

La trompe primitive était formée simplement d’une corne d’animal. Plus tard, on donna le nom de corne

en général aux trompettes à forme recourbée, quoiqu’elles fussent faites de bois ou de métal. La trompette en corne ne fut d’ailleurs jamais complètement abandonnée. Les anciens employaient le plus souvent la corne de bœuf ou de bélier, parce qu’elle était de dimension convenable et qu’ils la trouvaient facilement à leur portée. Mais, si nous en croyons le Talmud, Rosch haschana, 26, 1, les Juifs se servaient uniquement de la corne de bélier, en souvenir, nous dit-on, du sacrifice d’Isaac. D’après d’autres textes, c’est à cause du crime de l’adoration du veau d’or que l’on proscrivait la corne de génisse, au moins pour l’usage légal. Les Juifs donnent d’ailleurs aussi le sens de « bélier » au mot yôbêl, qu’on rencontre souvent joint à qérén et à Sôfàr, Jos., VI, 4-5 ; d’autres fois, par ellipse, yôbêl est employé seul. Exod., xrx, 13. Gesenius et Knobel traduisent yôbêl par « jubilé », c’est-à-dire « cri joyeux » ; mais les interprètes juifs, fidèles à la tradition des Targums, rendent presque universellement qérén yôbêl par « corne de bélier ». Targum in Jos., VI, 4. Ainsi les rab 353. — Cornes servant de trompettes. Musée du Louvre.

bins Salomon Yarchi et David Kimchi disent expressément que yôbêl signifie « bélier ». Akiba soutient la même interprétation, en l’appuyant sur le mot yôbld, qui, dans le langage des tribus nomades de l’Arabie, signifierait « bélier ». Voir Sanctès Pagnin, Thésaurus sanctse linguse, au mot hz>. Dans l’arabe littéraire, nous trouvons

<jJl>j, signifiant « troupeaux, bêtes a cornes, petits des

troupeaux », et ^^i « féconde, qui donne beaucoup de lait. » Beaucoup de modernes se rallient à l’interprétation juive. Symmaque traduisait déjà yôbêl par z ; paxivr), le même mot qu’emploient les Septante pour rendre l’hébreu qérén.

Ces trompettes de corne avaient un son éclatant, mais rauque et désagréable. En effet, dans sa structure primitive, cet instrument, muni seulement d’une embouchure rudimentaire, n'était pas garni de trous ; conséquemment on n’en variait les sons que par la compression des lèvres, et on ne pouvait en tirer qu’un très petit nombre de notes à plein souffle. Aussi ne servait-il qu'à donner les signaux, convoquer le peuple, annoncer un événement ou une fête, Exod., xix, 16 ; Lev., xxv, 9 ; II Sam., xx, 22 ; I (III) Reg., 1, 41 ; Ps. xlvii (xlvi), 6 ; lxxxi (lxxx), 4 ; xcviii ( xcvn), 6 ; Is., xviii, 3 ; Dan., iii, 5, etc., ou encore pour l’usage de la guerre. Jos., vi, 4-20 ; Jud., vil, 8-22 ; Job, xxxix, 25.

D’après une indication fournie par le Talmud, on sonnait aussi de la trompette de corne à l’heure des sacrifices réguliers, et chaque matin dès l’ouverture des portes, pour appeler à leurs fonctions les ministres du Temple. Succa/i, Mischna, c. 5, dans Ugolini, Thésaurus, t. xxxi, col. ccccxciv. Le musée du Louvre possède plusieurs

trompettes de corne. Elles sont des cornes de bœuf presque entières, coupées seulement à l’extrémité pour créer une embouchure (voir fig. 353). Elles sont fendillées et rongées par l’action du temps, au point de ne pouvoir servir à aucun essai.

Le moyen âge connut l’olifant, corne de grande dimension, faite d’une dent d'éléphant, et qui était aux mains du seigneur suzerain comme la marque de sa dignité. Les Africains possèdent des cors en ivoire, formés d’une défense entière d'éléphant, percé vers le milieu d’un orifice par lequel « on produit des hurlements et des beuglements terribles ». Hartmann, Les peuples de l’Afrique, Paris, 1880, p. 165. Nous avons eu entre les mains la conque de grande dimension, en usage dans l’extrême Asie, douée pareillement d’une sonorité sauvage d’une incroyable puissance. Ces instruments servent principalement pour donner les signaux à de grandes distances. Voir Trompette. J. Parisot.

    1. CORNE D’ANTIMOINE##

CORNE D’ANTIMOINE (hébreu : Qérén happûk, « corne à fard ; » Septante : 'A(j.a)>0ac’aç v.£?z ; , « corne d’Amalthée ou corne d’abondance » ), nom de la troisième des filles de Job, au temps de sa prospérité recouvrée, Job, xlii, 14 ; nom qui est probablement une allusion à sa beauté. Cette corne remplie de stibium ou antimoine est la boîte à fard qui faisait partie ordinaire des ustensiles de toilette en Orient. Voir Antimoine, t. i, col. 672, et Collyre, t. ii, col. 313. La corne d’Amalthée ou corne d’abondance des Septante est une expression empruntée à la mythologie grecque. E. Levesque.

1. CORNEILLE (KopviiX'.oç) fut le premier gentil converti à la foi chrétienne. Il était centurion d’une cohorte appelée Italique, en garnison à Césarée. Act., x, l. Voir Cohorte et Italique (Cohorte). M. E. Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, in-8°, Leipzig, 1890, t. i, p. 386, a prétendu que cetle indication était un anachronisme ; mais une inscription récemment découverte à Carnuntum, en Pannonie, Archâolog. Epigr. Mittheilungen ans Œsterreicli, 1895, p. 218, montre qu’avant 69 il y avait une cohorte appelée // Italica en Syrie, et rien ne prouve qu’elle n’ait pas résidé à Césarée vers l’an 40. W. Ramsay, Cornélius and the Italie cohort, dans The Expositor, septembre 1896, p. 194-201. Cette inscription mentionne un optio ou lieutenant de cette cohorte, qui fut détaché de l’armée de Syrie pour servir en Pannonie. Corneille descendait d’une famille d’affranchis de la gens Cornelia. C’est ce qu’indique son nom, voir Affranchi, t. i, col. 255, car un membre de la gens elle-même n’aurait pas occupé un grade aussi peu élevé dans l’armée romaine, surtout dans un corps très probablement composé à l’origine d’affranchis, à qui Auguste avait accordé le droit de cité pour les enrôler dans l’armée, et recrutés plus tard parmi les pérégrins, c’est-à-dire les provinciaux non citoyens. Corpus inscript, latin., t. iii, p. 907 ; Th. Mommsen, Res gestie divi Augusti, 2e édit., in-8°, Berlin, 1883, p. 72, n. 2. Les cohortes italiques étaient appelées cohortes de volontaires citoyens romains ; Corneille était donc citoyen. C'était un homme religieux et craignant Dieu, et qui faisait d’abondantes aumônes, Act., x, 2, c’est-à-dire un prosélyte de la porte ; il adorait le vrai Dieu, sans être circoncis ni soumis à la loi mosaïque. Voir Prosélyte. Un jour, vers la neuvième heure, c’est-à-dire vers trois heures de l’après-midi, un ange l’appela par son nom et lui annonça que Dieu avait exaucé ses prières. H lui donna en même temps l’ordre d’envoyer des hommes à Joppé et de faire venir Simon Pierre, qui habitait chez le corroyeur Simon. Quand l’ange eut disparu, Corneille envoya deux de ses serviteurs à l’endroit indiqué. Act., x, 7. Pendant qu’ils poursuivaient leur route, saint Pierre eut une vision, qui se répéta par trois fois, et dans laquelle Dieu lui ordonna, malgré ses répugnances, de manger des animaux impurs,

et dont la loi de Moïse défendait de manger, sous peine de devenir impur soi-même. Act., x, 9-16. Pendant que Pierre cherchait le sens de la vision, les messagers de Corneille arrivèrent à la maison du corroyeur, et demandèrent l’apôtre. L’Esprit-Saint fit connaître à Pierre qu’ils étaient envoyés par Dieu même. Ils firent part de leur mission, et Pierre les accompagna à Césarée. Act., x, 17-23. Quand ils arrivèrent dans cette ville, Corneille, qui avait convoqué ses parents et ses amis, tomba aux pieds de Pierre et l’adora. Pierre releva le centurion et l’instruisit de la foi chrétienne. Puis il ordonna à ceux qui l’accompagnaient de baptiser Corneille et tous les siens. Act., x, 24-48. D’après les Actes, Corneille avait été fanctifié et avait reçu l’Esprit-Saint même avant le baptême ; il était donc dans un état d’amour parfait de Dieu. Act., x, 47. Ce fait et les autres circonstances qui accompagnèrent l’admission du centurion Corneille au baptême montrent de quelle importance était sa conversion dans les desseins de Dieu. D’ordinaire, en effet, la descente du Saint-Esprit suivait le baptême ; ici elle le précède, en sorte que l’admission des gentils dans l'Église ne pouvait être attribuée par les chrétiens à l’initiative de Pierre, mais à la volonté expresse de Dieu. C’est ce que démontrent également les visions par lesquelles Dieu détermine l’apôtre à recevoir Corneille. Cela était nécessaire pour répondre à ceux dont les préjugés repoussaient l’admission des païens au baptême. On sait combien les Juifs étaient convaincus qu’il ne pouvait y avoir de salut en dehors de l’observation de la loi mosaïque. Ce préjugé subsistait chez un certain nombre des nouveaux convertis. Il n’y avait sans doute que peu d’inconvénients à cela tant que l'Église ne sortit pas de Jérusalem et de la Palestine ; mais l’heure allait bientôt venir où l'Évangile serait prêché à toutes les nations, et il fallait disposer les Juifs qui formaient le noyau de l’Eglise chrétienne à comprendre l’esprit de la loi nouvelle. C’est pour cela que l’Esprit-Saint intervint d’une manière si éclatante dans la conversion du premier des Gentils.

L’esprit étroit dont nous venons de parler ne tarda pas à se manifester. Dès qu’on apprit à Jérusalem le baptême de Corneille, les chrétiens d’origine juive demandèrent à Pierre pourquoi il était allé chez des hommes qui n'étaient pas de la circoncision, et pourquoi il avait mangé avec eux. Il leur raconta sa triple vision et la descente du Saint-Esprit sur Corneille avant le baptême, et il ajouta : « Puisque Dieu leur a accordé la même grâce qu'à nous, qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, qui étais-je, moi, pour pouvoir m’opposer à Dieu ? » En entendant ces choses, les opposants cessèrent de protester et glorifièrent Dieu en disant : « Voilà donc que Dieu a accordé aussi aux gentils le repentir pour qu’ils vivent. » Act., xi, 1-18.

D’après saint Jérôme, Adv. Jov’mianum, I, 39, t. xxiii, Col. 265, Corneille fonda à Césarée une église de gentils. Les constitutions apostoliques, vii, 47, t. i, col. 1049, en font le second évêque de cette ville et le successeur de Zachée. Les Actes publiés par Métaphraste, au 2 février, t. cxiv, col. 1293-1311, ne mentionnent pas son épiscopat à Césarée, mais lui attribuent l'évangélisation de la ville de Scepsis en Mysie, dont il devint évêque, et où il mourut saintement, après avoir confessé la foi de Jésus-Christ dans les tortures. Voir Acta Sanctorum, februarii t. i, p. 279-287 ; reproduit dans Migne, Patr. gr., t. cxiv, col. 1287-1292. E. Beurlier.

2. CORNEILLE (Septante : y.opcivi, ; Vulgate : cornicula), une des espèces qui appartiennent au genre corbeau et qui sont comprises dans le terme générique 'ôrêb. Voir Corbeau. La corneille, corvus cornix ou cornicula corona, d’une taille plus petite que celle du corbeau ordinaire, a le plumage d’un noir foncé à reflets violets, le bec et les pieds d’un noir mat (fig. 3541. Sa nourriture est celle du grand corbeau, mais les noix sont particu lièrement de son goût. Sa chair est noire et fétide. La corneille vit communément au centre et au sud de la Palestine, et abonde sur les plateaux de Moab et dans les pays accidentés de Galaad et de Basan. Mais on ne la voit jamais dans la vallée du Jourdain. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 74. Jérémie, dans la lettre qu’i 1 écrit aux captifs de Babylone et qui est placée à la fin de la prophétie de Baruch, son disciple, est seul à faire mention spéciale de la corneille. Il dit dos dieux chaldéens, impuissants à faire quoi que ce soit : « Ils ne discernent pas ce qui est juste, et ils ne délivrent pas les pays de l’oppression, parce qu’ils ne peuvent

35-t. — La corneille.

rien, comme des corneilles entre le ciel et la terre. » Bar., vi, 53. Les corneilles sont prises ici comme types d’inintelligence et d’impuissance. Nous comparons nousmêmes proverbialement une personne inconsidérée à une corneille qui abat des noix. Quand, en effet, cet oiseau veut abattre ces fruits, il donne à la fois de la tête et de la queue avec une activité qui paraît ridicule. Les dieux de Babylone avaient encore moins de discernement que la corneille. Comme elle, ils étaient entre le ciel et la terre, aussi incapables que l’oiseau d’exercer la moindre

influence sur les choses de ce monde.
H. Lesêtre.
    1. CORNÉLIUS À LAPIDE##

CORNÉLIUS À LAPIDE, jésuite belge. Son véritable nom est Cornelis Cornelissen van den Steen. Né à Bocholt (Campine liégeoise) le 18 décembre 1567, mort à Rome le 22 mars 1637. Il étudia les humanités et la philosophie chez les Jésuites de Maastricht et de Cologne, six mois la théologie à l’université de Douai et quatre ans à celle de Louvain. Ce fut dans cette ville qu’il fut admis dans la Compagnie de Jésus, le Il juillet 1592. Après son noviciat, il répéta un an sa théologie et fut ordonné prêtre le 24 décembre 1595. Il enseigna six mois la philosophie, puis il commença à Louvain son cours d'Écriture Sainte et, en 1597, celui d’hébreu. Sa réputation s'étant répandue au loin, le R. P. Mutius Vitelleschi, général de la Compagnie de Jésus, l’appela à Rome, où il arriva à la fin de 1616. Il continua son enseignement au Collège romain depuis le 30 novembre 1616 jusqu'à sa mort. Cornélius à Lapide s’est fait un nom immortel par ses commentaires sur tous les livres de l'Écriture Sainte, sauf sur Job et les Psaumes. Ils ont été imprimés et réimprimés souvent. Voici dans quel ordre ils parurent pour la première fois : In omnes D. Pauli Epistolas, Anvers, 1614 ; In Pentateuchum, 1616 ; In Jeremiam, Threnos et Baruch, 1621 ; In quatuor Prophetas majores, 1622 ; In duodecim Prophetas yninores, 1625 ; In Acta Apostolorum, Epistolas canonicas et Apocalypsim, 1627 ; In Ecclesiasticum, 1631 ; In Salomonis Proverbia, 1635 ; In Ecclesiasten, 1038 ; In Canticum canticorum, 1638 ; , In librum Sapientise, 1638 ; In quatuor Evanneiia f

1639 ; In Josue, Judices, Ruth, IV libros Regum et II Paralipomenon, 1642 ; In Esdram, Nehemiam, Tobiam, Judith, Esther et Machabseos, 1645. Tous ces volumes sont in-folio et furent publiés d’abord à Anvers, et ce fut cette ville qui conserva le monopole des réimpressions. Il y a encore des éditions de Venise, 1717, Il vol. ; de Cologne, 1732 ; de Venise, 1740 et 1798 ; de Turin, 1838 et suiv. ; de Lyon, 1839-1842 ; de Malte, 1843-1856, 10 vol. in-4o ; de Lyon et de Paris, 1855 et suiv. ; 1865-1866, 20 vol. in-8o ; de Naples, 1857, 16 vol. in-4o ; de Paris, 1857, 22 vol. in-8o. Voir Crampon. — Les Commentaires ont été traduits en anglais, par Thomas W. Mosman, 1876, et trois fois réimprimés ; en partie en allemand, 1836-1840, avec d’autres interprètes. En 1856, l’abbé Barbier publia les Trésors de Cornélius à Lapide, qui ont eu une 5e édition en 1885 ; en 1864, l’abbé Péronne fit imprimer Memoriale prsedicatorum, sive Synopsis biblica, theologica, moralis, historicà et oratorio, commentariorum R. P. Cornelii a Lapide, 2 in-8°. — Les critiques, même les plus sévères, n’ont pu s’empêcher de rendre hommage au mérite de Cornélius à Lapide ; il n’y a pas jusqu’aux protestants qui n’aient reconnu la valeur de son œuvre. Sans doute on pourrait désirer en plusieurs endroits une interprétation plus rigoureuse et plus conforme aux règles de l’herméneutique ; souvent aussi moins de prolixité, moins de tendance à recourir au sens allégorique ; mais, s’il rend ainsi moins de services aux savants, il est d’une utilité incontestable pour les prédicateurs. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque où Cornélius à Lapide imprimait ses volumes, les auteurs sacrés avaient toujours en vue les besoins de la chaire ; de là l’Index concionatorius si en usage. — Les parties les plus estimées de ce volumineux Commentaire sont In Pentateuchum et In Epistolas Paulinas ; Calmet donnait la préférence à In Apocalypsim. — Pour suppléer aux deux parties non interprétées par Cornélius à Lapide, on choisit généralement In Job de Pineda ou de Balthasar Cordier, et In Psalmos de Le Blanc ou de Bellarmin. C. Sommervogel.

    1. CORNIQUES##

CORNIQUES (VERSIONS) DES ÉCRITURES.

— Le comique ou breton de la Cornouaille anglaise [Cornwall) se rapproche beaucoup du breton de France ou breton armoricain, et forme avec lui un groupe particulier vis-à-vis du gallois, qui complète le cycle hrittomrique. Le comique s’est éteint il y a une centaine d’années environ. Moins heureux que le breton armoricain, qui a une littérature biblique relativement considérable, le comique ne possède aucune version complète des Livres Saints. On n’y trouve même, en fait de traductions proprement dites, que des fragments détachés du Pentateuque et de l'Évangile, dont les plus importants sont encore en manuscrit. — Les fragments imprimés sont : 1° L’Oraison dominicale et le Décalogue, dans VÀrchxologia cornu-brilannica, de William Pryce, in-4°, Sherborne, 1790. 2° Le premier chapitre de la Genèse, qui se trouve en appendice, avec une traduction anglaise interlinéaire, dans VEnglishCornish Dictionary, de Fred. W. P. Jago, in-8o, Londres, 1887. Le même ouvrage contient aussi l’Oraison dominicale et le Décalogue. Ces trois derniers morceaux avaient paru précédemment, sans traduction anglaise, dans le Lexicon CornuBritannicum de Robert Williams, in-4o, Llandovery et Londres, 1865. — Les fragments manuscrits se trouvent dans les Gwavas Manuscripls, au British Muséum (Additional Mss., 28554). Le manuscrit contient : le troisième chapitre de la Genèse, p. 100-102 ; le quatrième et le septième chapitres de saint Matthieu, p. 102-106 ; le premier chapitre de la Genèse, p. 126-127 ; l’Oraison dominicale, p. 50, et le Décalogue, p. 107-108.

Outre ces versions proprement dites, le comique possède quelques drames pieux dont le sujet est emprunté à la Bible, et qui rappellent les vieux Mystères français.

En voici la liste : 1° Mount Calvary, publié en 1826, par Davies Gilbert, d’après un manuscrit du XVe siècle, ettraduit en anglais par John Keigwin. Comme cette première édition laissait beaucoup à désirer, le drame comique a été publié de nouveau, et cette fois d’une façon très convenable, par le savant Whitley Stokes, sous le titre : Pascon agan arluth, The Passion of our Lord, a middle-cornish poem, tvith a translation and notes, in-8o, Berlin, 1862. L’ouvrage comprend 250 stances, de huit vers chacune. — 2° Création of the World, viilh Noah’s Flood, ouvrage publié en 1827, par Davies Gilbert, avec une traduction anglaise de J. Keigwin. Le texte comique a été écrit par W’illiam Jordan, en 1611. L'édition de Gilbert étant aussi incorrecte que la précédente, l’ouvrage a été publié de nouveau par Whitley Stokes, avec tout le soin que cet illustre savant apporte à ses travaux, pour la Philological Society de Londres. Il est intitulé : Gwreans an bys, The Création of the World, a cornish mystery, edited with a translation and notes, in-8o, Londres et Edimbourg, 1864. Ce drame contient 2 548 lignes. — 3° The Ancient Cornish Drama, tvith grammar and vocabulary, edited and translated by E. Norris, 2 in-8°, Orford, 1859. Le premier volume contient deux drames, intitulés : Ordinale de Origine mundi, or the Beginning of the World (drame en 2846 lignes) ; Passio Domini nostri Jhesu Christi, or the Passion of our Lord Jesus-Christ (3242 lignes). Le second volume contient, outre une esquisse de grammaire comique et un vocabulaire de la même langue, le drame intitulé : Ordinale de Resurrectione Domini nostri Jhesu Christi, or the Drama of our Lord Jesus-Christ (2646 lignes). Ces trois derniers drames sont de la même époque que le Mount Calvary. On trouve des extraits bibliques de la littérature comique dans le second volume de la Chrestomathie bretonne, in-8°, Paris, 1890, par M. J. Loth, professeur de celtique à la faculté de Rennes. J. Bellamy.

    1. COROZAIN##

COROZAIN (XopaÇeîv), ville de la Galilée. Dans les divers manuscrits, ce nom se trouve aussi écrit : XœpaÇeiv, X&jpaÇi’v, XopaÇiî, XopoÇcti’v, et dans les manuscrits latins : Chorozain, Corozaim, Chorazan. Cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, editio critica major, in-8°, Leipzig, 1872, p. 57 et 550. Les Talmuds écrivent Kôrâzîm. — Quelques interprètes voient dans ce nom une forme ou une dérivation de HôréS, « forêt, » pluriel HôrâSim ; d’autres ont cru y reconnaître le mot chaldéen Kârèê', « siège, » identique à l’hébreu Kissé' ; il en est qui ont prétendu y voir les deux mots "/mpa Zt’v, « le pays de Zîn ; » on le trouve sous cette forme dans Origène, In Exodum, t. xii, col. 280. Sepp, Das Leben Jesu Christi, 2e édit., Ratisbonne, 1857, t. ii, 2° part., p. 261, y trouve le nom du poisson Coracin. Plusieurs autres étymologies ont été proposées, tout aussi incertaines que celles-ci.

I. Histoire. — Corozaïn apparaît dans l'Évangile seulement pour être maudite par Jésus-Christ : « Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïde ! parce que si les miracles qui ont été faits chez vous l’avaient été à Tyr et à Sidon, elles eussent fait pénitence dans le cilice et la cendre. » Matth., xi, 21 ; Luc, x, 13. Ces paroles nous donnent à entendre que Corozaïn avait reçu de fréquentes visites du Sauveur, avait entendu souvent ses enseignements et avait été témoin de nombreux miracles ; mais que malgré tout ses habitants étaient demeurés indifférents et ne s'étaient point convertis. Elles indiquent aussi que cette ville n'était pas très éloignée de Capharnaùm et de Bethsaïde.

IL Identification. — Dans les Talmuds, Corozaïn est renommée pour la bonne qualité de son blé. « Si K&râzim et Kéfar-'Ahîm eussent été plus près de Jérusalem, dit le Talmud de Babylone, Menakhoth, 85 a, on eût pris leur froment pour l’usage du Temple. » Cf. Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, in-8o, Paris, 1868, p. 220. Selon cet auteur, Kéfar-'Ahîm doit être identifiée avec Kefar

Nahum (Capharnaum), ibid., p. 221. Eusèbe, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 374, appelle Corozaïn « un village de la Galilée, alors désert, vOv ÉciTiv é'pE(jio ; , et distant de douze (iji') milles de Capharnaum ». Saint Jérôme, De situ et nominibus, t. xxiii, col. 890, le place à deux milles, ira secundo lapide, de Capharnaum. In Isa., c. ix, 1, t. xxiv, col. 124, il le montre sur le rivage du lac de Génesareth, in cujus littore, dit-il, Capernaum, et Tiberias, et Bethsaidd, et Chorozain sitx sunt. Saint Willibald, vers 670, venant de Tibériade et se dirigeant vers l’est, se rend à Capharnaum, puis à Bethsaïde, où il passe la nuit ; « le matin, il va à Corozaïn, où le Seigneur délivra les démoniaques

(sans pagination), au chap. La citlà di Bethsaida e’I castello Caorosam. — Burkard (1283), Descriptio Terrm Sanctse, dans Peregrinatores quatuor de Laurent, 2= édit., p. 37, semble placer Corozaïn tout près de l’embouchure du petit Jourdain, c’est-à-dire là où tous les autres pèlerins désignent Bethsaïde. Voir Bethsaïde, t. i, col. 1718. Il aurait ainsi voulu désigner la localité appelée aujourd’hui El 'Aradj. Cette identification a toutes les apparences d’une conjecture sans fondement. — La Corozaïn des pèlerins du moyen âge est probablement la même désignée par saint Willibald, et ils nous l’indiquent évidemment là où nous trouvons la ruine appelée Qersa', habituellement écrite Kersa. Cette ruine, située sur une col 355. — Khirbet Kérazéh. D’après une photographie.

et chassa le diable dans le troupeau de porcs. » Hodœporicon S. Willibaldi, édit. de l’Orient latin, Itinera lalina, t. i, p. 261. La plupart des pèlerins du XIIe au XVIe siècle indiquent Corozaïn, « où doit naître l’Antéchrist, » à quatre milles au delà de Bethsaïde, et à cinq milles de Cédar, « du côté oriental du Jourdain et du lac de Tibériade. » Jean de W’urzbourg dit à « six milles » de Bethsaïde et « six milles » de Cédar. Cf. Fretellus (vers l’année 1120), Liber locorum sanctorum Terrse Jérusalem, Patr. lat., t. clv, col. 1043 ; Jean de Wurzbourg (1130), Descriptio Terrée Sanctse, ibid., col. 1070 ; Eugésippe (vers 1200), De distaniiis locorum Terrse Sanctse, Patr. gr., t. cxxxiii, col. 994 ; Anonyme (vers 1112), De situ urbis Jérusalem, dans de Vogué, Les églises de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1860, p. 422 ; Théodoricus (vers 1172), De locis sanctis, édit. Tobler, in-12, Saint-Gall, 1865, p. 101 ; Thietmar (1217), Peregrinatio, 2e édit., Laurent, Hambourg, 1857, p. 7 ; Odoric (1330), De Terra Sancta, c. x et xi, dans Laurent, Peregrinatores medli sévi quatuor, in-4°, Leipzig, 1873, p. 147-148 ; Fr. Noé, Viaggio da Venetia al santo Sepolcro ed al monte Sinai, in-18, Venise, 1676

Une, non loin de la rive orientale du lac de Génesareth, à peu près en face de Tibériade, est à sept kilomètres et demi de Mes’adiéh, neuf d’El-' Aradj, dix de l’entrée du Jourdain dans le lac de Tibériade et quatorze de TellHoum. Le nom de Qersa' ou Kersa' offre une grande ressemblance avec Corozaïn ; mais l’indication de saint Willibald : « Corozaïn, où le Seigneur a délivré les possédés, » peut faire penser légitimement que ces pèlerins ont confondu Corozaïn avec Gérasa ou Gergésa, dont le nom, Qersa', nous offre une ressemblance plus frappante. Voir Gérasa. — Eusèbe et saint Jérôme distinguent l’une de l’autre, en en traitant séparément ; mais où placentils Corozaïn ? Plusieurs critiques défendent l’authenticité du nombre douze milles du texte actuel d’Eusèbe ; et, suivant eux, il se rapporte à Kersa. La similitude des noms, les témoignages des pèlerins, l’exactitude de la distance, si l’on part de Khan-Miniéh ou de Tabagha, sont les arguments développés par eux. Cf. Wilh. Ant. Neumann, Qurn Dscheradi, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 43-56. — D’autres critiques rejettent, au contraire, le chiffre douze comme une erreur de copiste, et considèrent

le nnmbre deux milles de saint Jérôme comme la leçon authentique. Ils appuient leurs conclusions sur les raisons suivantes : 1° Eusèbe, ainsi que saint Jérôme, place Corozaïn « en Galilée », conséquemment en deçà, c’est-à-dire à l’ouest du Jourdain ; 2° Capharnaûm devant être identifié avec Tell-Houm, le nombre douze, trop considérable de trois milles de Tell-Houm à Kersa, ne peut être qu’une erreur ; 3° Kersa étant, au vn> siècle, habité par des chrétiens, qui y avaient une église, devait l’être déjà au IVe siècle, et ainsi ne peut être la Corozaïn « déserte » d’Eusèbe et de saint Jérôme ; 4° si Kefar-’Ahim est une erreur pour Kefar-Nahuin, d’après les Talmuds, Corozaïn était voisine de Capharnaûm ; 5° à la distance de trois kilomètres au nord de Tell-Houm, c’est-à-dire de deux milles, comme dit saint Jérôme, on rencontre les ruines appelées Khirbet Kérazéh, dont le nom est beaucoup plus semblable à Corozaïn (Korazim) que Qersa’, prononcé Guérsa par les Bédouins. Si saint Jérôme place Corozaïn in litlore, il ne faut pas prendre sans doute cette parole dans sa signification stricte, mais dans le sens : « aux alentours du lac ; » c’est du reste ainsi que Procope de Gaza, Comment, in Isa., iv, 1-7, t. lxxxvii, part. 2, col. 2000, la traduit : nsp’i rjv XcjjOT|V [TevvrioapÎTT )v]e ! ai xil xio[j.ai Kacpapvaoùn, xsù Br, 6 ?xïSà, xai /) XospîaÇst. Voir Christ. Cellarius, Notitia orbis antiqui, in-4°, Leipzig, ’1706, t. ii, p. 492 ; Hadr. Iteland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 121 ; Sepp, Das Leben Jesu Christi, t. ii, part. 2, p. 261-268 ; Victor Guérin, Galilée, in-4°, Paris, 1880, t. i, p. 241-247 ; Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the New Testament, in-8°, Londres, 1888, p. 8.

III. Description. — Les ruines de Kérazéh (fig. 355) se trouvent à trois kilomètres et demi au nord de Tell-Houm et à six kilomètres et demi ail nord-est du Khan-Miniéh. Elles couvrent un assez vaste plateau s’étendant à la lisière sud de l’ouadi Kérazéh, au haut des collines qui dominent au nord le lac de Gériésareth. Les habitations de la ville étaient généralement petites, mesurant au plus dix mètres de côté et bâties, comme celles de Tell-Houm, en basalte. Quelques-unes d’entre elles sont encore à moitié debout ; les Bédouins Samakieh viennent s’y installer lorsqu’ils ensemencent les champs voisins ou enlèvent les moissons. Parmi les ruines on remarque les restes d’un édifice d’environ trente mètres de longueur sur vingt-cinq de largeur. Ses murs sont épais et formés de gros blocs. Il semble avoir servi de forteresse. Non loin on rencontre les débris beaucoup plus remarquables d’un autre édifice. « Ce sont celles, dit Victor Guérin, Galilée, t. i, p. 241, d’une ancienne synagogue. Tournée du sud au nord, elle avait été construite avec de beaux blocs basaltiques très régulièrement taillés. Sa longueur était de vingt-neuf pas et sa largeur de dix-neuf. Vers le milieu de sa façade méridionale, un magnifique linteau gisant à terre et long de 2 m 45 est orné de moulures à crossettes élégamment exécutées. Il couronnait jadis des pieds-droits monolithes, qui ont été complètement brisés. Non loin de ce linteau gisent également trois superbes blocs, creusés en forme de conques marines et couverts de gracieuses sculptures figurant des grappes de raisin, des fleurs et des fruits divers. Ces jolies coquilles décoraient probablement la voûte d’une arcade placée au-dessus de la porte principale d’entrée. Le sol, dans l’intérieur de l’enceinte, est jonché de tronçons mutilés de colonnes, de chapiteaux affectant la forme d’un ionique particulier et de bases faisant corps avec leurs piédestaux, le tout dans un affreux chaos. Une demi-colonne adossée à un pilier carré devait, comme dans les autres synagogues anciennes de Palestine, terminer l’extrémité septentrionale de l’une des rangées de colonnes. » À cinq pas, au nord-est de la synagogue, jaillit dans un petit bassin circulaire une fontaine assez abondante ; elle est appelée Blr Kérazéh ; ses eaux en s’écoulant forment un petit ruisseau qui descend dans la vallée voisine. — La plupart des critiques

modernes reconnaissent Corozaïn dans Kérazéh. Si cette identification n’est pas absolument certaine, elle parait du moins de beaucoup la plus probable. L. Heidet.

CORPS HUMAIN. — I. Dans les litres hébreux.

— Hébreu : ’vl, « ce qui est fort, » Ps. lxxiii [hébreu], 4 ; bâsàr, « la chair, » prise quelquefois pour le corps tout entier, par opposition avec néfés, « âme, » Is., x, 18 ; Job, xiv, 22 ; Prov., xiv, 30 ; Eccle., ii, 3 ; v, 5 (voir Chair, pour un certain nombre de textes dans lesquels se confondent les deux idées de chair et dé corps) ; gêvâh, « le dos, » pris pour le corps entier. C’est ce mot qui désigne habituellement le corps en hébreu ; geviyâh, de la même racine que le précédent ; gûfàh, « ce qui est creux, » le cadavre, I Par., x, 12 ; cf. I Reg., xxxi, 12 ; lehûm, la chair, le corps, Soph., i, 17 ; ’ésém, « ce qui est solide, » Lam., IV, 7, et’ôsém, Ps. cxxxix [hébreu], 15. Chaldéen : gésém ; Septante : amii.% ; Vulgate : corpus, cadaver.

Moïse raconte comment Dieu fit le corps de l’homme de la « poussière du sol ». Gen., ii, 7. Voir Adam, t. i, col. 171. Il y a trois remarques à faire sur ce texte : 1° Le corps de l’homme fut formé avant son âme ; mais cette antériorité n’implique aucune supériorité. Cf. Sap., xv, 10, 11. Elle indique plutôt la distinction absolue qui existe entre les deux parties du composé humain. — 2° Le corps de l’homme fut fait de la poussière du sol, comme pour réunir en lui les éléments composants de l’univers et devenir ainsi une sorte de microcosme. Cette poussière était dé couleur rouge, d’où le nom d’Adam, c’est-à-dire « rouge », donné au premier homme. Jérémie, Lam., iv, 7, parle des princes de Jérusalem qui étaient « rouges de corps plus que les coraux », c’est-à-dire très beaux. Cf. Gant., v, 10. Les versions traduisent fautivement le texte de Jérémie par « plus rouges que l’ivoire antique ». — 3° Dieu intervient extraordinairement pour former le corps de l’homme ; mais il n’en fait encore qu’une sorte de statue inanimée, dont l’âme, par sa présence, fera un organisme vivant. Cf. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 2e édit., Leipzig, 1861, p. 74. En racontant cette intervention positive de Dieu pour la création de l’homme, Moïse établit nettement que ce nouvel être ne procède pas des animaux antérieurs par transformisme. Cette vérité est absolument incontestable en ce qui concerne l’âme. Le récit biblique constitue une très forte présomption, voisine de la certitude, en faveur de la création directe du corps du premier homme par Dieu lui-même. Pour qu’on puisse soumettre aux lois de l’évolution l’apparition du premier corps humain, il faudrait que le système transformiste eut à sa disposition des preuves scientifiques qui lui font défaut. Le texte de la Genèse, ii, 7, doit donc être interprété littéralement, même en ce qui concerne la création du corps de l’homme par un acte positif de la puissance divine. Il faut se garder toutefois d’affirmer la nécessité de cette intervention, en ce qui concerne le corps, d’une manière aussi absolue que quand il s’agit de la création de l’âme. Voir Adam (paléontologie), t. i, col. 181. Sans intervenir directement comme au premier jour, Dieu préside à la formation du corps de chaque homme. Ps. cxxxviii, 15, 16. Cf. Sap., vu, 1, 2. — Dans les livres hébreux, il est question du corps frappé de coups pour le bien de l’âme, Prov., x, 13 ; xix, 29 ; xxvi, 3 ; foulé aux pieds, Is., li, 23 ; réduit en esclavage, II Esdr., ix, 37 ; percé par le glaive, Job, xx, 25 (dans ce passage, gêvâh est traduit à tort par vagina, « fourreau » ) ; mis à mort, Nah., iii, 3 ; enfin à l’état de cadavre. I Reg., xxxi, 12 ; Ps. ex (hébreu), 6. Isaïe, L, 6, parle du corps du Messie offert au supplice. Ézéchiel, I, 11, 23, et Daniel, x, 6, attribuent des corps aux êtres symboliques qui leur apparaissent. Les frères de Joseph ne possèdent plus que « leurs corps et leurs terres » stériles, et par conséquent sont réduits à la dernière extrémité. Gen., xlvii, 18. L’expression « jeter der

rière son corps » ou son dos signifie « ne plus tenir compte d’une chose ». Is, xxxvili, 17 ; III Reg., xiv, 9 ; II Esdr., ix, 26.

II. Dans les livres grecs de l’Ancien Testament. — Le corps est l’habitation de l'âme. Mais cette habitation peut-être ou sans souillure, c’est-à-dire sans penchants trop mauvais, Sap., viii, iiO, ou sous l’empire du péché et des passions perverses. Sap., i, 4 ; Eccli., xlvii, 21. Dans ce second cas, il est un fardeau pour l'âme. Sap., IX, 15 ; Esth., xv, 0. Un jour il ne sera que cendre. Sap., H, 3. En attendant, il est condamné à l’affliction, Eccli., xli, 14 ; II Mach., iii, 17 ; à la souffrance, châtiment pour les méchants, II Mach., ix, 7, source de mérites pour les bons, II Mach., vi, 30 ; vii, 7, 37 ; il est destiné à mourir, II Mach., xiv, 38 ; xv, 30, et à devenir un cadavre. I Mach., xi, 4 ; II Mach., xii, 39. Il y a certains devoirs à remplir à l'égard du corps. Il faut prendre soin de son corps et de celui de ses enfants, Eccli., vii, 26 ; Judith, x, 3 ; en assurer la santé par la tempérance, Eccli., xxxi, 25, 37, car la santé du corps vaut mieux que la richesse, Eccli., xxx, 15, 16 ; l’associer par la mortification aux vertus de l'âme, Esth., xiv, 2 ; enfin rendre au corps les derniers devoirs après la mort. Eccli., xxxviii, 16 ; xliv, 14 ; Tob., i, 21 ; ii, 9 ; iv, 3.

III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Le corps de Notre -Seigneur. — Le Fils de Dieu a pris un corps par l’incarnation, Hebr., x, 5, et l’a offert à son Père. Hebr., x, 10. Ce corps a été comparé par le Sauveur à un temple qu’on détruirait et qu’il reconstituerait en trois jours. Joa., ii, 21. Marie Madeleine l’a oint. Matth., xxvi, 12 ; Notre -Seigneur l’a donné aux hommes dans la sainte Eucharistie. Matth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; Luc., xxii, 19 ; I Cor., x, 16 ; xi, 21, 27, 29. Ce corps a souffert sur la croix, I Petr., ii, 2't ; il en a été déposé, Matth., xxvil, 58, 59 ; Marc, xv, 43, 45 ; Luc, xxiii, 52 ; Joa., xix, 38, a été enseveli, Joa., xix, 40 ; Luc, xxiii, 55, et est sorti vivant du tombeau. Luc, xxiv, 3, 23 ; Joa., xx, 12.

2° Le corps de l’homme. — Saint Pierre et saint Paul comparent leur corps à une tente dans laquelle le voyageur habite et qui doit être démontée bientôt. II Petr., i, 13, 14 ; II Cor., v, 4, 6. Le corps ne vit que par l'âme. Jacob., ii, 26. Dans le mariage, le corps de chaque époux appartient à l’autre conjoint. I Cor., vii, 4. Le corps de l’homme est déshonoré par le péché, qui le fait servir à outrager Dieu. Rom., i, 24 ; viii, 10 ; I Cor., vi, 16 ; Jacob., m, 6. Il devient ainsi un « corps de péché », Rom., vi, 6, et un « corps de mort ». Rom., vii, 24. Il ne faut donc pas laisser le péché asservir le corps. Rom., vi, 12 ; I Thess., v, 23. Il a été délivré de cette servitude par la mort de Jésus-Christ, Rom., viii, 23, et il doit être désormais une victime sainte offerte à Dieu, Rom., xii, 1, servant le Seigneur, I Cor., vi, 13 ; II Cor., iv, 10 ; Phil., i, 20 ; sancliliée par la mortification, 1 Cor., IX, 27, et par la souffrance, à l’exemple de saint Paul portant sur son corps les stigmates, c’est-à-dire les traces des blessures reçues pour l’amour de Jésus-Christ. Gal., vi, 17. Le corps du chrétien peut alors devenir l’habitation de Dieu, I Cor., VI, 20 ; Ephes., iv, 12 ; v, 30, et même posséder une vertu surnaturelle capable d’opérer des miracles. Act., xix, 12. Refuser la sépulture aux corps des serviteurs de Dieu est une iniquité diabolique. Apoc, xi, 8, 9.

3° La résurrection des corps. — À l’occasion de la mort et de la résurrection de Notre-Seigneur, des morts ressuscitent et se montrent avec leurs corps dans Jérusalem. Matth., xxvii, 52. Saint Paul enseigne qu’un jouiDieu « fera revivre les corps mortels, à cause de son Esprit qui habite en eux ». Rom., viii, 11. Cette résurrection sera glorieuse pour les élus : « Il reconstituera notre pauvre corps sur le modèle de son corps glorieux. » Phil., iii, 21. Dans sa première Épître aux Corinthiens, XV, 35-44, 53, l’Apôtre indique les conditions dans lesquelles s’opérera cette résurrection. Le corps ressuscité sera au corps actuel ce qu’est l’arbre à la semence. La

semence commence par pourrir dans la terre ; de même le corps périra. Mais ensuite, à la corruption, à la bassesse, à la faiblesse, à l’animalité du corps succéderont l’incorruptibilité, la gloire, la force et la spiritualité. Toutefois cette transformation glorieuse sera réservée au corps des seuls élus ; « leur corps mortel sera revêtu d’immortalité. » Voir Résurrection. — Sur le corps mystique de Jésus-Christ, qui est son Église, Rom., xii, 4, 5 ; I Cor., x, '17 ; xii, 12-27 ; Ephes., i, 23 ; IV, 4 ; Col., i, 18, 24 ; m, 15, voir Église. H. Lesèthe.

    1. CORPUS CHRISTI COLLEGE##

CORPUS CHRISTI COLLEGE (CODEX). Ce

manuscrit de la Vulgate hiéronymienne appartient à la bibliothèque du collège du Corpus Christi, à Cambridge, où il est coté n° 286. L'écriture est onciale, d’une main du vu » siècle : il a deux colonnes par page, chaque colonne ebt de 25 lignes. Initiales sans ornements, en marge, plus grandes du triple que les lettres courantes. Hauteur : 24 cent. ; largeur : 19. Le manuscrit compte 263 feuillets. Il contient les quatre Évangiles, mais est mutilé en tête. Deux grandes peintures à pleine page, représentent l’une saint Luc, l’autre des scènes de la vie du Christ. Ce manuscrit a appartenu à l’abbaye de Saint-Augustin, à Cantorbéry, où l’on constate sa présence dès le ixe-xe siècle. Il en a été publié un fac-similé dans le recueil de la Palxographical Society, t. ii, pi. 33 et 44. Wordsworth l’a collalionné pour son édition du Nouveau Testament hiéronymien. P. Batiffol.

CORRECTOIRES DE LA BIBLE. — I. Nature,

RAISONS D'ÊTRE, FORMES DIVERSES ET IMPORTANCE. — Les

correctoires sont des travaux critiques, entrepris au cours du xme siècle, sur le texte de la Vulgate latine en vue de le reviser, d’en élaguer les gloses et de le ramener autant qu’il était possible à sa pureté première. Les corrections opérées au IXe siècle par Théodulfe et Alcuin, au xiie par saint Etienne Harding, abbé de Cîteaux, et par le diacre Nicolas Maniacoria, n’avaient pas empêché de nouvelles altérations de se produire. Selon la juste remarque de Hugues de Saint-Victor, De Scripturis, c. ix, Pair, lat., t. clxxv, col. 18, elles dérivaient pour la plupart du mélange des leçons anciennes avec le texte de saint Jérôme. Un fait qui arriva au début du xme siècle, et qui a été récemment mis en lumière, rendit plus nécessaire que jamais la revision de la Vulgate. Les professeurs de la jeune Université de Paris éprouvèrent le besoin de posséder, pour l’enseignement de la théologie, un texte biblique uniforme. Des libraires ou « stationnaires » et des clercs qui vivaient à leur solde s’employèrent à satisfaire à ce désir. Ils choisirent un des manuscrits de la Vulgate qui avaient alors cours, le prirent comme type et en multiplièrent les copies. Il s'établit ainsi dans la librairie parisienne une sorte d'édition de la Vulgate, que les maîtres en théologie lurent et expliquèrent dans leurs leçons. Elle se vulgarisa bientôt et chassa de l’usage les anciennes Bibles ou les transforma à son modèle. Son succès fut dû en partie à la division en chapitres, qu’avait inventée Etienne Langton et qu’elle reproduisait. Voir Chapitres de la Bible, col. 563-564. Elle a été exécutée peu à peu et non sans quelques divergences, et on estime qu’elle a obtenu sa forme définitive vers 1234 ou peu après. Malheureusement le manuscrit choisi comme type resj semblait à toutes les Bibles du temps et était un mauvais j texte. Il représentait la recension d' Alcuin, mêlée et alté' rée par les scribes postérieurs, et il comptait un grand i nombre de mauvaises leçons et d’interpolations. Les plus longues de ces dernières, celles qui avaient au moins l'étendue d’un verset, provenaient des anciennes versions latines, notamment des textes dits « européens », et par

: l’intermédiaire des Bibles de Théodulfe s'étaient glissées

peu à peu dans les copies de la recension d’Alcuin. Ce j texte vulgaire du XIIIe siècle, que Roger Bacon a désigné

sous le nom de « texte parisien », était, au jugement un peu trop exagéré de ce critique, » horriblement corrompu, » et dans les passages où il n'était pas altéré, il donnait lieu à de forts soupçons. Opus tertium, dans Brewer, Opéra qusedam haclenus inedita, t. i, Londres, 1859, p. 92. -Cf. Opus minus, ibid., p. 330, et Opus majus, édit. Jebb, Londres, 1733, in-f°, p. 49. Voir J. P. P. Martin, La Vulgate latine au xme siècle d’après Roger Bacon, dans Le Muséon, t. vii, Louvain, 1888, p. 88-107, 169-196, 278-291, 381-393, et tirage à part, Paris, in-8°, 1888, et Le texte parisien de la Vulgate latine, dans Le Muséon, t. viii, 1889, p. 444-466, et t. ix, 1890, p. 301-316. Les théologiens qui l’avaient adopté ne tardèrent pas à remarquer ses fautes et ses nombreuses altérations et se mirent à le corriger. Leurs essais de correction portent le nom de « correctoires ». Ils sont assez nombreux et ils diffèrent dans les principes, la méthode et les résultats.

Ils se présentent à nous sous deux formes : dans des manuscrits complets de la Vulgate ou dans des manuels distincts. Les premiers correcteurs prenaient un exemplaire du texte courant ; au moyen de signes conventionnels, ils notaient les leçons fautives qu’il fallait omettre ou corriger, et sur les marges ils rendaient raison des modifications proposées : « Est de textu. Non est de textu. Vera est litera. Falsa est litera. » Parfois leurs notes étaient plus étendues et rapportaient les variantes des manuscrits. Plus tard, on copia seulement dans des livres spéciaux les notes critiques de la marge. Ces manuels abrégés, qui suivaient le texte sacré livre par livre et chapitre par chapitre, servaient de guide aux transcripteurs de la Bible. Ces correctoires, dont l'étude a été trop longtemps négligée, ne nous font pas seulement connaître l'état de la critique biblique au xm 8 siècle ; ils nous offrent encore des variantes importantes et des remarques intéressantes.

II. Leur histoire. — Elle n’est pas encore entièrement tirée au clair. Le père Denifle a ramené à treize groupes les trente manuscrits connus. Les principaux sont l'œuvre des Dominicains et des Franciscains.

1° Correctoires des Dominicains. — Ces religieux ont commencé au xiii' siècle à reviser la Vulgate. — 1. Le chapitre général tenu en 1236 parle d’une correction de la Bible commandée aux frères de la province de France, et ordonne que toutes les Bibles de l’ordre lui soient rendues conformes. Le chapitre de 1256 désapprouve la correction faite à Sens, et en interdit l’usage. Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iv, col. 1676 et 1715. Cette Bible de Sens, dont on ignore l’origine, semble avoir peu différé du texte parisien. Le texte du manuscrit latin 17 de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui est du xiii 8 siècle, s’en rapproche et répond exactement à presque toutes les citations que le Correctorium Sorbonicum a tirées de la Bible de Sens. On peut en conclure que cette Bible n'était qu’une copie ou au plus une légère retouche du texte parisien, et qu’elle a été mise au rebut dans l’ordre dominicain pour son insuffisance. — 2. Le correctoire qui devait la remplacer était celui de Hugues de Saint-Cher, dont il reste huit manuscrits. Ce religieux, qui savait l’hébreu, l’entreprit alors qu’il était provincial. Son but était d'éliminer les gloses introduites dans la Vulgate et de corriger les passages altérés. Pour l’atteindre, il ne recourut pas aux anciens manuscrits de la version de saint Jérôme, mais aux textes originaux, hébreu et grec. Par la comparaison qu’il établit, il nota les mots et les phrases qui lui paraissaient douteux ou inutiles. Il en résulte qu’au lieu d'être une édition critique de la Vulgate, son travail est plutôt une nouvelle version, faite d’après le texte original. Aussi Roger Bacon le blâme-t-il sévèrement et lejuge-t-il « la pire corruption, la destruction du texte de Dieu ». Opus tertium, dans Brewer, Opéra quœdam haclenus inedita, t. i, p. 94. — 3. Au témoignage du même critique franciscain, Opus majus, édit. Jebb, p. 49, les Dominicains firent, vers 1218, un deuxième correctoire de la Vulgate.

Ce doit être celui qui est parfois noté sur les marges du troisième, dont nous allons parler, sous le nom de Correction du frère Théobald ou Thiébaud. Ses leçons coïncident avec celles du manuscrit latin 17, dont il a déjà été question. Il ressemble donc à la Bible de Sens, et on peut y reconnaître la Correctio parisiensis secunda, citée par le Correctorium Sorbonicum. — 4. On conserve à la Bibliothèque Nationale de Paris, latin 16719-16722, l’autographe d’un troisième correctoire de la Bible, exécuté au couvent de Saint-Jacques de Paris, en 1256. Les principes suivis sont ceux de Hugues de Saint-Cher. L’auteur, qui savait l’hébreu et un peu de grec, a recouru aux originaux et a marqué d’un trait rouge les mots superflus. Des notes marginales expliquent les suppressions et indiquent les variantes. Elles sont moins nombreuses dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien. Cf. Richard Simon, Nouvelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, Paris, 1695, 2e part., ch. I, p. 128-141 ; Lelong, Bibliotkeca sacra, Paris, 1729, t. i, p. 239 ; Fabricy, Des titres primitifs de la révélation, 3 « époque, dans le Scriptural sacrée cursus completus de Migne, t. xxvil, Paris, 1843, col. 727-731. Les corrections sont faites d’après le texte parisien, et au lieu d’améliorer la Vulgate, elles la corrompent davantage. Roger Bacon, si clairvoyant dans ses critiques, l’a reconnu et a déclaré catégoriquement que la dernière correction, bien que renfermant beaucoup de notes utiles, contenait plus de faussetés que la première.

Les correcteurs dominicains, malgré leur remarquable érudition, ne pouvaient réussir, faute d’une critique suffisante. Au lieu de recourir aux anciens manuscrits de la Vulgate, ils appliquaient à la correction du texte latin leur connaissance de l’hébreu et du grec, et ainsi ils retouchaient à leur guise la version de saint Jérôme. De plus, ils avaient accumulé, sur les marges ou dans le texte de leurs Bibles, les variantes et les mauvaises leçons dans l’intention de les signaler à la défiance des lecteurs. Ils les avaient pour cela « cancellées », c’est-à-dire raturées avec soin ou soulignées d’un trait rouge ; mais ces signes n'étaient pas toujours compris, et les copistes remettaient bientôt dans le texte les leçons qui avaient été exilées à la marge. Les principes critiques que ces religieux appliquaient n'étaient pas justes, et la méthode qu’ils suivaient était défectueuse. Les résultats ne pouvaient être que désastreux, et de correction en correction le texte de la Vulgate devenait de plus en plus altéré. Il fallait suivre d’autres règles. Roger Bacon les posa, et la famille franciscaine, à laquelle il appartenait, en fit une heureuse application.

2° Correctoires des Franciscains. — 1. Cependant le plus ancien correctoire des Franciscains a été composé à la manière de ceux des Dominicains. Il a été désigné à tort sous le nom de Correctorium Sorbonicum, parce qu’il est reproduit dans un manuscrit du XIIIe siècle, et non du Xe, comme on l’a cru, manuscrit qui a appartenu à la bibliothèque de la Sorbonne, et qui se trouve maintenant à la Bibliothèque Nationale, latin 15554. Ce manuscrit contient deux correctoires complets et le commencement d’un troisième. Le second, dont il est ici question, et qui va du folio 147 au folio 253, forme un groupe à part. Ses gloses marginales et inteiiinéaires ne sont pas originales ; elles sont tirées de travaux antérieurs, de la correctio parisiensis prima, qui n’est autre que le texte parisien, et de la correctio parisiensis secunda, qui est l'œuvre du dominicain Théobald. M. Samuel Berger a cru pouvoir l’attribuer au frère mineur Guillaume le Breton, dont les opuscules sur les Écritures reproduisent des phrases entières du correctoire dit de la Sorbonne. — 2. Un correctoire exécuté suivant les principes et la méthode de Roger Bacon est le Correctorium Vaticanum, ainsi nommé à cause du manuscrit qui en a été le premier connu, le Vaticanuyn lat. 3466. Il en existe huit autres manuscrits, du XIIIe siècle ou du

commencement du xiv Le codex d’Einsiedeln n° 28 a conservé le nom de l’auteur et nous a appris que Guillaume de Mara, franciscain d’Oxford, a fait ce correctoire à Paris. Ce frère est un disciple de Roger Bacon ; c’est probablement l’homo sapientissimus dont le « docteur admirable » parle au pape Clément IV. C’est un érudit et un critique. Il a consulté de vieux manuscrits, une très ancienne Bible de l’abbaye de Sainte -Geneviève, une Bible de Metz, celle que nous appelons la première Bible de Charles le Chauve, et qui est maintenant à la Bibliothèque Nationale, latin n° 1, et la Bible qu’il nomme de saint Grégoire le Grand. Il a lu le Targum, et il cite sous le nom de perus des commentaires du rabbin Raschi. Il a compulsé des manuscrits hébreux, et il distingue de l’hébreu moderne les anciens manuscrits de la France et les exemplaires espagnols. Il méprise les correctoires des Dominicains. Il a recours aux originaux, mais il ne se fie pas à la seule autorité de l’hébreu, et ne retranche pas de la Vulgate tout ce qu’il ne lit pas dans le texte original. Il préfère à celui-ci les anciens manuscrits de la version de saint Jérôme, et il choisit comme la véritable leçon celle qu’ils lui fournissent. Sa science surpasse celle des autres correcteurs du xme siècle, et son correctoire est le meilleur de tous. Il renferme cependant quelques erreurs, notamment au sujet du grec, que Guillaume savait moins bien que l’hébreu. — 3. Il eut un émule dans son frère en religion, Gérard de Huy. Ce franciscain, auteur du Triglossus et destinataire des lettres écrites par un anonyme, probablement Roger Bacon, est toujours d’accord avec ce docteur dans les pensées et souvent dans les expressions. Il est de son école, et, suivant ses principes, il recourt aux vieux manuscrits latins et aux citations des Pères pour discerner la véritable leçon des altérations des copistes, corriger les fautes et retrancher les additions de la Vulgate. Il connaît l’histoire des versions bibliques et l’origine des altérations du texte sacré. Quand les anciens manuscrits latins sont en désaccord, il les compare aux originaux hébreu et grec ; il n’est pas esclave de la lettre, il tient plutôt compte du sens. C’est le texte parisien qu’il corrige, et il justifie ses corrections dans ses notes marginales. Elles témoignent qu’il connaissait mieux le grec que l’hébreu. Les manuscrits latins dont il s’est servi appartenaient à la recension d’Alcuin ; il n’en a pas consulté de plus anciens que ceux du is" et du xe siècle. Les leçons antérieures qu’il cite et que parfois il adopte, il les tient des « modernes ». — 4. Deux autres correctoires, qui ne nous sont parvenus chacun que dans un seul manuscrit, ont été faits par des fils de saint François d’Assise. Le manuscrit 61 de la bibliothèque de la ville de Toulouse, qui est du XVe siècle, reproduit un correctoire peu indépendant des autres et sans grande valeur. Cette œuvre, plus exégétique que critique, a pour auteur le frère Gérard de Buxo, de la custodie d’Avignon. Le manuscrit 28 du couvent d’Einsiedeln, du commencement du xive siècle, nous a conservé l'œuvre du frère Jean de Cologne. Ce ne sont que des extraits. 3° Autres correctoires. — Il existe encore six autres groupes de correctoires qui n’ont guère été étudiés jusqu’ici et qui sont plus ou moins dépendants des précédents. Deux ont des rapports assez étroits avec le correctoire des Dominicains du couvent de Saint-Jacques. L’un est représenté par le manuscrit latin 15554 de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui contient le Correctorium Sorbonicum. Il va du folio 1 au folio 146, et il a été connu de Richard Simon, qui en parle, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, Rotterdam, 1690, p. 114-121 ; De l’inspiration des livres sacrés, Rotterdam, 1687, p. 3-5 ; Lettres choisies, 2e édit., Amsterdam, 1730, t. iii, p. 108. L’autre existe dans deux manuscrits, dont le premier est à la bibliothèque Laurentienne de Florence, Plut, xxv, 4, et le second à la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, n° 131. Deux groupes se rattachent aux correctoires des Franciscains. L’un, représenté par le

manuscrit 141, class. i, de la bibliothèque Saint-Marc de Venise, dépend à la fois des correctoires de Guillaume de Mara et de Gérard de Huy. L’autre, qui se trouve dans le manuscrit 82 de la bibliothèque Borghèse de Rome, se rapproche du travail de Gérard de Huy. Enfin deux manuscrits du XIVe siècle, le n° 492 de la bibliothèque de Padoue et le n° 47, Cent, i, de la bibliothèque de Nuremberg, contiennent deux correctoires distincts, qui sont très courts.

III. Bibliographie. — J. C. Ddderlein, Von Correctoriis biblicis, dans le Literarisches Musseum, Altorꝟ. 1778, t. i, p. 1 ; t. ii, p. 177, et t. iii, p. 344 ; — Vercellone, Dei correctorii biblici délia Biblioleca Vaticana, dans ses Dissertazioni academiche, Rome, 1864. Cette dissertation avait paru en français dans les Analecta juris pontifiai, t. ii, Rome, 1858, col. 683-691, sous ce titre : Études sur la Vulgate ; — H. de Valroger, Introduction historique et critique aux livres du Nouveau Testament, 1. 1, Paris, 1861, p. 501-507 ; — Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868, p. 244-278 ; — H. Denifle, Die Handschriften der Êibel-Correctorien des 13. Jahrhunderts, dans Archiv fur Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, t. iv, Fribourg-en-Brisgau, 1888, p. 263-311 et 471-601 ; — S. Berger, Des essais qui ont été faits à Paris au xim siècle pour corriger le texte de la Vulgate, dans la Revue de théologie et de philosophie, t. xvi, Lausanne, 1883, p. 41-66 ; Id., De l’histoire de la Vulgate en France, Paris, 1887 ; Id., Quant notitiam linguse hebraicx habuerint christiani medii sévi temporibus in Gallia, Paris, 1893, p. 26-48. E. Mangenot.

CORRÈTE POTAGÈRE. — I. Description. — Herbe annuelle de la famille des Tiliacées, dont les

356.

Chorchorus oUtorlus.

feuilles se mangent comme légume, et dont les fibres de la tige sont employées comme textiles (fig. 356). Les fleurs sont oppositifoliées, jaunes, avec cinq pétales et

II. — 33

des étamines nombreuses. — L’espèce cultivée en Palestine est le Corchorus olitorius, à fruit allongé comme une silique de crucifère, marqué de dix côtes et s’ouvrant en cinq valves à la maturité. Originaire de l’Inde, fi s’est répandu dans les pays tropicaux du monde entier. — On a signalé encore en Egypte et dans la vallée du Jourdain le Corchonts trilocularis, un peu rude sur la tige et sur les fruits, qui sont encore plus allongés, avec trois valves seulement. F. Hy.

II. Exégèse. — Un certain nombre d’auteurs croient devoir identifier le Corchorus olitorius avec la plante appelée mallûah dans Job, xxx, 4. Sans doute il y a une assez grande ressemblance de nom entre le mallûah

centurion Corneille. Act., x, 6, 32. Il est évident cependant que le métier de corroyeur devait exister depuis longtemps chez les Juifs. Il est impossible qu’il en soit autrement, étant donné qu’ils faisaient usage des peaux et du cuir. Voir Peau, Cuir. Ils avaient certainement appris ce métier en Egypte. Les peintures de Thèbes nous font connaître des corroyeurs égyptiens. Sur celles d’un tombeau (fig. 357), on voit un ouvrier broyant dans un mortier les substances destinées à assouplir le cuir et à le rendre plus résistant aux agents de destruction ; un second prépare une peau, un troisième fait tremper la peau dans un vase, un quatrième la gratte avec un instrument tranchant. Champollion, Monuments d’Egypte et de Nubie,

357.

Corroyeure égyptiens. D’après Champollion, Monuments de V Egypte et de la Subie, pi. cixvi.

hébreu et le melûkhia arabe ou melouchier, légume qui est bien connu en Egypte et n’est autre que la corrète potagère. Ibn-Beithar, Traité des simples, n° 2173, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, in-4o, 1883, t. xxvi, part, i, p. 338 ; Silvestre de Sacy, Relation de l’Egypte par Abd-Allatif, in-4o, Paris, 1810, p. 40. C’est ce qu’Avicenne appelle le légume juif, et ce dont Pline, H. N, xxi, 106, a dit : « Le corchoron est une plante que l’on mange à Alexandrie. » Mais la corrète potagère ne vérifie pas une des conditions indiquées dans le texte : que les pauvres habitants des cavernes du Hauran ou du pays de Séir, qui se nourrissent du mallûah, le cueillent sur les buissons. Ceci convient bien, au contraire, à l’arroche ou Atriplex halimus, connu en Syrie sous le nom de meloukh, et qui forme buisson. C’est un arbuste qu’on emploie pour les haies, dit Dioscoride, I, 220, et après lui Ibn-Beithar, loc. cit., p. 337. Voir Arrociie halime, t. i, col. 1032.

E. Levesque. CORROYEUR (grec : pupo-sy ? ; Vulgate : coriarius), ouvrier préparant le cuir. Le terme de corroyeur n’est employé que dans les Actes. Saint Pierre demeurait à Joppé chez un ouvrier de ce métier, nommé Simon, Act., ix, 43. C’est là qu’il reçut la visite des envoyés du

in-fo, Paris, 1845, t. ii, pi. clxvi, fig. 1. Cf. Rosellini, Monumenti dell' Egittoe délia Nubia, Monumenti civili, in-î°, Florence, 1832-38, pi. 64, 1-5 ; pi. 65, 11. Nous ignorons quelle était la substance dont se servaient les Egyptiens pour préparer la peau et faciliter l’enlèvement des poils. Ce pouvait être de la chaux ou du sel. Les Arabes actuels se servent du jus acide d’une plante appelée periploca secamone ou ghulga. Les Égyptiens, qui connaissaient les propriétés des plantes du désert et de la vallée du Nil, s’en servaient peut-être également. Pour polir la peau, ils employaient des pierres coupantes, des instruments de métal à lame demi-circulaire convexe, ou à lame rectiligne. Champollion, Monuments, t. ii, pi. clxvi. fig. 1 et 4, pi. clxxxii. J.-G. Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., t. i, p. 265, fig. 65, n » 2. Ils assouplissaient la peau et la tendaient en la pressant sur une forme. Champollion, Monuments, t. i, pi. clxvi, fig. 3 ; pi. clxxxii. Les cordonniers, les fabricants de chars et de boucliers faisaient en même temps le métier de corroyeur. On voit, en effet, dans leurs boutiques, des ouvriers qui préparent le cuir. Champollion, Monuments, t. ii, pi. clxvi, fig. 1, 3, pi. clxxxii ; Rosellini, Monumenti, pi. 44 ; J.-G. Wilkinson, Manners. t. i, p. 262, fig. 65. C'étaient aussi les corroyeurs qui

préparaient les couvertures des sièges, les enveloppes des carquois, les lanières servant à envelopper les momies, les outres destinées à contenir le viii, et généralement tous les objets en peau ou en cuir. J.-G. Wilkinson, Manners, t. ii, fig. 394. D’après le papyrus Grey, les ouvriers en cuir et en peau faisaient partie de la troisième caste. A Thèbes, ils habitaient un quartier appelé Memnonia. Wilkinson, ibid., t. i, p. 283.

Les Grecs se servaient de procédés semblables à ceux des Egyptiens. Ils trempaient la peau pour l’assouplir, retendaient sur un chevalet, la raclaient et achevaient de la nettoyer dans un bain d’urine, où l’on avait mis tremper des feuilles de mûrier ou de bryone ; puis ils enlevaient le poil. Aristophane, Plutus, v. 166 ; Equit., v. 369-373 ; Pline, H. N., xxiii, 22 et 140. On faisait prendre ensuite au cuir un nouveau bain, eton le tannait. Cette opération consistait à faire macérer la peau dans une fosse entre deux couches de tan, d’alun ou de sel. Enfin on frappait le cuir avec des bâtons. Schol. d’Aristophane, Equit., 368.

Un atelier de corroyeur, découvert à Pompéi, en 1873, donne une idée des établissements de ce genre. Bullettino dell' Instituto archeolog. di Roma, 1874, p. 271. On y voit les bassins dans lesquels se faisait le tannage. On a également trouvé dans la cour les outils servant à gratter (flg.358). L’un est une lame de bronze rectangulaire fixée à un manche de bois, le second est une lame

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358. — Outils de corroyeurs trouvés à Pompéi.

courbe dont la partie concave est tranchante, et qui devait avoir un manche à chaque extrémité ; le troisième est tranchant à la partie convexe et ressemble à l’instrument en usage chez les Égyptiens. Bullett. dell' Inst. archeol. di Roma, 1875, p. 24. Des instruments du même genre ont été trouvés à Mayence. H. Blùmner, Technologie und Terminologie der Gewerbe und Kunste bei Griechen und Rômern, in-8°, Leipzig, 1875, t. i, fig. 29, f et g ; cf. p. 25$1-$267 et 279-281. À cause des odeurs que répandaient leurs établissements, les tanneurs étaient souvent obligés d’habiter des quartiers suburbains. Il en était ainsi à Athènes, à Pompéi, et probablement partout. Schol. d’Aristophane, Equit., 317, 853 ; Acharn., 720, 724. A Rome, ils habitaient la quatorzième région, le Transtévère, où étaient aussi établis les Juifs. Juvénal, Satir., xiv, 202 ; Martial, Epigr., vi, 93. De même, à Joppé, le corroyeur Simon habitait près de la mer. Act., x, 6. Son métier était considéré par les Juifs comme une profession méprisable et presque impure. Voir J.-G. Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., in-8°, Londres, 1878, t. ii, p. 185-190 ; A. Erman, Aegypten und âgyptisches Leben im Altertum, in-8°, Tubingue (sans date), p. 598. E. Beurlier.

    1. CORUS##

CORUS (grec : x G P° « )> vent du nord-ouest. Il est parlé de ce vent dans le récit de la navigation de saint Paul. Quand l’Apôtre eut convaincu l'équipage du navire qui le portait que Bonsports n'était pas un lieu propice à l’hivernage, le capitaine se hâta de gagner Phénice, port de Crète, abrité du libonotus et du corus. Act., xxvii, 12. Le corus ou caurus est souvent mentionné dans les auteurs anciens comme un vent froid et violent, qui amène les tempêtes. Virgile, Georg., iii, 278 et 356 ; César, Bell. Gallic, v, 7. Le mot x Si ?°^> employé par saint Luc, est la transcription du mot latin ; c’est le terme employé par les marins romains. Les Grecs appelaient ce vent argeslés. Aulu-Gelle, Soct. allie, ii, 22 ; Pline,

H. N., ii, 119. Sénèque, Quest. natur, , v, 16, distingue cependant entre l’argestès et le corus. Le premier, dit-il, est doux, le second est violent. D’après Pline, H. N., xviii, 338, c’est un vent très froid. Végèce, Epitome rei milit., IV, 38, le confond à tort avec le libonotus. Voir Libonotus. Dans la rose des huit vents d’Aristote, Meteorologica, ii, 6, et dans celle des douze vents de Timosthène, amiral de Ptolémée Philadelphe (Agathamère, I, ii, 7, dans les Geographici minores, édit. Didot, t. ii, p. 473), l’argestès ou corus équivaut à l’ouest-nord-ouest et au nord-ouest 1/4 ouest actuels. Dans la rose des vingtquatre vents de Vitruve, Arch itectura, I, vi, 10, le caurus équivaut au nord-ouest, et le corus au nord-ouest 1/4 nord et nord-nord-ouest. P. Gosselin, Recherches sur la géographie systématique et positive des anciens, in-4°, Paris, 1797-1813, t. iv, p. 409, 410 et 416 ; Jules Vars, L’art nautique dans l’antiquité, in-16, Paris, 1887, p. 32, planche. — L’expression des Actes, -/.xià Xf6a xal xoaà XÛpov, a paru à certains commentateurs difficile à expliquer. Il semblerait que le port de Phénice, dit F. Blass, Acla Apostol., in-8°, Gœttinguej 1895, regarde l’occident, tandis qu’en réalité il regarde l’orient. T. Spratt, Travels and Researches in Crète, in-8°, Londres, 1867, t. ii, p. 18, pense que le sens est celui-ci : pour atteindre le port, les navigateurs doivent se diriger d’abord vers l’africus, c’està-dire vers le sud-ouest ; puis, après avoir passé le cap Lithinos ou Matala, vers le corus ou nord-ouest. D’après Vars, L’art nautique dans l’antiquité, p. 201-202, l’explication est plus simple : la proposition xixi a ici son sens ordinaire, elle veut dire au - dessous. Il faut donc traduire par : sous les vents du sud-ouest et du nord-ouest, c’està-dire abrité contre ces vents par les hauteurs environnantes. E. Beurlier.

    1. CORVÉE##

CORVÉE (hébreu : mas, « tribut » et « prestation » ; Septante : £pfov ; Vulgate : opéra ; mais plus fréquemment les versions emploient les mots qxSpo ; , tributum ; Û7c^xooi, tributarii), travail pénible imposé par l’autorité supérieure à ses sujets ou à des esclaves. C’est par corvée que s’exécutaient tous les grands travaux publics dans l’ancien Orient.

I. La corvée en Egypte. — 1° Pour les Égyptiens. — En Egypte, la construction des grandes pyramides, le creusement des canaux, la construction des palais, des murs des villes, etc., sont l'œuvre des gens de corvée. « Un ordre arrivait au gouverneur, qui le faisait crier de village en village ; le lendemain, toute la population mâle de la province était poussée, comme un troupeau, vers les chantiers. Chacun prenait avec lui, dans un petit sac ou dans une corbeille, ses provisions pour quinze jours ou un mois, quelques galettes sèches, des oignons, des aulx, des fèves d’Egypte. Des enfants aux vieillards, tous partaient. Les plus habiles et les plus vigoureux soulèveraient, dresseraient et assembleraient les blocs de calcaire ou de granit ; les autres seraient toujours assez forts pour transporter au loin les déblais, dans ces couffes en joncs tressés que les bras arrondis soutiennent sur la tête. Toute cette multitude travaillait, sous la direction des architectes, des contremaîtres, des gens de métiers qui restaient, du commencement à la fin, attachés à l’entreprise ; elle faisait la partie de l’ouvrage qui ne demandait pas une éducation technique. Au bout d’un certain temps, de nouvelles escouades arrivaient, arrachées aux campagnes de quelque autre nome ; alors les premiers venus repartaient. » G. Perrot, Histoire de l’art, 1. 1, p. 26, 27. Il y avait en Egypte des corvées régulières, assujettissant les habitants, à époques fixes, au service agricole dans les terres domaniales, Chabas, Mélanges égyptologiques, 3e série, t. ii, p. 131-137, au creusement et au curage des canaux, à la construction des digues. Les campagnards fournissaient en outre des corvées' extraordinaires pour le transport des matériaux destinés à de nouveaux édifices, des statues colossales à mettre en

place, etc. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, . 1895, t. i, p. 333-336.

2. Pour les Hébreux. — Sous le roi Ramsès II, les Hébreux connurent la corvée égyptienne dans ce qu’elle a de plus dur. Exod., i, 10-14 ; v, 4-19. La persécution était savamment calculée pour les faire périr en plus grand nombre possible ; car le roi d’Egypte les redoutait à cause de leur grande multitude. Ce prince les fit donc rassembler pour construire d’immenses arsenaux à Pithom et à Ramsès. Il les confia à ces sârê missim, « chefs des corvées, » qu’on voit si souvent représentés, le bâton à la main, dans les peintures égyptiennes. Voir t. i, fig. 457, 458, col. 1499, 1501, et la planche coloriée, col. 1932. Les Hébreux eurent à exécuter de a durs travaux d’argile et de briques ». Exod., i, 14. Voir Briques. On a retrouvé les ruines de ces magasins construits par les Hébreux. Ils ont de huit à dix pieds d'épaisseur, et les couches de briques sont séparées par du mortier. Les remparts de Pithom ont plus de vingt-deux pieds d'épaisseur. D’autre part, pour mettre les constructions à l’abri des inondations du Nil, surtout quand il s’agissait d’arsenaux ou de magasins, on commençait par établir un solide soubassement dont le pourtour était en briques et dont l’intérieur se comblait avec des matériaux divers. Ces constructions exigeaient un nombre incalculable de briques, et le labeur était grand. Le Papyrus Sallier, ii, 6, 1, nous a conservé la plainte des gens de corvée : m Je te dis jusqu'à quel point le bâtisseur de murs extérieurs, la maladie le goûte. En effet, il est dehors, au vent. S’il bâtit à couvert, son sac d’outils est dans les parterres de la maison, hors de son atteinte. Ses deux bras s’usent complètement. Un mélange de toute espèce d’ordures, c’est ce qu’il mange, le pain de ses doigts ; il se lave en une seule saison. » Ramsès comptait que la plupart des Hébreux, n’ayant point l’habitude de ces durs travaux, succomberaient à la peine. Ce fut le contraire qui arriva. Exod., v, 5. Aussi commanda-t-il aux surveillants de se montrer plus exigeants. On cessa de fournir aux travailleurs la paille hachée qu’ils pétrissaient avec l’argile pour la confection des briques. Ils durent eux-mêmes aller chercher sur les bords du Nil et des étangs le qaS, le jonc destiné à remplacer la paille, et malgré ce surcroît de labeur, la quantité de briques qu’ils avaient à fournir ne fut nullement diminuée. L’assujettissement à ces corvées dura pour les Hébreux jusqu'à leur sortie d’Egypte. En parlant de la délivrance d’Israël, le Psaume lxxxi (lxxx), 7, 8, s’exprime ainsi :

J’ai ôté le fardeau de son épaule,

Ses mains ont quitté la corbeille.

Dans la détresse tu as appelé, je t’ai sauvé.

La corbeille mentionnée ici servait à porter l’argile. Voir Corbeille. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 251-277.

II. La corvée en Palestine. — 1° Pour les peuples soumis aux Hébreux. — À leur sortie d’Egypte, les Hébreux avaient été suivis par une multitude mélangée qui les accompagna dans le désert. Exod., xii, 38. Ces étrangers murmurèrent en route, de concert avec les enfants d’Israël, Num., xi, 4, et soit à cause de leur conduite, soit à raison de leur origine, furent astreints à des travaux de corvée, à couper le bois et porter l’eau. Deut., xxix, 11. — Moïse avait réglé que, quand on ferait la guerre, on laisserait la vie sauve aux habitants des villes qui se soumettraient, mais que ceux-ci deviendraient gens de corvée. Deut., xx, 11. Cette loi fut sucessivement appliquée aux Gabaonites, Jos., ix, 23 ; aux habitants de Gazer, Jos., xvi, 10, et en général à tous les Chananéens qu'épargna l’extermination. Jos., xvii, 13 ; Jud., i, 28, 30, 33, 35. Salomon remit en vigueur les anciennes corvées pour les descendants de ces Chananéens. III Reg., ix, 21 ; II Par., viii, 8.

2° Pour les Israélites. — Jacob mourant avait fait cette prédiction au sujet d’Issachar, Gen., xlix, 15 :

Il voit que le repos est doux

Et que le pays est agréable ;

Il incline son épaule sous les fardeaux

Et devient sujet à la corvée.

A cause de son indolence ou par amour du gain, cette tribu devait subir un jour la honte de la corvée. — Dans les Proverbes, xii, 24, se lit une remarque analogue :

A la main courageuse le commandement ; A l’indolente, la corvée.

C’est sous Salomon que les Israélites sentirent le plusdurement le poids de la corvée. Ce prince, pour mener à terme les grandes constructions qu’il avait entreprises, ne pouvait se passer d’une multitude de bras. Pour se procurer le grand nombre d’ouvriers nécessaires, il employa le procédé en vigueur chez ses voisins, la corvée. Sans doute les travaux les plus pénibles furent réservés aux descendants des anciens Chananéens, III Reg., v, 15 ; ix, 20, 21 ; II Par., ii, 17, 18, et les Israélites ne furent pas traités en esclaves. Ils eurent néanmoins à fournir une énorme contribution aux entreprises de Salomon. C’est ce qui leur fit dire plus tard à Roboam : « Ton pèrea fait peser sur nous un joug très dur, » et ce qui permit à ce dernier de répondre : « Mon père vous a frappés avec les fouets. » III Reg., xii, 4, 11. La Bible a conservé le nom du « chef de corvées » de cette époque : Aduram ou Adoniram, qui exerça cette fonction sous David, II Reg., xx, 24 ; sous Salomon, III Reg., iv, 6 ; v, 14, et : au commencement de Roboam. III Reg., xii, 18 ; II Par., , x, 18. Son impopularité devint telle, que le peuple le lapida. II Par., x, 18.

3° Pendant la captivité. — Jérémie, Lam., i, 1, déplore que Jérusalem soit alors soumise à la corvée. Isaïe, xxxi, 8, avait prédit le même sort à Assur. Assuérus(Xerxès I er) assujettit à la corvée les pays méditerranéens. Esth., x, 1. — Sur la réquisition à l'époque évangélique,

voir Angarier, t. i, col. 575.
H. Lesêtre.

1. COS (hébreu : Qôs, « épine ; » Septante : Kw£) r descendant de Juda, père d’Anob et de Soboba. I Par., iv, 8.

2. COS (Kûç, K6t*ç ; latin : Cous), île de la mer Egée (fig. 359). Cette île est mentionnée deux fois dans l'Écriture. — 1° La lettre que le consul Lucius écrivit pour 359. — Monnaie de Cos.

SEBAETOS. Tête d’Auguste, laurée, à droite. — fy KQIQN*

NIKArOPAS. Tête d’Esculape, laurée, ù droite.

annoncer au nom des Romains que ceux-ci avaient fait' alliance avec le grand prêtre Simon et avec les Juifs fut envoyée, entre autres, aux habitants de Cos. I Mach., xv, 23. — 2° Dans son dernier voyage à Jérusalem, saint Paul, après avoir fait ses adieux aux anciens d'Éphèse, à Milet, fit escale à Cos. Le navire qui le portait séjourna pendant une nuit dans le port, et le lendemain repartit pour Rhodes. Act., xxi, 1.

I. Description. — L'île de Cos est située à l’entrée du golfe qui s'étend entre la presqu'île d’Halicarnasse et celle de Cnide. Un étroit passage semé d'écueils la sépare d’Halicarnasse. Elle a 40 kilomètres de long sur 7 à 8 de

large, soit 286 kilomètres carrés. Sa direction générale est du nord-est au sudouest. Elle est traversée par la chaîne de montagnes du Trion, dont le point culminant atteint 930 mètres. Ces montagnes sont nues et stériles. Dans l’antiquité, la partie basse était très fertile en vins et en fruits. Strabon, XIV, ii, 19 ; Horace, Sat., II, IV, 29 ; Perse, Sat., v, 135. On y fabriquait des étoffes transparentes très célèbres. Tibulle, II, iii, 53 ; Properce, i, 2. Les trois pointes principales de l'île s’appelaient : le cap Læeter, au sud ; le cap Drecanum, à l’ouest, et le cap Scandarium, au nord-est.

La capitale de l'île fut d’abord Astypalæa, dont on voit les ruines près du village moderne de Céphalos ; plus tard, ce fut la ville de Cos, près du cap Scandarium, là où elle est encore aujourd’hui. Cette ville n'était pas grande, mais elle était très bien construite, et d’un aspect enchanteur quand on la voyait de la mer. Strabon, XIV, ii, 19. Une lagune malsaine, située au nord de la ville moderne, marque l’emplacement de l’ancien port. D’après les uns, le Cos mentionné dans Actes, xxi, 1, est la ville ; d’après d’autres, l'île de ce nom.

II. Histoire. — Selon les traditions grecques, les habitants de Cos étaient des émigrants venus d'Épidaure. Pausanias, III, xxiii, 4. L'île possédait un Asclépiéion ou temple d’Esculape auquel était attachée une école de médecins, et qui renfermait des chefs-d'œuvre artistiques offerts au dieu. Telles étaient l’Antigone d’Apelle et la Vénus Anadyomène, transportée à Rome par Auguste. Strabon, XIV, II, 19. Cos fit partie de la pentapole dorienne, qui avait pour sanctuaire fédéral le temple d’Apollon, situé sur le cap Triopien. Hérodote, i, 144. L’Ile fut comprise dans la confédération délienne et soumise à Athènes, qui ne lui imposa qu’un tribut assez minime. Elle faisait partie du Kapixd ; çôpoç, c’est-à-dire de la circonscription carienne. Corpus inscript, attic, 1. 1, n° s 240,

I. 76 ; 244, 1. 49. Alcibiade fortifia la capitale à la fin delà guerre du Péloponèse. Thucydide, viii, 108. À partir de cette époque, Cos suivit la fortune de toutes les îles voisines et de la Carie. En 301, elle fit partie du royaume de Lysimaque ; en 281, du royaume des Séleucides ; en 246, du royaume des Ptolémées ; en 187, du royaume de Pergame. Pendant les guerres puniques et la guerre contre Antiochus III le Grand, Cos se montra favorable aux Romains. Tite Live, xxvii, 10 ; Polybe, XXX, vii, 9. Lors de la constitution de la province d’Asie, en 133, Cos en fit partie et reçut le privilège de l’autonomie. L’empereur Claude lui accorda l’immunité, c’est-à-dire l’exemption d’impôts. Tacite, Ann., xii, 61.

Il y avait une colonie juive à Cos. Durant la guerre des Romains contre Mithridate, les Juifs avaient réuni des sommes considérables. Josèpbe, Ant. jud., XIV, vii, 2. Jules César fit un édit en leur faveur, ibid., x, 15 ; Hérode le Grand fut leur bienfaiteur, Josèphe, Bell, jud., i, xxi, 11 ; Hérode le tétrarque mérita également leur reconnaissance. Corpus inscript, grœc, n° 2502. Cos est la patrie du peintre Apelle, d’Hippocrate (Strabon, XIV,

II, 19), et de Ptolémée Philadelphie. Théocrite, Idyll., xvii, 57. — Le nom moderne de Cos est Stanko ou Stanchio. Les Turcs ont formé ce mot de la phrase grecque èç TOCV Kto.

Voir Ross, Reisen auf den griechischen Insein, in-8°, Halle, 1843-1845, t. i, p. 86-92 ; t. m', p. 126-139 ; Id., Reisen nach Kos, in-8°, Halle, 1852 ; Kuster, De Co insula, in-8°, Halle, 1833 ; O. Rayet, Mémoire sur l’Ile de Kos, dans les Archives des missions scientifiques, 1876, p. 37-116 ; M. Dubois, De Co insula, in-8°, Paris, 1884 ; R. Hertzog, Koische Forschungen, in-8°, Leipzig, 1899.

E. Reurlier.

    1. COSAN##

COSAN (grec : K(o<râ[i), ancêtre de Notre -Seigneur Jésus-Christ et descendant de David par la branche de Nathan. Il est donné comme père d’Addi et fils d'Élimatlan. Luc, iii, 28. Il dut vivre vers le temps de la capti-vité de Babylone.

COSMOGONIE MOSAÏQUE. — Toutes les religions et tous les peuples de l’antiquité ont prétendu expliquer l’origine des choses. Ces divers systèmes cosmogoniques ont des traits communs qui semblent accuser une communauté d’origine, peut-être même une révélation primitive ; mais la plupart ont été dénaturés dans le cours des siècles par l’addition de détails puérils, souvent en contradiction flagrante avec les données les plus incontestables de la science moderne. Une seule de ces cosmogonies, celle qui figure en tête de nos Livres Saints, a échappé à cette corruption séculaire au point de défier encore aujourd’hui les attaques des savants incrédules. Il n’entre point dans notre plan d’en donner ici un commentaire détaillé. Exposer cette cosmogonie, indiquer sommairement sa supériorité sur les autres, dire un mot de la cosmogonie scientifique, et enfin montrer l’accord de l’une et de l’autre : tel est le but que nous nous proposons dans cet article,

I. Récit mosaïque de la création. — Comme on ne saurait discuter sur la cosmogonie biblique sans en connaître le texte, nous en donnons ici la traduction littérale d’après l’hébreu, nous contentant de grouper en autant de paragraphes spéciaux les œuvres propres à chacun des six jours. — « 1. A.u commencement Dieu créa les cieux et la terre. 2. Or la terre était informe et vide ; les ténèbres étaient sur la face de l’abîme et l’esprit de Dieu se mouvait sur la face des eaux. » — i" jour. 3. « Et Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. 4. Et Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. 5. Et Dieu nomma la lumière jour et les ténèbres nuit. Et il y eut soir et il y eut matin : un jour. » — 2' jour. « 6. Et Dieu dit : Qu’il y ait une étendue au milieu des eaux et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. 7. Dieu fit donc l'étendue et sépara les eaux qui sont au-dessous de l'étendue des eaux qui sont au-dessus de l'étendue ; et il fut ainsi. 8. Et Dieu nomma l'étendue cieux. Et il y eut soir et il y eut matin : second jour. » — 3e jour. « 9. Et Dieu dit : Que les eaux qui sont sous les cieux se rassemblent en un seul lieu et que le sec apparaisse. Et il fut ainsi. 10. Et Dieu nomma le sec terre, et il nomma l’amas des eaux mers. Et Dieu vit que cela était bon. 11. Et Dieu dit : Que la terre produise la verdure, l’herbe portant semence selon son espèce et l’arbre donnant selon son espèce du fruit qui ait en lui sa semence sur la terre. Et il fut ainsi. 12. Et la terre produisit la verdure, l’herbe portant semence selon son espèce et l’arbre donnant du fruit qui avait en lui sa semence selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. 13. Et il y eut soir et il y eut matin : troisième jour. » — 4e jour. « 14. Et Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l'étendue des cieux pour distinguer le jour et la nuit, et qu’ils soient des signes et pour les saisons et pour les jours et pour les années. 15. Et qu’ils soient des luminaires dans l'étendue des cieux pour luire sur la terre. Et il fut ainsi. 16. Et Dieu fit deux grands luminaires : le plus grand, luminaire pour présider au jour et le moindre luminaire pour présider à la nuit, et il fit aussi les étoiles. 17. Et Dieu les plaça dans l'étendue des cieux pour luire sur la terre, 18. et pour présider au jour et à la nuit et pour distinguer la lumière des ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. 19. Et il y eut soir et il y eut matin. » — 5e jour. « 20. Et Dieu dit : Que les eaux fourmillent d’une multitude d’animaux vivants et que le volatile vole au-dessus de la terre dans l'étendue des cieux. 21. Et Dieu créa les grands monstres marins et tout animal rampant dont fourmillent les eaux, selon leurs espèces, et tout volatile ailé, selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. 22. Et Dieu les bénit en disant : Croissez et multipliez, et remplissez les eaux dans les mers, et que le volatile se multiplie sur la terre. 23. Et il y eut soir et il y eut matin : cinquième jour. y> — 6e jour. 24. Et Dieu dit : Que la terre produise l’animal vivant selon son espèce, le bétail, l'être rampant et la bête sauvage 1er

restre selon son espèce. Et ii fut ainsi. 25. Et Dieu fit la bête sauvage selon son espèce, et le bétail selon son espèce, et tout être rampant sur la terre selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. 26. Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance ; et qu’il domine sur les poissons de la mer, et sur le volatile du ciel, et sur le bétail, et sur toute la terre, et sur tout reptile rampant sur la terre. 27. Et Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu il le créa. Il les créa mâle et femelle. 28. Et Dieu les bénit et Dieu leur dit : Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre et soumettez - la, et dominez sur les poissons de la mer et sur le volatile du ciel et sur toute bête rampant sur la terre. 29. Et Dieu dit : Voilà que je vous ai donné toute herbe portant de la semence qui est sur la surface de la terre et tout arbre dans lequel est fruit d’arbre portant de la semence : cela vous sera pour nourriture. 30. Et à toute bête de la terre, et à tout être volant dans les cieux, et à tout être rampant sur la terre qui a en lui un souffle de vie, toute herbe verte sera pour nourriture. Et il fut ainsi. 31. Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voilà que cela était très bon. Et il y eut soir et il y eut matin : sixième jour. » — « Telles sont, dit l'écrivain sacré au second chapitre de la Genèse, les générations du ciel et de la terre au jour où ils furent créés. »

Si l’on se contente de relever dans cette admirable page les actes successifs par lesquels se traduit l’intervention du Créateur, on en trouve neuf, qui se présentent dans l’ordre suivant : 1° création de la matière ; 2° apparition de la lumière ; 3° formation du firmament ou de l’atmosphère par la séparation des eaux inférieures condensées et des eaux supérieures restées à l'état de vapeurs ; 4° émersion des continents ; 5° apparition des plantes ; 6° apparition du soleil, de la lune et des étoiles ; 7° création des animaux aquatiques et des oiseaux ; 8° apparition des animaux terrestres ; 9° création de l’homme. On le voit, deux œuvres distinctes sont attribuées au troisième et au sixième jours. C’est dire à l’avance que la répartition des œuvres de la création en six jours peut être considérée comme arbitraire et dut avoir quelque molif qu’il n’est sans doute pas impossible de retrouver, c’est-à-dire l’institution religieuse de la semaine. Quant à l’ordre de succession, il n’est pas douteux, et nous verrons plus loin qu’il est en somme d’accord avec les données de la science moderne.

II. Supériorité de la cosmogonie mosaïque. — Bien que la cosmogonie que nous venons d’exposer n’ait point échappé aux attaques de l’incrédulité, qui a prétendu y voir des non-sens et des contradictions, la plupart des rationalistes ont reconnu qu’elle l’emportait immensément sur les autres cosmogonies que nous a léguées l’antiquité. « Elle ne contient pas un mot, a dit l’un d’eux, Dillman, Genesis, 1875, p. 9, qui puisse paraître indigne de la pensée de Dieu. Dès lors que l’on tentait de peindre, pour le rendre saisissablo à l’intelligence humaine, le mystère de la création, qui demeurera toujours un mystère pour l’homme, il était impossible de tracer un tableau plus grand et plus digne. C’est à bon droit qu’on en tire une preuve du caractère révélé de ce récit. » Un naturaliste célèbre, devenu depuis la mort de Darwin le principal représentant de l'école transformiste avancée, Hœckel, professeur à Iéna, accorde les mêmes éloges à l’histoire mosaïque de la création. Il vante en particulier « la disposition simple et naturelle des idées qui y sont exposées, et qui contrastent avantageusement avec la confusion des cosmogonies mythologiques chez la plupart des peuples anciens. D’après la Genèse, observet - il le Seigneur Dieu forme d’abord la terre en tant que corps inorganiquei Ensuite il sépare la lumière et les ténèbres, puis les eaux et la terre ferme. Voilà la terre habitable pour les êtres organisés. Dieu forme alors en premier lieu les plantes, plus tard les animaux, et même parmi ces derniers il façonne d’abord les habitants de

l’eau et de l’air, plus tardivement ceux de la terre ferme. Enfin Dieu crée le dernier venu des êtres organisés, l’homme ; il le crée à son image pour être le maître de la terre ». L’illustre naturaliste va jusqu'à retrouver l’application de ses idées transformistes dans ces créations successives en progrès les unes sur les autres. « Bien que, dit-il, ces grandes lois de l'évolution organique… soient regardées par Moïse comme l’expression de l’activité d’un créateur façonnant le monde, pourtant on y découvre la belle idée d’une évolution progressive, d’une différenciation graduelle de la matière primitivement simple. Nous pouvons donc payer à la grandiose idée renfermée dans la cosmogonie… du législateur juif un juste et sincère tribut d’admiration. » Histoire de la création, trad. Letoumeaux, 3e édit., in-8°, Paris, 1884, p. 29.

Pour bien saisir l’infinie supériorité de la cosmogonie mosaïque, il ne sera pas inutile de jeter un rapide coup d'œil sur les autres. À côté de quelques traits qu’elles semblent lui avoir empruntés ou tout au moins avoir puisés à la même source, que d’exagérations, de puérilités, d’extravagances ! La cosmogonie chaldéenne, qui à d’autres égards se rapproche de la nôtre (voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, 1. 1, p. 205-240), nous montre, au dire de Bérose, dans Eusèbc, Chron., i, 2, t. xix, col. 109-112, le dieu suprême, Bel, coupant son épouse en deux parties dont il fait le ciel et la terre, puis se tranchant lui-même la tête, et les autres dieux modelant les hommes avec le limon imprégné du sang de la divine victime. — Les traditions phéniciennes transmises par Sanchoniaton, dans Eusèbe, Prsep. Ev., i, 10, t. xxi, col. 75, nous représentent le monde primitif à l'état de chaos et enveloppé de ténèbres ; mais au bout d’un certain nombre de siècles, ajoutent - elles, l’Esprit et le chaos s’unirent pour produire le monde. — Dans l’Inde, nous avons deux cosmogonies : celle de Rig-Véda, et celle plus récente du code de Manou. La première, passablement obscure, nous montre encore la divinité s’immolant pour donner naissance au monde. On y rencontre des détails comme ceux-ci : « Cette victime (la divinité) était liée avec des liens de chaque côté et étendue par les efforts de cent un dieux, qui lièrent, façonnèrent et placèrent la trame (?). Le premier mâle étendit et enroula cette toile et la déploya dans le monde et dans le ciel… Quelle était la dimension de cette victime que tous les dieux sacrifièrent ? Quelle était sa forme ?… Tous les éléments, les sages et les hommes furent formés par ce sacrifice universel. » — Le code de Manou nous montre le Seigneur, l'être suprême et éternel « qui existait par luimême », produisant d’abord les eaux (nara), dans lesquelles il déposa un germe. « Ce germe devint un œuf brillant comme l’or, aussi éclatant que l’astre aux mille rayons, et dans lequel l'être suprême naquit lui-même sous la forme de Brahma, l’aïeul de tous les êtres. » D’où le nom de Narayana, « celui qui se meut sur les eaux, » donné au nouvel être. Après avoir demeuré dans cet œuf une année de Brahma (c’est-à-dire 3110 400000000 de nos années), le Seigneur divisa cet œuf en deux parts dont il fit le ciel et la terre séparés par l’atmosphère, « les huit régions célestes et le réservoir permanent des eaux. » Puis de sa bouche, de son bras, de sa cuisse et de son pied il tira les diverses castes, à commencer par les brahmanes. Son corps, divisé en deux parties, devint moitié mâle et moitié femelle et donna naissance à toute une hiérarchie d'êtres dans laquelle l’esprit se perd. Ce sont, à la suite de Manou, dix saints éminents appelés maharchis ; puis les gnomes, les géants, les vampires, les nymphes, les Titans, etc. — Dans la cosmogonie égyptienne, encore assez peu connue, nous voyons le créateur Phlah façonner l’homme sur un tour de potier. Voir t. i, fig. 22, col. 179. — Chez les Persans, nous retrouvons la division en six époques ; mais ces époques ent une durée qui varie de quarante-cinq à quatre-vingts

Jours. Elles virent apparaître successivement le ciel, l’eau, la terre, les arbres, les animaux et l’homme. Il y a sept cieux, dont chacun porte un nom spécial. Le taureau fut créé avant tout autre animal et vécut seul ; mais à sa mort sa semence, transportée dans le ciel de la lune, donna naissance aux autres animaux. L’homme lui-même tira son corps du bras droit du premier taureau. À son tour il vécut seul, et à sa mort il se transforma en un arbre qui, coupé en deux, donna naissance à un homme et à une femme, ancêtres du genre humain. J’omets de nombreux détails dépourvus de sens ou par trop puérils. — Au Japon, nous retrouvons le chaos de la Genèse, chaos qui donne naissance au ciel et à la terre ; mais on nous représente la terre nageant sur la mer comme un pois 3£0.

Nébuleuse circulaire.

son, et on nous montre au-dessus une fleur qui devient un esprit divin. — Les cosmogonies occidentales contiennent le même mélange de vérité et d’erreur, de vraisemblance et d’absurdités. La Grèce nous fournit peu de chose sur l’origine du monde et des hommes. Au contraire, nous y trouvons de longs et fastidieux détails sur l’origine des dieux, qui pour la plupart doivent leur naissance à une série de transformations toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Toutefois, à l’origine de l’humanité, Hésiode nous montre l'âge d’or, qui pourrait être un souvenir altéré du paradis terrestre. — Chez les Latins nous trouvons, comme dans la Bible, le chaos,

— rudis indigestaque moles (Ovide), — à l’origine des choses. Alors tous les éléments sont confondus : air, terre et eau. Puis ils s’isolent, et les continents apparaissent.

— Dans la cosmogonie germanique, nous voyons une niasse énorme de glace jaillir du pôle Nord, et en fondant donner naissance au chaos. De ce chaos, Dieu fait surgir la vache Audumbla, qui en léchant la glace pour y chercher sa nourriture en forme l’ossature du géant Bur, père de Bor et grandpère d’Odin. Puis du chaos primitif se forment neuf sphères, qui représentent l’univers entier et ses habitants : dieux, hommes, géants, gnomes, etc.

Si incomplet qu’il soit, le court aperçu qui précède suffit pour donner une idée de l’extravagance des cosmogonies païennes, et montrer à tous qu’elles ne sauraient seulement entrer en comparaison avec la cosmogonie si simple, si sublime, si rationnelle, qui Qgure en tête de

nos Livres Saints. « Comparez à ces fables le récit bibliqup, dit Ms r Meignan, et vous admirerez comment celui-ci porte dans toutes ses parties l’empreinte de la vérité historique. Le récit tout entier est sobre, net, clair et conforme à la raison. Sans doute l’histoire de la Genèse respire la plus haute poésie, elle a des traits magnifiques, des paroles sublimes ; mais on n’y entrevoit ni système philosophique, ni fantaisie de poète, ni mythe obscur, ni fables puériles. C’est à ce récit si grand et si simple qu’il faut ramener les exagérations des autres cosmogonies. » Le monde et l’homme primitif selon la Bible, in-8°, Paris, 1869, p. 13.

III. La cosmogonie scientifique. — Avant de passer à l'étude critique de la cosmogonie biblique, il importe de voir brièvement ce que la science nous enseigne sur

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361. — Système solaire.

le même sujet. L’histoire de notre globe peut se diviser en deux parties nettement distinctes, l’une antérieure, l’autre postérieure à l’apparition de la vie. La première, éminemment conjecturale, puisqu’elle échappe à l’observation directe, se rattache aux sciences astronomiques et physiques ; la seconde, plus précise et mieux connue, est du ressort de la géologie. — Jetons un rapide coup d'œib sur l’une et sur l’autre.

I. èbe cosmique. — D’après une théorie communément admise et que tout confirme, la terre et les autres planètes et satellites qui font partie du système solaire furent primitivement à l'état gazeux, et dans cet état constituèrent une sphère immense, d’un rayon au moins égal à la distance du soleil à Neptune, planète la plus éloignée. Cette sphère gazeuse, qu’on a appelée la nébuleuse primitive (fig. 360), était douée d’un mouvement rotatoire qui peu à peu s’accéléra par l’effet même de la condensation. La force centrifuge se développant en proportion, des lambeaux gazeux, peut-être même des anneaux complets, se détachèrent de la surface de l’immense sphère, à sa parlie équatoriale, et en' se concentrant donnèrent naissance aux planètes, qui elles-mêmes encore gazeuses engendrèrent de la même façon les satellites. Le noyau de la nébuleuse, non encore tout à fait condensé, n’est autre que le soleil, dont la masse est sept cents fois supérieure à celle de toutes les planètes réunies à leurs satellites. Cette hypothèse, à laquelle Herschel et Laplace ont attaché leurs noms, repose sur des faits nombreux. On a remarqué, par exemple, que la densité de la matière va croissant sur notre planète de la surface au centre, et

sans doute aussi des planètes extrêmes au soleil lui-même, à condition, bien entendu, de tenir compte de l'état probablement encore gazeux de cet astre. En second lieu, les diverses phases par lesquelles notre nébuleuse a dû passer se retrouvent de nos jours soit dans notre système solaire, soit dans les systèmes étrangers. Le télescope nous montre ici des nébuleuses qui semblent en voie de se condenser,

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362. — Graptolithe (PetmatullsX

là des soleils sur le point de s'éteindre pour devenir planètes, ailleurs des planètes ou dès satellites, comme la lune, ayant atteint, ce semble, le point extrême de leurs transformations et devenus inhabitables faute d’atmosphère. Un dernier argument invoqué en confirmation de ce système consiste dans l’uniformité des mouvements

S. ^=.^_^ ! - Z-^^~ ~_ — —~ - ~_ _"

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363. — Trilobites Asaphus Buœhii.

de rotation et de révolution des planètes et de leurs satellites, qui tous ou presque tous sont directs, c’est-à-dire s’effectuent de l’ouest à l’est. Nous disons presque tous, car on a cru constater dans ces dernières années que le mouvement des satellites des deux planètes extrêmes, Uranus et Neptune, s’effectuait en sens inverse, c’està-dire de l’est à l’ouest (fig. 361) ; mais cette exception, si elle est réelle, ne va point, quoi qu’on en ait dit, à

rencontre du système attribué à Laplace. Elle est, selon nous, une conséquence toute naturelle de la loi de Kepler, qui veut que les corps célestes les plus éloignés de l’astre autour duquel ils gravitent aient une vitesse inverse de leur distance. Mais ce n’est point ici le lieu d’insister sur une question d’une nature aussi technique. Contentonsnous de renvoyer les lecteurs qu’elle intéresserait aux

-, S

^

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364. — Pecopteris aquillna,

notes que nous lui avons consacrées dans La Controverse et Le Contemporain, novembre 1885, p. 353-379, et dans Le Cosmos, 29 mars et 19 avril 1886, p. 483 et 67. Cf. Wolf, Les hypothèses cosmogoniques, in-8°, Paris, 1886. — En dépit des critiques de détail auxquelles elle a pu être en butte, la théorie qui voit dans les corps célestes autant de fragments plus ou moins condensés d’une

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365. — Ammonites catena.

ancienne nébuleuse est universellement acceptée, on peut Je dire, dans le monde savant, et bien qu’elle ne soit pas susceptible d’une démonstration directe, bien qu’elle puisse être comprise de diverses manières dans les détails, il est bien difficile de lui contester un fond de vérité.

Mais la matière qui compose les mondes n’a pas dû passer brusquement de l'état gazeux à l'état solide que nous lui connaissons. Dans l’intervalle, il y a l'état liquide ou pâteux, qui a dû servir de transition. Rapprochées

les unes des autres par l’effet de la condensation, qui elle-même résultait de la loi d’attraction, les molécules se sont combinées de façon à former des corps composés, et en se combinant elles ont du produire de la chaleur et de la lumière. Toutefois la principale source de ia chaleur a été la condensation même de la nébuleuse, condensation qui en se continuant sous nos yeux dans le soleil fait de l’astre central le foyer calorifique qui entretient la vie sur notre planète.

Bien plus petite que le soleil, la terre a nécessairement parcouru beaucoup plus vite que lui les diverses

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366. — Belemnites aulcatus.

phases par lesquelles il semble que tout corps céleste est appelé à passer. Gomme son satellite, la lune, qui ellemême s'était détachée de sa masse encore gazeuse, notre globe n’a mis qu’un temps relativement court à se transformer de simple nébuleuse en soleil lumineux par luimême, et de soleil en planète refroidie et susceptible d'être

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367. — Belemnites pislili/ormis.

habitée. À l'état gazeux, avons-nous dit, a succédé l'état liquide, et à celui-ci l'état solide. Par suite du rayonnement perpétuel qui se produisait à sa surface, la couche superficielle s’est la première solidifiée, de manière à former une mince écorce semblable à celle qui recouvre les courants de lave à la suite d’une éruption volcanique. Souvent brisée au début, par suite de sa faible épaisseur et de la violence des feux internes, cette écorce a fini par se reconstituer, se consolider et se refroidir au point de permettre à la vie végétale et animale de se développer

représentent marquent comme un passage entre les roches d’origine ignée, qui constituent la masse de l'écorce terrestre, et les roches sédimentaires, déposées au fond des eaux et souvent enrichies de débris fossiles de plantes et d’animaux. Elle se divise en cinq périodes, qui correspondent à la formation successive des terrains cambrien, silurien, dévonien, carbonifère et permien. La vie semble avoir apparu sur la terre au début de la période cambrienne, sous la forme d'êtres infimes, — annélides, polypes, graptolithes (fig. 362), etc., — appartenant aux derniers degrés de l'échelle animale. Elle se développe à la période suivante ; mais elle n’est encore représentée

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369. — Megatosanrus Bucklandi.

que par des êtres de petite taille et pour la plupart aquatiques, les continents ayant à peine encore fait leur apparition. Ce qui domine dans cette humble faune, c’est une famille de crustacés appelés trilobites (fig. 363), à cause des trois lobes qui les caractérisent et les distinguent des êtres actuellement existants. Toutefois à la partie supérieure de l'étage silurien apparaissent les poissons ; mais ils sont rares et de faibles dimensions. La période carbonifère, qui vient ensuite, est de beaucoup la plus importante de l'école primaire. Sur les continents récemment émergés se développe à la faveur de l’humidité, de la chaleur encore intense et uniforme et

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8. — Ichthyosaure.

à sa surface. Alors commence l'ère géologique, qu’il nous faut décrire brièvement.

il. ère géologique. — Cette ère a été divisée en trois longues époques appelées primaire (ou de transition), secondaire et tertiaire. Il est de mode en France d’y ajouter une quatrième époque, dont l'âge actuel n’est que le prolongement, l'époque quaternaire ; mais par sa courte durée, par sa confusion, par l’absence de caractères précis, cette dernière époque ne saurait, de l’aveu de tous, entrer en comparaison avec les précédentes. — S’il fallait caractériser d’un mot les époques géologiques, nous pourrions dire que la première a été l'ère des végétaux ; la seconde, l'ère des animaux aquatiques, spécialement des reptiles ; la troisième, l'ère des animaux terrestres, et la quatrième, l'ère humaine. Mais sans faire ici un cours de géologie, il y a nécessité d’entrer dans .un peu plus de détails.

1° L'époque primaire est aussi appelée, avons-nous dit, époque de transition, parce que les terrains qui la

de l’acide carbonique abondamment répandu dans l’atmosphère impure des premiers temps, une végétation luxuriante, dont les débris (fig. 364), entraînés par les eaux dans les estuaires et les lacs, ont donné naissance aux immenses dépôts de houille qui alimentent l’industrie moderne. Si plus tard elle a été représentée par des plantes d’un ordre plus élevé, à aucune époque de l’histoire du globe elle n’a été aussi abondante. Cette végétation merveilleuse se continue, en s’affaiblissant, pendant la période permienne, qui n’est, pour ainsi dire, qu’un prolongement de la précédente, bien qu’elle ait ses représentants caractéristiques dans un certain nombre de mollusques qui font alors leur apparition.

2° Quatre fois moins longue que l'époque primaire, si l’on en juge par l'épaisseur des terrains qui s’y rattachent, l'époque secondaire, divisée à son tour en trois périodes, triasique, jurassique et crétacée, a été essentiellement celle des reptiles et surtout des reptiles aquatiques. Sans doute les mollusques y sont toujours les plus nombreux,

témoin ces ammonites (fig. 365) et ces bélemnites (fig. 366 et 367) qui occupent une si grande place dans les vitrines de nos collections paléontologiques ; mais les vertébrés à sang froid, les poissons et les reptiles attirent davantage l’attention par leurs formes bizarres ou leurs proportions grandioses. Les reptiles surtout y ont des dimensions qu’on ne retrouve plus dans la faune

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370. — Ptérodactyle.

actuelle. Tels sont Ykhthyosaure (fig. 368), le mégalosaure (8g. 369), animaux plus ou moins amphibies de l’ordre des sauriens, qui mesuraient dix mètres de longueur et davantage. D’autres, comme le ptérodactyle (fig. 370) et le ramphorhynchus (fig. 371), avaient

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371. — Ramphorhynchus.

l'étrange privilège d'être munis d’ailes et de pouvoir voler ou tout au moins se soutenir quelque temps dans les airs. Alors aussi apparaissent les oiseaux, inconnus jusque-là. On les reconnaît aux empreintes que leurs pieds ont laissées sur les grèves de l'époque, autant qu'à leurs ossements, assez rares, il faut l’avouer. Quant à la classe des poissons, que nous avons vu faire son apparition à l'époque primaire, elle se maintient et se développe pendant l'époque secondaire, surtout vers la fin, pendant le dépôt des terrains crétacés, sans toutefois revêtir des proportions extraordinaires.

3° L'époque tertiaire, la troisième des temps géologiques, ressemble assez à la nôtre au point de vue de la faune. C’est par excellence l'ère des animaux terrestres. Tous les ordres de mammifères y sont représentés, mais nul ne l’est par des animaux plus gigantesques que celui des pachydermes. À côté du paléothérium (fig. 372) et de l' acérothérium (fig. 373), qui semblaient présager notre rhinocéros, à côté de Vhipparion (fig. 374), dont le transformisme a fait l’ancêtre du cheval, nous voyons le dinothérium (fig. 375) et le mastodonte (fig. 376), « les plus imposants des mammifères terrestres qui ont

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372. — Paléothérium magnum.

vécu sur notre globe. » Albert Gaudry, Mammifères tertiaires, in-8°, Paris, 1878, p. 169. Le dinothérium atteignait jusqu'à cinq mètres de hauteur. Le mastodonte, qui ne différait guère de l'éléphant que par sa dentition mamelonnée, l’emportait toutefois sur ce dernier par des proportions encore plus colossales.

4° Enfin dans les couches superficielles qui représentent l'époque quaternaire ou, si l’on veut, les débuts de l'ère actuelle, nous trouvons le véritable éléphant, le mammouth, et à côté de lui les congénères de nos espèces actuelles, le rhinocéros, l’ours, le cerf, le cheval, etc.

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373. — Accrotherium incisum (Crâne et mâchoire).

et enfin l’homme lui-même, notre ancêtre, qu’on reconnaît aux grossiers instruments de pierre qu’il a façonnés plus encore qu'à ses ossements d’une authenticité presque toujours douteuse.

Telles sont en résumé les diverses manifestations de la vie à la surface du globe. Dans les temps primaires, pas de mammifères ni d’oiseaux, mais d’humbles mollusques, des crustacés (trilobites), quelques poissons, les premiers batraciens et surtout une végétation luxuriante, qui nous a valu nos immenses gisements de charbon de terre. Favorisée par une atmosphère chaude et nuageuse, qui n’est

pas sans analogie avec celle de nos régions tropicales, cette végétation a pour résultat de purifier l’air, auquel elle enlève l’excès d’acide carbonique et peut-être les autres impuretés qui jusque-là sans doute avaient mis obstacle à l’action directe des rayons solaires. Désormais les animaux terrestres à respiration aérienne et pulmonaire pourront vivre sur la terre. Aussi apparaissent-ils à l'époque secondaire, d’abord sous la forme de reptiles plus ou moins amphibies, car sans doute les continents ont encore peu d'étendue et l’air n’a pas acquis sa pureté définitive. Vers la fin seulement des temps secondaires apparaissent les oiseaux, dont la respiration énergique exige un air riche en oxygène, et quelques mammifères inférieurs. À la faveur de ces mêmes conditions, les grands animaux terrestres viennent à leur tour animer la nature désormais prête à recevoir l’homme lui-même, le dernier venu des êtres créés. C’est l'époque tertiaire,

! » e

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374. — Ripparion gracile.

dont les temps actuels ne sont, pour ainsi dire, que la continuation.

IV. Accord de la science et de la Bible. — Si maintenant on veut bien se reporter au premier chapitre de la Genèse, qtte nous avons donné en tête de cet article, on y constatera, au lieu d’un prétendu désaccord, une ressemblance frappante avec la cosmogonie qui précède. Pour nous en convaincre, examinons successivement chacun des jours génésiaques.

Création de la matière. — La création de la matière précéda toute autre intervention de la divinité dans la production du monde visible, la science l’exige non moins que la logique. Elle prouve, en effet, que la matière ne saurait être éternelle. En nous enseignant qu’elle a pris des formes successives sans cesse en progrès les unes sur les autres, passant de l'état simple et gazeux à l'état composé et solide, elle nous la montre au début dans un état de simplicité telle, qu’on ne saurait en concevoir une plus grande. Impossible de remonter plus loin que l’origine de la période évolutive. À ce moment du passé, qui pour être extrêmement reculé ne saurait, cependant être infini, la création s’impose. C’est l’instant où Dieu lança les atomes matériels dans l’espace en les soumettant à des lois qui en ont fait notre monde actuel. — Les expressions dont se sert l'écrivain sacré semblent indiquer qu’il avait sur l'état de la matière au sortir des mains du Créateur une idée conforme à celle de la science contemporaine. « La terre, nous dit-il, Gen., i, 2, était informe et vide. » (Septante : àôpaTo ; xoti ixaTauTsùauTOç, « invisible et sans consistance. » ) Ces mots peuvent s’appliquer à la nébuleuse primitive dont les éléments étaient tellement raréfiés, qu’elle le cédait en densité, nous dit-on, à l’air qui reste dans la machine pneumatique après qu’on y a fait le vide.

i"jour. — Il fut marqué par l’apparition de la lumière. Elle précéda ainsi de trois jours celle du soleil. Ce fait, loin d'être en contradiction avec la science, comme on l’a longtemps soutenu, dénote, au contraire, chez l'écrivain sacré une intuition extraordinaire, qui ne s’explique guère sans une révélation spéciale. Parler de lumière avant de signaler l’existence du foyer qui en est aujourd’hui l’unique source devait jadis sembler paradoxal, et un écrivain ordinaire n’y eût sans doute point songé. Il a fallu les progrès de la science moderne pour donner raison à l’auteur de la Genèse. On sait maintenant que le soleil n’a pas dû être le premier foyer de lumière qui ait éclairé la terre.

La géologie nous enseigne que longtemps après que la vie avait apparu sur le globe sous la forme de végétaux et d’animaux inférieurs, au moins jusqu'à la période car S75. — Mnotkerium (Crflne).

bonifère, notre planète était entourée d’une atmosphère opaque chargée d’acide carbonique, de matières gazeuses et de vapeurs d’eau, qu’une température élevée empêchait de se condenser totalement. Par suite de ces nuées perpétuelles, du reste très favorables à la végétation quand elles sont jointes à la chaleur et à l’humidité, les rayons lumineux émis par les astres étaient comme interceptés, et la terre ne percevait qu’une lumière diffuse. C’est seulement lorsque la température se fut quelque peu abaissée et que la merveilleuse végétation des temps carbonifères eut absorbé la plus grande partie du carbone dont l’atmosphère était saturée, que les humbles habitants de la terre purent apercevoir le disque solaire et les autres astres. Ce n’est donc pas sans raison que le récit sacré renvoie jusqu'à cette date, postérieure à la grande manifestation végétale du troisième jour ou de la période carbonifère, l’apparition du soleil, de la lune et des étoiles. Car, il ne faut pas l’oublier, l'écrivain sacré ne nous dit pas que ces astres furent créés en ce jour. Le mot >na, bârâ', qui signifie créer en hébreu, n’est employé par lui que dans de rares circonstances et toujours avec intention, par exemple pour l’apparition première de la matière. Le mot ici employé, rwy, 'âsâli, n’a évidemment point la même portée. Il signifie tout au plus faire, et nous n’avons point le droit d’en exagérer ni d’en altérer le sens. — Concluons de ce qui précède, d’une part, que le soleil ne fut point le premier foyer de lumière qui éclaira la terre ; d’autre part, que son disque ne fut visible que fort tard, longtemps sans doute après que déjà il remplissait son rôle actuel : double raison pour que l'écrivain sacré ait pu, ait dû même, en dépit des railleurs

du siècle dernier, mentionner son apparition longtemps après celle de la lumière.

S" jour. — Le premier jour, en y joignant l'époque qui précéda l’apparition de la lumière, dut être d’une immense durée. On peut considérer cette époque comme s'étendant de la création même des éléments de la matière à l’instant où l'écorce terrestre commença à se former. Elle comprend donc tout le t.mps pendant lequel la lerre resta à l'état gazeux. Quant au second jour, il s'étendra de la formation de l'écorce solide à l'émersion dea continents, et comprendra non seulement l'âge azoïque des géologues, mais encore tout au moins la période cambrienne, la première des temps géologiques ; car il y a tout lieu de croire que les continents n’existaient point encore à cette époque. Du moins les règnes animal et végétal ne nous ont-ils livré jusqu’ici aucun fossile nettement terrestre qui date de ces temps reculés. On

du globe un rôle qui peut intéresser la science, mais non p le commun des hommes. 3° jour. — Jusqu’ici les eaux couvraient la face entière de la terre encore dépourvue de ride sensible. Mais voilà que les montagnes et les plateaux vont surgir et permettre à la vie, jusque-là reléguée au fond des mers, de se développer sur la terre ferme. L'écorce terrestre s’est épaissie. Pour continuer de reposer sur le noyau liquide, qui a diminué de volume, elle se plisse, et ces plissements forment les montagnes. C’est l’apparition des continents, qui inaugure la troisième partie de l'œuvre créatrice. Sur ces terres fraîchement émergées se développe à la faveur de l’humidité, de la chaleur et d’une atmosphère toujours saturée de carbone et de vapeur d’eau, la luxuriante végétation qui caractérise la période carbonifère. Ici donc encore rien que de rationnel et de conforme aux enseignements de la science. Le trait domi 376. — Mastodonte.

peut même, ce semble, en dire autant de la première partie de la période silurienne.

Quoi qu’il en soit, le second jour, nous dit la Bible, les eaux qui étaient en haut se séparèrent de celles qui étaient en bas. Qu’est-ce que cela veut dire, sinon que l’eau maintenue jusque-là à l'état de vapeur par la chaleur intense qui se dégageait du globe non encore solidifié se condensa alors en partie ? En cela rien que de conforme aux données de la science. En même temps que l'écorce terrestre s'épaissit et se refroidit, la vapeur d’eau doit évidemment se condenser, et en se condensant former autour du globe une masse liquide continue ; car s’il y a çà et là des inégalités du sol comme on en rencontre sur les laves volcaniques refroidies, il n’y a point encore d’aspérités qui puissent mériter le nom de montagnes. Toutefois la température est toujours assez élevée pour qu’une partie des vapeurs reste encore pour longtemps à l'état de nuages dans les hauteurs des cieux. C’est vraiment la séparation des eaux d’avec les eaux dont parle l'écrivain sacré ; c’est la formation de l’atmosphère ou du firmament, pour nous servir de l’expression consacrée par la Vulgate. — Cependant les eaux . se refroidissent peu à peu et permettent à la vie de se développer au fond des mers sous les formes les plus humbles. C’est le commencement de Yépoque primaire. Si la Bible ne nous dit rien de ces premiers êtres, c’est qu’ensevelis au fond des eaux ils ont joué dans l’histoire

nant de l'époque primaire, comme celui du troisième jour génésiaque, c’est, après la formation des continents, le développement de la végétation, qui jamais à aucune autre époque n’a atteint une pareille exubérance. Si vraiment l'écrivain sacré s’est proposé de saisir la caractéristique de chacun des jours de la création, de noter en deux mots ce qui eût frappé par-dessus tout le spectateur qui eût assisté à la lente formation du monde, c’est bien des plantes et des plantes seules qu’il devait nous entretenir après avoir signalé l'émersion des premiers continents. Sans doute la vie végétale n’existait pas seule à cette époque. Des animaux d’un ordre inférieur, des mollusques, des crustacés, quelques vertébrés même de la classe des poissons, vivaient concurremment ; mais, ensevelie au fond des eaux, ces êtres passaient en quelque sorte inaperçus au milieu de l’abondante végétation houillère. C’est donc à tort que certains exégètes ont invoqué ce silence de l’auteur inspiré pour se refuser à identifier la période carbonifère avec le troisième jour de la création. Leur objection aurait peut-être quelque valeur, si Moïse attribuait à une autre époque l’apparition des poissons ; mais il ne le fait pas. Il n’en fait pas même mention au cinquième jour. Les animaux aquatiques qu’il signale à cette date ne sont pas des poissons, mais des monstres marins et des reptiles aux formes grandioses et bizarres. Nouvelle preuve que l'écrivain inspiré se contente de signaler à chaque époque ce qui en constitue

pour la masse des hommes le trait saillant et caractéristique ; or ce qui constitue pour tout le monde, même pour les savants, le trait caractéristique de l'époque primaire, c’est évidemment sa végétation. À côté du spectacle grandiose qu’elle présente, les humbles poissons qui nageaient dans les mers de l'époque peuvent passer inaperçus.

4° jour. — L'événement rapporté à cette date par l'écrivain sacré, l’apparition du soleil, de la lune et des étoiles, ne relève point de la géologie et échappe à peu près au contrôle scientifique. Il est conforme cependant aux données de la science. Il est tout naturel, en effet, que l’air épuré par l’abondante végétation de l'époque précédente ait permis aux rayons lumineux émanés des astres de pénétrer pour la première fois jusqu'à notre planète. Ce n’est donc plus seulement une lumière diffuse que reçoit la terre à partir de ce moment ; désormais le soleil, la lune et les étoiles seront visibles, au moins par intervalles. C’est sans doute dans ce sens, bien plutôt, nous l’avons dit, que dans le sens d’une création véritable, qu’il faut prendre le texte sacré. Il serait contraire aux vraisemblances scientifiques que tous les astres eussent été créés en même temps et à cette époque tardive. Aussi, on l’a vu ci-dessus, la Genèse ne nous parlet-elle nullement d’une création. Le mot bârâ', « créer, » qui n’a encore été employé qu’une fois, à propos de l’apparition première de la matière, ne le sera plus qu'à propos des animaux et de l’homme ; ce qui est encore conforme aux exigences d’une saine philosophie.

Le quatrième jour génésiaque n’a pas dû avoir une durée aussi considérable que les précédents. On ne peut le placer géologiquement qu’entre la période carbonifère et l'époque secondaire, qui correspondent visiblement l’une au troisième jour, l’autre au cinquième jour biblique. De fait, l’unique événement auquel il est consacré, l’apparition des astres, a dû être presque instantané : une déchirure produite dans les nuées épaisses qui voilaient le ciel a suffi pour révéler aux êtres terrestres, encore si infimes, les merveilles célestes. Toutefois un temps considérable a dû s'écouler avant que ce spectacle, d’abord exceptionnel et très rare, fût offert presque constamment à la terre, et ce temps, qui constitue le quatrième jour, peut être identifié avec la période permienne, la dernière de l'époque primaire. La végétation carbonifère, qui se continuait alors, il est vrai, avec moins d’exubérance, dut avoir pour résultat d’achever d'épurer l’atmosphère en même temps que de préparer la venue des animaux à respiration pulmonaire.

5e jour. — L'œuvre de ce jour est double ; elle consiste dans la création successive des reptiles aquatiques et des oiseaux. Chose remarquable, ce sont ces mêmes animaux que nous présente dans le même ordre l'époque secondaire de la géologie. Dès la période triasique, qui en constitue la première partie, nous voyons apparaître divers reptiles de l’ordre des « sauriens nageurs ». De Lapparent, Traité de géologie, 2e édit., in-8°, Paris, 1885, p. 878. Toutefois les plus monstrueux de ces reptiles, tels que l’ichthyosaure (fig. 368), par exemple, n’apparaissent que plus tard, à l'époque jurassique. Quant aux oiseaux, on n’a guère trouvé leurs débris ou leurs empreintes que dans les terrains crétacés, c’està-dire à la partie supérieure des couches secondaires. Ils n’y sont pas très nombreux, il est vrai ; mais ils ne le sont pas davantage aux époques suivantes. Cette rareté relative tient sans doute à la délicatesse de leurs ossements, qui n’ont guère pu résister à l’action destructive du temps. Elle tient aussi, suivant Pictet, Traité . de paléontologie, in-8°, Paris, 1853, t. i, p. M2, à leur pesanteur spécifique, qui, inférieure à celle de l’eau, les a dérobés à la fossilisation en les faisant surnager en cas d’inondation, et en les offrant ainsi à la voracité des poissons et des autres animaux carnassiers. Il convient du reste d’observer que le mot hébreu *py, 'ôf, ici employé et généralement traduit par « oiseau », n’a point cepen dant exclusivement ce sens ; il signifie « être volant », et peut s’appliquer par conséquent aux reptiles ailés, tels que le ptérodactyle (fig. 370) et le ramphorhijnchus (fig. 371), aussi bien qu’aux oiseaux proprement dits.

La même observation s’applique plus rigoureusement encore aux poissons, dont il est d’usage de rapporter la création au cinquième jour. En réalité, il n’est pas question de poissons à cette date, mais seulement de monstres marins et d’animaux qui rampent dans l’eau. Aussi n’estce point par ses poissons, mais bien par ses monstres marins et ses reptiles aquatiques, que l'époque géologique dite secondaire se fait remarquer. C’est au point qu’on l’a appelée 1' « âge des reptiles ». Mais, chose à laquelle on n’a point jusqu’ici fait suffisamment attention, ces reptiles sont tous ou presque tous plus ou moins aquatiques. Des divers ordres qui composent cette classe, un seul, celui des ophidiens (serpents), a des mœurs à peu près exclusivement terrestres ; aussi n’est-il point représenté à l'époque secondaire, tandis que les autres abondent dans les terrains de cet âge.

Il semble donc que tous les reptiles secondaires hantaient les mers, les lacs ou Jes rivières : ce qui est en conformité avec le récit biblique, qui fait du cinquième jour l'ère des animaux aquatiques. Observons toutefois que si l’on venait à constater parmi ces reptiles quelques espèces terrestres, la véracité de l'écrivain sacré n’aurait point à en souffrir. Il resterait toujours vrai que les monstres marins et les reptiles aquatiques ont constitué, avant et avec les oiseaux, le trait saillant du cinquième jour, et nous aurions mauvaise grâce à demander à un écrivain qui s’en tient aux grandes lignes de signaler de si minimes exceptions.

6e jour. — La sixième et dernière partie de l'œuvre créatrice correspond sans nul doute à l'époque tertiaire des géologues. D’après la Bible comme d’après la science, cette époque est par excellence l'âge des animaux terrestres. Sans doute parmi les mammifères alors si nombreux, il existe quelques espèces qui, comme nos cétacés actuels, vivaient dans la mer ; mais, outre qu’elles ne font que continuer le groupe des animaux aquatiques apparus à l'époque précédente, elles sont relativement rares, surtout si l’on tient compte de la facilité avec laquelle leurs débris ont dû se conserver au fond des eaux. Ce qui domine dans cette faune tertiaire, ce sont avant tout les pachydermes et les ruminants. Ce sont eux qui ont donné à cette époque sa physionomie propre, et il était tout naturel qu’un écrivain qui néglige les détails et n’a aucune prétention scientifique concentrât sur elle son attention. Nous ne prendrons pas la peine de les énumérer. Pour avoir une idée de leur importance et de leur variété, il suffit de jeter les yeux sur un traité quelconque de géologie.

Mais une œuvre plus importante encore est attribuée au sixième jour : l’homme est créé. Cette fois il s’agit bien d’une création véritable. L’expression employée est ce mot bârâ', qui signifie « tirer du néant », et que nous n’avons encore rencontré que deux fois, à propos de l’apparition de la matière et de la venue du premier animal : double circonstance où la saine raison, appuyée sur la science, réclame, en effet, l’intervention créatrice de Dieu.

Une petite difficulté se présente au sujet de l’identification du sixième jour génésiaque avec l'époque tertiaire. La Bible rattache la création de l’homme au sixième jour, ] tandis que la géologie ne nous montre l’homme qu'à i l'époque quaternaire. — Nous pourrions répondre que | certains savants ont prétendu trouver dans les terrains. | tertiaires des preuves manifestes de l’existence de notre 1 espèce ; mais leur opinion est aujourd’hui presque unanimement rejetée. Voir Adam, t. i, col. 196. Il nous suffira d’observer, en réponse à cette objection, que l'époque quaternaire a été séparée arbitrairement et sans raison suffisante de l'époque précédente. Elle en est si peu distincte

et a de si faibles titres à être mise sur le même pied que les grandes époques géologiques, que les savants anglais en ont fait une simple annexe de la période pliocène, la dernière des temps tertiaires, et l’ont appelée pour ce motif postpliocène.

L’accord si remarquable que nous venons de constater entre la cosmogonie biblique et l’enseignement de la science a frappé, nous l’avons déjà dit, beaucoup de savants. La suite chronologique des événements est exactement la même de part et d’autre, observe un Allemand, Pfaff, dans sa Schôpfungsgeschichte, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1877, p. 741. « Le chaos primitif ; la terre couverte d’abord parles eaux, émergeant ensuite ; la formation du règne inorganique suivie du règne végétal, puis du règne animal, qui a pour premiers représentants les animaux vivant dans l’eau, et après eux les animaux terrestres ; l’homme apparaissant le dernier de tous : telle est bien la véritable succession des êtres ; telles sont bien les diverses périodes de l’histoire de la création, périodes désignées sous le nom de jours. » En face d’un pareil accord on est tenté de s'écrier avec Ampère : « Ou Moïse avait dans les sciences une instruction aussi profonde que celle de notre siècle, ou il était inspiré. »

Le tableau ci-dessous résume ce que nous venons de dire sur la manière dont nous comprenons l’identification des deux cosmogonies scientifique et biblique :

traduit de la sorte, a un sens plus large encore. Nous en trouvons la preuve dans la Bible elle-même, qui l’emploie souvent dans un sens figuré. Voir notamment Gen., il, 4 ; Exod., x, 6 ; Lev., vii, 35 ; Num., vii, 10 ; Deut., IX, 24. On se demande du reste pourquoi les trois premiers jours eussent été des jours de vingt-quatre heures. C’est, en effet, le soleil qui règle la durée dé nos jours ordinaires ; or, d’après l’interprétation commune, il n’existait point encore à cette époque. Mais si ces premiers jours n'étaient pas de vingtquatre heures, pourquoi les suivants le seraient-ils ?

Il est d’usage d’invoquer la tradition à rencontre du système concordiste. Les Pères et les docteurs de l'Église ont toujours, nous dit-on, pris le mot jour de la Genèse dans son sens littéral. Nous répondrons qu’il y a à cette règle de nombreuses et imposantes exceptions. Saint Augustin, saint Thomas et bien d’autres sont du nombre. Voir Vigouroux, La cosmogonie mosaïque d’après les Pères de l'Église, dans les Mélanges bibliques, 2e édft., 1889, p. 95-101 ; Motais, Origines du monde d’après la tradition, 1888. Nous pouvons ajouter que si la tradition chrétienne est divisée à cet égard, la tradition païenne ne l’est guère. Les Phéniciens, les Perses, les Hindous, les Chaldéens, les Étrusques, etc., ont cru à la division de la création en périodes et généralement en six périodes de longue durée. N’est-ce pas nous dire qu’il faut entendre

CONCORDANCE DES DEUX COSMOGONIES

1° SCIENTIFIQUE

ÉPOQUES

Cosmique. Azoïque..

Primaire..

Secondaire..

Tertiaire. … Quaternaire..

PERIODES

Id. Id.

i :

cambrienne.

silurienne

dévonienne. carbonifère.

permienne.. triasique… jurassique.. crétacée… éocène… miocène… pliocène… postpliocène.

inférieure. supérieure.

2° BIBLIQUE

Premier jour.. Deuxième jour.

Troisième jour. Quatrième jour. Cinquième jour

Sixième jour..

)

CARACTÈRES COMMUNS

| Création de la matière à l'état gazeux.

} Apparition de la lumière.

j Transformation d’une partie des va > peurs en eaux qui entourent la terre

) entière ; formation de l’atmosphère.

I Émersion des continents.

| Règne des plantes.

| Apparition des astres.

i Règne des monstres marins, des reptiles aquatiques et des oiseaux.

Règne des animaux terrestres. Création de l’homme.

V. Systèmes concordiste, restitutionniste et idéaliste. — 1° Système concordiste. — L’opinion qui voit dans le premier chapitre de la Genèse une page d’histoire et cherche à la mettre d’accord avec les données scientifiques, comme nous venons de le faire, a reçu le nom de système concordiste ou de système des jourspériodes. Ce dernier nom lui vient de ce que, dans les jours de la Genèse, elle voit non des jours ordinaires, mais des périodes ou des époques d’une durée indéterminée.

Que le mot jour puisse être compris de la sorte, il n’est guère permis d’en douter. Même en français, ce mot est pris parfois dans le sens métaphorique avec une signification analogue ; mais le mot hébreu dv, yôm, qu’on

dans le même sens le mot équivoque employé par l’auteur de la Genèse ? On peut croire que Moïse a employé à dessein un mot qui signifiât à la fois jour de vingtquatre heures et longue période. En tout cas, il n’est pas douteux qu’il se soit proposé de faire de cette semaine divine le symbole et le type de la semaine ordinaire, qui, elle, est véritablement composée de jours de vingt-quatre heures. On comprend donc qu’il ait employé de préférence un mot qui ait les deux sens, lors même qu’il en aurait eu à sa disposition un autre plus précis : ce qui est plus que douteux. Pour toutes ces raisons que nous ne pouvons qu’indiquer, il est évidemment loisible aux exégètes de voir dans les jours de la Genèse des périodes d’une longue durée.

2° Système rest-ilutionniste. — Les commentateurs qui au début du siècle eurent à expliquer la Genèse conformément aux enseignements de la géologie naissante hésitèrent d’abord à attribuer au jour un sens différent du sens littéral, auquel ils étaient habitués. Ils préférèrent placer en dehors de la cosmogonie biblique, entre la création et le premier jour, la longue série des âges géologiques. D’après eux, après les millions d’années exigés par la science pour l'évolution de notre planète et la formation des couches terrestres, un cataclysme serait survenu. Toute vie eût été anéantie sur la terre, et le Créateur aurait repris son œuvre cette fois en six jours de vingtquatre heures, conformément au dire de l'écrivain sacré.

— Cette théorie, qui porte le nom de l’Anglais Buckland et est encore appelée restitutionniste ou de restauration, est aujourd’hui presque totalement abandonnée, pour des motifs qu’on peut réduire à trois. 1° Il est difficile de se faire une idée d’un cataclysme qui ait bouleversé la terre au point d’anéantir plantes et animaux, de faire disparaître jusqu'à la lumière et de réduire notre globe à l'état exprimé par le terra inanis et vacua de Moïse. — 2° Il répugne d’admettre que Dieu, qui avait mis des siècles Bans nombre à organiser une première fois le monde, eût procédé une seconde fois par jours de vingt-quatre heures.

— 3° Enfin la géologie ne nous présente nulle part et à aucune époque de traces du cataclysme supposé. Elle contredit même cette hypothèse de la façon la plus formelle ; car si elle nous montre des modifications dans la faune et dans la flore des temps géologiques, ces modifications s’effectuent lentement. Nulle part il n’y a d’interruption absolue dans la vie végétale et animale. Plantes et animaux passent toujours en partie d’une époque à la suivante, montrant ainsi qu’il n’y a point eu d’anéantissement complet dans l’intervalle. — Donc, au point de vue scientifique comme au point de vue rationnel, le système restitutionniste est inadmissible.

3° Système idéaliste. — Il en est un autre, qui compte un plus grand nombre d’adhérents ; c’est le système idéaliste. Il consiste à nier le caractère historique du récit génésiaque de la création. Moïse n’a point eu, nous dit-on, l’intention de raconter scientifiquement l’origine du monde. Son but était de donner au peuple hébreu un enseignement religieux qui lui apprit l’existence d’un Dieu créateur et les devoirs qu’il avait à remplir vis-àvis de Dieu. C'étaient donc des vérités de l’ordre philosophique et moral qu’il voulait leur imprimer dans l’esprit. Mais il ne les présenta pas sous la forme didactique, que le peuple saisit difficilement et qui est spécialement en opposition avec l’esprit des Orientaux ; il eut recours à une mise en scène. Prenant tour à tour ce que les Israélites avaient sous les yeux, il représenta Dieu créant tout cela : le ciel et la terre, l’herbe des champs, les plantes que l’on sème, les arbres, les animaux qui vivent dans l’eau, sur la terre, dans les airs, le soleil qui nous éclaire le jour, la lune qui brille pendant la nuit, enfin l’homme lui-même. Puis, comme il avait une loi positive à établir, la loi du repos sabbatique, il distribua dans les six jours de travail d’une semaine les œuvres de la création. Il est bien probable qu’il ne s’est jamais demandé combien il avait fallu de temps à Dieu pour créer le monde. Cette question de pure curiosité ne l’occupe point. Ce qu’il veut, c’est donner à son peuple le seul enseignement qui put lui convenir, un enseignement religieux.

Ce système n’est point celui que nous adoptons. Nos préférences sont pour le système concordiste, et la meilleure raison que nous puissions en donner consiste dans l’admirable exactitude que nous avons constatée au point de vue scientifique dans le récit biblique de la création. En se refusant à admettre le caractère historique de ce récit, les partisans de l’idéalisme se privent volontairement d’un grave argument à l’appui de l’inspiration de nos Livres Saints ; car l’accord sur lequel ils s’obstinent à

fermer les yeux ne nous semble pas pouvoir être l’effet du hasard. N’est-ce pas une chose étonnante que les trois seuls jours génésiaques qui puissent être contrôlés par la géologie, le troisième, le cinquième et sixième, correspondent précisément, quant aux caractères qui leur sont attribués, aux trois grandes époques géologiques ? Qui donc aussi avait pu apprendre à Moïse que le monde avait commencé par le chaos ? que la matière était à l’origine dans un état de ténuité telle qu’elle échappait, pour ainsi dire, à la vue, âôpaTo ; x « t àxaraoTte’jaffTo ; , invisibilis et incomposita ? que plus tard l’eau recouvrit toute la surface du globe ? que les animaux aquatiques apparurent sur la terre à la même époque que les « volatiles » et précédèrent les animaux terrestres ? enfin que la lumière précéda l’apparition du soleil ? L'écrivain sacré eût-il songé à ce dernier, trait, s’il n’avait eu d’autre guide que sa raison ? Les prétendues contradictions qu’on a signalées entre la cosmogonie biblique et l’enseignement scientifique n’ont pas la moindre réalité. Quiconque s’en tient aux enseignements certains de la géologie, et, d’un autre côté, sait faire la part de l’image et de la métaphore, qui' jouent un si grand rôle dans le langage oriental, est obligé de' reconnaître l’accord frappant des deux ordres de connaissances. — On répète sans cesse que la Bible ne fait pas de science. C’est vrai ; mais s’ensuit-il qu’elle puisse se tromper sur les faits qui touchent à la science ? On n’oserait sans doute le soutenir. Concluons donc que si la répartition des œuvres de la création en six jours ou périodes peut être considérée comme arbitraire, elle se présente du moins dans l’ordre chronologique.

VI. Bibliographie. — Vigouroux, Manuel biblique, 9= édit., t. i, n » s 263-277, p. 448-501 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, p. 235-265 ; Id., La cosmogonie mosaïque d’après les Pères, dans les Mélanges bibliques, 2e édit., p. 11-122 ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses, in-8°, Paris, 1890, t. i, p. 24-90 ; Duilhé de Saint-Projet, Apologie scientifique de la foi chrétienne, 3e édit., in-12, Paris, 1890, p. 90-110 et 131-152 ; A. Arduin, La religion en face de la science, 3 in-8°, Lyon, 1877-1883 ; Jean d’Estienne (de Kirwan), Comment s’est formé l’univers, 2e édit., in-8°, Paris, 1882 ; J. Fabre d’Envieu, Les origines de la terre et de l’homme, in-8°, Paris, 1873 ; La terre et le récit biblique de la création, in-8°, Paris, 1874 ; Marin de Carranrais, Études sur les origines, in-8°, Paris, 1876, p. 329-500 ; Moigno, Les Livres Saints et la science, 1884, p. 74-130 ; Les splendeurs de la foi, t. ii, chap. m ; Motais, Mo’ise, la science et l’exégèse, in-12, Paris, 1882 ; Origine du monde d’après la tradition, in-12, Paris, 1888 ; Lavaud de Lestrade, Accord de la science avec le premier chapitre de la Genèse, 2e édit., in-12, Paris, 1885 ; Molloy, Géologie et révélation, in-8°, Paris, 1890, p. 342-407 et 456-469 ; Hamard, L’origine du monde, dans La Controverse et le Contemporain, novembre 1885 ; M. Faye et le système cosmogonique de Laplace, dans le Cosmos, 29 mars et 19 avril 1886 ; J. Mir, La création, in-8°, Madrid, 1890 ; Xavier de Fourvières, La creacioun dou moundo, 2 in-8°, Avignon, 1891 (Conférences sur la création du monde, exposant le système concordiste, en langue provençale, avec traduction française) ; C. Braun, S. J., Ueber Kosmogonie vom Standpunct christlicher Wissenschaft, in-8°, Munster, 1895 ; J. Guibert, Les origines, in-8°, Paris, 1896 ; 5e édit. 1908. P. Hamard.

    1. COSTER François##

COSTER François, jésuite belge, né à Malines le 16 juin 1532, mort à Bruxelles le 6 décembre 1619. Reçu au noviciat de la Compagnie de Jésus par saint Ignace, le 7 novembre 1552, il fut envoyé à Cologne pour y expliquer l'Écriture Sainte et enseigner l’astronomie, et y prit le grade de docteur en théologie. Il fut recteur des collèges de Bruges et de Douai, deux fois provincial de Bel

gique et une fois de la province du Rhin. Ses ouvrages ascétiques et surtout ses controverses avec les réformés de Hollande lui ont acquis une certaine réputation. On a de lui : Het niev Testament onser Herren Jesu Christi met uytlegghingen, in-f°, Anvers, 1614. Ce sont des annotations sur le Nouveau Testament.

C. SOMMERVOGEL.

CÔTE D’ADAM. Voir t. i, col. 174.

COTON. Hébreu : karpas ; Septante : xapitao-îvoc, adjectif de xâprataoç ; Vulgate : carbasinus.

I. Description. — La matière textile blanche ou jaunâtre et soyeuse, connue sous le nom de coton, est formée par les poils longs et contournés qui recouvrent la graine de plusieurs plantes nommées cotonniers. Ce sont

S77. — Qossypium herbaceum.

des herbes vivaces ou des arbrisseaux de la famille des Malvacées, à feuilles alternes, portées sur de longs pétioles, et profondément lobées sur le pourtour du limbe. La fleur est renfermée avant l'épanouissement dans un calicule à trois folioles, Le calice, plus court, a cinq sépales soudés ; les pétales, larges et contournés dans le bouton, sont jaunes avec des nuances pourprées. Le tube des étamines recouvre le style jusqu’au sommet. Le fruit mûr est une capsule à trois ou cinq loges s’ouvrant par autant de valves pour laisser échapper les graines très nombreuses. Les cotonniers de l’ancien monde sont les plus importants du genre ; il faut noter surtout le Gossypium herbaceum (fig. 377), originaire de l’Egypte et de l’Arabie, où il est récolté et cultivé de temps immémorial. Sa tige peut s'élever à plus d’un mètre, et devenir même ligneuse sous les climats plus chauds. Celui de l’Inde, Gossypium arborescens (fig. 378), exige une température plus élevée et forme un arbrisseau atteignant cinq à six mètres de haut. F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Le karpas n’est mentionné dans l'Écriture qu’en une seule circonstance ; c’est dans la description de la salle du festin préparé par Xerxès à l’entrée de ses jardins. Estli., i, 6. « Des tentures blanches de coton, hûr karpas, et de pourpre violette étaient attachées par des cordons de lin blanc et de pourpre à des anneaux d’argent et à des colonnes de marbre. »

Karpas n’est pas un mot hébreu, mais un nom perse, kirbas, karfas, emprunté lui - même aux langues d& l’Inde : en sanscrit, le cotonnier s’appelle kârpâsâ. Ce sont les Phéniciens qui de l’Inde ou de la Perse ont passéce mot aux Grecs, A. W. Schlegel, Indische Bibliothek, t. ii, Bonn, 1827, p. 393, et de là il est venu chez lesLatins, carbasus. Daremberg et Saglio, Dictionnaire de » antiquités grecques et romaines, in-4°, Paris, t. i, p. 915. Le sens de ce mot karpas est donc nettement déterminé par la comparaison avec le nom du coton dans ces diverses langues. C. Ritter, Ueber die geographische Verbreitung der Baumwolle, in-4o, Berlin, 1852, p. 11-14. Le rôle que jouaient les tentures dans la décoration de la salle du festin, et qui a frappé l’auteur du livre d’Esther, est bien un usage persan. « Par la symétrie et l’ampleur de leurs plis, par l'élégance de leurs franges et deleurs glands, par les heureuses combinaisons de lignes ;

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378. — Gossypium arborescens.

et de couleurs qu’elles présentaient, elles achevaient de donner à l'édifice royal cette diversité pittoresque, cet air de profusion grandiose et d’incomparable richesse qui paraissent avoir été les caractères dominants de l’architecture perse. » Perrot, Histoire de l’art, t. v, p. 452. Le blanc et le violet, couleurs dominantes de ces tentures, sont, d’après Quinte-Curce, VI, vi, iv, les couleurs royales des Perses. Cf. Duncker, Geschichte des Alterthums, 3e édit., 1867, t. ii, p. 891, 952.

2° On a souvent discuté pour savoir si le ses d’Egypte, Ezech., xxvii, 7, et le 6ms de Syrie, Ezech., xxvii, 16 (dans les Septante et la Vulgate : fiiWoç, byssus) étaient des étoffes de coton ou de lin. Il est certain que les Égyptiens connaissaient le cotonnier et le cultivaient. Pline, H. N., xix, 2, 6 ; G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, in-8o, Leipzig, 1872, p. 478-479. Des tissus de coton et des graines de cette plante ont été trouvés dans les tombeaux. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., 1892, p. 105. Les Hébreux ont donc pu connaître le colon très anciennement ; mais nous ne savons par quel nom, ils le désignaient, à moins qu’ils ne l’aient compris sous le même nom que le liii, bûs ou Ses. Plus d’un écrivain grec, surtout postérieur à Pausanias, emploie le mot f)ùo-<ro{ pour désigner également la toile de lin et celle de coton. Les anciens n’ont pas toujours distingué assez nettement ces deux produits. Voir Lin. E. Levesque.

    1. COTTE DE MAILLES##

COTTE DE MAILLES (Septante : eûpctÇ àXv<nS(ù-rtfc ; Vulgate : lorica concatenata). Parmi les armes défensives des soldats d’Antiochus, la Bible mentionne la cotte

de mailles. Les soldats placés sur les éléphants étaient Te810pax[U[i.£voi Iv i).Uff18wioï ; , in loricis concatenatis. I Mach., vi, 35. La cotte de mailles était une sorte de tunique formée de chaînons de métal attachés les uns aux autres. Elle facilitait les mouvements par sa souplesse, et en même temps offrait une résistance presque aussi grande que la cuirasse aux coups des armes offensives. Les Septante emploient le même mot pour traduire

379.— Cotte de mailles gauloise sur un bas-relief de Pergame. D’après une photographie.

l’hébreu Siryôn qaiqaSHm, dans la description des armes du Philistin Goliath. I Reg. (Sam.), xvii, 5. Josèphe, Ant. jud., VII, xii, 1, dit aussi que le géant Philistin Acmon portait une cotte de mailles. L’expression hébraïque signifie une cuirasse faite d'écaillés de métal, et la Vulgate traduit exactement lorica squamata. Cette

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380. — Débris d’une cotte de mailles romaine trouvée à Mayence. D’après Lindenschmidt, Die Alterthilmer umerer heidnischen Yorzeit, t. i, xii, pi. 4, n° 4.

cuirasse s’appelait en grec 8u>paE XsjhSwtôî. Voir Cuirasse. La cotte de mailles à chaînons était inconnue des Égyptiens et des Assyriens, qui ne portaient que la cuirasse d'écaillés ou de peau. La forme de ces cuirasses, qui avaient des manches, a fait que certains auteurs les ont appelées improprement cottes de mailles. Les Grecs avaient également des cuirasses de peau ou des cuirasses faites de deux larges plaques métalliques ; les soldats d’Antiochus, armés de cottes de mailles, devaient donc appartenir à quelque peuplade barbare. Celles qui Sont représentées sur un bas-relief de Pergame sont des vêtements gaulois


(fig. 379). R. Bohn, Dos Heiligthum der Athena Polias Nikephoros ; AUei tïtmer von Pergamon, t. ii, in-f°, Berlin, 1885, pi. 44, 46. Cf. Baumeister, Denkmàler des classischen Altertums, in-4°, Munich, 1887, p. 1282 et 2041, fig. 1433 et 2231. — Les Celtes et les Lusitaniens connaissaient la cotte de mailles. Diodore de Sicile, v, 30 ; Strabon, III, iv, 6. Les Romains la leur empruntèrent, Varron, De lingua latin., v, 116, et à l'époque de Polybe, les citoyens de la première classe commencèrent à s’en revêtir. Polybe, VI, xxiii, 15 ; XXXI, ni, 3. Cf. Athénée, v, 22. La cotte de mailles romaine s’appelait lorica hamata (fig. 380). Sous l’empire, les monuments ne la montrent portée que par les prétoriens et par les officiers. L. Lindenschmit, Die Alterthïimer umerer heidnischen Vorzeit, in-4°, Mayence, 1858-1871, t. i, iv, pi. 6 ; xii, pi. 4 ; "W. Kroehner, La colonne Trajane, in-f°, Paris, 1872, pi. 71.

    1. COTTONIANUS##

COTTONIANUS (CODEX). Ce manuscrit de la Bible grecque appartient au British Muséum, à Londres, où il est coté Otho B vi. L'écriture est onciale, d’une main du ve ou du VIe siècle : une colonne par page, chaque colonne comptant 26-28 lignes. Les initiales sont très grandes et dans la marge. Ni esprits ni accents, ponctuation par points simples, parchemin d’une finesse moyenne. De ce manuscrit, qui a compté 165 feuillets et 250 miniatures, il subsiste 149 morceaux lacérés et souvent illisibles. Offert à Henri VIII par des évêques grecs, il passa des mains de la reine Elisabeth aux mains de lord Arundel, puis de sir John Cotton, dont la bibliothèque fut nationalisée en 1700 : transportée à Ashburnam House, un incendie la dévorait le 23 octobre 1731. Notre Codex Cottonianus n’y périt point entièrement : on en sauva dix-huit feuillets, qui furent déposés au British Muséum, trois ou quatre autres ont été retrouvés au Baptist Collège de Bristol. Mais avant l’incendie il avait été collationné, et fort soigneusement, parGrabe, dont la collation a été publiée par Owen : Collatio Cod. Cottoniani Geneseos cum editione romana, Londres, 1778. Il contenait alors le texte intégral de la Genèse, moins les premiers versets et les derniers. Les fragments du British Muséum ont été publiés par Tischendorf, Monumental sacra inedita, t. ii, Leipzig, 1857, p. 95-176, et la publication de Tischendorf complétée par Gotch, Supplément to the Tischendorf s Eeliquise, Londres, 1881, qui a pu reproduire les fragments de Bristol. M. Omont a retrouvé la copie figurée de trois feuillets perdus dans les papiers de Peiresc, copies exécutées au XVIIe siècle pour cet érudit : Fragments du manuscrit de la Genèse de R. Cotton, dans les Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, t. lui, 1894, p. 163172. H. B. Swele, The Old Testament in Greek, Cambridge, 1887, t. i, p. xxm-xxv ; E. M. Thompson, Catalogue of ancient manuscripts in the British Muséum, Londres, 1881, t. i, p. 20-21. P. Batiffol.

COU (Hébreu : savvâ'r, de sûr, « tourner » [d’où le diminutif savvârôn, « ornement de cou, » Cant., iv, 9] ; Septante : Tpi-/n]Xo ;  ; Vulgate : collum ; 'ôréf, la partie postérieure du cou, la nuque : of ôvoVao ; , la vertèbre cervicale, et vwtoç, le dos ; cervix), partie du corps qui réunit la tête au tronc. La Sainte Écriture parle assez souvent du cou de l’homme ou des animaux tantôt dans le sens littéral, tantôt dans des sens métaphoriques.

I. Dans le sens littéral. — 1° Le cou des animaux. — On retourne celui des oiseaux dans les sacrifices. Lev., i, 15 ; v, 8. On met des ornements au cou des chameaux. Jud., viii, 21. Le hennissement agite le cou du cheval. Job, xxxix, 19. La force du crocodile est dans son cou. Job, xli, 13 (hébreu, 14). Dans les chérubins d'Ézéchiel, x, 10, le cou, comme tout le corps, est plein d’yeux, c’est-à-dire de facettes brillantes.

2° Le cou de l’homme. — Rébecca couvre le cou de Jacob avec la peau du chevreau. Gen., xxvii, 16. L'époux

II. - 34

du Cantique, i, 9 ; iv, 4, 9 ; vii, 4, célèbre la beauté du cou de l'épouse. C’est le cou qui porte les parures et les colliers. Gen., xii, 42 ; Jud., v, 30 ; Prov., i, 9 ; Eccli., yi, 25 ; Ezech., xvi, 11 ; Dan., v, 7, 16, 29. Il reçoit la charge des fardeaux, du joug et des chaînes. Gen., xxvji, 40 ; Lev., xxvi, 13 ; Deut., xxviii, 48 ; II Esdr., m, 5 ; Eccli., xxxiii, 27 ; ii, 34 ; Is., x, 27 ; lii, 2 ; Jer., xxvii, 2, 8, 12 ; xxvrn, 10-12, 14 ; xxx, 8 ; xlviii, 39 ; Lam., i, 14 ; v, 5 ; Os., x, 11 ; Mich., ii, 3 ; Act., xv, 10.

— On saisit l’ennemi en le prenant au collet. Gen. xux, 8 ; Job, xvi, 13 ; II Par., xxiii, 15. On met le pied sur le cou du vaincu. Deut., xxxiii, 29 ; Jos., x, 24 ; Bar., iv, 25. On brise le cou, Ps. cxxvin (cxxix), 4 ; on y attache une meule de moulin pour faire périr quelqu’un dans l’eau, Matth., xviii, 6 ; Marc, ix, 41 ; Luc, xvii, 2 ; on pend par le cou, I Mach., i, 64 ; on le coupe, Ezech., xxi, 29 ; II Par., xviii, 33 ; Judith, xiii, 10 ; xvi, 11, ou enfin on le donne soi-même à couper. Rom., xvi, 4. En signe de clémence, Assuérus touche de son sceptre d’or le cou d’Eslher, xv, 15. On tombe au cou de quelqu’un pour l’embrasser, Gen., xxxiii, 4 ; xlv, 14 ; xlvi, 29 ; Luc, xv, 20 ; Act., XX, 37, ou pour pleurer. Tob., vii, 6.

II. Expressions métaphoriques. — Être submergé jusqu’au cou, c’est souffrir de grandes tribulations. Is., vin, 8 ; xxx, 28. Le cou raide et inflexible est toujours dans la Sainte Écriture un symbole d’orgueil, d’opiniâtreté, d’endurcissement dans le mal. Exod., xxxii, 9 ; xxxm, 3, 5 ; xxxiv, 9 ; Deut., ix, 6, 13 ; x, 16 ; xxxi, 27 ; IVReg., xvii, 14 ; II Par., xxx, 8 ; xxxvi, 13 ; II Esdr., ix, 16, 17, 29 ; Job, xv, 26 ; Ps. lxxv, 6 (texte hébreu) ; Prov., xxix, 1 ; Is., iii, 16 ; Jer., vii, 26 ; xvii, 23 ; xix, 15 ; Bar., ii, 30 ; Act., vii, 51. Isaïe, xlviii, 4, reproche même à son peuple d’avoir « la nuque raide comme une barre de fer ». Le cou est assoupli, c’est-à-dire la docilité et l’humilité sont procurées par l'éducation, Eccli., xxx, 12 ; par l'épreuve, Job, xvl, 13 ; Eccli., xxxviii, 19, et par la soumission volontaire. Bar., ii, 21. — Montrer la nuque ( 'orêf), c’est se détourner de quelqu’un ou fuir devant l’ennemi. Exod., xxiii, 27 ; Jos., vii, 8, 12 ; II Par., xxix, 6 ; Ps. xviii, 41 ; Jer., ii, 27 ; xxxii, 33 ; xlviii, 39.

H. Lesêtre.
    1. COUCOU##

COUCOU, oiseau de l’ordre des grimpeurs et de la famille des cuculidés, long d’une trentaine de centimètres environ, avec une queue de couleur blanc-jaunâtre tirant parfois sur le verdâtre avec des taches cendrées (fig. 381).

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381. — Le coucou.

L’oiseau est voyageur. Il passe l’hiver en Asie ou en Afrique et vient en Europe au commencement du printemps. La femelle du coucou pond huit ou dix œufs dans l’espace de six ou sept semaines. Comme il lui serait impossible de les couver dans ces conditions, elle les prend dans son bec, après les avoir pondus sur le sable, et va les déposer dans le nid de quelque passereau insectivore, alouette, fauvette, rossignol, merle, etc., qui couve l’intrus en même temps que ses propres œufs et ensuite le nourrit après son éclosion. Le coucou eot doué dune

remarquable faculté de mimétisme. Ses œufs prennent fréquemment la couleur des œufs de l’oiseau dans le nid duquel ils ont été déposés. Lui-même, faible et incapable de se défendre, mime l'épervier et effraye ainsi les ennemis qui pourraient l’attaquer. Les petits coucous noirs d’Orient ressemblent à des espèces de faucons, tandis que d’autres copient les élourneaux à teintes métalliques. Cuénot, Moyens de défense dans la série animale, Paris, 1892, p. 124, 125. — Il existe en Palestine deux espèces de coucous, le coucou commun de nos pays, le cuculus canorus, qui, même en arabe, porte le nom de coucou reproduisant son cri, et un grand coucou moucheté, Voxylophus glandarius, qui dépose ses œufs dans le nid du corbeau, quelquefois de la corneille ou de la pie. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 210. — Il n’est pas probable que le coucou soit mentionné dans la Bible. Seule la version autorisée anglaise traduit par le nom de cet oiseau l’hébreu sahaf. Ce mot signifie étymologiquement le « mince » et désigne un oiseau qui attire l’attention par sa légèreté ou sa maigreur. Les versions ont traduit Sahaf par Xipoç, larus, « mouette. » Il n’y a aucune raison pour abandonner leur traduction en faveur de celle qu’adopte la version anglaise, et que n’essaye de défendre aucun auteur. Le sahaf est rangé parmi les oiseaux impurs, Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15, ce qui convient beaucoup mieux à la mouette, abondante sur les rivages, à chair coriace et de mauvais goût, qu’au coucou, beaucoup plus rare et difficile à prendre. Voir Mouette, Pétrel.

H. Lesêtre.
    1. COUDÉE##

COUDÉE (hébreu : 'ammdh ; Septante : itîjx u « j Vulgate : cubitus), mesure de longueur employée généralement chez les anciens, et qui représentait la distance moyenne du coude à l’extrémité du doigt du milieu. lie nom même par lequel la langue hébraïque désigne cette mesure se retrouve avec quelques variantes chez presque tous les peuples sémitiques. On peut aussi en rapprocher le nom égyptien, meh, mah, conservé en copte sous la

forme XX£>&, mahi, JU-&.ÛE, mahé.

I. Valeur de la coudée. — Cette mesure étant prise du corps humain, comme le doigt, la palme, le pied, etc., ne pouvait être en soi qu’approximative ; elle devait naturellement varier suivant les différents peuples. Pour amener moins de variation, dans chaque contrée une longueur conventionnelle ou étalon était choisie ; mais chez les anciens il ne faut pas chercher la précision des mesures modernes : de là une certaine divergence entre lés spécimens de mesure conservés jusqu'à nos jours et entre les indications des auteurs.

1° Coudée hébraïque. — Plusieurs coudées ont été en usage en Palestine. L’auteur du second livre des Paralipomènes, qui vivait probablement à l'époque de la domination persane, donnant les dimensions du Temple de Salomon, dit qu’il avait 60 coudées de long et 20 de large selon la première (c’est-à-dire ancienne) mesure, bammiddâh hâri’Sônâh. II Par., iii, 3. Or Ézéchiel, décrivant les dimensions du temple nouveau qu’il contemple dans ses visions, emploie la canne, qânéh, de six coudées, chaque coudée évaluée à une coudée ordinaire et un palme. Ezech., XL, 5 ; xliii, 13. La coudée qui servait aux mesures du Temple avait donc un palme de plus que la coudée ordinaire au temps de la captivité. Ce n’est pas seulement à cette époque tardive, mais à l'époque de Moïse, qu’une coudée commune est signalée. Ee’ammap 'is, « selon la coudée vulgaire, » est-il dit, Deut., iii, 11, en parlant du sarcophage en basalte du géant Og. On fit donc usage en Israël de deux coudées : la coudée employée pour les mesures du Tabernacle et du Temple, c’est-à-dire la grande coudée ou coudée sacrée, et la coudée vulgaire ou petite coudée. Il en était ainsi en Egypte et en Babylonie, où à côté de la coudée commune on employait la coudée royale. D’après Ézéchiel, xun, 13, 17, l’empan égale une

demi-coudée ; on admet généralement que l’empan comprenait 3 palmes, et le palme 4 doigts : d’où la coudée ordinaire = 2 empans (zéret), 6 palmes (tofah) et 24 doigts ('ésba'). La coudée du Temple avait un palme de plus, c’est-à-dire 28 doigts. Malheureusement on manque de données certaines qui permettent de conclure à la valeur absolue de l’une ou de l’autre de ces coudées. La similitude de partition de la coudée des Égyptiens, et en général les emprunts nombreux que leur firent les Hébreux pendant leur séjour en Egypte, permettent d'évaluer vraisemblablement la coudée du Temple à ra, 525 ; et par conséquent la coudée vulgaire, qui avait un palme (0 iii, 075) de moins, à iii, 450 environ. Cette mesure de la coudée vulgaire se trouve vérifiée par les données de l’inscription

avec des variations allant jusqu'à un millimètre en plus. En prenant la longueur plus ordinaire, c’est-à-dire m, 0166 pour le doigt, et en suivant la combinaison généralement admise du système décimal et du système sexagésimal de cinq doigts par palme et de six palmes par coudée, on trouve pour la coudée iii, 498. Or c’est préprécisément ce qu’on obtient sur l’empan de Goudéa en mesurant depuis la première ligne tracée à une extrémité jusqu'à la dernière de l’autre ; on a un empan de trois palmes, de cinq doigts chacun, équivalant à iii, 02495, ce qui donne pour la coudée commune iii, 499. Une remarque d’Hérodote, i, 178, et du scoliaste de Lucien, cité par Bbckh, Metrologische Untersuchungen, in-8°, Berlin, 1838, p. 212, 214, permet d'évaluer la coudée

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382. — Coudée chaldéenne réduite de moitié. D’après la statue de Goudéa (l’Architecte à la règle). Musée du Louvre.

de Siloé avec l’estimation de la longueur de l’aqueduc. « L’eau coula de la source à la piscine sur une longueur de 1200 coudées, » est-il dit à la cinquième ligne de l’inscription. Or de la fontaine de la Vierge à la piscine de Siloé, les diverses estimations ont donné 1767 pieds (anglais) 93, soit 539 mètres 33 : ce qui donne pour une coudée iii, 449. C’est donc bien iii, 450 environ. S. Beswick, The Siloam inscription, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Maternent, 1884, p. 255-257. En dehors de ces deux coudées en usage en Palestine, les Israélites

royale. Celle-ci, disentils, a trois doigts de plus que la coudée commune. Or en ajoutant trois doigts de0 iii, 0166 à cette dernière, évaluée à iii, 198 ou iii, 499, on a pour la coudée royale tn, 5475 ou iii, 5485. Cette dernière mesure est exactement celle qu’obtient M. Oppert, au moyen d’un texte de Sargon. Ce qui lui donne pour l’empan iii, 27425, et pour la coudée par conséquent iii, 5485. Oppert, Sur quelques-unes des incriptions cunéiformes nouvellement découvertes en Chaldée, dans Actes du sixième congrès international des orientalistes, tenu à Leyde,

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383. — Coudée royale égyptienne réduite de moitié. La partie inférieure, a gauche, se rattache ix la partie supérieure, à droite. Musée du Louvre.

ont pu employer les coudées des divers peuples chez lesquels ils ont séjourné pendant la captivité ou sous la domination desquels ils ont vécu en Terre Sainte.

2° Coudée chaldéenne et assyrienne. — L’unité linéaire, la mesure fondamentale du système chaldéen était non la coudée, mais la demi-coudée ou empan. La statue de Y Architecte àla règle du Musée du Louvre, trouvée par M. de Sarzec, à Tell-Loh, nous montre un empan chaldéen avec ses deux pentes et ses subdivisions, présentant l’aspect d’un double décimètre moderne (fig. 382). Il est divisé en doigts, et quelques-uns de ces doigts sont subdivisés en 2, 3, 4, 5, 6 parties égales ; cette dernière subdivision en 6 marquée sur l’autre bord de l’empan est elle-même partagée en 2 et 3 : ce qui donne jusqu'à un dix-huitième de doigt. Chaque doigt n’a pas rigoureusement la même longueur ; on peut l'évaluer à 0°°, 0166,

en 1883, p. 635. De plus, il est à remarquer que l’empan de Goudéa, pris dans toute sa longueur, iii, 27, donne aussi une coudée de iii, 54.

3° La coudée égyptienne. — Un certain nombre de spécimens ont été trouvés en Egypte et sont conservés dans les musées de Paris, de Londres, de Turin, de Florence, de Leyde, etc. Leur longueur varie de iii, 5235 à iii, 5285 : ce qui donne à peu prés comme valeur moyenne la longueur communément admise, m 525, pour la grande coudée égyptienne ou coudée royale, suten meh. Elle est divisée en 7 palmes ou 28 doigts. Sur les spécimens de coudée conservés jusqu'à nous (fig. 383), la première division, égale à un doigt, est marquée par la représentation d’un doigt levé ; la seconde par deux doigts, la troisième par trois ; le palme, équivalent à quatre doigts, est désigné par une main sans pouce ; la cin

quième division est marquée par une main avec le pouce ; la sixième par une main aux doigts repliés saut l’index ; les deux premiers palmes par deux mains étendues placées souvent l’une à la suite de l’autre. Sur les coudées destinées aux tombeaux, pour lesquelles la précision importe peu, il se glisse assez souvent des erreurs. Ainsi dans la coudée du Louvre (flg. 383), le palme est marqué par une main avec pouce. L’empan de quatorze doigts ou demi-coudée est désigné par une patte d’ibis

(copte : epTCD i ertâ), avec le signe aa grand, par opposition au petit empan (le même signe avec l’oiseau déterminatif de la petitesse), (ertô) nddjés de la coudée commune ou petite coudée, meh nedjés. Chacune des divisions en vingt-huit doigts était consacrée à une divinité. La petite coudée, divisée en 2 empans, 6 palmes et 24 doigts, avait donc iii, 075 de moins, par conséquent iii, 45. C’est celle dont les Egyptiens se servaient pour la construction de leurs maisons. On voit que ce sont pour ces deux coudées les mesures mêmes des deux coudées hébraïques ; les Hébreux les ont vraisemblablement reçues des Égyptiens pendant leur long séjour dans la terre de Gessen. Il est curieux d’observer la longueur d’une coudée trouvée aux environs d’Atfléh (Aphroditopolis) et conservée au musée de Leyde. Cette coudée, divisée en 6 palmes et 24 doigts, aû iii, 51', valeur identique à la coudée moyenne des échelles de Roudah. Elle semble dépendre du système babylonien. On croit qu’elle a été employée à l'époque des rois pasteurs : elle serait donc venue d’Asie en Egypte. Mais elle ne paraît pas avoir eu un long usage. — Les coudées égyptiennes trouvées dans les tombeaux sont en bois, en pierre ou en bronze. Elles sont taillées à pan coupé : le profil de la coudée formait l’hiéroglyphe ma, ^^, exprimant la justice, la vérité, sans doute parce que ce qui est juste, vrai, est conforme à la règle.

4° Coudée perse. — On estime généralement la coudée royale à lii, 5328, et la coudée commune à iii, 444.

5° Coudée grecque et romaine. — La coudée attique, iitix u ?) de 2 <nn8 « [iat ou empans, 6 TrotXatorai' ou palmes, 24 doigts, avait iii, 444. La même valeur est donnée à la coudée romaine, cubitus, également de 6 palmi, 24 digiti. La coudée olympique = iii, 480675. Dans l’Asie Mineure, pays grec de langue, la coudée commune était plus longue que la coudée attique et avait à peu près la mesure de la petite coudée babylonienne, iii, 495.

Voir Paucton, Métrologie, ou Traité des mesures des anciens peuples et des modernes, in-4°, Paris, 1780 ; Fr. Lenormant, Essai sur un document mathématique chaldéen, et à cette occasion sur le système des poids et mesures de Babylone, in-8°, Paris, 1868 ; Oppert, Étalon des mesures assyriennes fixé par les textes cunéiformes, dans le Journal asiatique, 1872, t. xx, p. 157-177, et 1874, t. iv, p. 417-486 ; R. Lepsius, Die Làngenmasse der Alten, in-8°, Berlin, 1884 ; Lehmann, Altbabylonisches Mass und Gewicht, dans les Verhandlungen der Berliner anthropol. Gesellschafl, 1889, p. 245-328 ; P. Bartolo’tti, Del primitive cubito egizio, in-4°, Modène, 1878-1883 ; Rodenbach, La coudée étalon linéaire des Égyptiens, in- 4°, Bruxelles, 1883 ; Hultsch, Griechische und rômische Métrologie, in-8°, 2e édit., Berlin, 1882 ; Nissen, Griechische und rômische Métrologie, dans Handbuch der klass. Alterlumswissenschaft. I. Einleitende und Hilfsdisziplinen, in-8°, Munich, 1892, p. 835-865.

II. Emploi de la coudée dans la Sainte Écriture. — Elle est employée 1° pour les mesures de l’arche de Noé, Gen., vl, 15, 16, et pour marquer la hauteur des eaux du déluge. Gen., vii, 20. D’après la couleur chaldéenne du récit et l’origine de la famille patriarcale qui a conservé ces traditions du déluge, on peut conclure vraisemblablement qu’il s’agit ici de la coudée chaldéenne. — 2° Pour les mesures de l’arche d’alliance, Exod., xxv, 10 ; xxxvii, 1 ; du propitiatoire, Exod., xxv, 17 ; xxxvii, 6 ; de la table des pains de propositions, Exod., xxv, 23 ; xxxvii, 10 ; des

diverses couvertures du Tabernacle, xxvi, 2, 8, 13 ; xxxvt, 9, 15 ; de la charpente du Tabernacle, xxvi, 16 ; xxxvi, 21 ; de l’autel des holocaustes, xxvii, 1 ; xxxviii, 1 ; de la cour ou parvis du Tabernacle et des rideaux qui devaient l’entourer, xxvii, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18 ; xxxviii, 9, 12, 13, 14, 15, 18 ; de l’autel des parfums, xxx, 2 ; xxxvii, 25.

II est probable que pour toutes ces mesures, données à la sortie d’Egypte, il est question de la coudée égyptienne de iii, 525. — 3° Au contraire, il s’agit de la coudée ordinaire, 'amat 'is, de iii, 45, dans les dimensions du sarcophage en basalte du géant Og de Basan, Deut., iii, 11 ; dans l'évaluation de six coudées et un palme (2 iii, 775) pour la taille de Goliath, I Reg., xvii, 4 ; et pour la taille de cinq coudées (2 iii, 25) de l'Égyptien tué par Banaïas. I Par., xi, 23. Il en est de même probablement dans le miracle des cailles qui tombèrent dans le camp des Hébreux et formèrent à certains endroits jusqu'à une couche de deux coudées. Num., xi, 31. La question est indécise pour l'évaluation de l'étendue de pâturages laissés aux prêtres et aux lévites autour des villes lévitiques, Num., xxxv, 5, et pour l’espace de deux mille coudées qui dans les marches séparait l’arche des enfants d’Israël. Jos., iii, 4. On pourrait considérer ces choses comme se rattachant au culte de Dieu, et par conséquent y voir l’emploi de la coudée sacrée, de iii, 525. — 4° Mais pour les constructions du Temple de Salomon et de son mobilier on prit la même coudée que pour le tabernacle de Moïse. II Par., m, 3. Cette coudée de iii, 525 est employée pour les dimensions du Temple, III Reg., vi, 2 ; II Par., iii, 3 ; le vestibule, III Reg., vi, 3 ; II Par., iii, 4 ; les chambres qui entourent le Temple, III Reg., vi, 6, 10 ; le Saint des saints, le Saint et les chérubins du Saint des saints,

III Reg., vi, 16, 17, 20, 23-26 ; II Par., iii, 8, 11, 12, 13 ; les deux colonnes de bronze et leurs chapiteaux, III Reg., vii, 15, 16, 19 ; IV Reg., xxv, 17 ; Jer., lii, 21 (dans II Par., iii, 15, erreur de transcription pour la hauteur des deux colonnes, 35 coudées au lieu de 18) ; la mer d’airain et son ornementation, III Reg., vii, 23, 24 ; II Par., iv, 2, 3 ; les dix bassins mobiles, III Reg., vii, 27, 31, 32, 35, 38 ; l’autel des holocaustes, Il Par., iv, 1 ; très probablement aussi pour l’estrade d’airain élevée par Salomon dans la cour extérieure, II Par., vi, 13 ; le portique des colonnes, III Reg., vii, 6 ; le palais du roi et l’ensemble des édifices royaux. III Reg., vii, 2, 10. — 5° Pour le temple de Zorobabel, dont les dimensions paraissent l’emporter du double sur celles du Temple de Salomon, I Esdr., vi, 3, il est probable qu’on employa la coudée sacrée ; cependant comme il s’agit d’un décret de Cyrus, renouvelé par Darius, il n’est pas impossible que ces deux rois aient entendu la coudée de Babylone ou la coudée perse. Il en est de même de la dimension des murailles et des tours d’Ecbatane, donnée dans Judith, I, 2, et de la potence de cinquante coudées dressée par Aman. Esth., v, 14 ; vii, 9. — 6° Dans la description du nouveau temple d'Ézéchiel, la coudée sacrée ou grande coudée est expressément indiquée. Ezech., XL, 5 ; xlih, 13. Elle est employée pour le mur d’enceinte des constructions du temple, les parvis extérieur et intérieur, les portiques et les bâtiments adjacents. Ezech., XL, 7, 9, 11-15, 19, 21, 23, 25, 27, 29, 30, 33, 36, 47 ; xlii, 2-4, 6-8 ; xlvi, 22 ; les dimensions du sanctuaire proprement dit et de l'édifice latéral qui l’entourait de trois côtés, Ezech., XL, 48, 49 ; xli, 1-4, 5-11 ; de l'édifice construit à l’ouest, xli, 12 ; les dimensions générales du temple et de ses constructions, Ezech., xli, 13-15 ; l’autel de bois devant le sanctuaire, xli, 22 ; les tables pour l’immolation des victimes, XL, 42 ; l’autel des holocaustes, xliii, 13-17 ; le territoire des lévites, xlv, 2 ; les mille coudées mesurées par l’ange qui conduisait Ézéchiel, xlvii, 3-5. (Dans Ezéchiel, xlii, 20, l’hébreu n’a pas le mot « coudée » après le chiffre de 500, comme laVulgale ; il faut plutôt sousentendre qânéh, « canne », roseau à mesurer de six coudées et un palme.) — 7° Comme il ne s’agit pas du

Temple, il est difficile de décider si la grande coudée est encore employée, plutôt que la coudée commune, dans les longueurs des parties du rempart de Jérusalem indiquées IV Reg., xiv, 13 ; Il Par., xxv, 23, et II Esdr., iii, 13. (Quant à la tour de cent coudées mentionnée par laVulgate, II Esdr., iii, 1, le texte hébreu ne parle pas de coudées, et le mot Meah est un nom propre : la tour de Méah.) Le rouleau de Zach., v, 2, estimé à vingt coudées de long sur dix, est évalué plus probablement en coudées communes, en usage après la captivité, d’après II Par., iii, 3. — 8° Les dimensions de la statue d’or de Nabuchodonosor, Dan., iii, 1, sont peut-être données d’après le système babylonien, où la coudée royale est de iii, 54. On a trouvé la hauteur disproportionnée, et on en a fait une objection contre l’authenticité du livre de Daniel. Mais la statue pouvait être placée sur une colonne ou un piédestal. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 302. — 9° Pour la tour de cinquante coudées et remplie de cendres, où fut jeté Ménélaûs, II Mach., xiii, 5, sa hauteur peut être évaluée d’après la coudée juive commune, — 10° La coudée n’est mentionnée dans les Évangiles qu’en deux endroits. « Qui peut, dit Notre -Seigneur, Matth., vi, 27 ; Luc, xii, 25, ajouter une coudée à sa taille, » ou, selon d’autres interprètes, « à la durée de sa vie ? » (Pour l’expression « une coudée de temps », elle est employée par un poète grec, Mimnerme, dans Stobœi Florilegium, tit. 98, n° 13, in-24, Leipzig, 1838, t. iii, p. 226 ; cf. Ps. xxxviii, 6.) Ce doit être la coudée commune, employée en Palestine. Rien ne permet de penser que les Juifs aient adopté alors la coudée grecque ou romaine. Quant à Joa., xxi, 8, la distance peut être évaluée d’après les usages juifs ; mais on peut dire aussi qu'à la fin du 1 er siècle, et s’adressant à des lecteurs habitués plutôt alors aux usages grecs, saint Jean a pu exprimer la distance d’après la coudée grecque. — 11° Il en est de même de la coudée dont parle l’Apocalypse, xxi, 17, pour la mesure des murailles de la cité céleste, cent quarante-quatre coudées. C’est bien une coudée commune sans doute, mensura hominis, ajoute saint Jean. Cf. Deut., iii, 11. Mais, pour les mêmes raisons, l’apôtre pouvait employer la coudée grecque de iii, 411, ou peut-être la coudée en usage dans l’Asie Mineure, m, 495. Du reste, il n’y avait pas une grande différence avec la coudée juive commune, ra, 45. E. Levesque.

COULEURS. — I. Les noms des couleurs et leur Détermination. — Dans la Sainte Écriture se rencontrent un certain nombre de mots qui servent à désigner les couleurs. Il n’est pas toujours possible cependant de déterminer la nuance exacte que les auteurs sacrés ont en vue. Le même terme s’applique souvent à des teintes assez différentes, et d’ailleurs il faut convenir que les anciens ne pouvaient établir l'échelle technique des couleurs avec autant de précision qu’on l’a fait à une époque toute récente. Nos langues modernes manquent elles-mêmes de mots pour désigner toutes les nuances des couleurs, et nous sommes obligés de déterminer ces dernières soit en indiquant leur origine, soit en les rapprochant d’objets naturels ayant une coloration fixe. Aristote, Meteor., iii, 4, n’admettait que trois couleurs dans l’arc-en-ciel, le rouge, le vert et le violet, tout en constatant, iii, 2, qu’entre le rouge et le vert apparaît souvent du jaune. D’après Pline, H. N., xxi, 22, il y a trois couleurs principales, le rouge, le violet et le bleu. On ne doit donc pas s'étonner si l’imprécision à laquelle n’ont pu échapper ces savants anciens se retrouve, en pareille matière, sous la plume des auteurs sacrés. Voici les différentes couleurs dont parlent ces derniers :

1° Blanc. Làbân, ls.xrn.61, albus, Gen., xxx, 33 ; Exod., xvi, 31 ; Lev., xiii, 3 ; Zach., 1, 8 ; vi, 3, 6, etc. ; le lâbân est la couleur blanche éclatante, d’où le nom de lebânâh donné à la lune. Cant., vi, 9 (hébreu, 10) ; Is., xxiv, 23 ; xxx, 26. — Bûs, ^jcraivo ; , byssinus, I Par., xv, 27 ; Il Par.,

v, 12 ; Esth., i, 6 ; viii, 15, désigne indirectement la couleur blanche parce que c’est la couleur naturelle du byssus. Voir Lin. — Hislig, -/lovwÔTJaovTai, nive dealbabuntur, Ps. lxvii (lxviii), 15, la blancheur de la neige. Ce blanc de neige ne peut être imité par les foulons. Matth., xvii, 2 ; Marc, ix, 2. — Safy, Xeux<5 ; , candidus, Cant., v, 10, le blanc éclatant comme la lumière du soleil. — Seybâh, TîoXtat, carei, Ose., vii, 9, se dit des cheveux blancs ou gris. — Ses, P’j<j(to « , byssus, mot égyptien qui correspond au bûs hébreu, Exod., xxv, 4 ; xxxv, 6, 23, etc., et qui sous la forme Ses, Esth., i, 6 ; Cant., v, 15, ou sayîs, I Par., xxix, 2, sert à désigner le marbre blanc. — Karpas, xipTrzooç, carbasinus, Esth., i, 6, blancheur d’une sorte d'étoffe de coton. — Ifivvâr, Xeu-xôv rà<rrei yiwv, candidum quasi nix. Dan., vii, 9. Le mot chaldéen hivvâr ne se lit qu’en cet endroit. Le mot hébreu correspondant l.iûr désigne une espèce de lin blanc. Esth., i, 6 ; vin, 15.

2° Noir. L’uni, tpcaôv, furvum, Gen., xxx, 32, 33, 35, 40, le brun noir de la toison des brebis. — 'Orêb, ce qui est noir et sombre, d’où les noms du corbeau, 'ôrêb, et du soir, 'éréb. — Sàhôr, |ji). « ; , niger, le noir des cheveux, du poil des animaux, de la peau brûlée par le soleil, Lev., xm, 31, 37 ; Cant., i, 5 ; v, 11 ; Zach., vi, 2, 6, d’où sehôr, couleur noire, êuxô-cias, denigrala est, Lam., iv, 8, en parlant du visage. — Qâdar, rendu par les versions comme sehôr, et s’appliquant aussi au visage bruni par les épreuves et les intempéries. Job, xxx, 28.

3° Rouge. I. Le mot dam, « sang, » donne les dérivés suivants pour désigner tes objets dont la couleur rappelle celle du sang : 1. 'Adom, Ipu9p<5 ; , ruber, le rouge-sang, qui teint les vêtements, Is., lxiii, 2, et qui colore les joues du jeune homme, Cant., v, 10, et aussi la couleur rousse, mippô ; , « rouge-feu, » rufus, d’une vache, Num., xix, 2, ou d’un cheval. Zach., i, 8 ; vi, 2. — 2. Me’oddâm, le rouge-sang, dont on teint les peaux, T)pu9po8c(v<ofjivG<, rubricatx, Exod., xxv, 5 ; xxxv, 7, 23, etc., et les boucliers, igniti (Septante : i àvâptiroov, par suite d’une lecture fautive), Nah., ii, 3. — 3. 'Adamdàm, Tt’jppîÇouaoç, subrufus, rougeâtre, se dit des taches qui apparaissent sur la peau des lépreux. Lev., xiii, 19 ; xiv, 37. Cf. Homère, lliad., v, 83 ; xvi, 334 ; xvii, 361. - 4. 'Admônî, iu>ppdcxr)i ; , rufus, la couleur rouge des cheveux d'Ésaù, Gen., xxv, 25, et de David. I Reg., xvi, 12 ; xvii, 42. — IL La couleur rouge est encore indiquée par d’autres termes : 1. IJâmar, xépaa-fj. », mistum, Ps. lxxiv (lxxv), 9. la couleur du vin écumant. — 1. Pà'rûr, le rouge du visage, pareil à celui d’une marmite de terre cuite. Joël, ii, 6 ; Nah., Il, 11. — 3. Sâsêr, piX-to ; , sinopis, le vermillon ou minium qui sert à peindre les images, Jer., xxii, 14 ; Ezech., xxiii, 14 (Sap., xiii, 14). Voir Vermillon. — 4. Tôlâ' et Sânî, le cramoisi. Voir Cochenille. — 5. Sàroq, tya.p6ç, varius, la couleur rousse d’un cheval, Zach., i, 8 ; VI, 3, et celle des vignes couvertes de raisins ou dont les feuilles sont rougies par le soleil. Is. xvi, 8 (hébreu).

4° Violet. 'Argâmân, Tropçùpa, purpura, Exod., xxvi, 1, 31, 36 ; xxvii, 16, etc. ; Esth., i, 6 ; viii, 15 ; Prov., xxxi, 32 ; Cant., iii, 10 ; Jer., x, 9, etc. ; en chaldéen, 'argevan, Dan., v, 7, 16, 29, la pourpre, couleur d’un rouge foncé très voisin du violet. Voir Pourpre.

5° Bleu, 'fekêlét, ûàxtvOo ; , ûaxivOivoç, àî.oitôptpupo ; , hyacinthus, hyacinthinus. Exod., xxvi, 1, 31, 36 ; xxvii, 16, etc. ; Num., iv, 6, 7, 9, 11, 12 ; Esth., viii, 15 ; Jer., x, 9 ; Ezech., xxiii, 6 ; xxvii, 7, 24, etc. C’est le bleu que Josèphe, Ant.jud., III, vii, 7, compare à la couleur intense de l’atmosphère en Orient.

6° Vert. i.Yârâq, Deut, xi, 10 (hébreu), III Reg., xxi, 2, IV Reg., xix, 26 : -/Xupôç, virens, ce qui est vert comme les légumes, d’où yéréq, la verdure, Gen., i, 30 (hébreu) ; ix, 3 : iyjx-iy. -/Jipza-j, olera virentia, Ps. xxxvi (xxxvii), 2. — 2. 'Eb, le vert de l’herbe, Job, viii, 12 : ln piÇ-r, ; , in flore ; Cant., VI, 11 (10) : àv yetvr t (i.'xm, poma. — 3. Ra’anàn, le

vert des feuilles, i^aâif), viride, Jer., xvii, 8, et des arbres, Soiais, frondosus, Deut., xii, 2 ; Is., lvii, 5 ; Jer., ii, 20 ; Ezech., vi, 13 ; Ps. xxxvi (xxxvii), 35 : /.é&pos, cedrus. — 4. Ràtob, ce qui est vert et frais, iiypo ; , humectas, Job, vin, 16 ; Luc, xxiii, 31 : ÛYpô ; , viridis. Les auteurs classiques parlent dans le même sens de miel vert, y).uiùrj : , c’est-à-dire frais, Homère, Iliad., XI, 631 ; de fleurs vertes, Euripide, Jphig. Aul., 1296 ; de sang vert. Sophocle, Trach., 1055.

7° Jaune. 1. Yêrâqôn, le jaune pâle du visage, î'xtepo ; , aurugo, Jer., xxx, 6, et le jaune des moissons maladives, cb’xpoc, )~ubigo, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; II Par., vi, 28 ; Am., iv, 9 ; Agg., ii, 17 (Vulgate, 18). Cette jaunisse du blé est la caractéristique d’une maladie appelée rouille ou nielle du blé. Cf. t. i, col. 1817. — 2. Yeraqrâq, la couleur jaunâtre delà lèpre, -/pwpt'Çrjtfa, alba, Lev., xiir, 49 ; xiv, 37, et aussi la couleur de l’or, ^XtopôTr, ; , pallor, Ps. lxvii (lxviii), 14.

II. Nature et emploi des couleurs. — 1° Pour la teinture. — Dès leur séjour au désert, les Hébreux utilisèrent les étoffes et les peaux de couleur rouge, violette ou bleue, pour la décoration du Tabernacle, Exod., xxvi, 1, 31, 36, et la confeclion des vêtements du grand prêtre, Exod., xxviii, 6, 8, 28. Ils avaient appris en Egypte à se servir de ces teintures. Les Égyptiens connaissaient le rouge cramoisi, que les trafiquants du désert leur apportaient de Syrie et d’Arabie. Ces derniers fournirent aisément aux Hébreux, pendant leur séjour dans la presqu'île Sinaïtique, la teinture et les étoffes cramoisies qui leur furent nécessaires. Voir Cochenille. La pourpre phénicienne se trouvait sur tous les marchés de l’ancien monde. Les Hébreux en reçurent des mêmes intermédiaires. On tirait une belle couleur bleu foncé, le tekêlét, d’un coquillage abondant sur les côtes méditerranéennes, Hélix ianthina. Les talmudistes font grand éloge de cette teinture, fournie par le sang noirâtre du mollusque, mais d’un bleu à la fois très vif et très résistant. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1503. Les Hébreux la connurent comme les deux précédentes. En Egypte, on se contentait en général de tissus blancs. En Chaldée, au contraire, les étoffes multicolores, les lainages brodés ou teints étaient en grand honneur, et le monopole s’en conserva dans ce pays jusqu'à l'époque romaine. Ebers, Aegyplen und die Bûcher Moses, Leipzig, 1868, t. i, p. 288. Une peinture égyptienne (fig. 384) du tombeau de P)eniHassan nous représente l’arrivée sur les bords du Nil d’une bande d’Asiatiques revêtus de tissus multicolores. Lepsius, Denkmàler, x, 131, 133. Débora, dans son cantique, Jud., v, 30, suppose ironiquement que Sisara prend pour sa part de butin les vêtements de diverses couleurs enlevés aux vaincus. Dans Job, xxviii, 16, là où le texte hébreu et les Septante parlent de « l’or caché d’Ophir », la Vulgate fait mention des « teintures en couleur de l’Inde ». À l'époque de la captivité, les vêtements de diverses couleurs étaient restés à la mode en Chaldée. Ezech., xxiii, 14, 15. Pendant tout le reste de leur histoire, les Israélites demeurèrent tributaires des trafiquants arabes et des Phéniciens, quand ils voulurent se procurer des teintures où des étoffes de couleur. Dans le Temple de Salomon, toutes les anciennes tentures du Tabernacle avaient d’ailleurs disparu, et le voile du Saint des saints paraît avoir été, en dehors des vêtements sacerdotaux, la seule étoffe de couleur qui fût employée. II Par., iii, 14.

2° Pour la peinture. — 1. On retrouve dans les monuments égyptiens un assez grand nombre de couleurs employées à la décoration des murailles : le minium, oxyde de plomb d’une fort belle teinte, que l’on confondait dans les anciens temps avec le vermillon et le cinabre, deux sulfures de mercure, le premier artificiel et le second naturel ; les ocres de toutes couleurs, jaunes, rouges, bruns, qui sont des argiles plus ou moins colorées par l’oxyde de fer ; l’indigo, qu’on ne savait alors

employer que dans la peinture. L’indigo venait de l’Inde, comme l’indique son nom indicum. Pline, H. N., xxxv, 27, le décrit ainsi : « C’est un limon adhérent aux racines des joncs. Broyé, il est noir ; délayé, il donne une teinte magnifique de bleu pourpré. Une autre espèce de bleu est ce qui surnage sur les chaudières des teinturiers à pourpre ; c’est l'écume de la pourpre. » En réalité, l’indigo provient du suc des indigotiers plantes herbacées, de la famille des papilionacées et de la tribu des lotus. Théophraste, De lapid., 53, parle d’un bleu égyptien fabriqué artificiellement et inventé par un des anciens pharaons. Ce bleu d’azur se reproduit aujourd’hui en chauffant un mélange de sable blanc, d’oxyde noir de cuivre, de craie et de carbonate de soude. C’est l’ancienne fritte d’Alexandrie. Les bleus de cobalt furent aussi employés de toute antiquité. Les verts et les violets s’obtenaient par des mélanges. Le noir provenait du charbon végétal et de l’antimoine. Pour fixer ces couleurs, les anciens les trituraient dans une sorte de graisse animale. Les Egyptiens se servaient de ces matières colorantes parfois pour décorer grossièrement l’intérieur de leurs maisons, mais surtout pour orner magnifiquement les enveloppes de leurs momies et les parois des temples et des tombeaux. Ces peintures se retrouvent aujourd’hui encore pleines de fraîcheur et d'éclat. Mais les teintes en sont généralement plates et d’une teneur conventionnelle qui paraît avoir été réglée une fois pour toutes. Ainsi l’eau est toujours bleue, unie ou rayée de zigzags noirs ; le corps des hommes est brun, celui des femmes jaune clair, etc. Voir les peintures reproduites t. i, col. 1932, et Perrot, Histoire de l’art, t. i, p. 781-792.

2. Les Hébreux virent quelques-unes de ces peintures pendant leur séjour en Egypte ; mais ils ne les imitèrent en Palestine ni dans leurs maisons ni dans le Temple. A Babylone, pendant l’exil, ils en retrouvèrent d’un autre genre. Ezech., xxiii, 14-15. Les Chaldéeiis représentaient dans leurs maisons différentes scènes et des bandes de monstres en deux ou trois couleurs. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 449. Mais ce sont surtout les grands monuments de Ninive et de Babylone qui reçurent une remarquable décoration polychrome, la tour de Khorsabad, avec ses étages revêtus chacun d’une couleur différente, les façades en briques émaillées dont les vives couleurs, habilement alternées, produisaient de merveilleux effets décoratifs, les portiques, les frises, les sculptures dont les hauts-reliefs étaient accusés par un fond de peinture appropriée. Diodore de Sicile, ii, 8, parle de palais de Babylone sur lesquels « des animaux de tout genre imitaient la réalité par l’habileté avec laquelle on avait disposé les couleurs ». Dans l’inscription de Borsippa, col. iii, 1. 36, Nabuchodonosor se vante d’avoir décoré le pourtour du temple « avec des briques de différentes couleurs ». Voir Email. Le bleu forme ordinairement les fonds, sur lesquels les motifs de décoration se détachent en jaune orange. Le vert et le noir sont rares, et le blanc n’apparait que dans les rosaces et les filets d’encadrement. Le rouge ne se présente jamais sur les briques, parce que les Assyriens ne savaient probablement pas le traiter au feu. Le bleu et le rouge vermillon sont seuls employés sur les bas-reliefs, avec quelques traits assez rares de couleur violette. « Il nous serait assez difficile de dire, remarque V. Place, Ninive et l’Assyrie, Paris, 1866-1869, t. ii, p. 251-252, quelle était la nature précise des couleurs assyriennes ; seulement leur état de conservation, après tant de siècles, nous permet d’affirmer que toutes étaient minérales. Une trouvaille que nous avons faite vient confirmer cette opinion. Dans un des angles de la chambre 99 des Dépendances étaient deux blocs de couleurs, l’un rouge, l’autre bleu. Le bloc rouge, en quantité considérable, pesait une vingtaine de kilogrammes, le bleu à peu près un kilogramme. Mais, pendant que le rouge se délayait bien, le bleu se montra complètement rebelle. Il était impossible de l'étendre en couche .ETOUZEYet ANE Editeurs

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EM16RANTS ASIATIQUES ARRIVANT EN EGYPTE

PEINTURE DES TOMBEAUX DE BENI-HASSAN*

Exod., xxviri, 31 ; Lev., viii, 7. Pour une raison analogue, les Israélites reçurent l’ordre de mettre aux quatre coins de leurs manteaux des franges en fils d’hyacinthe, afin de se rappeler les commandements imposés par le Seigneur, dont la présence les accompagnait partout. Num., xv, 38-41 ; Dcut., xxii, 12. Saint Jérôme, Ep. lxiv, 18, t. xxii, col. 618, dit que la robe d’hyacinthe du grand prêtre, offrant la couleur de l’air, symbolise l’élévation du cœur au-dessus des choses terrestres. Saint Thomas, Summ. theol., 1* 2% en, 5 ad 10, y voit la figure du commerce avec le ciel par le moyen des œuvres de perfection. Il ajoute, 6 ad 7, que les bandes d’hyacinthe fixées aux manteaux étaient le symbole de l’intention céleste qui doit présider à toutes les actions. En dehors des usages religieux, cette couleur bleu d’azur était estimée presque à l’égal de la pourpre. On la trouve portée par de grands personnages, Ezech., xxiii, 6 ; Eccli., xl, 4, et par les idoles de Babylone. Jer., x, 9. Le palais de Suse avait des tentures de cette couleur. Voir Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1837, 1. 1, p. 303-311,

316-340.
H. Lesêtre.
    1. COULEUVRE##

COULEUVRE (hébreu : nàhâs, tannin ; Septante : 6’ifHç, Spày.wv ; Vulgate : coluber, colubra), reptile de l’ordre des ophidiens et de la famille des colubridés, à la tête ovale et aplatie, à la laugue noire, fourchue et extrêmement agile, au corps cylindrique, à la queue grêle et arrondie à son extrémité, aux écailles en losange et imbriquées, aux couleurs parfois très vives (fig. 385).

385.

La couleuvre.

La couleuvre est ovipare. Elle fait entendre une sorte de sifflement sourd, vit très longtemps, se nourrit de vers, de grenouilles, de poissons et même de petits oiseaux, habite isolément dans les bois couverts, dans les prairies humides et sur le bord des cours d’eau. La morsure de ce reptile est inoffensive, et ses dents ne distillent aucun venin. — Il existe eu Palestine un très grand nombre de serpents. Sur les dixhuit espèces qui ont pu être étudiées avec soin (Tristram, The natural hislory of the Bible, Londres, 1889, p. 270), on en a trouvé treize qui ne sont pas nuisibles. Ces serpents sont pour la plupart des colubridés appartenant aux genres ablables et zamenis. Plusieurs sont brillamment colorés, quelques-uns de très grande taille ; mais la majeure partie sont plutôt petits. Le tropidonotus hydrus se rencontre fréquemment dans les marais et près des lacs. Parmi les serpents de sable, on trouve communément l’eryx jaculus, colubridé timide et inoffensif, qui se nourrit de vers et d’insectes, à queue courte et obtuse et à langue épaisse, mais sans aucun venin. — La couleuvre n’a pas de nom qui lui soit propre en hébreu, les mots nâliâs et tannin désignant les serpents en général. La Vulgate emploie treize fois le mot coluber pour traduire l’un ou l’autre de ces termes hébreux, alors que les Septante se servent du mot ô’?ij, « serpent, » et de Spxxuv, ce dernier rendant deux fois pannîn, Exod., vii, 9, 10, et une fois nàhâs. Job, xxvi, 13. Il est bien rare que le terme générique de nâhâl puisse être entendu de la couleuvre, même quand la Vulgate le traduit par colubra. Dans la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 17, le nàhâs’est en parallélisme avec le sefifon, « céraste, » et désigne par conséquent un rep tile venimeux. La verge de Moïse est changée en nàhâS, et à cette vue celui-ci prend peur. Exod., iv, 3. Il avait donc sous les yeux un reptile dangereux, à moins que sa peur provint uniquement de ce qu’il y avait d’inattendu dans cette transformation. Il est plus probable cependant que quand ensuite la verge d’Aaron fut changée en serpent, Exod., vii, 9, 10, ce ne fut pas en couleuvre, mais en reptile venimeux, comme ceux que maniaient les psylles égyptiens. Dans plusieurs autres passages, le mot nâhàs, traduit par coluber, désigne un serpent redoutable par sa morsure et son venin, ce qui ne peut s’entendre de la couleuvre. Prov., xxiii, 32 ; Eccle., x, 8 ; Am., v, 19(Sap., xvi, 5 ; Eccli., xxi, 2 ; xxv, 23). Le nâhàS dont parle Isaïe, xiv, 29, donne naissance à une vipère et ne peut être la couleuvre. Les deux seuls textes bibliques où le coluber de la Vulgate pourrait se rapporter au serpent en général, et par conséquent à la couleuvre, sont celui où l’auteur de Job, xxvi, 13, donne le nom de nâhâS, Spàxwv, à une constellation, le Serpent ou le Dragon, ainsi appelée à cause de sa forme, voir Constellation, et celui des Proverbes, xxx, 19, où il est dit qu’on ne peut reconnaître sur le rocher la trace du serpent

qui vient d’y passer.
H. Lesêtre.
    1. COULON##

COULON (Septante : KouX6), ville de la tribu de Juda, que ne mentionnent ni le texte hébreu ni la Vulgate, mais qu’on trouve nommée dans les Septante, avec dix autres cités. Jos., xv, 59. Saint Jérôme, In Mich., v, t. xxv, col. 1198, transcrit ce nom sous la forme Culon. Le groupe tout entier, avec Bethléhem, Carem (Ain-Karim), Béther (Billir), etc., indique tout naturellement dans les environs de Jérusalem la position de cette localité. Or, à six kilomètres et demi de la ville sainte, au nord-ouest, et sur la route de Jaffa, on rencontre un village qui y répond exactement au double point de vue onomastique et topographique ; c’est Qolouniyéh, en arabe,

<-Oji.ï. On a pris ce mot pour une simple transcription

du latin colonia, en raison de la colonie romaine foi.déejadis en ce lieu, sur les ordres de Vespasien ; il est plus juste peut-être d’y reconnaître le nom primitif et chananéen de Kou), ôv.

M. V. Guérin, Judée, t. i, p. 257, décrit ainsi Qolouniyéh : « C’est un village de cinq cents habitants à peine ; il est situé sur la pente d’une montagne rocheuse qui s’élève comme par gradins gigantesques, que l’on dirait, en certains endroits, plutôt l’œuvre de l’homme que de la nature, tant ils sont réguliers. Les maisons sont bâties les unes au-dessus des autres par étages successifs. Une petite mosquée passe pour fort ancienne, du moins au dire des habitants. Dans la cour qui la précède est un. énorme mûrier, qui tombe de vétusté. Plusieurs aires antiques servent encore aujourd’hui à battre les grains. Quelques cavernes, qui ont été probablement, dans le principe, des carrières et peut-être ensuite des tombeaux^ attirent pareillement mes regards. Au bas du village, vers, le sud, coule une source abondante, appelée’Aïn Qolouniyéh ; mais ce qui mérite principalement l’attention des voyageurs, ce sont, près de la route, les restes d’un édifice mesurant trente-cinq pas de long sur dix-huit de large, et dont les murs d’enceinte sont encore debout jusqu’à une certaine hauteur. Les assises qui les composent sont formées de magnifiques blocs, les uns complètement aplanis, les autres, particulièrement ceux des angles, relevés en bossage ; ce bossage est en général fort saillant. La plupart de ces blocs ont un mètre de long sur soixante-dix centimètres de large (fig. 386). Près de là on observe des voûtes renversées et des citernes à moitié comblées. Les traces d’une voie romaine sont également très reconnaissables devant la grande construction dont j’ai parlé. À une faible distance, vers l’est, on franchit sur un pont l’oued Beit-Hanina… Ce pont, dont les piles, datent peut-être de l’époque romaine, mais dont les

quatre arches, principalement la plus grande, qui est de forme légèrement ogivale, accusent une époque plus moderne, est surmonté d’un tablier qui est pavé de gros blocs, aujourd’hui fort inégaux… Le long de Voued, de frais et verdoyants jardins sont cultivés avec assez de soin par les habitants de Qolouniyéh. Ces jardins sont plantés d’orangers, de citronniers, de grenadiers, de cognassiers et d’amandiers. La vigne y croît aussi parfaitement. » On a découvert auprès de Qolouniyéh un curieux tombeau creusé dans le roc ; probablement d’origine judaïque, il fut plus tard utilisé par les chrétiens. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarlerly Slatement, Londres, 1887, p. 51-55. On y a également trouvé un fragment d’inscription

sainte et appelé Môsâh. Certains auteurs l’identifie avec la moderne Qolouniyéh, d’autres avec Môsâh, l’Amosa de Josué, xviii, 26, dans Beit-Mizéh. Voir Amoza, t. i, col. 518. Quel que soit de l’origine du nom, on comprend facilement qu’une colonie romaine ait été fondée sur ce point important aux abords de la capitale : les vétérans qui en étaient constitués les gardiens avaient en récompense à cultiver un sol très fertile et l’une des plus belles vallées de la Palestine. Peut-être pourraiton voir les débris du poste militaire qu’ils occupaient dans les restes de la construction qui longe la route.

A. Legendre.

COUP. Voir Talion.

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386. — Qolouniyéh. D’après une photographie.

grecque ou latine, où l’on ne voit plus que les caractères NIA, terminant peut-être le nom antique de la localité, Colonia. Cf. Clermont-Ganneau, Mission en Palestine et en Phénicie ; cinquième rapport, Paris, 1884, p. 62.

Le D r Sepp, Jérusalem und das heilige Land, t. r, p. 52, s’est efforcé de prouver que ce village était l’Emmaùs de saint Luc, xxiv, 13. Cette opinion ne repose sur aucune tradition. En outre, Qolouniyéh est bien trop prés de Jérusalem pour répondre à la distance indiquée par le . texte sacré, quels que soient les manuscrits de l’Evangile dont on accepte la leçon. Voir Emmaùs. M. Guérin, Judée, t. i, p. 260, serait plus disposé à l’identifier avec l’Emmaùs où, d’après Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 6, Vespasien établit huit cents vétérans de son armée. Mais il faut pour cela suivre les manuscrits de l’historien juif qui placent cette localité à « trente stades » de Jérusalem, au lieu de « soixante », chiffre donné par certains autres ; et encore doit-on reconnaître alors que l'écrivain s’est trompé de quatre à cinq stades. Le Talmud applique aussi le nom de Qôlôni’a à un endroit situé près de la ville

    1. COUPE##

COUPE, vase ordinairement plus large que profond, destiné à recevoir un breuvage. En hébreu, un assez grand nombre de mots désignent le vase à boire, sans qu’il soit toujours aisé d’en spécialiser le sens.

I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Kôs, iro-ri-piov, calix, la coupe proprement dite, dans laquelle l'échanson donnait à boire au pharaon. Gen., XL, 11, 13, 21. — 1. Sens littéral. — Les Égyptiens avaient à leur usage des coupes d’or, d’argent, de bronze, d’albâtre, de faïence émaillée, de terre cuite et de verre. On en a retrouvé une multitude dans leurs tombeaux. Plusieurs ont des formes très artistiques et très gracieuses. Elles représentent la corolle d’une fleur qui s’entrouvre, une tête d’oiseau ou de mammifère, un lion qui, la gueule béante, tient un petit animal entre ses pattes de devant, etc. D’autres fois, le fond du vase était orné de guirlandes et de fleurs, au milieu desquelles nagent des poissons, ce qui donnait l’illusion de la réalité quand le vase était rempli d’eau. Le Musée du Louvre possède plusieurs de ces coupes (fig. 387). Cf. de Rougé, Notice des monuments égyptiens, 1855, p. 68-G9 ; Mémoires de la Société

des antiquaires de France, 1858, t. xxiv, p. 3, 75-100 ; Pierret, Salle historique de la galerie égyptienne, Paris, 1877, p. 86-87. — C’est dans un kôs que le pauvre de l’apologue de Nathan fait boire sa brebis. II Reg., xii, 3. La coupe à boire le vin s’appelle également kîs ou kôs. Prov., xxiii, 31.

2. Sens métaphorique. — Mais le plus souvent les auteurs sacrés prennent le mot kôs dans un sens métaphorique. Babylone est une coupe d’or aux mains du Seigneur ; toutes les nations y ont bu. Jer., Ll, 7. — Dans les Psaumes, David dit que Dieu est « la portion de son lot et de sa coupe », Ps. xv (xvi), 5, c’est-à-dire qu’il constitue tout son bien. La métaphore suppose sans doute que l’on tirait au sort, dans une coupe, la part d’héritage qui revenait à chaque enfant. David se félicite de son lot : « Ma coupe est l’abondance même, » Ps. xxii (xxm), 5 ; car le Seigneur le comble de biens. — L’n autre psalmiste appelle « coupe des saluts », c’est-à-dire de la délivrance, Ps. cxv (cxvi), 5, la coupe dont on se sert dans les festins de joie et d’action de grâces. — Les prophètes aiment à représenter sous la figure d’une « coupe de colère » ou

387. — Coupes égyptiennes du musée du Louvre. En haut, coupe en or où sont représentés des poissons. Don du liharaon Tnothmès ni. à Thoth, un de ses officiers. Dans le bas, coupe en bronze, au nom de Nesi-Amenl, prêtre thébain du temple d’Ammon. « de vengeance » le châtiment divin, qui doit être versé sur la tête des coupables comme le contenu d’une coupe funeste. Is., LI, 17, 22 ; Jer., xxv, 15, 17 ; xlix, 12 ; Ezech., xxiii, 31-33 ; Hab., ii, 16 ; Lam., iv, 21.

2° Gdbîa’, xepâquov, scyphus, plus grand que le kôs, la coupe pleine de vin que les Réchabites refusent de boire. Jer., xxxv, 5. La coupe de Joseph, en Egypte, s’appelle aussi gâbia’, y.ôvS-j, scyphus. Gen., xliv, 2. C’était une coupe d’argent que Joseph ordonna de cacher dans le sac de blé de Benjamin, et qu’ensuite un serviteur alla réclamer en disant : « C’est celle dans laquelle boit mon maître et par laquelle il connaît les choses cachées. » Le texte sacré fait ici allusion à un art occulte appelé cyathomancie ou culicomancie, c’est-à-dire divination au moyen des coupes. Voici en quoi consistait cet art. On versait de l’eau dans une coupe, puis l’on y jetait des fragments de matières précieuses et brillantes, or, argent, pierres, perles, etc. Des figures produites par ces objets au fond de 1 eau l’on tirait la connaissance des choses à venir et des choses cachées. Cette espèce de divination est restée commune en Orient. Norden, Voyage d’Egypte et de Nubie, trad. Lenglès, Taris, 1795-1798, vu » partie, 4 janvier 1738, t. iii, p. 08,

raconte qu’un personnage de Derri, nommé Baram, fit difficulté pour le recevoir avec ses compagnons et dit : k Je sais déjà quelles gens vous êtes : j’ai consulté ma coupe, et j’y ai trouvé que vous étiez ceux dont un de nos prophètes a dit qu’il viendrait des Francs travestis… » Dans un ouvrage chinois de 1792, il est dit des devins : a Quelquefois ils regardent dans une jatte d’eau et y voient ce qui doit arriver. » Nouveau journal asiatique, octobre 1829, p. 261. Les poètes persans font aussi de fréquentes allusions à la coupe divinatoire. Cf. Wiseman, Discours sur les rapports entre la science et la religion, trad. de Genoude, Paris, 4e édit., XIe dise, p. 401 -403. Joseph a-t-il vraiment exercé l’art divinatoire au moyen de sa coupe ? Sans doute, il disait lui-même à ses frères : « Ignorez-vous donc que je n’ai pas d’égal dans la science de la divination ? » Gen., xliv, 15. Mais il n’est pas nécessaire de voir en toute cette scène autre chose qu’une feinte qui se continue jusqu’au dénouement. S. Thomas, Summ. theol., H » u ffi, q. xcv, art. vu ad 1, dit à ce sujet : « Quand Joseph assure qu’il n’a pas d’égal dans l’art de la divination, il parle par fiction et non sérieusement ; il fait peut-être allusion à l’opinion qu’on a de lui, et son intendant parle de même. » Cf. S. Augustin, Qusest. in Heptat., i, 145, t. xxxiv, col. 587.

3° Qubba’at (assyrien, qabûlu), mx^piov, calix, la coupe de la colère divine. Is., ii, 17, 22.

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388. — Coupes égyptiennes en albâtre.

Musée du Louvre ( coupe à gauche) ; British Muséum

( coupe à droite).

4° Sêfél (assyrien, saplu), écuelle ou tasse dans laquelle on boit du lait, Jud., v, 25 (Xe-zirr, , phiala), et dans laquelle Gédéon exprime la rosée de la toison. Jud., vi, 38 (/.eviivr), concha). C’était une coupe sans profondeur.

5° Qesâôt, employé seulement au pluriel, trrcovSeïa, cratères, phialx, vase en forme de cruche, désigne des espèces de coupes employées dans le Temple pour les libations. Exod., xxv, 29 ; xxxvii, 16 ; Num., IV, 7 ; I Par., xxviii, 17.

6° Mizrâq, de zâraq, « répandre, » çiiXï], phiala, est le nom d’autres vases à libations, en or et en argent, qui servaient dans le Temple, Exod., xxvii, 3 ; xxxviii, 3 ; Num., iv, 14 ; vii, 13, 19, 25 ; III Reg., vii, 40, 50 ; II Par., iv, 11, 22, et qui furent emportées par Nabuchodonosor. IV Reg., xxv, 15 ; Jer., lii, 18, 19. Il y en eut de semblables dans le second Temple. Zach., xiv, 23. On employait encore le mizrâq pour boire le vin. Am., vi, 6.

7° Menaqqif, x-Ja60 ; , cyathus, est aussi une coupe à libations. Exod., xxv, 29 ; xxxvii, 16 ; Num., iv, 7 ; Jer., lu, 19.

Sur d’autres vases dont la forme rappelle plus ou moins celle de la coupe, ’aggân (égyptien, ahana, c< bassin » ), kefôr (assyrien, kapru), saf, voir Vases du Temple ; surqullàh, vase à huile, voir Lampe.

II. Dans le Nouveau Testament. — 1° On donne le

nom de calice ou de coupe, ttott^cov, calix, au vase dans lequel on boit l’eau. Matth., x, 42 ; Marc, IX, 40. Pour obéir aux lois sur la purification, les pharisiens s’appliquaient à laver l’extérieur de la coupe ; mais ils négligeaient de nettoyer l’intérieur, c’est-à-dire leur propre cœur. Matth., xxiii, 25-26 ; Marc, vii, 4, 8 ; Luc, xi, 39.

— 2° C’est dans une coupe servant au repas que le divin Maître consacra le vin en son sang. Malth., xxvi, 27 ; Marc, xiv, 23 ; Luc, xxil, 17, 20 ; I Cor., x, 20 ; xi, 25-28.

— Sur le calice de bénédiction, voir col. 67. Sur les différentes coupes du festin pascal, voir col. 414. — 3° Notre d’une habitation et entouré de murs ou d’une clôture. — 1° Dans l’Ancien Testament, il est souvent question des cours ou parvis du Tabernacle et du Temple. Les cours en formaient une partie essentielle, puisque c'était là qu’on offrait les victimes en sacrifice et que se réunissaient les Israélites pour les cérémonies du culte. Voir Tabernacle et Temple. — Les maisons des simples particuliers avaient aussi fréquemment des cours, II Sam. (II Reg.), xvii, 18 (Vulgate : vesïibulum) ; II Esdr., vin, 16, comme aujourd’hui encore en Palestine. — Il est parlé des cours du palais des rois dans divers livres,

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389. — Eunuques assyriens portant des coupes. D’après Botta, Monument de Ninive, 1. 1, pi. 76.

Seigneur parle de sa passion sous la figure d’une coupe qu’il lui faut boire. Matth., xx, 22 ; xxvi, 39, 42 ; Marc, x, 38 ; xiv, 36 ; Luc, xxii, 42 ; Joa., xviii, 11. Ses disciples boiront une coupe analogue. Matth., xx, 23 ; Marc, x, 39. — 4° Saint Jean, reprenant dans l’Apocalypse le symbole employé par les prophètes, mentionne la coupe (rcotiQpiov, calix) de la colère divine. Apoc, xiv, 10 ;

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390. — Coupes assyriennes en terre cuite. British Muséum.

xvi, 19. Il parle aussi plusieurs fois de çiâXr], phiala. Les anciens appelaient de ce nom une coupe sans pied ni anse. Hérodote, i, 50 ; ii, 151 ; vii, 51 ; Euripide, Ion. } 1182 ; Xénophon, Conviv., ii, 23. C’est dans des coupes de cette nature que les anges recueillent les prières des saints, Apoc, v, 8, et qu’ils portent la colère de Dieu, prête à être versée sur la terre. Apoc, xv, 7 ; xvi, 1-17 ; xvii, 1 ; xxi, 9. Ce symbole de coupes sans pied ni anse montre que la vengeance divine n’est plus retenue par aucune force, et qu’elle est sur le point de se déverser

d’elle-même.
H. Lesêtre.

1. COUR (hébreu : bâçêr ; Septante : ccJXiî ; Vulgate : atrium, aula, vestibulum), espace découvert dépendant

de celle de Salomon à Jérusalem, I (III) Reg., vii, 8, 9, 12 ; d'Éïéchias, IV Reg., xx, 4 (d’après les Septante, la Vulgate et le qeri) ; de Sédécias, Jer., xxxvi, 20, où Jérémie fut retenu en prison. Jer., xxxii, 2, 12 ; xxxih, 1 ; xxxviii, 6 ; cf. Il Esdr., iii, 25 ; d’Assuérus (Xerxès I er) à Suse, Esth., ii, 11 ; iv, 11 ; v, 2 ; vi, 4, 5 ; de Séleucus à Tyr (uepîir-nvov, probablement la galerie à colonnes qui entourait la cour). H Mach., IV, 46. — Dans le Nouveau Testament, saint Luc, xi, 21, désigne la maison du fort armé sous le nom de la cour (aùXf, ) par laquelle on y pénètre. Les quatre évangélistes, à propos de la passion du Sauveur, mentionnent la cour du palais du grand prêtre Caïphe. Matth., xxvi, 3, 58, 69 ; Marc, xiv, 54, 66, 68 ; xv, 16 ; Luc, xxii, 55 ; Joa., xvin, 15. Des détails donnés par saint Matthieu et par saint Marc, il résulte que ce palais avait une cour extérieure, entre la rue et les bâtiments, appelée TipoaùXtov ou « avant-cour », Marc, xiv, 68 (Vulgate : ante atrium), et une cour intérieure, enfermée dans les constructions mêmes. Cf. Marc, xiv, 66 et 68. C’est dans cette cour intérieure que les satellites des princes des prêtres avaient fait du feu, Luc, xxii, 55, et que saint Pierre renia son maître. Matth., xxvi, 69 (e'Çw dans ce passage est employé en opposition à l’appartement où les juges qui jugeaient le Sauveur étaient réunis ; cf. le xâxii de Marc, xiv, 66). Après le double chant du coq, le prince des Apôtres alla pleurer sa faute dans la cour extérieure. Marc, xiv, 68.

2° Comme les Grecs et les Latins prirent l’habitude de désigner par le nom d’a-jXri, aula, non seulement la cour des palais, mais le palais lui-même, le mot aula, dans la Vulgate, traduit l’hébreu bayif, « maison, » Gen., xlv, 16 ; IV Reg., vii, 9 ; sa’aï, « porte » de l’acropole ou du palais de Suse, Esth., iv, 2, et probablement aussi xi, 3 ; xii, 1, 5 ; hékal, « palais » du roi de Babylone. Dan., v, 5. Voir aussi I Mach., xi, 46 ; II Mach., xiii, 15, où aùXïj, aula, désigne le palais royal.

3° Le mot hébreu frâçér ne signifiait pas seulement une cour de maison, mais tout lieu enclos comme une 1Ô79

COUR — COUREUR

1080

cour, tel que les clôtures dans lesquelles on enfermait les troupeaux en plein champ pendant la nuit (tt)v a-iX^v Tù>virpoéc « To)v, Joa., x, l, 16) ; les campements des nomades, Gen., xxv, 16 ; Is., xlti, 11 ; cf. Ps. x, 8, et les petits groupes d’habitations entourés de clôtures, de palissades ou de défenses quelconques en terre ou en pierre. De là le sens de « village, hameau » (Septante : i-jza-uX'.i, x(A[i*i> Vulgate : villx, viculi), qu’a souvent ce mot. Lev., xxv, 31 ; Jos., xiii, 23, 28 ; xv, 32, etc. ; xvi, 9 ; xviii, 24, 28 ; xix, 6, 7, 16, 23, 30, etc. ; I Par., iv, 33 ; Neh. (II Esdr.), xi, 25 ; xii, 29. La Vulgate a aussi traduit hàserôt par villx dans Exode, viii, 13 (hébreu, 9) ; en réalité ce mot désigne ici les cours qu’avaient alors comme aujourd’hui toutes les maisons égyptiennes, même les plus modestes ; Dieu fit périr les grenouilles qui avaient infesté l’Egypte, non seulement dans l’intérieur des maisons, mais aussi dans les cours qui les entouraient et où elles étaient fort gênantes.

4° Par suite de cette signification, le terme hâsêr est entré dans la composition d’un certain nombre de noms de lieu : 1. Hâsar-Addâr (Vulgate : villam nomine Adar), Num., xxxiv, 4 ; — 2. Hâsar-Gaddâk (Vulgate : Asergadda), Jos., xv, 27 ; — 3. Hâsar-Sûsâh, Jos., xix, 5, et Hâsar-Sûsim, I Par., iv, 31, « cour ou enclos des chevaux » (Vulgate : Hasersusa, Hasersusim) ; — 4. Hâsar 'Ênôn, Ezech., xlvii, 17 (Vulgate : atrium Enon), et Hâsar 'Ênân, Num., xxxiv, 9, 10 ; Ezech., xlviii, 1, « village des sources » (Vulgate : villa Enan ; atrium Enan) ; — 5. Hâsar Sû'al, « cour ou enclos des chacals » (Vulgate : Hasersual), Jos., xv, 28 ; xix, 3 ; I Par., iv, 28 ; Neh. (II Esdr.), xi, 27 ; — 6. Hâsêr hatlikôn, « la cour du milieu » (Vulgate : domus Tichon). — 7. Un des campements d’Bs Israélites dans le désert s’appelle simplement Haserôt, « les enclos, le douar » (Vulgate : Haseroth), Num., xi, 34 ; xiii, 1 (hébreu : xi, 35 ; xii, 16) ; xxxiii, t7 ; Deut., i, 1 ; — 8. Trois villes portent le nom de Ifâsôr, « enceinte » (Vulgate : À sor) : l’une dans la tribu de Nephthali, Jos., xi, 1, etc. ; l’autre dans le sud de Juda, Jos., xv, 23 ; la troisième nommée par Néhémie, II Esdr., xi, 33. Une quatrième ville s’appelait Hâsôr ou Hesrôn. Jos., xv, 3, 25 (Vulgate : Esron, Hesron). Une cinquième s’appelait Ifâsôr hâdat(âh, « la neuve, » Asor nova. Jos., XV, 25. Enfin une région d’Arabie portait aussi le nom de Hâsôr (Vulgate : Asor)., 1er., xlix, 28. — Le mot Ifâsôr entre enfin dans le nom des deux villes Ba’al Hâsôr (Vulgate : Baalhasor), II Sam. (II Reg.), xiii, 23, et 'En Hâsôr (Vulgate : Enhasor). Jos., xix, 37.— Pour toutes ces localités, voir leurs noms d’après l’orthographe de la Vulgate. F. Vigouroux.

2. COUR, résidence d’un roi et suite qui l’accompagne Ou lui sert à gouverner son royaume. Il n’y a aucun mot spécial dans l'Écriture pour exprimer ce que nous appelons la cour, mais elle existait réellement chez les rois de Juda et d’Israël. David, en organisant le royaume, se bâtit un palais pour sa résidence, II Reg., v, 11 ; vii, 2 ; 1 Par., xiv, 1, comme devait le faire aussi après lui Salomon, III Reg., vii, 1, et de plus il s’entoura de ministres et de fonctionnaires, qui lui formèrent une cour, à lui et à ses successeurs. Sans parler des chefs de l’armée ( voir Armée), il avait des conseillers (voir Conseiller), des re’im (voir Ami, 7°, t. i, col. 479-480), des secrétaires (voir Secrétaires), des historiographes (voir Chancelier et Historiographe). Nous ne trouvons pas chez les anciens comme de nos jours des ministres chargés spécialement des finances, des relations étrangères, de l’intérieur, etc. ; mais David avait un trésorier et des préposés à la surveillance de ses biensfonds et de ses troupeaux. I Par., xxvii, 25-32. Sous le règne de Salomon, nous voyons des collecteurs officiels des impôts (voir Impôts), qui devaient faire partie de sa cour, car plusieurs d’entre eux avaient épousé des filles du roi, III Reg., iv, 7-19 ; des chefs des travaux publics, III Reg., IX, 23 (voir

Corvée) ; un préposé au palais royal, IV Reg., iv, 6, qui est aussi mentionné sous ses successeurs, IV Reg., xviii, 18, 37 ; xix, 2 ; cf. x, 5 ; Is., xxii, 15 (voir Ahisar, Ëliacim, Sobna). Le grand prêtre et sa famille peuvent être aussi considérés comme faisant partie de la cour. — Le titre de kôhên, « prêtre, » est donné à des ministres du roi, spécialement de David et de Salomon. II Sam. (II Reg.), viii, 18 ; xx, 26 ; I (III) Reg., iv, 5. On a beaucoup discuté sur le sens de ce titre (voir Gesenius, Thésaurus, p. 663-664). Puisque dans II Sam., viii, 18, il est appliqué aux fils de David, qui, n'étant pas de la tribu de Lévi et de la famille d’Aaron, ne pouvaient exercer les fonctions sacerdotales, il s’ensuit qu’il désigne une haute fonction civile à la cour. — Joseph devint premier ministre du pharaon, et Moïse fut élevé à la cour des rois d’Egypte, comme Daniel fut élevé à celle de Nabuchodonosor et y remplit des fonctions importantes sous ce roi et sous ses successeurs. Esther vécut comme reine à la cour du roi perse Assuérus ou Xerxès I er, et Mardochée devint son ministre ; Néhémie vécut aussi une partie de sa vie à la cour des rois perses comme échanson d’Artaxerxès. II Esdr., ii, 1. (Voir ces différents noms.) — Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fait allusion à la cour des rois, lorsqu’il dit, Matth., xi, 8 ; Luc, vii, 25, que c’est dans leurs palais que l’on trouve ceux qui sont vêtus d’habits précieux. — Il fut envoyé lui-même par Pilate, au moment de sa passion, à la cour (ff-pi-reup. » ; Vulgate : exercilus, mot qui désigne ici la suite du roi) d’Hérode Antipas, qui le fit, par moquerie, revêtir d’une robe blanche. Luc, xxiii, 7-11. F. Vigouroux.

    1. COUREUR##

COUREUR (hébreu : ras, toujours au pluriel râsim ; grec : xpéxo/ie ; , II Par., xxx, 6, 10 ; I Cor., ix, 24 ; irapaTpé/ovts ; , I Reg., XXII, 17 ; IV Reg., XI, 11. 'Pa<n'[i, IV Reg., xi, 4, 19 ; napaSpopiïi, II Mach., iii, 28 ; Vulgate : cursor, II Par., xxx, 6 ; II Mach., iii, 28 ; emissarii, I Reg., xxii, 17 ; scutarii, III Reg., xiv, 27 ; II Par., xii, 10, 11 ; milites, IV Reg., xi, 4 ; phelethi, IV Reg., xi, 19).

1° Coureurs au service des rois juifs. — Parmi les serviteurs ou les gardes des rois juifs sont mentionnés les râsim. Tantôt ils sont représentés courant devant lechar du roi, et le fait d’avoir des râsim est considéré comme une prérogative royale. I Reg., viii, 11 ; II Reg., xv, 1 ; III Reg., i, 5 ; Jer., xvii, 25 ; xxii, 4. Voir Char, col. 565. Cette coutume existait en Egypte, et les monuments nous montrent les coureurs qui précèdent ce char royal. Voir fig. 193, col. 565. Les râsim étaient armés et gardaient la porte du roi. IV Reg., xi, 4, 11, 19. Dans ces trois passages les Septante transcrivent, aux versets 4 et 19, le mot hébreu "Pa<r ! |i, et au ꝟ. 11, ils traduisent par izapoLTpixovcti. La Vulgate traduit au ^. 4 par milites, et au y. 19 par phelethi (voir Phéléthiens) ; au y. Il elle passe le mot. Cf. III Reg., xiv, 27 ; II Par., xii, 10, 11. Dans ces passages, la Vulgate traduit par scutarii. Voir Rouclier, t. i, col. 1881. Les râsim remplissaient aussi les fonctions de bourreaux. IV Reg, x, 25. Cf. I Reg., xxii, 17. Voir Bourreau, I, 3°, t. i, col. 1885. La Vulgate traduit ici par emissarii. Enfin ils étaient chargés de porter les messages royaux. II Par., xxx, 6, 10. Dans : ce dernier cas, ils faisaient les fonctions de courriers. Voir Courrier.

2° Coureurs assyriens. — La Bible mentionne aussi des coureurs au service des généraux assyriens. Holopherne vint en Palestine avec un grand nombre de coureurs et de satellites. II Mach., iii, 28. Ces coureurs étaient des serviteurs remplissant les fonctions que nous avons indiquées plus haut.

3° Coureurs dans les courses du stade. — Le coureur du stade était désigné, en grec, sous le nom de Spoue-J ; , mais on employait d’ordinaire le terme plus général d’athlète. Voir t. i, fig. 351, col. 1223. Saint Paul, I Cor., IX, 24, emploie, pour désigner les coureurs, le participe

ù tpézovreç, que la Vulgate traduit par qui currunt. Il compare souvent la vie chrétienne à une course, et, dans les incidents ordinaires de ce concours, il trouve autant de leçons pour les iidèles. Act., xx, 24 ; Gal., ii, 2 ; v, 7 ; Phil., ii, 16 ; Rom., ix, 16 ; II Tim. iv, 7-8. Voir Athlète, t. i, col. 1223-1225, et Stade. E. Beurlier.

COURGE. — I. Description. — Herbe annuelle de la famille des Cucurbi lacées, remarquable par ses fruits

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391. — Cucurbita Lagenarla.

charnus, atteignant souvent un volume énorme, et de formes très variées. La tige est longuement rampante,

accrochantes. Les fleurs sont monoïques, à corolle gamopétale ; les mâles à cinq étamines, dont quatre réunies par deux ; les femelles à ovaire infère, avec style court et trifide. — La principale espèce est le potiron (Cucurbita maxima), à pédoncule renflé et feuilles plus larges que longues. La citrouille (Cucurbita Pepo), longtemps confondue avec le précédent, a le pédoncule plus mince et plus profondément cannelé. Une troisième espèce ( Cucurbita Lagenaria) (fig. 391), à tige plus sarmenteuse et à Heurs blanches, est souvent utilisée à recouvrir les pans de murs ou à former des tonnelles. La chair, plus mince que dans les autres espèces, ne se mange pas ; mais la dureté que prennent en se desséchant les enveloppes du fruit permet de l’employer comme vase à contenir les liquides, après qu’on l’a vidé de sa pulpe et des graines. La forme est celle d’une bouteille à long goulot dans la variété nommée cougourde. Ce goulot se renfle lui-même presque autant que la partie ventrue dans la vraie gourde des pèlerins ; enfin tout étranglement disparaît dans la forme dite calebasse. — Ces plantes, originaires de l’Inde et de l’Afrique, sont extrêmement polymorphes, et la culture, qui les a propagées dans le monde entier, en a obtenu d’innombrables variétés par leur croisement, soit entre elles, soit avec leurs congénères. F. Hy.

IL Exégèse. — Les Septante ont traduit le qîqâyôn, la plante qui ombragea Jonas, IV, 6, 7, 9, 10, par xoXoxûvôt], entendant par ce mot la courge, comme du reste l’ancienne version Italique l’a bien rendu du grec : cucurbita. Aussi dans les catacombes Jonas est-il représenté souvent assis ou couché sous une courge disposée en berceau et garnie de feuilles et de fruits (fig. 392). Saint Jérôme, en traduisant sur l’hébreu le texte de Jonas, savait que ce sens n'était pas exact, et qu’il s’agissait du ricin, comme on le croit communément aujourd’hui. Il dit lui-même, In Jonam, IV, 6, t. xxv, col. 1148, que, ne trouvant pas de nom pour cette plante dans la langue latine (Pline, H. N., xv, 7, est le seul auteur latin ancien qui en ait parlé et l’ait appelé ricinus), il avait pensé d’abord transcrire le nom même du texte hébreu ; mais

392. — Jonas sous la cucurbite. An milieu, le Bon Pasteur. À gauche, au bas, Jonas est Jeté dans la mer et englontl par le monstre marin. Au-dessus, il est rejeté vivant. À droite, au bas, pousse la cucurbite. Au-dessus, elle a grandi, et Jonas repose à son ombre. Catacombe de Sainte-Sotère. D’après de Rossi, Borna sotterranea, t. iii, pi. x.

couverte de poils rudes, ainsi que les feuilles, qui sont amples, à limbe lobé et pourvues à leur base de vrilles

il craignit de n'être pas compris et de fournir lieu, comme il le dit, ibid., à des commentaires invrai

semblables de la part des grammairiens. Alors il suivit les traducteurs grecs, comme Symmaque, qui avaient rendu qîqâyôn par 7.iua6ç, « lierre, » et il mit hedera. Celte substitution de hedera à cncurbita fut l’occasion de troubles dans l'Église d’Oéa, en Afrique. Saint Augustin, Epist. i.xxi, 5, t. xxxiii, col. 242-243, s’en plaignit à saint Jérôme, en apportant contre lui le témoignage des Juifs de cet endroit. Il reçut cette réponse : « Si vos Juifs, par malice ou par ignorance, prétendent que le texte hébreu est conforme aux exemplaires grecs et latins, il est manifeste qu’ils ne savent pas l’hébreu, ou qu’ils ont voulu mentir pour se moquer de ceux qui cultivent la courge. » S. Jérôme, Epist. cxii, t. xxii, col. 931. Cf. Jean l’Heureux (Macarius), Hagioglypta, sive pictural et sculptures sacrss antiquiores, édit. Garrucci, in-8°, Paris, 1856, p. 211. Voir Ricin. E. Levesque.

    1. COURONNE##

COURONNE (Hébreu : 'âldrdh, de 'dtar, « entourer, » cf. I Reg., xxiii, 26 ; Ps. v, 13 ; Eccli., l, 13 ;

parce qu’elle plaçait la couronne royale sur la tête des chefs de ses colonies. Is., xxiii, 8. — 2° Les couronnes sacerdotales. — Zacharie, vi, 11, 14, parle de couronnes sur la tête du grand prêtre ; ces couronnes représentent sans doute la royauté et le sacerdoce du Messie. Il est aussi question d’une couronne d’or sur la tiare du grand prêtre. Eccli., xlv, 9, 14. Voir Tiare. Toutes ces couronnes royales ou pontificales affectaient la forme de tiare, qui se retrouve fréquemment dans les monuments figurés et les statues d’Egypte, t. i, fig. 219, 306, col. 900, 1126 ; d’Assyrie, t. i, fig. 216, 217, col. 898, 899, et de Perse, t. i, fig. 221, col. 901. — 3° Les couronnes offertes en hommage. — On offrait des couronnes à un roi ou à son représentant en signe de soumission. C’est ainsi que les peuples révoltés de Syrie se soumettent à Holopherne en lui présentant des couronnes. Judith, , m, 10. Plus tard, cette offrande volontaire devint un véritable tribut dont les rois de Syrie daignèrent parfois exempter les Juifs. I Mach, , x, 29 ; xi, 35 ; xiii, 37, 39 ;

Festin dans lequel les convives portent des couronnes. D’opr6s J. Micali, StoHa degll antichi popoli Italianl.

Atlas, fav. 38.

kàtér, Esth., vi, 8 ; Prov., xiv, 18 ; livyâh, de lâvâh, « tordre, tourner, » Prov., i, 9 ; IV, 9 ; Septante : erréçavo ; [dans À et., xiv, 13 : <jzt>.i.a ] ; Vulgate : corona), ornement qui se porte sur la tête et qui, originairement composé de feuillage ou de ileurs, a été parfois ensuite imité en métal. La Sainte Écriture parle de couronnes tantôt dans le sens littéral, tantôt dans un sens métaphorique ou symbolique.

I. Les couronnes au sens littéral. — 1° Les couronnes royales. — Joab s’empare de la couronne du roi des Ammonites et la place sur la tête de David. Cette couronne d’or, enrichie de pierres précieuses, « pesait un talent d’or » (près de cinquante-neuf kilogrammes), c’est-à-dire probablement valait ce poids d’or brut. II Reg., xii, 30 ; I Par., xx, 2. La Bible mentionne encore une couronne de pierres précieuses de David, Ps. xxi (xx), 4, peut-être la même que la précédente ; la couronne du roi Salomon au jour de ses noces, Cant., iii, 11 ; celle du roi de Perse, Esth., vi, 8 ; celle qui fut mise sur la tête de Mardochée, Esth., viii, 15 ; celle que le roi de Syrie, Alexandre Bala, envoya à Jonathas avec la pourpre, afin de le constituer roi de Judée. IMach., x, 20. La ville de Tyr est appelée hamma' âtirâh, « celle qui couronne, »

II Mach., xiv, 4. Cf. Hérodien, I, vii, 4, 11 ; Suétone, Nero, 25 ; Tite-Live, xxxiii, 33. — 4° Les couronnes dans les festins. — On portait des couronnes dans les festins et dans les circonstances joyeuses. Cf. III Mach., iv, 8 ; vu, 16 ; Athénée, Deipnosoph., xv, 673 (fig. 393). Le président du banquet en recevait une, chez les Juifs des derniers temps. Eccli., xxxii, 3. Les jouisseurs incrédules se couronnaient de roses dans leurs festins. Sap., ii, 8. — 5° Les couronnes idolâtriques. — Les dieux de Babylone ont la tête ornée de couronnes d’or et d’argent. Bar., vi, 9. Cf. t. i, fig. 454, col. 1482. Les Juifs se couronnent de lierre, quand ils célèbrent les fêtes de Bacchus sous les Séleucides. II Mach., vi, 7. Cf. t. i, col. 1378. Quand Paul et Barnabe se présentent à Lystre, le prêtre de Jupiter, qui les prend pour des divinités, accourt avec des victimes et des couronnes. Act., xiv, 12. Ces couronnes étaient destinées aux victimes et aussi aux sacrificateurs. Cf. Hérodote, ii, 45 ; Lucien, De dea syra, 58 ; Diodore de Sicile, xvi, 91 ; Virgile, Mn., v, 366 ; Ovide, Metam., xv, 130 ; etc. — 6° Les couronnes des athlètes. — Saint Paul, I Cor., ix, 25, parle de ces couronnes périssables qu’ambitionnent les athlètes. Voir Athlètes et les couronnes en question représentées t. i, fig. 352, 353, COURONNE

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col. 1223, 1224. — 7° Les couronnes ornementales. — Il en existait dans le temple de Jérusalem, et Antiochus les enleva. I Mach., i, 23. Certains commentateurs ont regardé ces couronnes comme des ex-voto d’or ou d’argent. Il paraît plus probable que c'étaient des guirlandes décoratives, des brises ou des encadrements de métal précieux. Judas Machabée fit replacer, sur la façade du temple, ces divers ornements. I Mach., iv, 57. Les versions appellent de même du nom de « couronne » le zêr,

Elle marque en conséquence la puissance, Ezech., xxi, 26 (31), même celle que Dieu communique pour exercer sa vengeance. Apoc, ix, 7. Elle convient donc excellemment au Fils de l’homme, Apoc, xiv, 14, et apparaît sur la tête de la femme qui représente l'Église et la très Sainte Vierge. Apoc, xii, 1. — 2° Elle est un signe de gloire sur la tête du Sauveur, Heb., Il, 7 ; de David, Eccli., xlvii, 7 ; de l’homme en général, Ps. vnt, 6 ; du vieillard. Prov., xvi, 31. Le Seigneur est une couronne

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394. — La sainte Couronne de Notre-Dame de Paris. D’après une photographie.

Dans l’intérieur sont placées trois des principales reliques des saintes Épines : 1. Épine de Pise ; 2. de Trêves ;

3. de Wevelghem (diocèse de Bruges). — La Couronne est réduite de moitié ; les Épines sont réduites d’un tiers de la grandeur réelle.

la bordure ou guirlande qui faisait le tour de l’arche d’alliance. Exod., xxv, 11 ; xxx, 3 ; xxxvii, 14, etc. ; cf. t. i, col. SM3 ; celle qui décorait l’autel, Ezech., xliii, 17, 20, et même un simple chapiteau. Jer., lii, 22. Dans quelques autres passages, Is., lxi, 3, 10 ; Ezech., xxiv, 17, 23, etc., les versions traduisent encore par « couronne » le mot pe'êr, qui veut dire « mitre » ou « turban ». — Sur la « couronne de la maison de Joab », I Par., ii, 51, voir Ataroth, t. i, col. 1206, 6. Dans ce texte, les traducteurs ont pris le mot 'atrôt comme nom commun.

IL Les couronnes dans i.esens métaphorique ou symbolique. — Dans la Sainte Écriture, comme du reste dans les auteurs profanes de l’antiquité, la couronne se prend comme le symbole ou la figure de tout ce qui honore. Ainsi 1° la couronne symbolise la royauté, Eccli., xl, 4 ; le châtiment divin la fait tomber. Jer., xiii, 18.

de gloire pour son peuple. Is., xxviii, 5. Réciproquement, la nouvelle Sion sera une couronne de gloire dans la main du Seigneur. Is., lxii, 3. — 3° Une marque d’adoption. Dieu met la couronne sur la tête d’Israël, pour indiquer qu’il est son peuple choisi. Ezech., xvi, 12. Elle devient une couronne d’orgueil pour les hommes d’Ephraïm révoltés contre le Seigneur. Is., xxviii, 1, 3. Jérusalem et Samarie commettent une abomination en se laissant couronner par les Assyriens. Ezech., xxiii, 42. — 4° Un signe de prospérité, Lam., v, 16 ; des bienfaits temporels du Seigneur, Ps. lxiv (lxv), 12 ; de sa grâce et de sa miséricorde, Ps. cm (cn), 4 ; de la bonne réputation, Job., xix, 9 ; de la richesse du sage, Prov., xiv, 24 ; du cortège honorable que l’on fait à quelqu’un que l’on aime. Eccli., l, 13 ; Philip., iv, 1. Les enfants des enfants sont la couronne des vieillards. Prov., xvii, 6. — 5° Un symbole

de vertus, de fidélité à la loi, Prov., i, 9 ; de science, Prov., Xiv, 18 (texte hébreu) ; de sagesse, Prov., iv, 9 ; Eccli., VI, 32 ; xxv, 8 ; de crainte du Seigneur, Eccli., r, 11, 22 ; d’activité domestique. Prov., xii, 4. — 6° Un symbole de victoire, II Tim., ii, 5 ; Apoc, vi, 2, et surtout de la victoire qui conduit à la vie éternelle. Tob., iii, 21 ; Sap., iv, 2 ; I Thess., ii, 19 ; II Tira., iv, 8 ; Jacob., i, 12 ; I Pet., v, 4 ; Apoc, II, 10 ; iii, 11 ; iv, 4, 10. _ III. Couronne d'épines de Notre -Seigneur. — Les Evangélistes racontent que, pendant que les Juifs s’efforçaient d’arracher à Pilate la condamnation du Sauveur, les soldats de la cohorte romaine « tressèrent une couronne d'épines et la mirent sur la tête » de Notre -Seigneur. Matth., xxvii, 29 ; Marc, xv, 17 ; Joa., xix, 2 Prenant ensuite le roseau qu’ils venaient de placer entre ses mains, « ils frappaient sur sa tête. » Matth., xxvii, 30 ; Marc, xv, 19. Quand ce supplice eut pris fin, « Jésus sortit portant la couronne d'épines. » Joa., xix, 5. Par cette dérision cruelle, les soldats voulaient se moquer du titre de roi que le Sauveur avait revendiqué, mais dont ils ne comprenaient pas le sens. À ce roi ils offraient un diadème humiliant et douloureux, fidèle symbole de toutes les souffrances et aussi de toutes les gloires de la rédemption. 1° Description de la Couronne d'épines. — Elle était formée d’un jonc entrelacé d'épines. Les anciens auteurs qui parlent de la sainte Couronne ne s’accordent pas entre eux : les uns prétendent qu’elle est un jonc, les autres affirment qu’elle se compose de branches épineuses. L’examen des reliques actuelles conservées dans diverses églises permet de tout concilier et de tout expliquer. La relique conservée à Notre-Dame de Paris se compose d’un anneau de joncs assez petits formant faisceau, et reliés ensemble par quinze ou seize attaches de même nature. La surface de ces joncs, examinée à la loupe, a laissé apercevoir de petites côtes longitudinales. Quelquesuns, repliés sur eux-mêmes, ont permis de constater que la plante est creuse. La figure 394 représente l’aspect actuel de la sainte Couronne, d’après une photographie qui a été tirée en 1896, au moment du transfert du précieux objet dans un nouveau reliquaire. Le diamètre intérieur de l’anneau a deux cent dix millimètres. On a reconnu que ce jonc était exactement semblable au juncus balticus, commun dans les pays chauds. — Les branches épineuses (fig. 394) appartiennent à l’espèce rhamnus spina Christi de Linné, appelée par les modernes zizyphus spina Christi. Le zizyphus ou jujubier, originaire de Syrie, est un arbrisseau de cinq ou six mètres de haut ; ses rameaux tortueux sont armés de fortes épines rapprochées deux à deux, dont l’une est droite et l’autre recourbée en crochet. Voir Jujubier. Ces épines, aiguës et tranchantes, font de cruelles blessures. — Il est maintenant aisé de se rendre compte du procédé mis en œuvre par les soldats pour fabriquer la Sainte Couronne. La scène du couronnement fut improvisée ; on se servit donc des objets qu’on avait sous la main dans la citadelle Antonia. Le jonc était là, destiné soit à former la litière des chevaux, soit à allumer le feu quand la plante serait desséchée. Peut-être la poignée de tiges dont les soldats firent l’anneau venaitelle de lier quelque fagot de joncs ou d'épines. Les branches de zizyphus, rapidement desséchées par le soleil, devaient fort probablement alimenter le feu, comme font nos ajoncs marins coupés depuis un certain temps. Quand l’idée fut venue aux soldats d’infliger à Notre-Seigneur un couronnement dérisoire, ils firent avec ces branchages épineux une espèce de mitre ou de bonnet qui recouvrait toute la tête. Mais comme les branches peu souples et peu maniables du zizyphus avaient tendance à s'écarter, on les assujettit en place au moyen de la couronne de jonc. C’est ce qui explique pourquoi le diamètre de cet anneau de jonc est beaucoup plus large que celui de la tête. Par surcroit de précaution et de cruauté, on fit pénétrer les épines dans la tête du Sauveur, autant qu’il était possible, en les enfonçant avec le roseau.

2° Histoire de la sainte Couronne d'épines. — On ignore dans quelles conditions la sainte Couronne fut conservée pendant les premiers siècles. Il n’en est pas fait mention parmi les découvertes de sainte Hélène au Calvaire, et il n’y a pas lieu de s'étonner de ce silence. On' ne pouvait guère ôter à Notre-Seigneur le manteau de pourpre et lui remettre sa tunique, sans le débarrasser au préalable de la couronne d'épines. Matth., xxvii, 31. Il n’y a pas de raison pour affirmer que la couronne ait été replacée sur la tête du divin patient soit pendant la marche au Calvaire, soit quand il fut sur la croix. La sainte couronne a donc pu passer des mains des soldats à celles d’un disciple du Sauveur. L’existence de la sainte Couronne est supposée pour la première fois par saint Paulin, Epist. ad Macar., xlix, 14, t. lxi, col. 407, et un peu

395. — Reliques de la sainte Couronne d'épines, conservées, celle de droite a la cathédrale d’Autun, celle de gauche au grand séminaire de la même ville. Cette dernière porte cette inscription en lettres gothiques : [Dieux espines corône nrë Sr.

plus tard attestée par saint Grégoire de Tours, De glor. martyr., i, vii, t. lxxi, col. 712. La sainte relique fut ensuite partagée, croit-on, entre l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, et la chapelle des empereurs de Constantinople. Dans une lettre qu’il écrivait, en 1100, à Robert, comte de Flandre, l’empereur Alexis Comnène I", parlait de la sainte Couronne et des autres reliques de la passion, vénérées dans sa chapelle impériale. Martène, Vet. script, et monument, ampliss. colleclio, Paris, 1724, t. i, p. 574. En 1238, Baudouin II, venu en France pour chercher secours en faveur de son empire chancelant, fit don à saint Louis de la sainte Couronne conservée à Constantinople. Le pieux roi accepta et se hâta d’envoyer pour la recevoir deux dominicains, dont l’un avait résidé à Constantinople et s'était trouvé plusieurs fois en présence du précieux dépôt. Arrivés à destination, les envoyés apprirent que, pressés par la nécessité, les ministres de l’empereur venaient d’engager la sainte Couronne aux Vénitiens pour une forte somme. Ils promirent, au nom du roi, de verser la somme stipulée, prirent toutes les précautions pour constater l’authenticité de la sainte relique, revinrent rapidement en France, et de là retournèrent à Venise, avec la somme nécessaire, pour prendre possession de la sainte Couronne, déposée dans le trésor de Saint-Marc Celle-ci arriva à Sens, le Il août 1239, et à Paris, huit jours après. C’est pour la conserver dans un monument digne d’elle que saint Louis fit construire la SainteChapelle. Elle y resta jusqu'à la révolution. La sainte Couronne fut alors successivement transportée à Saint -Denis en 1791, à l’Hôtel des monnaies, où on la dépouilla de son reliquaire, en 1793, ensuite à la Bibliothèque nationale, d’où elle fut enfle retirée pour être

remise à l’archevêque de Paris, le 26 octobre 1804, et transférée solennellement à Notre-Dame, le 10 août 1803. Elle y est demeurée jusqu'à ce jour.

Les branches d'épines ont été depuis longtemps dispersées à travers le monde chrétien. On connaît plusieurs églises qui possèdent des épines, Bulletin critique, avril 1889, p. 18. Toutefois la liste est incomplète, et d’autre part plusieurs de ces épines peuvent n'être que de simples imitations. D’autres églises possèdent des fragments d'épines et quelques-unes ont des reliques du jonc. En sept ou huit endroits, on vénère des branches de l’arbrisseau qui a fourni les épines. La principale est à Pise, dans la chapelle délia Spina (fig. 394) : elle a quatre-vingt millimètres de hauteur, et portait primitivement six épines, dont trois sont restées intactes. L’une de celles-ci atteint vingt millimètres de longueur. La branche conservée à Saint-Sernin de Toulouse a quarante-unmillimètres ; cellede Trêves, onzecentimètres ; celle de la cathédrale d’Autun, trente-trois millimètres. Deux épines, de trente-huit et trente-quatre millimètres, sont vénérées au grand séminaire d’Autun (fig. 395).

Voir (Gosselin), Notice historique sur la sainte Couronne d'épines de Noire-Seigneur Jésus-Christ et sur les autres instruments de sa Passion, Paris, 1828, p. 77-133 ; Rohault de Fleury, Mémoire sur les instruments de la Passion, Paris, 1870, p. 199-224 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., Paris, 1896, p. 176-177.

H Le s être

    1. COURONNE-DE-LA-MAISON-DE-JOAB##

COURONNE-DE-LA-MAISON-DE-JOAB (Vulgate : Corona domus Joab). Saint Jérôme traduit ainsi le nom de lieu appelé en hébreu 'Atrôt bêt Yô'âb, I Par., il, 54. Voir Ataroth 6, t. i, col. 1200.

    1. COURRIER##

COURRIER (hébreu : râsîm ; Septante : pig).toç<Sptn ; Vulgate : cursor, Esther, iii, 13 ; viii, 10), messager chargé de porter rapidement les lettres.

1° Courriers chez les Juifs. — La poste n'était pas organisée d’une manière régulière chez les Juifs. Les rois et les particuliers faisaient porter leurs lettres par des amis, par des officiers ou des serviteurs. Urie porte une lettre de David à Joab. II Reg., xi, 14. La plupart du temps le courrier n’est pas indiqué. I Mach., v, 10 ; xvi, 19 ; II Esdras, vi, 5, 17. Quand les rois envoyaient des lettres circulaires, ils les faisaient porter par les râsîm. II Par., xxx, 1, 6. Voir Coureur. — Les lettres adressées à des souverains ou à des peuples étrangers étaient portées par les ambassadeurs. I Mach., xiv, 22, 24. 2° Courriers chez les Assyriens. — Les Assyriens, comme les Juifs, faisaient porter leurs lettres par leurs serviteurs. Ainsi fait Sennachérib quand il écrit à Ézéchias. II Par., xxxii, 9, 17.

3° Courriers chez les Perses. — Après qu’Aman eut obtenu du roi Assuérus l'édit de persécution contre les Juifs, il le fit transmettre à toutes les villes du royaume par les courriers royaux. Esther, iii, 13. La révocation de l'édit fut portée de la même façon à la connaissance de tout l’empire. Esther, viii, 10. Nous sommes ici en présence d’une poste organisée. C’est par les rois de Perse, en effet, que la poste a été inventée. — Hérodote, viii, 98, cf. iii, 126, etXénophon, Cyropéd., VIII, VI, 17-18, nous donnent des détails circonstanciés sur l’organisation des postes perses. Cyrus, dit Xénophon, fit établir de distance en distance des relais de poste où étaient installés des chevaux et des palefreniers. Dans chacun de ces relais, un homme recevait la lettre qu’apportait le courrier et la transmettait à un autre jusqu'à l'étape suivante. Les courriers ne s’arrêtaient par aucun temps, si mauvais qu’il fût, et le service se faisait la nuit comme le jour. Les chevaux employés par les courriers sont appelés, dans la Bible, rékés hâ - âhasterdmm benê-liâ-rammâkhn, c’est-à-dire les chevaux royaux, fils des troupeaux ou des haras [du roi]. Esther, viii, 10.

Ces mots persans ont embarrassé les Septante et saint Jérôme, qui ne lespnt pas traduits. Voir Gesenius, Thésaurus lingux hebrxx, p. 1291 ; Haug, Erklârung persicher Wôrter ; dans Ewald, Jahrbiicher der Biblischen Wissenschaft, t. v, 1853, p. 154. D’après Hérodote, iii, 106 ; vii, 40, les étalons d’où sortaient les chevaux des postes perses s’appelaient Niséens, et on les élevait spécialement pour le service du roi dans les plaines de la Médie. — Hérodote, viii, 98, appelle la poste perse ajya^iat. Dans le mot grec M. Oppert a reconnu le mot perse hangàrigam. Commentaire historique et philologique du livre d’Esther d’après la lecture des inscriptions perses, in-8°, 1864, p. 19. Les courriers s’appelaient en grec ayyaçiot. Suidas (au mot à'YY « poç) dit que ce terme s’appliquait d’abord aux porteurs de fardeaux, puis à toutes sortes de gens soumis à la prestation ou à la corvée. Dans Eschyle, Agamemnon, 273, il signifie disposé de relais en relais. Les Romains ont latinisé ce mot pour désigner les réquisitions faites pour le service des postes impériales, qui furent appelées angaria ou angarium. Digeste, L, iv, 18, 4, 29 ; v, 10, 11, 49, etc. ; Cod. Théod., VIII, v ; Cod. Justin., XII, Ll. De là sont venus les verbes àyyapvjîn et angariare, « réquisitionner, » qui sont employés dans les Évangiles à propos de Simon le Cyrénéen. Matth., xxvii, 32 ; Marc, xv, 21. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, 1896, p. 652. — Dans d’autres passages de l'Écriture, il est question d’une lettre envoyée par les Juifs à Artaxerxès et de la réponse de ce roi, I Esdr., iv, 7, 17 ; de lettres de satrapes à Darius, I Esdr., v, 6 ; et d’Artaxerxès à Esdras, I Esdr., vii, 11 ; mais l’emploi des courriers n’est pas indiqué.

4° Courriers chez les Grecs. — Il est fait mention dans la Bible d’un courrier envoyé parle roi de Sparte, Arius, et il est dit qu’il fut reçu avec honneur par le prêtre Simon. I Mach. xii, 7, 8. Souvent aussi il est question de lettres envoyées par les Séleucides ou leurs officiers, mais sans qu’il soit parlé des courriers qui les portaient. I Mach., ix, 60 ; x, 3, 17 ; xi, 29, 31 ; xiii, 35 ; II Mach.. ix, 18 ; xi, 22, 27.

5° Courriers chez les Bomains. — Les lettres adressées par les Romains aux peuples étrangers étaient évidemment portées par des courriers spéciaux, mais ces courriers ne sont pas mentionnés. II Mach., xi, 34. Les lettres écrites par Lucius à Ptolémée, à Démétrius et à un certain nombre d’autres rois et de peuples grecs, furent confiées à l’ambassadeur juif Numénius et à ses compagnons. I Mach., xv, 15. — La poste, cursus publions, ne fut organisée chez les Romains que sous l’Empire ; encore fut-elle exclusivement réservée aux empereurs et aux magistrats. Les particuliers continuèrent à faire porter leurs lettres par des amis ou des serviteurs, comme au temps de la République. Les esclaves chargés de porter les lettres s’appelaient cursores. Pline le Jeune, Epist., vii, 12 ; Suétone, Nero, 49. Les Apôtres n’avaient donc d’autres ressources pour transmettre leurs Épîtres aux Églises que de les confier à leurs disciples. C’est ainsi que la lettre du concile de Jérusalem fut portée à Antioche par Paul, Barnabe, Juda, surnommé Barsabas, et Silas. Act., xv, 22, 23. La première Épître de saint Paul aux Corinthiens fut confiée à Stéphana, Fortunat et Achaïque, les trois députés envoyés par l'Église de Corinthe pour informer l’apôtre des troubles qui la désolaient. I Cor., xvi, 17. La seconde aux Corinthiens fut portée par Tite. II Cor., vm, 6. L’esclave Onésime porta l'Épltre à Philémon, Philem., 11-12 ; Tychique, l'Épltre aux Éphésiens. Eph., vi, 21. Epaphrodite, envoyé de Philippes à Rome pendant la captivité de saint Paul, rapporta l'Épître aux Philippiens. Philipp., ii, 25. Le tribun Claudius Lysias fait porter, par les centurions chargés de conduire saint Paul au procurateur Félix, la lettre dans laquelle il l’instruit des événements qui viennent de se passer à Jérusalem. Act., xxiii, 23, 33. E. Belrlier.

II. — 35

COURSE. Voir Athlète, 1°, et fig. 351, t. i, col. 1223.

    1. COURTISANE##

COURTISANE (hébreu : zônâh, « prostituée ; » nokriyâh, « l'étrangère ; » qedêsâh, « consacrée [au culte des divinités sensuelles] ; » Septante ; rcipviri ;  ; Vulgate : meretrix). Tandis que chez les païens la profession de courtisane était reconnue et protégée par les lois, elle fut toujours réprouvée chez les Hébreux, et la loi mosaïque l’interdit explicitement. Lev., xix, 29 ; xxi, 9 ; Deut., xxiii, 17. Cf. Joséphe, Ant. jud., IV, viii, 23. Cette prohibition ne fut pas toujours observée, car nous voyons Salomon rendre son célèbre jugement au sujet des enfants de deux courtisanes. III Reg., iii, 16. Au temps de la séparation des dix tribus, à cause de l’influence syrienne, les courtisanes étaient très répandues dans le royaume d’Israël. L’extension du culte des fausses divinités et spécialement d’Astarté dut contribuer au développement de cette profession. III Reg., xiv, 24 ; xv, 12 ; xxii, 47 ; IV Reg., xxiii, 7 ; cf. Bar., vi, 43 ; Ose., IV, 14. L'Évangile fait allusion à l’existence des courtisanes au temps de Jésus-Christ, Matth., xxi, 31 ; Luc, xv, 30, et il est dit de saint Jean-Baptiste qu’il en convertit plusieurs. Matth., xxi, 32. En fait, il y en eut presque de tout temps chez les Hébreux, Bar., vi, 8, 43 ; III Reg., iii, 16 ; Prov., vi, 24-26 ; vii, 10, 23, 27 ; Am., ii, 7 ; Os., i, 2 ; elles faisaient probablement, comme c'était l’usage chez les Tyriens, les Arabes et les Perses, l’office de musiciennes et de danseuses. Eccli., IX, 4 ; Is., xxiii, 16. De là leur nom i’ambubajse, au temps des empereurs romains. Suétone, Nero, 27 ; Horace, Sat., i, ii, 1. On peut aussi supposer, d’après le nom de nokriyâh, qui leur est quelquefois donné, que les femmes qui exerçaient cette profession chez les Hébreux étaient souvent des étrangères, particulièrement des Syriennes et des Phéniciennes. Jud., xvi, 1. Lorsque les Hébreux firent la conquête de la Terre Promise, il existait des courtisanes chez les Chananéens. Rahab, la zônâh de Jéricho, est célèbre par la protection dont elle couvrit les explorateurs des Hébreux. Jos., ii, 1-21 ; vi, 22-25. Cette profession ne paraît pas avoir eu chez eux le caractère d’ignominie qu’elle eut depuis, et la manière dont l’auteur du livre de Josué parle de Rahab donne à entendre qu’elle jouissait d’une certaine considération à Jéricho, où elle demeurait en bonnes relations avec ses parents. Jos., ii, 12-13. Cependant si Rahab est louée par saint Paul et par saint Jacques, pour sa foi et ses bonnes œuvres, Hebr., xi, 31 ; Jac, ii, 25, on ne peut en inférer la moindre approbation de sa vie désordonnée.

Tolérée chez les Hébreux, malgré les prohibitionslégales, la courtisane fut toujours désignée dans l'Écriture comme un être méprisable, criminel et pernicieux. Si les pièges qu’elle tend sont attrayants, ils aboutissent à des conséquences pleines d’amertume ; ils donnent la mort, comme un glaive à deux tranchants. Prov., v, 3, 4. Elle est comparée à une fosse profonde et étroite, d’où celui qui y est tombé ne peut plus sortir. Prov., xxiii, 27. Elle est encore comparée à un voleur et à un assassin. Prov., xxiii, 28 ; Jer., iii, 2. Son front ne sait plus rougir. Jer., iii, 3. A cause du mépris qui s’attachait à son métier, il était défendu aux prêtres de recevoir dans le Temple, pour l’accomplissement d’un vœu ou à tout autre titre, le salaire de sa profession, Deut., xxiii, 18, et ses fils ne pouvaient jamais jouir des droits des autres citoyens, Peut., xxiii, 2, ni avoir part à l’héritage paternel. Jud., XI, 1-2. Cependant ses péchés peuvent être expiés par la pénitence, et sa conversion semble à Jésus-Christ plus facile que celle des princes des prêtres et des anciens du peuple, dont l’incrédulité avait pour base l’orgueil. Matth., xxi, 31.

Il n’y eut jamais aucune réglementation civile à l'égard des courtisanes chez les Hébreux. Formèrent-elles, comme quelques auteurs l’ont pensé, des sortes de corporations ayant leur rôle dans les mystères du culte réprouvé et malgré cela si souvent pratiqué sur les hauts lieux ? La

seule conjecture qu’on puisse faire sur ce sujet est fondée sur l’expression grecque des Septante, to rcopvsïov, qui dans un passage d'Ézéchiel désigne les hauts lieux, Ezech., xvi, 39, expression qui éveille l’idée d’un désordre de mœurs. Il en est de même pour le terme sukkô(benôt (Vulgate : Socothbenoth), qu’on peut traduire par ï tabernacle de filles », et que d’après IV Reg., xvii, 30, les hommes de Babylone avaient élevé. Mais le sens de cette locution est contesté et incertain.

L’infidélité du peuple choisi est souvent comparée dans l'Écriture à l'œuvre criminelle d’une courtisane, de même que les relations de Jéhovah avec son peuple sont comparées à celles d’un époux fidèle. Is., i, 21 ; Jer., ii, 20, m, 1-4. Ézéchiel, xvi, 24-41, développe cette pensée, à l’occasion des pratiques idolâtriques que Juda avait empruntées aux Égyptiens, aux Assyriens et aux Chaldéens. Saint Paul énonce une pensée analogue, lorsqu’il montre l’opposition des vices de la chair avec les intimes relations qui incorporent le chrétien à JésusChrist, comme un membre au corps dont il fait partie. I Cor., vi, 15-16. C’est dans le même sens que saint Jean parle de « la grande courtisane dont l’ignominie s’est répandue sur toute la terre », Apoc, xix, 2, et qui est vraisemblablement la Rome païenne. P. Renard.

1. COUSIN (àve|t(5 ;  ; Vulgate : consobrinus) se dit de ceux qui sont issus de deux frères ou de deux sœurs, ou bien l’un du frère et l’autre de la sœur. La langue hébraïque n’avait pas de mot spécial pour désigner ce degré de parenté ; elle le comprenait ordinairement sous le nom générique de frère (voir Fréhe), et, dans les cas rares où elle avait besoin de préciser, elle les appelait « fils de leurs oncles », comme elle le fait Num., xxxvi, 11, en parlant des filles de Selphaad, qui durent épouser leurs cousins afin que leur héritage né sortit pas de leur famille. Les Septante traduisent dans ce passage « fils de leurs oncles » par àve<]/ioî. On retrouve une autre fois àve<]/i<5ç dans le livre de Tobie, vii, 2, où Raguel donne ce titre à Tobie ; mais le texte original étant perdu, nous ignorons ce que portait l’hébreu ou le chaldéen en cet endroit. — Le mot aveuli ?, consobrinus, se lit une seule fois dans le Nouveau Testament, Col., iv, 10, où saint Paul qualifie Marc de n. cousin de Barnabe ». Voir Marc

F. Vigouroux.

2. COUSIN, insecte. (Hébreu : kên, kinnîm, kinnâm ; Septante : <jxv(çeç, ctxviVeç ; Vulgate : sciniphes, cinifes ; S. Matthieu : x<ivio<]/, culex.)

I. Histoire naturelle du cousin. — C’est un insecte de l’ordre des diptères némocères et de la famille des culicides. Le cousin piquant, culex pipiens (fig. 396), a le corps allongé et cylindrique, deux ailes et six pattes qui ont près de deux fois la longueur du corps. La tête est occupée presque tout entière par deux gros yeux. En avant se dressent deux antennes, poilues ou plumeuses selon le sexe de l’insecte, deux palpes articulées et velues et enfin un suçoir. Ce dernier comprend une gaine cornée, fendue sur toute sa longueur, mais terminée par une sorte d’anneau à son extrémité. À l’intérieur de cette gaine sont enfermés cinq aiguillons, dont deux en forme de lance, deux autres dentelés comme des scies légèrement recourbées, et le cinquième hérissé de petites soies très courtes et très fines. Pour piquer sa victime, l’animal appuie sur la peau l’anneau terminal de son suçoir et enfonce ses dards. La gaine cornée se courbe alors, refoulée entre la tête de l’insecte et la peau qu’il suce. Le cousin ne sécrète pas de venin, mais seulement une salive destinée à rendre plus fluide le sang qu’il pompe, et aussi, croit-on, à produire une anesthésie locale à l’endroit qu’il a piqué. On comprend que si la douleur causée par la piqûre de l’insecte était instantanée, celui-ci serait immédiatement chassé ou détruit par sa victime. C’est seulement quand il a sucé le sang à son aise qu’il s’envole. La piqûre qu’il a faite devient alors

très douloureuse et est suivie de gonflement et d’inflammation. — La femelle du cousin pond jusqu'à trois cents œufs à la fois, et sept générations d’insectes peuvent se produire dans une même année. Mais l’animal passe par différentes phases avant d’atteindre son développement. Ses œufs, déposés dans l’eau croupissante, donnent d’abord des vers très petits, qui, après s'être transformés trois fois en quinze jours ou trois semaines, passent à l'état de nymphes, se dégagent enfin de leur dernière enveloppe par une opération très compliquée et s’envolent dans l’air. Les poissons et les oiseaux détruisent heureusement un très grand nombre de ces insectes à leurs différents états. Les cousins se rencontrent sous les latitudes les plus opposées, dans les pays très chauds et humides et dans les régions les plus froides, comme la Suède, la Norvège et la Laponie. Réaumur, Mémoires pour servir à l’histoire des insectes, Paris, 1734-1742, t. iv, p. 573-624. On ne peut se garantir de la piqûre

306.

Le cousin. Grossissement du double.

des cousins qu’en s’enveloppant complètement de couvertures ou de voiles. On donne également à ces insectes le nom de « moustiques », dérivé par transposition de lettres de l’espagnol mosquitos, qui vient lui-même de musca, « mouche. »

II. Les cousins dans la Bible. — 1° La troisième plaie d’Egypte. — Aaron reçut l’ordre de frapper la poussière avec sa verge ; « les kinnim se mirent alors sur les hommes et sur les animaux, et toute la poussière du pays fut changée en kinnîm dans toute la terre d’Egypte. » Exod., viii, 16, 17 ; Ps. civ, 31. D’après Josèphe, Ant. jud., II, xiv, 3, les kinnîm seraient des poux, çâîtpé ; . Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1796, t. iii, p. 456, défend cette interprétation. Dans le Talmud, Schabbath, t. 52, 1, le mot kinnâh veut aussi dire « pou ». Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 536. D’autres ont voulu traduire kinnîm par « tiques », nom désignant des arachnides qui sucent le sang des animaux, ou encore des acarides, autres insectes qui s’attaquent à la fois aux animaux et à l’homme. Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 636-638. Le mot employé par les Septante, o-xvtçeç, est le nom de petits vers qui piquent le bois. Aristote, Hist. anim., ix, 9, 1. Le axvttli est idendique au y.vi’l/, insecte qui vit sous l'écorce des arbres, Théophraste, Hist. plant., II, viii, 3, et les verbes xvâu et xvîîu, dont le radical, analogue à celui de l’hébreu kên, se retrouve dans -/.vîi et dans trxvty, ont le sens de « gratter, chatouiller, piquer, irriter », d’où xvi « (iôç, « démangeaison. » Aristophane, Plutus, 974. Le mot des Septante désignerait donc en général un insecte qui pique et produit des démangeaisons. On admet communément qu’aucun animal ne répond mieux que le cousin aux exigences du texte. Rosenmûller, Scholia in Exo dum, Leipzig, 1795, p. 436-437 ; Gesenius, Thésaurus, 1835, p. 694 ; Hupfeld, Die Psalmen, Gotha, 1871, t. iv, p. 122 ; Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1874, t. ii, p. 169 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 325 ; Thalhofer, Erklàrùng der Psalmen, Ratisbonne, 1880, p. 618. L’identification des kinnîm est d’ailleurs rendue indubitable par la similitude de leur nom hébreu avec celui que portent dans l’ancien égyptien les cousins ou moustiques. Ces insectes étaient désignés dans la vallée du Nil par le mot henemmés, que l’auteur de l’Exode s’est contenté de transcrire en hébreu. Brugsch, Uieroglyphisch-demotisches Wôrterbuch, Leipzig, 1868, t. iii, p. 1103. Il faut remarquer enfin que le texte sacré parle de poussière changée en kinnîm, ce qui suppose des insectes venant du dehors et non des parasites nés sur le corps des hommes ou des animaux. — Les moustiques ont toujours paru en grande quantité en Egypte après l’inondation. Hérodote, ii, 95, en fait mention. Il dit que pour s’en garantir on montait sur des espèces de tours, ou bien que sur le sol on se couvrait des filets qui servaient à la pêche et que les insectes ne traversaient jamais. Philon, qui écrivait à Alexandrie, Vita Mosis, i, Paris, 1640, p. 618-619, représente ce moucheron comme « un animal très petit, mais néanmoins fort désagréable ; car il ne se contente pas d’incommoder superficiellement, il excite des démangeaisons insupportables et très douloureuses. Il pénètre même à l’intérieur des oreilles et des narines, et s’attaque en volant à la pupille des yeux, si l’on n’y prend garde ». Origène, Homil. iv in Exod., t. xii, col. 332, qui vivait aussi en Egypte, dit également de l’insecte mentionné par l’Exode : « C’est un animal qui se soutient sur des ailes pour voler dans les airs ; mais il est si petit et si léger, qu’il échappe aux regards de ceux qui n’ont pas une vue très perçante. Quand il s’est posé sur le corps, il le perce d’un dard très aigu, et si l’on avait peine à le voir voler, on ne sent que trop sa piqûre. » Le naturaliste P. Belon, Observations de plusieurs singularités et choses mémorables, etc., Paris, 1553, ii, 35, raconte que, « quand il était au Caire, les cousins le maltraitaient si bien la nuit pendant son sommeil, que le matin son visage était couvert d’efflorescences rouges. Aussi fallait-il dormir à l’abri des moustiquaires, le visage couvert, ou à la partie supérieure des mafsons. » L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode, Paris, 1841, p. 32, décrit avec plus de détails le tourment qu’infligent les moustiques : « Un seul cousin d’Egypte suffit pour mettre au supplice. Est-on éveillé, on entend un bourdonnement aigu qui s’approche, s'éloigne, se déplace et cesse tout d’un coup. C’est l’insecte qui s’est posé, qui a déjà percé la peau et occasionné une démangeaison insupportable. Chassé une première fois, il revient une seconde fois, une troisième, et alors ce ne sont plus des souffrances, c’est une fièvre que l’on éprouve… Après un long séjour en Orient, j’avais adopté la manière de dormir des habitants. C’est le plus sûr moustiquaire et la meilleure garde contre les cousins. On étend son manteau ou sa couverture par-dessus sa tête, et l’on dort paisiblement sous cet abri. » — Quand Moïse déchaîna la troisième plaie, les Égyptiens durent donc cruellement souffrir, et leurs animaux mêmes ne furent pas épargnés. D’ordinaire les habitants savaient se garantir pendant la nuit en s’enveloppant complètement ; et, durant le jour, les grands se faisaient accompagner de porteurs d'éventails pour écarter les insectes. Mais, sur l’ordre du Seigneur, le fléau prit un caractère miraculeux qui en étendit l’action douloureuse à toute la population. Les moustiques ne naissaient pas de l’eau, puisque la merveille s’accomplissait à une époque de l’année où le Nil était au plus bas et où tous les canaux et tous les bassins étaient desséchés ; ils sortaient de la poussière, si prodigieusement nombreux, que, selon la remarque de l'écrivain sacré, la poussière se changeait en moustiques. Les Égyptiens se trouvaient

donc atteints non plus seulement, comme à l’ordinaire, dans le voisinage des eaux, mais dans tout le pays, partout où il y avait de la poussière. Les insectes formaient alors dans l’air de véritables nuées, mais beaucoup plus étendues que celles dont on a parfois le spectacle en ces pays. Théodoret, Hist. eccl., ii, 26, t. lxxxii, col. 1080, raconte que pendant le siège de Nisibe par Sapor, Dieu envoya contre les assiégeants, à la prière de saint Jacques, « une nuée de moustiques, » ffxvïna ; -/.ai xtivwua ; , qui s’introduisirent dans les trompes des éléphants, les narines et les oreilles des chevaux et des bêtes de traits. Tous ces animaux brisèrent leurs liens, jetèrent à bas leurs cavaliers et se dispersèrent de toutes parts, ce qui amena la déroute de l’armée. Des effets analogues se firent sentir dans toute l’Egypte, mais avec une intensité qui dépassa extraordinairement ce qui se produisait d’habitude dans le pays.

2° Le cousin dans Isaïe, zi, 6. — Le prophète s’exprime ainsi : « Levez les yeux au ciel et regardez la terre : ceux-ci disparaîtront comme la fumée, celle-là s’usera comme un vêtement, et ses habitants périront kemô kên ; mais mon salut durera éternellement. » Les anciennes versions ont pris kên pour l’adverbe qui veut

pressurage et la mise en bouteilles du vin qu’ils doivent consommer. Cf. Fillion, Saint Matthieu, Paris, 1878, p. 446. Dans le passage évangélique, le -*.ù>tùty, culex, n’est autre que le cousin, nommé ici comme type de tous les moucherons qui peuvent tomber dans les liquides. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 328. Notre -Seigneur représente le filtrage du liquide contenant d’imperceptibles moucherons commele type de la fidélité scrupuleuse aux minuties. Avaler le chameau, voir Chameau, col. 527, c’est, au contraire, se permettre sans scrupule les plus graves manquements.

H. Lesêtre.
    1. COUTEAU##

COUTEAU, instrument tranchant de moindre dimension que le glaive. Il a plusieurs noms en hébreu.

1° Ma’âkélét, de’âftal, « manger, » par conséquent l’instrument qui sert à préparer la nourriture. Abraham se dispose à s’en servir pour l’immolation d’Isaac. Gen., xxii, 6, 10 (jj.âx « ip « , gladius). Le lévite d’Éphraïm s’en sert pour dépecer en douze parts le cadavre de sa femme. Jud., xix, 29 (pou. ?aia, gladius). Le livre des Proverbes, xxx, 14, parle de gens cupides qui, au lieu de dents, ont des couteaux ( |xay.aïpa « , gladios). Les monuments égyptiens représentent assez souvent des sacrificateurs ou des

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397. — Fabrication de couteaux de silex. Tombeau da Benl-Hassan. D’après P. E. Newberry, Senl-Eassan, part, i, pi. xi.

dire s ainsi ». Le sens de la phrase est alors : s ses habitants périront de même, » mot à mot : « comme ainsi. » Gesenius, Thésaurus, p. 694, et d’autres auteurs pensent que kên désigne ici le cousin et qu’il faut traduire : « ses habitants périront comme-le cousin. » Cette dernière traduction rétablit une sorte de parallélisme entre ce membre de phrase et les deux précédents. Néanmoins elle ne s’impose pas. Elle a contre elle l’autorité des anciennes versions. De plus, il faut observer que les kinnîm ne sont nommés ailleurs qu’au pluriel, qu’il n’est nulle part question d’eux en dehors de la description de la troisième plaie d’Egypte dans l’Exode et le Psaume cv, que leur mention n’est guère attendue dans le passage d’Isaïe, et qu’enfin ces fragiles insectes éveillent plutôt l’idée d’une incommodité à redouler que celle de la loi commune de la mort.

3° Le cousin dans l’Évangile. — NotreSeigneur reproche aux scribes et aux pharisiens d’être des « guides aveugles, filtrant (oYJXcÇovtsî) le cousin et avalant le chameau ». Matth., xxiii, 24. La loi rangeait parmi les animaux impurs « tout ce qui a des ailes et marche sur quatre pieds », à l’exception des sauterelles. Lev., xi, 20-23. Tous les insectes volants, mouches, cousins, etc., se trouvaient compris dans cette catégorie. Quand ils tombaient dans un mets ou dans la boisson, ils les rendaient impurs et communiquaient l’impureté à ceux qui les avalaient. Aussi les pharisiens poussaient-ils très loin les précautions pour éviter de pareilles souillures. Ils filtraient soigneusement à travers des linges le vin qu’ils devaient boire, afin d’en retirer les moucherons, yabhusîn, qui avaient pu y tomber. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, p. 474. De nos jours encore, pour obtenir du vin kasêr (conforme à la loi), les Juifs de Cologne envoient à Reims des délégués chargés de surveiller le

bouchers armés de couteaux et dépeçant des animaux. Voir col. 36, fig. 14, le personnage de gauche se servant d’un couteau pour préparer un oiseau, et t. i, col. 1878, fig. 575, col. 1879, fig. 577, des bouchers armés de couteaux.

2° Mahâlâfim (Tzapr{Moi*HLhai, « des choses différentes, » cultri), couteaux pour les sacrifices, énumérés parmi les objets rendus aux Juifs par ordre de Cyrus. I Esdr., i, 9. Bien qu’il n’en soit pas fait plus ample mention, il est certain que les couteaux ont dû être en grand usage dans le Temple, pour découper les parties des victimes qui devaient être mises à part. Lev., vii, 33, 34 ; viii, 20, 25 ; ix, 13 ; Num., xviii, 18. Au nord et au sud des bâtimentsdu Temple se trouvaient, dans les derniers temps, des salles appelées bê( ha-hâlîfôf, « maison des rechanges », où l’on déposait les couteaux sacrés et où l’on conservait ceux qui étaient hors d’usage. Gemar. Hier., Joma, 41, 1 ; Succa, 55, 4 ; Reland, Antiquitàtes sacræ, Utrecht, 1741, p. 60.

3° Sakkin, culter, le couteau qui sert pendant le repas. Le Sage recommande à celui qui est à table avec un prince de se mettre « le couteau sur la gorge », s’il a grand appétit, c’est-à-dire de se surveiller lui-même très étroitement, pour ne pas commettre d’inconvenance. Prov., xxiii, 2.

4° Sûr hérèb, ou simplement fur, sor, le couteau de pierre. Séphora, femme de Moïse, se sert d’un couteau de pierre (^f, ço{, acutissirna petra) pour circoncire son fils. Exod., iv, 25. Ces couteaux étaient en usage chez les anciens, surtout pour la circoncision et l’accomplissement des rites sacrés. Hérodote, ii, 86 ; Pline, j H. N., xxxv, 12. Cf. Rosenmûller, Das alte und neue j Morgenland, Leipzig, 1818, t. i, p. 268. Josué fit circon| cire les Hébreux, à Galgala, avec des couteaux de pierre

(lia^aipat « STp’vai, cultri lapidei), Jos., v, 2, 3, que l’on recueillit plus tard dans son tombeau, d’après une addition des Septante. Jos., xxi, 40 ; xxiv, 30. Voir Circoncision, col. 775. Un tombeau de Beni-Hassan (fig. 397), représente la fabrication de ces couteaux. — Au Psaume lxxxix ( lxxxviii), 44, sûr fyéréb doit s’entendre du « tranchant du glaive », c’est-à-dire du glaive aiguisé comme un couteau de pierre. (Septante : poV)6et « ttjç pou-çaîaç ; Vulgate : adjutorium gladii, en prenant sûr dans le sens de « rocher, appui ».)

5° Ta’ar has-sôfêr, ™ Çùpov toû Ypau, u.aTé<oç, scalpeihis scribes, « le canif du scribe. » Jer., xxxvi, 23. Voir Canif, coi. 131.

6° Les versions parlent encore de couteau dans trois

remonte en Egypte jusqu’à la IV » dynastie. Gladstone, On metallic Copper, Tin and Antimony from ancient Egypt, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archxology, 1891-1892, p. 223-226. Mais ces nouveaux instruments gardèrent la forme des couteaux de pierre auxquels ils succédaient. En Chaldée, les premiers couteaux sont des silex taillés, analogues à ceux qu’on trouve dans les gisements préhistoriques. Les couteaux de cuivre, de bronze et plus tard de fer, ont le dos concave et le tranchant convexe, et sont munis d’un appendice destiné à pénétrer dans un manche de bois. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 755-756. Les couteaux assyriens conservés au British Muséum (fig. 400) reproduisent la forme

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398. — Couteau égyptien. Réduction de moitié. Musée du Louvre.

autres passages, où il est question de hache, II Reg., xii, 31, voir Hache, d’épée ou de lancette, III Reg., xviii, 28, voir Épée, et enfin de ciseau à pierre. Exod., xx, 25. Ce ciseau n’a pas de nom en hébreu, et y est désigné par le terme général héréb, « glaive. » On voit

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309. — Couteaux égyptiens en pierre. Musée de Berlin.

sur un monument égyptien, Rosellini, Monumenti civili, pi. xlviii, 2, des tailleurs de pierre armés de ce ciseau (fig. 344, col. 967). L’outil se compose d’un morceau de métal, élargi et aiguisé à l’une de ses extrémités, dans le .genre des ciseaux à pierre encore. en usage de nos jours. La forme des diffénentes espèces de couteaux mentionnés dans l’Écriture ne nous est pas connue. On peut

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100. — Couteau assyrien. British Muséum.

pourtant s’en faire une idée à l’aide des instruments similaires qui ont été retrouvés dans les monuments d’Egypte (fig. 398) ou de Chaldée. Les couteaux de pierre ont en Egypte la lame tantôt convexe et tantôt droite (fig. 399). Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, Londres, 1878, t. ii, p. 261. Dans les représentations hiéroglyphiques, le couteau a la forme d’un triangle très aigu dont un des longs côtés se pro-Jonge en l’orme de manche. L’usage des outils en cuivre

chaldéenne. D’aulres fois, ils ressemblent aux couteaux droits des Égyptiens. IL Lesètre.

COUTURE. Il en est rarement question dans la Sainte Écriture. Le verbe (âfar (d’où les Juifs ont tiré plus tard le substantif (efîrâh, « couture » ), pa<î/ai, consuere, est employé quatre fois. Adam et Eve cousent ensemble des feuilles de figuier pour se faire un premier vêtement. Gen., iii, 7. L’Ecclésiaste, iii, 7, dit qu’il y a « temps de déchirer et temps de coudre ». Ezéchiel, xin, 18, maudit les prophétesses qui « cousent des coussins sous toutes les articulations de la main », c’est-à-dire qui endorment les hommes dans de funestes illusions. Au figuré, Job, xvi, 15, dit qu’il a cousu un cilice sur sa peau, ce qui signifie que la souffrance s’est attachée au plus intime de son être. — Le verbe tâlâ’, qui veut dire aussi « coudre », n’apparaît que deux fois. Quand les Gabaonites voulurent avoir la vie sauve, ils se présentèrent devant Josué en prétendant qu’ils venaient de fort loin, avec des chaussures « usées et recousues », comme à la suite d’un long voyage. Jos., IX, 5. — Ezéchiel, xvi, 16, reproche à Israël de prendre ses vêtements pour en faire des bamôt telu’ôt, « des hauts lieux cousus, » c’est-à-dire des sanctuaires idolâtriques ornés de pièces et de morceaux. — Les Juifs savaient tisser des vêtements sans coulure. Telle était la tunique de Notre -Seigneur, Xiïiûv appaçoç. Joa., xix, 23. — Voir Aiguille et Fil.

H. T KSI-’TPF

COUVERTURE DE LIT. Voir Lit, t. iv, col. 286.

    1. COVERDALE Miles##

COVERDALE Miles, né dans le comté d’York, vers 1487. Les registres de l’église de Saint -Barthélémy, à Londres, attestent qu’il y fut enterré le 19 février 1568. Élevé à Cambridge, il entra dans l’ordre des Augustins, et le quitta en 1525 pour se faire protestant. En 1528, il alla rejoindre Tyndal à Hambourg, et publia en 1535, en la complétant, la traduction anglaise de la Bible par ce dernier. Voir 1. 1, col. 596. Il fut aussi le principal reviseur de la « Grande Bible », et travailla également à l’édition de la « Bible de Genève ». Voir 1. 1, col. 597.— Cf. Writing » and Translations of M. Coverdale, edited by G. Pearson, in-8°, Cambridge, 1844 ; Remains of M. Coverdale, ibid., 1846 ; Mémorial of M. Coverdale, in-8°, Londres, 1838 ; L. Stephen, Dictionary of national Biography, t. xii, 1887, p. 364-372.

    1. COZBI##

COZBI (hébreu : Kozbî ; Septante : XauSf ; Vulgate : Coibi), fille de Sur, un des chefs de tribus madianites.

A l’instigation de Balaam, elle entra dans le camp des Hébreux avec d’autres femmes de sa nation, pour les pervertir et les initier au culte de Béelphégor. Cozbi séduisit Zamri. Mais pendant que celui-ci était avec elle dans sa tente, Phinees, petit-fils d’Aaron, saisi d’indignation, entra armé d’une lance et tua les deux coupables qui scandalisaient le peuple. Num., xxv, 6-8, 15-18.

    1. COZÉBA##

COZÉBA, nom de lieu, traduit par Mendacium, « mensonge, » dans la Vulgate. 1 Par., iv, 22. Voir Kozèba.

    1. CRACHAT##

CRACHAT (hébreu : rôq ; Septante : irrjsXov ; Vulgate : spulum), salive expulsée de la bouche avec un Certain bruit. En Orient, l’action de cracher devant quelqu’un est regardée comme inconvenante et méprisante. « Les Arabes croient quelquefois que quand on crache, c’est par mépris ; ils ne le font jamais devant leurs supérieurs. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 140. Dans la Sainte Écriture, le crachat est presque toujours considéré comme un signe de mépris. Si un homme atteint de certaines infirmités crache sur un autre, ce dernier contracte une impureté légale. Lev., xv, 8. L’hygiène recommandait cette mesure. Recevoir à la face un crachat de son père, ce serait être couvert de honte pour sept jours. Num., xii, 15. Dans le cas suivant, le crachat est recommandé par la loi. Si un homme refuse d'épouser la femme de son frère défunt, conformément à la loi du lévirat, celle-ci lui ôte publiquement sa chaussure et lui crache à la figure. Deut., xxv, 9. — Job, xxx, 10, se plaint que les derniers des hommes ne craignent pas de lui cracher au visage, tant son épreuve l’a rendu méprisable. Il est devenu pour la populace un fofét, celui sur lequel on crache (yéJ.w ; , exemplum). En hébreu, « cracher » se dit râqaq ou yàraq, par onomatopée. D’après quelques auteurs, dont l’opinion n’est guère admissible, le terme de mépris racà, en araméen rêqâ', cité par Notre-Seigneur, Matth., v, 22, pourrait se rattacher à ce verbe. — Pour guérir l’aveugle-né, le divin Maître crache à terre et fait de la boue dont il oint les yeux de l’infirme. Joa., ix, 6. Les Pères voient une analogie entre cette boue, qui va restaurer chez l’aveugle l’organe de la vue, et celle dont Dieu s’est servi pour former le corps du premier homme. — Isaïe, L, 6, avait prédit que le Messie subirait l’affront d'être couvert des crachats des hommes. Notre-Seigneur rappela la prophétie, Marc, x, 34 ; Luc, xviii, 32, et il en subit l’accomplissement, pendant la nuit, dans le palais du grand prêtre, Marc, xiv, 65, et pendant le jour, dans le prétoire de Pilate, après sa flagellation. Marc,

xv, 19.
H. Lesêtre.
    1. CRAINTE DE DIEU##

CRAINTE DE DIEU (hébreu : yire’af 'Elôhîm, et plus fréquemment yire’at Yehôvâh) est ordinairement dans l'Écriture une périphrase pour exprimer ce que nous appelons la religion, la piété envers Dieu. Il n’y avait pas en hébreu de mot spécial pour désigner la religion, et comme la crainte était le principal sentiment qu’inspiraient les rapports avec Dieu, Jud., xiii, 22, la locution « crainte de Dieu » était devenue l’expression même de la religion envers lui, qui nous détourne du mal, Gen., xx, 11 ; Exod., xx, 20 ; Prov., viii, 13 ; xvi, 6, et nous fait pratiquer le bien. C’est en ce sens qu’il faut entendre la maxime plusieurs fois répétée avec quelques variantes dans l'Écriture : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Prov., i, 7 ; IX, 10 (cf. xv, 33 ; xvi, 6 ; Job, xxviii, 28) ; Ps. ex (hébreu, exi), 10 (rê'ëit) ; Eccli., i, 16. La « sagesse » signifie ici la « vertu » ; elle consiste à connaître et à faire le bien pour plaire à Dieu, et le moyen d’acquérir cette sagesse, c’est d’avoir la crainte de Dieu, c’est-à-dire de pratiquer la religion en respectant Dieu, en lui rendant le culte qui lui est dû et en observant ses commandements, de sorte que la religion est la base et le fondement de la morale.

— Les écrivains du Nouveau Testament gardèrent dans leur langage les locutions dont ils avaient coutume de se servir en sémitique ; ils les exprimèrent seulement avec des termes grecs, et ils appelèrent par conséquent la religion çô60 ; toj Kvpc’ou ou 0eoy, timor Domini ou Dei. Act., ix, 31 ; II Cor., v, II ; Rom., iii, 18 ; II Cor., vu, 1. La « religion » ou le « culte religieux » n’a de nom spécial, 9p7]<T « ca, dans le Nouveau Testament que Jac, i, 26-27, et Act., xxvi, 5. « Crainte de Dieu » signifiant « religion », l’expression « craindre Dieu, » timere ou metuere Deum, outre son sens propre, Gen., iii, 10, signifie souvent « pratiquer la religion » et en garder les préceptes. « Crains Dieu, dit l’Ecclésiaste, xii, 13, et observé ses commandements, car c’est là le tout de l’homme. » Cf. v, 6 ; vii, 19 ; viii, 12 ; Prov., iii, 7 ; Eccli., i, 13, 20, 25 ; vi, 16-17, etc. ; Ps. xiv, 4 ; xxi, 24 ; xxxiii, 10, etc. ; Luc, xviii, 4 ; I Petr., ii, 17 ; Apoc, xiv, 7 ; xv, 4. Les hommes qui pratiquent fidèlement la religion sont appelés dans le Nouveau Testament oî çoëoùfievoi tov Qeôv, « les craignant Dieu, » Luc, i, 50 (cf. xviii, 2-4) ; Act., x, 2, 22, 35 ; Col., iii, 22 ; Apoc, xix, 5, locution qui désigne aussi spécialement les prosélytes dans les Actes, xiii, 16, 26 (concurremment avec la locution analogue oî <re60[iévoi tôv @e6v, « les révérant Dieu, » Act., xvi, 14 ; xviii, 7 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2), d’où il résulte qu'à Rome, metuens Deum ou même simplement metuens, « craignant, » signifia prosélyte juif, sectateur du judaïsme. Voir A. Berliner, Geschichte der Juden in Rom, 2 in-8o, Francfort, 1893, t. i, p. 41-42 ; E. Schûrer, Geschichle der jûdischen Volkes in Zeitalter Christi, t. ii, 1886, p. 565.

F. Vigouroux.

CRAMOISI. Voir Couleurs, 1, 3° ; III, 3°, col. 1066 et 1070, et Cochenille, col. 816.

    1. CRAMPON Joseph Théodore Augustin##

CRAMPON Joseph Théodore Augustin, théologien catholique français, né à Franvillers, canton de Corbic (Somme), le 4 février 1826, mort à Paris le 16 août 1894. Il fit ses études de latin au petit séminaire de SaintRiquier, et ses études théologiques au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, où il eut pour professeur d’hébreu M. Le Hir. Ordonné prêtre le 29 mai 1850, il devint professeur la même année à Saint -Riquier, où il resta cinq ans. Aumônier de Mo* de Salinis, évêque d’Amiens, en 1855, et des religieuses de la Sainte -Famille de cette ville, en 1856, après la translation de Ma r de Salinis à l’archevêché d’Auch, il fut nommé chanoine titulaire de la cathédrale de son diocèse, en 1874. Sa vie fut tout entière une vie de zèle et d'étude. Outre divers ouvrages élémentaires d’histoire, d'Écriture Sainte, etc., composés en vue des élèves du pensionnat dont il était aumônier, des traductions d’ouvrages allemands, etc., on a de lui : Cornélius a Lapide, Commentarius in Scripturam Sacram, accurate recognovit ac notis illustravit A. Crampon, 21 in-4°, Paris, 1857-1863 ; Supplementum ad Commentaria in Scripturam Sacram. R. Bellarminî explanatio in Psalmos quibus accedit nova Psalmorum ex hebrseo versio latina notis illustrata, auctore A. Crampon. Balthasaris Gorderi commentaria in librum Job, 3 in-4o, Paris, 1861 ; Les Évangiles, traduction nouvelle accompagnée dénotes et de dissertations, in-8o, Paris, 1864 ; Les Actes des Apôtres, traduction nouvelle accompagnée de notes avec le texte latin en regard, in-8o, Paris, 1872 ; L. C. Gratz, Théâtre des divines Écritures, traduit par l’abbé Gimarey ; nouvelle édition abrégée, revue et corrigée par A. Crampon, in-8o, Paris, 1884 ; Le Nouveau Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ traduit sur la Vulgate, avec introductions, notes et sommaires, 1 in-8o et 2 in-32, Tournai, 1885, 1890 ; Le livre des Psaumes, suivi des Cantiques des Laudes et des Vêpres, in-24, Tournai (1889). M. Crampon avait achevé, avant d'être frappé par la mort, une traduction de l’Ancien Testament sur le texte original, La Sainte

Bible trad. en français sur les textes originaux avec introductions et notes et la Vulgate latine en regard. 6 in-8°, Tournai, 1894-1904 ; La Sainte Bible, trad. d’après les textes originaux, revisée par les Pères de la O de Jésus et les prof, de Saint-Sulpice, in-8°, Tournai, 1904. — Voir E. Francqueville, Notice sur M. l’abbé A. Crampon, in-8°, Amiens, 1894.

F. VlGOUROUX. CRAPAUD, batracien au corps trapu, couvert de verrues d’où suinte une humeur visqueuse, privé de dents, tandis que la grenouille en possède à la mâchoire supérieure, et vivant de vermisseaux, de chenilles et d’insectes (fig. 401). Il n’en existe qu’une seule espèce en Palestine, le bufo pantherinus, très commun dans tout le pays. Tristram, The nalural history of the Bible,

Londres, 1889, p. 281. Le crapaud n’est pas mentionné expressément dans la Sainte Écriture. Il se pourrait néanmoins qu’il ait été compris sous le nom de la grenouille, sefardêa'. Exod., vii, 27-29 (Vulgate, viii, 5-7). Le nom arabe de la grenouille, dofda, a été attribué à la fois au crapaud des fontaines, bufo mosaicus, et à la grenouille du Nil, rana nilolica. Fr. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1874, t. ii, p. 46. Les deux batraciens se ressemblent assez pour qu’on ait pu parfois les confondre sous le même nom, et en tout cas il est fort possible qu’ils aient figuré l’un près de l’autre à la seconde plaie d’Egypte. D’ailleurs on les trouve en abondance dans ce

pays ;
H. Lesêtre.

CRÉANCIER. Voir Dette.

CRÉATEUR. Voir Création.

    1. CRÉATION##

CRÉATION, acte qui consiste à produire quelque chose de rien. — Plusieurs doctrines ont été soutenues au sujet de l’origine du monde. Les unes n’accordent aucune part à Dieu dans la formation de l’univers : la matière tiendrait d’elle-même son existence, et toutes les transformations qu’elle a subies seraient l’effet des lois qui la régissent : telle est la solution matérialiste. Les autres admettent deux premiers principes des choses : Dieu et la matière, ou bien un Dieu bon et un dieu mauvais : telle est la solution dualiste. Les autres enfin font remonter la cause de tous les êtres à un seul et même Dieu ; mais ils se partagent entre deux théories bien opposées : la théorie panthéiste, suivant laquelle le monde a été formé de la substance de Dieu, dont il est une manifestation, et la théorie monothéiste, suivant laquelle Dieu seul existe nécessairement, tandis que tous les autres êtres ont été produits de rien par une libre détermination de la volonté divine. La doctrine monothéiste explique donc l’origine de tous les êtres qui constituent le monde, par création. On appelle, en effet, création l’acte par lequel Dieu donne librement l’existence à un être, en le tirant tout entier du néant. Nous ne voulons

pas étudier dans cet article l’histoire de la production des diverses créatures. Nous montrerons seulement que Dieu a créé librement tous les êtres de l’univers. Cette doctrine n’est point de celles qui se sont développées par des révélations progressives. Elle apparaît dans toute sa netteté dès la première page de la Bible. Les formules qui l’exprimaient ne semblent même pas offrir plus de précision dans les derniers ouvrages de l’Ancien Testament et dans l'Évangile que dans le Pentateuque. Ces formules sont d’ailleurs presque toujours fort concrètes. Nous allons parcourir les principaux enseignements des Livres Saints au sujet de la création, en indiquant au besoin les conclusions dogmatiques qui s’en dégagent.

1° C’est Dieu, et lui seul, gui est l’auteur de tous les êtres finis. — L'Écriture le répète en une foule de passages. Elle affirme dès le premier verset de la Genèse qu’au commencement Dieu a créé le ciel et la terre. Ce passage s’applique sans aucun doute au monde visible. Nous avons vii, il est vrai, qu’on peut douter qu’il y soit aussi question de la création des anges ; mais nous avons montré en même temps (voir Ange, t. i, col. 579) que les anges ont été certainement créés de Dieu. En dehors de la Genèse, voici quelques textes de l’Ancien et du Nouveau Testament qui attribuent à Dieu la production de tout ce qui existe. « Dieu, dit le psalmiste, a fait le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment. » Ps. cxi/v, 6. « Il a fait toutes les choses qu’il a voulues au ciel et sur la terre, dans la mer et dans les abîmes. » Ps. cxxxiv, 6 ; cf. Ps. xxxii, 6, 9. a Ainsi parle le Seigneur…, dit Isaïe. C’est moi le Seigneur qui fais toutes choses, qui étends les cieux, le seul qui ai établi la terre, et personne ne l’a fait avec moi. » Is., xliv, 24 ; cf. Is., xl, 26 ; Jer., x, 12 ; II Esdr., ix, 6 ; Sap., ix, 1. Dans le Nouveau Testament, saint Jean déclare que « tout a été fait par le Verbe de Dieu, et que rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui », Joa., i, 3 ; saint Paul ajoute que « c’est dans le Fils qu’ont été créées toutes les choses qui sont aux cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances ; que toutes choses ont été créées par lui et en lui ». Col., i, 16 ; cf. Act., iv, 24, xiv, 14 ; xvii, 24 ; Hebr., xi, 3 ; Apoc, iv, 11. On voit combien les affirmations de la Sainte Écriture sont inconciliables avec le dualisme manichéen, qui attribuait l’origine de l’univers à deux principes indépendants : l’un bon, qui aurait produit le monde de la lumière et des esprits ; l’autre mauvais, qui aurait donné naissance au monde des ténèbres formé par les corps. Isaïe allait déjà au-devant de cette erreur, quand il écrivait : « Afin que, depuis l’orient jusqu'à l’occident, on sache qu’il n’y a point de Dieu que moi. Je suis le Seigneur, et il n’y en a point d’autre. C’est moi qui forme la lumière et qui crée les ténèbres, qui fais la paix et qui crée les maux ; je suis le Seigneur qui fais toutes ces choses. » Is., xlv, 6, 7.

2° Le monde est l'œuvre de la toute-puissance de Dieu. — Les textes que nous venons de rappeler laissent entendre non seulement que Dieu seul a produit le monde, mais encore qu’il était seul capable de le produire, et par conséquent qu’il a fallu pour cette œuvre une puissance qui dépasse celle des créatures. Cette vérité ressortira encore des autres enseignements de la Bible que nous relèverons aux paragraphes suivants de cet article. Elle est d’ailleurs indiquée par le terme *4H3, bârâ', qui exprime la première production du monde dans ce verset de la Genèse, 1, 1 : « Au commencement Dieu créa ( bârâ') le ciel et la terre ; » car dans les formes kal et niphal, ce verbe bârâ' marque toujours une action divine et une intervention extra-naturelle. Cependant il est employé jusqu'à quarante-sept fois dans la Bible. C’est donc là son sens reçu ; car, s’il avait eu d’autres acceptions, elles se rencontreraient quelquefois ; mais il n’a jamais d’autre signification. Il exprime la première production de la terre, Gen., i, 1 ; ii, 3, 4 ; Is., xl, 28 ; Ps. cxlviii, 5 ; la pie

mière production du ciel, Gen., i, 1 ; Is., XL, 28 ; xlv, 18 ; Ja première production de l’homme, Gen., i, 27 ; v, 1, 2 ; vi, 7 ; Deut., iv, 32 ; Is., xlv, 12 ; Eccle., xii, l ; Ps.lxxxviii (lxxxix), 48 ; ci (en), 19 ; la première production chez les animaux de la vie, qui, dans la conception des Hébreux, ne s"étendait pas aux fonctions des végétaux (voir Ame, t. i, col. 456), Gen., i, 21 ; la production du chérubin sous la figure duquel est représenté le roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; enfin des prodiges divers, qui exigent une intervention immédiate de Dieu. Exod., xxxiv, 10 ; Num., xvi, 30 ; Is., iv, 5 ; xli, 20 ; xlviii, 7 ; lvii, 19 ; lxv, 18 ; Jer., xxxi, 22 ; Ps. l (li), 12 ; cm (civ), 30. Le sens usuel et unique de ce terme marque donc une action qui demande la toute-puissance divine.

On a fait trois objections à cette interprétation. — l re Difficulté. À la forme piel, le verbe bdrâ' signifie « tailler, couper, émonder ». Or la forme pivet a souvent le sens le plus conforme à la racine des mots. Gesenius, Thésaurus philologus lingues hebraicse, Leipzig, t. i, 1829, p. 235. — Réponse. C’est par l’usage plutôt que par la racine des mots qu’on en reconnaît la signification. C’est aussi l’usage qui déterminait le sens de chaque forme des verbes hébreux, comme il détermine l’acception dans laquelle on doit entendre toutes les formes des diverses langues. Or jamais bdrâ' n’a eu, à la forme kal, le sens de « tailler », qui lui était donné à la forme pihel. — 2e Difficulté. Les Septante ont traduit le verbe bdrâ', au premier verset de la Genèse, par mo(ravi, qui signifie « faire ». — Réponse. À l'époque où les Septante rédigèrent leur traduction, la langue grecque ne possédait pas encore de terme consacré spécialement à exprimer la création. C’est pourquoi ils se servirent du mot général èhoItictev, qui n’exclut pas du reste la création, puisqu’il est aussi employé par la mère des Machabées, qui dit, II Mach., vii, 28, que Dieu a fait de rien, l Jux 'j’vtcov è7ro[ï)a£v, le ciel et la terre. Plus tard, le verbe îxuo-ev reçut plus particulièrement le sens de « créer » ; aussi a-t-il été adopté par Josèphe, Aquila, Symmaque et Théodotion, pour exprimer la première production du monde par Dieu. Hummelauer, Comment, in Genesim, Taris, 1895, p. 87. — 3e Difficulté. Les termes 'âsâh, a faire ; » yâsar, « former ; » bânâh, « bâtir, » sont employés dans l’Ancien Testament pour exprimer les mêmes actions qui sont marquées par le verbe bdrâ'. La Genèse dit, au ꝟ. 26 du chapitre i, que Dieu fit l’homme, 'âsâh, et au verset suivant, qu’il créa l’homme, bdrâ'. Elle dit, au ꝟ. 19 du chapitre ii, que Dieu forma, yâsar ; au y. 25 du chapitre I, qu’il fit, 'âsâh, et au ꝟ. 1 du même chapitre, qu’il créa, bârd', les animaux. Isaïe, xliii, 7, emploie ces trois verbes simultanément ; car il dit que Dieu a créé, qu’il a formé, et qu’il a fait pour sa gloire tous ceux qui invoquent son nom. C’est ainsi encore qu’après avoir raconté que Dieu créa la femme, Gen., i, 27, la Genèse dit dans un second récit, ii, 22, qu’il la bâtit, bânâh, d’une côte d’Adam. — Réponse. Ces diverses expressions hébraïques ne sont pas synonymes, bien qu’elles s’appliquent à une même action de Dieu. Les termes âsâh, yâsar, bânâh, sont des mots qui expriment des opérations humaines ou des opérations divines, tandis que le terme bdrâ' signifie une action nécessairement divine. Nous disons bien en français que Dieu a fait, qu’il a formé, qu’il a constitué, qu’il a créé l’homme. Cependant nos verbes « faire, former, constituer », signifient une action qui peut être le fait de Dieu ou le fait dune créature, tandis que notre verbe créer, pris au sens propre, signifie une action nécessairement divine. Ainsi en est-il à plus forte raison du verbe hébreu bdrâ' ; car nous avons montré qu’il n’a jamais été pris dans un autre sens.

Quelques auteurs, même catholiques, comme Petau, De opificio sex dierum, lib. I, c. ii, n° 8, dans ses Dogmat. theolog., Paris, 1866, t. iv, p. 151, ont cru que ce verbe bdrâ' ne signifiait point par lui-même une création pro prement dite, ou une production de rien. Mais la plupart des exégèles pensent, au contraire, que son sens propre est celui de création de rien. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que ce verbe a toujours été entendu par les Hébreux d’une action qui ne saurait avoir d’autre cause que la toute-puissance de Dieu. Nous verrons d’ailleurs tout à l’heure que l’intervention divine par laquelle le monde reçut l’existence fut une véritable création.

3° Le monde a été produit par un acte libre de la volonté de Dieu. — La question de la liberté de Dieu dans l’acte créateur est susceptible de deux sens. On peut se demander si Dieu était libre de produire ou non des créatures. On peut se demander aussi si, après s'être décidé à créer, il dépendait de lui d’appeler à son gré tels ou tels êtres à l’existence. Or il est certain que Dieu possédait à la fois une entière liberté de produire ou de ne pas produire le monde et une entière liberté de le produire tel qu’il le voudrait. L'Écriture affirme cette liberté de deux manières principales. D’une part, elle présente la création comme le résultat d’un commandement de Dieu ; or ce commandement suppose dans le Créateur et la toute-puissance à qui rien ne résiste, et la liberté en vertu de laquelle il était maître de choisir et d’exécuter l'œuvre qu’il a accomplie. D’autre part, l'Écriture déclare que Dieu a fait tout ce qu’il a voulu, et par conséquent qu’il n’a obéi à aucune nécessité dans la production de ses œuvres. Indiquons les principaux textes où se rencontrent ces deux affirmations. On se souvient du magnifique tableau où la Genèse, i, 3-26, met sur les lèvres du Créateur ces commandements qui s’exécutent aussitôt : « Qje la lumière soit ! » « Qu’il y ait un firmament ! » Ce tableau a été résumé d’un mot par le psalmiste : [Dieu] a dit, et [tout] a été fait ; il a commandé, et [tout] a été créé. » Ps. cxlviii, 5. Voici d’autres paroles de nos Saints Livres qui marquent que Dieu a choisi à son gré les créatures à qui il a donné l'être : « Le Seigneur a fait toutes les choses qu’il a voulues. » Ps. cxxxiv, 6 ; cxiii, 3. « Il opère toutes choses, selon le gré de sa volonté. » Ephes., i, 11. « Vous avez créé toutes choses, et c’est par votre volonté qu’elles sont (Vulgate : qu’elles étaient) et qu’elles ont été créées. » Apoc, iv, 11 ; cf. Sap., xi, 26 ; Dan., iv, 32.

4° Le monde a été fait pour la gloire de Dieu. — La pleine liberté de Dieu dans l’acte créateur suppose qu’il n’avait aucun besoin de ses créatures. Cf. Job, xxii, 3. Mais, d’autre part, Dieu n’a pu vouloir la création que pour une fin digne de lui, c’est-à-dire pour sa propre gloire. Il est Valpha et Voméga, le commencement et la fin. Apoc, i, 8 ; cf. Is., xliv, 6 ; Deut., xxvi, 19. Aussi les cieux célèbrent-ils sa gloire, Ps. xviii, 2, et toute la terre en est-elle remplie. Is., vi, 3. Toutes les œuvres de Dieu sont conformes à ce but. Cf. Prov., xvi, 4. Elles sont donc toutes très bonnes, comme le Créateur se complaît luimême à le remarquer à la fin de la création. Gen., i, 31. C’est surtout l’homme intelligent qui a été créé pour glorifier Dieu ; car le spectacle des créatures doit l'élever à la connaissance de la puissance et de la divinité du Créateur, et l’amener à lui rendre gloire. Eccli., xvii, 7, 8 ; Sap., xiii, 5 ; Rom., i, 20, 21. Aussi l’homme a-t-il été formé après la terre, les plantes et les animaux. Gen., I, 26. Il est d’ailleurs appelé à une connaissance de Dieu plus parfaite que celle qui résulte de la vue des créatures. Cette connaissance surnaturelle sera le partage des élus dans la béatitude du ciel. C’est pourquoi les élus ont été créés particulièrement pour la gloire de Dieu. Is., xliii, 7. Dans son plan éternel, Dieu rapporte toutes ses œuvres aux élus et à Jésus-Christ. Ephes., i, 4-10 ; Col., i, 16 ; cf. Luc, ii, 14.

5° Le monde a été fait de rien. — 1. Beaucoup d’auteurs invoquent en preuve le terme bdrâ', qui exprime la première production des êtres, au début de la Genèse et en divers autres passages de la Bible. Tel paraît bien être, en effet, la signification de ce verbe, qui marque tou-il05

CRÉATION — CRÈCHE

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jours un acte de la puissance divine. Le second livre des Machabées a reproduit sans doute le sens reçu du premier verset de la Genèse ; or il a affirmé très certainement le dogme de la création ex nihilo, lorsqu’il a mis -ces paroles dans la bouche de la mère des sept frères martyrisés par Antiochus : « Je vous conjure, mon fils, de regarder le ciel et la terre et toutes les choses qui y sont renfermées, et de bien comprendre que Dieu les a faits de rien, aussi bien que la race des hommes. » II Mach., vil, 28. — D’ailleurs ce dogme est supposé par plusieurs -autres enseignements de la Bible. — 2. La Genèse, i, 1, dit que Dieu créa le ciel et la terre au commencement, -c’est-à-dire, suivant le sens obvie et littéral, au commencement des choses. Or, si cette création fut le commencement des choses, c’est que Dieu seul existait auparavant, et que toutes les créatures ont été tirées par lui -du néant. L'Écriture nous laisse entendre la même vérité, lorsqu’elle enseigne que Dieu et sa sagesse existaient avant aucune créature, Prov., viii, 22-28 ; Ps. lxxxix, 2 ; sjoa., xvii, 5, 24 ; Ephes., i, 4, ou lorsqu’elle déclare que l'éternité n’appartient qu'à lui. Rom., xvi, 26 ; I Tim., i, 17 ; I Tim., vi, 16. — 3. Ce dogme est aussi la conséquence de l’universalité de la création, qui nous a été affirmée plus haut dans les textes qui proclament que toutes les créatures sans exception ont Dieu pour auteur ; car si Dieu n’avait point tiré les créatures du néant, mais qu’il les eût formées d’une matière préexistante, cette matière antérieure à la création n’aurait pas été produite par Dieu. — Cette observation a précisément fourni une objection -contre nous. On lit au livre de la Sagesse, xi, 18, que la main toute-puissante de Dieu a créé le monde de la manière informe, xTfoaaa tov xôap.ov i ànôpyou vXri ; . Cer4ains auteurs en concluent que le rédacteur de ce passage admettait l'éternité de la matière. Mais il est clair que le livre de la Sagesse fait ici allusion à la matière informe dont parle le second verset de la Genèse, et que c’est la transformation de cette matière en diverses espèces de créatures énumérées dans le récit de l'œuvre des six jours qu’il appelle création, xTiaa<ra. Cette seconde œuvre du -Créateur n'était pas la première création ex nihilo. Aussi quand nous disons avec l'Écriture que toutes les créatures ont été tirées du néant, n’est-ce pas de cette œuvre subséquente qu’il s’agit. Nous ne mettons en cause que la première production dont parle le premier verset de Ja Genèse, et dont le passage de la Sagesse qu’on nous objecte ne s’occupe pas. A. Vacant.

CREATURE. Voir Création et Cosmogonie.

    1. CRÉCERELLE##

CRÉCERELLE (hébreu : nés ; Septante : UpuZ ; Vulgate : accipiter), oiseau de proie (fig. 402), appartenant au genre faucon, de la grosseur d’un pigeon, avec des ailes longues, la tête et la queue de couleur cendrée, le dos roux tacheté de noir, le ventre blanc tacheté de roux, habitant les crevasses et les vieilles murailles, et se nourrissant de petits oiseaux, de mulots, d’insectes, etc. On l’appelle aussi émouchet ou épervier des alouettes. — Le mot nés désigne certainement en hébreu les différentes espèces du genre faucon, faucon proprement dit, épervier et crécerelle. Voir Faucon et Épervier. La Sainte Écriture nomme le nés « selon son espèce », c’est-à-dire avec toutes les espèces qui composent le genre, pour défendre de s’en servir dans l’alimentation. Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15. Job, xxxix, 26, parle du nés comme d’un oiseau migrateur :

Est-ce par ta 6agesse que le nés s’envole Et qu’il déploie ses ailes vers le midi ?

La crécerelle, tinnunculus alaudarius, est ainsi nommée à cause de son cri strident qui consiste en une seule note répétée plusieurs fois de suite. Elle est très commune en Europe, et ne se rencontre pas moins abon 402. — La crécerelle.

damment en Palestine. On signale sa présence dans tout le pays, aussi bien sur la côte de la mer que dans la vallée du Jourdain, dans les gorges désolées de la mer Morte que dans les édifices d’Hébron et de Jérusalem. Cet oiseau vit par troupes. Il niche habituellement dans les anfractuosités des cavernes, parfois en compagnie du vautour, d’autres fois dans une sorte d’intimité avec la corneille. C’est du reste le seul oiseau que l’aigle semble souffrir dans son voisinage. La crécerelle est capable de planer plusieurs minutes la tête tournée au vent ; de là sans doute son nom en hébreu, nés, de nâsas, « briller. » Elle se tient d’ordinaire à une assez faible hauteur, de huit à quinze mètres du sol. De là elle surveille un espace d’une certaine étendue au-dessous d’elle, guette les mulots de ses yeux perçants, fond sur eux et les saisit avec ses griffes. — Outre la crécerelle ordinaire, il s’en rencontre en Palestine une autre espèce plus petite, le tinnunculus cenchris, qui est remarquable par la coloration et l'élégance de son plumage, et ne réside dans le pays qu’au printemps et en été. Cette crécerelle se nourrit exclusivement d’insectes et habite, en colonies nombreuses,

sur les monuments élevés ou sur les rochers qui dominent les hautes collines, comme à Nazareth. Elle diffère du tinnunculus alaudarius surtout par ses griffes, qui sont blanches, tandis que celles de l’autre espèce sont noires. Ce que Job dit du nés, qui émigré vers le midi, s’applique particulièrement bien à la crécerelle de l’espèce cenchris. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 189 ; Wood, Bible animais, Londres,

1884, p. 360.
H. Lesêtre.
    1. CRÈCHE##

CRÈCHE (hébreu : 'urvâh, uryâh, et, par transposition de lettres, le pluriel 'âvrôt ; Septante : çârvï) ; Vulgate : prsesepe, prxsepium). La crèche est, à proprement parler, la mangeoire dans laquelle les animaux domestiques trouvent leur nourriture. Ce sens vient au mot hébreu du radical 'ârâh, « saisir » pour manger.

1. Les crèches en général. — 1° Aucun texte biblique ne présente 'urvâh avec son acception primitive. Par extension, on appelait de ce nom l'étable elle-même, II Par., xxxii, 28, et la stalle dans laquelle étaient placés les animaux. Ainsi il est dit que Salomon possédait quatre mille 'urôp de chevaux de chars et douze cents 'urôt de chevaux de selle. III Reg., iv, 26 ; II Par., ix, 25. Ces 'urôt sont des stalles renfermant chacune un ou peutêtre deux chevaux. Le grec çàtwi a également les deux sens de mangeoire, lliad., vi, 506, etc. ; Hérodote, ix, 70, et d'étable, Odyss., IV, 535, etc. ; Pindare, Olymp., XIII, 131. — 2° Les versions parlent de crèche dans quelques autres passages où le mot hébreu est différent. Job, vi, 5 : « Le bœuf mugira-t-il devant sa crèche pleine ? » hébreu : devant son belil (mélange de grains et d’herbes). Job, xxxix, 9 : « Le rhinocéros (rém) demeurera-t-il dans ta crèche ? » Prov., xiv, 4 : « Là où il n’y a pas de bœufs, la crèche est vide. » Is., i, 3 : « L'âne connaît la crèche de son maître. » Dans ces trois passages, le mot hébreu est 'êbûs, qui veut dire « étable », du radical ' « bas, « enU07

CRÈCHE

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graisser » le bétail. Il s’agit en général du lieu où l’on engraisse les animaux. Aussi W. Robertson, Thésaurus linrjux sanctse, Londres, 1680, p. 4, et Gesenius, Thésaurus linguse hebrœss, Leipzig, 1835, p. 17, pensent-ils que le sens de crèche pourrait aussi convenir à 'êbûs, qui a les deux sens de crèche et d'étable en arabe et en chaldéen. Hab., iii, 17 : « Point de troupeaux dans les crèches, » hébreu : dans les étables à bœufs [refâtîm). — 3° Dans son instruction sur l’observation du sabbat, Notre-Seigneur remarque qu’on détachait le bœuf ou l'âne de la çaTvï|, même ce jour-là. Luc, xiii, 15. Ici encore, le mot peut avoir le sens d'étable.

II. La crèche de Notre -Seigneur. — 1° D’après l'Évangile. — Saint Luc, ii, 7, 12, 16, raconte que NotreSeigneur, à sa naissance, fut couché dans une crèche. Les mots ci™?) et prsesepium peuvent désigner indifféremment une crèche ou une étable. Le premier sens s’impose, au moins aux versets 12 et 16. La crèche dans laquelle fut placé l’Enfant Jésus était une mangeoire à l’usage des animaux. Au y. 16, saint Luc nomme la crèche avec l’article : êv Tîj çitMir), « dans la crèche. » Quelques auteurs en ont conclu qu’il s’agissait d’une crèche déterminée, bien connue des bergers comme étant la crèche qui offrait habituellement un refuge aux troupeaux de Bethléhem. Mais les grottes pouvant servir d'étable ne manquaient point autour du village. Il est donc assez probable que l’article du ꝟ. 16 se réfère seulement à la crèche nommée aux y-, 7 et 12. Toutefois, d’après un grand nombre de manuscrits, cf. Griesbach, Novum Testamentum grsece, Halle, 1786, 1. 1, p. 265, l’article se lit également au y. 7, ce qui confirmerait la première hypothèse. Sur la présence de l'âne et du bœuf à la crèche, voir Ane, t. i, col. 572, et Bœuf, t. i, col. 1837.

2° Description de ta crèche. — Les paroles de saint Luc, au sujet du divin Enfant « placé dans la crèche », ne peuvent pas vouloir dire que la Sainte Vierge posa le nouveau-né sur le sol même de l'étable. Dans cette étable se trouvait une mangeoire ou crèche proprement dite, qui devint le berceau du Sauveur. Ainsi l’ont entendu les anciens dans leurs écrits et dans leurs monuments. Cf. Pératé, L’archéologie chrétienne, Paris, 1892, p, 160, 312 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 101, 104. Voir t. i, col. 1693, la description de l'étable ou grotte de la Nativité. La basilique de SainteMarie-Majeure, à Rome, possède la principale relique de la crèche. En juin 1893, des réparations durent être faites à l’urne qui contient le précieux dépôt, et le P. Lais, sous-directeur de l’Observatoire du Vatican, put en profiter pour examiner scientifiquement ce qui reste de la crèche. Voici le résultat de son examen. Deux des cinq morceaux de bois que l’on vénère mesurent, en comptant certaines parties distraites en 1606, 991 millimètres de long, et environ 35 millimètres sur 50 de section. Ils sont percés d’un trou au tiers de leur longueur, et ont des mortaises aux deux extrémités. Ces deux pièces de bois devaient former un montant en forme d’X. À leur extrémité inférieure se voient encore des restes de fermoir métallique et un anneau où s’attachait la chaîne qui réglait l'écartement. Les trois autres morceaux de bois n’ont que Il millimètres d'épaisseur, ce qui leur permet d’entrer dans les mortaises signalées plus haut. Ces planches sont trop entamées pour qu’on puisse juger de leurs dimensions primitives ; mais il est probable qu’elles remplissaient l’angle supérieur du montant. Celui-ci devait être accompagné d’un autre qui a disparu. Les deux montants en étaient réunis, à la distance voulue, par une pièce de bois tourné qui passait dans les trous dont nous avons parlé. Des fragments de bois tourné, répondant à cette destination, ont été trouvés sous l’autel majeur de la basilique et sous l’urne, à l'époque de Benoît XIV. Le bois n’appartient pas au genre des conifères, comme celui de la vraie croix. Il vient d’un érable sycomore, dont la Palestine offre près de vingt variétés, « Pour résumer, les reliques

de la crèche, conservées à Sainte-Marie-Majeure, ne seraient pas à proprement parler la crèche ou mangeoire des animaux, dans laquelle aurait été couché le Sauveur du monde, mais le support de ce berceau. » Analecla juris pontifiai, Paris, t. ii, janvier 1895, p. 74, 75. — Quant à la crèche elle-même, de quelle matière étaitelle formée ? Les anciens sont muets à cet égard. Voici cependant une indication qui pourrait mettre sur la voie. Dom Germain Morin, bénédictin de Maredsous (Belgique), a recueilli et reconstitué un certain nombre d’homélies de saint Jérôme éparses dans différents recueils. L’une d’elles, sur la fête de Noël, publiée parmi les œuvres de saint Jean Chrysostome dans l'édition de Venise, 1549, t. ii, fol. 273, contient le passage suivant, à propos du texte reclinavit eum in prxsepio : « Oh ! s’il m'était permis de voir la crèche même où le Sauveur fut couché ! À présent, nous autres, chrétiens, mus par un sentiment de vénération, nous avons enlevé la crèche faite d’argile (luteum), et nous l’avons remplacée par une autre d’argent ; mais, pour ma part, j’attache plus de prix à celle qu’on a enlevée. De l’argent et de l’or, c’est bon pour des gentils : la foi chrétienne trouve mieux son compte dans la crèche d’argile ( luteurn illud preesepe). Celui qui est né dans cette crèche condamne l’or et l’argent. Je ne condamne pourtant pas ceux qui ont agi ainsi par honneur pour le Christ. » Anecdota maredsolana, Maredsous et Oxford, t. iii, 2e part., 1897, p. 393. Celte homélie aurait été prononcée au monastère de Bethléhem, et nul n'était plus à même que saint Jérôme de savoir ce qu’il fallait penser de la précieuse relique. Lui-même témoigne ailleurs que, de son temps, la crèche avait été remplacée par un autel, c’est-à-dire qu'à l’emplacement primitif de la crèche, on avait dressé un autel. Epist. cxi.vn, ad Sabinianum, 4, t. xxii, col. 1199. La représentation de la crèche se voyait donc à un autre endroit de la grotte. Quand Antonin de Plaisance fit son pèlerinage, en 570, il trouva dans la grotte une crèche ex aura et argento ornatum, « avec des ornements d’or et d’argent ». Itinerarium, 29, t. lxxii, col. 909. Cette crèche était apparemment celle dont parle saint Jérôme dans les mêmes termes. Quant à la crèche d’argile, était-elle la vraie crèche dans laquelle le Sauveur avait été placé à sa naissance ou n'étaitelle qu’un fac-similé de la crèche primitive ? De quelle manière avait-elle été conservée pendant plus de trois siècles ? Que sont devenues par la suite soit la crèche du Sauveur, soit la crèche d’argile que signale saint Jérôme ? Autant de questions auxquelles il est impossible de répondre. Observons cependant qu’il n’y a nullement lieu de s'étonner en entendant parler d’une crèche du Sauveur en argile. En Palestine, comme d’ailleurs en Egypte, on s’est toujours servi de cette matière, plus abondante, plus économique et plus facile à travailler que le bois, pour fabriquer un bon nombre d’ustensiles, et il est bien probable que plus d’une fois on l’a employée pour faire des mangeoires d’animaux. En tout cas, le texte de saint Jérôme démontre ou que la crèche véritable du Sauveur a été d’argile, ou du moins que, quand on a voulu la rappeler aux visiteurs de Bethléhem, durant les trois premiers siècles, on s’est cru autorisé par la tradition et par les usages du pays à la représenter au moyen d’un fac-similé d’argile.

3° Histoire de la relique conservée à Rome. — Les parties principales de la crèche, si tant est qu’elles aient été conservées à Bethléhem jusqu'à l'époque de sainte Hélène, ont probablement été transférées à Constantinople. L’histoire se tait à ce sujet. Mais la manière dont s’exprime saint Jérôme, dans le texte cité plus haut, donne à penser que le transfert fut l'œuvre d’un personnage qui commandait le respect par sa piété et par son importance personnelle. Les restes conservés à Rome ont dû y être apportés, conjecturet-on, sous le pontificat du pape Théodore (642-645). De fait, c’est sous ce pape que H09

CRÈCHE — CRÉMATION DES CORPS

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la basilique libérienne est mentionnée pour la première fois avec le titre de Beata Maria ad prsssepe. Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. I, p. 331. Théodore, né en Palestine, resta en rapports continuels avec son lieu d’origine. Sa piété personnelle et le péril que faisaient courir à tous les souvenirs sacrés des Lieux Saints les incursions des musulmans le portèrent sans doute à recueillir à Rome les reliques de la crèche. Sous Adrien I" (772-795) apparaît la première mention d’un autel de la crèche. Liber pontificalis, t. ii, p. 522. Dans le cours des âges, les papes se plurent à entourer d’honneurs les reliques de Sainte-Marie-Majeure, et ils multiplièrent les ornements autour de ces restes sacrés. — À l’occasion des réparations exécutées en juin 1893, on examina soigneusement une inscription en caractères grecs, qui se voit sur une des planchettes de la crèche. Cette inscription, assez fragmentaire, parle d’une décoration à exécuter : il y aura deux anges, cinq martyrs montés sur des chevaux, etc., « et que l’on mette de l’or à cette belle image. » Les caractères sont majuscules et permettent de fixer la date de cette inscription entre le vu » et le ix 8 siècle. La planchette qui porte ces caractères a-t-elle vraiment appartenu à la crèche primitive ? Ne faisait-elle pas plutôt partie d’un précieux tableau connu dès le xine siècle sous le nom de puerperium et contenant d’autres reliques de la crèche, spécialement un linge ayant servi à envelopper l’enfant Jésus ? Le sac de Rome par le connétable de Bourbon, en 1527, et le pillage qui se fit alors de toutes les choses sacrées ont fait disparaître bien des reliques et mis le désordre dans celles qui échappèrent. C’est à cette époque que fut détruit le tableau du puerperium, dont quelques fragments furent sans doute sauvés du désastre. On ne peut manquer de s'étonner que l’on ait écrit sur le bois même de la crèche, si la planchette en question en faisait partie, une commande de travail à exécuter. Notons pourtant que, dans un inventaire dressé à l'époque de Martin V (1417-1431), Cod. Vatic. latin. 3536, fol. 58, on compte cinq morceaux de bois provenant de la crèche, indépendamment des reliques qui faisaient partie du puerperium. Il se pourrait qu’une des planchettes de la crèche ait disparu et qu’on l’ait remplacée par une autre empruntée au tableau. Voir G. Cozza-Luzi, L’insci’iption grecque sur le bois de la crèche du Sauveur, dans les Analecta juris ponti/icii, janvier 1895, p. 65-74 ; Rohault de Fleury, Instruments de la passion, Paris, 1870, p. 278.

H. Lesêtre.

CREDNER Karl Auguste, théologien protestant rationaliste, né le 10 janvier 1797 à Waltershausen, près de Gotha, mort à Giessen le 16 juillet 1857. Il fit ses études à Iéna et à Breslau. Le grade de docteur lui fut conféré à Iéna, en 1827, pour sa thèse De prophetarum minorum versionis syriæse quam Peschita dicunt indole, et il devint privât docent de théologie à l’université de cette ville, en 1828, en y publiant son De lïbrorvm Novi Testamenti inspiratione quid statuerint christiani ante sxculum médium tertium. Dès 1830, il reçut le titre de professeur extraordinaire. En 1831, il fit paraître Der Prophet Joël ubersetzt und erklârt, in-8°, Halle, commentaire très étudié. Son travail eut du succès et lui valut d'être appelé à Giessen, où il se rendit en avril 1832 et où il enseigna l’histoire ecclésiastique et l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette même année 1832, il donna le tome I er de ses Beitrâge zur Einleitung in die biblwchen Schriften, dont le sous-titre porte : Die Evangelien der Petriner oder Jvdenchristen, in-8°, Halle. Le tome II vit aussi le jour à Halle, en 1838, avec le sous-titre de Dos alttestamentliche Urevangelium. En 1836, il avait fait imprimer Die Einleitung in das Neue Testament, t. i, in-8°, Halle. On a aussi de lui : Zur Geschichte des Kanons, in-8°, Halle, 1847 ; Die Geschichte des Neuen Testaments, in-8°. Francfort, 1852 ; Geschichte des neutestamentlichen Kanon, ouvrage

posthume publié par G. Volkmar, in-8°, Berlin, 1860. Mentionnons aussi de Credner Das Neue Testament nach Zweck, Ursprung und Inhalt fur denkende Léser der Bibel, 2 in-8°, Giessen, 1841-1847, ouvrage destiné à vulgariser les idées de l’auteur dans un cercle plus étendu que celui des professeurs et des universités. Credner fut un des collaborateurs de la Cyclopsedia of Biblical Littérature de Kitto. — Voir Siegfried, dans VAllgemeine deutsche Biographie, t. iv, 1876, p. 575-583 ; A. W. Lindsay, dans Kitto’s Cyclopœdia of Biblical Littérature, 3e édit., t. i, 1862, p. 581 ; 0. Zockler, dans Herzog’s Real-Encyklopàdie, 2e édit., t. i, 1878, p. 385-389.

F. VlGOUROUX. CRELIER Henri Joseph, exégète catholique, né à Bure, près de Porrentruy, au diocèse de Bàle, le 16 octobre 1816, mort curé de Bressancourt, le 22 avril 1889. D’abord professeur au collège de Porrentruy (1845-1855), où il enseigna les lettres, puis la philosophie, il devint, à l'époque de la transformation du collège en école cantonale, aumônier des dames du Sacré-Cœur de Besançon, et consacra ses loisirs à l'étude de l'Écriture Sainte. Rentré dans son pays et nommé à la cure de Rebeuvelier, il en fut chassé par le kulturkampf bernois (1872). Après l’exil du clergé jurassien, il accepta la cure de Bressancourt, où il passa les dix dernières années de sa vie. Littérateur de mérite, hébraïsant distingué, il a publié plusieurs ouvrages estimés : Les Psaumes traduits littéralement sur le texte hébreu avec un commentaire, t. i, in-8°, Paris, 1858 (ouvrage inachevé) ; Le livre de Job vengé des interprétations fausses et impies de M. E. Renan, in-8°, Paris, 1860 ; Le Cantique des cantiques vengé des interprétations fausses et impies de M. E. Renan, in-8°, Paris, 1861 ; M.E.Renan guerroyant contre le surnaturel, in-8°, Paris, 1863 ; M. E. Renan trahissant le Christ par un roman, ou Examen critique de la Vie de Jésus, in-8°, Paris, 1864. Dans le Commentaire de la Bible publié chez Lethielleux, il donna : Les Actes des Apôtres, in-8°, Paris, 1883 ; Exode, introduction critique et commentaires, in-8°, Paris, 1886 ; Lévitique, introduction critique et commentaires, in-8° Paris, 1886 ; La Genèse et introduction au Pentateuque, in-8°, Paris, 1889. Cf. Études de philosophie, de théologie et d’histoire, publiées par les PP. Daniel et Gagarin, nouv. série, t. i, 1859, p. 599-613 ; t. ii, 1860, p. 496 ; Bibliographie catholique, 1859, p. 331-334 ; 1861, p. 51 ; 1802, p. 363 ; 1864, p. 300 ; La Liberté, 27 avril 1889 ; Fribourg en Suisse. E. Levesque.

    1. CRELL Jean##

CRELL Jean, théologien socinien allemand, né à Helmetzhein, près de Nuremberg, le 26 juillet 1590, mort le Il juin 1633 à Cracovie, où il remplissait les fonctions de pasteur. Il traduisit en allemand le Nouveau Testament, publié sous ce titre : Das Neue Testament, das ist, aile Bûcher des neuen Bundes welchen Gott durch Christum mit dem Menschen gemacht hat, treulich aus dem griechischen ins deutsche versetzet, in-8°, Cracovie, 1630. Ses divers ouvrages ont été réunis sous ce titre : Opéra omnia exegetica ; sive ejus in pierosque Novi Testamenti libros commentarii maximam. partem inediti, in-f°, Amsterdam, 1656. —Voir Christ, von den Sand, Bibliotheca anti-trinitariorum (1694), p. 115 ; Walch, Bibliotheca theologica, t. iv, p. 162, 617, 618.

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CRÉMATION DES CORPS. Elle n'était pas en usage chez les Hébreux, qui enterraient leurs morts et ne brûlaient pas leurs restes, comme les Grecs et les Latins. Tacite en a fait la remarque en disant des Juifs, Hist., v, 5 : Potius corpora condere quam cremaree more œgyptio. On ne brûlait les cadavres qu’accidentellement, en temps de guerre ou de peste : c’est ainsi que les habitants de Jabès de Galaad brûlèrent les corps de Saül et de ses fils, qui avaient péri sur le champ de bataille. I Sam. (I Reg.}, xxxi, 12. Le prophète Amos, vi, 10, dit que l’infidélité

du peuple sera punie par une si grande mortalité, que les cadavres seront brûlés par les plus proches parents des défunts. Certains crimes étaient punis du supplice du feu. Lev., xx, 14 ; xxi, 9. — Il est dit, II Par., xxi, 19, que Joram, roi de Juda, n’eut pas de funérailles solennelles secundwm morem combustionis, comme s’exprime la Vulgate, ou littéralement, selon l’hébreu : « son peuple ne lui fit pas une combustion selon la combustion de ses pères, » serêfâh kisrêfat 'âbôtàv. Cette même manière de parler se retrouve dans Jérémie, xxxiv, 5. Le prophète prédit à Sédécias qu’il sera enseveli secundum combustiones patrum tuorum, … sic comburent le ; hébreu : « selon la combustion de tes pères, … ainsi on fera des combustions pour toi. » Il ne s’agit pas là de la combustion du corps, comme pourrait le faire croire la traduction de la Vulgate, comburent te, « on te brûlera ; » le texte original porte : « on fera des combustions pour toi, » lâk, c’est-à-dire on brûlera des parfums à tes obsèques, comme on l’a fait pour tes pères. Cet usage de brûler par honneur des aromates à l’enterrement des rois est expressément mentionné II Par., xvi, 14, où on lit que le corps du roi de Juda, Asa, « fut étendu sur une couche remplie d’aromates et de parfums préparés avec soin, et qu’on en fit pour lui (lô) une grande combustion. » Quelques commentateurs, tels que Calmet, Commentaire littéral, Les Paralipomènes, 1712, p. 317, interprètent ce passage en ce sens qu’Asa fut brûlé avec les parfums ; mais cette interprétation ne s’accorde pas avec le texte hébreu, qui dit, non qu’on le brûla, mais qu’on brûla les parfums « pour lui », c’est-à-dire en son honneur. — Nous voyons dans l'Écriture que des parents ianatiques et dénaturés brûlaient leurs enfants en l’honneur de Moloch ou d’autres dieux, Ezech., xvi, 20 ; IVReg., XVII, 31, etc. ; mais cette pratique criminelle n’avait rien de commun avec l’usage de la crémation.

F. VlGOUROUX.

    1. CRESCENT##

CRESCENT ( Kpïjaici’iç, transcription grecque du latin Crescens, « celui qui croit » ), l’un des soixante-douze disciples de Jésus, d’après la tradition, et compagnon de saint Paul, qui dit de lui, II Tim., iv, 10, que ce disciple l’a quitté pour aller en Galatie. Ce mot de Galatie a donné naissance a de vives controverses, parce que ce nom en grec peut désigner la Galatie d’Asie et la Galatie d’Europe, c’est-à-dire la Gaule. Eusèbe, H. E., iii, 4, t. xx, col. 220 ; S. Épiphane, Hœr., li, 11, t. xli, col. 909 ; Théodoret, in II Tim., t. lxxxii, col. 853 ; la glose TaUiav, dans le Codex Sinaiticus, dans le Codex Ephræmi et autres, sont en faveur de la Gaule, et les Églises de Mayence et de Vienne en France le regardent, en effet, comme leur fondateur. On fait néanmoins de grandes difficultés contre cette interprétation. Cf. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Saint Paul, art. 52 et note 81, 1. 1, 1701, p. 312, 584-587 ; L. Duchesne, Les fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, in-8°, Paris, 1894, t. i, p. 151-155. Voir Galatie. Les Constitutions apostoliques, vii, 46, Patr. gr., t. i, col. 1050, disent qu’il prêcha la foi en Galatie. Les Grecs célèbrent sa fête le 30 juillet, et les Latins te 27juin.

    1. CRÈTE##

CRÈTE (Kp^xï)), île de la mer Méditerranée, située à la limite méridionale de la mer Egée (fig. 403).

I. Description. — L’ile de Crète est située dans la Méditerranée et forme la limite méridionale de la mer Egée. Sa longueur est de 260 kilomètres ; sa largeur varie entre 12 et 55 kilomètres ; sa superficie est de 8580 kilomètres. Les Turcs l’appellent Krit ou Kirit, mot qui a pour origine le nom grec. L’appellation de Candie, qui lui est aussi donnée, est d’origine vénitienne. Les écrivains de cette république appelèrent ainsi la ville de Khandax, fondée par les Sarrasins, et l’ile elle-même. Une chaîne de montagnes traverse l'île dans toute sa longueur. Au centre s'élève le massif de l’Ida, aujourd’hui Psiloritis. L’Ida est le massif le plus considérable,

mais non le plus haut. Celui de l’ouest, les Leuca orù ou Montagnes blanches, que les Grecs modernes appellent Asprovouna ou Sfakiottiki, à son point culminant, dépasse le précédent de 13 mètres. Les sommets de ces montagnes sont souvent couverts de neige. Le Lassithi à l’est, dont le Dicté des Grecs est un contrefort, atteint 2000 mètres. Strabon, X, iii, 20 ; iv, 4. On ne trouve aucune rivière dans l'île, mais seulement des ruisseaux et des torrents. La côte nord est irrégulière et creusée de golfes profonds. Il y a, par suite, un grand nombre de caps. Les principaux sont, en partant de l’est, le cap Salmonium ou Salmoné, qui forme la pointe de l'île, Strabon, X, iv, 3 ; les caps Dium, Drepanum, Psacum, Corycus, Chersonesus, et enfin le cap Criumetopum, qui forme l’extrémité occidentale delà côte méridionale, en face de la Cyrénaïque. Strabon, X, iv, 5. Au sud on ne remarque qu’un seul golfe important et peu de caps. Citons cependant celui de Lithinos ou Matala. Le sol est en grande partie

403. — Monnaie de la province de Crète, frappée 60us Caligula. TAIOS KAISAP SEB TEPM APX MEr AHM ESOT TUA Tête de Caligula, 4 droite, un sceptre sur l'épaule. — i$. Auguste, entouré de sept étoiles, assis sur la chaise curule, un scabellum sous les pieds, vêtu de la toge, s’appuyant de la main gauche sur un long sceptre, et tenant une patère de la main droite.

schisteux, la température est douce, les eaux sont bonnes et abondantes, la végétation forte et variée. Toutes les cultures y réussissent ; on y trouve notamment du viii, des fruits, de l’huile et de la soie. Les habitants des côtes se livrent à la pêche des éponges. Sa fertilité et sa végétation étaient célèbres dans l’antiquité. Strabon, X, iv, 4 ; Théophraste, Hist. Plant., i, 15 ; ii, 2 et 8 ; iii, 5 ; Pline, H. N., xii, 11, 45, 125 ; xiii, 39, 58, 115, 136 ; xvi, 110, 142, 161, 166, 197 ; xxv, 96, 110, etc. ; Virgile, Mn., xii, 412. Les vins de Crète sont vantés par les anciens. ^Elien, Hist. variée, xii, 31 ; Pline, H. N., xiv, 80 ; Polybe, VI, il a, 4 ; Martial, Epigr., xiii, 106 ; Juvénal, Satir., xiv, 270. Il en est de même de son miel, Pline, H. N., xi, 33 ; xxix, 119, qui joue un rôle dans les fables relatives à Jupiter. Diodore de Sicile, Y, 70 ; Callimaque, Hymn. ad Jovem, 50. Il n’y avait dans l'île aucune bête sauvage, jElien, De nalur. animal., iii, 32 ; v, 2 ; Pline, H. N., viii, 227 ; d’après la légende, les Cretois étaient redevables de ce bienfait à Hercule. Diodore de Sicile, iv, 17. Les principales villes de la Crète étaient, en partant de l’est : sur la côte nord, Itanus, Lasæa, Cnosse, qui s’appela d’abord Karatos, Aptara ou Aptera, Cydonia et Polyrrhenia ; dans l’intérieur des terres, Lyctus, Gortyne et Lappa ; sur la côte sud, Hierapytna. Trois villes moins importantes, Lasæa ou Thalassa, Bonsports et Phœnice, sont citées dans les Actes. Voir Bonsports et Phœnice. II. Histoire de la. Crète. — I. origines de la population de la crête. — La population primitive de la Crète appartenait au groupe des Pélasges ; mais de très bonne heure des émigrants chananéens, venus de Syrie et d’Egypte, s'établirent dans le pays. Les villes d’Itanos et de Carat ou Cairatos, qui devint plus tard Cnosse, furent leurs principales forteresses. Le culte d’Astarté et de Moloch se répandit dans l'île à côté de celui du Zeus pélasgique. L’ancienne population, qui se donna le nom d'Étéocrètes ou vieux Cretois, se réfugia autour de l’Ida. D autres émigrants venus de Fhrygie renforcèrent plus

lard la race grecque. Cette agglomération fit que les villes se multiplièrent ; Homère, Iliad., ii, 649 ; Odyss., xix, 174, en porte le nombre à quatre-vingt-dix ou à cent. Le premier empire grec fut l’empire maritime des Cretois, auquel se rattache le nom légendaire de Minos. C’est â lui que les traditions rapportent l’honneur d’avoir supprimé la piraterie dans la mer Egée et d’avoir donné des lois sages à ses sujets. D’après Max Duncker, Geschichte des Alterthums, 2e édit., t. i, p. 302, Minos ne serait autre chose que la personnification de la domination phénicienne ; E. Curtius, Histoire grecque, trad. BouchéLeclercq, in-8°, Paris, 1880, t. i, p. 83, y voit, au contraire, le représentant d’une influence purement hellénique. Il paraît cependant que dans l’histoire de ce roi sont entrés beaucoup d'éléments phéniciens. G. F. Schcemann, Antiquités grecques, trad. C. Galuski, in-8°, Paris, 1881, t. i, p. 341. Les traditions grecques font venir tous les dieux de Crète. Le culte de Zeus pélasgique prit dans cette île sa forme définitive ; Dionysos, Déméter, Artémis, les Charités, Apollon, y apparaissent avant de venir

et formaient "un collège dont le chef ou protocosme donnait son nom à l’année ; ils étaient choisis dans quelques familles nobles. Dans leurs attributions étaient le commandement des armées, la présidence des assemblées et. des tribunaux, en un mot le pouvoir exécutif. Aristote, Politic, 11, vii, 3. On trouve encore dans les textes et dans les inscriptions la mention de quelques magistrats d’ordre secondaire, et en particulier des pédonomes, chargés de l'éducation de la jeunesse. Strabon, X, IV, 20. — Les cosmes, dans les questions graves, devaient prendre l’avis d’un conseil ou gerousia. Ce conseil était compose d’anciens cosmes. Aristote, Politic, II, iv, 5 ; Strabon, X, iv, 22. Les membres de la gerousia étaient nommés à vie et statuaient, non d’après les lois écrites, mais d’après leur conscience. Aristote, Politic, II, iv, 6. Leur président s’appelait irpetyiaTo ; . Corpus inscript, grsec, 2561, 2562, 1. 23.

L’assemblée du peuple n’avait qu’un rôle très secondaire. Aristote, Politic, II, vii, 4 et 6. Cependant ce rôle s’accrut par la suite des temps. Polybe, VI, xlvi, 4 et 5..

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404. — Carte de l’Ile de Crète.

dans l’Hellade. C’est enfin en Crète que la légende de Dédale place le berceau des arts. C’est donc en ce pays que le génie grec a pris conscience de lui-même et s’est approprié pour les transformer les inventions des Sémites. E. Curtius, Histoire grecque, t. i, p. 84.

II. CONSTITUTION ET ORGANISATION DE LA CRÈTE. —

L’invasion dorienne descendit jusqu’en Crète, et la constitution Cretoise servit de modèle à celle de Sparte. D’après Éphore, cité par Strabon, X, iv, 17 ; cf. Plutarque, Lycurgue, 4, Lycurgue avait séjourné en Crète et avait adopté en le perfectionnant le système législatif de ce pays. Il est possible cependant que les ressemblances qui existent entre les deux constitutions ne soient dues qu'à la communauté d’origine des Lacédémoniens et des Cretois.

La population Cretoise paraît avoir été composée de cinq classes : 1° les citoyens, divisés en tribus et en phratries, et parmi lesquels existait une sorte de noblesse, celle des chevaliers, Éphore, cité par Strabon, X, iv, 18 ; 2° les sujets, dont la situation était analogue à celle des périèques à Sparte ; 3° les mnoïtes, serfs attachés au domaine de l'État ; 4° les aphamotes ou clérotes, serfs attachés aux domaines des particuliers ; enfin 5° les chrysonètes, qui étaient des esclaves proprement dits. Sosicrate, cité par Athénée, vi, 84. Chacune des cités entre lesquelles était partagée l’Ile avait sa constitution propre, mais toutes étaient conçues d’après le même type. Polybe, VI, xlvi, 10. La royauté fut abolie de bonne heure et remplacée par le régime aristocratique. Aristote, Politic, II, vu, 3. Les premiers magistrats portaient le nom de cosmes,

Pour faire cesser les querelles entre les cités, les Cretois formèrent des confédérations et établirent même une sorte de droit commun à l'île entière. Corpus inscript., grsec, 2256 ; Polybe, XXIII, xv, 4.

Un certain nombre d’institutions Spartiates se retrouvent, en Crète avec de légères différences. On y rencontre en particulier les repas communs, que les Cretois appelaient ivSpeîa (Aristote, Politic, II, vii, 4 et 5 ; Athénée, iv, 22 ; v, 2), et des associations de jeunes ou à^étai. Éphore, cité par Strabon, X, iv, 20. On a retrouvé dans ces dernières années le texte de plusieurs lois Cretoises relatives, au droit civil, parmi lesquelles la plus importante est la loi de Gortyne. R. Dareste, B. Haussoullier et Th. Reinach, Recueil des inscriptions juridiques grecques, in-8°, Paris, 1894, p. 352-494.

/II. LA CRÈTE SOUS LES MACÉDONIENS ET LES ROMAINS.

— La Crète ne se mêla ni aux guerres médiques ni à la guerre du Péloponèse. Elle resta indépendante sous. Alexandre et ses successeurs. Philippe IV de Macédoine appelé comme médiateur entre les cités y devint toutpuissant. Polybe, Vil, xii, 9. À la suite d’une guerre qui éclata entre les Cretois et les Rhodiens, les Romains intervinrent en faveur de ces derniers. Polybe, XXXIII, ix ; xiv, 3. Puis, en 68 avant J.-C, à l’occasion de la guerre contre les pirates, Q. Cæcilius Metellus s’empara de l'île et en fit une province romaine. Cette conquête lui valut le surnom de Creticus. L’organisation fut achevée en 66. Velleius Paterculus, ii, 34 ; Dion Cassius, xxxvi, 2. Justin, xxxix, 5 ; Tite-Live, Epitome C. En 27, la Crète fut réunie par Auguste à la Cyrénaïque et forma avec elle CRÈTE — CREUSET

1116

une province sénatoriale. Le gouverneur avait Je titre de proconsul et avait sous ses ordres un légat et un questeur. Tacite, Annal., iii, 38 ; Dion Cassius, lvii, 14 ; Corpus inscr. latin., t. x, 1254, 6659 ; t. xiv, 2925 ; Corpus inscr. gr., '2588, 2591, etc. L’ancienne assemblée fédérale ou xoivôv des Cretois fut transformée en réunion destinée à célébrer le culte impérial, sous la présidence d’un crétarque. La capitale fut Cnosse, où Auguste établit, en 36 avant J.]- G., une colonie romaine composée de Campaniens, qui porta le nom de Colonia Julia Nfobilis (?)] Cnossus. Dion Cassius, xlix, 14 ; Zeitschrift fur Numisrnatik, t. vi (1879), p. 12. Gortyne reçut aussi le titre de métropole. R, Cagnat, Année épigraphique 1890, in-8°, Paris, 1891, n° 138.

IV. RAPPORTS DES JUIFS À VEC LES CRETOIS. — La Crète

est mentionnée dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.

1° Ancien Testament. — 1. Démétrius Nicator revint de Crète dans la terre de ses pères. I Mach., x, 67. En effet, ce prince, pour reconquérir son royaume sur Alexandre Balas, voir Alexandre Balas, avait recruté un corps de mercenaires crétois, avec lesquels il débarqua en Cilicie, en 148 ou 147 avant J.-C. Justin, XXXV, ii, 2 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv (vu), 3. Il conserva ce corps même après avoir dissous ses autres troupes mercenaires. — 2. La lettre du consul Lucius en faveur des Juifs fut envoyée à Gortyne, ville importante de l'île de Crète.

I Mach., xv, 23. Il y avait, en effet, beaucoup de Juifs dans l'île à cette époque, et ce passage montre que leur principale résidence devait être à Gortyne. Voir Gortyne. Josèphe, Ant. jud., XVII, xii, 1 ; Bell, jud., Il, vii, 1, nous dit que le Pseudovlexandre, qu’on supposait fils d’Hérode, trompa les Juifs de Crète en se rendant en Italie. Hérode Agrippa dans sa lettre à Caligula affirme à cet empereur que toutes les îles de la Méditerranée et en particulier la Crète étaient remplies de Juifs. Thilon, Légat, ad Caium, 36. Voir Céréthiens, col. 443.

3° La Crète dans le Nouveau Testament. — 1. Parmi les Juifs présents à Jérusalem le jour de la Pentecôte, lesvctes, II, 11, nomment des habitants de l'île de Crête.

II y a tout lieu de croire que quelques-uns d’entre eux furent au nombre de ceux que saint Pierre baptisa, et qu’ils prêchèrent l'Évangile dans leur pays. Mais, selon la remarque de M. l’abbé Lesêtre, Introduction à l'étude de l'Écriture Sainte, in-12, Paris, 1890, t. iii, p. 466, comme saint Paul avait pour principe de ne rien entreprendre sur le terrain des autres Apôtres, il y a tout lieu de croire que de Corinthe ou d'Éphèse il envoya quelquesuns de ses propres disciples pour évangéliser l'île, ce qui ensuite lui donna tout droit d’y organiser les Églises et d’y établir un évêque. Ainsi que nous le dirons plus bas, le voyage de saint Paul et l'épiscopat de Titè en Crète sont, selon toutes les vraisemblances, postérieures à la première captivité de l’Apôtre. — 2. Dans le voyage que saint Paul fit de Césarée à Rome, pour aller comparaître devant l’empereur, le navire longea la côte sud de l'île de Crète, après avoir passé à la hauteur du cap Salmoné (voir Salmoné), il atteignit Bonsports, près d’Alassa ou Lassea. Voir JDonsports, t. i, col. 1847-1848, et Thalassa. Saint Paul était d’avis de ne pas quitter ce lieu ; mais le centurion ajouta plus de confiance aux avis des officiers du bord, et l’on se remit en mer pour atteindre le port de Phœnicé. Voir PridïNiCÉ. Pendant quelque temps on réussit à se maintenir près de la côte, mais bientôt la tempête emporta le navire vers le sud, jusqu'à Cauda, voir Cauda, col. 350. Act., xxvii, 7-16 et 21. — 3. C’est très probablement après sa délivrance, quand il revint en Asie Mineure, en compagnie de Timolhée et de Tite, que saint Paul s’arrêta en Crète, sans qu’on puisse dire exactement si c’est avant ou après être passé par Éphèse. Il est impos- ] sible, en effet, de placer à un autre moment ce voyage. ! Ce ne peut être pendant la seconde mission de l’Apôtre, car lÉpître à Tite, iii, 13, suppose qu’Apollo est auprès

de celui-ci ; or pendant le séjour de saint Paul à Éphèse, dans la seconde mission, Apollo était dans cette ville. Act., xviii, 24-28. On ne peut répondre à cette difficulté en supposant l'Épître très postérieure au voyage, car saint Paul parle à son disciple comme à un évêque novice dans sa charge. Pendant la troisième mission, saint Paul ne quitta pas Éphèse, au moins pour un temps notable. Act., xix, 9 ; xx, 31. Il ne put donc aller en Crète à ce moment. Enfin pendant son séjour à Bonsports il n’est question d’aucune évangélisation faite par lui. — Saint Paul établit son disciple Tite évêque de l'île de Crète. Tit., i, 5. L'Épître qu’il lui écrivit peu de temps après son installation montre que l’Eglise de Crète avait à souffrir de la part des chrétiens judaïsants. Tit., 1, 10, 11, 14. Cf. Lesêtre, Introduction, t.'iii, p. 465-468.

III. Bibliographie. — J. Meursius, Creta, Rhodus, in-8°, Amsterdam, 1675 ; T. A. B. Spratt, Travels and researches in Crète, 2 in-8°, Londres, 1867 ; H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. Em. Ernault, in-8°, Paris, 1887, p. 144-145 ; Ivvan Mûller, Handbuch der classichen Altertums Wissenschaft, t. iii, Géographie, in-8°, Nôrdlingue, 1889, p. 212-219 ; G. F. Schœmann, Antiquités grecques, trad. G. Galuski, in-8o, Paris, 1884, t. i, p. 340-357 ; J. N. Svoronos, Numismatique de la Crète ancienne, accompagnée de l’histoire, la géographie et la mythologie de l'île, i™ part., in-4o, Mâcon, 1890 ; J. Marquardt, Organisation de l’empire romain, trad. P.-L. Lucas et A. Weiss, in-8°, Paris, 1892, t. ii, p. 431-437. E. Beurlier. '

    1. CRETOIS##

CRETOIS (Kpifc, pluriel KpriTec ; Vulgate : Crêtes, Cretenses). — 1° Les Septante traduisent le mot hébreu Kerêfim parle mot Kpï|Te ; , Ezech., xxv, 16 ; Sophon., H, 5, et par le mot Kp^n*], Sophon., ii, 6. Voir Céré THÉENS, Col. 443.

2° Les Crétois, habitants de l'île de Crète, sont mentionnés parmi les Juifs qui étaient à Jérusalem au jour de la Pentecôte et qui entendirent le premier discours de saint Pierre. Act., ii, 11. Voir Crète. — Saint Paul, dans son Épltre à Tite, i, 12, fait allusion à la mauvaise réputation des Crétois, et cite le mot d’un de leurs poètes, qui les appelle : « toujours menteurs, méchantes bêtes, ventres paresseux. » Ces paroles se rencontrent dans le poète alexandrin Callimaque, Hymnus adJovem, 8 ; mais d’après saint Jérôme, Ad Galatas, iii, 1, t. xxvi, col. 347, elles avaient d’abord été dites par Épiménide, philosophe originaire de Crète, qui vivait au VIe siècle avant J.-C. — Les Cretois étaient des soldats très braves. Ils servaient souvent en qualité de mercenaires dans les armées grecques et barbares, Strabon, X, IV, 10 ; Thucydide, vu, 57 ; Xénophon, Anab., III, iii, 6 ; Polybe, IV, lui, 3 ; liv, 6 ; xlv, 1, 3, etc. ; Justin, xxxv, 2 ; leurs archers étaient particulièrement renommés. Tite-Live, xxxvii, 41 ; xxxviii, 21 ; xlii, 35 ; xliii, 9 ; Plutarque, C. Gracchus, 16 ; Appien, Bell, civil., II, xlix, 71. La licence des Cretois, leur avarice, leur fausseté et leur passion pour le brigandage, sont souvent relevées par les auteurs anciens. Éphore, cité par Strabon, X, iv, 9 et 10 ; Aristote, Politic, il, 10 ; Polybe, IV, viii, 11 ; lui, 5 ; VI, xlvi, 2-10 ; VIII, xviii, 4 et 5 ; Josèphe, Contr. Apion., ii, 16 ; Athénée, xm, 76, 78 ; xiv, 2. Les Crétois formaient avec les Cappadocierts et les Ciliciens le groupe auquel s’appliquait le proverbe Tpîa ximra xâxi<TTa, Suidas, au mot y.âmza. Voir Cappadoce et Cilicie. E. Beurlier.

    1. CREUSET##

CREUSET (hébreu : masrêf, de sâraf, « liquéfier ; » et peut-être aussi 'âlil, Ps. xii [xi], 7 (Vulgate : probatum) ; Septante : xi^ivo ; , 80x([ « ov ; Vulgate : ignis, conflatorium), vase de terre réfractaire dans lequel s’opère la coupellation des métaux précieux. Pour cette opération, on met dans le creuset des os calcinés, qui ont la propriété de laisser passer les métaux en fusion, d’absorber les oxydes et de retenir à la surface toutes les scories,

Les Égyptiens connaissaient la coupellation (fig. 405), et c’est d’eux que les Hébreux l’avaient apprise. Malachie, m, 2, 3, nous montre l’ouvrier assis devant son creuset, soufflant le feu et liquéfiant le métal pour le purifier. Isaïe, i, 25, parle d’une substance, le bôr, dont on additionnait le métal à purifier, et qui faisait l’office de fondant. Le bôr ne diffère sans doute pas du borilh. Voir Borith. Pour faciliter la fusion des métaux, on y mêlait, et on y mêle encore, des substances alcalines, telles que la potasse, qui se trouve dans les cendres des végétaux. Ces cendres, soumises à des lavages, laissent dissoudre un sel qui s’obtient ensuite par évaporation. C’est ce sel de potasse ou un autre analogue qu’lsaïe désigne sous le nom de bôr. — Quand l’argent était liquéfié à l’aide du bôr, il se dégageait de sa scorie d'étain. Il fallait un feu très ardent pour affiner l’argent. Aussi le Seigneur parlant du châtiment qu’il doit infliger aux Juifs ditil qu’il ne

xm, 15 ; par les Assyriens qui assiègent Béthulie, Judith, xvi, 13, et par les assiégés victorieux, Judith, xiv, 7 ; xv, 3 ; enfin par les Syriens qui assiègent Datheman. I Mach., v, 31. Le cheval frémit en entendant le cri de guerre. Job, xxxix, 25. — Les prophètes entendent les cris de guerre qui retentissent contre Amraon, Am., i, 14 ; Jer., xlix, 2 ; contre Jérusalem, Ezech., xxi, 27 (22) ; contre Babylone, Jer., L, 15 ; contre le peuple de Dieu devenu infidèle, Jer., IV, 19 ; xx, 16, et contre tous les

ennemis du Seigneur. Is., xlii, 13.
H. Lesêtre.
    1. CRIBLE##

CRIBLE (hébreu : nâfâh et kebârâh ; Septante : ltxy.6 : « van ; » Vulgate : cribrum), sorte de tamis pour séparer le grain de la paille et des matières étrangères. Il complète le travail du van. Les cribles des Égyptiens étaient fabriqués soit avec des cordes, soit avec des feuilles de papyrus dans lesquelles on ménageait un grand nombre

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405. — Égyptiens faisant fondre du métal dans un creuset. El-Gournah. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, pi. clxiii.

les purifiera pas comme l’argent, mais « dans le creuset du malheur », Is., xlviii, 10, c’est-à-dire sans doute par un procédé qui fait moins souffrir, mais qui aussi procure un résultat moins parfait. Pour obtenir un argent plus pur, on le faisait passer plusieurs fois par le creuset. Ps. xii (xi), 7. — Les auteurs sacrés se servent fréquemment de la comparaison du creuset pour exprimer l’idée de purification. Dieu éprouve l’homme comme on éprouve l’or et l’argent au creuset. Job, xxiii, 10 ; Ps. xvii (xvi), 3 ; xxvi (xxv), 2 ; lxvi (lxv), 10 ; lxviii (lxvii), 31 ; Prov., xvii, 3 ; Sap., iii, 6 ; Dan., xi, 35 ; Zach., xiii, 9. Le creuset qui sert à éprouver est ordinairement la tentation, la souffrance ou la persécution. I Petr., i, 7. D’autres fois, c’est l’humiliation, Eccli., ii, 5, ou même la louange. Prov., xxvii, 21. Ce qui a passé par le creuset est pur. Telle est la parole de Dieu, Ps. xviii (xvii),

31 ; cxix (cxviii), 140 ; Prov., xxx, 5 ; et la vraie charité. Apoc, iii, 18.
H. Lesêtre.

CRI [DE GUERRE] (hébreu : terû'âh, le cri, hêry’a, pousser le cri de guerre, de rû'a, « crier ; » Septante : àXaXaynôç et àXaXaÇeev ; por, aai, àvaëoîj(jai ; ûo’puëo ;  ; xpau-pij Vulgate : clamor, fremilus, ululatus, vociferatio, vociferari), cri poussé par des soldats qui se précipitent sur leurs ennemis. L’usage de pousser de pareils cris est naturel ; on le retrouve chez tous les peuples. — Quand Moïse descend du Sinaï, Josué croit entendre dans le camp des Hébreux la voix du combat (qôl milhâmâh, çovti tcoXéijlo’j) ; Moïse répond qu’il n’y a là ni voix de victoire ni voix de défaite, mais des chants alternatifs. Exod., xxxii, 17-18. — C’est aux cris de guerre poussés par les Hébreux que tombent les murs de Jéricho. Jos., V], 5, 16, 20. Des cris de guerre sont poussés par les Israélites contre les Philistins, I Reg., xvii, 20, par les soldats d’Abia contre ceux de Jéroboam, II Par.,

de petites ouvertures, ou bien tressés avec des poils de chameau. Wilkinson, Popular account of the ancien t Egyptians, t. ii, 1854, p. 95. Isaïe, xxx, 28, compare l’esprit du Seigneur à « l’agitation qui se fait avec le crible ».

— Crible égyptien. Musée du Louvre.

Dans ce passage, autrement rendu par les versions ( Vulgate : torrens inundans), le sens de « crible » est attribué au mot nâfâh, de nûf ', « agiter en tous sens, » par le Targum ; Rosenmùller, Isaiæ Vaticinia, Leipzig, 1793, t. ii, p. 677 ; Gesenius, Thésaurus, p. 866, etc. Ce sens convient d’ailleurs très bien au contexte. Le prophète parle du jugement de Dieu, et le représente d’abord a

comme un torrent qui inonde tout, puis comme le mouvement imprimé à un crible pour passer le grain. — Amos, ix, 9, appelle le crible kebârâh, « ouvrage à claire-voie » (Septante : Xixiioç, « van ; » Vulgate : cribrum). Le blé y est secoué, et le bon grain reste dans le crible. Les criblures du blé sont vendues. Amos, viii, 6. Ainsi sera secouée la maison d’Israël, de manière que les bons seuls soient sauvés. — Enfin Notre - Seigneur dit métaphoriquement à Pierre que Satan a demandé à passer au crible (avn&aai, cribrare) les Apôtres comme on passe le blé, c’est-à-dire de les soumettre à toutes sortes d’agitations et de persécutions. Luc, x.vn, 31. Mais il lui annonce qu’il a prié pour que sa foi ne défaille pas, pour qu’il reconnaisse par conséquent que ce mouvement n’est qu’une épreuve permise par le souverain Maître.

    1. CRIMES##

CRIMES (CHATIMENT DES). Voir Supplices.

CRIQUET. Voir Sauterelle.

    1. CRISPUS##

CRISPUS (Kpianoç), Juif de Corinthe, qui fut converti et baptisé par saint Paul, faveur qu’il partagea avec Caius et Stéphanas, les seuls que l’Apôtre eût baptisés de sa main. î Cor., 1, 14-15. Crispus portait un nom latin, ce qui n'était pas inouï parmi les Juifs de cette époque. 11 était chef de la synagogue de Corinthe, âp-/t<ruvâYa)yoç, Act., xviii, 8, et, à cause de cette fonction, sa conversion au christianisme dut avoir une importance particulière. D’après la tradition, il devint évêque de l’Ile d'Égine, près d’Athènes. Const. Apost., vii, 46, Patr. gr., 1. 1, col. 1056. L'Église grecque et l'Église latine placent sa fête au 4 octobre. Voir Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Saint Paul, art. 25, in-4o, 1. 1, 1701, p. 242.

    1. CRISTAL##

CRISTAL, minéral transparent, d’aspect semblable à celui de la glace. Les deux mots qui en hébreu désignent le cristal, gâbîS (yaëïç, eminentia), Job, xxviii, 18, et qéral.i (xpiiaraXXo ; , crystallus), Ezech., 1, 22, ont tout d’abord le sens de « glace ». Il en est exactement de même, du reste, du mot grec xpùtrraXXo ; . Cf. Pline, H. N., XXXVII, ii, 9. — Job met le cristal sur le même rang que l’or, l’onyx, le saphir, le verre, le corail, la topaze, etc. Le cristal dont il parle est donc un minéral d’un certain prix à cette époque, probablement le quartz ou cristal de roche, qui ressemble si bien à la glace, ou quelque variété de quartz transparente et propre à la taille. — Dans sa vision des chérubins, Ézéchiel voit audessus de ces animaux symboliques un firmament ayant l’aspect d’un « cristal éblouissant. » Le Targum traduit ici qérah par « glace », et les autres versions par « cristal ». Comme il s’agit d’une vision, et que le prophète n’exprime que ce qui apparaît à ses yeux, les deux sens sont plausibles. Il faut en dire autant des passages où saint Jean parle d’une mer semblable au cristal, xpùotxXXoi ; , Apoc, iv, 6, d’une lumière, xxi, 11, et d’un fleuve, xxil, 1, brillants comme le cristal. Dans deux autres textes où la Vulgate emploie le mot « cristal t>, Ps. cxlvii, 17, et Eccli., xliii, 22, il ne peut être question que de glace. — Quant au mot hébreu zekûkît, Job, xxviii, 17, que quelques-uns traduisent par cristal,

il signifie verre. Voir Verre.
H. Lesêtre.

CRITICI SACRI sive clarissimorum viroiitm in sacrosancta utriusque Fœderis Biblia doclissimse adnotationes atque tractatus theologico - philologici. Cet ouvrage célèbre est une œuvre protestante. Il fut publié pour servir de complément à la Polyglotte de Walton, par John et Richard Pearson, Anthony Scattergood et Francis Gouldman. Dans cet immense recueil, ils réunirent sur tous ou presque tous les livres de l’Ancien Testament toutes les notes de Munster, de Vatable, de Castalion, de Clarius, de Drusius et de Grotius, avec celles de beaucoup d’autres sur différents livres et de

nombreuses dissertations sur des matières philologiques, , archéologiques, etc., par divers savants. Le Nouveau Testament contient les notes d'Érasme, de Vatable, deCastalion, de Clarius, de Zeger, de Grotius, etc. Au milieu de bonnes choses, il y a aussi dans cette collection du fatras, des répétitions et des contradictions et beaucoup de longueurs. — La première édition parut à Londres, en 1660, en 9 volumes in-f ». Une seconde fut donnée à Francfort, en 1695, par Gurtler, en 7 in-f ».. On en fit paraître une troisième à Amsterdam, en 9 in-f », en 1698. Deux volumes de supplément, Thésaurus theologico - philologicus, furent publiés en 1700 et 1701, etdeux autres in-folio de supplément, de peu de valeur, furent imprimés à Amsterdam, sous le titre de Thésaurus novus disserlationum ad selectiora Veteris et Novi Testamenti loca, en 1732. L'étendue démesurée de ce recueil en a toujours rendu l’usage difficile. Pour obvier à cet inconvénient, Matthew Poole en fit un abrégé, Synopsis Crilicorum aliorumque Sacrée Scripturx interpretum ; cette synopsis elle-même a cinq volumes in-f°, qui parurent à Londres, de 1669 à 1676. Ils ont été réimprimés sous la direction de Leusden, à Utrecht, en 1684, 5 in-4° (petits caractères), 1694 ; 5 in-f », Francfort, 1678, 1712 : (incorrect).

CRITIQUE SACRÉE. Voir Testament (Ancien et Nouveau).

    1. CROATES##

CROATES (VERSIONS) DE LA SAINTE ECRITURE. Les Croates, nommés par les Grecs Xopêâvoi ou XpoëaToi, par les Latins, Croatie, Chrobatse, Cruvati, arrivèrent vers le VIIe siècle dans les contrées maritimes de la Dalmatie, de l’Illyrie, et au nord ils s'établirent auprès de la rivière de Save. Le christianisme leur fut prêché par des prêtres latins ; au Xe siècle, des disciples des saints Cyrille et Méthode vinrent au milieu d’eux ; ils les confirmèrent dans la foi et introduisirent dans le service divin la langue palæo-slave, laquelle s’emploie encore chez les Croates établis auprès de la mer Adriatique et dans, les îles de Quarnero. — Pour les anciennes traductions, slaves, voir Slaves (versions) des Saintes Écritures. La langue croate appartient aux langues slaves du sud ; elle avait plusieurs dialectes. — La Sainte Écriture fut traduite en langue croate pour la première fois par Etienne Konzul Istranin, né en 1521, mort en 1580, et par Antoine Dalmatin ( voir Dalmatin). L’un et l’autre devinrent protestants très ardents et voulurent propager le luthéranisme parmi les Croates au moyen de la version de la Bible. Les exemplaires de leur version ont été complètement détruits. — Depuis le xvie siècle, les Croates eurent à défendre sans cesse leur patrie contre leurs ennemis, et cet état de guerre anéantit chez eux la vie littéraire, excepté dans quelques parties de la Dalmatie. — Au commencement du xixe siècle, Pierre Katancic, de l’ordre de Saint -François (1750-1827), traduisit la Sainte Écriture du latin de la Vulgate en dialecte bosnien ; sa version, fut publiée en 1831, à Buda-Pesth, avec l’approbation du primat hongrois. — En 1857-1861, Jean Skaric, professeur à Jadr, publia une nouvelle traduction et un commentaire étendu de la Sainte Écriture en dialecte dalmatin, à Vienne. — La traduction la plus répandue est celle du D r George Danicic (Ancien Testament) et celle de Vuk Karadzic (Nouveau Testament) ; elle est en pur croate, et a été publiée par la Société biblique, à Vienne, en 1868 (sans les livres deutérocanoniques). — Actuellement l’archevêque de Serajevo, le D r Joseph Stadler, travaille à un commentaire du Nouveau Testament ; il a publié en 1893 l'Évangile de saint Matthieu, et en 1894 l'Évangile de saint Marc. J. Sedlacek.

CROCODILE. Cet animal n’a pas de nom qui lui soit propre en hébreu. On le désignait en cette langue par trois mots de sens plus général : rahab, littéralement « orgueil » ou « impétuosité », Is., Ll, 9, terme qui servit aussi à nommer poétiquement l’Egypte ; voir Bahab ; tannin, Ezech., xxrx, 3 ; xxxii, 2 ; de tânan, « étendre », le monstre qui s’allonge, serpent, cétacé ou crocodile ; livyâ(ân, « l’animal qui se contourne et se replie, » ordinairement le serpent, et dans Job, XL, 20-28 (hébreu, 25-31), le crocodile. Septante : xîjtoç, Spâxuv ; Vulgate : draco, leviathan.

I. Histoire naturelle du crocodile. — C’est un animal amphibie, appartenant à la classe des reptiles. Il a Je corps allongé, comme les lézards (fig. 406). Sa taille devient énorme, et le crocodile ne le cède sur ce point, parmi les animaux terrestres, qu'à l'éléphant, à l’hippopotame et à quelques serpents de longueur démesurée. La tête est déprimée et s’allonge en museau raboteux et inégal, au-devant duquel se trouvent les narines garnies de soupapes mobiles. La gueule, fendue jusqu’au delà des oreilles, renferme une double rangée de dents plantées dans des alvéoles et remplacées rapidement par d’autres, à mesure qu’elles dépérissent. Comme

atteindre une longueur de dix mètres. La nourriture du crocodile est exclusivement animale, et consiste surtout en poissons, qu’il poursuit avec une grande rapidité. Il s’empare aussi de mammifères, d’oiseaux aquatiques, et même d’hommes, quand ceux-ci s’aventurent dans ses eaux ou se laissent atteindre à terre. Il est d’une voracité extrême. L’estomac d’un de ces animaux, tué dans l’Afrique centrale, « contenait environ cinq livres pesant de cailloux. En se repaissant de quelque chair déposée sur le banc de sable, il avait avalé en même temps tout le gravier qui y adhérait. Mêlée aux cailloux, se trouvait une matière verdâtre et visqueuse, d’apparence laineuse, et renfermant les preuves convaincantes que le monstre s'était rendu coupable de meurtre volontaire : c'était un collier et deux bracelets semblables à ceux que portent les jeunes négresses… Un animal de petite taille entraîne aisément un homme à la nage. Le crocodile n’avale pas sa proie tout d’un coup ; il la porte dans un garde-manger de prédilection, c’est-à-dire généralement dans un trou très profond. Là il est tout à l’aise pour la démembrer à

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406. — Le crocodile.

l’animal est dépourvu de lèvres, ces dents formidables apparaissent au dehors et contribuent à donner au crocodile un aspect terrible. Elles sont pointues et courbées en arrière ; celles de la mâchoire supérieure couvrent les autres quand la gueule est fermée. La mâchoire inférieure est seule mobile. Les anciens croyaient par erreur que la mâchoire supérieure peut également se mouvoir. Pline, H. N., viii, 89. Il n’en est rien. Cette dernière fait corps avec la tête et en suit tous les mouvements. Les yeux sont rapprochés, placés obliquement, étincelants, munis d’une membrane clignotante et surmontés d’une proéminence formée par la peau. Le crocodile a quatre pattes assez courtes. Les pieds antérieurs ont cinq doigts et sont armés de griffes ; ceux de derrière n’en ont que quatre, mais sont palmés pour la facilité de la natation. Le corps est recouvert d’une véritable cuirasse, formée de plaques osseuses revêtues elles - mêmes d’un épiderme écailleux et résistant. Cette cuirasse est en plusieurs points à l'épreuve même des balles. À la partie inférieure du ventre, comme aussi de la tête et de la queue, le monstre est plus vulnérable. La queue, aussi grosse que le corps à son origine, est aplatie comme un aviron et sert à gouverner l’animal et à accélérer sa vitesse quand il nage. Le dos du crocodile porte une arête saillante, et la queue est armée de crêtes dentelées en scie. La couleur de l’animal varie avec l'âge et le milieu ; ordinairement elle va du vert olivâtre au jaune. De là le nom grec de xpoxôSîiio ; , probablement pour xpoxôSeipoç, « à peau jaune. » Ce reptile est ovipare. Les œufs, gros â peu près comme ceux d’un dindon, sont déposés par la femelle dans le sable au bord de la rivière, au nombre de trois ou plus. La chaleur du soleil suffit à les couver et à les faire éclore. Au sortir de l'œuf, le petit n’a guère plus de quinze centimètres. II croit d’abord assez rapidement, puis avec plus de lenteur, et finit parfois par

l’aide de ses dents et de ses ongles et la dévorer à loisir. » Ismaïlia, récits d’une expédition armée dans l’Afrique centrale, extraits et traduits par H. Vattemare, dans le Tour du monde, t. xxix, p. 58. La relation du pèlerinage d’Aruulphe aux Lieux Saints par Adamnan, abbé d’Iona (705), lib. iii, 29, t. lxxxviii, col. 808, raconte que quand les crocodiles du Nil pouvaient apercevoir un cheval, un âne ou un bœuf paissant sur le rivage, ils s'élançaient subitement de l’eau, saisissaient le quadrupède par une patte et l’entraînaient sous l’eau pour le dévorer ensuite. Les crocodiles qui fréquentent les grands fleuves de l’Afrique centrale procèdent de même. P. du Chaillou, Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale, Paris, 1863, p. 262-264, Ces reptiles ont heureusement une disposition des vertèbres qui ne leur permet les mouvements latéraux qu’avec grande difficulté. L’homme peut donc échapper à leur poursuite en décrivant dans Sa fuite des lignes courbes ou brisées. « Pendant la chaleur du jour, ces animaux se retirent sous les roseaux et se reposent. Le matin et le soir, ils vont à la recherche de leur proie. Ils nagent en silence, ridant à peine l’onde qu’ils fendent rapidement et à la manière des chiens. Ils peuvent aussi rester à la surface de l’eau sans bouger, promenant autour d’eux leurs yeux hébétés et louches. Ils dorment sous les roseaux, mais pas longtemps à la même place. » Du Chaillou, Voyages, p. 263. Quand les eaux sont à sec, pendant la saison chaude, les crocodiles s’enfouissent dans la boue et y demeurent cachés sous la croûte desséchée et engourdis jusqu’au retour de la pluie. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, J889, p. 261. On croit généralement que ces animaux jouissent d’une longévité considérable. — On distingue trois espèces de crocodiles : le crocodilus vulgaris ou crocodile proprement dit ; le gavial, qui habite l’Asie méridionale et spécialement les bords du Gange, et enfin l’alligator ou caïman,

II. — 36

qui n’existe que dans les fleuves et les marais de l’Amérique, surtout au Mexique. Tous ces animaux vivent dans les eaux douces des contrées les plus chaudes. Le crocodile vulgaire des grands fleuves africains est le plus grand et le plus vorace. On le chasse de différentes manières. Les nègres se servent pour cela d’un fusil ou d’une javeline dentelée et visent à l’attache des pattes de devant. D’autres l’attaquent de près à coups de lance dans les yeux ou dans le gosier. Certains Égyptiens ont l’audace de nager jusque sous lui et de lui percer le ventre d’un coup de poignard. Le plus souvent, on ménage sur son sentier habituel des fosses couvertes de branchages dans lesquelles il tombe quand on le poursuit, ou bien on le prend à l’aide d’un gros crochet attaché à une corde solide et dissimulé par un agneau servant d’appât.

II. Les crocodiles en Egypte et en Palestine. — 1° En Egypte. — Les crocodiles, originaires de l’Afrique équatoriale, peuplaient autrefois tout le cours du Nil. Les Egyptiens appelaient habituellement ce reptile emsehu ou emséh, d’où sont venus l’arabe timsah, le copte emsah et le grec yâ-V-fyi, Hérodote, ii, 69. Ils lui donnaient aussi parfois le nom significatif de kap, qui veut dire « ravisseur ». Brugsch, Hieroglyphisch-demotisches Wbrterbuch, Leipzig, t. ii, p. 718 ; t. vil, p. 1275. Pline, H. N., vin, 148, dit que les chiens eux-mêmes ne buvaient au Nil qu’en courant, pour ne pas être saisis. Dans certains cantons égyptiens, les crocodiles étaient adorés et protégés ; dans d’autres on les exécrait et on les poursuivait. Jusqu'à l'époque romaine, les querelles héréditaires persistèrent entre les gens de Denderah, qui faisaient la chasse à cet animal, et ceux d’Ombi, ou Pampanis, au nord de Thèbes, qui lui rendaient un culte. Cf. Juvénal, Satir. xv ; Elien, Nat. animal., x, 24. Le crocodile, ainsi que l’hippopotame et le porc sauvage, avait pris parti pour le dieu malfaisant SltTyphon ; aussi le représentait-on percé par la lance de Har-Houdîti. Ed. Naville, Textes relatifs au mythe d’Horus, in-f°, Genève, 1870, pi. xv. Horus apparaissait debout sur deux crocodiles tournant complètement la tête, contrairement à leur conformation naturelle, pour montrer qu’il maîtrisait ces animaux et préservait de leur attaque. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 215 ; Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Pairis, 1815, p. 131. Dans l’Hymne au Nil, Papyrus Sallier, II, vii, Sovkou le crocodile, l’enfant de la déesse Nît, est dans l’allégresse quand le fleuve se remplit. Le pêcheur se réjouissait moins de la présence du terrible animal. Dans une sorte de complainte écrite sous la XIIe dynastie sur les misères des diverses professions, il est dit du pécheur : « Je te dis comme le preneur de poissons peine plus que tout métier, qui ne travaille pas sur le fleuve. Il est mêlé aux crocodiles. Lorsque les touffes de papyrus manquent, alors qu’il crie au secours, si on ne lui dit point : Le crocodile est là, la terreur l’aveugle. » Maspero, Du genre épistolaire chez les anciens Égyptiens, in-8°, 1872, p. 65. La terreur instinctive que leur inspirait cet animal porta les habitants du Fayoum à le vénérer comme le dieu suprême. Par la suite, on fit de Sovkou, le crocodile amphibie, le symbole du dieu souverain qui sort des eaux pour ordonner le monde. On en nourrissait de vivants près du temple du dieu Sobkou ou Sovkou, à Schodit. C’est au bord d’un lac voisin que l’on gorgeait ces animaux de nourriture et de friandises. On allait même jusqu'à leur pendre aux oreilles des anneaux d’or et à leur river des bracelets aux pattes de devant. Diodore de Sicile, i, 84 ; Hérodote, ii, 69 ; Maspero, Histoire ancienne, p. 104, 511, 512. Des hypogées étaient destinés à recevoir les momies de ces étranges divinités. Fi. Ménard, Vie privée des anciens, Paris, 1880, t. i, p. 101 ; A. Georges, Excursion aux grottes de Samoun ou des crocodiles, dans le Tour du monde, 1862, 1 er semestre, p. 160-173. Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux durent être parfois témoins du culte rendu à

ces reptiles. Plus tard, la présence de cet animal dans le Nil, et peut-être aussi la vénération dont ils le savaient l’objet, devinrent tellement caractéristiques à leurs yeux, qu’ils employèrent le même mot rahab pour désigner le crocodile et l’Egypte elle-même. Du reste, pour les anciens, cet animal symbolisait si naturellement l’Egypte, que, quand la ville de Nîmes reçut dans son sein une colonie de soldats égyptiens, probablement après la bataille d’Actium, elle fixa sur ses médailles le souvenir de cet événement en y représentant un crocodile attaché à un rameau de palmier (fig. 407). C. Jullian, Gallia, Paris, 1892, p. 74. — Les crocodiles, qui

407. — Monnaie de Kîmes. IMP. DITI P. Têtes adossées d’Auguste et d’Agrippa ; la première laurée, la seconde portant la couronne rostrale. — b). cor, . NEM. Crocodile attaché à un palmier orné d’une couronne et de-bandelettes.

infestaient autrefois tout le cours du Nil, n’apparaissaient plus que rarement dans le voisinage du Caire au commencement de ce siècle. Depuis lors ils ont été de plus en plus refoulés vers le sud, par la poursuite des chasseurs et l’agitation des bateaux à vapeur. Aujourd’hui ils sont nombreux en Nubie, mais ne dépassent pas la première cataracte, sauf quelques individus qu’entraîne le courant et qui ne tardent pas à être tués. Maspero, Histoire ancienne, p. 34. À peu près au milieu de son parcours, le canal maritime de Suez traverse le petit lac de Timsah ou du « crocodile ». Ce lac d’eau douce était alimenté autrefois par des canaux venant du Nil, et avait probablement reçu du fleuve sa colonie de crocodiles. Les anciens Hébreux connurent certainement ce lac, situé à la frontière orientale de la terre de Gessen.

2° En Palestine. — Les anciens parlent d’une ville de Palestine nommée Crocodilon, située sur le rivage méditerranéen, entre le Carmel et la Tour de Straton ou Césarée. Pline, H. N., V, xvii, 1 ; Strabon, XVI, ii, 27. À cinq kilomètres au nord de cette localité se jette dans la mer le Nahr ez-Zerka, la rivière des crocodiles des anciens. Reland, Palœstina illustrata, Utreeht, 1714, p. 270, 730, ne croyait pas à l’existence de crocodiles en cet endroitLa présence de ces animaux près de l’embouchure de la rivière est aujourd’hui incontestable (Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1887, p. 79-80 ; 1888, p. 166), et le nom de Crocodilon donné par les anciens à la localité prouve qu’il en était de même autrefois. Il existe là des marais d’eau douce appelés Moyet etTimsah, « eau du crocodile, » dont la superficie ne dépasse pas cinq ou six hectares. Des crocodiles y vivent, et les Arabes du voisinage les connaissent bien, mais attestent qu’il est fort difficile de les prendre. En 1887, des colons allemands de Caïpha ont réussi à tuer une femelle. Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. 239. Le D r Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 174, n’en a pas vu de vivant ; mais il a pu étudier à Caïpha un individu desséché, et cet examen lui a montré que « le crocodile de Syrie est d"une autre espèce que celui d’Egypte ». Enfin Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 155, en a vu un qui mesurait 3 ra 50 de longueur, dont m 50 pour la tête. Les crocodiles ont dû exister dans le Nahr ez-Zerka

à une époque très reculée, puisque Pline parle de Crocodilon comme d’une ville déjà ruinée de son temps. Les premiers couples ont-ils été apportés d’Egypte ? Une légende locale l’affirme. Liévin, Guide de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. iii, p. 228. Mais on ignore à quelle époque remonte cette légende. On n’en peut donc rien conclure, surtout après le résultat de l’examen fait par le D' Lortet.

III. Le crocodile dans les adtedrs sacrés. — L’auteur de Job parle du crocodile sous le nom de Léviathan et en donne une longue description poétique, Job, XL, 20xii, 25 (hébreu, XL, 25-xli, 26), en soixante-quatre vers. Elle occupe le dernier rang parmi les tableaux zoologiques que trace l’auteur du livre, et le crocodile apparaît à cette place comme la plus frappante des merveilles du monde animal. L'écrivain sacré commence par défier l’homme de s’emparer du crocodile, de le plier à sa volonté, d’en faire son jouet ou sa nourriture, XL, 20-25. Il dépeint la terreur qu’inspire son seul aspect :

Rien qu'à le voir tu seras terrassé, Personne n’a l’audace de le provoquer… S’il s'élance, les braves sont saisis d’effroi Et, dans leur terreur, sont hors d’eux-mêmes…

xl, 28 ; xli, 1, 16 (hébreu, xli, 1-2, 17).

Ces expressions rappellent celles qui ont été citées plus haut, à propos du pêcheur égyptien.

Le crocodile a une structure extraordinai rement puissante :

Je ne passerai pas sous silence ses membres,

La nature de sa force, l’harmonie de sa structure.

Qui lui enlèvera sa carapace supérieure ?

Qui pénétrera dans sa double rangée de dents ?

Qui forcera les portes de. sa face ?

Dans son cercle de dents quelle épouvante !

Son dos ressemble aux plaques d’un bouclier

Étroitement scellées les unes aux autres,

Et si intimement unies ensemble,

Que le moindre souffle n’y pourrait passer.

Elles adhèrent l’une à l’autre

Et se tiennent inséparablement…

Son cou est le siège de la force,

Mais la terreur court devant sa face.

Toutes les parties de son corps font un seul tout,

Toutes se tiennent et sont inébranlables.

Son cœur est solide comme le roc,

Dur comme une meule fixe. xli, 3-8, 13-15.

Le corps de l’animal ne présente, en effet, en dehors de ses courtes et vigoureuses pattes, aucune partie saillante par laquelle on puisse le saisir ; il forme vraiment un seul tout, protégé par une carapace impénétrable. L'écrivain sacré décrit ensuite les effets de lumière que produit le monstre quand il projette l’eau à la surface ou la fait bouillonner, par ses mouvements rapides, sous les rayons d’un soleil éclatant :

Son éternuement fait jaillir là" lumière,

Ses yeux sont comme les cils de l’aurore.

De son gosier s'élancent des flammes

Et jaillissent des étincelles de feu.

De ses narines sort la vapeur

Comme d’une chaudière chauffée à l'ébullition.

Son souffle allume des charbons,

Et la flamme se précipite de sa bouche…

H fait bouillonner l’eau comme une chaudière,

Et la fait ressembler au mortier du parfumeur.

Il laisse derrière lui une trace lumineuse,

On dirait que le gouffre a des cheveux blancs.

XLI, 9-12, 22-23.

Quand le crocodile projette l’eau au dehors par sa bouche ou par ses narines, la vapeur ou les gouttelettes forment comme des jets lumineux, sous l’action si vive du soleil d’Orient. Parfois même, quand le spectateur est convenablement placé, il peut voir la lumière se décomposer à

travers cette eau ainsi divisée, et les jets revêtir les couleurs de l’arc-en-ciel. L’animal paraît ainsi jeter du feu par la bouche. Quand il se meut rapidement dans l’eau, il la fait bouillonner. Tout y semble alors en ébullition, comme dans une chaudière, et en mélange confus, comme dans un mortier à parfums. Les métaphores dont se sert ici le poète sacré se retrouvent dans les écrivains classiques. Le souffle des animaux est comparé à la flamme par Pindare, Pythie, iv, 400 ; Virgile, JEneid., xii, 101 ; Ach. Tatius, iv, 2 ; la chevelure blanche est prêtée à la mer par Homère, Iliad., xv, 190 ; xx, 229 ; Odyss., v, 410 ; Sophocle, Antigon., 334 ; Aristophane, Aves, 350 ; Apollonius, Argonautic., i, 545, etc. L’auteur sacré assimile aussi les yeux du crocodile aux cils de l’aurore. Cette expression fait sans doute allusion à une métaphore familière aux Égyptiens. Ceux-ci considéraient Râ ou le soleil comme sortant du sein des eaux et ouvrant les yeux dès son apparition à la surface. « Tu ouvres les deux yeux, et la terre est inondée de rayons de lumière, » disent fréquemment les anciens textes. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 137. Or, quand le crocodile remonte des profondeurs du fleuve, ce qu’on voit tout d’abord affleurer à la surface, ce sont ses yeux, situés à la partie prééminente de la tête. Aussi les anciens Égyptiens, dans leur écriture hiéroglyphique, « peignaient des yeux de crocodile pour signifier l’aurore, parce que les yeux apparaissent des profondeurs avant le reste du corps de l’animal. » Horapollon, Hieroglyphica, I, 68. — L'écrivain sacré parle ensuite de l’im.puissance des armes à entamer la carapace du crocodile, xli, 17-21. Cette impuissance était presque absolue chez les anciens, qui n’avaient pas à leur disposition des armes

408. — Chasse an crocodile. Sauiet el-Meitin. vi « dynastie. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. ii, Bl. 105.

aussi redoutables que les nôtres. On chassait cependant quelquefois le crocodile dans des barques et à l’aide de longues lances (fig. 408). On cherchait à frapper l’animal dans les yeux, la seule partie vulnérable de la surface supérieure du corps. Cette chasse dangereuse devait être assez rare, comme celle de l’hippopotame. Les gens du peuple ne s’avisaient pas de l’entreprendre. — L’auteur conclut sa description en ces termes :

Il n’a pas son semblable sur terre, Lui qui est à l’abri de toute crainte. Il regarde de haut toute grandeur, It est le roi des êtres les plus féroces.

xii, 24-25 (hébreu, 25 -26).

Dans cette description, l’auteur de Job parle du crocodile en témoin oculaire. Il est à peu près certaiu qu’il a vu le monstre, non dans la petite rivière de Zerka, mais en Egypte même. Il vient du reste de décrire l’hippopotame, sous le nom de béhémoth. Or ce dernier n’avait pu être suffisamment connu de lui que sur les bords du Nil. — Dans Isaïe, xxvii, 1 ; xxx, 7 ; li, 9, les ennemis d’Israël sont désignés par les trois noms hébreux qui servent également à indiquer le crocodile. Dans Ézéchiel, xxix, 3 ; xxxii, 2, le « tannin couché au milieu des fleuves » est

le crocodile, symbolisant l’Egypte et son pharaon. Enfin, au Psaume lxxiii (lxxiv), 13, 14, les fanninîm et le levyâfân dont Dieu a brisé la tête sont encore les Égyptiens terrassés au passage de la mer Rouge. — Le crocodile figurait parmi les constellations, telles que les représentaient les Égyptiens. Voir Constellations.

H. Lesêtre.
    1. CROCQUET André##

CROCQUET André, théologien de l’ordre de SaintBenoit, né à Douai et mort de la peste à Valenciennes en 1580. Il avait été prieur de Saint-Pierre d’Hasnon. Ses principaux ouvrages sont : Commentarius in Epistolam Pauli ad Romanos, in-8°, Douai, 1577 ; Enarratio Epistolee ad Hebreos B. Pauli Apostoli a syro sermone in latinum conversse ex M. Galeni Vescappellii prxlectionibus concinnata, in-8°, Douai, 1578 ; Paraphrasis sive conciones in septem psalmos Pœnitentiales, in-8°, Douai, 1579. — Voir Valère André, Bibliotheca belgica (1643), p. 47 ; Ziegelbauer, Historia rei litterariœ ordinis sancti Benedicti, t. iv, p. 50, 153, 159.

B. Heurtebize.
    1. CROISSANTS##

CROISSANTS (èahârônim ; Septante : (u]vi<rxoi ; Vulgate : lunulse, bullm), parures d’or ou d’argent, composées d’une série de croissants imitant celui de la lune. Les Madianites en formaient des colliers dont ils ornaient le cou de leurs chameaux. Gédéon s’empara de ces colliers. Jud., viii, 21, 26. Stace, Thebaid., IX, 687, parle d’un cheval portant au cou niveo lunata nionilia dente, « des ornements en forme de lunes aux dents de neige », c’est-à-dire aux pointes d’argent brillant. À l'époque d’Isaïe, iii, 18, les croissants faisaient partie de la parure

403. — Vase représentant un spbinx avec des ornements en forme de croissants. Musée Saint-Louis à Cartûage.

des femmes. La mode n’en passa pas vite. Plus tard, les Juifs attachaient des croissants d’or aux voiles des mariées. Talmud de Jérusalem, Gittin, ꝟ. 49. Plaute, Epid., V, i, 34, énumère les « lunules » parmi les objets de toilette des femmes, Tertullien. De cultu fœmin., ii, 10, t. i, col. 1329, y fait encore allusion. Le croissant est représenté comme ornement au cou d’un sphinx du Musée Saint-Louis de Carthage (fig. 409). Cf. N. G. Schrœder, Commentarius de vestitu mulierum hebrœarum, in-8°,

1776, p. 33-44.
H. Lesêtre.
    1. CROIX##

CROIX (o-Taupdc ; Vulgate : crux), instrument de supplice dont se servaient les anciens pour faire subir la peine capitale aux criminels et aux esclaves.

1. Forme de la croix. — À l’origine, la croix se com posait seulement d’une potence ou pal vertical, terminé en pointe (acuta crux, dit Mécène dans Sénèque, Epist. xvil, 1, 10, édit. Teubner, 1853, p. 330), auquel on suspendait le patient. Il est question de cette espèce de croix, crux simplex ou potence, dans l’Ancien Testament. Elle y est appelée en hébreu : 'ê$, « bois, » et saint Jérôme a traduit plusieurs fois par crux. Gen., xl, 19 ; xtj, 13 ; Jos., viii, 29 ; Esther, v, li ; viii, 7 ; ix, 25 ; cf. II Reg., xxi, 6, 9. Voir Pendaison. — Plus tard on ajouta au pal vertical une branche transversale et on y attacha le condamné avec des clous, ou bien on l’y lia avec des cordes et on l’y laissa suspendu jusqu'à ce qu’il rendit le dernier soupir. C’est à ce genre de supplice qu’on peut rapporter les expressions cruci figere ou affigere. Tacite, Ann., xv, 44 ; Pétrone, Satyr., iii, 5. — La croix était généralement basse ; ce n'était que par exception qu’on suspendait les suppliciés à un bois élevé, pour rendre le châtiment plus exemplaire, comme Suétone, Galba, ix, atteste que le fit Galba à l'égard d’un criminel (Multo prœter cseteras altiorem et dealbatam statui crucem jussit). — On appelait la croix commissa, quand elle

avait la forme de la lettre tau, T, et immissa ou capitata, quand le bois vertical dépassait la branche hori zontale

t cette dernière forme était la plus commune.

Pour exécuter le condamné on dressait la croix, Cicéron, Verr., v, 66, on hissait le patient avec des courroies, Pline, H. N., xxviii, 4 ; Lucain, vi, 543, 547, et on l’attachait avec des cordes ou bien on le fixait avec des

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410. — As6urnaslrpal, roi d’Assyrie, portant un bijou en forme

de croix.

D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 4.

clous. Cf. Juste Lipse, De cruce, ii, 7, in-8°, Anvers, 1606, p. 41-42.

IL Origine de la croix. — La croix, sous des formes diverses, se trouve représentée sur les monuments avant le christianisme, et l’on a publié de nombreux écrits pour s’efforcer de démontrer que ces représentations antiques, qui rappellent plus ou moins clairement la croix sur laquelle fut crucifié le Sauveur, étaient comme des types et des symboles prophétiques de la manière dont le Rédempteur devait expier nos péchés. Tels étaient, par exemple, le bijou en forme de croix qu’on voit porté par des rois assyriens, comme Assurnasirpal (fig. 410) et Samsiramman, dont les statues sont conservées au British Muséum, à Londres, et les pendants d’oreilles cruciPage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/588 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/589 kf fy


etouzev &' Ané - Ld

Dict. ce la B ibie.

Relique de la croix de Notre Seigneur

Conservée à Notre Dame cfe Paris

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