Utilisateur:Sicarov/Dictionnaire de la Bible/Tome 5.1.b PIERRE-PROMESSE

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(Volume Vp. 355-356-705-706).

volontiers le nom araméen Céphas. Cf. I Cor., i, 12 ; lll, 22 ; Gal., i, 10 ; ii, 9, 11, 14.

2° Sa patrie. — Simon était originaire de « Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre », comme aussi de l’apôtre Philippe. Joa., i, 44. Elle était située en Galilée, non loin de Capharnaûm, sur la rive droite du lac de Tibériade. Plus tard, cependant, Pierre abandonna Bethsaïde, pour s’établir à Capharnaûm, car plusieurs textes évangéliques, cf ; Matth., viii, 5, 14 ; Marc, i, 21, 29 ; Luc, iv, 31, 38, parlent de la maison qu’il possédait, ou du moins qu’il habitait dans cette dernière ville.

3° Sa famille. — Les Évangiles nous fournissent aussi quelques renseignements intéressants sur la fa 82. — Statue de saint Pierre, îv* siècle, dans les cryptes vaticanes. D’après une photographie. Voir D. Dufresne, Les cryptes vaticanes, 1902, p. 14.

mille de saint Pierre. — 1. Son père s’appelait’Imvîj, d’après Matth., xvi, 17 ; Joa., i, 42 ; xxi, 15, 16, 17 [textus receptus). Voir Jona ; t. iii, col. 1603. — 2. L’Évangile nous apprend aussi que Simon avait un frère nommé André, lequel eut également l’honneur de compter parmi les amis privilégiés de Notre-Seigneur. Il n’est pas possible de dire avec certitude lequel des deux frères était l’ainé ; ce serait Simon, d’après la plupart des auteurs qui se sont occupés de cette question. — 3. Simon s’était marié avant de recevoir l’appel de Jésus. Il est parlé expressément de sa belle-mère. Matth., viii, 14 ; Marc, i, 30 ; Luc, iv, 38. Saint Paul mentionne sa femme. I Cor., ix, 5.

4° Son éducation intellectuelle et morale. — Nous sommes réduits sur ces deux points à de simples conjectures. — 1. La vie de Simon-Pierre montre qu’il possédait une intelligence peu commune. D’autre part, les membres du sanhédrin portèrent sur lui et sur son ami saint Jean un jugement sévère sous le rapport de l’ins truction, les regardant tous deux comme « des hommes illettrés et des gens du peuple ». Act., iv, 13 r av6p<071O ! àYpâiijjLotTot… xad ÏStôTat, homines sine litteris et idiotes. Cf. S. Jean Chrysostome, Hom. xxxii, 3, In Matth., t. lvii, col. 381. Mais il faut prendre ces expressions dans le sens que leur donnaient alors les Juifs ; ainsi comprises, ^lles signifient seulement que les deux apôtres n’avaient pas étudié dans les écoles rabbiniques et qu’ils n’étaient que des hommes ordinaires, sans influence, par contraste avec les docteurs de la loi, les prêtres, etc. Néanmoins, Simon n’était pas dénué de toute instruction. Depuis longtemps, en effet, des écoles avaient été établies dans les communautés juives de toute la Palestine, et les pharisiens veillaient à ce que l’enseignement des maîtres fût sérieux et solide. Voir J. Simon, L’éducation et l’instruction des enfants chez les anciens Juifs, d’après la Bible et le Talmud, in-8°, Leipzig, 3e édit., 1879. LJidiome en usage dans la contrée était Paraméen occidental, dont les Évangélistes nous ont conservé quelques échantillons. Cf. Matth., xxvii, 46 ; Marc, v, 41 ; Joa., xx, 16, etc. Nous apprenons, Matth., xxvi, 13, que c’était la langue maternelle de saint Pierre ; mais de très bonne heure il dut comprendre et parler plus ou moins parfaitement le grec dit hellénistique (voir plus bas, col. 392 ; , qui, dans la région du lac, était connu de la plupart des habitants, comme l’affirment les anciens auteurs. De nombreux païens s’étant fixés dans ces parages, ce grec vulgaire servait de moyen de communication entre eux et les Juifs. — 2. La formation religieuse de Simon avait-eu lieu d’abord sous l’influence de la famille, puis sous celle de la synagogue. Ses relations intimes avec Jean-Baptiste, cf. Joa., i, 35, attestent sa grjnle piété et la foi très vive avec laquelle il attendait le Messie. Ses discours et ses Épîtres prouvent qu’il connaissait la Bible, si chère à tous ses coreligionnaires ; il la cite assez fréquemment, et son langage en est tout coloré, comme il sera démontré plus loin (col. 393).

5° Sa profession. — Avant d’être appelé par Notre-Seigneur, Simon exerçait sur la mer de Galilée le métier de pêcheur. Matth., IV, 18 ; Marc, i, 16 ; Luc, v, 2 ; Joa., xxi, 3. Le bateau dont il se servait était sa propriété personnelle. Luc, v, 3. Les pêcheurs du lac de Tibériade formaient alors une classe nombreuse, car les poissons abondaient dans ses eaux (c’est encore le cas aujourd’hui), et il s’en faisait un commerce considérable dans la Palestine entière. C’était une profession assez rémunératrice ; aussi rien ne donne à penser que Pierre ait été pauvre avant de s’attacher au Sauveur ; iien plus, nous l’entendrons lui-même affirmer plus tard qu’il avait conscience d’avoir abandonné, pour suivre Jésus, des biens qui n’étaient pas sans valeur. Cf. Marc, x, 28. Si les beaux horizons du lac durent exercer une impression durable sur l’âme sensible et ardente de Pierre, il est très juste aussi de dire que son rude métier, accompagné de tant de privations, de fatigues et de périls, ne contribua pas peu à développer son énergie, sa persévérance, son activité et son habileté pratique.

II. LES APPELS SUCCESSIFS DE SIMON PIERRE. —

Nous devons en distinguer trois, d’après les récits très nets et très formels des Évangélistes. Le premier, seulement préliminaire, établit entre Jésus et Simon de simples relations d’amitié. Le second fut décisif : il fit du pêcheur de Galilée un disciple du Sauveur dans le sens strict. Le troisième fut d’un ordre encore plus relevé, puisqu’il transforma Pierre en apôtre du Christ.

1° Première rencontre de Jésus et de Simon, et premier appel de ce dernier. — C’était sur la rive orientale du Jourdain, à Béthanie ou Bethabara. Joa., i, 28. André et celui qui fut plus tard le disciple bien-aimé

(par conséquent, le narrateur lui-même) s’étaient mis à la suite de Jésus, que le précurseur, dont ils étaient les" fervents disciples, leur avait désigné comme l’Agneau de Dieu. En revenant, tout ému, d’auprès de celui en qui il avait reconnu le Messie, André trouva son frère, qu’il se hâta de conduire au Sauveur. Regard pénétrant du Christ sur Simon (è[iëXé^a ; ), accompagné de cette parole, qui révélait tout l’avenir du futur chef de l’Église : « Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Pierre. » C’est-à-dire : jusqu’à ce jour tu n’as été qu’un homme ordinaire ; bientôt tu seras transformé, et tu deviendras un rocher inébranlable, sur lequel je bâtirai un glorieux édifice. Toutefois, ici, le nom de Céphas ou de Pierre est seulement promis à Simon ; il ne le recevra d’une manière proprement dite qu’après sa noble confession. Cf. Matth., xvi, 18. Il est probable que Simon avait alors un peu plus de trente ans, car on suppose qu’il était un peu plus âgé que Notre-Seigneur. Après cet appel, il demeura pendant quelque temps auprès de son nouveau Maître, qu’il accompagna, avec son frère André, ses amis Jacques et Jean, Philippe et Nathanaël, d’abord en Galilée, où il fut témoin du changement de l’eau en vin à Cana, puis à Jérusalem pour la fête de Pâque, et de nouveau en Galilée, après avoir traversé la Samarie. Le petit groupe se dispersa alors pour un temps. Cf. Joa., n-rv.

2° Second appel. — Il fit de Simon le disciple proprement dit du Sauveur, et eut lieu après la première Pâque de la vie publique de Jésus. Il est raconté par les trois synoptiques. Cf. Matth., iv, 18-22 ; Marc, I, 16-20 ; Luc, v, 1-11. Les récits de saint Matthieu et de saint Marc sont presque identiques ; celui de saint Luc en diffère notablement pour les détails, à tel point que divers commentateurs ont supposé qu’il y est question d’un épisode distinct. Mais la ressemblance générale est trop grande entre les trois narrations, pour qu’elles se rapportent à des faits différents. Tout s’explique, si l’on admet que saint Luc raconte plus explicitement les circonstances de l’appel, et met en un plus saisissant relief la personnalité de Pierre. D’ailleurs, de part et d’autre nous apprenons que Simon fut appelé par Notre-Seigneur tandis qu’il exerçait ses fonctions de pêcheur, et que ces mêmes fonctions lui furent présentées comme un symbole de son rôle futur : « Ne crains point ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras vivants. » Une pêche miraculeuse fut associée à sa vocation. André, Jacques et Jean devinrent en même temps que lui les disciples de Jésus, et, comme lui, ils quittèrent tout sans hésiter, pour s’attacher définitivement à Notre-Seigneur. Depuis ce moment, Simon vécut auprès du divin Maître, recevant de lui chaque jour, avec, les autres disciples, la formation nécessaire pour la haute destinée qui lui était réservée. Les Évangélistes ne mentionnent, à cette époque, que d’assez rares incidents auxquels il fut personnellement mêlé. Il eut l’honneur de donner l’hospitalité au Sauveur dans sa maison de Capharnaùm, durant l’aprèsmidi d’un jour de sabbat, et Jésus l’en récompensa en guérissant sa belle-mère, malade de la lièvre. Cf. Matth., vm, 14-15 ; Marc, i, 29-31 ; Luc, iv, 38-39. Le lendemain, comme le Sauveur était sorti de grand matin pour prier, la foule, que ses nombreux miracles avaient jetée dans l’enthousiasme, le cherchait avec anxiété ; « Pierre et ceux qui étaient avec lui » (Marc, 1, 36 : formule remarquable, dans laquelle les exégètes reconnaissent à bon droit « la primauté par anticipation » ) allèrent dans toutes les directions pour le retrouver. Il leur fit alors évangéliser une partie de la Galilée. Marc, i, 39 ; Luc, iv, 43-44.

3° L’appel à l’apostolat et les divers incidents qui le suivirent. — Cet appel, le plus solennel de tous, eut pour thrâtre probable le sommetdela montagne nommée

Kouroûn-Hattîn, qui se dresse à peu près en face de Tibériade7 à environ trois heures du lac de Génésareth. Dans la région, c’est vraiment « la montagne » par excellence Ixo ô’poç, avec l’article). Voir Stanley, Sinai and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent aussi cet ! événement, qui fut d’une gravité exceptionnelle dans la vie de Jésus. Cf. Matth., x, 1-4 ; Marc, tu, 13-19 ; Luc, vi, 12-16. Saint Marc et saint Luc en font ressortir l’importance par les formules solennelles qui introduisent leurs narrations. Un trait spécial est à noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois listes du corps apostolique citées à cette occasion, comme aussi dans la quatrième, que nous fournit le livre des Actes, i, 13, il est toujours mentionné le premier, quoique la plupart des autres Apôtres n’obtiennent pas constamment la même place. Saint Matthieu appuie sur cette circonstance d’une façon particulière, car, après avoir ouvert sa liste en ces termes : « Voici les noms des douze apôtres : le premier Simon, qui est appelé Pierre, » il cesse tout à coup de signaler d’autres numéros d’ordre, et continue en disant : « Et André, son frère ; Jacques… et Jean… » Les Pères, les docteurs et les commentateurs catholiques, et même d’assez. nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait la preuve de la primauté très réelle que saint Pierre exerçait sur ses collègues lorsque l’Évangéliste composa son récit. D’ailleurs, cette primauté sera bientôt confiée à Simon par Notre-Seigneur en un langage encore plus saisissant. Et puis, « ce n’est pas seulement en cet endroit que Pierre occupe le premier rang dans le collège apostolique ; l’histoire évangélique lui fait jouer presque à chaque page un rôle prééminent. Tantôt il parle au nom de tous les autres disciples, Matth., xix, 27 ; Luc, xii, 41 ; tantôt il répond lorsque les Apôtres sont interpellés en commun par leur Maître, Matth., xvi, 16, etc ; quelquefois Jésus s’adresse à lui comme au personnage principal, même parmi les disciples privilégiés. Matth., xxvi, 40 ; Luc, xxii, 31. Ces détails, sans parler d’autres traits plus frappants encore, auxquels nous arriverons bientôt, forment le meilleur commentaire des mots Primus Petrus. » L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. 24.

4° Entre l’appel de saint Pierre à l’apostolat et la confession glorieuse qui lui méritera d’être élevé à une dignité encore plus haute, nous ne connaissons qu’un très petit nombre d’incidents auxquels il ait pris une part directe. — 1. Saint Luc, viii, 45, cite une réflexion familière qu’il fit à Jésus au moment de la guérison de l’hémorrhoïsse : « Maître, les foules vous pressent et vous accablent, et vous dites : Qui m’a touché ? » Comme précédemment, saint Marc se sert à cette occasion de la formule remarquable « Pierre et ceux qui étaient avec lui ». Quelques instants après, Simon était choisi, avec les fils de Zébédée, à l’exclusion des autres Apôtres, pour être témoin de la résurrection de la fille de Jaïre, . Marc, v, 37 ; Luc, viii, 51. C’est grâce à lui sans doute que saint Marc, son fils spirituel et son « interprète », nous a conservé la parole principale du Sauveur sous sa forme primitive : Talitha coumi, Marc, v, 41. — 2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint Matthieu, xiv, 28-32, raconte immédiatement après la première multiplication des pains. Pierre nous apparaît dans cet épisode avec tous les traits distinctifs de son caractère : il est tout d’abord ardent, plein d’entrain et de courage, puis il se laisse tout à coup abattre par la difficulté : « Maître, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, ibs’écria i Seigneur, sauvez-moi. Et aussitôt Jésus, étendant 1° main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » — Quelques heures se passent,

et c’est une foi très vive, comme aussi un amour généreux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maître. Jésus venait de prononcer dans la synagogue de Capharnaum, le discours où il promet la sainte Eucharistie. Joa., vi, 22-59. D’assez nombreux disciples furent choqués de ses paroles, qu’ils interprétaient d’une manière toute charnelle. Resté seul avec les Douze, le Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous voulez aussi me quitter ? » Aussitôt, Pierre répondit au nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu » (ou, d’après une variante qui pourrait bien avoir été la leçon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c’est-àdire, celui que Dieu a consacré, mis à part, pour accomplir le rôle qui lui a été destiné). Cf. joa., VI, 60-72. L’apôtre regardait donc alors Jésus comme le vrai Messie. — 3. Vers cette époque, les scribes et les pharisiens reprochèrent aux disciples de se dispenser des ablutions traditionnelles qui précédaient les repas. Jésus prit énergiquement la défense des siens, et prononça à cette occasion la parole célèbre : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme. » Pierre, qui ne le comprit point, en demanda l’explication : « Interprétez-nous cette parabole. » Matth., xv, 1-20.

M. LA PROFESSION DE FOI SE SIMON PIERRE ET SA

récompense. — 1° L’occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15 ; Marc, viii, 27-29 ; Luc, ix, 18-19. — Jésus a commencé de rassembler les brebis dispersées d’Israël, et il a institué des pasteurs pour les nourrir et les diriger ; mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu’il aura quitté cette terre, un pasteur suprême des âmes, et il va maintenant l'établir. Ce fait mémorable eut lieu dans la Galilée du nord, au pied de l’Hermon, non loin de Césarée de Philippe. Jésus approchait de la ville ; tout à coup, au sortir d’une prière solitaire, il posa aux Douze, dont il était entouré, cette question, destinée à préparer les révélations qui suivent : « Que disent les hommes qu’est le Fils de l’homme ? » C’està-dire : Quel jugement porte-t-on à mon sujet ? La réponse des Apôtres fournit un compte rendu très exact des différentes opinions qui avaient cours en Israël au sujet de leur Maître : « Les uns, qu’il est Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie ou quelqu’un des prophètes. » La masse du peuple considérait donc Jésus, à cette époque de sa vie publique, comme un personnage extraordinaire ; mais beaucoup avaient cessé de le regarder comme le Messie, parce qu’il s'était refusé à flatter leurs préjugés grossiers. Jésus reprit : « Et vous (vous, mes disciples privilégiés, qui me connaissez mieux que personne), qui dites-vous que je suis ? » La crise terrible de sa passion approche, et il veut savoir s’il pourra compter, pour continuer son œuvre, sur ceux qu’il avait le plus aimés.

2° Confession de Pierre. — Il répondit au nom de tous. Saint Marc, viii, 29, et saint Luc, îx, 20, ne donnent qu’un résumé de sa profession de foi ; mais saint Matthieu, xvi, 16, l’a conservée plus complètement : 2ù et ô XpioToç, ô vi’oç toû 6)îoî toO Çôj'/toç. La définition que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'énergique (notez l’emploi de l’article devant tous les mots capables de le recevoir) ; la nature et le rôle uniques de Jésus y sont nettement marqués. Simon reconnaissait en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. Il n’est pas douteux que telle est ici la signification des mots Filius I)ei viventis, comme l’ont toujours affirmé, à la suite des Pères, les exégètes et les théologiens catholiques, et même de nombreux écrivains protestants. Si, dans la pensée de Pierre, ce second titre était un simple synonyme du premier, comme le prétendent les commentateurs rationalistes, Jésus n’aurait pas pu le félici ter et lui dire qu’il avait parlé en vertu d’une révélation spéciale ; en effet, les Apôtres savaient depuis longtemps que leur Maître était le Christ. Le second titre explique donc et développe le premier : le Messie, tel que Pierre se le représentait, était réellement le Fils de Dieu.

3° Récompense de Pierre. — Ce passage est propre à saint Matthieu, xvi, 17-19. Jésus répondit à l’apôtre : « Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera aussi délié dans les cieux. » Dès sa première rencontre avec le fils de Jonas, Jésus lui avait prédit qu’il serait appelé Kêfa'. Cf. Joa., i, 43. Voir plus haut, col. 356. Il lui donne maintenant ce nom symbolique ; et part de là pour l’instituer chef de son Église, comparée à un édifice spirituel. « Sur cette pierre », c’està-dire, comme il ressort évidemment du texte, sur Simon lui-même, en tant qu’il était Kêfa', rocher mystique. C’est à tort qu’on a interprété parfois ces mots comme il suit : sur Jésus en personne ; ou bien, sur cette confession de Pierre ; ou encore : sur le collège apostolique uni à Pierre. Bâtie sur ce roc d’une solidité à toute épreuve, l'Église de Jésus sera elle-même à jamais inébranlable ; les portes (la partie pour le tout) de l’enfer, ou plus exactement, du séjour des morts (iriiai ïfiou) envisagé comme une citadelle dont les portes ont une solidité extraordinaire, seront impuissantes contre elle. Ce sombre séjour, à la puissance duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera donc pas de l'Église du Christ. — Les images suivantes expliquent la première. Celle des clefs se rattache très naturellement à celle de la construction mystique qui est l'Église. Elle fait de Pierre l’intendant suprême, le chef visible de ce bel édifice, puisque celui qui possède les clefs d’une maison, et qui a le droit de s’en servir pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble, jouit par là même d’une autorité sans limite sur la maison. Cf. Is., xxii, 22 ; Apoc, i, 18 et iii, 7. La figure : <c Tout ce que tu lieras… » est encore plus expressive pour marquer une puissance absolue ; en effet, le Sauveur affirme ainsi que toutes les décisions de Pierre seront ratifiées par Dieu lui-même. Les rabbins emploient souvent les verbes lier et délier dans le sens d’interdire et de permettre. Voir Edersheim, Life and Times of Jésus the Messiah, t. ii, p. 84 ; Dalman, Worte Jesu, p. 174-178. Ils signifient plutôt dans ce passage : condamner et acquitter. — Sans doute, Jésus devait dire plus tard à tous les Apôtres, presque dans les mêmes termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel. » Cf. Matth., Xvm, 18. Mais, comme le remarque très bien Bossuet, Discours sur l’unité de l'Église, 1° point, « cette parole. Tout ce que tu lieras, … dite à un seul, a déjà rangé sous sa puissance chacun de ceux à qui on dira : Tout ce que vous remettrez… Il y a donc dans la chaire de Pierre la plénitude de la puissance. » La primauté de Pierre et l’indéfectibilité de l'Église, telles sont donc les promesses faites ici par Jésus.

IV. DEPUIS LA PROMESSE DE LA PRIMAUTÉ JUSQU’A

LA passion SU SAUVEUR. — 1° Le fils de Jonas se fait le tentateur de Jésus. Matth., xvi, 21-23 ; Marc, viii, 31-33. — Cet épisode, qui eut lieu aussitôt après la confession de Simon-Pierre, ne nous présente pas l’apôtre sous un jour aussi favorable. « La chair et le sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme Jésus, pour préparer de plus en plus ses amis les plus intimes à l'épreuve redoutable qui les attendait, venait de leur annoncer pour, la première fois, en termes très clairs, la proximité de sa passion, le cœur aimant de Pierre en fut terrifié ; il ne pouvait comprendre encore que le Christ dût subir une telle humiliation. Le prenant donc à part, il s’écria : « À Dieu ne plaise, Seigneur ! cela ne vous arrivera pas. » Se détournant de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jésus lui dit : « Va-t-en derrière moi, Satan ; tu m’es un objet de scandale, car lu n’as pas le goût des choses de Dieu, mais des choses des hommes. » C’est par le même langage que le Christ avait autrefois chassé loin de lui le démon en personne, à la suite de sa tentation dans le désert. Matth., iv, 10. En çffet, Pierre, guidé en ce moment par des pensées et des sentiments tout humains, ne tendait à rien moins qu’à empêcher Jésus d’accomplir la volonté de Dieu.

2° Pierre sur la montagne de la Transfiguration. Matth., xvii, 1-8 ; Marc, ix, 1-7 ; Luc, ix, 28-36. — Ce grand miracle, qui tient une place si importante dans la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seulement après les faits qui précèdent. Simon-Pierre eut le grand honneur d’être choisi par son Maître pour en être témoin, avec les deux fils de Zébédée. Ici encore, il joua un rôle spécial, très conforme à son tempérament ardent et à sa tendre affection pour Notre-Seigneur. Au moment le plus solennel du mystère, lorsqu’il vit que Moïse et Èlie étaient sur le point de se retirer, il s’écria : « Seigneur, il est bon pour nous d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne respirait que bonheur et suavité sur la sainte montagne, et il aurait voulu que ces instants délicieux fussent à jamais prolongés. « Il ne savait ce qu’il disait, » fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son extase, il oubliait que de telles joies ne sauraient durer indéfiniment ici-bas. Un passage de sa II 8 Épître, i, 1618, composée environ trente-cinq ans plus tard, décrit, en quelques traits pleins de vie, le mystère de la Transfiguration, le citant comme une preuve incontestable de la certitude parfaite des vérités prêchées par les apôtres.

3° Le miracle du didrachme. — Il est placé un peu plus tard dans le récit de saint Matthieu, xvii, 23-26. Un jour que Jésus et ses apôtres revenaient à Capharnaûm, les collecteurs de l’impôt du Temple, n’osant peut-être pas s’adresser directement à Notre-Seigneur, demandèrent à Pierre, qui était connu dans la ville : « Votre Maître ne paie-t-il pas le didrachme ? » c’est-à-dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon répondit affirmativement ; mais il s’était trop avancé, en engageant son Maître sans le consulter. Celui-ci lui démontra donc qu’en tant que Messie il n’était pas tenu de payer ce genre d’imposition. Toutefois, pour ne pas être une occasion de scandale, il consentit à acquitter le tribut ; mais, voulant en même temps attester ses droits, il se procura par un prodige la somme qu’exigeait la loi.

4° La suite du récit évangélique mentionne encore, vers cette époque, trois questions du prince des apôtres. Elles manifestent son esprit pratique, et aussi l’attention intelligente avec laquelle il écoutait les leçons du Sauveur. — La première concerne le pardon des injures, vertu toute chrétienne que Jésus venait de recommander instamment : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il aura péché contre moi ? Jusqu’à sept fois ? » Non, ce n’était pas assez : « Jusqu’à soixante-dix-sept fois, » sans fin. Cf. Matth., xviii, 21-22. Dans une autre circonstance, Luc, xxii, 41-43, Jésus venait d’exhorter ses auditeurs à une vigilance de tous les instants, pour qu’ils fussent bien préparés à son second avènement. Pierre demanda : « Seigneur, est-ce à nous (à nous, vos Apôtres) que vous dites cette parabole, ou est-ce aussi à tous ( à tous les chrétiens) ? s — Pierre adressa sa troisième question à Notre-Seigneur après le départ du jeune homme

riphe, qui avait refusé de vendre ses biens pour suivre Jésus. Le « bon Maître » s’était écrié avec tristesse : « En vérité, je vous le dis, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda : « Nous, voici que nous avons tout quitté et que nous vous avons suivi ; qu’y aura-t-il donc pour nous ? » Il reçut pour lui-même et ses collègues dans l’apostolat une promesse magnifique. Cf. Matth., xix, 27-30 ; Marc, x, 28-31 ; Luc, xviii, 28-30.

V. SAINT PIERRE DURANT LA SEMAINE DE LA PASSION.

— Ici encore, il a sa place à part et joue un rôle prépondérant parmi les membres du collège apostolique.

1° Saint Marc nous a conservé deux paroles prononcées par Simon-Pierre dans la journée du mardi. La première fut proférée dans la matinée, lorsque les Apôtres constatèrent l’effet produit sur le figuier stérile par la malédiction de Jésus. Pierre, « se ressouvenant, dit à Jésus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez maudit s’est desséché. » Marc, xi, 20-21. — Il prononça la seconde dans l’après-midi. Comme Jésus venait de prophétiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean et André lui demandèrent en particulier : « Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de votre avènement et de la consommation du siècle. » Marc, xiii, 1 ; Matth., xxiv, 3 ; Luc, xxi, 7. C’est probablement saint Pierre qui fut le. porte-parole, selon sa coutume.

2° Le jour du jeudi-saint, il fut chargé par Jésus, avec saint Jean, de préparer tout ce qui était requis pour le festin pascal et de découvrir, au moyen d’un signe particulier, le cénacle où le Maître devait faire la Pâque avec ses disciples. Cf. Luc, xxii, 8. Le soir, lorsque Jésus et les Apôtres se trouvèrent réunis, Notre-Seigneur, Joa., xiii, 1-10, voulut laver les pieds des Douze, pour marquer symboliquement les dispositions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eucharistie. Dans le dialogue qui s’engagea alors entre Jésus et Pierre, l’apôtre se peint tout entier avec sa foi, son enthousiasme, son amour. Peu d’instants après, lorsque le Sauveur eut prédit qu’un de ses Apôtres le trahirait, Pierre sut obtenir, par l’intermédiaire de son ami saint Jean, la désignation du traître. Joa., xiii, 22-26.

— La prédiction de la chute prochaine de Pierre est mentionnée par les quatre Évangélistes, Matth., xxvi, 30-35 ; Marc, xiv, 26-31 ; Luc, xxii, 31-34 ; Joa., xiii, 33-38 ; mais ils ne la combinent pas de la même manière avec les incidents voisins ; du moins, ils la placent tous à la suite de la cène. Il ne paraît guère vraisemblable que Jésus l’ait réitérée à plusieurs’reprises, comme l’ont supposé quelques interprètes. Saint Luc l’associe à une prophétie consolante, qu’il est seul à signaler, xxii, 31-32, et qui rappelle la magnifique promesse faite autrefois près de Césarée de Philippe : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé, pour vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et lorsque tu seras converti, affermis tes frères. »

3’A Gethsémani, Pierre fut de nouveau choisi, avec Jacques et Jean, pour assister à l’une des scènes les plus douloureuses de la vie de son Maître. Matth., xxvi, 37 ; Marc, xiv, 33. D’après saint Marc, xiv, 37, jc’est à lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reproche, , après la première phase de son agonie : « Simon, tu n’as pas pu veiller une heure ! » Mais, un peu plus tard, Pierre essaya, au péril de sa propre vie, de défendre le Sauveur, lorsque les émissaires du sanhédrinseprésentèrentpour l’arrêter. Avant de quitter le cénacle, il s’était muni d’un glaive, dont il voulut asséner un coup sur la tête de Malchus ; mais il ne l’atteignit qu’à l’oreille. Matth., xxvi, 51 ; Marc, xiv, 47 ; Luc, xxii, 50 ; Joa., xviii, 10-11. Jésus blâma cet acte de violence^

4° Au moment de l’arrestation du Christ, Pierre prit la fuite avec les dix autres Apôtres ; mais bientôt, devenu

plus calme, et oubliant son propre péril pour ne songer qu’à la triste situation de son Maître, « il suivit Jésus de loin, jusque dans la cour du grand prêtre. » Matth., xxvi, 58 ; Marc, xiv, 54 ; Luc, xxii, 54 ; Joa., xviii, 15. Le quatrième Évangile nous apprend formellement que c’est grâce à son ami, le disciple bien-aimé, que Pierre réussit à pénétrer dans la cour du palais pontifical. Désireux de « voir la fin », Matth., xxvi, 58, c’est-à-dire, l’issue du procès de Notre-Seigneur, il s’assit au milieu des serviteurs du grand prêtre, auprès du feu de braise qu’ils avaient allumé dans la cour, à cause du froid.

5 ? Là, un autre danger, auquel il ne pensait pas, l’atteignit et le renversa tristement. Les quatre Évangélistes racontent le douloureux épisode de son triple reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75 ; Marc, xiv, 6672 ; Luc, xxii, 55-62 ; Joa., xviii, 16-18, 25-27. Chacune des narrations présente un certain nombre de divergences, qui ne vont jamais jusqu’à la contradiction, quoi qu’on ait prétendu en sens contraire. La meilleure explication qu’on puisse donner de ces variantes consiste à dire qu’il y eut, dans ce petit drame, trois actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs scènes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix parmi ces scènes particulières, l’essentiel consistant pour eux dans les trois actes, à cause de la prophétie récente de Jésus. Voir Fouard, Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, in-8°, 2= édit., Paris, 1882, t. ii, p. 350-352 ; L.-Cl. Fillion, L’Évangile selon saint Jean, in-8°, Paris, 1887, p. 334-335. Le chant du coq rappela le malheureux apôtre à la réalité. Sortant aussitôt du palais, il se mit à pleurer en sanglotant (j’xXauffev). Sa faute avait été grande, assurément ; mais c’était seulement une faute de surprise, de faiblesse, qui n’atteignit ni sa foi, ni son dévouement. Il la répara du reste, par un profond et perpétuel repentir-.

vi. après la résurrection he jésvs. — Pierre continua de recevoir alors des marques de la prédilection du divin Maître, soit à Jérusalem, soit un peu plus tard en Galilée. — Lorsque les saintes femmes, averties par un ange que Jésus était ressuscité, eurent annoncé à leur tour « aux disciples et à Pierre », Marc, xvi, 7, les faits dont elles avaient été témoins, Pierre et le disciple bien-aimé firent ensemble au sépulcre la visite que saint Luc se contente de mentionner brièvement, xxiv, 12, mais que saint Jean raconte d’une manière dramatique, xx, 2-10. D’après le troisième Évangile, Pierre s’en alla, « admirant en lui-même ce qui était arrivé. » Bientôt son admiration se changea en une complète certitude, car Jésus daigna lui apparaître en ce même jour. Luc, xxiv, 34 ; cf. I Cor., xv, 5. — Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les détails d’une autre apparition que le Sauveur ressuscité fit, quelque temps après, à sept apôtres réunis sur les bords du lac de Tibériade, et dont saint Pierre eut, pour ainsi dire, tous les honneurs. À la suite d’une pêche miraculeuse, analogue à celle qui avait accompagné son appel au rôle de disciple, cf. Luc, v, 1-11, Jésus exigea de lui une triple protestation d’amour, en réparation de son triple reniement ; puis il lui confirma solennellement son titre de chef du corps apostolique et de l’Église entière, en lui disant : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Voir L.-Cl. Fillion, L’Évangile selon saint Jean, 1887, p. 384. Il lui prédit ensuite une mort tragique, par ce langage figuré : « Lorsque tu aurasvieilli, un autre te ceindra et te conduira où tu ne voudras pas. »

II. Saint Pierre dans les Actes des Apôtres. — C’est le début de la période d’action pour notre héros, après la période de préparation dont les Évangiles contiennent le très riche exposé. Le livre des Actes renferme dans sa première partie, < ; bap.l-xi, des détails si nombreux sur le ministère du prince des Apôtres, qu’on a

souvent donné à cette section le nom d’Actes de Pierre. Il est encore question de Simon au chap. xv. Partout l’historien sacré nous le montre, selon le mot de Bossuet, « à la tête de tout, menant pour ainsi dire ses frères les Apôtres au combat, » occupant le premier rang et exerçant une supériorité très réelle, que personne ne songe à contester..

1° Part très grande qu’il prend à la fondation de l’Eglise de Jérusalem. — 1. Au cénacle, immédiatement après l’ascension de Notre-Seigneur, il se mit, même en présence de Marie, Act., 1, 14, à la tête des « frères », et il présida au remplacement de Judas. Act., i, 12-26. Il prononça, à cette occasion, le premier des huit discours que saint Luc nous a conservés de lui. Cf. Act., i, 15-22.

2. Le jour de la Pentecôte, lorsqu’une foule énorme, composée d’Israélites qui habitaient toutes les régions de l’empire romain, eut entouré le cénacle, attirée par le bruit violent qui avait accompagné la descente de l’Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour expliquer la nature de ce mystère qu’avait prédit le prophète Joël, et pour prêcher hautement Jésus-Christ. Act., ii, 1-41. Une transformation admirable s’était produite en lui, naguère si timide. Trois mille conversions furent le résultat de ce qu’on a très justement appelé « le premier coup de filet du pêcheur d’hommes. »

3. Quelque temps après, il guérit miraculeusement un paralytique, qui mendiait depuis de longues années à la Belle-Porte du temple. Un grand concours de peuple s’étant formé autour de lui et de saint Jean, qui l’accompagnait, il prononça sa troisième allocution, dans laquelle il attribue nettement la guérison à son véritable auteur, Jésus-Christ, dont elle attestait le caractère messianique. Cinq mille conversions nouvelles eurent lieu en cet instant. Act., iii, 1-26. Mais ce fut l’occasion d’un premier conflitdes autorités juivesavec l’Église naissante. Irrités de voir que les deux apôtres proclamaient publiquement la résurrection de Jésus et sa toute-puissance, quelques prêtres et sadducéens les firent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean comparurent devant le sanhédrin tout entier, pour donner des explications sur leur conduite. Dans son quatrième discours, Pierre rendit un éclatant témoignage à Jésus-Christ en face du tribunal suprême des Juifs. Comme le miracle avait eu de nombreux témoins, on n’osa pas condamner les accusés’; mais on les relâcha, après leur avoir interdit sévèrement de prêcher au nom de Jésuc-Christ. C’est alors que Pierre^ prononça son célèbre Non possumus. Act., iv, 1-22.

4. Malgré la sainteté de vie des premiers chrétiens, signalée à deux reprises par l’auteur des Actes, ii, 42-47 ; iv, 32-35, un douloureux épisode ne tarda pas à prouver que l’imperfection et le mal se glissent promptement au sein des sociétés les meilleures : Ananie et Saphire « mentirent à l’Esprit-Saint et fraudèrent sur le prix de leur champ », pour se donner l’apparence d’une libéralité généreuse. Pierre, en sa qualité de chef de l’Église, eut à châtier cet orgueil doublement criminel. Act., v, 1-11. Son autorité suprême, mise en un très vif relief par cet événement, fut encore rehaussée par les éclatants prodiges que Dieu lui donna d’accomplir : son ombre même guérissait les malades sur lesquels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collègues dans l’apostolat accomplissaient aussi des miracles nombreux, il se produisit des conversions multiples. Alors la colère du grand-prêtre et du sanhédrin ne connut pas de bornes : les Douze, arrêtés tous ensemble, furent conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquième allocution, protesta avec un courage inébranlable et rendit témoignage à la résurrection de son Maître. Leurs juges iniques les auraient infailliblement condamnés à mort, sans l’intervention du sage Gamaliel, qui les sauva. Ils furent donc remis en liberté, non

sans de nouvelles menaces, dont ils continuèrent de ne tenir aucun compte. Act., v, 17-42.

2° Avec le concours de Pierre, l’Eglise se développe en Saniarie et en Judée. Act., viii, £25. — 1. En Samarie. — Le livre des Acles ne fait aucune mention directe de Pierre pendant la persécution violente qui éclata bientôt contre l’Église ; nous y apprenons seulement que les apôtres demeurèrent alors à Jérusalem, où leur présence était nécessaire pour confirmer les chrétiens dans la foi. Act., viii, 1. Lorsqu’il est de nouveau question de lui, nous le trouvons, d’après le texte grec, à Sébaste, en Samarie, où le saint et vaillant diacre Philippe avait opéré de nombreuses conversions, entre autres celle de Simon le magicien. Sur le désir des Apôtres, Pierre, en compagnie de saint Jean, se rendit en Samarie, pour affermir les fidèles dans leurs bonnes dispositions. C’est alors que le magicien osa lui offrir de l’argent pour obtenir le pouvoir de faire descendre, comme lui, l’Esprit-Saint parla simple imposition des mains. L’apôtre rejeta cette offre avec indignation, et revint à Jérusalem, en annonçant avec succès la bonne, nouvelle dans les bourgades samaritaines situées sur son chemin.

2. En Judée. — Lorsque la paix eut été complètement rendue à l’Église, le prince des apôtres en profita pour visiter officiellement les chrétientés qui s’étaient formées, pendant la persécution, sur divers points de la Judée, grâce au zèle des fidèles de Jérusalem, obligés de se disperser. Saint Luc raconte deux grands prodiges accomplis par saint Pierre durant cette première de toutes les visites pastorales : la guérison d’un paralytique à Lydda, Act., ix, 32-35, et la résurrection de Tabitha à Joppé. Act., ix, 36-43. Voir Paralytique, t. iv, col. 2153, et Tabitha.

3° Saint Pierre, sur l’ordre de Dieu, ouvre aussi les portes de l’Eglise aux païens. — 1. Conversion du centurion Corneille. — Avant de remonter au ciel, Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous me servirez de témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Act, I, 8. Pierre a déjà réalisé les deux premières parties de cet. ordre ; voici qu’il va maintenant rendre témoignage à Jésus devant les païens, et les introduire à leur tour dans le divin bercail. Quoiqu’il fût réservé à saint Paul d’être l’apôtre des Gentils par excellence, il convenait que le vicaire du Sauveur fût choisi de préférence à tous les autres Apôtres pour recevoir d’une manière officielle dans l’Église les premiers convertis du paganisme. Cet épisode est raconté longuement par saint Luc, Act., x, 148, à cause de son importance extraordinaire. L’écrivain sacré expose tour à tour les deux visions par lesquelles Corneille et Pierre furent divinement avertis, chacun de son côté ; le voyage de Simon-Pierre à Césarée de Palestine, ville où le centurion était alors en garnison ; l’entrevue des deux héros de la narration, qu’entouraient plusieurs amis de part et d’autre ; l’éloquent discours prononcé à cette occasion par l’apôtre (le sixième du livre des Actes) ; enfin la descente de l’Esprit-Saint sur les nouveaux convertis et leur baptême. Voir Corneille, t. ii, col. 1012.

2. Lorsqu’il revint à Jérusalem, Pierre eut à justifier sa conduite devant les chrétiens assemblés. On lui reprochait d’  « être entré chez des païens et d’avoir mangé avec eux », et beaucoup plus encore, quoiqu’on ne mit pas cette raison en avant, d’avoir participé à leur conversion. En vertu d’antiques préjugés, la plupart des fidèles d’origine israélite étaient demeurés hostiles aux convertis du paganisme, et, malgré les oracles si clairs des’prophètes, ils avaient de la peine à croire que l’Église de Jésus dût être ouverte à tous les hommes sans exception. Pierre expliqua sa conduite dans son septième discours, et elle fut approuvée de tous. Act., xi, 1-18.

4° Saint Pierre est emprisonne par Ilérode et délivré miraculeusement. Act., xii, 1-17. — Ce double incident eut lieu vers l’an 43 de notre ère, quelque temps avant la mort du roi Hérode Agrippa I er, petit-fils d’Hérode le Grand. Ce prince, après avoir fait décapiter saint Jacques le Majeur par haine du christianisme, donna l’ordre, pour plaire davantage encore aux Juifs, que cet acte cruel avait comblés de joie, d’incarcérer saint Pierre, en attendant qu’on le conduisît à son tour au supplice. Mais, la nuit même qui précéda le jour où il devait être exécuté, un ange le délivra en des circonstances merveilleuses. Sorti de sa prison, Pierre alla directement dans la maison de Marie, mère de Jean-Marc, le futur évangéliste, chez laquelle il trouva de nombreux chrétiens assemblés. Après leur avoir raconté l’histoire de sa délivrance, « il s’en alla dans un autre lieu, » que nous essaierons de fixer ultérieurement, d’après les données de la tradition. Voir col. 373-374.

5° Pierre au concile de Jérusalem. Act., xv, 1-27. — Quelques années se passent. Lorsque Pierre est de nouveau mentionné au livre des Actes, il est à Jérusalem (vers l’an 50, 51 ou 52) et préside l’assemblée des Apôtres et des Anciens, qui allait trancher définitivement la controverse soulevée avec tant de violence par les judaïsants, sur divers points de la chrétienté. Paul et Barnabe étaient venus tout exprès d’Antioche, pour consulter l’autorité suprême sur cette question. Les débats furent très vifs, car les partisans de l’erreur exigeaient avec un acharnement extraordinaire le maintien de la circoncision et des autres principaux rites du judaïsme. Lorsque les deux partis eurent exposé leurs arguments, Pierre prit la parole avec toute l’autorité que lui conférait sa charge. Le petit discours qu’il prononça (le huitième et dernier de ceux que nous lisons dans les Actes), proclame hautement la liberté pleine et entière des chrétiens issus du paganisme, par rapport aux observances judaïques. Le prince des Apôtres disparaît du récit des Actes, après cette conduite si digne de lui.

III. Saint Pierre dans I’Épître de saint Paul aux Galates. — l°Paul, dans les chap. 1 et n de cette lettre, signale coup sur coup deux faits nouveaux relatifs à Céphas, c’est-à-dire à saint Pierre. Esquissant d’abord en quelques lignes les incidents qui suivirent de très près sa propre conversion, il raconte en ces termes sa première entrevue avec le prince des Apôtres : « Je vins à Jérusalem pour voir Pierre. » Gal., i, 18-20. Le verbe îaTopf, <rai signifie toujours que la personne ou la chose contemplée est digne d’un intérêt particulier ; en l’employant, saint Paul met en un vif relief l’auguste dignité qu’il reconnaissait et qu’il venait honorer dans Céphas.

2° Quelques lignes plus bas, Gal., ii, 11-21, Paul signale un fait plus surprenant encore, . dont les protestants ont souvent exagéré la portée, pour amoindrir l’autorité de saint Pierre. Il s’agit de ce qu’on nomme habituellement « le conflit d’Antioche ». C’était, ce semble, peu de temps après l’assemblée de Jérusalem, et Pierre se trouvait avec l’apôtre des Gentils dans la métropole de la Syrie. Voici les faits, tels que les expose saint Paul : « Lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était blâmable /xaTe^vuo (tévo ; ). En effet, avant l’arrivée de quelques personnes envoyées (de Jérusalem) par Jacques, il mangeait avec les païens (c’est-à-dire, les chrétiens d’origine païenne) ; mais, quand elles furent venues, il se retira et se mit à l’écart, craignant ceux de la circoncision (les Juifs convertis). Elles autres Juifs usèrent de la même dissimulation que lui, de sorte que Barnabe aussi fut entraîné dans cette dissimulation. Mais, quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas, en présence de tous : Si toi, qui es Juif,

tu vis à la manière des païens, et non comme les Juifs, pourquoi forces-tu les païens de judaïser ?… »

Souvent, dans les temps anciens, on a essayé d'échapper, par des hypothèses assez étranges, aux conséquences fâcheuses que l’on croyait devoir découler de cet épisode pour la dignité de saint Pierre. — 1. On a prétendu qu’il s’agit d’un autre Céphas que Simon Pierre. Voir Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., I, 12, t. xx, col. 117. Mais cela est inadmissible, puisque, d’une part, quelques lignes plus haut, Gal., £, 18, Paul a déjà mentionné le prince des Apôtres sous le nom de Céphas, et que, d’autre part, tout son récit suppose que celui avec lequel il entra en discussion était un personnage jouissant d’une autorité supérieure. Aussi, presque tous les Pères et les anciens auteurs ecclésiastiques ; comme la plupart des commentateurs modernes et contemporains, ont-ils identifié ce Céphas et saint Pierre. Voir Céphas, t. ii, col. 429. — 2. On a supposé (Origène, d’après S. Jérôme, Epist. exil, ad August., 4, t. xxii, col. 918 ; S. Jean Chrysostome, Honi. in illud : In faciem ei rest-ili, 15, t. li, col. 384 ; S. Jérôme lui-même, In Episl. ad Gal., ii, 11, t. xxvi, col. 341) que, si saint Pierre et saint Paul ont agi comme le raconte ce dernier, c'était en vertu d’une entente préalable, afin de donner une leçon très forte aux judaïsants dans la personne du prince des Apôtres. Cette conjecture s’appuie sur une fausse interprétation du mot ùitoxpîii ; , « dissimulation. » En effet, en employant ce terme, saint Paul a seulement voulu dire que Céphas, Barnabe et leurs imitateurs avaient changé de conduite par de simples motifs de circonstance, par timidité et faiblesse, et non par suite d’une convicti on intime. Voir à ce sujet S. Augustin, Epist. xxvin et lxxxii, ad Hieronym., t. xxiii, col. 112, 276. Pour interpréter les faits, il faut les envisager de la façon la plus simple et la plus naturelle. Pierre, en arrivant à Antioche, partagea sans la moindre hésitation la vie et les repas des chrétiens d’origine païenne, ainsi qu’il avait déjà fait autrefois chez le centurion Corneille, Act., xi, 3 ; mais, plusieurs chrétiens issus du judaïsme étant venus à leur tour dans cette même ville, comme il les savait très attachés aux observances légales, il se trouva dans une situation fort délicate : s’il continuait de vivre avec les Gentils, il froissait les chrétiens de Jérusalem ; s’il se séparait des fidèles d’origine païenne, il les offensait eux-mêmes. Il lui parut cependant qu’il valait mieux, dans l’intérêt de son ministère, exercé surtout auprès des judéo-chrétiens, de se décider en faveur de la seconde alternative. Il en avait certainement le droit, puisque les Juifs convertis étaient libres encore d’observer la loi. Mais son exemple suscitait deux grands périls : d’un côté, quelques esprits exagérés pouvaient en conclure que les pratiques légales continuaient d'être strictement obligatoires pour les chrétiens issus du judaïsme, et pas seulement facultatives ; d’autre part, les païens convertis eux-mêmes pouvaient craindre qu’on ne les assujettît à. ces pratiques. Paul réclama au nom de ces derniers. Il ne dit pas en termes exprès ce que fit saint Pierre ; mais il n’est pas douteux que celui-ci ne se soit humblement soumis aux observations très justes de son c< bien-aimé frère Paul ». II Petr., iii, 15. Sur cette question, voir Pesch, Veberdie Person des Kephas, dans la Zeitschriftfùrkathol. Théologie, t. vii, 1883, p. 456490 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. v, p. 456-476 (ils donnent la liste des principaux auteurs qui ont cru, dans le cours des temps, que le Céphas d' Antioche est distinct du prince des Apôtres).

. IV. Saint Pierre d’après la tradition. — Ici, une distinction est nécessaire, car les documents sont loin de posséder tous la même valeur historique. Il en est que nous pouvons suivre en toute sécurité ; tels sont en général les renseignements fournis par les Pères de

l'Église, surtout par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme. D’autres sont plus ou moins associés à des détails merveilleux, légendaires, dont il est nécessaire de se défier ; dans cette catégorie se placent les Actes apocryphes de saint Pierre, les écrits connus sous le nom de littérature clémentine, etc. Néanmoins, ces sources de second ordre contiennent elles-mêmes quelques faits historiques, qui se dégagent assez facilement, grâce à la tradition sérieuse et à la critique, des fables dont ils sont entourés. Il faut noter encore que la tradition proprement dite nous fournit des données assez restreintes sur la vie et le ministère apostolique de saint Pierre. Du moins, elle nous renseigne très clairement sur les points essentiels

I. LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LA VIE DE SAINT PIERBB.

— À ce sujet, la tradition se borne à quelques points d’importance très secondaire. La mère de Simon se serait nommée Johanna. Cf. Cotelier, Constit. apost., ii, 63, t. i, col. 755. Sa femme aurait porté le nom de Perpétue ou celui de Concordia qui ne conviennent pas à une Juive, Patr. gr., t. i, col. 1365, note 43. D’après saint Jérôme, Adv. Jovinian., i, 26, t. xxiii, col. 245, elle serait morte d’assez bonne heure, avant que Pierre ne devînt le disciple de Jésus. Au contraire, au dire de Clément d’Alexandrie, Stroni., vii, 11, t. ix, col. 488, elle aurait subi le martyre à Rome, peu de temps avant lui. Il l’aurait accompagnée au lieu du supplice, en l’encourageant par ces paroles : « O toi, souviens-toi du Seigneur. >. Plusieurs adoptent ce dernier sentiment en concluant de I Cor., ix, 5, que saint Pierre, comme d’autres apôtres, se faisait accompagner, durant ses courses apostoliques, par sa femme, traitée comme une sœur. Saint Jérôme, loc. cit., mentionne une tradition d’après laquelle Pierre aurait eu plusieurs enfants. Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 6, t. vii, col. 1156. On lui a longtemps attribué une fille du nom de Pétronille, que mentionnent les Acta Nerei et Achillei, 15, et les Acta Philippi. Tischendorf, Apocal. apocr., p. 149, 155. Mais on reconnaît généralement aujourd’hui que cette attribution provient simplement d’une fausse étymologie. En effet, le nom « Petronilla » ne dérive pas de « Petrus », mais de « Petronius ». Par son père, sainte Pétronille appartenait à la célèbre « gens Flavià », c’est pour ce motif qu’elle fut enterrée dans la catacombe de Domitilla. Voir Lightfoot, St. Clément of Rome, t. i, p.37 ; F. X. Kraus, Real-Encyclopxdia der christl. Alterlhûmer, t. ii, p. 607 ; Acta sanctorum, maii t. vii, p. 420.

II. QUELQUES VOYAGES DU PBINCE DES APOTRES. —

1° Nous venons de le voir, saint Paul fait une allusion très claire aux courses apostoliques de saint Pierre. Notre héros serait-il allé à Corinthe ? Saint Denys, évêque de cette ville vers’le milieu du me siécle, l’affirme comme une chose très connue. Voir Eusèbe, H. E., ii, 25, t. xx, col. 209. S’adressant aux Romains, il leur dit : « (Pierre et Paul, ) étant entrés dans notre Corinthe, nous ont instruits ; puis, partis ensemble pour l’Italie, après nous avoir enseignés, ils ont subi le martyre en même temps. » Saint Clément pape, I Cor., xlvii, 1. 1, col. 308, semble admettre aussi ce séjour de saint Pierre à Corinthe. Néanmoins, la plupart des critiques contemporains le mettent au rang des hypothèses.

2° On regarde aussi, d’une manière assez générale, comme peu fondé le sentiment, d’ailleurs très ancien, d’après lequel saint Pierre aurait évangélisé les cinq provinces d’Asie Mineure auxquelles est adressée sa première Épître : le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie proconsulaire et la Bithynie. I Pet., i, 1. Origène, qui est le premier à mentionner cette opinion, In Gen., iii, t. xii, col. 92 ; cf. Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col. 216, en parle comme d’une simple conjecture, basée seulement sur ce que saint Pierre a écrit aux chrétiens de ces provinces : « Pierre paraît (iOtxev) avoir prêché dans le Pont, la Galatie… « Eusèbe fait de même, iï. £.,

m, 4, t. xx, col. 220 : « Que Pierreait prêché le Christ… dans ces provinces, cela ressort ouvertement de l’Épître. » Saint Épiphane, Hser., xxvii, 6, t. xii, col. 374, saint Jérôme, De Vir Ul., 1, t. xxrn, col. 138, et saint Léon, In Nat. apost. Pétri et Pauli serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425, présentent le fait en termes positifs ; mais ils ne paraissent pas avoir eux-mêmes appuyé leur sentiment sur d’autre preuve que la mention des cinq provinces dans l’Épître. Du reste, cette lettre ne contient aucun détail duquel on puisse conclure que l’auteur connaissait personnellement les destinataires ; elle suppose plutôt, I Pet., i, 12, 25 ; v, 12 ; cf. II Pet., iii, 2, que ceux-ci avaient été évangélisés par d’autres prédicateurs que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un séjour du prince des Apôtres en Asie Mineure n’est pas impossible en soi, il ne paraît pas avoir été démontré historiquement. Voir Gornely, Introd., t. ii, 3e part., p. 619 ; Lipsius, Apokr. Apostelgesch., t. ii, Ie part., p. 4 6. M. Hundhausen, Das ente Pontificalschreiben des… Petrus, 1873, p. 96, croit à la prédication de saint Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que l’apôtre ne fit que traverser rapidement les provinces en question.

3° On a prétendu aussi, mais seulement à partir du xvie siècle, que saint Pierre serait allé et aurait séjourné à Babylone, vers la fin de sa vie. Le motif allégué, c’est que la i a Pétri, v. 13, transmet aux chrétientés d’Asie Mineure les salutations de l’Église de Babylone (r iv’BotSuXfâvi auvexXexrri) ; d’où il suit, disent les partisans de cette opinion, que l’apôtre résidait à Babylone lorsqu’il composa son écrit. C’est Érasme, In 1 Pet., xv, 13, qui inventa le premier cette explication. De nombreux protestants l’adoptèrent aussitôt, pour enlever à la théorie de la venue et du séjour de saint Pierre à Rome un de ses principaux arguments. Mais il n’est pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici dans un sens métaphorique. En effet, — 1. telle a été l’opinion unanime des écrivains ecclésiastiques des premiers siècles : entre autres, de Papias et de Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., ii, 15, t. xx, col. 73, d’Eusèbe lui-même, ibid., de saint Jérôme, De vir. Ul., 8, t. xxiii, col. 655, du Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xciii, coi. 6*3, d’CEcuménius et de Théophylacte, et les commentateurs catholiques les ont suivis, à part de très rares exceptions. On est surpris de compter parmi ces exceptions les savants et judicieux écrivains Hug, Einleitung in die Schriften des N. T., 3e édit., t. ii, p. 550, et A. Maier, Einleit. in die Schrift. des N. T., p. 413. — 2. Ce nom symbolique convenait fort bien pour désigner Rome, qui n’avait que trop parfaitement remplacé l’antique Babylone sous le rapport du paganisme, de l’ambition et de l’immoralité. — 3. Les Juifs l’employaient couramment dans ce sens. "Voir Schœltgen, Hor. hebr. et talmud., p. 1050 et 1125 ; les Oracles sibyllins, v, 143, 158, etc. — 4. Saint Jean fait de même dans son Apocalypse, xiv, 8, et xviii, 2, 10, et personne n’a jamais songé à prendre à la lettre, dans cet écrit, le nom de Babylone. — 5. Il n’existe aucune tradition proprement dite au sujet d’un voyage de saint Pierre à Babylone, et ce silence est difficile à expliquer, si l’apôtre avait réellement entrepris ce voyage. Voir P. Martin, Saint Pierre, sa venue et son martyre à Rome, dans la Revue des Questions historiques, t. xiii, 1873 (article très documenté et rempli de témoignages empruntés à des écrivains orientaux). Lipsius, il est vrai, (oc. cit., t. ii, 2 « part., p. 145-146, 175, mentionne, d’après Assemani, Bibliotheca orientalis, t. ut, 2e part., p. vi, des écrivains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita Babylone ; mais ces auteurs sont relativement récents, et leur assertion n’a pas d’autre base que le passage I Pet., v, 13, interprêté à la lettre. Voir Farrar, The early Days of Christianity, 1884, p. 595-596 ; Cornely, Introd., t. ii, 3° part., p. 621-623 ; Hundhausen, loc. cit.,

p. 82-90 ; Th. £ahn, Einleitung in das N. T., t. ii, p. 17 ; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698. — Mais laissons de côté le faux et le douteux, pour nous occuper de faits réels et certains. Or, il en est deux qu’une tradition très nette et très ancienne, dont nous avons des témoignages multiples, a rendus indubitables. C’est l’installation successive de la chaire de saint Pierre à Antioche et à Rome : deux événements d’une importance capitale.

111. LA CHAIRE D~E SAINT PIERRE À ANTIOCHE DE SV rie. — 1° Ce fait est parfaitement garanti par Eusèbe et par saint Jérôme. « Pierre fonda la première Église d’Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d’Eusèbe, t. xix, col. 539. Il s’agit sans aucun doute, de la chrétienté mentionnée Act., xi, 19, et composée uniquement de Juifs convertis, par contraste avec la deuxième Église de la même ville, en grande partie formée de chrétiens issus du paganisme, et développée grâce au zèle de Paul et de Barnabe. Act., XI, 20-26. Dans sa traduction du Chronicon, saint Jérôme n’a pas donné le sens exact de ce passage, car il dit : « Petrus, cum primum Antiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte porte, avec la nuance que nous venons d’expliquer : TÎ|v Iv’AvxtojreiaicpwTriv… èxxXr|(Ttav. Ailleurs, R.E., Xl, xxxvi, 2, t. xx, col. 288, Eusèbe suppose aussi la translation de la chaire de saint Pierre à Antioche, car il affirme qu’Évodius succéda en 42 au prince des Apôtres comme évêque de cette ville. Saint Jérôme, de son côté, est très formel sur ce même point : Simon Petrus. .., princeps Apostolorum…, post episcopatum Antiochensis ecclesise… Romam pergit. De vir. Ul., 1, t. xxiii, col. 608. Nous pouvons citer encore le témoignage de saint Léon le Grand, In Nat. apost. Pétri et Pauli Serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425 : Jam Antiochenam ecclesiam, ubi primum christiani nominis dignitas est orla, fundaveras. Cf. Epis t., cvi et CXlx, t. liv, col. 1007, 1042 ; Origène, Rom. ri inLuc., t. xiii, col. 1815 ; S. Jean Chrysostome, liomilia. in Ignalium martyr., t. L, col. 591 ; Théodoret, Dial. Immut., t. Lxxxiir, p. 81 ; le Chronic. Pasch., t. xcii, col. 557 ; les Constit. apost., vii, 46, t. i, col. 1049 ; le Liber pontif., édit. Dur chesne, p. 51-55, 118 ; la littérature dite clémentine, dont les sources remontent au moins au commencement du me siècle, notamment Recognit., x, 68, t. i, col. 468 ; Hom., xx, 23, t. ii, col. 1452.

2° L’époque et la durée du séjour de saint Pierre à Antioche ne sauraient être déterminées avec certitude. Il est possible, nous venons de le voir d’après Eusèbe, que Pierre ait pris en mains le gouvernement de l’Église d’Antioche dès l’année 36 de notre ère. Évodius lui ayant succédé en 42, 1’épiscopat du prince des Apôtres dans la métropole de la Syrie aurait par là-même duré sept ans, comme Eusèbe l’affirme en propres termes. Cf. S. Grégoire le Grand, Epist., vii, 40, t. lxxvii, col. 899. Une autre tradition, qui paraît moins digne de foi, lui attribue une durée de dix ans. Voir Duchesne, Liber pontif., p. 50. Quoi qu’il en soit, il est certain que saint Pierre, même après s’être fixé à Antioche, ne lit pas de cette ville sa résidence exclusive ; rien ne s’opposait à ce que, de ce centre, il allât visiter les chrétientés auxquelles sa présence était utile ou nécessaire. Divers auteurs ont supposé que Pierre ne transporta sa chaire à Antioche qu’après avoir été miraculeusement délivré de la prison où Hérode Agrippa l’avait enfermé, Act., xii, 1-11, par conséquent, après l’année 43. Mais, sans compter qu’Eusèbe signale une date de beaucoup antérieure, ce sentiment a contre lui le récit des Actes, qui suppose que, vers l’an 43 ou 44, saint Paul et saint Barnabe avaient la direction de l’Église d’Antioche. Sur les relations de saint Pierre avec la capitale de la Syrie, voir H. Kellner, Die Feste Cathedra Pétri und der antiochenische Epkkopal Pétri, dans la Zeitschrift fur kathol. Théologie, Inspruck, 1889, p. 566-575 ; W. Esser,

Der antiochenische Episkopat Pétri und die Feste Cathedra Pétri, dans le Katholik, 1890, t. i, p. 321-335, 449459. '

IV. LA CHAIRE DE SAINT PIERRE À ROME, — 1° Pierre

lui-même, nous l’avons vii, col. 371, date de Rome, la Babylone mystique, sa première Épître. I Pet., v, 13Plusieurs Pères apostoliques supposent ou affirment, dans un langage très formel, sa venue et son apostolat à Rome : saint Clément, l’un de ses premiers successeurs (vers 96), 1 ad Cor., 5, t. i, col. 217 ; saint Ignace (vers 115), ad Rom., iv, 3, t. v, col. 808 ; Papias (vers 130), dans Eusèbe, H. E., ii, 15, t. xx, col. 172. Plus tard, nous avons, dans le même sens, les témoignages de saint Denys de Corinthe (vers 170), ibid., ii, 25, 7-8, col. 209 ; de saint Irénée, venu à Rome en 177, Cont. heer., III, T, 1 et 2, t. vit, col. 845 ; des Philosophoumena, v, 20, t. xvi, col. 3226, part. 3 ; de Clément d’Alexandrie (vers l’an 200), dans Eusèbe, H. E., II, xv, 2, et "VI, xiv, 5, t. xx, col. 172, 552 ; du prêtre romain Caïus (même date), ibid., ii, 25, 7-8 ; deTertullien (même date), De Prœscript., xxxvi, t. ii, col. 49 ; Scoripac., 15, t. ii, col. 15 ; Adv. Marc, iv, 5, t. ii, col. 366 ; plus tard encore, d’Origène (vers 250), Expos, in Gen., t. iii, dans Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col.216 ; de saint Cyprien, Epist. LIX ad Cornel., t. iii, col. 806 ; au IVe siècle, d’Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172 ; Demonstr. evang., III, v, 65, t. xxil, col. 209 ; de Lactance, Institut, div., iv, 21, t. vi, col. 516 ; de saint Jérôme, De vir. ill., i, 8, t. xxiii, col. 654, et In Gai. ii, 11-13, t. xxvi, col. 341, etc. Voir sur cette question Baronius, Annal., ad ann. 44 et suiv. ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, édit. de 1701, t. i, p. 162 ; Nat. Alexander, Hist. ecclesiastica, t. iii, dissert. XIII, p. 168 ; Dôllinger, ChristenthumundKirche, Ratisbonne, 1860, p. 95-105 ; Windischmann, Vindicise Petrinse, Ratisbonne, 1836 ; Ginzel, Neue Vntersusch. ûber den Episkopat und Martyrtod des heil. Petrus in Rom, dans la Œsterreich. Vierteljahrschrift fur kathol. Théologie, 1877, p. 469 ; C. Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, p. 535-545 ; Hundhausen, Das erste Ponlificalschreiben des Petrus, p. 35-60 ; Lecler, De Romano sancli Pétri episcopalu, Louvain, 1888 (p. 9 l’auteur donne une liste complète des écrivains catholiques qui ont défendu la même thèse) ; Schmid, Petrus in Rom, oder Novse vindicise Petrinse, Lucerne, 1892 ; Felten, die Apostelgeschichte, Fribourgen-Brisgau, 1892, p. 240-244 ; T. Livius, St. Peter, Bishop of Rome, or the Roman Episcopate of the Prince of the Apostles, Londres, s. d. ; Me Giffert, A History of C hristianily in the apostolical Age, 1897, p. 591-597.

2° La date du premier voyage de saint Pierre à Rome demeurera probablement toujours incertaine. Nous avons cependant, pour essayer de la fixer, les documents suivants. — 1. Suivant Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172, saint Pierre serait allé à Rome sous le règne, de Claude (41-54). Orose, .Hist., vii, 6, t. xxxi, col. 1078, est un peu plus précis : Exordio regni Claudii. D’après la traduction du Chronicon d’Eusèbe par saint Jérôme, ii, 153, t. xxvii, col. 577, ce voyage aurait eu lieu la seconde année du même règne (42-43). Saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608, adopte la même date pour son propre compte. La traduction arménienne du Chronicon, ii, t. xix, col. 539, déclare aussi qu'Évodius succéda en cette même année à saint Pierre sur le siège épiscopal d’Antioche. Il est vrai qu’un peu plus haut, ii, 150, la même traduction arménienne assigne à l’an 39 l’arrivée de saint Pierre à Rome ; mais il y a en cela une erreur évidente. La date très nettement fixée par saint Jérôme est selon toute probabilité la véritable. — 2. Si nous parcourons la première partie du livre des Actes, i, 1 ; xii, 25, nous voyons qu’il n’y a pas de place pour un voyage et un séjour de saint

Pierre à Rome avant sa délivrance miraculeuse de prison, xii, 1 sq. Or, ce dernier fait ne saurait s'être passé antérieurement à la Pâque de l’année : 42 ; puisque Hérode Agrippa I" fut institué roi de Judée par l’empereur Claude, lequel monta sur le trône le 25 janvier 41. Le même fait n’est certainement pas postérieur à l’an 44, durant lequel mourut Agrippa. Il est donc très possible que le trait du récit des Actes, xii, 17, ce Il s’en alla dans un autre lieu, » se rapporte au départ de saint Pierre pour Rome. Voir P. Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1885, p. 15 ; Hundhausen, Dos erste Pontificalschreiben …Petrus, p. 16 ; Felten, Die Apostelgeschichte ûbersetzt und erklàrt, 1892, p. 240, etc. — 3. Alors même que cette date n’a pas le caractère d’une entière certitude, et qu’elle n’est pas mathématiquement démontrable, elle nous paraît du moins très vraisemblable. Des historiens catholiques assez nombreux l’ont adoptée de nos jours. Voir, entre autres, Funk, article Petrus dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte f 2e édition, t. ix, col. 1861. Elle coïncide d’ailleurs assez bien avec l’assertion d’Apollonius (vers 200 ; dans Eusèbe, H. E., V, xviii, 14, t. xx, col. 480) et de Clément d’Alexandrie, Slrom., vi, 15, t. IX, col. 264, d’après laquelle Notre-Seigneur aurait enjoint à ses disciples de demeurer à Jérusalem pendant les deux premières années qui suivraient son ascension. Si Lactance, De morte persecut., 2, t. vii, col. 195, fixe une date beaucoup plus tardive (après l’année 64), c’est sans doute parce qu’il fait allusion, au dernier voyage de saint Pierre à Rome.

3° La durée du séjour de Pierre dans la capitale du monde romain ne saurait être non plus déterminée avec certitude ; les bases chronologiques ne sont pas assez sûres pour cela. Voici les faits principaux. Dans la version arménienne du Chronicon d’Eusèbe, t. xix, col. 539, on doit lire : « Le chef de l'Église demeura là (à Rome) pendant vingt-cinq ans. » C’est ce que porte la version latine de saint Jérôme, t. xxvii, col. 571 : Viginti quinque annis ejusdem urbis episcopus persévérât. Le saint docteur nous fait connaître en ces termes son sentiment personnel, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 607 L Romani pergit, ibique viginti quinque annis cathëdram sacerdotalem tenuit, usque ad ultimurq annum Neronis, id est, quartum decimum (l’an 67 de notre ère). Cette durée de vingt-cinq ans pour le pontificat romain de Pierre est aussi mentionnée dans les différentes éditions du Liber pontificalis. Voir celle de Ma r Duchesne, p. xx, 2, 50, 118. Toutefois, les détails par lesquels le fait est développé dans cet écrit célèbre varient au point d'être contradictoires. Il n’en demeure pas moins frappant de constater que, de très bonne heure (dès le ye siècle, d’après Funk, l. c, col. 1864), . on mentionne cette durée de vingt-cinq ans. Nous pouvons donc fort bien admettre, en nous conformant aux données d’Eusèbe et de saint Jérôme, qui paraissent résumer les anciens témoignages sur ce point, que saint Pierre fut évêque de Rome entre les années 42 et 67.

4° De son activité apostolique dans la capitale des Césars, il ne nous est parvenu que trois détails. D’abord, comme il fallait s’y attendre, les épreuves ne lui manquèrent pas, ainsi que l’affirme saint Clément, / ad Cor., v, 4, t. i, col. 217. En second lieu, sa prédication obtint un merveilleux succès. Comme nous l’apprend Eusèbe, H. E., ii, 15, t. xx, col. 172, en s’appuyant surles témoignages de Papias et de Clément d’Alexandrie (voir, de ce dernier, Hypotypos., vi, dans Eusèbe, . H. E., VI, xiv, t. xx, col. 552), les fidèles de Rome demeurèrent toujours avides de l’entendre, et ils forcèrent instamment son disciple saint Marc de la mettrepar écrit, pour qu’ils n’en perdissent jamais le souvenir. C’est ce qui occasionna la composition du second

Évangile. En troisième lieu, il.eut probablement, tout é fait à la fin de sa vie, une nouvelle rencontre avec Simon le magicien. Bien que les détails qui entourent -cet épisode dans la littérature clémentine et dans les autres écrits apocryphes soient légendaires en grande partie, le fait même est attesté et regardé comme historique par des écrivains ecclésiastiques aussi anciens que judicieux, tels que saint Irénée, Tertullien, saint Hippolyte, Eusèbe, etc. ; c’est pourquoi divers critiques contemporains en parlent comme d’un événement certain, tout en le dégageant des fables dont il est environné ; d’autres, il est vrai, le rejettent totalement. Voir C. Fouard, Saint Pierre, p. 551, L. Duchesne, Les Origines chrétiennes, p. 87-113, etc. En tout cas, il est. bien évident que le prince des Apôtres, même après s’être installé à Rome, n’y séjournait pas perpétuellement ; il s’en allait parfois, lorsque les besoins de l’Église réclamaient ailleurs sa présence. C’est ainsi que nous le trouvons à Jérusalem, pour l’assemblée qui s’y tint vers l’an 50, Act., i, 15 et à Antioche un peu plus tard. Gal., ii, 11.

V. LES DERNIERS INCIDENTS DE SA VIE ; SON MARTYRE

et son tombeau. — 1° Rien n’est complètement certain lion plus sur les faits qui précédèrent immédiatement la mort de saint Pierre. Arrêté par l’ordre de Néron, il tut, d’après une tradition longtemps en honneur, mais aujourd’hui battue en brèche (voir Kraus, Real-Encyklopâdie der christl. Alterthûmer, t. ii, p. 611), jeté dans le cachot nommé Tullianum, dans d’obscur caveau de la prison Mamertine, au pied du Capitule. Voir H. Grisar, Histoire de Rome, trad. Ledos, 1906, t. i, p. 207-210.

2° Le théâtre de sa mort fut Rome : il n’y pas le moindre doute sur ce point. Nous en avons pour garants saint Clément pape, / ad Cor., v et vi, 1. 1, col. 217, 220 ; Cafus dans Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209 ; S. Denys de Corinthe, ibid., Il, xxv, 8 ; Origène, ibid., III, i, 1, col. 216 ; Tertullien, Adv. Marc, iv, 5, t. ii, col. 375 ; Eusèbe, Demonstr. evang., III, v, 65, t. xxii, col. 209 ; saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608 ; de même les Acta Pétri et Pauli (Tischendorf, Acia Aposlolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 35), la littérature clémentine. Voir Clementinse, édit. de Lagarde, Leipzig, 1865, p. 6. Le témoignage des Clémentines est remarquable ; en effet, les hérétiques qui les ont composées auraient difficilement songé d’eux-mêmes à faire mourir saint Pierre à Rome, si le fait n’avait pas été réel. Il est frappant aussi de voir que « si plusieurs Églises revendiquent l’honneur d’avoir été fondées par Pierre, aucune, sauf Rome, n’a revendiqué la gloire de son martyre. » A. Brun, L’Apôtre Pierre, p. 63, note 1. L’endroit spécial de Rome où le vicaire du Christ subit le martyre ne fut probablement pas l’emplacement actuel de l’Église San Pietro in Montorio, sur le Janicule, mais celui de la basilique de saint Pierre, sur la colline vaticane. Voir. Marucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, t. i, p. 11.

3° Pierre subit le martyre pour son Maître, comme celui-ci le lui avait prédit (Joa., xxi, 22. Voir Denys de Corinthe et Caïus, l. c. ; Tertullien, Adv. Marc, iv, 5, t. ii, col. 375. Son genre de mort fut le crucifiement, ainsi que nous l’apprennent Origène, dans Eusèbe, H. E., III, I, 2, t. xx, col. 216 ; Tertullien, De prœscript., 56, t. i, col. 461, et Scorpiac, 15, t. ii, col. 151 ; saint Jérôme, De vir. ill., 15, t. xxiii, col. 631 ; Eusèbe, Dem. evang., III, v, 65, t. XXII, col. 209, etc. Origène et saint Jérôme ajoutent que, sur sa demande, le prince des Apôtres fut crucifié la tête en bas, pour n’être pas égalé à son-Maître. Sénèque, Consol. ad Marc, 20, mentionne en termes formels cette aggravation du crucifiement, comme étant usitée de son temps. D’après l’explication la plus naturelle, c’est bien le supplice de la croix qui est désigné dans la prophétie du Sauveur, Joa., xxi, 22 : « Tu étendras tes bras… » C’est ce que reconnaissait déjà Tertullien, Scorpiac, 15, t. i, col. 151 : Tune Petrus ab altero cingitur, cum cruci adslringitur.

4° La date de sa mort. — Suivant M^ Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, t. i, p. 64, « c’est… en 64 qu’il convient de placer son martyre. » Le savant historien ajoute dans une note : « Eusèbe le met en 67 ou 68 ; cependant, comme il indique en même temps la persécution de Néron, son attribution n’est pas sans ambiguïté. La persécution de Néron… commença à l’été de 64. » Nous préférons nous en tenir à la date d’Eusèbe, et tout spécialement à l’année 67, la quatorzième du règne de Néron, qui est adoptée par saint Jérôme et par la plupart des historiens modernes et contemporains. Voir Gams, Das Jahr des Martyrtodes der Apostel Petrus und Paulus, Ratisbonne, 1867 ; A. Rartolini, Sopra Vanno 67 dell’era volgare, se fosse quel del martirio de’gloriosi apostoli, Rome, 1868. D’après saint Épiphane, Béer., xxvii, 6, t. xli, col. 373, c’est dès la douzième année de Néron (en 66), qu’aurait eu lieu le martyre de saint Pierre. Déjà le catalogue libérien cite le 29 juin comme le jour de cette glorieuse mort. Les Acta Pétri et Pauli font de même. Cf. Tischendorf, Acta Apostol. apocr., p. 39. On ne saurait faire rigoureusement la preuve ; mais d’assez nombreux critiques acceptent cette ancienne donnée comme véritable. Voir Erbes, Die Todestage der Apostel Paulus und Petrus, dans les Texte und Untersuchungen, nouvelle série, t. iv, I re partie, 1899.

5° Saint Pierre subit-il le martyre en même temps que saint Paul ? Plusieurs anciens auteurs le disent formellement ; entre autres, Denys de Corinthe, dans Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209 : « Ils ont rendu témoignage à la même époque, » y.axà tôv aÙTÔv xatpôv. Cf. Eusèbe, Chronic, traduction armén., t. xix, col. 524, et traduct. de saint Jérôme, t. xxvii, col. 589. Saint Jérôme, De vir. ill., 5, t. xxiii, col. 617, dit, en parlant de Paul : Eodem die guo Petrus Romæ pro Christo capite truncatur. Les traditions romaines s’expriment dans le même sens. D’autres anciens écrivains, sans affirmer directement ce fait, le supposent : tels saint Clément pape, Caïus, Origène, Tertullien, l. c De nombreux historiens contemporains se rangent à cette opinion. Voir Funck, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte, édit. Kaulen, t. ix. col. 1863. Le poète Prudence, Peristeph., 12, t. lx, col. 556-557, 560, fait mourir saint Paul un an après saint Pierre. Cf. aussi saint Augustin, Serm., ccxcv, 7, et Serai., ccclxxxi, t. xxxviii-xxxix, col. 1352, 1683, qui ajoute cependant que le jour du martyre fut le même.

6° Le prince des Apôtres fut enseveli tout près du lieu de son supplice, sur la colline Vaticane, comme le disait déjà le prêtre romain Caïus, dans Eusèbe, H. E., ii, 25, t. xx, col. 207 : « Si tu veux aller sur le Vatican ou sur a voûte d’Ostie, tu trouveras les trophées (ra TpÔ71aia) de ceux qui ont fondé cette Église, y> c’est-à-dire les tombeaux glorieux de sjint Pierre, enterré au Vatican, et de saint Paul, enseveli près de la « via Ostiensis ». Saint Jérôme signale le même fait, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 607. Une tradition identique a été conservée par le Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 52-53, 158-159, et les Acta Pétri et Pauli, 84, édit. Lipsius, p. 216. C’est là que le pape Anaclet construisit la Memoria beali Pétri (Lib. pontif., édit. Duchesne, p. 55 et 125) ; là que Constantin bâtit une basilique, sur l’emplacement de laquelle s’élève aujourd’hui l’œuvre admirable du Bramante et de Michel-Ange.

V. Portrait moral et physique de saint Pierre ;

SON ENSEIGNEMENT D’APRÈS LES DISCOURS DU LIVRE DES

Actes. — I. caractère du prince des apôtres. — Il n’a pas toujours été décrit exactement. C’est ainsi que divers écrivains, soit catholiques, soit protestants, attribuent à l’apôtre trop de défauts naturels : les uns, pour relever la puissance de la grâce ; les autres, pour amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral est cependant aisé à reproduire, car ses grandes lignes sont esquissées aussi clairement que possible dans les récits évangéliques et au livre des Actes. La fougue, l’ardeur impétueuse en étaient le trait le plus saillant : ses paroles ne le démontrent pas moins bien que ses actes. Voir Matth., xvi, 22 ; xvii, 4 ; Marc, xiv, 29 ; Luc, v, 8 ; Joa., vi, 69 ; xiii, 9, 37, etc. À cet entrain véhément, qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des autres Apôtres, cf. Matth., xv, 15 ; xvi, 16 ; xviii, 21 ; Marc, i, 36 ; xi, 21 ; Luc, viii, 45 ; Ooa., vi, 69-70, etc., se joignaient la mobilité et l’impressionnabilité, cf. Matth., xiv, 30 ; Luc, v, 8, l’enthousiasme, Matth., xiv, 28-29, la candeur, Matth., xvi, 22 ; xvii, 4, la franchise et la loyauté, Matth., xix, 27 ; Luc, v, 5, la générosité et la vaillance, Matth., iv, 18-20 ; Joa., xviii, 10 ; Act., ii, 14 ; iii, 12-26, iv, 8 ; v, 29, etc., parfois la présomption et l’obstination, Matth., xxvi, 33, la timidité, Gal., ii, 11-12, et même la faiblesse. Matth., xxvi, 40, 69. À ces divers points de vue, la nature de Pierre reflétait celle dés Galiléens, ses compatriotes, telle que l’historien Josèphe nous l’a décrite. Voir Ant. jud., xvi, 17 ; Bell. jud.. III, iii, 2. Il était avant tout un homme d’action, comme il sut le montrer de la façon la plus admirable après la mort de JésusChrist. Son cœur était chaud, généreux, dévoué, ainsi qu’on le voit par de nombreux passages du Nouveau Testament. Voir L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 182-185.

II. SA REPRÉSENTATION SUR LES MONUMENTS FIGURÉS.

— Le portrait physique de saint Pierre est très souvent reproduit sur les anciens monuments (sarcophages, mosaïques, fonds de verres, fresques des Catacombes). Voir Smith, Dictionarij of Christian Bibliography, t. ii, p. 1621 ; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte und Apostellegenden, t. ii, Ie partie, p. 213 ; F. X. Kraus, Realencyklopâdie der christl. Alterthùmer, t. ii, p.67 ; O. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, 1900, p. 161-169. « Saint Jérôme In Gal., i, 18, t. xxvi, col. 329, rapporte, d’après un ancien livre apocryphe, que saint Pierre aurait été chauve ; et parfois il est figuré comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens, il porte la barbe, des cheveux courts et frisés ; son visage est rond ; ses traits sont ordinaires, comme ceux de la plupart des gens du peuple ; toutefois, quoiqu’il ne soit nulle part idéalisé, sa physionomie respire toujours l’intelligence et la bonté. Plus tard, on le représente avec une tonsure : c’est le fruit d’une légende signalée par plusieurs écrivains du vie ou du vif siècle, et suivant laquelle saint Pierre aurait été ignominieusement tondu par les ennemis de l'Évangile. » L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188, lig. 579, la figure à droite.

III. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE

SAINT pierbe. — Plus loin, nous aurons à spécifier la doctrine que le prince des Apôtres enseigne dans chacune de ses Épitres. Il est bon d’indiquer ici celle qui se dégage de ses huit discours du livre des Actes. Notons cependant qu’on aurait tort de vouloir déterminer .rigoureusement par ces discours, comme on l’a fait parfois, quel était l’enseignement caractéristique soit de saint Pierre, soit des autres Apôtres, au début de l’histoire de l'Église. On ne doit pas oublier que ces allocutions furent des improvisations rapides, dictées par les circonstances, qu’elles furent nécessairement brèves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement d’y développer le symbole chrétien, soit en général, soit même sur tel ou tel point particulier. Il serait donc inutile d’y chercher, et de prétendre y trouver, un système dogmatique, parce que c’est avant tout une prédication apostolique, dont nous n’avons d’ailleurs qu’un écho nécessairement affaibli, quelque fidèle qu’il soit.

Cette réserve faite, il est très intéressant de les parcourir, pour les envisager sous le rapport doctrinal. Voir *B. Weiss, Lehrbuch der bibl. Théologie des N. T., i » édit., Berlin, 1884, p. 114-116, 123-144 ; *Lechler r Bas apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3e éd. r Leipzig, 1885, p. 225-241 ; *Mc Giffert, À History of Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63, 482-486 ; *Bovon, Théologie du Nouv. Test., 2e éd., 1905, t. ii, p. 51-70.

Les discours les plus importants au point de vue qufr nous étudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa au peuple le jour de la Pentecôte, Act., ii, 14-40 ; 2° celui qu’il prononça dans la cour du Temple, aprèsla guérison du paralytique, Act., iii, 12-26 ; 3° celui qu’il adressa au centurion Corneille et à ses amis. Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour but direct de gagner les auditeurs à la foi chrétienne. Néanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act., i r 16-22 ; iv, 8-12 ; v, 29-32 ; xi, 4-17 ; xv, 7-11, et la prièredes fidèles, iv, 24-30, sont aussi très instructifs sous ce rapport. Des idées dogmatiques, morales, apologétiques et polémiques très variées y sont exprimées. On a dit très justement (B. Weiss, l. c, p. 116) qu’on n’a pas suffisamment apprécié ces discours au point de vue théologique. Ce sont les documents les plus anciens que nous ayons pour nous renseigner sur la prédication apostolique au début de l’histoire de l'Église. Sur leur authenticité, voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152.. On peut les résumer tous en un mot très exact : ils sont un témoignage rendu à N.-S. Jésus-Christ. La> doctrine en est très simple, comme le demandaient les= circonstances ; elle est cependant très riche aussi.

1° Rapports de la religion nouvelle avec celle deV Ancien Testament. — Ces rapports sont très intimes ; les deux religions sont étroitement alliées. La seconde se rattache à la première comme à sa racine, à sa préparation. Saint Pierre est très formel sur ce point, et il y revient fréquemment. Dans ses discours, commeplus tard dans ses écrits, il répète sans se lasser que le christianisme s’appuie de toutes manières sur les= oracles prophétiques, qui l’ont annoncé d’avance, et dont il est la réalisation parfaite. Cf. Act., ii, 14-21, 24-36 ; iv, 11 ; x, 43. Il cite en ce sens Moïse, Act., iii, 22-23, les Psaumes, Act., ii, 25-36 ; iv, 11, les grandset les petits prophètes, en particulier Joël, Act., ii, 1721 ; Jérémie, xxxi, 34, tous les oracles de l’AncienTestament ire globo. Act, iii, 24. Ce fait ne pouvait qu’intéresser et frapper vivement les auditeurs juifs de l’apôtre.

2° La christologie. — C’est le point de départ, le point central et aussi le terme de la prédication desaint Pierre, Jésus est le Messie prédit par Dieu à sonpeuple, impatiemment attendu-et désiré par les Juifs aux différentes époques de leur histoire. Act., iii, 22. Dieu l’a en quelque sorte légitimé, accrédité par des miracles et des signes nombreux, Act., ii, 22, 36 ; x, 38 ; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38 ; cf. Marc, i, 10. Jésus est le prophète annoncé par Moïse, le serviteur de Jéhovah prédit par lsaïe. Act., iii, . 13, 26 ; iv, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait ellemême dans le plan divin. Act., ii, 23 ; iii, 18 ; iv, 11, 25-28 ; v, 30 ; x, 39. La preuve la plus frappante de son » caractère messianique consiste dans sa résurrection, , dans son ascension et dans sa glorification sublime auprès de son père. Act., ii, 33-35 ; v, 31, etc. Saint Pierre ne manque jamais d’opposer ces faits glorieux à la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., ii, 36 ; m, 15 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, 40. En effet, humainement' parlant, la croix de Jésus était la négation de son caractère messianique, tandis que sa résurrection en est lapreuve la plus convaincante ; aussi l’apôtre fait-il dece dernier mystère le centre de toute sa prédication.. Cf. Act., i, 8, "22 ; ii, 2-32, 36 ; iii, 15 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, .

42, etc. Vivant et triomphant dans le ciel, il demeure toujours uni à son Église et lui envoie sans cesse de précieux secours. Act., Il, 33 ; iii, 16 ; IV, 10. Il reviendra un jour, puissant et glorieux, pour juger tous les hommes, Act., iii, 26 ; x, 42, et alors commencera une ère de consommation pour son Église. Il est la pierre angulaire sur laquelle repose tout l’édifice chrétien. Act., iv, 11. — Les discours de Pierre n’affirment pas explicitement et directement la divinité de Jésus-Christ, mais ils la supposent constamment. Le point essentiel consistait à démontrer d’abord aux Juifs que Jésus « tait le Messie depuis longtemps promis. Il est le Saint de Dieu par excellence, ô Sotôç trou, Act., Il, 27, le saint et le juste, Act., iii, 14, le prince de la vie, Act., iii,

15, le Seigneur de toutes choses. Act., x, 36. Il est le Seigneur par antonomase (4 xvpioç), comme Dieu lui-même, Act., i, 24 ; ii, 20, 21, 36 ; iii, 20 ; vii, 59-61 ; XI, 23, 24, etc., ou le Seigneur Jésus. Act., i, 31 ; iv, 33 ; XV, 11, etc. Dieu était avec lui d’une manière toute spéciale, Act., x, 38 ; en lui seul est placé le salut du monde. Act., iv, 12 ; v, 31. Assis sur le trône de Dieu, il est évidemment son égal. De grands miracles s’accomplissent en son nom. Act., iii, 6, 16 ; iv, 30, etc. À tous ces points de vue, il est un être unique, d’une dignité et d’une puissance extraordinaires. Mais il est homme aussi : c’est Jésus de Nazareth, « homme approuvé de Dieu, » Act., ii, 22, et, à ce titre, descendant royal de David. Act., ii, 30.

3° La sotériologie. — Avec Jésus-Christ a commencé l’ère de rédemption annoncée par les prophètes. Act., ii, 7 ; iii, 24 ; x, 43. Les moyens de s’approprier le salut apporté par lui consistent : — 1. Sous le rapport négatif, à faire pénitence et à rompre avec le péché, Act., ii, 38 ; ht, 26 ; — 2. Sous le rapport positif, à accepter sans hésitation la prédication apostolique, qui est la parole de Dieu lui-même, Act., iv, 29 ; v, 32 ; x, 41-42, etc., à croire en Jésus-Christ comme au Sauveur depuis longtemps prédit, Act., ii, 36 ; x, 43, et à recevoir le baptême en son nom, de manière à faire.partie de la société des élus. Act., ii, 38. En échange de cette foi en sa personne et pour rendre plus certaine l’acceptation individuelle du salut, Jésus remet les péchés des croyants sincères, Act., ii, 38 ; iii, 19 ; x, 43 ; il leur communique son Esprit, selon les antiques promesses, Act., ii,

16, etc. ; il leur accorde le salut éternel. Act., iii, 15 ; IV, 11-12 ; v, 31, etc. Israël, en tant que peuple de l’alliance, avait un droit spécial à la rédemption messianique, cf. Act., ii, 39 ; iii, 26 ; v, 31 ; x, , 36, 42, etc. ; mais tous les peuples du monde, sans exception, devaient y participer aussi. Act., it, 17, 39 ; iii, 25 ; x, 34-35 ; xv, 7. — On le voit par ce simple sommaire, rien n’est plus précis que l’enseignement doctrinal du prince des Apôtres, malgré son caractère élémentaire. Les Épîtres nous le présentent sous une forme plus large et plus complète.

VI. Bibliographie. — Voir C. Pouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, Paris, 1886 ; Ma" Le Camus, L’œuvre des Apôtres, t. i, Fondation de l’Église chrétienne, Paris, 1891 ; Xavier, Historia S. Pétri, 1639 ; P. Scheuren, Petrus der Apostelfùrst u. Statthalter Christi, nach der ii, Schrift, den Vâtern… dargestellt, Aix-la-Chapelle, 1846 ; Janvier, Hist. de saint Pierre, Tours, 1875 ; *J. S. Howson, Studiesin theLife of St. Peter, Londres, 1883 ; * A. Birks, Studies in the Life and Character of St. Peter, Londres, 1887 ;

  • Couard, Simon Petrus der Apostel des Herrn, 188Q ;

Henriot, Saint Pierre, son apostolat, son pontificat, son épiscopat ; histoire, traditions et légendes, Lille, 1891 ;

  • H. G. Thomas, The Apostle Peter, outline Studies

in his Life, Character and Writings, Londres, 1904 ; L.-CI. Fillion, Saint Pierre, Paris, 1906 ; * A. Brun, Essai sur l’apôtre Pierre, Montauban, 1905.

L. Fillion.

2. PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT). — I. La

question d’authenticité. — Nous étudierons successivement les preuves extrinsèques et les arguments intrinsèques ; puis, nous réfuterons les principales objections des néo-critiques.

I. preuve extrinsèque. — Les témoignages rendus à notre Épitre par les écrivains ecclésiastiques abondent depuis les temps les plus reculés. Aucun de ces anciens auteurs « n’a douté de son authenticité, ni même entendu parler de doute la concernant » (Olshausen). Si l’on se place au ive siècle et que l’on remonte en arrière, on est tout d’abord frappé de ce fait que, dans toutes les listes qui énumèrent les livres canoniques du Nouveau Testament, à part une seule, la lettre est citée et attribuée à saint Pierre. C’est le canon de Muratori qui fait exception : ce qu’il dit des écrits de saint Pierre est d’ailleurs très obscur ; il porte en cet endroit des traces visibles de corruption, et il est possible que la l a Pétri ait été mentionnée dans le texte primitif, comme le pensent des critiques de premier ordre. VoirTh.Zahn, Gesch. des neutestam. Kanons, t. ii, 1° part., p. 11U. Eusèbe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 268, mentionne expressément l’Épitre parmi les livres admis d’une manière incontestable, et il affirme, m, 3, t. xx, col. 217, que « les anciens prêtres l’ont citée dans leurs écrits comme étant très authentique. »

Au commencement du m 6 siècle et dès la fin du ir 3, nous pouvons constater l’état de choses suivant. Pour l’Église d’Alexandrie, nous avons, d’une part, le témoignage du docte Clément, qui, non seulement cite la lettre et l’attribue à Pierre, Strom., iii, 18, t. viii, col. 1213 ; Pœdagog., i, 6, t. viii, col. 301 (cf. I Pet., i, 6-9 ; ii, 2-3), mais en a donné une brève explication dans ses Hypotyposeis (cf. Eusèbe, H. E-, vi, 14, 1, t. xx, col. 549), et, d’autre part, l’attestation non moins claire d’Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, 8, t. xx, col. 481 ; — pour les Églises d’Afrique, le témoignage soit deTertullien, qui, s’il omet de la mentionner dans son énumération des Instrumenta apostolica, c’est-à-dire des écrits composés par les apôtres, lui emprunte, plusieurs passages (cf. De orat., 20, t, i, col. 1182, et I Pet., iii, 3 ; Scorpiace, xiv, t. ii, col. 150, et I Pet., ii, 17 ; voir Rô, nsch, das Neue Testament Tertullian’s, p. 556-563], et la donne expressément comme l’œuvre du prince des Apôtres, soit de saint Cyprien (cf. De bono patientise, 9, t. IV, p. 628 ; Contr. jud., iii, 36, t. iv, col. 756) ; — pour les Églises de Syrie, celui de la Peschito, dont notre lettre a toujours fait partie ; — pour les Églises des Gaules, celui de saint Irénée, qui lui emprunte plusieurs citations, en déclarant qu’elle a été composée par saint Pierre (cf. Adv. hser., IV, ix, 2, t. vii, col. 998, et I Pet., i, 8 ; ibid., xvi, 5, col. 1019, et I Pet., ïv, 16) ; — pour l’Église de Rome, le témoignage de l’Itala, qui a toujours contenu la i a Pétri, comme le prouvent les citations de Tertullien et de saint Cyprien, et celui de saint Hippolyte (cf. Fragm. in Dan., xii, 7, édit. Lagarde, 185, 20, et I Pet., i, 12).

La première Épitre de saint Pierre est aussi très fréquemment citée dans le cours du n » siècle, et à l’époque des Pères apostoliques. Voir la lettre des Églises de Lyon et de Vienne, en 177, dans Eusèbe, H. E., v, 1 et 2, t. xx, col. 436 ; comp. I Pet., v, 6 et 8 ; S. Justin, Dial. c. Tryph., 103, t. vi, col. 717 (cf. I Pet., v, 8) ; S. Irénée, Adv. hser., i, 18, 3, t. vii, col. 645, cf. I Pet., iii, 20 ; Clément d’Alexandrie, Strom., IV, xii, 83, et 1 Pet., i, 12 ; t. viii, col. 1108 ; Hermas, Vis., iv, 3, 4, et Pet., i, 7 ; Sim., ix, 21, 3, xxvin, 4-7, et Pet., ïv, 14-16 ; Sim., ix, 16, et 1 Pet., m, 19-20 ; Papias, dans Eusèbe, H. E., III, xxxix, 1, t’xx, col. 500 ; Polycarpe, Philipp., i, 2, et I Pet., i, 8 ; „ 1, et I Petr., i, 13, 21 ; ii, 2, et I Pet., iii, 9 ; viii, 1, et I Pet., ii, 22, 24. Cf. Eusèbe, H. E., ïv, 14, t. xx, 381

    1. PIERRE##

PIERRE (PREMIÈRE ÉPIïRE DE SAINT)

382

col. 350 ; S. Clément de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et 33, t. i, col. 240, 244, 273, et I Pet., ii, 21 ; xxii, 2, et I Pet., iii, 10 ; xlix, 5, et I Pet., iv, 8. Les témoignages de Papias et de saint Polycarpe ont d’autant plus de force, que les Églises gouvernées par eux (Hiérapolis et Smyrne) faisaient partie de la région à laquelle est adressée l’Épître. Celui de saint Clément a aussi une grande autorité, la lettre ayant été composée à Rome même, comme il sera dit plus loin. — Le témoignage le plus ancien de tous, et par suite l’un des plus importants, est celui de la 7J a Pétri, laquelle se présente, in, 1, comme étant la seconde lettre de l’apôtre Pierre. Il est vrai qu’il a existé autrefois des doutes au sujet de son authenticité, et qu’un grand nombre de critiques hétérodoxes la rejettent comme apocryphe (voir ci-dessous, col. 402-410) ; mais elle est très ancienne aux yeux de ces critiques eux-mêmes, car ils placent généralement sa composition entre les années 88 et 90. Son témoignage demeure donc ferme en toute hypothèse. Telle est la preuve extrinsèque, qui démontre l’authenticité de l’Épitre de saint Pierre. Ces deux faits s’en dégagent : 1° l’Épître a été connue de très bonne heure dans toute l’Église ; dès que celle-ci a possédé un recueil de littérature qui lui fût propre, la Z a Pétri y est citée comme un écrit qui exerce une influence considérable ; 2° à partir de saint Irénée, c’est directement et nommément à saint Pierre que tous les auteurs ecclésiastiques attribuent l’Épître.

Pour éluder un si puissant argument, les adversaires de l’authenticité éprouvent, on le conçoit, un très grand embarras, et il ne peuventlui opposer que de très pauvres raisons. Voir Jùlicher, Einleitung in das N. T., 1894, p. 131. 1° L’objection qu’ils tirent du silence du canon de Muratori a été brièvement réfutée plus haut. 2° Ils s’appuient aussi sur une double allégation de Pierre de Sicile (vers 870), Historia Manichœor., c. xvii. D’après cet auteur, d’une part, les « pauliniens », qui voulaient établir un christianisme purement basé sur la doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la i a Pétri ; d’autre part, Théodore de Mopsueste, suivant une donnée fournie par Léonce de Byzance dans son écrit Contra Nestor, et Eutych., 1. IV (entre 560 et 600), t. lxxxvi, col. 1650, aurait abrégé et rejeté les Épîlres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du tout », comme l’a fort bien dit Credner, Einleit., t. ii, p. 648 ; car les faits en question sont d’une date très tardive. D’ailleurs, le second de ces faits n’est pas même certain, puisque aujourd’hui encore les Nestoriens, qui ont conservé le canon biblique de Théodore de Mopsueste, regardent la I re Épître de saint Pierre comme canonique. Voir Kihn, Tlieodor von Mops., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 64. 3° En troisième lieu, les néo-critiques s’appliquent à affaiblir la force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi, d’après Harnack, Chronologie, p. 463, saint Polycarpe n’aurait pas regardé notre Épître comme l’œuvre de saint Pierre, puisqu’il ne la lui attribue pas nommément, tandis qu’il mentionne expressément saint Paul en lui empruntant des citations. Mais la conclusion est illégitime ; en effet, saint Polycarpe ne cite pas davantage les noms de saint Jean, des synoptiques, de saint Clément pape et des auteurs de l’Ancien Testament, lorsqu’il leur fait quelque emprunt. Si l’évêque de Smyrne fait une exception en faveur de l’apôtre des Gentils, c’est simplement parce qu’il s’adressait à une Église fondée par lui.

il. arguments INTRINSEQUES. — Ils confirment la preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle-même, i, 1, comme ayant été composée par « Pierre, apôtre de Jésus-Christ ». Or, de nombreux détails qu’elle renferme sont en parfait accord avec ce renseignernent. Entre autres : — a) la mention de Silvain, v, 12, personnage important qui avait eu des relations

étroites avec l’Église de Jérusalem et avec le prince des Apôtres, Act., xv, 22 ; — b) la mention de saint Marc, v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps la mère, Act., xii, 12, et qu’il avait alors auprès de lui comme un fils spirituel et un compagnon dévoué, voir Eusèbe, H. E., iii, 36, t. xx, col. 300 ; — c) la mention de Babylone, v, 13, c’est-à-dire de Rome, où le prince des Apôtres se trouvait à la fin de sa vie. — d) v, 1 sq., l’auteur désigne certainement par le mot itpeuëijTEpoi les prêtres-évêques préposés aux chrétientés d’Asie Mineure auxquelles la lettre est adressée. Il se présente lui-même comme leur o-uvrcpeffêÛTepo ; . Or, tout le ton de la lettre montre qu’il est de beaucoup leur supérieur à tous ; ce qui est bien, évident, puisqu’il est le chef de l’Église entière. Un faussaire, bien loin de parler avec une telle humilité, aurait fait valoir hautement le titre du prince des apôtres. — e) Nous avons à signaler aussi des allusions assez fréquentes aux paroles de Jésus-Christ. Cf. i, 10, etLuc., x, 24-25 ; i, 13, etLuc., xii, 35 ; i, 17,-etMatth., vi, 9 ; H, 17, et Marc, xii, 17 ; iii, 14, etiv, 14, avecMatth., v, 10-ll ; iv, 13, et Matth., v, 12 ; v, 3, et Marc, x, 42-43 ; v, 6, et Matth., xxiir, 12. Comp. aussi ii, 6-8, avec Matth., xxi, 42, et Luc, xx, 17. Cf. Act., iv, 11. Ce dernier rapprochement est particulièrement frappant, car la combinaison de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se trouve qu’en ces quatre passages, dont deux citent les paroles de Jésus et les deux autres les paroles de saint Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21 ; n, 21-25 ; iii, 18-19 ; iv, 1, etc., l’auteur fait allusion â divers événements de la vie du Sauveur, et même, ce qui est encore plus significatif, aux relations personnelles qu’il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 : « (Jésus-Christ) que vous aimez quoique vous ne l’ayez pas vii, » semble établir sous ce rapport une distinction spéciale entre l’auteur de la lettre et les lecteurs : ceux-ci ne connaissaient le Christ que par ouï dire ; lui, il l’a vu de ses propres yeux. C’est bien à tort, on le voit, qu’on a accusé la 1° Pétri de « manquer de souvenirs directs du ministère et de l’enseignement de Jésus. » J. Monnier, La l re Épître de l’apôtre Pierre, Mâcon, 1900, p. 515. Celui qui l’a composée a été réellement témoin de la vie publique, de la passion et de la résurrection de Notre-Seigneur. S’il parle plus souvent de la passion, c’est à cause de l’importance spéciale qu’avait ce mystère pour les lecteurs, plongés alors dans l’épreuve. Voir Westcott, An introduction to the Study of tke Gospels, 5e édit, , Londres, 1875, p. 174-175. — g) Une preuve intrinsèque qui mérite toute notre attention, c’est la ressemblance qui existe, soit pour le fond, soit pour la forme, entre l’Épître et les discours de saint Pierre contenus dans le livre des Actes. Des deux côtés, peu de pensées abstraites et spéculatives, mais les faits principaux de la vie du Sauveur, présentés d’une manière concrète comme la base de notre salut. Cf. en particulier I Pet., i, 10-12, et Act., iii, 18-25 et x, 43 ; I Pet., i, 20, et Act., ii, 23, et m, 20 ; 1 Pet., ii, 4, et Act., x, 11 ; I Pet., ii, 24, et Act., v, 30, et x, 39 ; I Pet., iii, 22, et Act, ii, 33-34, et v, 31, etc. De part et d’autre aussi, l’auteur aime à rattacher sa doctrine aux oracles de l’Ancien Testament. Ce trait est vraiment caractéristique. De nombreuses pensées de l’Épître, comme celles des discours, ont un vêtement biblique. « On sent que l’auteur se meut dans un domaine familier, et que sa piété plonge ses racines dans la terre nourricière de l’ancienne Alliance. Il en parle la langue, il en reflète la pensée. » A. Brun, Essai sur l’apôtre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, Apost. und nachapost. Zeitalter, 3° éd., p. 440-443 ; K. Burger, dans le Kurzgefassler Komment. de Strack et Zôckler, N. Test., 4 « Abth., p. 153 de la 2= édit. Voir en particulier les passages, i, 16, 17, 24-25 ; ii, 4, 6, 7, 9, 10, 22, 24 ; iii, 6, 9, 10, 11, 20 ; iv, 8, 18, etc.

h) L'Épître reflète véritablement le caractère de saint Pierre, tel que nous le révèlent les récits des Évangiles et des Actes des Apôtres. Sa personnalité y apparaît tout entière, comme fait celle de saint Paul dans ses propres lettres. Nous y contemplons l’homme pratique, l’homme d’action, l’homme au tempérament ardent et généreux, l’homme qui exhorte avec bonté, en employant des expressions et des images pittoresques. C’est donc d’une maniéré très injuste que divers critiques regardent notre Épitre comme un produit littéraire dénué d’originalité. Voir en sens contraire Scharfe, Die Petrinische Strômung der neutestam. Litteratitr, 1893. Les images concrètes et frappantes y abondent ; cf. i, 7, 13, 18, 23, 24 ; ii, 2, 4, 5, etc. L’auteur dramatise son exposition au moyen d'épithètes vigoureuses, I, 4, 7, 8, 19 ; v, 10, etc. ; il emploie des verbes composés et varie les prépositions pour mieux exprimer les nuances de sa pensée, ], 2, 3, 5, 12, 13, etc. ; il a recours aux contrastes pour mieux insister sur l’idée, i, 6, 8, 11 ; ii, 4, 7, etc. Tout cela manifeste un esprit original, puissant, ardent, comme l'était celui de Simon-Pierre. Voir Belser, Einleit., p. 701.

OT. OBJECTIONS VES CBITIQUES CONTRE h' AUTHENTICITÉ. — 1° Histoire de leurs attaques. — Sans doute, ces différentes preuves intrinsèques n’ont pas la même valeurque les témoignages cités plus haut ; mais elles les corroborent singulièrement. Néanmoins, quoique si bien.accréditée de toutes manières, la J a Pétri ne pouvait pas plus échapper que les autres parties du N. T. aux procédés dissolvants de la critique rationaliste. Déjà Semler, en 1784, avait émis des doutes sérieux sur l’authenticité, que Gludius, un peu plus tard, a été le premier à nier franchement, dans son livre Uransichtende$Christentkums, Altowi, 1808, p. 296-300. Eichhorn, en 1818, a marché sur ses traces. F. Baur, Theol. Jahrbïtcher, 1856, t. ii, p. 193-198, et ses disciples (notamment Schwegler, Das nachapostol. Zeitalter, Tubingue, 1846, t. ii, p. 2-16 ; H. Holtzmann, dans Schenkel, Tlibel-Lexikon, t. iv, p. 495-498. ; Hilgenfeld, Einleit. in das N. T., p. 625-630) se sont particulièrement distingués par la violence de leurs attaques, mais sans pouvoir se mettre d’accord entre eux pour les détails de leurs théories, ni pour la date de l'Épître, etc. Celle-ci serait, comme tant d’autres parties du Nouveau Testament, un écrit de conciliation, Unionsschrift, destiné à célébrer l’harmonie finalement établie entre les deux grands partis hostiles, le Pétrinisme et le Paulinisme. Elle démontrerait, en même temps, comment les idées pauliniennes peuvent être mises à profit dans l’intérêt du parti judéo-chrétien. Baur, loc. cit., p. 219-222. De là ces réminiscences perpétuelles des épîtres de saint Paul qu’on prétend découvrir dans la / a Pétri (voir plus bas, col. 385) et qui donneraient, assure-t-on, « l’impression que la lettre provient d’un disciple de Paul. » Mais, comme on l’admet universellement aujourd’hui, « cette théorie (de l'école de Tubingue), qui est profondément ébranlée d’une manière générale, est réfutée en particulier dans l’application qui en a été faite à I Pet. » Harnack, Chronologie, t. i, p. 456. D’après Jùlicher, Einleit., p. 134-136, de la l re édit., la lettre, à cause de ses relations avec l'Épître aux Romains, aurait été composée par un chrétien qui résidait alors à Rome, mais qui était originaire d’Asie Mineure. Selon von Soden, Hand-Comment. zum N. T., t. iii, 2e part., p. 117, la lettre aurait Silvain pour auteur. Cf. v, 12. Me Gilfert, History of Christianity in the aposlolical Age, p. 598, l’attribue à saint Barnabe. D’autres critiques s’en sont tenus à l’opinion traditionnelle, mais en admettant que l’tpitre est dans un état d’infériorité et de dépendance par rapport aux écrits de saint Paul ; ce qu"on explique en disant que Pierre, pratique avant tout, n’avait pas une grande originalité littéraire (Bleek, etc.), que c'était un théolo gien médiocre (Renan), ou du moins une nature « réceptive, impressionnable » (Salmon). Suivant Harnack, Lettre der zivôlf Apostel, t. ii, p. 106-109, et Chronologie, t. i, p. 455-465, les premières et les dernières lignes de l'Épître, i, 1-2 ; v, 12-14, n’appartiendraient pas au texte primitif ; elles auraient été ajoutées à la lettre, lorsque celle-ci fut officiellement déclarée canonique. Le document primitif, i, 3-v, 11, que ce fût une lettre ou non (ce que M. Harnack avoue ne pouvoir déterminer), serait l'œuvre de « quelque docteur ou professeur distingué », qui l’aurait peut-être composé à Rome, entre les années 83-93, ou même vingt ans plus tôt. Toutefois, d’une part, l’adresse de la lettre, qui est si concrète et caractéristique, et, d’autre part, la conclusion, dont les détails conviennent si bien à saint Pierre, protestent contre cette hypothèse ; et puis, qu’aurait été ce document original, comme nous l’avons vu, et attribué au prince des apôtres dès la plus haute antiquité? Le D r Harnack sent si bien la faiblesse de sa conjecture, qu’il se déclare prêt, au cas où on la trouverait inexacte, à « regarder l’improbable (c’est-àdire, ce qui est improbable à ses propres yeux) comme possible, et à revendiquer l'épi tre pour Pierre luimême, plutôt que de supposer qu’elle a été écrite par un pseudo-Petrus. » Chronolog., t. i, p. 464.

2° Première objection. — L’argument tiré des affinités de la i 3 Pétri avec les Épîtres pauliniennes et l'Épître de saint Jacques, est mis fréquemment en avant par les critiques contemporains. D’après eux, cette affinité serait telle, que la lettre ne pourrait pas avoir été composée par saint Pierre, mais seulement par un disciple de saint Paul. Voir McGiffert, l. c, p. 593-595 ; Jùlicher, Einleit., p. 132-133 ; H. Holtzmann, Einleit., p, 313-316. Cette assertion remonte aux dernières années du xviir 3 siècle ; mais elle a été surtout développée a u débu t du xixe siècle, par Scholz, Der schriftstell. Werlh und Charakter des Johannes, 1811, p. 12, par Eichhorn, Einleit. in das N. T., 1814, t. iii, § 284-286. Ce dernier rattache presque toutes les pensées et les expressions de la / » Pétri aux Épîtres de saint Paul. Le savant catholique Hug, Einleit. in die Schrift. des N. T., te édit., t. ii, §166, les protestants Scholt, Isagoge, 1830, § 96, de Wette, Lehrbuch der Einleit., 5e édit., 1848, § 172, et d’autres reconnurent aussi, mais avec plus de mesure, qu’il existe un certain nombre de ressemblances préméditées entre notre Épître et celles de saint Paul : saint Pierre aurait fait ces emprunts à dessein, parce qu’il écrivait à des chrétientés fondées par saint Paul (Hug) ; ou bien, il aurait voulu manifester sa conformité de pensées avec l’Apôtre des Gentils, soit contre les hérétiques (Schott), soit sur l’ensemble de la doctrine chrétienne (de Welte). Voir aussi la Zeitschrift fur wissenschaftl. Théologie, 1874, p. 360-375 ; 1881, p. 178-186, 332-342.

D’assez bonne heure on protesta contre cette affirmation, spécialement contre sa forme la plus exagérée, et on essaya de démontrer, tantôt dans les articles de Revues, — Ransch, dans le Krit. Journal de Winer et Engelhardt, t. viii, 1828, p. 396 ; Liicke, dans les Theol. Studien und Kritik., 1833, p. 528, — tantôt dans les ouvrages proprement dits (Mayerhoff, Hist. krit. Einleit. in die pétrin. Schriften, 1835, p. 104 ; B. Brûckner, édition remaniée du commentaire de L. de "Wette, 1853, Introd., § rv ; B. Weiss, Der pétrin. Lehrbegriff, p. 381, que saint Pierre n’a utilisé nulle part les lettres de saint Paul, ou du moins que le fait est très douteux et ne saurait être prouvé avec certitude, ou enfin que les prétendus emprunts se bornent à des réminiscences et à des échos plus ou moins conscients. L’ouvrage du D r B. Weiss est particulièrement remarquable sur ce point. Sans nier que saint Pierre ait connu les écrits de saint Paul et qu’il ait pu s’en approprier quelques pensées ou expressions, lorsqu’elles cadraient avec le thème qu’il avait à traiter, l’auteur

relève en détail les exagérations dans lesquelles on est tombé ; puis il restreint le débat à l’Épltre auxÉphésiens et à celle aux Romains (chap. xh-xiii), avec lesquelles, dit-il, la J » Pétri présente des ressemblances très réelles. Ce sentiment est admis de nos jours par un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns ajoutent l’Épltre de saint Jacques à celles de saint Paul aux Romains et aux Êphésiens. Voir Th. Zahn, Einleit. in das N. T., t. ii, p. 30 ; Cornely, Inirod., t. iii, p. 626-’627 ; Belser, Einleit., p. 694.

a) Relations de la I" Pétri avec l’Epltre aux Romains. — M. B. Weiss reconnaît qu’il existe des points de contact évidents entre divers passages de I Pet., et les chap. xii-xm de la lettre aux Romains. De même Kûhl, Die Sriefe Pétri, p. 40. Hofmann, dans son commentaire de notre Épltre, Die keilig. Schriflen des N. T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des réminiscences de l’un ou de l’autre des deux écrivains, 1° le verbe avax’nv-a-zZt^ai (il n’est pas employé ailleurs dans le N. T.), associé dans I Pet., i, 14, à raîç irpÔTepov im0u[juat{, et dans Rom., xii, 2, à-rû atûvt toÙtm ; 2° l’adjectif XoyixcSç, employé dans I Pet., ii, 2, à propos du lait de la divine parole, et Rom., xir, 2, à propos du service de Dieu ; 3° la locution xaxbv àvrt xay.oO âitoSs-Bovtçç, qu’on trouve identiquement dans I Pet., iii, 9, el Rom., xii, 17. Les critiques établissent encore les rapprochements suivants : I Pet., ii, 5, et Rom., xii, 1 ; I Pet., ii, 13-14, et Rom., xiii, 1-6 ; I Pet., iii, 8-9, et Rom., xii, 9-10 ; 1 Pet., iv, 7, et Rom., xiii, 12 ; I Pet., iv, 10-11, et Rom., xii, 6-8. Ils allèguent encore I Pet., n, 24, et Rom., vi, 2, 6, 18 ; 1 Pet., ii, 6-7, et Rom., ix, 33 ; I Pet., iv, 1, et Rom., vi, 6. Il règne certainement quelque ressemblance entre ces divers passages ; mais, des deux côtés aussi, il y a une indépendance très réelle. Comme le dit fort bien le D r Kûhl, l. c., p. 18, les ressemblances signalées permettent seulement de supposer que saint Pierre, qui a écrit en dernier lieu, avait lu l’épltre aux Romains, et qu’il s’en est approprié, tout en demeurant très original, des pensées et des expressions qui s’harmonisaient avec le but de sa lettre.

b) La I a Pétri et l’Épître aux Êphésiens. — « On a souvent attiré l’attention sur une certaine ressemblance de notre lettre avec l’Épître de saint Paul aux Êphésiens. Si l’on n’entend pas cela d’un emprunt proprement dit des pensées, mais d’un certain accord dans les expressions, les concepts et les constructions, nous l’admettons aussi. » Belser, Einleit., p. 694. De même le D’Zahn, Einleit., t. ii, p. 30 et 36, qui tire simplement de ce fait la conclusion que saint Pierre connaissait l’épître aux Êphésiens, et que la I* Pétri est authentique, attendu qu’un faussaire de la première partie du second siècle n’aurait eu aucune raison de faire des emprunts proprement dits à saint Paul. On a rapproché les uns des autres les passages suivants : I Pet., i, 3, et Eph., r, 3 (début identique, mais qu’on retrouve dans la IIe aux Cor. ; d’ailleurs, la suite diffère totalement des deux parts ; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv, 17-18 (exhortation à mener une vie toute chrétienne) ; I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 4 ; iii, 6-11 ; I Pet., ii, 47, et Eph., Il, 20-22 ; I Pet., iii, 4 (xpuicTC. ; tîjç xapêiaç ov9p&vno ; ), et Eph., iii, 16 (ïau> av9ptù7to ; ) ; I Pet., iii, 18 ("va f|(iâç Tcçoaayàyri tô 6sw), et Eph., ii, 18 (81’au-roï exofiEv T7]v iïpo(TaywYY|V rcpoç tov rcaTlpa) ; I Pet., III, 22, et Eph., i, 20-22, etc. Quelques néo-critiques, entre autres Sieffert, Hilgenfeld’s Zeitschrift, 1881, p. 179, trouvent les ressemblances si nombreuses entre les deux écrits, qu’ils leur attribuent le même auteur, lequel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Voir aussi Gunkel, Die Schriften des N. T. neu ûbersetzt, 1907, t. ii, 3° partie, p. 27. Mais cela est tout à fait inadmissible. Voir T. Zahn, Einleit., t. ii, p. 36 ; Kûhl, I. c ; Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 12-14 ;


B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le D r von Soden, loc. vit., va même jusqu’à regarder comme douteux le point de contact de Ja 7° Pétri avec l’Épître aux Êphésiens. Le même auteur, Hand-Commentar zum N. T., t. iir, 2e partie, p. 97-98, remarque que l’auteur de la 1* Pétri, tout en utilisant les œuvres de saint Paul, a complètement laissé de côté la terminologie de l’apôtre des Gentils, et qu’il ne mentionne pas même les idées spécifiquement pauliniennes. En résumé, on compte dans la 7 a Pétri environ soixante expressions qu’on ne rencontre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alléguées, plusieurs proviennent d’un fonds commun de pensées et d’expressions qu’aucun auteur chrétien ne pouvait éviter (tels les mots luu-rtç, èXirsç, Zf>At X*P" 7 l Jla > etc.). Dans sa IIe Épltre, iii, 15, saint Pierre affirme avoir lu les Épitres de son « frère bien-aimé » Paul ; il est donc difficile de ne pas admettre l’existence, dans son écrit, de quelques réminiscences très réelles ; mais il demeure toujours indépendant, original, et n’imite ni de près ni de loin d’une manière proprement dite.

c) La I a Pétri et l’Épître de saint Jacques. — Ici encore, on signale un certain nombre de ressemblances. Les deux Épitres sont adressées aux fidèles de la Siaaitopâ, I Pet., i, 1, et Jac, i, 1 ; mais avec de grandes différences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a beaucoup d’analogie avec Jac, i, 2-3 (noter en particulier l’expression xb êoxijuov ûpiûv xrjç nfotewç, qu’on ne trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., Il, 1, et Jac, i, 21 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20 ; 1 Pet., v, 5-9, et Jac, iv, 6, 10. Mais, dans ces divers passages, les divergences sont plus grandes que les ressemblances. Il en est de même par rapport à la régénération chrétienne, I Pet., i, 23, et Jac, i, 18, et aux désirs de la chair, I Pet., ii, 11, et Jac, iv, 1. La citation de trois passages identiques de l’Ancien Testament dans les deux écrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac, iv, 7 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20 ; I Pet., i, 24-25, et Jac, iv, 10-11, ne prouve pas davantage qu’il existe une dépendance proprement dite entre leurs auteurs.

3° Seconde objection. — Les adversaires de l’authenticité font une autre objection, à laquelle ils attachent aussi une grande importance. La lettre suppose, disent-ils, qu’à l’époque même où elle fut publiée, les chrétiens étaient sous le coup d’une persécution générale et officielle dans l’empire ; ce qui ne saurait convenir qu’au règne de Trajan, puisque la persécution de Néron ne dépassa guère les limites de Rome. Il suit de là que saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas être l’auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit., 3e édit., p. 494 ; Jûlicher, Einleit., p. 135 ; McGiffert, Hislory of the apostol. Age, p. 596-597. Mais cette objection a pour base une fausse interprétation de 1 Pet., iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6 ; ii, 12 ; iii, 9, 15-16 ; iv, 4, 12-14. Aucun de ces textes n’exige l’existence d’une persécution sanglante et officiellement organisée par l’empereur, ou par ses représentants dans les provinces, soit sous Trajan, soit même antérieurement sous Néron. Il n’y est question ni de juges et de tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confiscations. Ce n’est point de la part des autorités constituées que les fidèles avaient alors à souffrir, mais de leurs anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur mécontentement et leur haine de mille manières, dans les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess., où saint Paul mentionne quelque chose de semblable pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xii, 14-16 ; Eph., iv, 27 ; v, 15-16 ; Heb., x, 32-34 ; Jac, ii, 13-17. L’auteur, dans ce passage, en parlant des autorités civiles, n’a pas de reproche spécial à leur adresser ; il les caractérise même comme punissant les méchants et réconfortant les bons. Il aurait difficilement agi de

V. - 13

la sorte, si elles avaient persécuté ouvertement les chrétiens. — Les arguments par lesquels les néo-critiques s’efforcent de démontrer que la I* Pétri n’est pas l’œuvre du prince des Apôtres n’ont donc rien de solide.

II. Occasion et But de l’Épître. — Ils ressortent assez clairement du fond même de l’écrit, qui les rattache aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les destinataires. — 1° Les Églises d’Asie Mineure auxquelles il est adressé, sans être, comme il a été démontré plus haut (col. 386), sous le coup d’une persécution violente et officiellement organisée, avaient néanmoins beaucoup à souffrir. Les païens et les Juifs au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient toutes sortes de vexations pénibles. Ce fait n’a rien d’étonnant, quand on se place dans la situation des membres de la primitive Eglise : les nouveaux convertis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur culte, leurs superstitions, cf. I Pet., r, 18, mais en grande partie aussi leur manière antérieure de penser et leur genre de vie ; et leurs anciens coreligionnaires ne leur pardonnaient pas ce qu’ils regardaient comme une apostasie tout à la fois religieuse, nationale et sociale. Voir Tacite, Ann., 44 ; Suétone, Nero, 16. On leur reprochait aussi leur vie simple, qui était comme un reproche perpétuel pour leurs compatriotes païens, I Pet., iv, 4, et l’on ne comprenait pas qu’ils ne retombassent point dans leurs excès d’autrefois. On les contristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de crimes divers, ii, 12, et iii, 16 : tout cela, soit par suite de l’ignorance et des préjugés, soit par mauvais vouloir et méchanceté proprement dite. D’après iv, 1 2, un mouvement particulier de haine et d’hostilité venait d’éclater contre les chrétientés d’Asie. Ces vexations étaient récentes, et les fidèles n’y étaient pas encore habitués ; de là, pour eux, le trouble et le danger du découragement, et, par suite, de l’apostasie, car le démon ne manquerait pas de mettre à profit cette situation pour les tenter, cf. I Pet., v, 8. Le prince des Apôtres leur écrivit donc pour les consoler au milieu de leurs épreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il leur montre que la souffrance est comme la vocation du chrétien, et qu’elle leur procurera plus tard une grande gloire, de même qu’elle est dès ici-bas pour eux une grande grâce. Il les engage en même temps à bien remplir, malgré tout, leurs devoirs envers la société, envers eux-mêmes et envers l’Église.

1 « Comme on le voit, le but de PÉpltre est tout pratique, nullement dogmatique ou polémique. L’auteur l’expose lui-même à la fin de la lettre, v, 12 : « Je vous ai brièvement écrit, pour vous exhorter et pour vous attester que cette grâce de Dieu à laquelle vous êtes attachés est la véritable (c’est-à-dire, que votre religion est la seule vraie). Obsecrans et contestans (itapaxa).ôv xal. èm^apTupàiv) : ces deux participes résument tout le contenu de l’Épître, où l’exhortation alterne avec l’enseignement proprement dit. Comme exemples de ces « attestations » ou témoignages, qui donnent plus de poids à l’exhortation, voir i, 3-12, 1821, 23, 25 ; ii, 3-10, 19-20 ; iii, 14-16 ; iv, 12-14 ; v, 7, 10, 12. L’apôtre exhorte ses lecteurs, en pensant à la situation douloureuse où ils se trouvaient ; il atteste et il témoigne qu’en dépit des adversités qu’elle occasionne, la religion chrétienue est la grâce des grâces pour ses adeptes sincères et généreux, et qu’il faut y persévérer avec courage. C’est l’exhortation qui domine ; elle va d’un bout à l’autre de l’Épître, sous des formes variées. Elle porte sur la sainteté, l’obéissance, la charité fraternelle et le support du prochain, les devoirs envers la société et la famille, la vigilance, et surtout’la patience dans l’épreuve. Le témoignage a pour objet, tantôt direct, tantôt indirect, les bienfaits paternels de Dieu, la splendeur de l’héritage réservé aux fidèles, la

force que procure l’union à Jésus-Christ, et spécialement les exemples du divin Crucifié. L’auteur jette souvent sur Jésus en croix un regard plein d’amour. — Une occasion plus spéciale fut le départ de Silvanus pour l’Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes des chrétientés de cette région. Cf. Act., xvi, 19 ; xvii, 4, 15 ; ’xviii, 5 ; II Cor., r, 19 ; iv, 7-14 ; 1 Thess., i, 1, etc. C’est lui, d’après v, 13, qui fut chargé de porter la lettre.

III. Sujet. — L’auteur a précisé lui-même le sujet en indiquant son but, v, 12. Voir aussi i, 13 ; v, 9-10. Aucune pensée dogmatique ou polémique ne domine la lettre et ne lui communique une forme spéciale, comme cela a lieu pour la plupart des Épltres de saint Paul. L’opinion contraire, soutenue par l’école de Tubingue, est aujourd’hui complètement abandonnée. Si quelques concepts ont plus d’importance que les autres, c’est, d’une part, celui de la sainteté que doivent pratiquer les chrétiens, par suite de leur vocation même ; d’autre part, celui de la souffrance bien supportée, à l’exemple de Jésus-Christ ( « le vrai chrétien dans la souffrance, » dit Jûlicher, Einleit., Ie édit., p. 132) ; enfin, celui de l’espérance, car les amis du Christ seront récompensés éternellement comme lui, après avoir mené une vie sainte, et supporté comme lui patiemment les peines de la vie. L’auteur ne s’attache nullement à exposer les principes ; ses intentions sont avant tout pratiques, en conformité avec le but qui vient d’être marqué. Avant toutes choses, il se propose d’exhorter ses lecteurs à demeurer fermes dans la foi, malgré les souffrances qu’ils endurent pour elle. S’il signale de nombreux points de doctrine (voir plus bas, col. 394), s’il « témoigne », comme il dit, c’est une manière transitoire et secondaire, en tant que son témoignage pouvait servir de base à ses exhortations. Saint Paul sépare d’ordinaire très nettement la partie pratique de ses Épîtres de la partie dogmatique ; il n’en est pas de même de saint Pierre dans cette lettre, où l’exhortation et l’instruction se tiennent perpétuellement et s’appuient l’nne sur l’autre. Le manque de caractère dogmatique n’empêche pas cet écrit de former un tout bien compact, et jamais encore on n’a songé à attaquer son unité.

IV. Division et analyse dé l’Épître. — Il n’y a pas de plan précis, tant la pensée est spontanée et pour ainsi dire sans préméditation. Le ton est presque toujours celui de l’exhortation paternelle ; ce qui exclut une marche systématique des pensées. L’auteur passe d’une recommandation générale à des recommandations particulières, et vice versa, sans s’occuper de mettre un ordre très logique dans ses idées. Elles ne sont pas cependant dépourvues de tout enchaînement. Les groupes plus ou moins considérables de versets qui développent une même pensée se rattachent les uns aux autres, de manière à former trois séries d’exhortations, encadrées entre un courtîpréambule, 1, 1-2, et une conclusion très brève aussi, v, 12-14. La salutation initiale, i, 1-2, se compose des trois éléments accoutumés : le nom de l’auteur, la désignation des destinataires, un souhait pieux et affectueux.

1° La première.des trois sections, i, 3-n, 10, peut s’intituler : Privilèges accordés par Dieu aux chrétiens et sainteté qu’ils exigent. Elle s’ouvre par une action de grâces à Dieu, pour les dons entièrement gratuits de la régénération spirituelle et du céleste héritage, que Jésus-Christ a mérités pour les chrétiens, i, 3-5 ; dons tellement précieux, qu’ils doivent être une cause perpétuelle d’allégresse, même parmi les épreuves, de la vie, i, 6-9. Les prophètes avaient annoncé depuis longtemps ce salut apporté aux hommes par le Christ, et les anges sont désireux de le connaître à fond, i, 10-12. Après ce beau début, l’apôtre exhorte ses lecteurs à

mener une vie digne de l’immense bienfait qu’ils ont reçu de Dieu, il signale tour à tour la nécessité générale d’une vie sainte, quelques-uns des devoirs spéciaux qui en découlent et le grand modèle de perfection que nous devons suivre. Appelés au salut, les chrétiens doivent être pleins d’espérance en Dieu, qui leur a accordé cette grande faveur, et lui devenir semblables, en pratiquant la sainteté, l, 13-16. L’exhortation à la sainteté est motivée aussi par la justice divine et par notre rédemption, qui a coûté la vie à Jésus-Christ, I, 17-21 ; puis la charité mutuelle des chrétiens est envisagée comme un élément de leur perfection, i, 22-25. La sainteté chrétienne étant la conséquence de la régénération, il faut travailler à l’accroître sans cesse, ii, 1-3, et c’est en s’approchant du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et en adhérant intimement à lui, qu’on peut réaliser cet idéal, ii, 4-10.

2° La seconde série d’exhortations, ii, 11-iv, 6, envisage les chrétiens au milieu du monde, et leur rappelle quelques-uns de leurs devoirs généraux et particuliers. C’est un petit traité de morale pratique, dont voici les principaux détails. Dans une courte introduction, ii, 11-12, l’auteur formule une pensée importante : il faut que les fidèles aient une conduite très sainte, capable d'édifier même les païens. De cette recommandation générale, il passe à plusieurs domaines spéciaux, sur lesquels les vrais disciples de Jésus sont tenus de manifester leur perfection. Il traite successivement des obligations des chrétiens envers le pouvoir civil, ii, 1317, des devoirs des esclaves, auxquels il présente comme modèle Jésus-Christ humilié et outragé, II, 18-25 ; les relations réciproques des époux, iii, 1-7. Saint Pierre revient ensuite à l’exhortation générale, qu’il fait porter sur les points suivants : sommaire des devoirs du chrétien à l'égard du prochain, iii, 8-12 ; la fidélité à Dieu malgré les épreuves, qui, bien supportées, sont par elles-mêmes une récompense pour le chrétien, iii, 13-17 ; encore l’exemple du Christ, qui a souffert pour nous, tout innocent qu’il fût, et qui a prêché l'Évangile, non seulement aux vivants, mais aussi aux âmes détenues dans les limbes, iii, 18-22 ; idéal du chrétien, qui consiste à mener une vie tout exempte de péché, iv, 1-6.

3° La troisième série d’exhortations, iv, 7-v, 11, renferme des recommandations qui concernent la vie intime des chrétientés particulières. Introduite par cette transition, « Le jugement de Dieu approche et réclame des dispositions parfaites, » elle entre en d’assez nombreux détails pratiques, que l’on peut grouper sous ces divers chefs : vertus à pratiquer en vue de la proximité du jugement divin, iv, 7-11 ; confiance en Dieu parmi les épreuves, car, si l’on participe aux souffrances du Christ, on aura également part à sa gloire, iv, 12-15 ; obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles, v, 1-5° ; autres vertus que tous les chrétiens sont tenus de pratiquer, v, 5M1. — La lettre se termine par un épilogue assez court, v, 12-14, composé d’une petite réflexion de l’auteur à propos de son écrit, et de quelques salutations.

V. Destinataires de l'Épître. — Ils sont désignés de la façon la plus nette dans le premier verset, i, 1 : « Aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. » Les cinq provinces mentionnées faisaient partie de l’Asie Mineure, dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie), l’ouest (l’Asie proconsulaire), la partie centrale et orientale (la Galatie et la Cappadoce). Comme la province du Pont est nommée la première, notre Épître a porté aussi, aux temps anciens, dans l'Église latine, le nom de Epislola ad Ponticos. Cf. Tertullien, Scorpiac, 12, t. ii, col. 146 ; S. Cyprien, Testim., iii, 36-37, t. iv, col. 756. L'Évangile, d’après certains commenta teurs, avait été annoncé dans ces différentes régions par saint Paul, et par ses collaborateurs Barnabe, Épaphras, Silvain, etc., soit directement, comme en Galatie, Act., xv, 40 ; xvi, 6 ; Gal., iv, 13 ; en Asie, Act., xix, 1, soit indirectement (des chrétiens de l’Asie proconsulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu pour la Phrygie, d’après Col., ii, 1). Nous avons vu plus haut (col. 371) ; que saint Pierre lui-même a pu exercer son ministère apostolique dans l’une ou l’autre de ces provinces, mais que le fait est loin d'être certain, et que l’hypothèse contraire est même de beaucoup la plus vraisemblable.

Les membres des Eglises ainsi fondées avaient appartenu en grande partie au paganisme. Voir S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 39, et ii, 3, t. xxiii, col. 275, 300, quoique ailleurs il soit d’un autre avis, et S. Augustin, Cont. Faust., xxii, 8%, t. xlii, col. 460, Plusieurs passages de l'Épître rendent cette opinion tout à fait certaine. D’après i, 14, les lecteurs avaient vécu autrefois dans une complète ignorance religieuse ; d’après i, 18, leurs ancêtres avaient vécu dans l’idolâtrie ; d’après ii, 9-10, Dieu les avait appelés à sa merveilleuse lumière et avait fait d’eux son peuple privilégié, eux qui n'étaient rien auparavant ; d’après iii, 6, leurs femmes étaient devenues des filles de Sara, ce qui prouve qu’elles ne l'étaient point par la naissance ; d’après iv, 2-4, avant leur conversion, ils s'étaient livrés au culte des faux dieux et à toutes les immoralités du paganisme. Ces détails ne sauraient convenir à des judéo-chrétiens, mais seulement à des païens d’origine, comme l’ont admis et l’admettent encore de nos jours la plupart des interprètes et des critiques. Voir Hundhausen, Das erste Pontiftcalschreiben des Petrus, p. 45, note n. Il n’est donc pas étonnant que Cassiodore, Instit. div., 14, t. lxx, col. 1125 ; Junilius Africanus, De part, leg., i, 6, t. lxviii, col. 16, et le Codex Fuldensis aient intitulé notre Épltre : « ad Gentes ». Cependant Origène, dans Eusèbe, H. E, . iii, 1, t. xx, col. 216, Didyme d’Alexandrie, ibid., iii, 4 ; t. xx, col. 220 ; le pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxviii, col. 40, saint Jérôme, De vit : UL, 1, t. xxiii, col. 638, etc., croyaient au contraire que l'Épître avait été principalement composée pour des chrétiens issus du judaïsme. Leur raison principale consistait dans une interprétation inexacte du mot SiaawopSç dispersionis), qu’on, lit à la première ligne. Comme ce mot désignait d’ordinaire les Juifs « dispersés » plus ou moins loin de la Palestine, à travers l’empire romain, cf. II Mach., i, 27 ; Joa., vii, 35 ; Jac, i, 1, on a supposé qu’il doit recevoir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre l’a déterminé et précisé par les expressions èxXexToi itapE7110r||ioi, electi advense, ^ dont la première était alors une appellation spécifique des chrétiens, choisis et mis à part en vue du salut futur, I Pet., ii, 9 ; Rom., viii, 33 ; Col., iii, 12 ; II Tim., ii, 10 ; Tit., i, 1, etc., tandis que la seconde, d’après l’usage biblique, a pour but de rappeler aux destinataires de l’Epître qu’ils devaient se regarder, à la manière d’Abraham, Gen., xxiii, 3, de Jacob, Gen., lvii, 3, comme des étrangers sur cette terre d’exil, et avoir constamment à la pensée le souvenir de la céleste patrie. Cf. i, 17 ; H, 11 ; Heb., xi, 9. Le mot Sixanopi est donc pris ici, non pas dans le sens technique qu’il avait autrefois, mais dans un sens métaphorique, pour désigner le nouveau peuple de Dieu.

Le livre des Actes montre qu’il y avait des éléments juifs considérables dans plusieurs des contrées énumérées ci-dessus. Cf. Act., xviii, 24-28 ; xix, 8-10, etc. Il est donc vraisemblable qu’un certain nombre des destinataires de la i » Pétri étaient Israélites de naissance ; mais ils formaient certainement une minorité. Aussi est-il surprenant que divers critiques contemporains, 39J

PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)

392

B. Weiss, Krit. Unlersuch. zu den kathol. Briefen, 1892, et Der Pétrin. Lehrbegrifꝟ. 1855, p. 99 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 22 ; Nôsgen, Geschichte der neutestam. Offenbarung, t. ii, p. 37, aient repris à leur compte le sentiment d’Origène, de Didyme, etc., qui méritait d’être à tout jamais abandonné. Voir Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 20-24. Voici leurs principales raisons : 1° Ils s’appuient sur la ressemblance qui existe entre l’adresse de la i a Pétri et celle de l’Épître de saint Jacques, I, 1. Il est vrai que, dans cette dernière, il est aussi question de la Siao-mjpâ ; mais ce mot y est déterminé par l’addition « les douze tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs convertis. — 2° Ils allèguent que les pensées et le style de notre Épître sont vraiment des échos de l’Ancien Testament ; ce qui conviendrait fort peu à des lecteurs d’origine païenne, mais seulement à des destinataires judéo-chrétiens, familiarisés avec la loi, les prophètes et les Psaumes. Nous répondons que saint Paul cite assez souvent aussi les livres de l’Ancien Testament dans plusieurs de ses lettres adressées à des païens convertis, tout spécialement dans I Cor., II Cor.’et Gai. Nous dirons encore, sur ce même point, que les citations ou allusions de saint Pierre expriment des pensées claires par elles-mêmes ; il n’était donc pas nécessaire que les lecteurs comprissent qu’elles étaient empruntées à la Bible juive. D’ailleurs, l’Ancien Testament n’était-il pas lu en grec dans les assemblées religieuses des premiers chrétiens ? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans succès, de démontrer que les passages énumérés plus haut, i, 14, 18 ; ii, 9-10 ; iii, 6 ; iv, 3, ne conviennent qu’en apparence aux païens et s’appliquent en réalité à des Juifs convertis. Mais il faut faire violence à ces divers textes, pour obtenir d’eux un tel résultat. Voir Belser, Einleit. in-das N. T., p. 695-696. — Dans leur ensemble, les lecteurs avaient été convertis depuis assez longtemps, puisqu’ils avaient leurs prêtres et leur organisation ecclésiastique régulière. Cf. v, 1-5. Les mots sicut modo geniti infantes…, ii, 2, ne prouvent pas qu’ils venaient de passer tout récemment au christianisme, car c’est là une figure qui peut s’appliquer à la vie entière de la plupart des chrétiens. Ils formaient un corps parfaitement constitué parmi leurs voisins demeurés païens.

VI. Le lieu de la composition. — Nous lisons à la fin de l’Épître, v, 13 : « L’église qui est à Babylone vous salue. » D’où il suit que la lettre a été écrite de la ville qui est appelée ici Babylone. Mais nous avons démontré plus haut (col. 371), que ce nom doit être interprété d’une manière symbolique. Il ne saurait en aucune façon désigner l’antique capitale des Babyloniens, à laquelle la tradition n’a jamais rattaché un séjour de saint Pierre. Il ne saurait non plus se rapporter, comme on l’a parfois supposé, à la cité égyptienne de Babylone, située près du Caire. Cette opinion est dénuée de tout fondement. Ce n’est point au prince des Apôtres, mais à son disciple saint Marc, que les Églises d’Egypte, et en particulier celle d’Alexandrie, ont toujours attribué leur origine. La Babylone mystique mentionnée par l’auteur de l’épître n’est autre que Borne même, comme le dit saint Jérôme, De vir. ill., 8, t. xxiii, col. 621. C’est très exactement que, malgré les mots èv Ba6uXûvi, de nombreux manuscrits grecs ont cette suscription finale : ef paçi] àito’Punîjc. Voir Tischendorf, N. Test., édit. viii, t. ii, p. 300, et aussi H. Ewald, Sieben Sendschreiben, 1890, p. 2 ; F. Baur, Dos Christenthum und die christl. Kirche, p. 130 ; Schwegler, Nachapostolich.es Zeitalter, t. ii, p. 16 ; E. Renan, L’Antéchrist, p. 122 ; Hilgenfeld, Einleit., p. 632 ; H. J. Holtzmann, Einleit., 2e édit., p. 521 ; Jûlicher, Einleit., 1814, p. 132 ; von Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. m^ 2e part., 3e édit., p. 115 ; Me Giffert, Eistory of’ttie oépastolical Age, p. 598.

VII. Date de l’Épître. — 1° D’après les critiques qui ne croient pas à l’authenticité, la lettre aurait été composée : a) sous Domitien, 81-96 après J.-C. (von Soden, entre 92 et 96 ; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-être dés 73, ou même dès 63) ; 6) sous Trajan, 96-117 (Baur, Keim, Lipsius, Pfleiderer, Jûlicher) ; c) sous Adrien, 117-138 (Zeller) ; d) entre les années 140 et 147 (Volkmar). Ces divers sentiments ont été réfutés d’avance par ce qui a été dit au sujet de l’authenticité (col. 380). — 2° Parmi les auteurs qui regardent l’Épître comme l’œuvre de saint Pierre, il en est qui fixent une date trop avancée : entre autres, le Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xiii, col. 68, sous le règne de Claude, 41-54 ; Baronius, Annal., ad. ann. 45, 16, en 45 ; Foggini, De Romano D. Pétri itinere, 1742, p. 196-198, entre 42 et 49 ; B. Weiss, Pétrin. Lehrbegriff, p. 365-367 ; Einleit., 3e édit., p. 427-430, et Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 50, à une époque antérieure aux Épilres de saint Paul — D’après l’opinion la plus vraisemblable, qui a toujours eu des adhérents très nombreux, la Ia Pétri fut composée vers la fin de l’année 63, ou au commencement de 64. On arrive à cette conclusion grâce aux données suivantes : — a) La lettre suppose que le christianisme avait fait de grands progrès dans l’Asie Mineure ; or, un tel développement n’a eu lieu qu’à la suite du séjour de trois ans que Paul fit à Éphèse durant son troisième voyage apostolique, entre 54 et 57. Cf. Act., xviii, 23 ; xix, 1, 10. L’Épître n’a donc pas été écrite avant cette dernière année. — 6) L’Apôtre des Gentils avait été délivré de sa prison en 63, et était parti pour l’Espagne ou pour l’Orient ; de là probablement le silence de la lettre à son sujet. — c) La persécution de Néron n’avait pas encore éclaté lorsque l’Épître fut composée (elle ne commença que vers la fin de 64) ; mais on en voyait déjà les signes précurseurs. — d) Saint Marc, mentionné à la fin de la lettre, v, 13, était encore à Rome, où saint Paul l’avait appelé naguère, durant sa première incarcération, Col., iv, 10 (l’Épître aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre a réellement connu l’Épître aux Éphésiens (voir la col. 385), il n’a pu composer sa lettre qu’après l’époque où saint Paul écrivit lui-même à l’Eglise d’Éphèse, c’est-à-dire en 63. — Sur toute cette question voir encore H. Holtzmann, Einleitung, 3e édit., p. 318-320 ; E. Scherfe, Die petrinische Strômung der neutestam. Literatur, 1893, p. 633 ; Ramsay, The Church in the Roman Empire, 1893, p. 279-295.

VIII. Idiome et style de l’Épître. — 1° La J a Pétri a été composée en grec ; il ne saurait exister aucun doute à ce sujet. Seul, saint Jérôme a supposé, Epist. cxx, ad Hedib., 11, t. xxii, col. 1002, que la langue primitive aurait été l’araméen. Ainsi qu’il a été dit plus haut (col. 358), Simon-Pierre, originaire des bords du lac de Tibériade, avait pu apprendre de bonne heure à parler le grec, qui était d’un usage fréquent dans ces parages ; il se développa dans la connaissance de cette langue, durant ses courses apostoliques à travers des contrées habitées par des races helléniques. Saint Jean, saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient, comme lui, Juifs d’origine, et pourtant il est certain qu’ils ont écrit en grec. Si saint Marc est appelé, depuis les temps les plus anciens, 1’  « interprète » (kp^r^sv-c^) de Pierre, cela vient, soit de ce qu’au début de ses voyages (vers 43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exercé pour parler à des Grecs proprement dits, se faisait aider par son disciple de prédilection, soit plutôt de ce que Jean-Marc « a rédigé son Évangile d’après les prédications de saint Pierre ». Voir t. iv, col. 717.

2 « La lettre est écrite en un grec correct, assez bon même, mais qui n’a pas l’élégance de celui de saint Jacques. L’agencement des phrases présente parfois quelque rudesse ; par exemple, lorsqu’elles sont prolongées au moyen de participes ou de pronoms relatifs

accumulés. L’emploi des synonymes, le maniement assez habile des verbes (surtout des verbes composés), des temps et des prépositions, la structure rythmique des phrases dénotent aussi une connaissance suffisante de la langue grecque. Les hébraïsmes ne sont ni fréquents ni choquants. On peut citer, parmi les principaux : Stærnopô, I, 1 ; fils d’obéissance, i, 14 ; l’acception des personnes, i, 17 ; la parole du Seigneur, i, 25 ; un peuple d’acquisition, ii, 9 ; le mot « vase » pour désigner le corps humain, iii, 7. Le style est généralement simple, comme la pensée ; par moments, il est plein de grandeur. Cf. I, 3-9, 17-21 ; ii, 21-25 ; v, 6-10, etc. L’auteur aime à exprimer la même pensée en termes tour à tour négatifs et positifs, cf. i, 14, 18, 23 ; ii, 16 ; iii, 3, 9, 21 ; iv, 2 ; v, 2 r 3 ; il fait çà et là un usage intelligent des épithètes, cf. i, 3, 18, 22 ; ii, 2, etc. ; il oppose d’une manière caractéristique le pluriel au singulier, par exemple, IV, 2 : âvOpciirav Èmôuiitaiî et 8eXr, [jt.aTi ôeoî, etc.

Il a recours à des images vivantes, dramatiques, qu’il emprunte à la vie de famille, i, 3, 14, 17, 22-23 ; ii, 2 ; à la vie des champs, i, 4 ; v, 2, 8 ; à la vie militaire, i, 5 ; ii, 11 ; iv, 1 ; à la vie nomade, i, 1, 17 ; ii, 11 ; au culte sacré, ii, 5 ; iii, 15 ; à la métallurgie, i, 7 ; iv, 12, etc. Le vocabulaire de l’Épître renferme un nombre assez considérable de termes qui ne sont employés dans aucun autre livre du Nouveau Testament. On en a compté jusqu’à soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions, il en est de très classiques ; àvaYxaarûç, àvâ/uui ; , àv-u-XoiSopEtv, ônto-fEV^JÛai, à7tt56eo-tç, (koûv, Èp.7tXoxYj, èmxâ-Xu [i.(ia, oivo^UY^ci, 6[i(5<ppt>)v, ÔTtXîÇe’v, 7t « Tpoitapà80To ; , etc. D’autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas avoir été employées avant saint Pierre ; néanmoins, leur formation est très régulière et leur signification est généralement très nette (à part celle du premier terme) : àÀXoTptoeitîtrxoitoç, àjjiàpavTivo ?, àva^ewàv, àvExXâXr)toç, « npo<T » iroXri(JiTu)ç, ifxofj1600<76at, itepî6eeriç, itpo[iœpTupsoôai, a-fUvo&v, a-iv7rpe<TëÛTCpo ; , etc. D’autres locutions, comme xàpurp-a, quXaSeXçia ; faisaient partie du langage chrétien. La dépendance des Septante est très frappante, sous le rapport soit des réminiscences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce qui n’a rien de trop surprenant, car il était aisé à Pierre d’avoir cette traduction avec lui durant ses voyages.

3° Le texte grec de l’Épître ne présente au critique aucun problème sérieux. Les principaux manuscrits qui nous l’ont transmis sont les suivants : N, A, B, C, KZ, L2, P2, puis 13, 40, 44, 137. Gomme il a été dit ci-dessus (col. 380), l’Épître est contenue dans la Peschilto. On possède des fragments de l’ancienne version latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv, 17-v, 14, dans le palimpseste Fleury (h) ; i, 8-19 ; ii, 20-m, 7 ; iv, 10-v, 14, dans le ms. de Munich (g) ; i, 1 12 ; ii, 4-10, dans le Codex Eobbiensis (s). Voir Old Latin Biblical Texts, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D’B. Weiss a soigneusement revisé t le texte grec, Die kathol. Briefe, Texikrit. Untersuchungen uni Textherstellung, 1892.

IX. Caractère général de l’Épître. — L’espérance est une de ses notes dominantes. Cf. i, 3, 21 ; iii, 15 ; iv, 13 ; v, 1, 4. Elle atteste dans son auteur une nature très personnelle et indépendante, mais aussi un tempérament tout pratique, qui n’a pas l’intérêt spéculatif, ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint Jean. Voir von Soden, loç. cit., p. 121. Elle renferme quelques belles pensées originales. On peut mentionner, entre beaucoup d’autres : la désignation des chrétiens comme des advense et perigrini sur cette terre, ii, 11 ; le rapprochement établi entre le baptême et le déluge, m, 21 ; le titre d’àpx"toi(iY)v donné à Notre-Seigneur, v, 4 ; la passion de Jésus souvent représentée comme un modèle pour les chrétiens éprouvés, ii, 12 ; iii, 16, etc.

— Un point particulièrement frappant, c’est l’emploi que saint Pierre fait sans cesse de l’Ancien Testament. Tantôt il montre que le salut apporté par le Christ est la réalisation intégrale des promesses que Dieu avait faites aux anciens prophètes, i, 10-12 ; tantôt il s’approprie dans le détail, comme il a été marqué plus haut, col. 900, les pensées et les expressions même de l’ancienne Alliance. Fait remarquable : ce petit écrit, qui ne contient que deux citations proprement dites de l’Ancien Testament, i, 16, et ii, 6, renferme un nombre considérable de réminiscences ou d’échos bibliques. Cf. i, 14, 15 ; ii, 3. 4, 7, 9, 10, 22-24 ; iii, 10-12, 13, 14 ; iv, 8, 17, 18 ; v, 5, 7, etc.

X. L’enseignement doctrinal de l’ÊpItre. — On doit se souvenir, lorsqu’on cherche à déterminer l’enseignement d’un écrit avant tout pratique, comme ï’esl celui-ci, qu’on tomberait dans une exagération singulière, si l’on concluait que tel ou tel point doctrinal qui y est omis était inconnu de l’auteur, ou n’avait pour lui qu’une importance secondaire. On a donc eu tort de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la doctrine chrétienne durant la période apostolique, soit (c’estle cas pourM. B.Weiss)un christianisme juifantérieur à saint Paul, soit une théologie de saint Pierre en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d’autres (tant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce point) ayant pour but de la confirmer. Nous l’avons déjà dit, le dogme "n’apparaît dans cette lettre que par accident et d’une manière secondaire, pour appuyer les exhortations pratiques. Saint Pierre n’a nullement songé à insérer ici son Credo, ou un système doctrinal complet ; il nous fait seulement connaître un côté spécial de sa prédication. Et pourtant, en groupant sous divers chefs les principaux enseignements positifs qui sont épars dans la Ia Pétri, on trouve un sommaire assez riche du dogme chrétien. — On est frappé d’abord de la grande ressemblance qui existe entre cet enseignement et celui des discours de saint Pierre, tels que les Actes des Apôtres nous les ont transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fondamental nous avons, de part et d’autre, cette grande idée : le christianisme a l’Ancien Testament pour base ; il a réalisé, grâce à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, les oracles prophétiques de l’ancienne Alliance relatifs au salut promis à l’humanité coupable. Toutefois les discours de saint Pierre ne nous révèlent qu’une face de son enseignement, tel qu’il était tout à l’origine de l’Église, tandis que sa première Épître est adressée à des chrétientés qui existaient déjà depuis assez longtemps, et auxquelles, par conséquent, l’apôtre présente des conseils plus variés et plus développés qu’aux premiers chrétiens, d’origine juive ou païenne. Il est remarquable qu’il ne mentionne nulle part ici la loi judaïque, ni la justification par la foi.

Voici les principaux points de l’enseignement doctrinal de la 1° Petm. — 1° Sur Dieu. — Naturellement, une place souveraine lui est accordée, et son nom revient à tout instant. Dès le début de la lettre, i, 2, nous rencontrons la formule trinitaire. Non content de nommer en passant les trois personnes divines, l’auteur signale le rôle spécial de chacune d’elles dans le mystère de la rédemption. À plusieurs reprises, il est parlé de Dieu, du Père, qui est le « Créateur fidèle », iv, 19, le Dieu vivant, i, 23, l’auteur de notre salut par l’intermédiaire du Christ, i, 3, 23 ; de Jésus, son divin Fils, i, 13, etc. ; de l’Esprit-Saint, qui est tout à la fois l’Esprit de Dieu, iv, 14, et celui de Notre-Seigneur, i, 11. L’Esprit-Saint vient de Dieu ; il a reçu de lui une mission temporelle à remplir, i, 12. Il assiste les prédicateurs de l’Évangile, I, 12 ; il opère la sanctification des âmes, i, 2, 22 ; il atteste la réalité de l’héritage futur, iv, 14.

2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jésus est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L’apôlre le nomme à côté du Père et du Saint-Esprit, comme leur égal, i, 2 ; il l’élève au niveau de Dieu et nous le montre assis à la droite du Père, iii, 22. Jésus-Christ s’est incarné pour nous sauver et a pris toute notre nature, composée d’une âme et d’un corps, iii, 18. Il possède une parfaite sainteté, i, 19 ; ii, 22-23 ; iii, 18. Il est le Messie prédestiné de toute éternité, i, 20, promis par les prophètes, qui avaient annoncé longtemps d’avance ses souffrances et sa gloire, i, 10-12 ; ii, 4-6. Aussi Pierre lui attribue-t-il les titres de Christ, i, 11, 19 ; ii, 21 ; m, 16, 18 ; iv, 1, 13, etc., de Jésus-Christ, i, 1, 2, 3, 7, 13 ; ii, 5, etc, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 3. — b) L’œuvre rédemptrice du Christ a pour point de départ la mort et la passion du Sauveur, iii, 18 ; iv, 1. Cette mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractère d’un sacrifice proprement dit, par lequel Jésus a expié les péchés des hommes, comme Isaïe l’avait prophétisé, ii, 21-24 ; iii, 18 ; son sang divin nous a servi de rançon et de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur moraie et les présente comme un exemple pour les chrétiens, h, 21 ; iii, 17-18 ; iv, 1, 13. La conséquence du sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, c’est le pardon des péchés, i, 2, la régénération chrétienne, i, 3, la liberté chrétienne, n, 16, l’héritage impérissable qui nous attend dans le ciel, i, 4. — c) Entre sa mort et sa résurrection, Jésus est descendu dans les limbes, où il a annoncé la bonne nouvelle aux âmes des justes, iii, 19-rv, 6. Ce dogme est tout spécialement intéressant à noter ici, car, parmi les écrivains inspirés, saint Pierre est seul à le mentionner en termes explicites. Il est vrai que Jésus lui-même avait dit au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxiii, 43. Or, cette parole ne saurait s’appliquer au ciel, où l’âme de Jésus-Christ ne monta pas ce jour-lé, non plus que celle du bon larron ; elle désigne donc le « limbùs justorum », auquel il est peut-être encore fait une triple allusion par saint Paul, Rom., x, 7 ; xiv, 19 ; Eph., iv, 9. Le passage I Pet., iii, 19-22, ne manque pas d’obscurité ; mais l’opinion commune a toujours été, depuis les temps les plus anciens, qu’il décrit le descensus ad inferos de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Telle était déjà l’interprétation de saint Justin, Dial. c. Tryph., 82, t. vi, col. 669, de saint Irénée, Adv. hser., IV, Xxvii, 2 ; v, 1, t. vii, col. 1058, de Tertullien, De anima, vn, 55, t. ii, col. 657, etc. Voici la partie principale de ce passage, iii, 18-20 : « Le Christ aussi est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque, au temps de Noé, ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, à savoir huit seulement, furent sauvées à travers l’eau. » Les âmes emprisonnées sont évidemment celles des justes, et non celles des damnés, qui ne pouvaient tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportée par le Christ. Parmi les auditeurs de Jésus dans les limbes, il se trouvait des contemporains de Noé, qui, d’abord incrédules, s’étaient convertis avant de périr dans les eaux du déluge ; ils sont cités comme type de tous les pécheurs venus à résipiscence antérieurement à l’apparition du Messie. On retrouve cet enseignement dans VÉvangile (apocryphe) de Pierre, 41-42, et dans YEvangile de Nicodème, ii, 10. D’après l’enseignement de saint Pierre, c’est entre la mort de Jésus et sa résurrection qu’à eu lieu sa descente mystérieuse dans les limbes. En effet, le Christ meurt quant à sa chair, mais il est vivifié quant à son esprit ; c’est donc dans

cet état spirituel qu’il est descendu aux enfers. Ensuite il est ressuscité et monté au ciel. La prédication (xïlpÛTTEiv) qu’il a portée dans les limbes n’a pas consisté, comme on l’a parfois affirmé, dans une sentence de condamnation lancée par lui contre les pécheurs. Son message est tout d’amour, ainsi qu’il est dit iv, 6 : « L’Évangile a été annoncé aux morts. » Or, 1’ÉvangHe est la bonne nouvelle par excellence ; d’où il suit que Notre-Seigneur a dû annoncer aux âmes des justes retenues dans les limbes sa mort rédemptrice, sa résurrection et son ascension prochaines, et leur propre délivrance. — Qu’il suffise de signaler deux interprétations inexactes données à la prédication de Jésus : d’après saint Augustin, c’est par la bouche de Noé que le Christ aurait prêché l’Évangile aux pécheurs qui vivaient à l’époque du déluge ; selon d’autres, Jésus aurait apporté la bonne nouvelle aux morts, c’est-à-dire aux pécheurs, par l’entremise des Apôtres. Sur cette question importante, voir Dietelmaier, Hisl. dogmatica de descensu Christi ad inferos, 1741 et 1762 ; Gûder, Die Lehre von der Erscheinung Christi unter den Todten, 1853 ; 2ezschwitz, De Christi ad inferos descensu, 18ôl ; Schweitier, Hinabgefahren zvrÈôïle, 1886 ; Spiltà, Christi Predigt an die Geister, 1893 ; Bruston, La descente du Christ aux enfers, 1897 ; Stevens, Theology of the New Test., 1899, ’p. 304 ; C. Clemen, Niederge fahren zu den Toten, ein Beitrag zur Wùrdigung des Apostolikums, Giessen, 1900 ; Turmel, article dans les Annales de philosophie chrétienne, n° de février 1703, p. 508-533 ; Id., La descente du Christ aux enfers, Paris, 1904 ; 2e édit., 1905. — d) Jésus est ressuscité d’entre les morts, conformément aux anciens oracles ; la foi et l’espérance des chrétiens s’appuient sur ce fait capital. Cf. i, 3-5, 18-21, etc. C’est Dieu lui-même qui a ressuscité et glorifié son Fils, i, 21 ; iii, 21-22. Le Christ est monté au ciel, où il est élevé au-dessus de toutes les créatures, i, 21 ; iii, 18, 22. Dans cet état, il est encore actif pour glorifier son Père, iv, 11 ; car tout ce qui se fait de bon dans l’Église est opéré par lui. — e) II reviendra à la fin du monde, I, 4, 5, 7, 8, 13, 21 ; iv, 13 ; v, 4, 10. Son second avènement est désigné par le mot àiioxaXu^iç, « révélation », i, 7, 13 ; iv, 13. Ce retour sera terrible pour les méchants, iv, 17, mais il apportera aux bons le salut définitif, le ciel, qui est l’objet suprême de notre espérance i, 4, etc.

3° L’eschatologie. — L’auteur mentionne la fin du monde iv, 6, et le second avènement de Jésus-Christ i, 13 ; iv, 13. Pour mieux encourager les chrétiens d’Asie Mineure à supporter avec patience les épreuves auxquelles ils étaient en butte, il leur propose plusieurs fois la pensée du glorieux et éternel héritage qui les attend dans le ciel cf. i, 4-9 ; iv, 18 ; v, 10-11, etc. Mais le D r B. Weiss exagère, lorsqu’il prétend, Lehrbuch der bibl. Théologie, § ii, p. 172, que cette idée était, pour saint Pierre, l’idée centrale de la vie chrétienne. — Le prince des Apôtres croyait-il que le retour de Jésus-Christ serait prochain ? On l’a souvent répété parmi les protestants, en se basant sur le texte : « La fin de toutes choses approche, » iv, 7, et aussi sur v, 1, autre.’passage dans lequel on a prétendu trouver la persuasion où était Simon Pierre qu’il serait bientôt témoin de l’avènement de Jésus-Christ. Mais comment l’apôtre, après avoir entendu son Maître affirmer, Matth., xxtv, 36, que l’époque de la fin du monde est un secret réservé au Père céleste, se serait-il hasardé à faire une prédiction sur ce point ? Le second texte allégué revient simplement à dire : J’espère qu’un jour je serai avec vous dans le ciel. Quant au premier, il doit s’interpréter d’une manière générale, car il ne signifie nulle T ment que Pierre regardait le retour de Jésus comme imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., iv, 12-17 ; II Thess, ii, 2-11 ; I Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques,

Ja’c, v, 7-9, et saint Jean, cf. I Joa, , ii, 18, il savait que ce grand jour pouvait arriver d’un moment à l’autre, puisque désormais le mystère de la rédemption était accompli. Mais à quelle date précise Jésus reviendrait-il juger les vivants et les morts ? Il l’ignorait. Cf. II Pet., m, 8-9, où il dit qu’il peut s’écouler encore mille ans et plus avant la fin du monde. Voir Estius, Cornélius a Lapide, Hundhausen, etc., Inl Pet., iv, 7. De nombreux commentateurs protestants n’interprètent pas autrement ce passage. — Les chrétiens doivent souvent penser au jugement de Dieu et le redouter, i, 17 ; iii, 9-10 ; iv, 7, 17-19. Cette crainte est pour eux le commencement de la sagesse.

4° L’Église. — Formée de tous ceux qui ont été rachetés par Jésus-Christ, elle est une société très auguste, que l’auteur désigne par plusieurs titres magnifiques, empruntés à l’Ancien Testament. Cf. ii, 9-10. Ses membres sont comme des prêtres, qui offrent perpétuellement à Dieu des victimes spirituelles, ii, 5, 9. Elle est un édifice pareillement mystique, dont chaque fidèle est une pierre vivante, et dont Jésus-Christ et la pierre angulaire, il, 8. Elle est un troupeau symbolique dont Notre-Seigneur est le pasteur suprême, , iv, 10-11 ; v, 14. Quant à son organisation, rien de plus simple : à la tête de chaque Église particulière étaient les anciens (itpscîgÛTepoi), les prêtres, chargés de nourrir et de diriger leurs ouailles ; celles-ci devaient l’obéissance.

5° Les devoirs des chrétiens. — a) D’abord il faut croire, ou, comme dit notre auteur, i, 2, 21-22, il faut obéir à la vérité, à l’Évangile. Les chrétiens sont, en ce sens, « des fils d’obéissance », i, 14, tandis que les incrédules sont des rebelles, ii, 8 ; iii, 1, etc. La prédidication de l’Évangile est la source de la foi, i, 12. La foi même est un sentiment de confiance inébranlable, i, 8 ; en nous attachant à Jésus-Christ, elle est pour nous le principe d’une force irrésistible, v, 9. Elle communique la vraie connaissance, i, 14, la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ, i, 2, 8 ; iii, 18. Elle est la condition indispensable du salut, i, 9. L’épreuve bien supportée l’épure et la fortifie, i, 7 ; v, 9. — b) Il faut aussi recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, iii, 21. Si la foi et le baptême sont nécessaires au salut, rien ne se fait sans la grâce, qui est un don gratuit du « Dieu de toute grâce », v, 10. La grâce suprême est celle du salut éternel, iii, 7. — c) Il faut mener une vie très sainte, puisque Dieu lui-même est la sainteté parfaite, i, 15. De là, la nécessité de se purifier sans cesse, i, 22, d’avoir une « bonne conscience », comme l’apôtre aime à le répéter, cf.’iii, 16, 21, de lutter contre la chair, ii, 11, que saint Pierre oppose à l’esprit, comme saint Paul, iii, 18 ; iv, 6, de remplacer l’homme extérieur par l’homme intérieur, iii, 3-4. Comme moyen de parvenir à cette sainteté, l’auteur allègue l’union intime et vitale avec Jésus-Christ, qui en est à la fois la source et le modèle, ii, 4-5. — d) Parmi les vertus spéciales que le chrétien doit pratiquer, saint Pierre cite : 1° la charité fraternelle, sur laquelle il insiste spécialement, d’une manière soit positive soit négative, i, 32 ; ii, 1, 15, 17 ; iii, 8-11, 15 ; iv, 8-10 ; 2° les devoirs d’état, en particulier ceux des chrétiens en tant que Citoyens, ii, 13-17, ceux des esclaves, ii, 18-25, ceux des époux, iii, 1-7. Sur ces trois points, il existe une grande ressemblance entre les règles tracées par saint Pierre et les recommandations antérieures de saint Paul, Rom., xiii, 1-7 ; Eph., v, 22-vi, 9 ; Col., iii, 22-25, etc. 3° L’apôtre recommande encore la sobriété, la vigilance, iv, 7 ; v, 8, la pratique des bonnes œuvres, ii, 12 ; iii, 11, et, avec une insistance particulière, la patience, la résignation et même la joie dans les souffrances, ii, 19-25 ; iii, 9 ; rv, 12-14,

Sur l’enseignement doctrinal de la I’Pétri, voir Poelmann, Theologia Petrina, 1850 ; C. F. Schmid, Bibl. Théologie des N. T., herausgegeben von Weiz âcker, Stuttgart, 1853 ; 4e édit. par A. Keller, Gotha, 1868 ; B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Berlin, 1855 ; du même, Lehrbuch der Théologie des N. T., 3e éd., p. 144 sq. ; Lechler, Das apostol. und das nachapostol. Zeitalter, 2e édit., p. 421-439 ; A. Krawutzky (catholique), Petrinische Studien, 2 in-8°, Dresde, 18721873 ; Bovon, Théologie du Nouv. Test., 1893, t. ii, p. 430445 ; Briggs, The Messiah of the Aposlles, 1895, p. 21-35 ; McGiffert, Hùtory of the apostolical Age, p. 482487 ; Stevens, Theology of the N. T., 1899, p. 293311. L. Fillion.

3. PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT). —

I. Destinataires. — Dès ses premières lignes, i, 1, l’auteur les désigne lui-même, en s’exprimant ainsi : « À ceux qui ont obtenu avec nous une foi du même prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ. » Avec nous : cela signifie, d’après le contexte, avec les apôtres ; d’où il suit que la lettre s’adresse aux coreligionnaires de ces derniers, aux chrétiens. L’expression ayant, à première vue, un caractère général, on en a conclu parfois que l’Épître a été composée pour toute la chrétienté. Mais le passage iii, 1, où l’auteur dit expressément à ses lecteurs que cette lettre est la seconde qu’il leur envoie, est directement contraire à ce sentiment ; en effet, il. en résulte de la manière la plus claire que les destinataires sont les mêmes que ceux de la première Épltre. Il s’agit donc de nouveau des chrétiens qui vivaient alors dans les cinq provinces d’Asie Mineure énumérées I Pet., i, 1 (voir la col. 389). — On ne trouvé dans le cours de l’écrit aucun détail dont on puisse conclure que les lecteurs primitifs diffèrent de ceux de la 7 a Pétri. Au contraire, le texte iii, 15, où il est parlé d’une lettre qui leur avait été adressée par saint Paul, désigne selon toute vraisemblance l’Épitre aux Éphésiens ; or, Éphèse était la capitale de l’Asie proconsulaire, l’une des cinq provinces en question, et il est possible que cette Épître aux Éphésiens ait été une lettre circulaire adressée par l’Apôtre des Gentils à d’autres chrétientés d’Asie Mineure.

II. Temps et lieu de la composition. — Aucun de ces deux points n’est déterminé en termes directs dans l’Épître. On peut cependant les préciser avec une certitude morale, au moyen de la réflexion faite par l’auteur, i, 14, au sujet de la révélation qu’il avait reçue, naguère de Jésus-Christ relativement à sa mort prochaine. Selon toute probabilité, cette révélation ne doit pas être confondue avec l’oracle mentionné Joa., xxt, 18-19. En effet, celui-ci ne désigne que d’une façon très générale l’époque de la mort de Pierre, cum senueris ; ce qu’il annonce, c’est le genre même de cette mort, le crucifiement. Il s’agit donc plutôt d’une révélation récente. Voir Spitta, Der zweite Brief Petrus, 1885, p. 8889 ; Hundhausen, Bas zweite Pontificalschreiben des Petrus, p. 207-209 ; Belser, Einleit., p. 716, etc. — Simon-Pierre sent donc que sa fin est imminente. Or, comme il est démontré qu’il subit le martyre à Rome, en 67 d’après^l’opinion la plus probable (voir col. 376), nous pouvons conclure de là qu’il a composé cette seconde Épitre dans la capitale de l’empire, durant la première partie de l’année 67, ou â la fin de 66. Telle est l’opinion de presque tous les critiques qui croient à l’authenticité de la lettre. Il semble résulter de II Pet., iii, . 1, qu’il ne s’écoula pas un temps très considérable entre les deux lettres du prince des Apôtres. Si l’auteur de la J/ a Pelri, comme nous le pensons (voir col. 410, et t. iii, col. 1811), a eu sous les yeux l’Épître de saint Jude et lui a fait des emprunts, son œuvre est naturellement d’une date plus récente que cette dernière composition, que l’on suppose avoir été écrite elle-même vers l’année 65. Les exégètes qui, tout en admettant l’authenticité de notre Épltre, placent la mort de 399

PIERRE’(DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)

400

saint Pierre en 64, adoptent cette même date pour sa secondé lettre. Quant à ceux qui rejettent l’authenticité, ils lui assignent les dates les plus variées, et cette diversité de sentiments manifeste à elle seule la faiblesse de leurs preuves. Credner et Bleek, à la fin du I er siècle ; Schvregler et Volkmar, à la fin du II » siècle ; Jûlictier, en Egypte, entre 158 et 175 (d’après cet auteur, Einleit., p. 152, « la 11* Pétri est certainement la partie la plus récente du Nouveau Testament, et aussi celle qui méritait le moins d’entrer dans le canon » ) ; Chase (dans Hastings, Dict. of the Bible, t. iii, col. 817), pas plus tard que 175, probablement vers 150, en Egypte, peut-être à Alexandrie.

III. Occasion et but de l’Épître. — 1° a) Dans l’intervalle qui s’était écoulé depuis l’envoi de lal re Épître, un fait très grave s’était produit dans les chrétientés d’Asie Mineure. Des hérétiques, dont la doctrine et la conduite étaient également perverses, s’y étaient introduits, et menaçaient de les corrompre tout à fait. Ce sont eux qui furent vraiment l’occasion de l’Épître. Ils sont déjà mentionnés au chap tre I", 16, 19-21 ; le chapitre n s’occupe d’eux uniquement ; on les retrouve au chapitre ni, 3-7, 16-17. Ces hommes, qui avaient été d’abord païens et qui s’étaient convertis à la religion du Christ, avaient repris les mœurs du paganisme et se livraient sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. ii, 2-3, 10, 13-14, 18-20. Non contents de s’abandonner eux-mêmes à la licence, ils exerçaient autour d’eux un ardent prosélytisme, s’efforçant de séduire, par leurs discours et leurs exemples, les chrétiens parmi lesquels ils vivaient. Cf. ii, 1-3, 14, 18-19. Ils faisaient aussi de l’antinomisme, vantant la liberté apportée par Jésus-Christ, comme si elle avait autorisé toutes sortes d’excès. Cf. i, 18-19. À l’immoralité de leur vie se joignaientde graves erreurs doctrinales. Ils se permettaient de traiter certains faits de l’histoire sacrée comme s des fables sagement inventées », i, 16. Ils avaient cessé de croire que le monde est dirigé par une intelligence supérieure, et qu’il y aura un second avènement du Christ, suivi du châtiment éternel des impies. Cf. iii, 9. Ils donnaient à la sainte Écriture de fausses interprétations, afin de pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines pernicieuses, m, 16. Il est même possible qu’ils allassent jusqu’à nier la divinité de Notre-Seigneur. Cf. ii, 1, et Judas, 4. Comme beaucoup d’autres hérétiques, ils aimaient l’argent, et s’en faisaient donner en échange de la communication de leurs erreurs, ii, 3, 13. L’auteur nous les présente comme des apostats véritables, II, 20-22. Le tableau qu’il en trace au chapitre n est d’une vigueur remarquable.

6) Quels étaient les hérétiques que saint Pierre stigmatise avec tant d’énergie ? Certains critiques contemporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i, p. 466-470 ; Jùlicher, Einleit., p. 151-152 ; von Soden, Band-Commentar zum. N. T., t. iii, part. 2, p. 171, ont prétendu qu’ils étaient identiques aux gnostiques du IIe siècle ; puis ils se sont servis de ce fait comme d’un argument pour attaquer l’authenticité de l’Épître. Il est vrai que, dès le début de la lettre, II Pet., i, 2, saint Pierre mentionne la « vraie connaissance (èmYvweri ; ) de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ » comme une bénédiction spéciale qu’il souhaite à ses lecteurs, par opposition à la fausse science (fv&mi) des docteurs hérétiques, et qu’il revient plusieurs fois sur cette pensée. Cf. i, 3, 18 ; ii, 20 ; iii, 18. Mais saint Paul le fait pareillement. Col., i, 6, 9, 10, etc. Il.est certain de même, que « les germes de la Gnose apparurent dès le commencement de l’ère chrétienne, et qu’il n’exista, dans les premiers temps de l’Église, aucun hérétique qui n’ait eu plus ou moins de traits communs avec’les gnostiques des temps plus rapprochés. » Kaulen, Einleit. , p. 515. Il est également vrai que saint Irénée accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens

des Écritures. Cf. Hser., iii, 4 ; t. vii, col. 882. Néanmoins, maigre tout cela, ce ne sont pas les gnostiquesproprement dits qui sont décrits dans cette lettre, mais seulement leurs premiers précur seurs ; car le portrait que notre Épître trace des faux docteurs ne coïncide qu’à la surface avec le système gnostique, tel qu’il se développa plus tard. Quoi que prétendent nos adversaires, les expressions aipéaet ; ômia>et’aç, . II Pet., ii, 2, itXaarotç î.ffyotc, II, 3, et (ncÉpoyxa [xa-TatôTrjToç, n, 18, sont trop vagues pour représenter le système en question. La première ne désigne point un corps de doctrine, mais un choix, une hérésie ; les deux autres font allusion à ce qu’il y avait de nul et de vaia dans les discours des docteurs hérétiques. Quant aux éons, que M. von Soden a cru découvrir dans le passage ii, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou les mauvais anges, d’après le sentiment commun. Voir B. Weiss, Einleit. in das N. T., 3e édit., 1897, p. 451 ; Kaulen, Einleit., p.565 ; Hundhausen, Der zweite Pontificalbrief, p. 1-10 ; K. Henkel, Der zweite Brief des Apostelfûrsten, p. 21-37, etc.S’ilya ici quelque chose de la gnose, c’estla gnose à ses premiers débuts, telle qu’elle commença à se^manifester environ vingt ans après l’ascension du Sauveur, comme on le voit par les Épîtres de saint Paul aux Philippiens, aux Éphésiens, aux Colossiens, par la première à Timothée, par les Épîtres de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi donc, « pour éclaircir par d’autres données historiques le portrait des faux docteurs que nous présentent l’Épître de Jude et la 1P Pétri, il n’est pas nécessaire de descendre dans le second siècle. Nous en trouvons déjà les traits essentiels dans la chrétienté primitive ». Th. Zahn, Einl. iri das N. T., t. ii, p. 101 ; voir aussi le t. i r p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du christianisme, tels que les décrivent ces différentes Épîtres, on reconnaît une grande ressemblance : ils ont des tendances antinomistes et refusent de se plier entièrement sous la loi chrétienne, ils se livrentà toutes sortes d’excès, ils en viennent jusqu’à mépriser la personne du Christ et à l’abaisser pour devenir plus libres par là-même.

c) À quel groupe spécial des premiers hérétiques devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels s’élève la 1P Pétri ? On les a identifiés tantôt aux Nicolaïtes de l’Apocalypse (dans les temps anciens, Œcuménius, In II Pet., ii, 1, t. cxix, col. 592 ; dpns les temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8 ; de nos jours, Hug, Einleit., 3e édit., t. ii, p. 572 ; Windischmann, Vindicise Petrinse, p. 34 ; Reithmayr, Einleit. , p. 743 ; Cornely, Introd., t. iii, p. 636 ; T. Zahn, Enleit. in dasN. T., t. ii, p. 101), tantôt avec les disciples et successeurs de Simon le magicien, etc. Il est difficile de se prononcer là-dessus avec certitude. Toutes ces hypothèses ont du vrai, car les hérétiques décrits dans la IP Pétri présentent certaines ressemblances avec ces autres docteurs de mensonge ; mais elles paraissent toutes plus ou moins exagérées, attendu qu’aucune d’elles ne correspond absolument au portraittracé par saint Pierre. Il est probable que le prince des Apôtres généralise, et qu’il stigmatise en même temps toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, loc. cit., p. 3237. — On a eu tort parfois, Fronmùller, In II Pet., iii, 3, p. 96 ; B. Weiss, Der Pétrin. Lehrbegriff, p. 283 ; Huther, Die Briefe Pétri, p. 286 ; Bisping, Èrklârung der kathol. Briefe, p. 257, etc., d’établir une distinction entre les ieuSo818â<rxa), oe* magistri mendaces, que décrit le chap. ii, ꝟ. 2-3, et les êu-iratxTat, illusores, du chap. iii, ji. 3-4, comme s’ils avaient formé deux classes distinctes d’hérétiques. Il s’agit en, réalité d’une seule et même catégorie de faux docteurs, qui prêchaient simultanément la licence morale et des doctrines erronées sur la nature et sur le retour de Jésus-Christ. Après les avoir décrits en termes gêné

raux dans le chap. ii, l’auteur revient, dans le chap.m, sur un trait spécial de leur doctrine perverse, la négation du second avènement de Jésus-Christ.Cf. ii, 10 et iii, 3, où le même trait caractéristique, qui post carnem in concupiscentia immunditix ambulant, eïjuxta proprias concupiscentix ambulantes, appliqué de part et d’autre, montre qu’il est vraiment question des mêmes personnes. Le texte iii, 17, ne insipientium (ùftéay.o>v, « des hommes sans loi » ) errore traducti excidatis…, prouve aussi que les èjjuraïitTa ! étaient antinomistes comme les t|/suSoS181<maXoi. Rejetant toute loi, ils se livraient à la débauche, et niaient le retour gênant du Christ. Comme l’auteur emploie plusieurs fois le futur à propos de ces faux docteurs, ii, 1, « erunt magistri mendaces ; » iii, 3, « ventent in novissimis diebus illusores, » quelques interprètes ont supposé que sa description concerne l’avenir et non le temps présent. Ce sentiment est inexact, car il est évident, d’après le sens de l’Épître, que saint Pierre écrit pour prémunir ses lecteurs contre un péril actuel. D’ailleurs, dans les versets 10-15 du chap. II (cf. ii, 20, yérovev ; ii, 22, auu.ês’6ï)XEv), il parle des hérétiques comme existant déjà réellement. Cf. II Tim., iii, 1-8, où saint Paul s’exprime d’une façon identique. Cette manière de faire devait montrer que le danger, déjà présent, deviendrait plus grand encore, parce que le mal irait en se développant.

2° Le but que se proposait l’auteur est indiqué parles détails qui précèdent. Il est même énoncé tout au long dans les dernières lignes de l’Épître, iii, 17-18, en termes tour à tour négatifs et positifs : « Vous donc, frères, avertis d’avance, soyez sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’erreur de ces insensés, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté ; mais croissez dans la grâce et dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. » Saint Pierre voulait donc prémunir ses lecteurs contre le nouveau danger qui les menaçait ; danger beaucoup plus grave que celui qui avait servi d’occasion et de but à sa première Épître. Voir col. 387. Nous ignorons de quelle manière il avait été averti du fait désolant qui a été signalé plus haut. Les relations entre Rome et l’Asie Mineure étaient d’ailleurs faciles et fréquentes à cette époque. Certain qu’il ne tarderait pas à mourir, cf. i, 14, Pierre se, hâta d’écrire cette seconde lettre, qui est avant tout, comme la précédente, une exhortation essentiellement pratique.

IV. Analyse. — La JJ a Pétri se fait remarquer, comme la première Épître, par son unité, et par une marche simple et claire. Voir Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 179-182.

1° Voici d’abord, en général, le sujet traité par l’apôtre. Dans les circonstances qui ont été décrites, il importait de rappeler dès le début aux chrétiens d’Asie Mineure la stricte obligation où ils étaient de mener une vie très sainte, et aussi la certitude parfaite de l’objet de leur foi. Il fallait ensuite les mettre directement et nettement en garde contre les séductions qui les menaçaient de la part des docteurs hérétiques. C’est ce thème qui est traité ici par saint Pierre. Il presse ses lecteurs d’organiser leur vie d’une manière conforme à la foi chrétienne, de se préserver des doctrines malsaines et des mauvais exemples de l’hérésie, enfin de se tenir prêts en vue du second avènement de Jésus-Christ. Il insiste aussi, dès la première ligne, sur la divinité de Jésus-Christ, cf. i, 1, dont il ne cite ensuite jamais le nom sans y ajouter le titre « Notre-Seigneur ». Cf. i, 2, 8, 11, 14, 16 ; iii, 18.

2° Il y a trois parties dans la lettre : a) Nécessité et motifs de croître dans la pratique de la vertu, i, 1-21 ; b) Description des mœurs et des maximes des faux docteurs, ii, 1-22 ; c) Réalité du second avènement de Jésus-Christ et instruction relative à la fin du monde, m, 1-18. La première partie est. morale ; la seconde polémique ; la troisième, tout ensemble pratique et doctrinale.

a) Après avoir brièvement salué ses lecteurs, i, 1-2, l’auteur les invite à grandir sans cesse dans les vertus chrétiennes : les bienfaits dont Dieu les a gratuitement comblés et les magnifiques promesses qu’il leur a faites sont pour eux de pressants motifs de vivre saintement. En agissant ainsi, ils réaliseront de la façon la plus sûre le but de leur vocation, qui consiste, d’une part, à connaître de plus en plus Notre-Seigneur Jésus-Christ, et, de l’autre, à conquérir la place qui leur est préparée dans le ciel, i, 3-11. Pierre se sent pressé de leur adresser cette recommandation, car Jésus lui a révélé que sa fin est proche ; c’est donc pour ainsi dire son testament qu’il fait en leur écrivant, i, 12-15. Comme raison spéciale de vivre très saintement, il leur signale la certitude de l’enseignement qui leur a été prêché, et il démontre successivement cette certitude par la prédication des apôtres et par les oracles des anciens prophètes.

6) Dans la seconde partie, dirigée ouvertement contre les docteurs hérétiques, l’auteur commence par affirmer avec énergie le châtiment futur de ces hommes pervers : Dieu, qui est fidèle à délivrer les justes, sera fidèle aussi à punir ces misérables, de même qu’il avait autrefois châtié les anges déchus, les contemporains impies de Noé, les infâmes habitants de Sodome et de Gomorrhe, ii, 1-9. Saint Pierre trace ensuite une peinture vivante, hardie, de leur conduite ignoble ; surtout de leur orgueil, de leur esprit de révolte, de leurs débauches. Il les montre comme les prédicateurs d’une fausse liberté, qui produit forcément l’esclavage, et il assure qu’il aurait été meilleur pour eux de ne pas connaître Jésus-Christ, ii, 10-22.

c) Dans la troisième partie, l’auteur réfute deux erreurs dogmatiques de ces docteurs de mensonge. Ils tournaient en ridicule la croyance au second avènement du Christ et à la fin du monde. L’apôtre répond avec vigueur que ces deux événements se passeront à l’heure voulue par Dieu, et que, s’ils sont retardés, c’est par un effet de la bonté du Seigneur, qui veut donner pleinement aux pécheurs le temps de se. repentir. Mais le jour du Seigneur viendra infailliblement ; les deux et la terre actuels seront dissous par le feu, non toutefois pour disparaître, mais pour faire place à de nouveaux cieux et à une nouvelle terre où habitera la justice, iii, 1-10. Pierre conclut en engageant ses lecteurs à se tenir toujours prêts, en vue du jugement divin, qui éclatera à l’improviste ; il en appelle sur ce point au témoignage de son bien-aimé frère Paul, iii, 11-16. Enfin, il exhorte les fidèles à se tenir en garde contre les faux docteurs, et à croître dans la connaissance et dans la grâce du Sauveur Jésus, iii, 17-18.

V. Authenticité. — I. preuves extrinsèques (voir Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben : .., p. 19100 ; Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 184, Th. Zahn, Einleit., t. ii, p. 89 sq. ; Cornely, Introd. ; Henkel, Der zweite Brief des Apostelfûrsten Petrus geprûft auf seine Echtheit, p. 47-89). — a) Si nous interrogeons la tradition sur ce point important, nous n’aurons pas à signaler la même unanimité de témoignages que pour la I re Épître ; nous trouverons cependant des preuves satisfaisantes. De nombreux faits historiques, regardés très justement comme indiscutables, sont beaucoup moins accrédités. Remarquons d’ailleurs que la II’Pétri est, dans son ensemble, moins pratique que la première lettre, qu’elle traite de sujets moins généraux, et qu’elle est née de circonstances plus spéciales. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ne soit pas mentionnée et citée aussi fréquemment dans les temps anciens.

b) Néanmoins, elle était connue de très bonne heure dans l’Église comme un écrit inspiré et canonique. Au premier siècle, le pape saint Clément y fait plusieurs allusions très probables. Cf. surtout 1 ad Cor., vii, 5 ;

ix, 4, et II Pet., ii, 5-7 : de part et d’autre, les exemples de Noé et de Lot sont cités conjointement, et, dans les deux écrits, à propos de Lot, il est dit que Dieu n’abandonne pas les siens, mais qu’il châtie leurs ennemis ; ce double rapprochement est frappant. Cf. aussi I ad Cor., vii, 9, et II Pet., i, 12-13 ; I ad Cor., ix, 2, et II Pet., i, 17 ; I ad Cor., xi, 1, et II Pet., ii, 6-8 ; 1 ad Cor., xxiii, 2, et II Pet., i, 4 ;

I ad Cor., xxv, 5, et II Pet., ii, 2. Au second siècle, on entend très vraisemblablement aussi des échos de notre Épître dans le Pasteur d’Hermas (cf. Simil., 6, et II Pet., ii, 1-3 ; plusieurs critiques sérieux croient qu’ici l’emprunt est indéniable), dans la Didaché, cf. iii, 6-8 ; IV, 1, et II Pet., ii, 10 (il règne une grande analogie de pensées et d’expressions entre les deux auteurs) ; dans l'Épitre de Barnabe, cf. ii, t. ii, col. 729, et

II Pet., i, 5-6 ; xv, 4, et II Pet., iii, 8 ; dans l'Épitre de saint Polycarpe Ad Philipp., 7, t. v, col. 1012, cf. II Pet., m, 3 ; dans l'écrit de saint Théophile d’Antioche Ad Aitol v ii, $, . î, eo. 1064 (iï e*ste mm grande ressemblance entre le passage ii, 9, et II Pet., i, 21 ; cf. aussi il, 3, et II Pet., 1, 19) ; dans le Dial. c. Tryph., de saint Justin, cf. t. vi, col. 669, et II Pet., i, 21 ; t. iii, 8 ; dans saint Irénée, Adv. hœr., cf. iv, 36, 3, t. vii, col. 1224, et II Pet., ii, 4-7 ; v, 23, 2 ; 28, 3, col. 1185, 1200, et II Pet., iii, 8. Au troisième siècle, Firmilius de Césarée en Cappadoce parle, Ep. ad Cypr., 75, t. iii, col. 1159, d’avertissements donnés aux fidèles par saint Pierre et par saint Paul, afin de les mettre en garde contre les docteurs hérétiques ; or, cette réflexion ne saurait s’appliquer qu'à la 1 J a Pétri, car il n’est nullement question des faux docteurs dans la première lettre du prince des Apôtres. L’auteur des Philosophoumena, ix, 7, t. xvi, col. 3371, fait allusion à II Pet., ii, 22. Au dire d’Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, Clément d’Alexandrie avait commenté l'Épitre de saint Jude et « les autres Épîtres catholiques » ; or, Eusèbe range la IIe - Pétri dans cette catégorie d'écrits. Cf. H. E., ii, 23, t. xx, col. 205. Ce commentaire de Clément d’Alexandrie suppose que notre Épître était alors très estimée et répandue. Origène est le premier à la citer nommément comme l'œuvre de saint Pierre. Voir surtout Hom. ir in Lev., t. ii, col. 437, où il cite II Pet., i, 4 ; Hom. xiu in Num., t. ii, col. 676, où il cite II Pet., ii, 16 ; Hom. vu in Jos., t. ii, col. 857, où il dit : Petrus duabus Epistolorum suarum Personal tubis ; Comm. in Matth., 15, t. iii, col. 692, et Comm. in Rom., i, 8, t. iv, col. 1178, où il cite II Pet., i, 2. Didyme d’Alexandrie, mort en 384, attribue plusieurs fois notre lettre à saint Pierre, dans son traité De Trinit., i, 15, 28, 29, etc., t. xxxix, col. 304, 409, 416. Saint Athanase, Ex Epist. festal., 39, t. xxvi, col. 1176, la range, avec les autres livres du Nouveau Testament, parmi « les sources du salut ». Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 36, t. xxxiii, col. 500, énumère les sept Épîlres catholiques telles que nous les connaissons. L’historien Eusèbe accepte personnellement la JI a Pétri comme authentique et canonique. H. E., ii, 23, - 1. xx, col. 205. Ailleurs, H. E., iii, 3, col. 217, il établit une distinction essentielle entre elle et trois écrits (les Actes, la Prédication et l’Apocalypse de Pierre), qui circulaient sous le nom du prince des ^àpôtres ; ces derniers n’ont pas été transmis parmi les livres généralement reçus par l'Église, tandis que la SeuTÉpoc êjri<jTo).iiî est lue officiellement comme les autres écrits inspirés. Saint Jérôme est, en ce qui le concerne personnellement, un partisan très décidé de l’authenticité : Scripsit (Petrus) duas Epistolas, aux catholicse nominantur. De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 607. Il dit ailleurs, Epist. cxx, ad Hedib., H, t. xxii, col. 1002 ; cf. Ep. ad Paulin., lui, 8, t. xxii, col. 548, qu’il y a septÉpitres catholiques, composées par Jacques, Pierre, Jean et Jude.

c) Il est vrai que plusieurs de ces anciens écrivains signalent des doutes qui existaient çà et là, de leur temps, touchant l’authenticité et la canonicité de la i/ a Pétri. C’est ainsi qu’Origène a dit (dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 585) : « Pierre n’a laissé qu’une Épitre universellement reconnue, peut-être aussi une seconde, mais on n’est pas d’accord sur ce point. » Didyme d’Alexandrie l’accepte et l’a commentée, comme il a été indiqué ci-dessus, col. 403 ; mais un fragment latin de son interprétation contient ce trait : Non igitur ignorandum prmsentem EpistoJam esse falsatam, qum licet publicetur, non tamen in canone est. Mais il est assez communément admis, même par des adversaires de l’authenticité, que ces mots ne sont pas de Didyme lui-même, ou bien que esse falsatam est Une traduction fautive du verbe voôeveTai, qui signifie : « Elle est déclarée non authentique. » Eusèbe, dont nous avons vu plus haut le sentiment personnel, très favorable à notre Épître, la range ailleurs parmi les livres qui n'étaient pas universellement admis comme canoniques, ià avzu.ty6y.eva, bien qu’elle fût connue de la plupart des chrétiens (toîç noMoï ; ) et qu’elle fût étudiée par un grand nombre (jroXXoîç) avec les autres écritures, parce qu’elle leur paraissait utile. H. E., vi, 25, t. xx, col. 584 ; voir aussi iii, 26, 3 ; m, 3, 1. Saint Jérôme fait une observation semblable : Secundam (epistolam) a plerisque ejus (Pétri) esse negari propter styli cum priore dissonantiam. De vir. ill, 1, t. xxiii, col. 638. Cf. Epist. ad Hedib., cxx, t. xxii, col. 1002. Nous ferons remarquer, à la suite du P. Cornely, Introd., t. iii, 2 8 part., p. 643, et d’autres auteurs, en particulier A. Schœfer, Einleit. in das N. T., p. 333, n. 3, que l’expression a plerisque dépasse la mesure, car, à l'époque du saint docteur (fin du iv 8 siècle), il est certain que notre Épître était communément regardée [comme un livre inspiré.

d) Les doutes en question sont très probablement la cause du silence gardé au sujet de cette Épitre par le Canon de Muratori (vers 175), par Tertullien et par saint Cyprien, qui cependant connaissent et citent la précédente lettre. L’omission de la II 1 Pétri par la version syriaque primitive est pareillement surprenante ; mais elle est compensée par la présence de cet écrit dans Vlaa, au second siècle. Nous savonB d’ailleurs par saint Éphrem, Opéra syriaca, t. ii, p. 342, que les Syriens admettaient la canonicité de Pupitre au IVe siècle. Les doutes en question portèrent surtout sur la différence de style avec la J » Pétri (voir plus bas, col. 407), ou bien, comme c’est le cas pour le moine Cosmas 'Indicopleuste (au xi 8 siècle), ils durent leur origine à la prophétie relative à la destruction^du monde par le feu. Cf. II Pet., iii, 7, 10-13. Peu à peu ces doutes disparurent, de même que pour les autres parties deùtérocanoniques du Nouveau Testament ; aussi, à partir de la fin du ive siècle, on n’en voit plus de trace sérieuse. Les onze ou douze listes authentiques des écrits inspirés que nous a léguées le même siècle contiennent l'Épitre (voir Gaussen, Canon des Écritures, t. i, p. 505), et les conciles de Laodicée en 364, de Rome en 375, d’Hippone en 393, de Carthage en 397 ; comptent officiellement notre lettre parmi les livres inspirés ; ce qui signifie, en même temps, qu’on en attribuait alors généralement la composition à saint Pierre. Voilà, certes, des témoignages plus que suffisants pour croire à son authenticité. — Il n’y a pas eu la moindre hésitation durant le moyen âge jusqu'à Érasme (voir la fin de son commentaire sur II Pet.), Calvin (In Il Pet., Prolog.), et plus tard Grotius (Adnotat. in Il Pet., 1, 1), etc., qui firent revivre les anciens doutes. Les protestants eux-mêmes refusèrent d’abord de les suivre ; mais, à partir du xixe siècle, ils se sont mis à regarder assez généralement l'Épitre comme l'œuvre

d’un faussaire. On compte, aujourd’hui, ceux qui l’attribuent encore au prince des apôtres. Voir leur énumération dans Hundhausen, Da$ zweite Pontifiçalschreiben des Petrus, p. 19 ; ajouter Spitta, Der zweite Srief Petrus, p. 175.

il. preuves intrinsèques. — Olshausen, l’un de ces exégètes protestants qui, assurent-ils, n’ont pas réussi à se former une opinion certaine au moyen des seuls témoignages de l’antiquité, ajoute : Ràtionibus… subjectivis fultus authentiam Epistolee persuasum habeo. Dans Salmon, Introd. to the Study of the Books o( the N. T., 7e édit., p. 498. Interrogeons donc maintenant l’Épitre elle-même, et voyons ce qu’elle nous dit au sujet de son authenticité.

Elle se donne dés le début, i, 1, comme l’œuvre de « Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ ». Plusieurs passages de la lettre confirment cette assertion. L’auteur se range, i, 16-18, parmi les témoins oculaires de la transfiguration de Notre-Seigneur, et le récit qu’il fait de ce prodige montre qu’il était vraiment sur la « sainte montagne ». Cf. Matth., xvii, 1-4 ; Marc., ix, 1-5 ; Luc, ix, 28-33. Or, ce prodige éclatant n’eut que trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, et personne n’a jamais songé à attribuer la lettre aux deux fils de Zé « bédée. Plus loin, iii, 15, l’auteur nomme saint Paul son « frère bien-aimé », c’est-à-dire son collègue dans l’apostolat. Ces deux témoignages sont très explicites. Il faut en rapprocher aussi la déclaration II Pet., iii, 1, qui identifie clairement l’auteur de la première Épître et celui de la seconde, et le passage iii, 2, où celui qui a écrit la lettre affirme de nouveau qu’il faisait partie du collège apostolique. En rapprochant ii, 20, de Matth., xii, 45, et ii, 14, de Matth., v, 27, on voit qu’il connaissait fort bien les paroles du Sauveur. Ce n’est pas qu’il « fasse des efforts surprenants pour jouer le rôle d’apôtre », comme le prétendent E. Reuss, Die Geschichte der heil. Schriften des N. T., p. 256 de la 3e édit., 1860, et H. Holtzmann, Einl. in das N. T., 3° édit.", p. 321, dans le but d’enlever toute force à l’argument qui précède. Il ne joue jamais un rôle, mais il se présente simplement tel qu’il était en réalité. On a aussi affirmé que, m, 2, il sort de ce même rôle par mégarde, et qu’il s’exclut lui-même du corps apostolique ; mais, pour obtenir ce résultat on suit la leçon à ; to<7T<5)i<ov ft.âv, « de nos apôtres », tandis que le texte le mieux garanti porte i[iwv, vestrorum.

Autre preuve très forte. Non seulement cette seconde Épltre ne renferme absolument rien que saint Pierre n’ait pu écrire ; elle contient en outre des pensées identiques à celles de la première. Voir Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben, p. 62-90 ; Kaulen, Einleit., p. 567 ; Belser, Einleit., p. 718 sq. ; Krawutzcky, Petrinische Studien, Breslau, 1877, t. ii, p. 64-72. — a) Les deux écrits mettent singulièrement en relief la personne de Notre-Seigneur, qui est leur centre perpétuel, et auquel tout se rapporte en vérité. Relevons en particulier l’importance attachée à son second avènement et à l’obligation qu’ont les fidèles de se préparer à cet acte suprême par une’vie très simple. Cf. I Pet., i, 7-8, 13-14 ; iv, 7-8, 13-14 ; v, 1-3 ; II Pet., i, 16, 19 ; iii, 10-12. — 6) De part et d’autre, l’auteur insiste sut la pensée que Jésus-Christ nous a rachetés au prix de son sang divin, et qu’il nous a ainsi purifiés de nos péchés. Cꝟ. 1 Pet., i, 2, 18-19 ; iii, 21 ; II Pet., i, 9 ; ii, 20-22. — c) Dans les deux lettres, la religion chrétienne est présentée comme la réalisation des anciennes prophéties, de sorte que le ministère des prophètes et celui des Apôtres sont mis en relations intimes. Cf. I Pet., i, 10-12 ; II Pet., i, 16-19 ; iii, 2. - d) La seconde Épltre suppose, comme la première, une connaissance très grande de l’Ancien Testament. Il est vrai qu’il n’y est cité qu’une fois] explicitement, II Pet., ii, 28 ; cf. Prov., xxvi, 11 ; mais les allusions, les réminis cences, les citations indirectes y abondent partout. Cf. i, 19-21 ; ii, 1, 4-8, 15-16 ; iii, 2, 5-8, 10, 13, 16, etc. e ) Voici encore quelques traits communs aux deux Épîtres ; l’idée que les chrétiens ont été régénérés et qu’ils participent à la nature divine, 1 Pet., i, 23 ; II Pet., i, 4 ; l’existence d’une vraie et d’une fausse liberté, I Pet., i, 22 ; II Pet., ii, 19 ; la mention du déluge, I Pet., iii, 20 ; II Pet., iii, 6 ; le fait que sept personnes seulement échappèrent à cette catastrophe, I Pet., iii, 20 ; II Pet., Il, 5 ; plusieurs ressemblances frappantes sous le rapport eschatologique. I Pet., i, 4, et II Pet., i, 11 ;

I Pet., i, 7, et II Pet., i, 16 ; I Pet., i, 20, et II Pet., iii, 3. — f) Notons aussi les analogies qui existent entre le commencement et la fin des deux lettres. Elles mentionnent l’une et l’autre, dès leurs premières lignes, l’espérance du ciel comme un puissant encouragement pour les chrétiens. Cf. I Pet., i, , 4-6 ; II Pet., i, 11. Elles s’ouvrent par le même souhait, qui n’apparaît nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. L’une et l’autre elles s’achèvent par l’indication très précise du but que se proposait leur auteur, I Pet., v, 12 ;

II Pet., iii, 17-18. — g) La seconde Épître rappelle partout le caractère ardent, l’autorité et le zèle apostolique, la vigueur et l’originalité du prince des Apôtres, de sorte qu’elle respire constamment, comme la première, « l’esprit de Pierre ».

m. objections des CRITIQUES. —Dans ces conditions, on conçoit que les adversaires de l’authenticité « n’aient pas essayé de proposer, avec quelque vraisemblance^ un auteur différent » de saint Pierre.Burger, dans Strack etZôckler, Kurzgefasster Komment., N. Test., i’îascic, p. 181. Néanmoins, malgré tant de preuves extrinsè^ ques et intrinsèques, ils ont combattu notre Épître avec un acharnement extraordinaire. Voir E. Renan, V Antéchrist, p. vi ; E. Reuss, Gesch. der heilig. Schriften des N. Test., 3e édit., p. 256 ; Jùlicher, Einleit., p. 152. B.Weiss lui-même, quiadmettaitautrefois l’authenticité, pense maintenant qu’on ne peut rien décider à ce sujet. Cf. Einleit., 3e édit., p. 450. Le D’Kiihl, Die Briefe Pétri, édit. de 1897, p. 370, affirme très justement qu’on a abusé des arguments intrinsèques contre l’Épitre, et que plusieurs détails qui, dans l’hypothèse de l’authenticité, paraissent tout à fait inoffensifs, ont été bien à tort regardés comme des motifs de soupçon et de doute. Parmi les exégètes protestants qui l’admettent, nous pouvons citer Nietzsche, Epistola Pétri posterior, auctori suo… vindicata, 1785 ; C. Flatt, Genuina secunda Pétri epistolee origo… defenditur, 1806 ; W. Dahl, De Authentia epistolee Pétri posterioris atque Judse, 1807, Bertholdt, Olshausen (il a aussi composé un ouvrage spécial sur la question, De integritate et authentia posterioris Pétri epistolee, 1823), Guericke, Thiersch, Stier, Dietlein, Hofmann, Schulze, F. Keil, Brùckner, Spitta, A. Bruce, etc., qui appartiennent aux écoles exégétiques les plus diverses. Voir J. H. Holtzmann, Einleit, p. 325 ; Grosch, Die Echtheit des zweiten Briefes Pétri, 1889, et surtout l’excellent ouvrage du D T Henkel (catholique), Der zweite Brief des Apostelfûrsten Petrus geprûft auf seine Echtheit, Fribourg-en-Brisgau, 1904.

Les objections alléguées sont de deux sortes : il y a celles qui concernent les pensées et celles qui regardent la forme. —1° Objections concernant les pensées.

— On a prétendu que le fond des deux écrits est trop différent pour qu’ils puissent provenir d’un seul et même auteur. H. Holtzmann, Einleit-, p. 321-322. Mais nous avons déjà démontré indirectement, col. 405, que cette allégation porte entièrement à faux ; aussi Reuss lui-même, Geschichte der heil. Schriften des N. T., p. 70, ne lui attache-t-il « aucune force décisive ». Comp. Hofmann, Heil. Schriften des N. T., t. ii, p. 128 ; t. îx, p. 208. Nos adversaires insistent en particulier sur le fait suivant : la J7 a Pétri parle de la destruction ou plutôt

de la rénovation du monde actuel par le feu, iii, 7, 10, 12, tandis que cette doctrine est tout à fait étrangère à la première Épitre. Nous répondons que cet enseignement n’est pas nouveau, mais très conforme à celui des prophètes de l’Ancien Testament et de Jésus-Christ lui-même. Cf. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22 ; Matth., xxiv, 29, etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionné dans la I" Épître la descente de Jésus-Christ aux enfers, dogme qui n’est qu’insinué rapidement ailleurs dans les écrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il pas, dans la IIe, d’un fait qu’il laisse de côté dans la lettre précédente ? Les autres divergences s’expliquent suffisamment par la différence du thème traité de part et d’autre. Par exemple, dans la I" Épître, l’auteur insiste sur l’espérance, voir la col. 396, afin de mieux consoler et encourager, par la promesse de l’héritage céleste, les chrétiens d’Asie Mineure, qui enduraient la persécution pour la justice ; dans la II 8, il appuie davantage sur la connaissance (êitfYvwinç) de Jésus-Christ, qu’il oppose à la fausse science (yvôucç) des docteurs hérétiques. Mais la première Épîfre, tout en insistant davantage sur l’espérance, ne manque pas de mentionner aussi la vraie Yv&xrtc, cf. I Pet., iii, 7, et la IIe, tien qu’elle ne contienne pas expressément le mot ÈXizlç (espérance), exprime à plusieurs reprises l’idée de l’espérance chrétienne. Cf. II Pet., i, 11, 19 ; iii, 9, 12-15. Dans la première lettre, le retour de Jésus-Christ à la fin des temps est appelé ànoxâXuifuç, « révélation », et TtapoWa, « présence », dans la seconde. Mais est-ce là une différence ? Voir la réfutation de cette objection générale dans B. Weiss, Die Petrinische Frage, p. 293 ; F. Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 194.

2° Objections tirées du style. — On a objecté très souvent aussi la différence de style entre la première et la seconde Épitre, comme une preuve manifeste que les deux écrits ne peuvent pas avoir été composés par le même auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322. La différence alléguée est très réelle. Cf. von Soden, HandComment, zum N. Test., t. iii, 2e partie, p. 211 ; Henkel, Der zweile Brief des Apostelfùrsten Petrus, p. 56. Mais elle n’est nullement de nature à permettre de nier l’authenticité ; sans compter que nous possédons trop peu de produits littéraires de saint Pierre, pour porter un jugement convenable sur son style. Déjà saint Jérôme signalait cette difficulté, Epist. cxx, ad Bedib., 11, t. xxii, col. 1002 ; cf. De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609. Il essayait. en même temps d’en marquer la cause : Ex quo intelligimus pro diversilate rerum diversis eum usum esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exégètes contemporains pensent que telle est, en effet, la meilleure solution ; entre autres, Cornely, Inlrod., t. ii, 3e part., p. 648 ; A. Schsefer, Einleit. in das N. T., p. 335 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 367. Saint Marc ou Silvain auraient aidé saint Pierre pour la composition de la première Épître, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait n’a rien d’invraisemblable en lui-même ; toutefois, il est loin d’être certain, et il n’est pas nécessaire de recourir à lui pour expliquer le petit problème linguistique que nous étudions. D’ailleurs, on peut dire que saint ; Jérôme exagère à propos de la différence de style et que beaucoup de critiques contemporains font comme lui. Cf. Henkel, loc. cit., p. 58-59.

Il est bon de noter ici, avant toute autre réponse, que, en ce qui concerne le style et la diction en général, « la divergence des opinions est la règle parmi les savants, » comme le dit fort bien M. Belser, Einleit., p. 705. Et pour justifier cette réflexion, le savant auteur cite les jugements contradictoires de deux exégètes protestants sur, le chap. n de la II* Pétri : tandis que Hofmann, Die Briefe Pétri, Judse, etc., p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme unique en son genre parmi les écrits du Nouveau

Testament, Mayerhoff, Hist. krit. Einleit. in die Pétrin. Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat. Il est aussi très important, pour apprécier équitablement la divergence indiquée, de se rappeler la différence considérable des sujets traités et du but que se proposait l’auteur. En outre, l’emploi que saint Pierre a fait, selon toute probabilité, de la lettre de saint Jude, col. 410, n’a pas manqué d’exercer une certaine influence sur son propre style.

Examinons maintenant quelques-unes des objections de détail proposées sur ce point par les néo-critiques.

— o) On a noté en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit., p. 322, une certaine monotonie que présente la II’Pétri dans l’usage des prépositions, tandis que l’auteur de la Ire Épitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans le passage II Pet., i, 3-5, ôt’a revient quatre fois ; £v jusqu’à sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. Il est vrai que, dans la première lettre, les prépositions sont plus variées ; ce qui n’empêche pas eîç, èv et 8îa d’y dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet., qui viennent d’être cités, les répétitions ont eu lieu évidemment à dessein, et elles donnent beaucoup de force à la pensée. — 6) Il y a dans II Pet. ce qu’on a appelé à tort des « répétitions traînantes », des mêmes termes, à des intervalles très rapprochés. Holtzmann, loc. cit., p. 322. Par exemple : i, 2-3, SsBupmnévo ; e * 8s811pY)tai ; i. 1-10, trois fois Taina ; ii, 1, deux fois àirioXeia. Voir aussi i, 17, etc. Mais comment n’a-t-on pas remarqué que ces répétitions sont voulues, et qu’elles ont pour, but évident de fortifier la pensée ? Du reste, il en existe de semblables dans la I re Épitre. Cf. I Pet., i, 5-10, où les mots « foi, croire, salut » sont employés coup sur coup ; i, 5-18 et iii, 1-2, à propos des expressions àvaJTpoçri et àvastpéçs^at. — c) On met en avant un nombre assez considérable de termes (environ cinquante) qu’on ne trouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament (entre autres àÔEffiioç, àxaTcuca’j<rroç, àfi<ï>[ir ; Toç, aùxp-ipoç, |SXé[i.[i, a, pôpéopoç, Siauyôïstv, 8u<rvdï]-uoç, EyxaTotxetv, slaxoXouÔeiv, ê7uXuaiç, X^Ô7)v Xaêeiv, ^ia<r^a, ôp.t) ; X7), 7rap£[<raY£cv, rcXaa-udç, trrpeéXoOv, t « x îv< ^ ! re<ppo0v, cptddçôpo ; ), et dont plusieurs semblent avoir été inventés par l’auteur lui-même (notamment Tapxccpouv, ii, 4 ; napacppovta, ii, 16 ; èl ; épa[ia etxuXc<7[iôç). Mais, selon la remarque très juste de Reuss, Épitres catholiq. , p. 223, qui rejette pourtant l’authenticité, « qu’estce que cela prouve ? Est-il juste que chaque auteur écrive toujours de la même manière ? » Les Apôtres étaient souvent obligés de créer un langage nouveau pour exprimer les idées chrétiennes ; saint Pierre l’a fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi donc, « on ne saurait déduire de ces particularités de langage une nécessité absolue d’affirmer que l’auteur dela I™ Épître diffère de celui de la IIe. » Burger, Kurzgefasst. Comment., p. 182, N. T., 4e fasc.

Nous, de notre côté, nous pouvons signaler des points de contact très nombreux entre les deux JB.pitres sous le rapport de la diction. Nous n’indiquerons que les plus caractéristiques. Voir des listes plus complètes dans Lumby, dans le Speaker’s Commentary, t. rv du N. T., p. 228 ; Davidson, Introd. to the New Test., . t. ii, p. 462 ; Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben, p. 86-88 ; Keil, ’loc. cit., p. 199-202 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 336 ; Henkel, Der zweite Brief des Apostelfùrsten, p. 47. — a) Les deux.lettres renferment un certain nombre d’expressions qui leur sont communes et qui ne sont pas employées dans les autres livres du Nouveau Testament : ap.rû|ji.o ; et aumXoç, I Pet., , i, 19 ; cf. II Pet., iii, 14 ; Èicoirreûeiv, I Pet., ii, 19, et ni, 2 ; cf. II Pet., i, 16 ; sônôSsaiç, I Pet., iii, 21 ; cf. II Pet., i, 14 ; nljtauTœi ànspcfac, I Pet., IV, 1 ; cf. II Pet., ii, 14. — b) Des deux côtés, on rencontre des expressions et des tournures identiques, rares ou relativement rares. Par exemple : I Pet., ii, 9, t « ç.

ôperà ; xoO… xaXéaavToc ; II Pet., i, 3, toû xaXéaavros ïj[wï5 5 àpETfjî (il est à remarquer que le mot àpeTTj, « vertu », indépendamment de ces deux passages, n’est employé dans le Nouveau Testament que par saint Paul, Phil., iv, 8, où il est appliqué au* hommes ; saint Pierre seul l’applique à Dieu) ; à6é| « To « , I Pet., iv, 3, et à8e<T(J-oc, II Pet., ii, 7 ; 8ï|Xo0v, pour marquer la révélation divine, I Pet., i, 11, et II Pet., i, 14 ; âvaaTpof ^ (le « mot favori » de saint Pierre), 1 Pet., i, 15, 18 ; ii, 23 ; iii, 1, 2, 16, et II Pet., ii, 7 ; iii, 11 ; lît16u(jit’o aapxixa, I Pet., ii, 11, et II Pet., ii, 10 ; <TTr)p£Çeiv, I Pet., v, 10, et II Pet., i, 12, etc. ; tftXx5e.<pi<x, I Pet., 1, 22, et II Pet., i, 7 ; -/opyjYEÏv, I Pet., iv, 11, et II Pet., i, 5, ’ll, etc., — c) On signale encore l’usage très spécial du participe £/ovteç (I Pet., ii, 12, ayant une bonne manière d’agir ; iii, 16j ayant une bonne conscience ; iv, 8, ayant une charité continuelle ; II Pet., ii, 14, ayant les yeux pleins d’adultère), la construction avec le datif, I Pet., i, 12 ; ii, 7 ; m, 15 ; iv, 2, 12 ; v, 9 ; II Pet., i, 1, 17 ; ii, 1, 3, 5, 8, 17, 19, 20 ; iii, 7 ; l’emploi fréquent du participe passif. Cf. I Pet., , i, 4, 8, 20, 22, 23 ; ii, 1 ; iv, 3 ; II Pet., i, 3, 12, 16 ; ii, 12, 14 ; iii, 2, 7. — d) Notons aussi des mots ordinaires, mais qui reviennent souvent dans les deux lettres : tyvm, I Pet., i, 9, 22 ; ii, 11, 25 ; iii, 21 ; iv, 19 ; II Pet., ii, 8, 14 ; eî8 ; , I Pet., i, 8, 18 ; ii, 9 ; II Pet., i, 12, 14 ; tic, cinq fois dans I Pet., quatre fois dans II Pet. — e) On trouve dans les deux Épltres l’emploi des substantifs abstraits, au pluriel : I Pet., I, 11, les gloires ; voir aussi ii, 19, et iv, 3 ; II Pet., ii, 2, 13, 18 ; iii, 11. Et rien, dans toutes ces coïncidences, n’indique qu’elles aient été voulues et recherchées par un faussaire qui se serait proposé d’imiter le style du prince des Apôtres : elles n’ont rien de trop saillant, qui puisse exciter la méfiance ; elles ne sont pas la répétition de pensées formulées dans la I"> Épître. En somme, la comparaison du style des deux lettres aboutit plutôt à une très forte présomption en faveur de l’authenticité de la IIe. — f) On peut citer pareillement des coïncidences assez frappantes, toujours au point de vue du style, entre notre Épître et les discours de saint Pierre dans le livre des Actes. Voir Lumby, loc. cit., p. 226 ; Salmon, Introd. to the N. T., p. 495 ; Henkel, loc. cit., p. 75-76. Voici quelques-unes des principales : ipvéojj.ai, Act., iii, 13-14, et II Pet., 11, 1 ; YvwpiÇetv, Act., ii, 28, et II Pet., i, 16 ; st81>c oti, Act., Il, 30, et II Pet., i, 14 ; ripipa xupfov, Act., ii, 20, et II Pet., iii, 10 ; ica-raoniy/tirai, Act., ii, 26, et axT|Vii.a, Il Pet., i, 13, 14 ; evaiëeia, Act., iii, 12, et II Pet., i, 7 ; Seot^tyk, Act., iv, 24, et II Pet., ii, 1 ; ipépou.ai, Act., ii, 2, et II Pet., i, 7, 17.

3° Objection tirée de la prétendue ressemblance qui existe entre la II a Pétri et les écrits de l’historien Josèphe. — M. Edwin Abbott a développé dans The Expositor, IIe série, t. iii, 1882, p. 49-60, un nouvel argument contre l’authenticité de l’Épître, en prétendant que l’auteur aurait fait de nombreux emprunts à l’historien juif Josèphe et imité son langage. Si le fait était exact, comme les écrits de Josèphe datent de la fin du I er siècle, la II* Pétri ne saurait être l’œuvre de saint Pierre. Le D r Farrar admet comme un fait certain que l’un des deux écrivains a fait des emprunts à l’autre. Cf. The Expositor, ibid., p. 403. Voir aussi von Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. iii, 2e part., p. 210. — Remarquons d’abord que les ressemblances alléguées ne portent que sur les expressions, jamais sur les pensées : Josèphe et le chrétien qui a composé Il Pet. expriment’des idées tout à fait différentes, bien qu’ils aient parfois recours à des expressions identiques. De plus, les expressions de ce genre sont espacées les unes des autres dans les écrits de l’historien juif ; elles n’ont pas été empruntées à des passages qui se suivent : ce qui diminue singulièrement

la force de l’objection. Ajoutons qu’un grand nombre d’entre elles (notamment ggoSo ; dans le sens de mort, cf. Luc, ix, 31 ; 8eïo « , adjectif plusieurs fois employé parles Septante ; ne-raXciÔTlÇj cf. Luc., _ix, 43, etc. ; (iv60 ; , qu’on trouve quatre fois dans les Épltres pastorales, etc.) existent dans le vocabulaire des Septante ou du Nouveau Testament ; par conséquent, dans le grec avec lequel saint Pierre était familier. Enfin, les termes en question n’ont rien de rare ou d’extraordinaire. Ainsi on signale, comme une coïncidence remarquable, l’usage fait de pari et d’autre du verbe àvaxé^Xw, pour désigner le lever d’un astre ; l’emploi du substantif 80vap, tç, pour exprimer la puissance divine, et de locutions aussi ordinaires que £Ùaéëe ! a, xaTafpoviw, wapaiv, ytvtiiræiv Sti, Sûtatov riyettrOai, etc. Or, dans une argumentation de ce genre, la plus grande partie de la preuve consiste dans la rareté des mots employés. Le raisonnement porte donc absolument à faux : l’auteur de II Pet. n’a fait aucun emprunt à Josèphe, auquel il n’a rien prêté lui-même ; ils ont écrit l’un et l’autre en grec, et c’est tout. Voir la réfutation détaillée dans Salmon, Introd. to theN. T., p. 498-501, et dans l’ouvrage spécial de B. Warlield, D’E. A. Abbott on the genuineness of II Pet., 1883.

VI. Intégrité de l’Épître. — Divers critiques protestants, ont nié l’unité et l’intégrité de la 17 a Pétri. Voir F. Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 170. Le plus récent est le D r Kûhl. D’après ce savant, Die Briefe Pétri und Judas, 1897, p. 346-356, le chap. H tout entier serait une interpolation. De plus, les versets 1 et 2 du chap. iii, auraient été remaniés, de manière à s’adapter à ce qui précède. À l’origine, immédiatement après i, 21, on lisait, selon M. Kûhl, l’exhortation suivante : « Pour vous, bien-aimés, souvenez-vous des paroles prédites par les saints prophètes, sachant d’abord cela… » etc. Cf. iii, 1-3. Cette théorie, qui ne s’appuie sur aucune preuve, n’a trouvé aucun succès. Il règne une parfaite unité dans notre Épître : le passage que l’on prétend avoir été interpolé se rattache de la façon la plus naturelle, d’une part, à i, 21, de l’autre à m, 2. Il n’y a, du reste, aucune différence sous le rapport du style entre ce passage et ceux qui l’entourent.

VII. Relations de la II* Pétri avec l’Épître de saint Jude. — Sur ce point important, voir le t. iii, col. 1811-1812. Aux ouvrages mentionnés, on peut ajouter : *Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 202-208 ; *£ûhl, die Briefe Pétri, p. 336-346 ; Cornely, Introd., t. ii, 3e part., p. 645-647 ; *H. Holtzmann, Einleit. , 3e édit., p. 322-324 ; Belser, Einleit., p. 707-709, 719-721 ; *J., Bovon, Théologie du Nouv. l’est., t. ii, 2° édit., p. 446-448 ; *A. Brun, L’Apôtre Pierre, 1905, p. 126-136.

VIII. Le texte primitif et sa transmission. — Nous possédons le texte grec de la II 3 - Pétri dans les manuscrits onciaux (i À B C K’L’P r. Les Pères grecs fournissent çà et là des indications précieuses pour le critique. Voir le texte grec amélioré par B. Weiss, Das Neue Testament, Textkrilische Untersuchungen und Textherstellung, t. iii, et aussi les éditions critiques de Tischendorf, Gebhardt, "Westcott et Hort, Nestlé, etc. Le texte syriaque que nous avons est beaucoup moins ancien que la Peschito, qui ne contenait pas notre Épitre, comme il a été dit plus haut. On possède quelques fragments assez rares des versions latines antérieures à saint Jérôme, dans les manuscrits ii, g, etc.

IX. Enseignement doctrinal de l’ÉpItre (voir les ouvrages mentionnés à propos de la I"- Pétri ; en particulier, B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Berlin, 1855, et Lehrbuch der bibl. Théologie des fV. T., 4e édit., Berlin, 1884, p. 536-546). — 1° Sur Dieu. Dieu est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 17. II est éternel, iii, 8 ; c’-est lui qui a tout créé et qui gouverne

le monde acluel, iii, 5-7. Il est infiniment miséricordieux, et il désire le salut de tous les hommes, iii, 5, 15. C’est de lui que vient la vocation au salut, i, 3. — 2° Les idées christologiques sont moins abondantes que dans la I re Épitre. La lettre est d’ailleurs plus brève ; en outre, la description et la réfutation des hérétiques y tiennent une large place. Mais, ici encore, JésusChrist, i, 1, ou Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 2, 8, 16, ou le Seigneur et Sauveur, i, 11 ; iii, 2, 18, ou NotreSeigneur et Sauveur Jésus-Christ, i, 14 ; ii, 20, iii, 2, ainsi qu’il est appelé, occupe la place principale. Il y est aussi désigné, à propos du récit de la transfiguration, par le nom de « Fils bien-aimé » de Dieu, i, 17. Dans la doxologie finale, iii, 18, l’apôtre lui souhaite, comme il le ferait pour Dieu lui-même, la gloire dans les siècles des siècles. Le but auquel doit tendre tout chrétien, c’est de le connaître toujours davantage, i, 2, 8 ; iii, 18. SaintPierren’apas, comme dans sa I re Épître, l’occasion d’insister sur la passion et sur la mort rédemptrice du Christ. Il signale du moins, en passant, ce fait capital : Jésus est le Maître qui nous a rachetés, n, 1 ; cf. i, 9. Il mentionne aussi deux de ses mystères glorieux : d’un côté, au centre de sa vie publique, la transfiguration, i, 16 ; de l’autre, son retour à la fois glorieux, consolantet terrible, au jour du Seigneur ou au jour de Dieu, iii, 10, 12. Ce second avènement est appelé itapoutn’a, « la présence », iii, 4, 12. Quelques hérétiques osaient en nier la réalité : l’apôtre réfute leur objection principale, à laquelle ils affectaient de donner une forme scientifique, iii, 2-10. Au retour du Christ est rattachée la transformation du monde par le feu, en vue de créer « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera », iii, 13. Déjà saint Pierre avait annoncé ce fait dans un de ses discours des Actes, iii, 19-21. Cette grande catastrophe amènera la consommation du royaume de Dieu, selon ce que Jésus-Christ lui-même avait prédit. Cf. Matth., xxiv, 29-42 ; Marc, xiii, 24-35 ; Luc, xxi, 25-35. Le prince des Apôtres mentionne aussi, mais seulement d’une manière rapide, le royaume de Jésus-Christ, c’est-à-dire le ciel et son bonheur éternel, i, 11. — 3° L’Esprit-Saint. Dans la IIe Épître, comme dans la I re, il est question de l’Esprit-Saint. C’est lui qui a inspiré les prophètes, i, 21, dont les oracles sont une lumière très précieuse, indispensable même, pour arriver à la connaissance du Sauveur, i, 19. — 4° La sotériologie. Le salut est offert à tous ; mais, pour l’obtenir, il faut croire en Jésus-Christ, ii, 1, 17. Ceux qui ne croient pas sont des « enfants de malédiction », ii, 14. La foi est aussi la base de toute la vie morale et spirituelle, i, 5, 6. Le christianisme est la voie de la vérité, ii, 2 ; cf. i, 12. La grâce nous aide puissamment à nous sauver ; mais il est nécessaire d’y faire des progrès perpétuels, de marcher constamment vers la perfection, iii, 18. C’est seulement à la fin du monde, au dernier jour, que le salut sera proclamé d’une manière générale et définitive, iii, 15. Comme adversaires du salut, il yaau-dedans de nous la chair et ses convoitises coupables, ii, 18, et, en dehors de nous, le monde avec sa corruption dangereuse, l, 4 ; ii, 20. Par les mérites de Jésus-Christ, les chrétiens deviennent « participants de la nature divine », l, 4. La connaissance de Notre-Seigneur ne doit pas demeurer oisive en nous ; mais il faut qu’elle produise des fruits pour la vie éternelle. À ce point de vue pratique, saint Pierre nomme la religion chrétienne « la voie de la justice », ii, 21. L’arbre mystique de la foi doit de même faire mûrir en nous sept fruits délicieux, i, 5-7. Une des sources de la foi consiste dans les Saintes Écritures, dont Dieu est l’auteur et dont il fournit l’interprétation authentique, i, 20-21. Instamment, l’apôtre recommande « les bonnes œuvres, les œuvres de piété », i, 3 ; iii, 11. Les hérétiques sont des ennemis dangereux ; il faut les fuir, si l’on ne veut pas

se laisser entraîner par eux, car le châtiment éternel de l’enfer leur est réservé, ii, 1-20.

X. Bibliographie. — Pour la Ia et la II a Pétri. — 1° L. Mayerhoff, Hist.-krit. Einleitung in die petrinischen Schriften, Hambourg, 1835 ; Harnack, Die Chronologie, 1897, t. i, p. 450.

2° Commentaires sur les deux Epîtres. — a) Catholiques. Didyme d’Alexandrie (on n’en possède que des fragments latins ou grecs, t. xxxix, col. 1750-1818), Œcuménius, t. cix, col. 451-722, Théophylacte, t. cxxv, col. 1131-t. cxxvi, col. 104 ; Bède, Expositio super cathol. Epistolas, t. xciii, col. 9-130. Cramer, Catena in Epistolas catholicas, Oxford, 1840 ; Lorin, In cathol. Joannis et Pétri epistolas, Lyon, 1609 ; Bisping, Erklàrung der katholischen Briefe, Miinster, 1871 ; Drach, Les Épîtres catholiques, Paris, 1873 ; Hundhausen, Die beiden Pontificalschreiben des Apostelfûrsten Petrus, Mayence, 1873-1878 ; Van Steenkiste, Epistolas catholicm breviter explicatee, Bruges, 1876 ; Maunoury, Commentaires sur les Épîtres catholiques, Bar-le-Duc, 1888 ; L.-Cl. Pillion, La Sainte Bible commentée, t. viii, p. 658-715, Paris, 1904. — b) Commentateurs protestants ou rationalistes : De Wette, Kurze Erklàrung der Briefe des Petrus, Judée und Jakobus, 1847, 2e édit., en 1853, revue par B. Brùckner, 3e édit. en 1865 ; Huther, Krit. exeget. Handbuch ûber den ersten Brief des Petrus, den Brief des Judas und den zweiten Brief des Petrus, 1°> édit., 1852 ; 5e édit., 1887, revue par Kùhl ; 6e édit., 1897 ; Wiesinger, Der erste Brief des Apostels Petrus (continuation du commentaire de Olshausen sur le N. T.), Kœnigsberg, 1856, et Der zweite Brief Pelri des Apost. Petrus und der Brief des Judas, 1862 ; Schott, Der erste Brief Pétri erklàrt, Erlangen, 1861, et Der zweite Brief Pétri und der Brief Judà, 1862 ; Fronmûller, Die Briefe Pétri, dans le Bibelwerk de J. P. Lange, 1862, 4e édit., par Fûller, en 1890 ; Ewald, Die sieben Sendschreiben des Neuen Bundes, Gœttingue, 1870 ; Wordsworth, The New Testament, with introduction and notes, t. iv, 2e édit., 1872 ; Plumptre, dans la Cambridge Bible for schools and collèges, Cambridge, 1880 ; K. Hofmann, Die Briefe Petn, Judx und Jacobi, Nôrdlingen, 1875 ; F. Keil, Kommentar ûber die Briefe des Petrus und Judas, Leipzig, 1883 ; von Soden, dans le Hand-Commenlar zum N. T., 3e édit., 1899 ; Burger, Die Briefe des Jakobus, Petrus und Judas, dans le Kurzgefasst. Komment. de Strack et Zôckler, 2e édit., 1895 ; S. Gœbel, Die Briefe des Petrus mit kurzer Erklàrung, 1893 ; F. W. Bugge, Commentaire (en langue danoise) sur les deux Épîtres de saint Pierre et l' Épître de saint Jude, 1892 ; J. T. Beck, Erklàrung der Briefe Pétri, 1895- ; J. H. Jowett, Epistles of St. Peter, Londres, 1905.

3° Sur la I™ Epître seulement : Usteri, Wissenschaftl. und praktischer Commentar ûber den ersten Petrusbrief, Zurich, 1887 ; Rob. Johnston, T, he first Epistle of Peter, Edimbourg, 1888 ; A. J. Mason, dans le Commentary for English Readers de Ellicott, Londres, 1889 ; L. Monnier, La I" Épître de l’apôtre Pierre, Paris, 1902 ; Abbé L. Gontard, Essai critique et historique sur la I" Épître de saint Pierre, in-8°, Lyon, 1905 ; D. Vôlter, Der erste Petersbrief, seine Entstehung und Stellung in der Geschichte des Urchristentums, Strasbourg, 1906 ; H. Gunkel, dans Die Schriften des N. Test, ûbersetzt ; und fur die Gegenwart [erklàrt, Gœttingue, t. ii, 1906, p. 25 ; B. Weiss, Der erste Petrusbrief und die neuere Kritik, in-8°, Berlin, 1906.

4° Sur la IIe Épître : W. O. Dietlein, Der zweite Brief Petrus, 1851 ; F. Steinfass, Der zweite Bjrief des heil. Petrus, 1863 ; Plummer, dans le Commentary for English Readers de Ellicott, Londres, 1883 ; Spitta, Der zweite Brief des Petrus und der Brief des Judas, Halle, 1885 ; G. Hollmann, dans l’ouvrage Die Schrif

ten des N. Test., neuûbersetzt und fur die Gegenwart erklsert, t. ii, 1906, p. 61 ; J. B. Mayor, Epistle of St. Jude and the second Epistle of St. Peter, in-8°, Londres, 1907. L. Fillion.

4. PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT). —

On en distingue quatre principaux : les Actes de Pierre, voir t. i, col. 161-163 ; l’Apocalypse de Pierre, t. i, col. 765 ; l’Évangile de Pierre et la Prédication de Pierre. Nous n’avons à parler ici que des deux dernières compositions.

a) L’Évangile de Pierre. — 1° Origène le mentionne In Matth., tom. x, 17, t. xiii, col. 876. Eusèbe le signale aussi, H. E., iii, 3, t. xx, col. 217, en même temps que les Actes, la Prédication et l’Apocalypse ; puis il ajoute : « Nous ne les reconnaissons pas comme transmis jusqu’à nous parmi les écrits catholiques ; car aucun écrivain ecclésiastique, soit dans les anciens temps, soit de nos jours, n’a jamais fait usage des témoignages qu’ils fournissent, v Voir aussi, iii, 25, et S. Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609, qui le classe également parmi les apocryphes, comme fait encore le Decretum Gelasianum. Dans un autre endroit de son H. E., vi, 12, t. xx, col. 545, Eusèbe a conservé une lettre écrite par Sérapion, évêque d’Antioche à la fin du IIe siècle, et relative à cet Évangile. Le saint évêque nous apprend qu’il avait trouvé l’Évangile en question à Rhésus, localité située sur la baie d’Issus, en Asie Mineure, et qu’il l’avait d’abord approuvé ; mais, qu’après l’avoir étudié de plus près, il le condamna, parce qu’il était l’œuvre des Docètes, et qu’il ajoutait différentes choses « à la véritable doctrine par rapport au Sauveur ». Cette œuvre apocryphe ne devait pas jouir d’une circulation considérable, car il est rarement parlé d’elle dans l’antiquité.

2° Un Français, M. U. Bouriant, découvrit à Akmim (Haute Egypte), dans un tombeau durant l’hiver 18861887, et publia en 1892 un fragment en langue grecque, que les critiques sont d’accord pour regarder comme un reste de l’Évangile de Pierre. Voir les Mémoires publiés par les membres de la Mission archéologique au Caire, t, ix, Paris, 1892, p. 137-142. L’auteur parle à la première personne (comp. chap. vu et xii), et s’identifie avec le prince des Apôtres : « Moi, Simon Pierre, et André mon frère » (c. xiv). Le fragment se rapporte au jugement de Notre-Seigneur devant Pilate et Hérode (il s’ouvre au moment où Pilate se lave les mains), aux outrages dont il fut l’objet, à son crucifiement, à sa sépulture, à sa résurrection. On l’a divisé en quatorze petits chapitres et en soixante versets. On en a donné plusieurs (éditions : J. A. Robinson, The Gospel according lo Peter and the Révélation of Peter, Londres, 1892 ; Lods, L’Évangile et l’Apocalypse de Pierre, 1893 ; Th. Zahn, Bruchstûcke des Evangel. und der Apokalypse Petrus, 1893 ; A. Harnack, Evangelium des Petrus, Leipzig, 1893 ; Swete, ’The Akmîm fragments of the apocryphal Gospel of Peter, 1732 ; 0. von Gebhardt, Dos Evangelium and die Apokalypse des Petrus, Leipzig, 1893 ; Klostermann, Reste des Petrusevangelium, der Petrusapokalypse und des Kerygma Pétri, Bonn, 1894.

3° Jésus-Christ y est toujours appelé « le Seigneur » ; le dimanche y est nommé i x>jpto(x71 le (jour) dominical. L’auteur fait successivement des emprunts aux quatre Évangiles canoniques : c’est ainsi qu’il prend te lavement des mains de Pilate dans le récit de saint Matthieu, l’histoire du bon larron dans celui de saint Luc, la transfixio lateris dans celui de saint Jean, et qu’il raconte la visite des saintes femmes au sépulcre dans les mêmes termes que saint Marc. On voit, d’an bout à l’autre, qu’il les connaît à fond ; mais il les transforme et lesenjolive à sa façon, en multipliant les détails légendaires, en grossissant les miracles, etc. Il rend témoins de la résurrection de Jésus les soldats romains

et de nombreux Juifs, prêtres et laïques. Il manifeste une grande sévérité à l’égard des Juifs, dont il fait les bourreaux immédiats du Sauveur ; il innocente au contraire le plus possible Pilate et les Romains. Son docér lisme apparaît en plusieurs endroits de la passion ; par exemple, dans la suppression de l’angoisse de Jésus sur la croix. En somme, son écrit n’enrichit en rien notre connaissance de la vie de Jésus,

4° Les critiques sont loin d’être d’accord sur la date de la composition de cet écrit. Ce serait le commencement du IIe siècle, d’après Harnack, qui croit que saint Justin a commenté l’Évangile de Pierre (fait d’ailleurs très contestable et probablement inexact ; voir V. H. Stanton, The Gospels as historical Documents, Impart., Cambridge, 1903, p. 93 sq.) ; l’année 130 d’après le D r Zahn ; l’an 150, selon Swete, etc. En tout cas, l’écrit existait un certain temps avant la fin du ne siècle, puisqu’il était connu de Sérapion et d’Ûrigène.

5° Auteurs à consulter. Outre ceux qui ont été indiqués plus haut, voir H. von Schubert, Die Composition des pseudopetrin. Evangelienfragmentes, Berlin, 1893 ; D. Vôlter, Petrusevangelium oder Aegypterevangelium ? Tubingue, 1893 ; A. Sabatier, L’Évangile de saint Pierre et les Évangiles canoniques, Paris, 1893 ; Salmon, Introduction to the Study of the Books of the New Testant., 8° édit., 1897, p. 581-591 ; O. Bardenhewer, Geschichte der altchristlichen Litteratur, 1. 1, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 392-397 ; L. Hennecke, Neutestam. Apokryphen, in deutscher Ubersetzung und mit Erlàuterungen, Tubingue, 1904, p. 27-32 ; et aussi les articles suivants, insérés en diverses revues ; Funk, Fragmente des Evangeliums und der Apokalypse des Petrus, dans la Theolog. Quartalschrift, t. lxxv (1893), p. 255-288 ; H. von Soden, Das Petrusevangelium und die kanonischen Evangelien, dans la Zeitschrift fur Théologie u. Kirche, t. iii, 1893, p. 5292 ; A. Hilgenfeld, Das Petrusevangelium ûber Leiden und Auferstehung Jesu, dans la Zeitschrift fur wissenschatfl. Théologie, année 1893, t. i, p. 439-454 ; J.-B. Semeria, L’Évangile de Pierre, dans la Revue biblique, t. m (1894), p. 522-560 ; A.-C. McGiflert, The Gospel of Peter, dans les Papers of the American Society of Church History, t. vi, 1894, p. 99-130 ; E. Koch, Das Petrusevangelium und unsere kanonischen Evangelien, dans la Kirchliche Monatsschrift, t. xv (1896), p. 311-338 ; V. H. Stanton, The Gospel of Peter, its early history and character considered in relation to the history of the récognition in the Church of the canonical Gospels, dans le Journal of Theological Studies, t. ii, 1901, p. 1-25,

b) La Prédication de Pierre (xopuypioi LUrpou), qu’il ne faut pas probablement confondre avec la « Doctrine de Pierre » (515a<rxaMa fléxpou), mentionnée par des écrivains moins anciens, a exercé une influence assez grande dans l’antiquité chrétienne. 1° Elle semble avoir été connue dès la fin du second siècle par Apollonius, ’d’Asie Mineure (cf. Eusèbe, H. E., v, 18, t. xx, col. 480), par le gnostique Héracléon, par l’auteur de l’Épitre à Diognète, les apologistes saint Justin et Aristide. Voir Robinson, Texts and Studies, t. i, le partie, p. 86-90. Clément d’Alexandrie s’en est servi certainement, et c’est à lui que nous sommes redevables de plusieurs des fragments qui sont parvenus jusqu’à nous. Voir Strom., i, 29 ; ii, 15 ; vi, 5, etc., t. viii, col. 929, 1008 ; t. îx, col. 264. Elle remonte donc évidemment plus haut que tous ces écrivains : aux années 110130 d’après Harnack, Chronologie, t. i, p. 472-474 ; aux années 90-100 d’après Th. Zahn, Gesch. des neutestam Kanons, t. ii, h" partie, p. 820-832 ; vers l’an 110 d’après le D r von Dobschûtz, Texte und Vntersuchungen zur Geschichte der altchristl. Litteratur, xi, 1. Ce dernier auteur et M. Harnack regardent l’Egypte comme le pays d’origine de ce document, sur415 PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT) — PIERRE LOMBARD 416

tout à cause des allusions qu’on y trouve au culte des animaux par les Égyptiens. C’est très probablement le XTIpvYHa lui es * ci^ P ar Origène, De princ. (Prol.), i, 8, t. xi, col. 119, sous le titre de Pétri doctrina.

2° Les fragments que nous en possédons ont été réunis par A. Hilgenfeld, Nov. Text. extra canonem recep. tum, 2e édit., 1884, fasc. iv, p. 51-65, par von Dobschûtz, Dos Kerygma Pétri kritisch untersucht, 1893, dans les Texte und Vnlersuch, , xi, 1, et Preuschen, Antilegomena, die Reste der ausserkanon. Evangelien und urchristl. Vberlieferungen, Giessen, 1901, p. 52-54, 143145. Voir aussi E. Hennecke, Neutestamentlichen Apocryphen in deutscher Uberselzung, … mit Einleitungen, Tubingue, 1904, p. 168-171. L’écrit, autant qu’on peut en juger par ces fragments, se composait de discours prononcés par un personnage qui parle toujours à la première personne du pluriel, au nom des douze apôtres. Clément d’Alexandrie dans Origène, In Evang. Joa., tom. xiii, 17, t. xiv, col. 424, suppose que ce personnage n’est autre que saint Pierre ; bien plus, que le livre lui-même l’identifiait avec Pierre. Strom., vi, 7 : ô Uétpoi ; Ypi<p£i, t. ix, col. 280. Origène, (. c, doute à bon droit de l’authenticité, et Eusèbe, H. E., iii, 3, t. xx, col. 217, range explicitement l’écrit parmi les apocryphes.

3° Quant au sujet traité, c’est le pur monothéisme que doivent pratiquer les chrétiens, par opposition aux erreurs du judaïsme et du polythéisme. Les fidèles sont précisément nommés un Tpciov yévoç entre les Juifs et les païens. Le livre renferme aussi des ordres de Notre-Seigneur en vue de la prédication de l’Évangile chez les païens. En somme, l’écrit renferme une sorte d’apologie du christianisme, ou un programme pour les missionnaires chrétiens.

L. FlLLION.

5. PIERRE dans les noms de lieux. Le mot pierre, ’ébén, ou rocher entre dans un certain nombre de noms géographiques :

1° Pierre, ville principale d’Idumée, connue sous son nom latin de Pétra. Voir Pétra, col. 166.

2° Pierre de Boen. Jos., xv, 6 ; xviii, 17. Voir Aben-Bohen, 1. 1, col. 34.

3° Pierre de division (Vulgate : P.etra dividens). I Reg., xxiii, 28. Rocher du désert de Maon où se retira David pendant la persécution de Saûl. Son ennemi ne put l’y poursuivre, ayant été obligé de marcher contre les Philistins. En souvenir de cet événement, le rocher fut appelé Séla’ham mahleqôf, « Rocher de la délivrance. » Il n’est pas identifié. Voir Bachila, t. iii, 2°, col. 391.

4° Pierre du désert (Vulgate : Petra deserti).Is., xvi, 1. C’est la ville de Pétra, col. 166.

5° Pierre d’Ëtam (Vulgate : Petra Etant). Jud., xv, 8. Voir Étam 3, t, ii, col. 1996.

6° Pierre d’Ezel (Vulgate : Lapis cui nomen est Ezel). Rocher auprès duquel David devait attendre son ami Jonathas au commencement de la persécution de Saûl. I Reg., xx, 19. Voir Ézel, t. ii, col. 1062.

7° Pierre d’Horeb (Vulgate : Petra Horeb), rocher d’où Moïse fit jaillir miraculeusement de l’eau. Exod., xvii, 6. Voir Majssah, t. iv, col. 853-854.

8° Pierre d’Oreb (Vulgate : Petra Oreb). Jud., vii, 25. Voir Oreb 2, t. iv, col. 1857.

9° Pierre du secours (Vulgate : Lapis adjutorii). 1 Reg., iv, 1 ; v, 1 ; vii, 12. Voir Ében-Ézer, t. ii, col. 1526.

10° Pierre de Zohéleth (Vulgate : Lapis Zoheleth). III Reg., i, 9. Voir Zoheleth.

6. pierre angulaire. Voir Angulaire (Pierre), t. i, col. 601.

7. PIERRE DE JACOB. Gen., xxviii, 18, 22 ; xxxi, 45. Voir Bétïle, 1. 1, col. 1766.

8. PIERRE COMESTOR, théologien catholique français du XIIe siècle, né à Troyes, mort à Paris, le 21 octobre 1179 (d’après certains auteurs, en 1198). Il fut surnommé Comestor ou le Mangeur, à cause, croit-on, de la grande quantité de livres qu’il dévora. D’abord chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes (1147), il devint, en 1464, chancelier de l’Église de Paris et y occupa jusqu’en 1169 la chaire de théologie. Il se démit de ses dignités dans les dernières années de sa vie et se retira à l’abbaye de Saint-Victor de Paris où il mourut. Il laissa des sermons qui furent publiés d’abord sous le nom de Pierre de Blois, Pair, lat., t. cxcviii, col. 1721-1844, mais il fut surtout célèbre à cause de sa Scholastica Historia super Novum Testamentum, cutn additionibuS alque incidentiis, qui fut considérée pendant plus de trois siècles comme l’ouvrage de ce genre le plus parfait. Son Histoire s’étend depuis le commencement du monde jusqu’au martyre de saint Pierre et de saint Paul à Rome. L’auteur résume ou bien développe et explique les livres historiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, dont il cite souvent les propres expressions. Son commentaire ou sa paraphrase est tantôt littérale et tantôt allégorique, entremêlée de considérations théologiques et philosophiques et de citations d’auteurs profanes. Le livre de Pierre Comestor eut dans les écoles un succès semblable à celui du Maître des Sentences, et c’est son autorité qui paraît être ordinairement alléguée par les auteurs du moyen âge quand ils emploient la formule : dicit magister in historiis. C’est à cause de l’usage qu’on en fit dans les écoles qu’elle reçut le nom de Historia scholastica. « Il n’y avait en ce temps-là, dit Richard Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, t, ii, p, 320, de plus grand et de plus estimé pour l’Écriture Sainte que ie Pierre Comestor… On ne lisait la Bible que de la manière qu’elle était dans ce compilateur, et avec ses gloses. Cet usage a duré longtemps en France. » L’Historia sckolastica fut imprimée, in-f », Rèutling, 1471 ; Utrecht, 1473 ; Augsbourg, 1473 ; Strasbourg, 1483 et 1502 ; Bâle, 1486 ; in-4°, Paris, 1513 ; in-f », Haguenau, 1519 ; in-4°, Lyon, 1526 ; in-8°, Lyon, 1543 ; Venise, 1728 ; in-4°, Madrid, 1699. Cette dernière édition a été reproduite par Migne, dans la Patrologie latine, t. cxcviii, [col. 1053-1722. La Bible historiale, de Guyart-Desmoulins (voir t. iii, col. 369), est une traduction libre de V Historia scholastica. Voir aussi t. ii, col. 2355. — Voir les notices d’Oudin, de Fabricius, etc., dans Patr. lat., t. cxcviii, col. 1045-1054 ; dom Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, Paris, 1868, t. xiv, p. 744 ; Brial, dans Histoire littéraire de la France, t. xiv, Paris, 1817, p. 12 ; U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Biobibliographie, et Supplément, col. 1813, 2778.

9. PIERRE LOMBARD, surnommé le Maître des Sentences, né probablement à Lumellogno, petite ville de Lombardie, vers la fin du xie siècle, mort à Paris, le 20 juillet 1164. Après avoir étudié la théologie à Bologne, à Reims et à Paris, où il fut auditeur d’Abélard, il devint lui-même professeur de théologie dans cette dernière ville et fut élu en 1159 évêque de Paris ; il renonça à cette dignité dès l’année suivante et Maurice de Sully lui succéda en 1160. Il s’est rendu surtout célèbre par ses Sententiarum libri quatuor, qu’il rédigea entre 1145-1150 (Denitle, dans VArchiv fàr Literatur und Kirchengeschichte, 1. 1, 1885, p. 611) ; mais on a aussi de lui des commentaires de l’Écriture qui montrent avec quel soin il avait étudié les Livres Saints : Commentarius in Psalmos davidicos, Patr. lat., t. cxci, col. 55-1296 ; Collectanea ih omnes D. Pauli Epistolas, col. 1297-1696 ; t. cxcai, col. 9-520. Le Commentaire sur les Psaumes emploie et développe la Glossa ordinaria (t. iii, col. 246) ; il reçut le nom de

Magna Glossatura. Le Commentaire sur saint Paul est tiré principalement des Pères. « Cet ouvrage, dit dom Rivet, dans VHistoire littéraire de la France, est clair, méthodique, et renferme, outre les pensées des Pères, de fort bonnes vues propres à l’auteur. » La Glossa in Jobum et la Concordia evangelica, qu’on a attribuées à Pierre Lombard ne sont pas probablement authentiques. — Voir Histoire littéraire de la France, t. xii, 1763, p. 585-609 ; Â. Stôchl, Geschichte der Philosophie des Mitlelalters, Mayence, 1864, t. i, p. 390-411 ; J. Bach, Dogmengeschichte des Mitlelalters, Vienne, 1875, Th. ii, p. 194307, 727-739 ; F. Protois, Pierre Lombard, son époque, sa vie, ses écrits, son influence, Paris, 1881 ; U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie, 2e édit., 1905-1907, p. 3722.

    1. PIERRE##

PIERRE (hébreu : ’ébén, serôr, « le petit caillou » ; Septante : W60ç ; Vulgate : lapis, petra, calculus, saxum), substance minérale qui compose la plus grande partie des couches géologiques du sol. — Quand la pierre forme de grandes masses continues, enfouies dans le sol ou en émergeant, on l’appelle rocher. Voir Rocher. De ces masses, on extrait des matériaux de divers volumes pour les constructions. Voir Carrière, t. ii, col. 318. On réserve le nom de pierres aux parties rocheuses qui sont meubles, par nature ou par suite du travail de l’homme. Ces pierres peuvent être de toutes tailles, depuis le grain de sable ou de gravier jusqu’aux blocs qu’on employait aux grandes constructions. Voir t. ii, col. 320 ; Maçon, t. iv, col. 513. Les pierres de médiocre volume, amassées ensemble, forment un monceau, margêmdh, acervus, Prov., xxvi, 8, à moins que le mot hébreu ne désigne la fronde, comme le pensent les Septante. — Le sol de la Palestine renferme des pierres de beaucoup d’espèces, surtout des calcaires et des grès. Les roches éruptives y fournissent aussi, en quelques endroits, le basalte, le granit et le porphyre. Voir Palestine, t. iv, col. 2005. Quand les pierres sont calcaires, il est relativement facile de les tailler. Plus elles sont siliceuses, plus elles sont dures. Les silex fournissent la pierre que les chocs peuvent transformer en couteaux assez aigus pour opérer la circoncision. Exod., iv, 25 ; voir t. ii, col. 775.

1° Pierres à l’état naturel. — Là pierre est lourde, Prov., xxvii, 3, et résistante. Job, vi, 12. Les eaux creusent la pierre, grâce aux matières solides qu’elles entraînent avec elles. Job, xry, 19. Les racines des plantes s’enfoncent entre les pierres. Job, vii, 17. Il est dit des pierres du pays de Chanaan qu’elles sont comme du fer. Deut., viii, 9 ; cf. ls., lx, 17. Voir Fer, t. ii, col. 2207. Les pierres d’une maison pouvaient subir un effritement que l’on considérait comme une sorte de lèpre. Lev., xiv, 20. Voir Lèpre, t. iv, col. 186. ^J Certaines pierres, plus remarquables par leur couleur et leur éclat, étaient aptes à servir d’ornements. Voir Pierres précieuses.

2° Pierres utilisées à l’état brut. — 1. Usages domestiques. — On se sert d’une pierre comme de siège. Exod., xvii, 12. Pour dormir, on met une pierre sous sa tête. Gen., xxviii, 11 ; Luc, ix, 58. « Les Arabes du commun n’ont pour tout meuble dans leurs maisons que des nattes, sur lesquelles ils couchent, quelques couvertures et rarement des coussins ; ils se servent d’une pierre pour chevet, qu’ils mettent par-dessus la natte. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 176. Cette pierre n’était guère plus dure que le chevet de bois dont se servaient les Égyptiens. Voir t. iv, fig. 93, col. 826. On pesait à l’aide de pierres. Prov., xvi, 11. Voir Poids. On cachait son argent sous une pierre. Eccli., xxix, 13. On faisait certains exercices physiques à l’aide de pierres. Eccli., vi,


22 ; Zach., xii, 3. Voir Fardeau, t. ii, col. 2178. Un jet de pierre constituait une sorte de mesure pour les distances. Luc ; xxii, 41. — 2. Manipulation. — Il y avait temps pour ramasser les pierres et temps pour les disperser. Eccle., iii, 5. On enlevait les pierres des vignes, pour qu’elles ne gênassent pas la culture, ls., V, 2 ; on les répandait au contraire sur un champ, quand on voulait le rendre stérile, IV Reg., iii, 19, 25. On enlevait les pierres d’une route pour qu’elle devînt plus praticable, Jer., i, 26 ; mais ce sens, adopté par la Vulgate, est tout autre en hébreu. On pouvait être blessé par une pierre quand elle retombait pendant qu’on la roulait, Prov., xxvi, 27, quand on la détachait à la carrière, Eccle., x, 9, ou quand elle redescendait sur le tête de celui qui l’avait jetée. Eccli., xxvii, 28.

— 3. Usages religieux. — L’autel devait être fait de pierres non taillées. Exod., xx, 25. Élie bâtit ainsi un autel avec douze pierres sur le Carmel. III Reg., xviii, 31. Saül fit rouler une grande pierre, afin qu’on égorgeât sur elle les victimes destinées au sacrifice. I Reg., xiv, 33. Cf. Jud., ix, 5, 18. La Loi ordonnait aux Hébreux de dresser de grandes pierres dans le pays de Chanaan, de les enduire de chaux, et d’y écrire les commandements divins. L’ordre fut exécuté sur le mont Hébal, et un autel de pierres brutes y fut dressé. Deut., XXsi, 2-5. — 4. Monuments de souvenir. — Les habitants de la Palestine antérieurs aux Hébreux avaient, comme tous les anciens peuples, dressé ou utilisé d’énormes pierres afin de perpétuer certains souvenirs. La Palestine transjordane compte par centaines les monuments mégalithiques, dolmens, voir t.i, fig. 120, col. 491, menhirs et cromlechs, connus depuis longtemps. Plus récemment, on en a découvert un certain nombre d’autres dans la Palestine occidentale, tels un dolmen aux environs du Nébo, encore à l’est du Jourdain, le double dolmen d’el-Hosn, au nordouest de la Syrie, etc. Cf. H. Vincent, Monuments en pierres brutes dans la Palestine occidentale, dans la Revue biblique, 1901, p. 278-298 ; Canaan, Paris, 1907, p. 414-423. Jacob dresse ainsi une pierre comme monument de son entente avec Laban, et il fait amasser des pierres en monceau en signe d’alliance. Gen., xxxi, 45-52. En mémoire du passage du Jourdain, Josué ordonne de prendre douze pierres dans le lit du fleuve et ensuite de les dresser à Galgala. Jos., iv, 3, 20-24. Pour marquer la tombe d’Absalom, dans la forêt d’Éphraïm, on élève au-dessus d’elle un monceau de pierres. II Reg., xviii, 17.. Les pierres sont bien indiquées pour servir ainsi de mémorial. Elles ont pour elles la durée, et la disposition particulière qu’on leur impose indique assez qu’on a eu une intention en les plaçant ainsi. À ce même titre, elles fournissent aussi des bornes pour les champs. Voir Bornes, t. i, col. 1854. — 5. Hostilités. — Les pierres peuvent servir d’armes offensives. On mettait à mort certains coupables à l’aide de pierres. Exod., viii, 26. Voir Lapidation, t, IV, col. 90. On jetait des pierres à quelqu’un pour le blesser, II Reg., xvi, 6, 13 ; Eccli., XXII, 25, ou l’on saisissait la pierre en main pour le frapper, Exod., XXI, 18, ou se frapper soi-même. Marc, v, 5. On donnait plus de portée à la pierre en la projetant au moyen d’une fronde. Jud., xx, 16, etc. Voir Fronde, t. ii, col. 2408. Dans la suite, on eut des machines pour lancer de grosses pierres contre les ennemis. I Mach., ii, 36 ; vi, 51. Voir Baliste, t. i, col. 1414 ; Catapulte, t. ii, col. 346. Les pierres contribuaient à l’attaque ou à la défense en obstruant des portes. Jos., x, 18 ; I Mach., v, 47. La pierre devenait dangereuse par elle-même quand elle était placée sur le chemin pour faire tomber le passant. Ps. xci (xc), 12 ; Eccli., xxvli, 29 ; xxxil, 25 ; ls., viii, 14 ; Matth., IV, 6 ; Luc, iv, 11. — Sur la pierre de scandale, Rom., ix, 23 ; I Pet., ii, 8, voir Scandale. — 6. Autres usages. — Les

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pierres servaient à fermer des puits ou des excavations diverses. Gen., xxix, 2, 3, 8, 10 ; Dan., vi, 17. Jetée dans l’eau, la pierre va au fond, à cause de son poids, et entraîne avec elle ceux qui y sont attachés. Exod., xv, 5 ; Jer., li, 63 ; II Esd., ix, 11 ; Apoc, xviii, 21. Voir Meule, t. iv, col. 1054. — La pierre à feu est mentionnée II Mach., x, 3. — Certaines pierres remarquables, soit par leur grandeur naturelle, soit par le souvenir qu’on y attachait, ont donné leur nom à plusieurs localités. Voir Pierre 5, col. 415 ; Ében, Ében-Ézer, t. ii, col. 1525, 1526.

Pierres travaillées.

Dans les plus anciens temps, les habitants de la Palestine ont commencé à tailler la pierre. Des dolmens subissent déjà un travail reconnaissable, comme celui de Tell el-Mataba, qui est régulièrement troué. On taille ensuite des pierres pour les consacrer à des usages religieux, voir Betyle, t. i, col. 1765, funéraires ou profanes. Voir Stèle. Au Sinaï, la Loi est donnée sur des tables de pierre, Exod., xxiv, 12, que Moïse brise, Exod., xxxii, 19, et remplace ensuite. Exod., xxxiv, 1 ; II Cor., iii, 7. Souvent, le nom de « pierre » sert à désigner les idoles, à cause de la matière dont elles sont faites. Deut., iv, 28 ; xxviii, 36 ; Sap., xiii, 10 ; Jer., ii, 27 ; Act., xvii, 29, etc. On fabrique en pierre divers objets utiles, meules, voir Meule, t. ii, col. 1052, portes, voir Porte, surtout pour les tombeaux, Matth., xxvii, 66 ; Marc, xv, 46 ; Joa., xi, 38, voir t. ii, col. 1478, pressoirs, voir Pressoir, etc. On utilise la pierre à la construction des murs, des maisons, des palais, du Temple, ainsi qu’au dallage de certains espaces. Voir Pavé, t. iv, col. 2237. Les Gibliens étaient renommés pour leur habileté à mettre la pierre en œuvre, voir Gébal, t. iii, col. 139, et on les employa pour les grandes constructions salomoniennes. On taillait la pierre, IV Reg., xii, 12 ; Am., v, 11 ; I Mach., xi, 10 ; on la polissait, quand il était besoin, I Mach., xiii, 27 ; on l’appareillait pour que toutes ses faces fussent à angle droit les unes des autres. III Reg., v, 17 ; Is., ix, 10 ; Lam., iii, 9 ; Ezech., xl, 42 ; Am., v, 11. On plaçait d'énormes pierres pour servir de fondements à l'édifice, III Reg., v, 17 ; Jer., xliii, 9, 10, ou de pierres angulaires à l’intersection des murs. Voir Angulaire (Pierre), t. i, col. 601. Les belles pierres de leur Temple ont toujours émerveillé les Hébreux, qui prenaient grand soin de les réparer à l’occasion. III Reg., vi, 7-vii, 12 ; IV Reg., xii, 12 ; xxii, 6. Ils aimaient les pierres de leur Temple. Ps. cii (ci), 15. Les Apôtres se firent un jour l'écho de cette admiration et de cet amour, auprès de Notre-Seigneur. Marc, xiii, 1 ; Luc, xxi, 5.

Mais les plus solides amas de pierres n'étaient pas à l’abri de la destruction. Une ville pouvait être si bien ruinée qu’il n’en restât pas un caillou, c’est-à-dire pas la plus petite pierre informe. II Reg., xvii, 12. Des monceaux de pierres représentent seuls les cités ruinées. Is., xvii, 1 ; Jer., xxvi, 18 ; Mich., i, 6 ; iii, 12. Du Temple d’Hérode, qui semblait si solidement assis sur ses fondations, le Sauveur prédit qu’il ne resterait pas pierre sur pierre. Matth., xxiv, 2.

La pierre, soit isolée, soit enclavée dans des constructions, pouvait recevoir des inscriptions, voir Stèle, ou une décoration sculpturale. Voir Sculpture.

Autres mentions de la pierre.

1. Comparaisons.

L’eau gelée devient comme de la pierre. Job, xxxviii, 30. Être comme une pierre signifie qu’on est sous le coup de la stupéfaction. I Reg., xxv, 37. Un cœur de pierre est un cœur dur, insensible et inintelligent. Ezech., xi, 19 ; xxxvi, 26. Certaines pierres ont quelque ressemblance avec le pain ; le démon en prend occasion de proposer à Notre-Seigneur le changement des pierres en pain, Matth., iv, 3 ; Luc, iv, 3, et le Sauveur lui-même, faisant allusion à la même ressemblance, dit qu’un père ne donnerait pas une pierre à son enfant qui réclame du pain. Matth., vii, 9 ; Luc, En cours le 05/2023

xi, 11. Dans les déserts rocheux, les pierres plus ou moins hautes se dressent à perte de vue et ont l’air d'êtres immobiles : Dieu, par sa puissance, pourrait changer ces pierres en fils d’Abraham. Matth., iii, 19 ; Luc, iii, 8. Le paresseux est comparé à une pierre , souillée d’ordure et qu’on ne peut toucher. Eccli., xxii, 1. Voir t. ii, col. 2136. Rien de plus commun que les pierres ; l’argent était aussi commun à Jérusalem sous Salomon. III Reg., x, 27. — 2. Métaphores. — Avoir une alliance avec les pierres des champs, c’est vivre.en paix sur le sol où l’on a sa tente. Job, v, 23. Quand on bâtit sa maison avec des gains iniques, la pierre crie delà muraille, c’est-à-dire les êtres inanimés protestent eux-mêmes contre l’injustice. Hab., ii, 11. À défaut des enfants acclamant le Sauveur, les pierres ellesmêmes auraient crié pour saluer en lui le Messie. Luc, xix, 40. — 3. Symboles. — Dans un songe, Nabuchodonosor vit une haute statue qu’une pierre vint briser et dont elle ne laissa pas trace ; la pierre devint ensuite une grande montagne. Cette pierre représentait le Messie et son royaume, devant lequel devaient disparaître toutes les autres puissances de la terre. Dan., il, 34-45. — Le Sauveur traite saint Pierre comme la pierre sur laquelle il doit asseoir inébranlablement l'édifice de son Église. Matth., xiv, 18. Les fidèles sont eux aussi des pierres vivantes et spirituelles appelées à entrer dans la construction. Eph., ii, 20-22 ; I Pet., ii, 4-8. — Au vainqueur, Dieu donnera une pierre blanche, postant un nom écrit, que connaît seul celui qui la reçoit. Apoc, ii, 17. Le caillou blanc marquait, chez les anciens, les jours heureux et les votes favorables. Cf. Martial, ix, 53 ; Perse, ii, 1 ; Ovide, Metam., xv, 41. Pour saint Jean, il désigne le sort heureux attribué dans le ciel à celui qui a bien combattu sur la terre.

H. Les être. PIERRE PRÉCIEUSE, pierre remarquable par sa couleur, son éclat ou sa rareté. Les pierres précieuses étaient recherchées des Orientaux qui les faisaient entrer dans la composition de leurs bijoux, anneaux, bracelets, colliers, pendants d’oreille, dans l’ornementation des vêtements, couronnes de rois, voiles, etc. II Reg., xii, 30 ; I Par., xx, 2 ; Judith, x, 19 ; xv, 14 ; Cant., x, 14, etc. Voir Bijoux, 1. 1, col. 1794.

I. Nom général. — On les appelle habituellement en hébreu 'ébén yeqâràh, « pierre de prix » (cf. l’assyrien ubnu aqartu, pierres précieuses, Frd. Delitzsch, Assyrisches llandwôrlerbuch, in-8°, Leipzig, 1896, p. 8). II Reg., xii, 30 ; III Reg., x, 2 ; I Par., xx, 2 ; II Par., ix, 1, 9, 10 ; xxxi, 27 ; Ezech., xxvii, 22 ; xxviii, 13 ; Dan., xi, 38. Quelquefois 'ébén yeqâràh est employé non pour des pierres précieuses proprement dites, mais pour des pierres de construction, comme le marbre, etc. L’expression 'ébén yeqâràh, pierre précieuse, est parfois remplacée par une locution équivalente, comme 'ébén héfés, Is., Liy, 12, mot à mot « pierre de désir », pierre qui excite le désir, la convoitise 'par sa beauté ; ou comme 'ébnê hên, Prov. xvit, 8, « pierres de grâce, de beauté, » c’est-àdire belles pierres. On rencontre aussi le mot 'ébén accompagné du nom d’une espèce particulière de pierres précieuses, par exemple 'ébén sôham, pierre de soham, ou onyx ; 'ébén sappir, pierre de saphir ; 'ébén éqdah, pierre d'éclat, Is., liv, 12, escarboucle ou rubis. Le mot 'ébén « pierre » sans addition ne se trouve dans le sens de pierre précieuse, que lorsque le contexte, comme une énumération de pierres précieuses, vient préciser la signification et écarter toute amphibologie. Les Septante traduisent ces diverses expressions par Xt'60 ; Ttutb ; ou XiGoç yprjcrro ; , Xîôo ; èxXexTÔç, >.190 ; TioXuteXtiç ; et la Vulgate par lapis pretiosus ou gemma.

II. Provenance. — L’Egypte, l’Arabie, PIndé fournirent aux Hébreux les 17 ou 18 pierres précieuses mentionnées dans les textes bibliques. Elles leur arrivaient par les caravanes de marchands qui.de l’Inde où de

l’Arabie venaient en Phénicie apporter leurs richesses, ou par leurs relations avec l’Egypte et la Phénicie. A certaines époques même ils allèrent eux-mêmes en chercher jusque dans l’Inde. « On ne saurait parcourir une galerie égyptienne sans être surpris du nombre prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont parvenues jusqu’à nous. On n’y voit pas encore le diamant, le rubis ni le saphir ; mais à cela près, le domaine du lapidaire était aussi étendu qu’il l’est aujourd’hui et comprenait l’améthyste, l’émeraude, le grenat, l’aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les mille variétés de l’agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le feldspath, l’obsidienne… Le plus grand nombre de ces substances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales, allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et disposées sur plusieurs rangs, on en fabriquait des colliers, et c’est par myriades qu’on les ramasse dans le sable des nécropoles… La perfection avec laquelle beaucoup d’entre elles sont calibrées, la netteté de la perce, la beauté du poli font honneur aux ouvriers, t G. Maspero, L’archéologie égyptienne, in-8°, Paris, 1887, p. 234. Ces pierres précieuses, les Égyptiens les trouvaient ou chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de Pount, dans la presqu’île du Sinaï et en Arabie. Les documents de la XVIIIe dynaslie les signalent parmi les présents que les rois de Babylone, les princes de Mitani ou des Hethéens envoyaient au Pharaon. G. Maspero, Hist. ancienne des peuples de l’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, t. ii, p. 284. L’Egypte pouvait donc fournir aux Hébreux, dès le temps de l’Exode, toutes les pierres nécessaires à la confection du pectoral du grand-prêtre.

Plus tard, fixés en Palestine, ils voyaient passer par leur pays les marchands qui, de Babylonie ou de Perse, allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation avec les marchands de Saba et de Rééma qui apportaient à Tyr toutes espèces de pierres précieuses, Ezech., xxvii, 22. Sur les marchés de cette grande ville commerçante, il leur était facile d’acquérir les pierres précieuses apportées par les Syriens. Ezech., xxvii, 16. Nous voyons aussi à l’époque de Salomon la reine de Saba apporter au monarque une grande quantité de pierres précieuses. III Reg., x, 2, 10. Salomon lui-même équipait des flottes pour le pays d’Ophir, qui avec d’autres produits de l’Inde revenaient chargées de pierres précieuses. III Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sait combien les anciens ont vanté la beauté et l’abondance des pierres précieuses de ce dernier pays. S. Jérôme, Epist., cxxxv, 3, t. xxil, col. 1073-1074 ; Lassen, lndische Alterthumskunde, in-8°, 1866, 1. 1, p. 364 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 390. Il y avait en Israël des artisans habiles à travailler ces pierres, à les tailler, à les enchâsser, à les graver. Ainsi Béséléel à l’époque de l’Exode était renommé en cet art, Exod., xxxv, 33 ; et son travail était resté célèbre. Eccli., xlv, 13.

III. Détermination des espèces de pierres précieuses. — Pour classer et dénommer ces pierres précieuses, les Hébreux ne pouvaient, comme aujourd’hui, s’arrêter à l’analyse de leur composition chimique et à leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les anciens, on tenait compte de la couleur surtout, des autres qualités extérieures, de l’usage, etc., et ainsi souvent on comprenait sous un même nom des pierres de couleur identique ou approchante, mais de composition très différente. De plus, avec le temps les dénominations ont changé ; ainsi par exemple on admet généralement que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre topaze, et que le saphir n’était qu’un lapis-lazuli, etc. De là la difficulté de déterminer exactement l’espèce de pierre comprise sous les noms qu’ils employaient. On peut aboutir cependant à des déterminations certaines ou du moins probables, en tenant compte des divers éléments de solution suivants : l’étymologie des noms hé breux et la comparaison de ces noms avec les termes des différentes langues sémitiques, ou avec la langue du pays d’origine de ces gemmes ; les différentes versions anciennes comme les Septante, l’Itala et la Vulgate, la version syriaque et les Targums, et les interprétations de Josèphe ou des Rabbins ; les qualités ou les usages que les textes sacrés attribuent à ces pierres et leur groupement en séries disposées avec art, permettant de mieux préciser les couleurs et les nuances ; enfin les descriptions des mêmes pierres dans les auteurs anciens, comme Strabon, Diodore de Sicile, Théophraste, Pline l’ancien, et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s’occupent davantage du sens mystique et des propriétés occultes des pierres précieuses.

Ces ressources ont été utilisées dans les articles consacrés à chacune de ces pierres. Il reste ici à donner les principaux groupements que l’on rencontre dans là Sainte Écriture, et dont l’observation peut être utile à la détermination de chacune des pierres ainsi artistement rangées.

Trois groupements principaux méritent de fixer l’attention : les pierres du rational, Exod., xxviii, 17-20, et xxxix, 10-13 ; les pierreries du roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; et les pierres des fondements de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 18. Et’il est à remarquer que les deux derniers groupements’dépendent étroitement du premier.

1° Pierres du rational. — Les 12 pierres du pectoral ou rational sont disposées 3 par 3 sur 4 rangées, et placées selon le texte massorétique de la façon suivante. Les rangées commencent de haut en bas, et les pierres dans chaque rangée vont suivant la coutume hébraïque de droite à gauche. Nous les disposons dans le même ordre pour la comparaison qui sera faite plus bas avec le texte de l’Apocalypse.

1 er rang : 3. Bâréqèt 2. Pitddh 1.’Ôdém

2e rang : 6. Yahâlôm 5. Sappîr 4. Nôfék

3e rang : g.’Ahlâmâh 8. Sebô 7. LéSéni

4e rang^ ; 12. YaSféh il. Sôham 10. Tarsis

Les Septante dans Exod., xxviii, 17-20 et xxxix, 10-13, les traduisent et les rangent ainsi :

3. a[tâpa-f50 ; 2.. ToitâÇiov 1. erctpStov

(12) 6. foccraiç 5. a&Tzyeiçioi ; 4. av6p « Ç

9. àfiiOuaioç 8. â/irci] ; 7. lifvpiov

(11)12. ôvi^iav (6)11. firipûXXiov 10. -/puffdXiâoç

On peut remarquer que dans le manuscrit hébreu qu’ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le jaspe à la 12e place, mais à la sixième, t. iii, col. 1143. Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transcrit l’un pour l’autre deux noms qui ont une certaine ressemblance dans le texte hébreu naroi et nbn>, les deux mots commençant par un t, yod, et l’ensemble des lettres ayant, surtout dans l’ancienne écriture, grande

analogie, ^^3^) yahâlom, et H^W^, yasfeh.

De même les copistes des Septante ont dû intervertir l’ordre des deux dernières pierres, le Sôham à la 11e place de l’hébreu étant l’onyx, qui se trouve dans la leçon actuelle des Septante rejeté en 12e lieu, t. iv, col. 1824. Nous avons indiqué la correspondance avec le texte hébreu massorétique par des chiffres entre parenthèses. La Vulgate suit la traduction des Septante, et, comme elle, place le jaspe eu 6e lieu au lieu du 12*. Mais cette version latine n’intervertit pas la 11° et la 12e pierre.

3. Smaragdui, 2. Topazius 1. Sardius

(12) 6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbunculii-S

9. Amethystus 8. Achates] 7. Ligurius

(6) 12. Beryllus, 11. Onychinus 10. Chrysolithus

Nous trouvons dans Josèphe en deux passages de ses ouvrages, Bell, jud., V, v, 7, et Ant. jud., III, vii,

5, l'énumération des pierres du rational. On voit qu’il suit les Septante : il conserve les mots employés par cette version pour rendre les termes hébreux, et l’ordre des rangées ; mais il intervertit plusieurs fois la place des pierres dans les rangées, sans doute parce qu’il cite de mémoire. Et dans les deux passages indiqués, sur ce dernier point, il ne s’arrête pas à la même disposition. Nous mettrons entre parenthèses le numéro de la place des mêmes pierres dans le texte hébreu actuel.

1. accpSiov 4. ôfvOpa^ (8)1. àxâtYjç (11)10. ovu$

1. <jap86vui ; 4. avépai ; "I. XÊ-pjpoç 10. xP U0 ^'^°î

Dans Bell, jud., V, v, 7.

3. 17(1.3 pa-fSo ; 2. T(5naÇo « 

(5) 6. uàitiçsipoç (12) 5. ïaamç (1) 9. iiY’iptov (9)8. àné&u<"o ;

(10)12. xpu<rM180ç (6)11. ^puUo ;

DansÀnf. jud., III, vii, 5.

3. (7(iapafSo{ [2. tôitaÇos

. (5) 6. oœTtçsipo ; (12) 5. ïa<7ni ; (8)9. àxoroiç (9)8. à ; j18u<rt< ;

6(12). pTipuXXoc U. o’iii,

2° Pierres précieuses du roi de Tyr dans Ezéchiel, xxvih^ 13.

1. 'Odém, 2. Pildâh, 3. Yakâlôm, 4. Tarsis, 5. $ôham, 6. yâsfêh, T. sapph ; 8. nôfék, 9. bâréqéj. Cette énumération de 9 pierres se termine par vezâhâb, « et de l’or. »

Les Septante ou bien lisaient un teste plus complet et différent en plusieurs points ; ou bien plus probablement, leurs copistes ont ajouté trois pierres et modifié l’ordre afin de se rapprocher de l'énumération du rational. On lit en effet :

1. irâpSio ; , 2. TOnâÇioç, 8. ffjiàpœfSoç, 4. avOpaE, 5. oaTcçsipoç, 6. faaiuç.

Après ces six premières pierres le texte ajoute ici àpf lipioç xai xpuffoç, « l’argent et l’or, » et il reprend :

(7. Xifûptoi ; , 8. àxàTïjç, 9. àneOuaToç, 10. "/P uo U t ( K'

11. [ÎTIplSXXtOÇ, 12. ÔVU)(10Ç.

C’est, on le voit, absolument la disposition des Septante pour les 12 pierres du rational, tandis que dans le texte hébreu d'Ézéchiel il n’y a que 9 pierres et elles sont disposées dans un ordre différent des pierres du rational, soit selon l’hébreu, soit selon la version grecque. Les pierres du texte hébreu d'Ézéchiel répondent, dans ; la traduction des Septante ]de la description du rational, aux numéros 1, 2, 11, 10, 12, 6, 5, 4, 3. Saint Jérôme sur ce passage d'Ézéchiel avait remarqué la différence de l’hébreu et des Septante, et il ajoutait qu’Aquila, Symmaque etThéodotion en cet endroit différaient totalement entre eux, et avec les Septante, pour l’ordre, le nombre et même les noms. La Vulgate comme l’hébreu n'énumère que 9 pierres et suitle même ordre, sauf qu’il y a interversion entre le jaspe et le béryl. Le syriaque et le chaldéen n’ont que huit pierres.

3° Les pierres de la Jérusalem céleste. — Nous trouvons déjà dans Tobie, xiii, 16-17 (texte grec), un essai de description de la Jérusalem céleste, où entrent les pierres précieuses, mais moins développé que dans l’Apocalypse. « Les murs de Jérusalem sont de saphir et d'émeraude et de diverses pierres précieuses ; les rues sont pavées de béryl et d’escarboucle. » Dans l’Apocalypse, xxi, 18-20, les pierres sont au nombre de 12 que saint Jean rie range pas par séries, mais que nous disposons en 4 rangées pour les comparer plus facilement avec les pierres du rational. Nous Élisons précéder chaque pierre d’un chiffre indiquant le numéro d’ordre dans le texte de l’Apocalypse. Le chiffre placé entre parenthèses indique la place correspondante

dans la traduction grecque de la description du rational.

(5)2. <râitçetpo5 (4)3. x a ^Xe ^ v

(12) 5. « rapSôvuÇ (1) 6. (TapStov

(11)8. pàpuUo ; (2)9. tonâÇio »

(7)11. uàxivôoi ; (9)12. àui<h><ri : oç

(6)1. laaiciç

(3) 4. <T[jLâpay50 ; (10)7. xpotfôXtOo ; (8)10. xpwoitpatJtç

On peut remarquer que des manuscrits portent -/apXï|8<ov au lieu de x a ^*s8civ ou ^où.Tt.r l Sc ! >v ; ce qui donnerait, au lieu de la calcédoine, l’escarboucle et répondrait alors exactement au nôfék du rational, traduit av8pa ? par les Septante, t. ii, col. 56. La chrysoprase de saint Jean n’est peut-être pas la chrysoprase moderne et ne serait qu’une des variétés de l’agate, le Seba du rational, t. ii, col. 742. L’hyacinthe ne serait autre chose que le ligure, léSem du rational, t. iii, col. 789et t. iv, col. 254.

A l’exception du oapêôvu ? et du ToirâÇiOT) qui devraient échanger leur place, les pierres de l’Apocalypse conservent la disposition générale des 4 rangées du rational, tout en variant l’ordre des rangées et la disposition des pierres dans chaque rangée. Ainsi les 3 premières pierres de saint Jean sont les pierres de la 2 « rangée du rational selon le texte lu par les Septante, mais énumérées à rebours. Avec la transposition indiquée tout à l’heure, la 2e et la 3e rangée de saint Jean répondraient à la l r » et à la 4e du rational. Les trois dernières pierres de saint Jean sont les pierres de la 3° rangée, dans un ordre ni semblable, ni inverse, mais différent. En somme donc l'énumération de l’Apocalypse est visiblement inspirée du rational, sans en être cependant la copie. Les 12 pierres du rational représentaient pour les Hébreux tout ce qu’il y avait de plus beau en pierreries. Aussi Ezéchiel s’eu inspire pour joindre la richesse du roi de Tyr. Et saint Jean qui ne pouvait manquer de voir et d’indiquer le caractère typique de la loi ancienne à l'égard de la nouvelle et d’Israël avec le peuple chrétien, signale ainsi le rapport entre les 12 patriarches et les 12 tribus avec les 12 Apôtres et le peuple nouveau. Apoc, xxi, 12, 14. Les noms des 12 enfants de Jacob étaient, comme on sait, gravés par ordre sur chacune des 12 pierres. On croit généralement que cet ordre est celui de la naissance. 1. Ruben, 2. Siméoh, 3. Lévi, 4. Juda, 5. Dan, 6. Nephthali, 7. Gad, 8. Aser, 9. Issachar, 10. Zabulon, 11. Joseph, 12. Benjamin, — Joseph qui donna naissance aux deux tribus d'Éphraim et de Manassé, occuperait la onzième place, où se trouve l’onyx ou sardonyx aux deux couleurs.

Avec les.divers moyens d’information indiqués plus haut et la comparaison des pierres dans les différents groupements qui tous dépendent du rational, on peut établir le tableau suivant (fig. 83 A) :

3. Emeraude (Vert pur) 6. Béryl ou aigue-marine (Vert bleuâtre) 9. Améthyste (Violet pttr)

[12. Jaspe. (Vert foncé)

2. Topaze des anciens

(Vert jaune)

5. Sapbir des anciens

Lapis-Lazuli

(Bleu ciel)

8. Agate ou

Chrysoprase

(Grisâtre clair)

11. Onyx ou variété

de Sardoine

(Blanc et rouge)

1. Sarde ou Cornaline (Rouge-sang clair) 4. Escarboucle ou Grenat syrien (Rouge lie de vin) 7. Ligure ou hyacinthe (Rouge orangé

foncé)

10. Chrysolylhe' des

anciens (notre topaze)

(Jaune d’or)

L’arrangement harmonieux des couleurs demande que le béryl soit à la sixième place et non à la douzième. Le jaspe fait moins bien, ; placé sous l'émeraude, qu'à la douzième place. La disposition donnée dans le texte hébreu est donc plus heureuse que celle des Septante.

IV, Liste alphabétique des pierres précieuses de la Bible. — En dehors des pierres du rational qui forment comme l'écrin des plus belles pierres connues des Hébreux, aux^temps anciens, il j a quelques gemmes [Image à insérer]

mentionnées isolément, ’comme le diamant et peut-être le rubis, du moins les pierres entendues autrefois sous ces noms. On peut ranger aussi parmi les pierres précieuses, bien que leur origine soit différente, le corail et la perle (fig. 83 B).

Voici l’énumération alphabétique des unes et des autres :

1. Agate (sebô, Septante : àx<i’» )Ç> Vulgate : achates), la seconde pierre de la troisième série des pierres précieuses du rational, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12 ; Voir t. i, col. 264. C’est la chrysoprase de Saint Jean. Apoc., xxi, 20, t. if, col. 742. Omise dans le texte hébreu d’Ezéchiel, xxviii, 13 ; mais mentionnée dans la traduction des Septante.

2. Améthyste (hébreu : ’ahlàmâli, Septante : à[iEÔv<rtoç ; Vulgate : amethystus), la 3 me pierre du 3 m « rang dans le rational, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12 ; et la 12 8 pierre fondamentale de la nouvelle Jérusalem. Apoc, xxi, 20. Omise dans le texte hébreu, mais rétablie par la version des Septante dans Ezech., xxviii, 13. Voir t. i, col. 478.

3. Béryl (hébreu : yahàlôm ; Septante : BrjpuWoç ; Vulgate : beryllus), la 3e pierre du second rang dans le rational d’après le texte hébreu, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12, la 2e du 4e rang d’après le texte reçu des Septante ; et la 3e du 4 8 rang dans la Vulgate. C’est la 3e pierre dans Ézéchiel, xxviii, 13. Elle figure dans le texte grec de Tobie, xiii, 17, mais manque dans la Vulgate. Bans V apocalypse, xxi, 20, c’est la 8e pierre fondamentale. Voir t. i, col. 1637.

4. Calcédoine (grec : xa^zcSciv et xaXx^Stov et d’après quelques mss. xap^îiiv ; Vulgate : chalcedonius). La calcédoine est une variété d’agate ; mais toute l’antiquité a souvent confondu le chalcedonius avec le charchedonius, l’escarboucle. Elle occupe la 3e place parmi les pierres de la Jérusalem céleste, Apoc, xxi, 19, et ne serait autre que le nôfék ou av6pa$ du rational. Exod., xxviii, 17. Voir t. ii, col. 55.

5. Chrysolythe (hébreu : tarHS ; Septante : yjiuab-Xi 60 ;  ; Vulgate : chrysolythus), la dixième pierre du rational, Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13 ; la 4e dans l’énumération d’Ezéchiel, xxviii, 13 ; la 7e des pierres de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 20. Dans Ezech., 16, Cant., v, 4 ; Dan., x, 6, les traducteurs grecs gardent le mot sans le traduire : 6apm « , 8ap<r£i ; . La chrysolithe des anciens serait notre topaze actuelle. Voir t. ii, col. 740.

6. Chrysoprase (grec : xpu^upairoç ; Vulgate : chrysopraws), la dixième pierre de la Jérusalem céleste. Apoc., xxi, 20. Ce ne serait probablement pas la chrysoprase moderne, mais une sorte ^d’agate et elle correspondrait à la 8e pierre du rational. Voir t. ii, col. 742.

7. Corail (hébreu : ra’mof ; Septante : ns-réwpa, poi|jto6 ; Vulgate : excelsa, sericum), matière calcaire sécrétée par certains polypes, le corail rouge, f Job, xxviii, 18 ; Prov., xxiv, 7 ; Ezech., xxvii, 16. Voir t. ii, col. 955.

8. Cornaline (hébreu : ôdem ; Septante : dâpSiov ; Vulgate : sardius), pierre qui varie’du rouge sang foncé au rouge chair, nuancé de jaunâtre, était confondue avec la sardoine. C’est la l re pierre du rational ; Exod., xxviii, 17 ; xxxix, 10 ; la première des pierres du roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; la sixième pierre de la cité céleste, Apoc, xxi, 19. Voir. t. ii, col. 1007.

9. Cristal (hébreu : gâbiS, Job, xxxiii, 18, et qérah, Ezech., i, 22, mots qui ont d’abord le sens de glace, mais qui s’entendent aussi du cristal de roche, comme le mot grec xpûcxaXXoc). Voir t. ii, col. 1119.

10. Diamant (hébreu : $âmîr ; Septante : à8a[juxvTÉvo ;  ; Vulgate : adamas, adamanttnus). Ezech., iii, 9 ; Zach., vii, 12 ; Jér., xvii, 1. Ce ne serait pas le vrai diamant que les anciens ne savaient pas tailler et polir ; mais le yaqout blanc des arabes, appelé <jquptç, la pierre asmir des Égyptiens, c’est-à-dire une pierre

dure et brillante, le corindon limpide. Voir t. ii, col. 1403.

11. Émeraude (hébreu : bârèqét ; Septante-r at.âpayBoç ; Vulgate : smaragdus), la 3° pierre du rational, Exod., xxviii, 17 ; xxxix, 10, la9°pierre d’Ezéchiel, xxviii, 13 ; la 4e pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. Elle figure parmi les pierres de la Jérusalem nouvelle de Tobie., xiii, 16 (Vulg. 21). Elle ornait le pavillon d’Holopherne. Judith, x, 21 (Vulgate, 19). ; Le texte grec de l’Ecclésiastique, xxxii, 8, mentionne un cachet d’émeraude enchâssé dans l’or ; mais le texte hébreu récemment découvert n’a pas le mot émeraude ni l’indication d’une pierre particulière pour le cachet. Voir. t. ii, col. 1729,

12. Escarboucle (hébreu : nôfék ; Septante : av9p « 5 ; Vulgate : carbunculus), la l re pierre du second rang dans le rational ; Exod., xxviii, 18 ; xxx, 11 ; la8 8 pierre du roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; une pierre qu’on apportait à Tyr, Ezech., xxvii, 16 ; peut-être la 3° pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. L’Ecclésiastique, xxxii, 7, parle de joyau fait d’une escarboucle enchâssée dans l’or ; et dans le texte hébreu retrouvé on constate en effet le mot nôfék (xxxii, 5). Voir t. ii, col. 1907.

13. Hyacinthe (Apocalypse : uixivSoc ; Vulgate : Hya~ cinthus), la onzième pierre de la cité céleste. Apoc, xxi, 20. Elle paraît n’être autre chose que le ligure, lésem, la 7e pierre du rational. Voir t. iii, col. 787.

14. Jaspe (hébreu : yaSfeh ; laann ; Vulgate ; jaspis), la 12e pierre du rational selon le texte massorétique, la 6e selon la version grecque et la Vulgate, Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13 ; la 6e pierre d’Ezéchiel, xxviii, 13 ; la l re pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. Voir t. iii, col. 1142.

15. Ligure (hébreu : lésém ; Septante : Xtyvpiov ; Vulgate : Ugurius). la l rB pierre du 3e rang dans le rational. Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12. Ce serait la pierre hyacinthe de l’Apocalypse, xxi, 20, d’après saint Épiphane et de nombreux exégètes. Elle manque dans l’énumération d’Ezéchiel, xxviii, 13, d’après le texte hébreu, mais figure dans la traduction grecque. Voir t. IV ; col. 254.

16. Onyx (hébreu : Sôham ; Septante : ôvûxiov ; Vulgate : onychinus) la 11e pierre du rational, Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13, mise au 12e rang par les Septante. C’est la 5e pierre de l’énumération d’Ezéchiel, xxviii. 13, d’après l’hébreu, rejetée la 12e dans la traduction grecque. C’est le sardonyx de l’Apoc, xxi, 19. Voir t. iv, col. 1823.

17. Perle (grec : (japYapmi ; Vulgate : margarita), substance brillante qui se forme dans l’intérieur de certaines coquilles marines. Voir t. v, col. 144. — Sur les peninim que les uns regardent comme du corail, d’autres comme des perles, voir t. ii, col. 957.

18. Rubis. Quelques auteurs voient dans le kadkod d’Is., liv, 12, et d’Ezéchiel, xxvii, 16, une pierre rouge éclatante qu’ils identifient avec le rubis. Pour d’autres c’est le’éqdâb, , pierre étincelante, Is., liv, 12, qui serait le rubis. Voir Rubis.

19. Saphir (hébreu : sappîr ; Septante : <rârfç£ipov ; Vulgate : sapphirus), la 5e pierre du rational, Exod., xxxm, 19 ; xxxix, 13 ; la 7e pierre d’Ezéchiel, xxviii, 14, selon l’hébreu’, ; placée la 5e dans le grec. La 2e pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. On sait que le saphir des anciens est plutôt le lapis-lazuli. Quelques auteurs croient que la turquoise serait désignée par ce nom.

20. Sardoine (hébreu : ’ôdêm ; Septante : mipSiov ; Vulgate : sardius), la première pierre du rational, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12 ; la première des pierres précieuses du roi de Tyr, Ézech., xxviii, 13 ; la sixième pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19.

21. Topaze (hébreu : pitddh ; Septante : TomiÇiov, Vulgate : topazius), la seconde pierre du rational, Exod.,

xxviii, 17 ; xxxix, 19 ; Ja seconde aussi de l’énumération d’Ézéchiel, xxviii, 13 ; la 9e pierre fondamenlale de la nouvelle Jérusalem. Apoc, xxi, 20. Ce n’est pas la belle pierre’jaune d’or que nous nommons aujourd’hui topaze et que les anciens appelaient chrysolithe. C’est une pierre d’Ethiopie, Job, xxviii, 19, qui pourrait n’être qu’un péridot, ou une pierre vert olive, ou vert jaune. Voir Topaze.

V. Comparaisons. — Les pierres précieuses en général, ou telle pierre déterminée, servent de terme de comparaison pour marquer une chose de grand prix. Ainsi l’attente de celui qui espère est une pierre précieuse. Prov., xvii, 8. Les lèvres savantes ont plus de valeur que les pierres précieuses. Prov., xxii, 5. La sagesse est supérieure à la topaze d’Ethiopie. Job., xxviii, 19. — Dans Ps. cxix, 127, où le Psalmiste aime la loi de Dieu plus que l’or fin, pâz, les Septante et la Vulgate ont vu à tort une pierre précieuse, la topaze.

VI. Bibliographie. — Théophraste, De lapidibus ; Pline, U. N., xxxvii ; S. Épiphane, De duodecim gemmis (t. xliii, col. 294-304) et son ancienne version latine (loc. cit., col. 322-366) ; S. Isidore, Etymolog., xvi, 6-15, De lapidibus, t. lxxxii, col. 570-580 ; J.Braunius,

Vestitus Sacerdotum hebreeorum, in-8°, Leyde, 1680, 1. II, c. viii-xix, p. 627-745 ; E. Fr. R. Rosenmullcr, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leipzig, t. iv, I re partie ; G. B. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1847, 1. 1, p. 281-284, Edelsteine ; Ch. William King, Antique Gems, in-8°, Londres, 1860 ; 2e édit., 2 in-8°, 1872 ; The natural history of gems or décorative stones, in-12, Londres, 1867 ; 2e édit., 1870 ; de Saulcy, dans la Revue archéologique, août 1869, p. 91 ; Ch. de Linas, Les origines de l’orfèvrerie cloisonnée, 3 in-8°, Paris, 1877, 1878, 1887 ; Clément Mullet, Essai sur la minéralogie arabe, extrait du Journal asiatique, 1868 ; E. Jannetaz et E. Fontenay, Diamant et pierres précieuses, in-8°, Paris, 1881 ; Ch. Barbot et Baye, Guide pratique du joaillier, in-8, Paris, s. dedans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. ir, 2 « partie, in-4°, 1896, article Gemmai par E. Babelon, p. 1460-1488 ; dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iv, in-4°, 1902, p. 619-621, article Precious Stones de W. M. Flinders-Petrie. — On peut consulter aussi les divers lapidaires et les autres ouvrages cités aux articles spéciaux sur chaque espèce de pierres précieuses. E. Levesque.

    1. PIERRERIES##

PIERRERIES, ’pierres précieuses. Voir Pierres précieuses.

    1. PIÉTÉ##

PIÉTÉ (grec : eùoigEia ; Vulgate : pietas), application de toute sa volonté et de tout son cœur au service de Dieu. — 1. Dans l’Ancien Testament, l’idée de piété est représentée par les mots héséd, « zèle, dévouement » envers Dieu, Eccli., xlix, 4, d’où les noms de’anSê héséd, « hommes de piété », et hâsîdîm, donnés aux hommes pieux, Is., lvii, 1 ; îrd’h, « crainte », voir Crainte de Dieu, t. ii, col. 1099 ; sédéq, « justice ». Voir Justice, t. iii, col. 1875. Dans Isaïe, xi, 2, 3, il est dit que sur le rameau de Jessé reposera

L’esprit de science et de crainte de Jéhovah, Et il respirera dans la crainte de Jéhovah.

Dans les deux vers, le même mot îr’âh est employé ; il s’agit donc, de part et d’autre, de la même crainte de Dieu, c’est-à-dire de la religion envers lui. Les versions, pour ne pas répéter deux fois le même mot, l’ont traduit une première fois par eitréêeta, pietas, et la seconde par ipdëoç, timor, « crainte ». Les deux mots ont ici exactement le même sens, comme le montre la double traduction grecque d’un même verset des Proverbes, i, 7, par les Septante qui y rendent successivement îr’af Yehovâh parçôgo ; Kupi’ov et par eùséësia

eîç ©siv. La piété et la crainte de Dieu ne sont donc, dans le passage d’Isaïe, qu’une seule et mêmp chose. Cf. Touzard, lsaïe, xi, 2-3, et les sept dons du Saint-Esprit, dans la Revue bibUque, 1899, p. 249-252. Après la restauration messianique, Jérusalem sera appelée « Splendeur de la piété ». Bar., v, 4. Les auteurs sacrés célèbrent la piété de Josias, Eccli., xlix, 4, et celle d’Onias III. II Mach., iii, 1. Les premiers ancêtres d’Israël n’ont pas laissé faiblir fiqôfam, « leurs obéissances » ou « leurs espérances », SiKaiotrûvat, « leurs justices », pietates, « leurs témoignages de piété ». Eccli., xltv, 10. Une récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’est-à-dire dans la fidélité au service de Dieu. II Mach., xii, 45.

2° Dans le Nouveau Testament, la piété ne se confond plus simplement avec la crainte de Dieu ou la religion en général ; elle suppose quelque chose de plus généreux et de plus affectueux dans le service de Dieu, en réponse à la bonté et à l’amour du Sauveur pour les hommes, Tit., iii, 4, et comme effet de la grâce plus puissante de la Loi nouvelle. Car l’incarnation est « un grand mystère de piété », c’est-à-dire de l’amour de Dieu envers l’homme, provoquant l’amour de l’homme envers Dieu. I Tim., iii, 16. Une c doctrine conforme à la piété » est celle qui s’inspire des grands mystères de la foi. I Tim., vi, 3. Les chrétiens doivent vivre « en toute piété et honnêteté », par conséquent fidèles à tous les devoirs de la vie surnaturelle et à ceux delà vie naturelle. I Tim., ri, 2. Les femmes chrétiennes font profession de piété, 6sooi꣠! a, pietas, au moyen des bonnes œuvres. I Tim., ii, 10. Saint Paul recommande vivement â son disciple de s’exercer à la piété, comme à quelque chose qui peut et doit toujours grandir. I Tim., IV, 7. Il veut qu’il recherche « la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur. » I Tim, , VI, 11, La piété est donc d’un degré supérieur à la justice. « Elle est utile à tout : elle a des promesses pour la vie présente et pour la vie à venir, » par conséquent est profitable même à la vie du temps, loin de lui nuire. I Tim., iv, 8. « C’est une grande richesse que la piété contente du nécessaire » et ne s’embarrassant pas des biens inutiles de ce monde. I Tim., vi, 6. U y a des hommes’vicieux, « ayant les dehors de la piété sans en avoir la réalité. » II Tim., iii, 5. « Ils ne voient dans la piété qu’un moyen de lucre, » parce qu’eux-mêmes sont privés de la vérité, I Tim., vi, 5, et que c’est « la vérité qui conduit à la piété ». Tit., i, 1. La vraie foi est donc seule la source de la piété sincère. La grâce enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, pour vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété. Tit., ii, 12. Mais le monde ne s’accommode pas de la piété, et « tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus, auront à souffrir persécution. » II Tim., iii, 12. — Saint Pierre veut aussi qu’à leur foi les chrétiens ajoutent la vertu, le discernement, la tempérance, la patience, la piété, l’amour fraternel, la charité, autant de dons qui viennent de Dieu. II Pet., i, 3, 6, 7. Ils doivent veiller à la sainteté de leur conduite et à leur piété, en attendant le jour du Seigneur, II Pet., iii, 11, qui « sait délivrer de l’épreuve les hommes pieux ». II Pet., ii, 9.

H. Lesêtre.
    1. PIÉTON##

PIÉTON (hébreu : ragli ; Septante : neÇd ;  ; Vulgate : pedes), homme de pied. Ce terme ne s’emploie que dans les dénombrements de troupes, Exod., xii, 37 ; Num., xi, 21 ; Jud., xx, 2 ; I Reg., iv, 10 ; xv, 4 ; II Reg., x, 6 ; III Reg., xx, 29, et l’on oppose le piéton au cavalier ou au soldat monté sur un char. IV Reg., xiii, 7 ; I Par., xviii, 4 ; xix, 18. On lit dans Jêrémie, xii, 5 : « Si lu cours avec des piétons et qu’ils te fatiguent, pourras-tu lutter avec des cavaliers ? » Le prophète s’applique à lui-même cette remarque : il est

haï et persécuté par ses propres concitoyens ; comment pourra-t-il tenir devant des ennemis plus forts, les

étrangers ?
H. Lesêtre.
    1. PIGEON##

PIGEON (Vulgate : columba). Voir Colombe, t. w, col. 846.

PILA, « mortier ». La Vulgate, Soph., i, 11, a traduit par Pila le nom propre hébreu Maktés, localité des environs de Jérusalem ou quartier de cette ville. Voir Macthesch, t. iv, col. 531.

1. PILATE (PONCE) (grec : IldvTio ; lifta™ ; ), procurateur romain de la Judée au temps de Jésus-Christ, Indépendamment des récits évangéliques relatifs à la passion de Notre-Seigneur, Matth., xxvii, Marc, xv, Luc, xxiii, Joa., xviii-xix, il est nommé plusieurs fois dans le Nouveau Testament : Luc, iii, 1, pour fixer l’époque à laquelle saint Jean-Baptiste inaugura son ministère ; Luc, xiii, 1, à propos d’un acte particulièrement cruel de son gouvernement, Act., iii, 13 ; IV, 27 ; xm, 28, et I Tim., vi, 13, comme responsable de la mort du Sauveur. Parmi les auteurs classiques, Tacite est seul à le mentionner. Ann., xv, 44. Philon et Joséphe parlent souvent de lui, le premier dans sa Legatio ad Caium, xxxviii, le second dans ses Antiquités et dans le Bellum judaicum. Voir plus bas, col. 430 et 431.

1° Son nom et son origine. — Son nom complet, qui n’apparaît qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, Luc, iii, 1, est Pontius Piîatus. Il est possible qu’il ait appartenu, soit par son ascendance proprement dite, soit par adoption, à la gens Ponlia, d’origine samnite et célèbre dès le début de l’histoire romaine. Voir le P. Ollivier, Ponce Pilate et les Pontii, dans la Revue biblique internationale, t. v, Paris, 1896, p. 247. 254, 594-600. Pilatus n’était qu’un surnom, un cognomen, dont il est difficile d’expliquer la provenance. C’est à tort qu’on l’a rattaché parfois à pileus, bonnet de laine dont on coiffait les esclaves lorsqu’on les affranchissait ; en effet, dans ce cas, on eût dit pileatus. La véritable étymologie semble être plutôt pilum ou pila, « javelot, » de sorte que pilatus signifierait : « armé du javelot. » Cf. Virgile, &n., xii, 121-122. D’après sa fonction, Pilate devait appartenir à l’ordre des chevaliers romains.

2° Son titre et la durée de son administration. — Pilate porte, dans le texte grec de saint Matth., xxvii, 2, 11, 14, etc., et de saint Luc, xx, 20, comme aussi dans Josèphe, Ant., XVIII, iii, 1, le titre moins exact de f.yeiKûv. Cf. Act., xxiii, 24, 26, 33 ; xxiv, 1, 10 ; xxvi, 30. En latin, son titre officiel était, non pas prœses, comme nous lisons habituellement dans la Vulgate aux passages qui s’occupent de lui et d’autres gouverneurs de la Judée, mais procurator, dont l’équivalent grec était éitiTpoTtoç. Voir Tacite, Ann., xv, 44 ; Philon, Légat, ad Caium, xxxviii ; Josèphe, Bell, jud., II, ix, 2. Avant lui à partir de la déposition d’Archélaûs, par Auguste, l’an 6 de notre ère, quatre procurateurs s’étaient succédé en Judée et en Samarie, — car leur juridiction s’étendait aussi à cette seconde province. C’étaient : Coponius (6-9 après J.-C), Marcus Ambivius (9-12), Annius Rufus (12-15), Valerius Gratus (15-26). Il fut donc le cinquième, et il exerça ses fonctions entre les années 26 et 36 de l’ère chrétienne ; par conséquent pendant dix ans, comme le dit Josèphe en termes exprès, Ant. jud., XVIII, iv, 2. Il entra en fonction la douzième année de Tibère, Eusèbe, H. E., i, 9, t. xx, col. 107, laquelle correspond, non pas à l’an 27 après J.-C, comme on l’a dit parfois, mais à l’an 26. Cf. Ewald, Geschichte Christi und seiner Zeit, in-8°, 2e édit., Gœttingue, 1857, p. 36 ; T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, in-8°, 1. 1, Zurich, 1867 ; E. Schûrer, Geschichte des pidischen Volkes, in-8<>,

4e édit., Leipzig, 1904, p. 487 ; pour l’an 2 7, J. Belser Geschichte des Leidens und Sterbens des Herrn, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 332. Le gouvernement de Pilate eut donc, comme celui de Valerius Gratus, une assez longue durée, et c’est uniquement sous le règne de Tibère qu’il fut exercé. Or, Tacite, Ann., i, 80 ; iv, 6, et Josèphe, Ant. jud., XVIII, VI, 5, font remarquer que, par principe, ce monarque laissait longtemps ses magistrats en fonction dans les provinces.

3° Caractère général et quelques épisodes de son administration. — Ce qu’en racontent les auteurs sacrés et profanes montre, d’un côté, à quel point était pénible et difficile, à cette époque, la tâche d’un gouverneur de Judée, et, d’un autre côté, combien Pilate fit peu d’eflorts pour rendre son administration conciliante à l’égard des Juifs. La lettre d’Agrippa à Caligula, citée par Philon dans sa Legatio ad Caium, xxxviii, trace de lui un portrait peu flatteur, dans lequel il y a certainement quelque exagération, puisqu’il provient d’un ennemi juré, mais dont l’histoire ne constate que trop bien l’exactitude générale. Cette lettre dit de lui qu’il était « inflexible de caractère et dur avec arrogance ». Elle lui reproche ; < la corruption, les violences, la rapine, les mauvais traitements, les vexations, de perpétuelles exécutions sans jugement préalable, des cruautés sans nombre et insupportables ». Détestant les Juifs et ne comprenant rien à leur tempérament ni à leurs sentiments religieux, il prétendit les gouverner d’après sa propre volonté, et les faire fléchir en tout et malgré tout. Mais, aussi faible et irrésolu par moments qu’il était d’ordinaire intraitable, il contribuait lui-même à amoindrir son autorité ; aussi £ut-ii vaincu à plusieurs reprises par ceux dont il croyait pouvoir aisément triompher, et il finit même par être tout à fait brisé par eux. Son opiniâtreté et sa maladresse occasionnèrent plus d’une fois des mouvements de rébellion, qu’il dut ensuite étouffer dans le sang.

Dès les premiers mois qui suivirent son installation, il froissa jusqu’au vif les habitants de Jérusalem, et tous les Juifs de Judée par là même. Ses prédécesseurs, fidèles à la politique d’après laquelle Rome accordait habituellement une grande liberté aux provinces conquises, lorsqu’il ne s’agissait que de leurs affaires intérieures, s’étaient montrés fort accommodants sur certains points qui touchaient aux idées religieuses des Juifs. C’est ainsi qu’ils avaient fait enlever, sur les étendards du détachement militaire qui tenait garnison à Jérusalem, toutes les images et effigies qui présentaient un caractère idolâtrique. Pilate, au contraire, voulut que les soldats envoyés par lui dans la ville sainte y entrassent avec leurs enseignes munies de tous leurs emblèmes, Il ne prit d’autre précaution que de faire pénétrer hommes et drapeaux pendant la nuit. La colère des Juifs fut grande, lorsqu’ils s’aperçurent, le lendemain matin, de l’outrage qui leur avait été fait. En nombre considérable ils se rendirent à Césarée, où le procurateur avait sa résidence ordinaire, et, pendant cinq jours, ils protestèrent avec une telle énergie, que Pilate, qui avait d’abord pris le parti de les faire massacrer, dut céder, en voyant qu’ils étaient prêts à mourir tous, plutôt que de supporter cet affront. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 1-2 ; Bell, jud., II, ix, 2-4. — Plus tard, malgré cette leçon humiliante, H commit une faute toute semblable, en faisant suspendre dans le palais qui lui servait d’habitation lorsqu’il séjournait à Jérusalem, des boucliers d’or dédiés à Tibère et munis aussi d’inscriptions ou de symboles idolâtriques. Une insurrection faillit éclater. Averti par les Juifs, l’empereur ordonna lui-même d’enlever au plus tôt la cause du désordre. Voir Philon, Légat, ad Caium, xxxviii, édit. Mangey, t. ii, p. 590 ; Eusèbe H. E., ii, 6, t. xx, col. 154. — Plus tard encore, Pilate se permit de puiser dans le trésor sacré du temple de m

P1LATE (PONCE)

432

Jérusalem, sous prétexte de se procurer ainsi les fonds -nécessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui amènerait dans la capitale l’eau des réservoirs de Salomon, situés à environ 15 kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. Des troubles violents s’ensuivirent et le sang coula encore abondamment. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 2 ; Bell, jud., II, ix, 4 ; Eusèbe, H. E., II, vi, 6-7, t. xx, col. 114 ; E. Schûrer, Geschichte des iûd. Volkes, ¥ édit, t-. i, p. 490-491.

Saint Luc, xiii, 1, signale brièvement un épisode également tragique de l’administration de Pilate : « Il y avait là (près de Jésus, à certain jour de sa vie publique ) quelques hommes qui lui annoncèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices. » Nous ne connaissons cet incident que par le récit du troisième Évangile ; mais il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle de Pilate, comme aussi avec le caractère belliqueux des Galiléens, qu’on était sûr de trouver parmi les Zélotes les plus exaltés, les plus remuants. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ix, 3, etc. Il s’agit sans doute d’une tentative de révolte, qui fut aussitôt réprimée par le gouverneur avec une implacable sévérité. Les rebelles furent assaillis par les soldats de Pilate et égorgés dans les parvis mêmes du temple, au moment où les prêtres immolaient les animaux que ces malheureux offraient en sacrifice, de sorte que leur propre sang se mêla à celui de leurs victimes.

4° Son rôle dans la passion du Sauveur est fort bien résumé dans ces mots de Tacite, Ann., xv, 44 : Christus, Tiberio imperitanle, per procuratorem Ponliurn Pilatum supplicio adfectus fuerat. Malgré la parole si miséricordieuse et si délicate de la divine victime : « Celui qui m’a livré à toi commet un plus grand péché, » Joa., xix, 11, Pilate demeure à tout jamais couvert d’infamie par l’attitude lâche, égoïste, inique qu’il prit à l’égard de Jésus-Christ, en n’osant pas résister jusqu’au bout au fanatisme cruel des Juifs. Toutefois, dans le Credo, les mots Passus sub Pontio Pilato ont été insérés, moins pour mettre en relief l’odieuse injustice du procurateur, que pour fixer la date officielle de, 1a mort de Jésus-Christ, et ponr montrer, par là-même, que le christianisme repose sur une base historique certaine. Cf. S. Augustin, De fide et symbolo, c. v, t. xl, col. 187.

Les membres du Sanhédrin, privés par Rome du jus gladii, et n’ayant pas le droit d’exécuter la sentence de mort qu’ils avaient portée contre Jésus, conduisirent Notre-Seigneur au prétoire, pour obtenir du procurateur la ratification de leur jugement. C’est donc devant le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du procès du Sauveur, celle qu’on nomme le procès civil, par opposition au procès ecclésiastique, qui avait eu lieu chez Caïphe. Pilate se trouvait alors à Jérusalem, à - l’occasion de la fête de la Pàque, selon la coutume des gouverneurs romains, pour prévenir par sa présence, et au besoin pour châtier aussitôt le moindre mouvement insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance solennelle, assez brièvement esquissée par saint Matthieu, - xxvii, 1-25, et par saint Marc, xv, 1-15, est décrite d’une manière plus complète, au point de vue psychologique, soit par saint Luc, xxiii, 1-25, soit surtout par saint Jean, xviii, 28-xix, 16, dont l’admirable analyse jette de vives clartés sur les narrations des synoptiques. Voir J. Belser, Geschichte des Leidens des Herrn, p, 337-338 ; L.-CI. Fïllion, Évangile selon saint Luc, introd. critique et commentaires, Paris, 1882, p. 381-388 ; Évangile selon saint Jean, introd. critiq. et commentaires, Paris, 1887, p. 335-349. Le quatrième Évangile nous rend vraiment témoins île ce drame auguste et douloureux, partageant le récit en petites scènes très vivantes, qui nous font contempler Pilate, tantôt faisant l’in.terrogatoire de Jésus dans

l’intérieur du prétoire, tantôt discutant avec les Juifs, qui étaient demeurés en dehors. Les réflexions de l’évangéliste et eelles du gouverneur nous permettent de lire jusqu’au fond de l’âme de ce dernier.

Le procurateur ne pouvait guère ne pas connaître, au moins de nom et depuis quelque temps, Jésus-Christ, qui avait excité me si vive émotion dans Jérusalem durant les derniers jours. Quoi qu’il en soit, les évangélistes sont unanimes à affirmerque, malgré la gravité des crimes reprochés à l’accusé par les princes des prêtres, Pilate fut promptement convaincu de sa parfaite innocence. Dès le premier instant, il avait percé à jour la futilité de leurs accusations, et reconnu qu’ils le lui avaient livré « par jalousie », par haine. Cf. Matth., xxvii, 18 ; Marc, xv, 10. Aussi refusa-t-il longtemps d’acquiescer à leur demande, dont l’injustice était flagrante. Cf. Matth., xxvii, 23-24 ; Luc, xxiii, 4, 14, 22 ; Joa., xviit, 38 ; xix, 4, 6. Le récit sacré nous le présente même comme prenant un grand intérêt à Jésus, d’abord à cause de son majestueux silence, Matth., xxvii, 14 ; Marc, xv, 4-5, puis à cause de ses graves et sublimes réponses, Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 33-38 ; xxix, 9-11. De là ses efforts multipliés pour le sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son innocence (voir ci-dessus) ; il le renvoie à Hérode, qui, lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc, xxiii, 6-15 ; il propose de le faire flageller, pour apitoyer le peuple, Luc, xxiii, 16 ; il essaie d’user du droit de grâce en sa faveur, Matth., xxvii, 15-23 ; Marc, xv, 6-15 ; Luc, xxiir, 17-25 ; Joa., xvra, 39-40 ; il le montre à la foule, couronné d’épines et tout ensanglanté, Joa., xix, 4-5 ; enfin, il dégage sa responsabilité par un acte symbolique. Matth., xxvii, 24.

Les Évangélistes mettent ainsi à nu sa conscience impressionnée, qu’ébranlait, mais trop superficiellement, le désir d’arracher à la mort ce juste, qui ne ressemblait à aucun des accusés conduits jusque-là devant son tribunal. Son âme superstitieuse, quoique incrédule, fut tout particulièrement frappée, lorsqu’il entendit les Juifs reprocher à Jésus de s’être fait Fils de Dieu. Joa., xix, 7. Il craignait que Notre-Seigneur ne fût quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, aux représailles duquel il redoutait de s’exposer. Aussi s’empressa-t-il de le questionner sur son origine : Vnde es tu ? La réponse de Jésus le rassura. Cf, Joa., xix, 9-12.

Finalement il céda, « pour donner satisfaction au peuple, » Marc, xv, 15 ; « il livra (Jésus) à leur volonté, » Luc, xxiii, 24, surtout lorsque les Juifs l’eurent menacé très ouvertement de la disgrâce de César. Joa., xix, 12. Il monta donc sur son tribunal et proclama la sentence du Sauveur. Joa., xix, 15. Il avait mis à profit les rudes leçons que lui avaient données les Juifs. Pour ce magistrat égoïste, sans principes moraux, guidé seulement par les considérations mondaines et politiques, qu’étaient les droits les plus sacrés’d’un innocent, dès lors que son intérêt personnel était en jeu ? La conservation de son emploi si lucratif et si honorable l’emportait sur tout le reste. C’est ainsi que, malgré sa vaine protestation, il prit une très grande part au crime le plus affreux qu’aient jamais enregistré les annales de l’histoire. Les Constitutions apostoliques, v, 14, t. i, col. 877, lui reprochent à bon droit sa lâcheté (îvavSpîa). Quant à la question célèbre qu’il adressa au Sauveur. « Qu’est-ce que la vérité ? » Joa., xviii, 38, c’était simplement la parole d’un dilettante, d’un sceptique, qui regardait la vérité comme une chose indifférente et comme un mot sans portée. Aussi n’attendit-il même pas la réponse de Jésus. — Semblable à lui-même jusqu’au bout, après avoir été battu, cette fois encore, par les Juifs, il les traita avec dédain, en refusant opiniâtrement de modifier l’inscription qu’il avait fait placer au-dessus de la Jcroix, Joa., xix, 19-22, ’[et en

permettant à Joseph d’Arimathie de donner aucorps sacré de Notre-Seigneur une sépulture honorable. Cf. Luc, xx.ni, 50-52 ; Joa., xix, 38.

5° Sa révocation et sa mort. — Un dernier acte de cruauté, dont Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous a conservé les détails, ne tarda pas à renverser les calculs de cet homme politique et à amener sa chute. Un certain nombre de Samaritains, séduits par un imposteur, s’étant mis à faire des fouilles sur le mont Garizim, près de Sichem, dans l’espoir d’y trouver des vases sacrés que Moïse y aurait cachés avant sa mort, le gouverneur les fit massacrersans pitié. Leurs parents et amis, exaspérés, allèrent se plaindre à Vitellius, qui était alors légat de Syrie. Celui-ci, voyant que Pilate était devenu insupportable à ses administrés, l’envoya à Rome pour qu’il essayât de se justifier devant l’empereur ; mais il n’arriva qu’après la mort de Tibère.

Les derniers faits de sa vie sont enveloppés d’ombre et de mystère ; du reste, ils furent de bonne heure défigurés par la légende. On ignore même en quel lieu et de quelle manière il mourut. Suivant Eusèbe, H. E., II, vii, t. xx, col. 155, et Chronicon, 1™ année de Caïus, t. xix, col. 538, il aurait été banni à Vienne dans les Gaules, où, accablé par l’infortune, il aurait péri de sa propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. xcii, col. 557-559, et Orose, Hist., vii, 5, t. xxxi, col. 1071. On voit encore dans cette ville un monument de forme singulière, une pyramide sur une base carrée, qu’on nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n’a rien pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une montagne voisine de la ville de Saint-Étienne, se rattache sans doute aussi à ce souvenir. D’après l’historien grec Malalas, Ghronographia, x, t. xcvii, col. 390, Pilate aurait été décapité par Néron. Comp. Jean d’Antioche, dans Mûller, Fragmenta hisloricorum grsecorum, t. IV, p. 574, édit. Didot, et Suidas, au motNépwv. Il semble du moins probable qu’en toute hypothèse il mourut de mort violente. Voir E. Schûrer, Geschichte des jùd. Volkes, 4e édit., t. i, p. 493-494, On trouve de curieux détails sur ses derniers moments dans le traité apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius, Apocryph., t. iii, p. 505 ; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832, t. i, p. 796-798 ; Tischendorf, Evangelia apocrypha, " édit., 1851, p. 432-435 ; 2e édit., 1876, p. 456-458. Plus tard, la légende continua à se développer. Jeté à Borne dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occasionné des tempêtes et des inondations. Dans le Rhône, où on l’emporta ensuite, les mêmes phénomènes terribles se reproduisirent. Enfin, on le précipita dans un petit lac, situé près de Lucerne, au sommet du mont Pilate, dont le nom viendrait précisément de cel épisode. Ou bien, après avoir erré au loin, poursuivi par le remords, l’ancien procurateur serait allé de lui-même cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et aurait fini par se noyer de désespoir dans le lac qu’on y voit encore. Cf. A. Lùtolf, Sagen, Branche und Legenden an den fûnf Orten, Lucerne, 1865 ; Creizenach, Pilatus-Legenden, 1894 ; James, Apocrypha anecdota, dans les Texts and Studies, édités par Robinson, t. v, fasc. i, 1897, p. xlv-l, 65-81.

Fait surprenant : cette triste figure a excité de bonne heure une certaine sympathie. Il est vrai que c’était à une époque où l’on aimait à disculper Pilate et les Romains, pour aggraver le crime des Juifs déicides. Comp. VEvangel. Pétri, dans E. Preuschen, Antilegomena, die Reste der ausserkcmonisc/ien Evangelien, Giessen, 1901, in-12, p. 13-18. C’est ainsi que, d’après la Paradosis Pilati, le gouverneur, condamné â mort par Tibère et sur le point d’être exécuté, conjure Notre-Seigneur de ne pas permettre qu’il soit châtié avec les Juifs, et allègue son ignorance pour excuser en partie sa conduite. Une voix lui répond du ciel, et l’assure que toutes les générations le proclameront

bienheureux, et qu’il sera un témoin du Christ lors de son second avènement, pour juger avec lui les douze tribus d’Israël. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426431. Les Abyssins vont même jusqu’à l’honorer comme un martyr, et célèbrent sa fête le 25 juin. Cf. Stanley, Lectures on the History of the Eastern Church, in-8°, Londres, 1865, 3e édit., p. 13. Le mot de Tertullien au sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus, Apolog., 21, t. j, coi. 12, provient d’un sentiment analogue, qu’on retrouve dans l’évangile de Nicodème, i, 2, où Pilate est désigné comme « incirconcis dans la chair, mais circoncis de cœur ». Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 236 ; Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. xiii, col. 1773. On savait gré au gouverneur de la Judée des tentatives, pourtant si molles, qu’il avait faites pour arracher Jésus-Christ à la mort.

6° Bibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5e édit., in-12, Leipzig, 1865, p. 248-249, cite une littérature considérable composée sur PiWle. Voir aussi. ï.ttvatd, Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung von 1884-1900, l re partie, p. 144-146. Parmi les livres les plus récents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-294 ; Mommsen, Rômische Geschichte, in-8°, t. v, 4e édit., Berlin, 1894, p. 508 sq. ; P. Waltjer, Pilatus, eene Studie, in-8°, Amsterdam, 1888 ; G. A. Mùller, Pontius Pilatus, der fûnfte Procurator von Judàa, Stuttgart, 1888 ; Grâtz, historien juif, Geschichte der Juden, t. iii, p. 253-271 ; A. E. Innés, The Trial of Jésus Christ, a légal monograph, Edimbourg, 1899, in-8°, p. 61-123 ; E. Schùrer, Gesch. des jùdischen Volkes im. ZeitaUer Christi, in-8°, t. i, 4e édit., Leipzig, 1904, p. 487-492 ; J. Belser, Die Geschichte des Leidens und Sterbens, der Auferstehung und Himmelfahrt des Herrn, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372.

L. E’iLLION.

2. PILATE (ACTES DE), livre apocryphe Voir Évangiles APOCRYPHES, t. II, Col. 2116.

3. PILATE (FEMME DE). — Elle n’est mentionnée dans les Évangiles que par saint Matthieu, xxvii, 19 : « Pendant qu’il (Pilate) était sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste (Jésus-Christ), car j’ai beaucoup souffert aujourd’hui ensonge à son sujet. » À part ce trait touchant, qui manifeste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s’embarrassât dans de graves difficultés, s’il ne se dégageait immédiatement de ce procès, nous ne savons rien de bien certain sur elle. — Une ancienne tradition l’appelle Procla, Up6%la, ou Claudia Procula, et fait d’elle une femme pieuse, bien plus, une « prosélyte de la porte ». Voir Prosélyte. Dans l’Évangile de Nicodème, chap. ii, Pilate dit d’elle : 6eoae|3r)ç ê<m xai |15Mov iouBatCec. Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8°, 1832, t. i, p. 523 ; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8°, Leipzig, 1851, p. 332 ; Nicéphore, Historiée, 1, 30, t. cxlv, col. 720. Or, nous savons par Josèphe, Ant., XVIII, iii, 5 ; Bell, jud., xx, 2, et par Juvénal, Sat., vi, 543, que les femmes romaines, même celles qui appartenaient aux classes supérieures, étaient attirées par la religion judaïque, qui parlait beaucoup plus à leur âme que le paganisme si vide d’alors. Il est probable que la femme du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur, et qu’elle avait conçu une grande admiration pour sa conduite et son enseignement.

Les interprètes discutent sur la nature du songe auquel fait allusion son message à Pilate. Plusieurs auteurs contemporains le regardent comme un fait purement naturel, provoqué par l’arrestation et le procès ecclésiastique de Jésus, dont elle aurait été informée avant de s’endormir. Voir Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 274-275

Mais nous croyons, à la suile des Pères et de la grande majorité des commentateurs, qu’il est difficile de ne pas reconnaître à ce songe un caractère non seulement providentiel, mais vraiment surnaturel. Toutefois, les anciens écrivains ecclésiastiques n’apprécient pas tous de la même manière cette intervention surnaturelle. Il en est qui l’attribuent au démon. La plupart des exégètes lui donnent une origine céleste. Voir Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. xiii, col. 1773 ; S. Jean Chrysostome, Hom. lxxxvi in Matth., 1, t. Lvnr, col. 764 ; Schanz, Commentai ûber das Evangel. des heilig. Matthâus. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 540 ; Ma’Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 2e édit., in-8°, t. iii, Paris, 1887, p. 315.

On a essayé, il est vrai, d’attaquer la valeur historique de cet épisode, en rappelant la loi romaine qui interdisait aux proconsuls, et aussi aux autres magistrats délégués dans les provinces, de se faire accompaguer par leurs femmes ; mais cette loi, observée avec rigueur sous la république, tomba en désuétude à l’époque de l’empire, comme nous l’apprennent formellement Tacite, Ann., iii, 33-34, et Suétone, August. , 24. Voir aussi Josèphe, Ant., XX, x, 1 ; Ulpien, iv, 2.

D’après une tradition qui remonte au moins jusqu’au temps d’Origène, a femme de Pilate aurait été récompensée de son dévouement pour Notre-Seigneur en acceptant la foi chrétienne. Voir Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. XIII, col. 1773, et les lettres apocryphes qu’auraient échangées Pilate et Hérode, dans M. R. James, Apocrypha anecdota, 2e série, Cambridge, 1897, in-8°, p. 66-75. Le ménologe grec va même jusqu’à la ranger parmi les saints et place sa fête le 27 octobre. Cf. Calmet, Dictionn. de la Bible, au mot Procla, édit. Migne, t. iii, col. 1268. L. Fillion.

    1. PILON##

PILON (hébreu : ’ëlî ; Vulgate : pilus), masse de bois, de métal (fîg. 84) ou de pierre (fig. 85) destinée à

un mortier, comme on broie le grain, avec le pilon, sa

85. — Pierres de quartz pour piler le grain, trouvées à Tell-Yehudiyéh (XVIII’dynastie). D’après W. M. Flinders Patrie, Hyksos and Israélite Cities, in-4°, Londres, 1906, pi. xv et p. 17.

folie ne se séparera pas de lui, » comme l’huile se sépare

des olives.
H. Lesêtre.
’PIN (hébreu : ’orén ; Septante : tuîtuç ; Vulgate :

pinus), arbre vert assez abondant en Palestine.

I. Description. — Les arbres résineux de la famille des Conifères doivent ce nom à leur appareil fructifère ou cône formé d’écaillés servant à protéger les graines. Mais entre tous leurs congénères les Pins se distinguent par la forme de ces écailles pourvues sur le dos d’une proéminence ou apophyse. Leur feuillage n’est pas moins caractéristique, car les aiguilles foliaires, sur l’arbre adulte, sont réunies par petits groupes, de

84.’Égyptiens pilant dans un mortier. Thèbes. L’inscription porte : k « Dépêchez-vous tous à l’ouvrage en prenant soin de tout ce qui vous est donné ; faites le pain. » ( « On pile le grain dans les greniers de… » D’après Wilkinson, Manners of ancient Egygtians, 2- édit., t. ii, p. 204.

concasser et à écraser les objets placés dans un mortier. Voir Mortier, t. iv, col. 1311. — La manne est comparée à « quelque chose de menu comme des grains », et, d’après la Vulgate, à « quelque chose d’écrasé au pilon ». Exod., xvi, 14. Les grains peuvent être écrasés au pilon ; mais, si la manne se prêtait au travail de la meule ou du pilon, elle n’apparaissait pas à l’état concassé quand elle tombait. Voir Manne, t. iv, col. 657. — Les enfants d’Israël doivent apporter, pour le luminaire du sanctuaire, de l’huile « d’olives concassées », Septante : xîvtofiuivov, « martelées », et équivalemment, d’après la Vulgate, « martelées au pilon ». Exod., xxvii, 20. — Le mot « pilon » ne se lit en hébreu que dans ce texte des Proverbes, xxvii, 22 : « Qu’on pile l’insensé dans

deux ordinairement, protégés chacun par un involucre de folioles scarieuses. La floraison a lieu au printemps, au lieu d’être automnale comme chez les Cèdres ; les fleurs mâles émettent alors en extrême abondance la poussière pollinique qui emportée par le vent simule une pluie de soufre. Les cônes mettent parfois 3 ans avant d’atteindre leur maturité. Il en est ainsi, par exemple, dans le Pin-Pignon (Pinus Pinea L.), bel arbre de la région méditerranéenne que la disposition étalée de ses branches au sommet de la tige a fait nommer aussi Pin-Parasol. Son cône est ovoïde obtus avec des écaillesluisantes ; ses graines deviennentdes amandes comestibles et volumineuses revêtues d’une coque noirâtre, très dure, à aile presque nulle. Le Pin d’Alep,

P. Halepensis Miller (fig. 86), est l’espèce la plus répandue en Syrie, où elle remplace le Pin maritime des rivages occidentaux ; ses feuilles sont grêles et flexueuses ; ses cônes, plus allongés et penchés à l’extrémité d’un court pédoncule, mettent 2 ans à mûrir ;

Pinus Halepensis. Branche, cône, fleur, graine.

les graines petites, couvertes d’un tégument mou, sont prolongées en aile roussàtre. Enfin dans la région élevée du Liban on observe un Pin très voisin du précédent, P. Brutia Tenore, distinct toutefois par ses feuilles plus épaisses, rigides, ainsi que par ses cônes sessiles non pendants. F. Hy.

II. Exégèse. — L’arbre appelé 'orén n’est mentionné qu’une seule fois dans la Bible, Is., xiiv, 14, dans un passage où le prophète se moque de l’idolâtre qui est à la recherche de bois dont il prend une partie pour se tailler des idoles, et dont il brûle le reste.

Un homme va couper des cèdres,

Il prend des rouvres et des chênes,

Il fait un choix parmi les arbres de la forêt

Et même il plante le 'orén que la pluie fait croître.

Il s’agit d’un arbre dont le bois est bon à brûler et peut être utilisé pour sculpter des idoles, un arbre qu’on peut mettre en parallèle avec le cèdre ou le chêne, qui s’en distingue cependant sous certains rapports. Le cèdre, le rouvre et le chêne sont placés ici parmi les arbres des forêts qu’on n’a pas besoin de planter et qu’on ne cultive pas. Le 'orén est signalé comme un arbre qu’on plante, mais cependant ce n’est pas un arbre qu’on soigne et qu’on arrose selon les procédés habituels de la Palestine pour les plantes et les arbres cultivés. On laisse à la pluie du ciel le soin de l’arroser. Tous ces caractères paraissent bien convenir à diverses espèces de pin qu’on rencontre abondamment en Palestine, surtout dans les terrains sablonneux, comme le Pin d’Alep, Pinus Halepensis, le Pin-Pignon ou Parasol, Pinus Pinea, et le Pinus Brutia. C’est ainsi du reste que l’entendent les Septante et la Vulgate qui traduisent 'orén par iu’tv ; , et pinus. Bien qu’il y ait grande divergence parmi les rabbins sur la nature de cet arbre, beaucoup cependant s’arrêtent au pin, et l’identifient avec l’arbre que les arabes appellent-j*X*a,

snaubar, et qui n’est autre que le pin ; ou bien ils le rangent dans la même famille que les arazim, « cèdres, n et les beroSîm, les cyprès : ce qui convient bien au pin.

Cependant il est des critiques qui croient que le mot 'orén, pj « , dont le nun final n’est pas régulièrement formé dans les anciens manuscrits et pourrait bien être un zaïn mal écrit, n’est autre que tin, 'éréz, le cèdre. Ils pensent aussi que la suite logique du sens demande qu’on lise à rebours les stiques de ce verset : car il est naturel de planter le cèdre avant de le couper. Ils ont ainsi :

On a planté des cèdres et la pluie les fait croître, On laisse grandir les arbres de la forêt, Puis on prend le rouvre et le chêne, Et l’on coupe les cèdres.

C’est le sens auquel s’arrête A. Condamin, Le livre d’Isaîe, 1905, p. 269. Cette leçon et ces transpositions sont loin toutefois d'être certaines, et pourraient bien n'être qu’une interprétation de ce passage, inspirée d’un point de vue trop subjectif. Les anciennes versions tiennent pour un mot différent de 'éréz, c’est-à-dire pour 'orén, « pin. » Et on peut trouver une suite logique à la pensée sans rien bouleverser. L’idolâtre cherche d’abord parmi les arbres des forêts, le cèdre, le rouvre et le chêne ; il en vient même à planter des pins afin d’avoir du bois à sa convenance pour se tailler des idoles. Rien ne paraît donc exiger de transposition ; et la lecture 'orén et sa traduction par « pin » sont suffisamment justifiées. Cette traduction d’ailleurs trouve une certaine confirmation dans un texte égyptien du Papyrus Anastasi, i, 19, 3. Dans une description d’un site de Palestine,

se lit le nom I… | t II, anourna, arrouna, qui

rappelle l’hébreu 'orén, pin. Le rapprochement est d’autant plus vraisemblable que ce mot est placé entre deux noms de conifères, le cyprès et le cèdre, et que ces trois arbres sont dits « atteindre jusqu’au ciel ». Tous ces caractères semblent bien viser le pin-pinier. J. Lauth, dans la Zeitschrift der deutsch. morgenlànd. Gesellsch., 1871, p. 620 ; V. Loret, Études de botanique égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la philol. et archéol. égypt., in-4°, 1895, p. 187.

E. Levesqde. PINA (Jean de), commentateur espagnol, né à Madrid en 1582, mort dans la même ville en 1657. Entré au noviciat des Jésuites d’Alcala en 1603, il remplit divers offices dans son Ordre. Son volumineux commentaire sur l’Ecclésiastique, Commentariorum in Ecclesiasticum tomi quinque, parut à Lyon de 1638 à 1648, 5 in-f°. On y rencontre des idées élevées, ingénieuses, des aperçus nouveaux, mais aussi parfois des longueurs et du remplissage. P. Bliard.

    1. PINACLE DU TEMPLE##

PINACLE DU TEMPLE, partie du Temple de Jérusalem sur laquelle le diable transporta Notre-Seigneur pour le tenter. Le récit de la tentation est le seul endroit du Nouveau Testament où nous rencontrons ce terme : tb UTepûyiov toû EepoO, pinnaculum templi, N[3ti., vi, § ; pinnatempli, Luc, tv, 9. IlTepuycov est le diminutif de icTépuS, « aile », comme pinnaculum l’est de pinna, qui désigne en latin une grosse plume d’oiseau, ou une nageoire de poisson, cf. Lev., xi, 9, 10, 12 ; Deut., xiv, 9, 10, ou des créneaux de muraille. Les Septante emploient le mot utépuyiov — 1. pour traduire l’hébreu kànâf, signifiant la partie du vêtement, le bord qui pend comme une aile, Num-, xv, 38 ; Ruth., iii, 9 ; I Sam. (Reg.), xv, 27 ; xxiv, 5 ; — 2. l’hébreu senappir, désignant l’aileron, la nageoire des poissons, Lev., xi, 9-12 ; Deut., xiv, 9, 10 ; — 3. l’hébreu qâsâh, qui s’entend de « l’extrémité » du rational ou pectoral. — Que signifie exactement uTépuyiov dans l'Évangile ? Tout le monde reconnaît qu’il s’agit d’un endroit élevé, ressemblant en quelque manière à une aile ou à une pointe, mais on ne s’accorde pas sur sa situation précise. Le nom étant précédé de l’article en 439

PINACfeE DU TEMPLE — PINTO RAMIREZ

440

grec, il en résulte que la partie du temple désignée par là était bien connue et déterminée, du temps de Jésus-Christ ; aujourd’hui on ne peut faire que des conjectures. Selon les uns, le pinacle faisait partie de la maison de Dieu, ou du sanctuaire proprement dit ; selon les autres, il était dans les dépendances du temple. Les partisans de cette seconde opinion s’appuient sur ce que le sanctuaire est appelé dans le Nouveau Testament & va<5ç et que le pinacle est appelé pinacle toû îepoû, non toû vaoû. Ceux qui soutiennent la première opinion reconnaissent que le mot vatfç s’applique exclusivement à « la maison de Dieu », mais ils allèguent que le mot îspov, quoiqu’il puisse s’entendre quelquefois seulementdes dépendances du temple, Matth., xxi, 12, 14 ; xxvi, 55 ; Marc, xiv, 49 ; Luc, xix, 47 ; xxi, 37 ; xxii, 53 ; xxiv, 53, etc., comprend en réalité le vaô ; avec ses dépendances, Matth., xii, 6 ; xxiv, 1 ; Marc, xiii, 3 ; Luc, xxl, 5 ; xxii, 52 ; par conséquent le pinacle pourrait avoir été à la rigueur une partie du vao"ç. Ce n’est donc pas sur le mot ieptfv seul qu’on peut s’appuyer pour fixer la position du pinacle.

1° Ceux qui le placent sur le sanctuaire proprement dit sont loin d'être d’accord entre eux. — 1. Grotius entend par ifrepû-ftov le parapet qui entourait le toit de la maison de Dieu, conformément à l’usage juif. Voir Parapet, t. iy, col. 2153. Ce parapet, d’après le Talmud, Middoth, iv, 6, avait trois coudées de hauteur, un peu plus d’un mètre et demi. — 2. D’autres commentateurs pensent que le pinacle est le faite du toit, ce qui s’accorde mal avec ce que nous apprend Josèphe, Bell, jud., V, v, 6, à savoir que le faîte était hérissé de pointes d’or afin que les oiseaux ne pussent pas s’y reposer. —3. D’après Ligthfoot, Horx hebraicx, Matth., iv, 5, Works, 1684, t. ii, p. 130, le pinacle peut être le nom donné au portique de la maison de Dieu, abttt, 'ùldm, parce qu’il débordait comme des ailes à droite et à gauche l'édifice de la maison de Dieu. On peut alléguer contre cette opinion, de même que contre les deux précédentes, que les termes itTspOfiov TO îepoû s’entendent plus naturellement des dépendances du temple que de la maison de Dieu, mais surtout que Jésus-Christ, n'étant pas de la tribu de Lévi, se trouvait empêché par la Loi de pénétrer dans le sanctuaire. Le roi Hérode, même pendant qu’il fit reconstruire la maison de Dieu, ne put jamais y entrer. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5. 2° Le pinacle, d’après ceux qui le placent dans les dépendances du Temple, faisait partie du grand portique qui fermait l’aire sacrée à l’est et au sud. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5, décrit ce portique en ces termes : « Au sud (de la cour des Gentils) était le portique royal (ttjv padî'Xetov crroâv), qui était triple et s'étendait de la vallée orientale jusqu'à la vallée occidentale ; il était impossible d’aller au delà. C’est le plus remarquable des travaux qu’ait éclairés le soleil. La vallée est tellement profonde, que les yeux de celui qui regarde en, bas en sont troublés. [Hérode] y éleva un portique [soutenu par un mur de terrassement] d’une immense hauteur.Si quelqu’un voulait du haut voir jusqu’au fond, il s’exposerait à être pris de vertige. » La muraille surplombe en effet la vallée du Cédron qui forme au-dessous un affreux précipice. Josèphe, Ant. jud., XX, îx, 7. Quand on cherche sur les lieux mêmes à se rendre compte de la scène décrite par l'Évangile, on est amené naturellement à cette conclusion : c’est au-dessus de la haute muraille qui soutient la terrasse du temple du côté de la vallée, que le démon a dû transporter Notre-Seigneur, car en aucun autre endroit, il ne pouvait le tenter avec autant de force, en lui disant : « Si tu es le Fils de Dieu, précipite-toi en bas. » Matth., iv, 6. — Ajoutons que, d’après le témoignage d’Hégésippe et de Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., ii, 1, 23, t. xx, col. 136, 196, 200, l’apôtre saint Jacques le Mineur, le premier

évêque de Jérusalem, fut précipité du pinacle du Temple, itTspuT’ov, dit Clément, TtïépuY’ov toû ieooû, dit d’abord Hégésippe, et puis irrépimov toû vaoO, col. 200, mais le mot vho'ï, dans son sens précis, ne peut être exact, parce que ni saint Jacques ni le peuple auquel il parlait ne pouvaient pénétrer dans le vaoç. Ce n’est que dans le parvis que l’Apôtre a pu adresser un discours aux Israélites et ce n’est que du portique extérieur qu’il a pu être jeté en bas. Le pinacle était donc une partie du portique. Lorsque l’Apôtre eut été achevé par le bâton d’un foulon, il fut enseveli à l’endroit même où il avait consommé son martyre, ajoute Hégésippe, ce qui ne peut être vrai que s’il était mort en dehors de l’enceinte du Temple, c’est-à-dire dans la vallée de Cédron où l’on enterrait en effet les défunts, tandis qu’il était impossible d’enterrer dans le Temple même. La tradition locale place le tombeau de saint Jacques à l’angle sud-est de l’esplanade du Temple, voir Jacques 2, t. iii, col. 1088, dans la vallée de Josaphat. Ces divers détails s’accordent très bien avec l’opinion qui place le pinacle au-dessus de la vallée du Cédron et la confirment par là même.

F. VlGOUROUX.

    1. PINCETTES##

PINCETTES (hébreu : mahtâh, mélqâhtayîm,

malqâhayim ; Septante : laêk ; Vulgate : forceps),

instrument de métal composé de deux tiges qu’on peut

rapprocher pour saisir un objet (flg. 87). — Il n’est

87. — Pincettes romaines antiques.

D’après Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités,

t. ii, flg. 3163, p. 1240.

question de pincettes que dans la description du mobilier du sanctuaire que Moïse fit exécuter. Exod., xxv, 38 ; xxvii 3 ; xxxvii, 23 ; xxxviii, 3. Elles servaient à mettre du feu dans les encensoirs, Num., xvi, 6, 7, et à disposer les mèches des lampes. Num., IV, 9. Salomon fit fabriquer en or les pincettes du Temple. III Reg., vii, 49 ; II Par., iv, 21. Dans une de ses visions, Isaïe, vi, 6, vit un ange prendre un charbon ardent sur l’autel avec des pincettes, afin de lui purifier

les lèvres.
H. Lesêtre.
    1. PINEDA##

PINEDA (Jean de), commentateur espagnol, né à Séville en 1558, mourut dans cette ville le 27 janvier 1637. Reçu dans la Compagnie de Jésus en 1572, il s’appliqua à l'étude de l'Écriture Sainte qu’il enseigna ensuite pendant 18 ans à Cordoue, Séville et Madrid. Le premier ouvrage d’exégèse dû à la plume de P. Pineda est le Commentarionmi in Job libri tredecim ; il parut à Madrid en 1597-1601, 2 in-f°. Des rééditions de cette œuvre capitale se succédèrent à intervalles rapprochés dans diverses villes de l’Europe, Madrid, Cologne, Séville, Venise, Paris. — Ses travaux sur Salomon, Ad suos comtnentarios Salomon prsevius, id est, de rébus Salomonis régis libri octo, quoique moins considérables, eurent également beaucoup de vogue à son époque ; ce travail qui parut à Lyon en 1609, fut réimprimé à Venise en 16Il et à Mayence en 1613. Il donna enfin des Commentarii in Ecclesiasten, in-4°, Séville, 1619, Paris, 1620, et Prselectio sacra in Cantica Canticorum, in-4°, Séville, 1602. Ces ouvrages témoignent d’une science aussi vaste que sûre.

P. Bliard.

    1. PINTO RAMIREZ André##

PINTO RAMIREZ André, commentateur portugais, né à Lisbonne en 1595, mourut le 23 mai 1654. Admis dans la Compagnie de Jésus en 1617, il enseigna longtemps la rhétorique, puis l'Écriture Sainte à Salanianque ; son Canticum Canticorum Salomonis dratnatico tenore, litterali allegoria, tropologicis notis explicatum, in-8°, Lyon, 1642, est curieux et original plutôt que sûr. 441

PINTO RAMIREZ

PIS1DIE

442

Son explication de l’Apocalypse qui contient les avertissements aux sept évêques d’Asie, offre de précieux enseignements moraux. Conimentarius in Epistolas Christi Domini ad septetn Episcopos Asise quse in Apocalypsi continentur. Lyon, 1652, in-fol.

P. Bliard. PIOCHE (hébreu : ma’edêr" ; Vulgate : sarculuni), instrument destiné à défricher le sol. Notre fer de pioche se termine d’un côté en pic et de l’autre en houe. Pline, H. N., xviii, 49, 2, dit que le sarculuni servait surtout à la petite culture dans les régions montagneuses. Le ma’edêr dont parle Isaïe, vii, 25, est précisément employé dans les mêmes conditions. Le même mot désignait sans doute des instruments analogues, constituant des houes plus ou moins étroites.

Voir Houe, t. iii, col. 766.
H. Lesêtre.
    1. PIRES Jacques##

PIRES Jacques, commentateur flamand, né à Anvers le 22 janvier 1680, mort à Bruxelles le 3 janvier 1750, entra au noviciat de Ja Compagnie de Jésus à Malines en septembre 1698 et professa la théologie et l'Écriture sainte. Dans son Commentarius in sanctwm Jesu Christi evangelium secundum Matthseum, necnon secundum Marcum, Lucam et Joanriem, Louvain, 1747, in-8°, Malines, 1823, il s’applique plus particulièrement à montrer l’accord des quatre écrivains sacrés d’après saint Augustin, Maldonat et Cornélius a Lapide ; puisa fournir des armes contre les hérétiques, à mettre en relief les idées mystiques auxquelles le texte peut se prêter sans effort. P. Bliard.

1. PISCINE (hébreu : berêkâh ; Septante : xp^rj, xoXu(/, ëïj8pot ; Vulgate : piscina, natatoria), bassin artificiel à ciel ouvert, construit pour garder l’eau des sources, des pluies ou des aqueducs. Il diffère de la citerne, ordinairement couverte, moins vaste et alimentée seulement par l’eau de pluie. Voir Citerne, t. ii, col. 787. — Différentes piscines sont mentionnées dans la Bible, la piscine de Gabaon, II Reg., ii, 13, voir t. iii, col. 19 ; les piscines d’Hésébon, Cant., vii, 5, voir t. iii, col. 659 ; la piscine de Samarie, III Reg., xxii, 38 ; les piscines attribuées à Salomon, Eccle., ii, 6, voir t. i, col. 799, et les piscines de Jérusalem ; la piscine supérieure, sur le chemin du champ du Foulon, IV Reg., xviii, 17 ; Is., vii, 3 ; xxxvi, 2 ; la piscine inférieure, Is., xxii, 9, 11 ; la piscine attribuée à Ézéchias, IV Reg., xx, 20 ; II Ksd., iii, 16 ; la piscine du roi, II Esd., ii, 14 ; la piscine de Siloé, II Esd., iii, 15 ; Joa., ix, 7, 11, et la piscine probatique ou de Bethesda. Joa., v, 2, 4, 7. Sur les piscines actuelles de la ville, voir Jérusalem, t. iii, fig. 245, 246, col. 1347, 1350. Cf. C. Mommert, Topographie des alten Jerusalems, 3 in-8°, Leipzig, 1900-1905, t. iii, p. 76-102. Pour la piscine supérieure voir Piscine 2. Ézéchias fit déverser par un aqueduc la fontaine de Gihon dans la piscine de Siloé (voir Ajueduc, t. i, col. 804), appelée pour cette raison piscine inférieure. L’attribution de piscines à l’initiative de ce roi ne vise pas autre chose que ce travail, qui eut pour résultat d’alimenter la fontaine de Siloé. Voir Siloé. Quant à la piscine du roi, c'était sans doute celle que Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, appelle piscine de Salomon et qu’il place à l’est de Siloé. Voir son emplacement, t. iii, fig. 249, col. 1356. Sur la piscine Probatique, voir Bethsaïde, t. i, col. 1723. — Nahum, ii, 8, compare Ninive, au temps de sa prospérité, à une piscine d’eaux ; ni les habitants, ni les ressources ne manquaient alors à la cité. — Les piscines servaient à recueillir l’eau pour différents usages. La piscine de Siloé recevait par un aqueduc creusé dans le roc l’eau de la source de Gihon, que l’on tenait à soustraire aux atteintes d’un ennemi assiégeant la ville. On puisait aux piscines l’eau à boire, Luc, sxii, 10 ; on y lavait des objets divers et l’on s’y baignait, comme à la pis cine de Samarie, III Reg., xxii, 38, à la piscine de Bethesda, Joa., v, 4, et très probablement dans les autres. Voir Bain, 1. 1, col. 1387. C’estencore ce qui se pratique aujourd’hui aux piscines de Siloé et de la Vierge. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris,

1894, 1. 1, p. 376-379. "
H. Lesêtre.

2. PISCINE SUPÉRIEURE (hébreu : berêkâh hd-'élyôndh, Septante : ^xoXu[161^9paTi avw), piscine située près de Jérusalem, où conduisait une route appelée chemin du champ du Foulon. Elle est mentionnée en deux occasions : 1° C’est en cet endroit que fut faite la prophétie d’Emmanuel, Is., vii, 3 ; s2° C’est là que le Rabsacès et les envoyés de Sennachérib s’adressèrent au peuple qui était sur les murs de la ville pour le presser de se soumettre au roi d’Assyrie. IV Reg., xviii, 17 ; Is., xxxvi, 22. Il résulte des détails de cette dernière scène que la piscine était en dehors de la ville. Pendant longtemps on a cru que la piscine supérieure se trouvait à l’ouest de Jérusalem à l’emplacement du Birket Mamillah actuel. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1349 ; Champ du Foulon, t. ii, col. 529. Cf. C. Mommert, Topographie des alteri Jérusalem, m Th., Leipzig (1905), p. 76-79, 132. Plusieurs savants contestent aujourd’hui cette identification et identifient la piscine supérieure avec une des piscines de Siloé. Voir J. Benziger, Hebrâische Archàologie, 1894, p. 52.

    1. PISIDIE##

PISIDIE (grec : RimS(a), contrée située dans la partie sud-ouest de l’Asie Mineure, et mentionnée deux

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88. — Carte de la Pisidie.i

fois dans le Nouveau Testament : Act., xiii, 14, et xiv, 24.

1° Limites. — Elle était enclavée entre le haut plateau phrygien et la vaste plaine de Pamphylie. Ses limites précises ne peuvent pas plus être déterminées que celles d’autres nombreuses provinces de la péninsule asiatique, car elles varièrent aux différentes époques de l’histoire. On peut dire du moins avec assez d’exactitude, qu'à l'époque qui nous intéresse, la Pisidie était bornée au nord par la Phrygie ; au sud, parla Pamphylie, qui la séparait de la Méditerranée ; à l’est, par le territoire isaurien et la Lycaonie ; à l’ouest et au sud-ouest, par la Carie et la Lycie (fig. 88).

2° Géographie physique. — La Pisidie était un district rocheux, montagneux, formé par la chaîne du Taurus occidental, qui a, dans ces parages, quelquesuns de ses pics les plus élevés. C’est une des contrées les plus sauvages, les plus accidentées et les plus pittoresques de l’Asie Mineure. Çà et là s’ouvrent de larges vallées, où coulent des cours d’eau dont plusieurs, tels que le Kestros, PEurymédon et le Mêlas, sont considérables et vont se jeter dans le golfe de Pamphylie. Dans la partie septentrionale du pays se trouvent plusieurs lacs salés, et aussi le grand lac d’eau douce qui porte 443

PISIDIE — PISTACHE

le nomA’Egherdîn Gœl. Au sud, les montagnes descendent d’une manière assez abrupte dans la plaine pamphylienne et, sur la partie inférieure de leurs pentes fort bien exposées, croissent l’olivier, le styrax et plusieurs autres plantes aromatiques.

3° Population et histoire de la Pisidie. — Les Pisidiens formaient une race montagnarde âpre et belliqueuse, passionnée pour la liberté et ardemment hostile à tout ce qui pouvait gêner son indépendance. Strabon, XII, vi, 7 ; Pline, H. N., v, 24. On ignore quelles étaient leurs origines ethnologiques. Ils furent d’abord gouvernés par des chefs héréditaires ; puis Amyntas, le dernier roi des Galates, réunit tout le pays sous sa domination, en 36 avant J.-C. C’est Xénophon, dans son Anabasis, I, i, 11 ; II, i, 4, etc., qui fait la première mention historique des Pisidiens. Ne redoutant rien, ils troublaient fréquemment le repos des contrées voisines, par des invasions soudaines et terribles, dont ils revenaient chargés de butin. Cf. Strabon, l. c ; Tite Live, xxxv, 13. On comprend donc qu’ainsi exercés à la guerre et au brigandage, ils aient fait, à l’occasion, d’excellents soldats. Voir Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 5 ; Bell.jud., xliii, 3. Aussi, ni les Perses, ni Alexandre le Grand, ni les Séleucides, ni même les Romains ne réussirent-ils à les subjuguer complètement. Si le général romain Quirinius parvint à s’emparer de la citadelle de Cremna, après de longs efforts, et à y installer une colonie de vétérans, et si d’autres colonies furent également établies à Antioche et en d’autres localités, Pline, B. N., v, 24, le cœur de la contrée ne fut jamais dompté. Après cette conquête imparfaite de Rome, la Pisidie fut rattachée à la province de Galatie (25 avant J.-C.) et puis de Pamphylie. Cf. Ptolémée, v, 4 et 5 ; J. Marquardt, Organisation de l’empire romain, t. ii, trad. franc., Paris, 1892, p. 238, 278, 313. Ce n’est qu’en 297 de notre ère, durant le règne de Dioclétien, qu’elle devint une province à part, gouvernée par un prisses. — On conçoit aisément, d’après les détails qui précèdent, que les Pisidiens soient demeurés à peu près totalement rebelles à la civilisation hellénique. Cependant, le langage et l’art grecs pénétrèrent à la longue dans la contrée, comme le montrent, d’une part, les inscriptions récemment découvertes, et, de l’autre, les restes assez bien conservés des anciens monuments. On ne possède que de rares fragments de la langue propre aux Pisidiens. Voir W. M. Ramsay, Inscriptions en langue pisidienne, dans la Revue des Universités du Midi, 1895, p. 353-360. — Les villes principales de la Pisidie, vraies forteresses au milieu des montagnes, étaient Sagalassos, Selgé, Cremna, Termessos, Pednalissos. Les ruines de plusieurs d’entre elles ont été retrouvées de nos jours.

4° La Pisidie et le Nouveau Testament,-x La Pisidie reçut plusieurs fois la visite de saint Paul. Durant son premier voyage apostolique, il la traversa du sud au nord, avec Barnabe, en venant de Chypre et de Pamphylie. Act., xiii, 13-14. Puis il la parcourut de nouveau en sens inverse, du nord au sud, lorsqu’il revint de Lystres et d’Icône à Antioche (de Pisidie), et redescendit en Pamphylie. Act., xiv, 20-23. Il est probable qu’il visita aussi la partie septentrionale de la province au début de son second voyage apostolique, en compagnie de Silas et de Timothée, Act., xvi, 6 ; mais cela n’est pas dit explicitement. Saint Luc décrit tout au long, Act., xiii, 14-52, le ministère et le beau succès de l’Apôtre à Antioche. Notons, à ce sujet, une double leçon du texte sacré, au passage Act., xiii, 14. Pour distinguer cette ville importante de plusieurs autres cités homonymes, spécialement d’Antioche de Syrie, le narrateur emploie, d’après le « textus r’eceptus », l’expression 'AvttôjrEtav ttJç tliffifiiaç, « Antioche de Pisidie » ; mais il est vraisemblable, d’après les manuscrits N, A, B, C, etc., que la leçon primitive était

'AvudxE’av tïjv rito-iSfav, « Antioche la Pisidienné. » Dans l'énumération des nombreux périls auxquels il fut exposé durant son long ministère, saint Paul signale en particulier, Il Cor., xi, 26, ceux qu’il courut en passant les fleuves et de la part des brigands. Il fit sans doute très spécialement l’expérience de ces deux sortes de dangers en voyageant sur les routes pisidiennes. D’une part, en effet, il eut à franchir plus d’un torrent de montagne, aux eaux gonflées par les pluies. D’autre part, ce que nous avons dit plus haut du caractère des habitants de la Pisidie montre que les « périls des brigands » n'étaient pas rares dans cette région. D’ailleurs, les inscriptions anciennes qu’on y a trouvées mentionnent en propres termes cette espèce de péril. Plusieurs d’entre elles signalent l’existence d’un corps de gardiens, qui avaient pour fonction principale de protéger les voyageurs et les propriétés contre les bandits : ôpoç-jXaxeç, îiapatp’jXaxtaî. Une autre est dédiée par des parents éplorés « à Sousou, leur fils, gardien des montagnes, égorgé par. des brigands. » Voir W. M. Ramsay, Hislorical Geography of AsiaMinor, p. 174 ; Id., The Church in the Roman Empire, p. 23-25.

Il semble qu’il existe encore un vestige du passage de saint Paul en Pisidie, dans le nom de Kara Bavlo (c’est-à-dire IlaûXo) que portent les ruines de l’ancienne ville d’Adada, située autrefois sur la route qui conduisait directement de la côte de Pamphylie à Antioche de Pisidie. Cf. Ramsay, The Church in the Roman Epipire, p. 20-23.

Voir Strabon, XII, vi, 7 et 8 ; Pline, H. N., v, 24 ; Kiepert, Aile Géographie, in-8°, p. 127 ; Conybeare et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, Londres, 1875, in-12, p. 129-134 ; C. Fouard, Saint Paul, ses missions, in-8°, Paris, 1872, p. 28-32 ; le comte Lanckoronsiti, Stâdte Pamphyliens und Pisidiens, in-8°, t. ii, Vienne, 1892. L. Fillion.

    1. PISTACHE##

PISTACHE (hébreu : botnîm : Septante : rspéêtvOo ;  ; Vulgate : terebinthus), fruit du Pistachier.

I. Description. — Le Pistacia vera (vulgairement Pistachier), fig. 89 est un arbrisseau de la famille des Térébinthacées. Les feuilles pennées avec 1 ou 2 paires de folioles, rarement réduites à la foliole terminale, sont d’abord velues sur toute leur surface, puis à la fin seulement aux bords, très amples, coriaces, obtuses ou mucronulées, luisantes en dessus, avec des nervures saillantes. Les fleurs dioïques et apétales, en panicules dressées, ont les caractères de celles du Lentisque. Mais le fruit devient beaucoup plus gros, rouge, oblong, prolongé en apïcule à son sommet. Originaire des montagnes du Liban, il s’est répandu par la culture dans toute la région méditerranéenne et orientale, pour son fruit dont la pulpe est aigrelette et comestible. L’amande est oléagineuse, et le bois fournit un combustible excellent. Enfin son écorce astringente peut servir au tannage, et secrète la résine connue sous le nom de Térébenthine de Chio. F. Hy.

II. Exégèse. — Les botnîm figurent parmi les meilleures productions du pays de Canaan, que les enfants de Jacob doivent porter en présent au premier ministre du pharaon d’Egypte. Gen., xliii, 11. Que sont ces botnîm ? À s’en tenir aux seules versions anciennes, il serait difficile de décider, puisque les unes, comme la version samaritaine, la version arabe des Samaritains et celle d’Erpenius voient dans les botnîm les noix du pistachier, et les autres plus anciennes et plus nombreuses traduisent par térébinthe, comme les Septante, TEpégtv60ç, la Vulgate, terebinthus, le syriaque, betmo, le chaldéen, butma', l’arabe, butin. Les Arabes appellent actuellement le térébinthe butm, tandis qu’ils donnent au pistachier le nom de fistûq. Et les noms employés par le syriaque et le chaldéen, betmo, 445

PISTACHE

PLA.CE D’HONNEUR

446

butmâ désignent également dans ces langues le térébinthe. Il y a lieu de remarquer cependant que le Pistacia vera et le Pistacia terebinthus sont deux arbres de la même famille, des plantes ayant entre elles de grandes analogies ; c’est ce qui a amené les Grecs à les confondre. Théophraste, Bisi. pi., iv, 5. Il est fort possible que les peuples orientaux aient aussi compris sous la même dénomination les deux espèces du Pistacia et que tout en traduisant par térébinthe, les versions sémitiques aient eu en vue cependant le Pistacia vera. Les fruits du térébinthe ne sauraient guère être offerts en présent comme une des meilleures productions de la Palestine, tandis que la noix du pistachier était et est encore très appréciée. C’est ce qu’ont bien vu d’anciens commentateurs juifs : ainsi le botnah du Tr. Schebi, 7, est regardé par la glose de

89. — Pistacia vera.

Bartenora et par Maimonide comme une espèce de noix, appelée piDDNS, p’istuq. On sait du reste que le pistachier était très répandu en Palestine. La ville de Betonim, Job, xiii, 26, au pays de Gad, paraît tirer son nom de l’abondance de cet arbre. Pline, H. N., xiii, 10, y reconnaît une spécialité de la Syrie, qu’on ne trouvait pas en Egypte : ce qui est conforme au texte de la Genèse, xliii, 11. Pour ces diverses raisons l’identification des botnîm avec les pistaches est très vraisemblable : c’est le sentiment de Bochart, Geograph., t. ii, 1. 1, ch. x ; de Celsius, Hierobotanic, in-8°, Amsterdam, t. i, p. 24 ; de Michælis, Supplementa ad lexica hebraica, in-8, Gœttingue, 1792, t. i, p. 171. Cf. I. Low, Aramaïsche Pflanzennamen, in-8°, p. 420.

E. Levesque.

    1. PLACE D’HONNEUR##

PLACE D’HONNEUR, place attribuée à un personnage considérable,-r 1° La droite est ordinairement attribuée, dans la Sainte Écriture, à celui qu’on veut particulièrement honorer. Dieu fait siéger à sa droite le Messie, son Fils incarné. Ps. ex (cix), 1 ; Matth., xxii, 44 ; Marc, xil, 36 ; Luc, xx, 42 ; Act., ii, 34 ; Heb., i, 13. Devant le sanhédrin, NotreSeigneur annonce, qu’on le verra un jour occuper cette place. Matth., xxvi, 64 ; Marc, xiv, 62 ; Luc, xxii, 69. Il en prend possession au jour de son ascension. Marc, xvi,

19. Saint Etienne le voit à cette place. Act., vii, 55. Les Apôtres parlent souvent du Christ à la droite de Dieu. Rom., viii, 44 ; Col., iii, 1 ; Heb., i, 3 ; viii, 1 ; x, 12 ; xii, 2 ; î Pet., iii, 22. Au dernier jour, le Fils de l’homme occupera le siège de sa majesté pour exercer sa fonction déjuge suprême. Matth., xxv, 31.

2° Le roi Salomon fait asseoir la reine Bethsabée a sa droite. III Reg., ii, 19. Dans l'épithalame du Psaume XLV (xliv), 10, la reine est aussi â la droite du roi. Le peuple d’Israël est appelé « l’homme de la droite » de Jéhovah, Ps. lxxx (lxxix), 18, à cause de la place d’honneur que Dieu lui a assignée parmi les autres peuples. Au dernier jugement, les brebis, c’est-à-dire les âmes des justes, seront placées à droite. Matth., xxv, 33. Il ne faut pas mettre son ennemi à côté de soi, le faire asseoir à sa droite, si l’on ne veut pas être supplanté par lui. Eccli., xii, 12.

3° La place attribuée à quelqu ! un marque sa dignité et l’autorité qu’il exerce. Job, xxix, 25, dit que quand il se rendait dans l’assemblée de ses concitoyens, on lui donnait la première place et il siégeait comme un roi. La mère des fils de Zébédée demande à Notre-Seigneur que, dans son royaume, ses deux fils soient assis l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Matth., xx, 21. C'était réclamer pour eux les deux premières dignités dans ce royaume temporel dont on croyait l'établissement imminent. La seconde place est attribuée au premier ministre du roi. Joseph occupe le second char après le pharaon. Gen., xli, 43. Jonathas sera le second après David, I Reg., xxiii, 27 ; Elcana est le second après Achaz, II Par., xxviii, 7 ; Aman et Mardochée occupent la même place auprès d’Assuérus. Esth., x, 3 ; xiii, 3, 6. Daniel, v, 7, 16, 29, n’est que le troisième dans le royaume, parce que le roi Nabonide avait associé au gouvernement son fils Balthasar. A Malte, le gouverneur Publius portait le titre de irpMTOç, « premier ». Act., xxviii, 7. On regardait comme un honneur de siéger au milieu des premiers.

I Reg., ii, 8 ; III Reg., xxi, 9 ; Prov., xxxi, 23. Les rois mettent leur plaisir dans les trônes et les sceptres, Sap., vi, 22 ; la sagesse vaut mieux que ces choses. Sap., vii, 8. Les pharisiens aimaient à occuper les premières places dans les festins et dans les syna gogues. Matth., xxiii, 6 ; Marc, xii, 39 ; Luc, xx, 46 Quand un riche se présentait dans certaines réunions, on lui offrait une place d’honneur en lui disant : <jù -/.dcSou 58e xaXw ; , « à toi cette belle place ». Jacob., ii, 3, — Au jour du jugement, les Apôtres siégeront sur douze sièges d’honneur, pour juger avec le Fils de l’homme. Matth., xix, 28. Alors celui qui aura vaincu sera assis avec le Fils de Dieu sur son trône, de même que le Fils est assis sur le trône du Père. Apoc., iii, 21. Mais bien des rôles seront changés ; beaucoup de ceux qui étaient les premiers sur la terre seront alors les derniers et réciproquement. Matth., XIX, 30 ; xx, 16 ; Marc, x, 31.

4° La place occupée à table était en rapport avec la dignité de chaque convive. La reine, épouse d’Artaxerxès, est assise auprès du roi pendant le repas,

II Esd., ii, 6, sans doute dans l’attitude iigurçe t. iv, fig. 97, col. 290. À l'époque de Notre-Seigneur, on recherchait avec avidité les premières places à table. Matth., xxiii, 6 ; Marc, xii, 39 ; Luc, xx, 46. Un jour, le divin Maître fut témoin de cet empressement. Il en prit occasion pour donner aux convives une leçon de savoir-vivre, dont il fit en même temps une leçon d’humilité. Luc, xiv, 7-11. L’hôte en effet ne respectait pas toujours le choix de chaque convive ; il faisait monter l’un et descendre l’autre, ce qui était une source d’humiliations pénibles, bien que méritées. Les Apôtres ne profitèrent pas de la leçon. Avant la dernière Cène, au moment sans doute où il s’agissait de prendre place à table, on les voit se disputer sur la préséance. 447

PLAGE D’HONNEUR

PLAIDEUR

448

Luc, xxii, 24-30. En leur lavant les pieds lui-même, Notre-Seigneur leur montra en quoi consisteraient les dignités dans son royaume. Joa., xiii, 4, 5, 13-17. — Sur la place occupée par les convives à l'époque évangélique, voir Lit, t. iv, col. 290-291.

H. Lesêire.

    1. PLACE PUBLIQUE##

PLACE PUBLIQUE (hébreu : hàs, « . le dehors », refyob, « ce qui est large », Sûq, « là où-l’on court » ; Septante : TcÀixteia, nXâxoç, âfopà j Vulgate : platea, forum), espace découvert, à proximité des habitations. — Dans les villes d’Orient, il n’y avait pas de places proprement dites comme dans les nôtres. Les maisons étaient resserrées les unes près des autres, les rues étroites, souvent tortueuses et encombrées. On se gardait d’y ménager des emplacements vides, où l’on n’aurait pu s’abriter contre le soleil et qui, dans les villes entourées de murs, auraient rendu l’enceinte plus étendue et plus difficile à défendre. Les places n'étaient ordinairement que l’espace maintenu libre à l’entrée des villes ou des villages. De là les noms qui leur sont donnés ; ce sont des endroits en dehors de l’agglomération, ils sont larges, on peut y courir, ce qui n'était pas possible dans les rues. Les places étaient les lieux naturellement indiqués pour servir à toutes les manifestations de la vie publique. La Sainte Écriture y fait assez souvent allusion.

1° Quand des étrangers arrivaient, ils se tenaient sur la place, jusqu'à ce que quelqu’un leur offrît l’hospitalité. Jud., xix, 16, 17, 20. Parfois, ils préféraient s’y établir pour passer la nuit. Gen., xix, 2. Comme la place était le lieu de passage de tous les arrivants et de tous les sortants, on y cherchait ceux qu’on voulait rencontrer, Cant., iii, 2 ; on y faisait les proclamations publiques, Prov., i, 20 ; Luc, x, 10, les vieillards venaient y deviser à l’aise, quand la chaleur était tombée, I Mach., xiv, 9 ; on y trouvait les ouvriers à louer, Matth., xx, 3, et les convives à inviter. Luc, xiv, 21. Les gens d’importance aimaient à s’y rendre pour être salués, Matth., xxiii, 7 ; Marc, xii, 38 ; Luc, xi, 43 ; xx, 46 ; mais, comme on y rencontrait toutes sortes de personnes et d’objets plus ou moins impurs, les pharisiens ne manquaient pas de se laver en revenant de la place publique. Marc, vil, 4. Notre-Seigneur voulut bien enseigner souvent sur les places publiques, Luc, xiii, 26, mais sans y faire retentir sa voix comme ceux qui veulent imposer à la foule. Matth., xii, 19. Dans les villes et les villages, on rassemblait les malades sur les places publiques, pour qu’il les guérît. Marc, vi, 56.

2° Les places étaient le théâtre des événements qui intéressaient toute la population. En cas de danger, c’est là que retentissaient les cris d’alarme. Ps. cxliv (cxliii), 14. Les ennemis lès occupaient tout d’abord. Lam., iv, 18. 'Les Hébreux devaient y brûler tout le butin des villes adonnées à l’idolâtrie. Deut, xiii, 16. Les Philistins avaient suspendu les os de Saùl et de Jonathas sur la place de Bethsan. II Reg., xxi, 12. Après la défaite, la place publique devenait le siège de la désolation populaire. Is., xv, 3 ; Am., v, 16. Menacé par Sennachérib, Ézéchias réunit les chefs militaires sur une place, hors de la ville, et les exhorta au courage et à la confiance. II Par., xxxii, 6. Esdras lut la loi au peuple assemblé sur la place, devant la porte des Eaux, et ensuite, sur cette place et sur celle d’aphraïm, on dressa des tentes pour célébrer la fête des Tabernacles. II Esd., m, 8, 16. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1364, 1365. Parfois aussi, sur les places, on installa les cultes idolâtriques, Ezech., xvi, 24, 31, assimilés à la fornication. Cf. Prov., vu, 12.

3° La place publique était le rendez-vous de la jeunesse, qui y prenait ses ébats. Les jeunes garçons et les jeunes filles y venaient jouer. Zach., viii, 5 ; Matth., xi, U5 ; Luc, vii, 32. Dans les temps de calamités, la mort frappait les jeunes gens des places publiques. Jer., Kj

21 ; xlix, 26 ; l, 30 ; les enfants et les nourrissons y tombaient en défaillance. Lam., ii, 11.

4° Sur la place publique, par laquelle tous les hommes passaient pour se rendre aux champs ou en revenir, la justice tenait ses séances. Job, xxrx, 7 ; cf. Act.., xvi, 19. Mais souvent la vérité et la justice trébuchaient sur la place publique, Is., ux, 14, l’oppression et l’astuce s’y installaient à demeure. Ps. lv (liv), 12. Voir Jugement, t. iii, col. 1843 ; Porte. Les places publiques servaient aussi pour les marchés. Voir Marché, t. iv, col. 748. — Daniel, ix, 25, prédit la restauration de Jérusalem, avec ses places et son enceinte ; Tobie, Xin, 22, souhaitait que le pavé de ces places fût de pierres d’une blancheur sans tache.

5° Il est aussi question d’autres places : la place orientale du Temple, c’est-à-dire le grand parvis, dans lequel Ézéchias réunit les prêtres et les lévites, II Par., xxix, 4 ; Esdras y rassembla aussi tout le peuple, I Esd., x, 9, et Judas Machabée y détruisit les autels idolâtriques que les étrangers y avaient élevés, U Mach., x, 2 ; la place du palais de Suse, à travers laquelle Mardochée fut promené en triomphe, Esth., iv, 6 ; vi, 9, 11, et les places que voit saint Jean dans la Jérusalem déicide. Apoc, xxi, 21 ; xxii, 2. Voir Agora, t. i, col. 275 ; Forum, t. ii, col. 2328. — Souvent les versions parlent de places là où le texte hébreu mentionne un emplacement quelconque, une contrée, Job, xviii, 17, et surtout des rues. II Reg., xxii, 43 ; III Reg., xx, 34 ; Tob., il, 3 ; Esth., iv, 1 ; Ps. xvin (xvii), 43 ; Prov., vii, 8 ; xxii, 13 ; Eccle., xii, 4, 5 ; Eccli., ix, 7 ; Is., v, 25 ; x, 6 ; xxiv, 11 ; Jer., v, 1 ; vii, 17, 34 ; xliv, 6, 17^21 ; Lam., n, 12 ; iv, 1, 8, 14 ; Ezech., xxvi, 11 ; xxviii, 23 ; Mich., vu, 10 ; Nah., ii, 4 ; Zach., viii, 4 ; ix, 3 ; I Mach., i, 58 ; u, 9 ; II Mach., iii, 19 ; Matth., vi, 5 ; Act., v, 15. Voir Rue.

6° En dehors des villes, certains croisements de routes forment des sortes de places ou carrefours. Ainsi, pour tirer ses présages, le roi de Babylone s’arrête à 'ëm had-dérék, « la mère du chemin », à la tête de deux chemins, ânt-c-îiv àp^ai’av ôêov, « à l’antique chemin », probablement pour èrci tï|v àpyrp ôSoù, « au commencement du chemin », in bivio, « au carrefour ». Ezech., xxi, 21 (26). — La Vulgate appelle bivium, carrefour, ce que l’hébreu et les Septante nomment « porte d'Énaïm ». Gen., xxxviii, 14, 21. Voir Enaim, t. ii, col. 1766. Elle donne encore le nom de bivium à l’a[xçoSov, « la rue », de Bethphagé. Marc, xi, 4. Enfin, elle appelle trivia, « carrefours des trois chemins », les places des villes de Moab. Is., xv, 3.

H. Lesêtre.
    1. PLAGIAIRE##

PLAGIAIRE (grec : àvSpaTCoStcTTrj ? ; Vulgate : plagiarius), celui qui vend ou qui achète comme esclave un homme libre, dont on s’est emparé par vol. Saint Paul, I Tim., i, 10, énumère les plagiaires avec les hamicides et les autres criminels dignes de toute la rigueur des lois. Le plagiat ainsi entendu était puni de mort chez les Hébreux, Exod., xxi, -16 ; Deut., xxiv, 7 ; chez les Grecs, Xénophon, Memorab., i, ii, 62, et chez les Romains. Lex Fabia, Digest., xlviii, tit. xv. La loi mosaïque condamnait à mort non seulement celui qui avait vendu comme esclave un homme ou une femme volée, mais aussi celui qui, sans les vendre, les retenait entre ses mains. Exod., xxi, 16.

    1. PLAIDEUR##

PLAIDEUR, celui qui, devant le juge, défend ce qu’il croit être son droit. — Chez les Hébreux, chacun plaidait lui-même sa cause devant les juges. À défaut de témoins pour appuyer sa revendication ou sa défense, il prétait serment afin de donner plus de poids à sa parole. Exod., xxii, 11 ; Heb., vi, 16. Voir Jugement, t. iii, col. 1844 ; Procédure. Booz et le proche parent de Ruth font valoir chacun leurs raisons devant dix anciens pour épouser ou ne pas épouser la jeune^fille.

Ruth, iv, 1-6. Deux femmes viennent ainsi plaider devant Salomon, au sujet de l’enfant que chacune prétend être le sien. III Reg., iii, 16-28. Déjà, du temps de David, Absalom cherchait à attirer à lui les plaideurs, sous prétexte que justice ne leur était pas rendue au tribunal royal, II Reg., xv, 2-4, bien que lui-même fût rentré en grâce sur l’intervention d’une femme de Thécué, venue pour plaider auprès de David la cause d’un fils soi-disant menacé de mort par sa parenté. II Reg., xiv, 4-20. Les plaideurs usaient parfois de moyens indélicats pour capter la bienveillance des juges. Prov., xvii, 15, 23 ; xviii, 5 ; xxiv, 23 ; xxviii, 21. — Notre-Seigneur recommande au plaideur de s’accorder avec son adversaire pendant qu’ils sont tous les deux ensemble en route pour Je tribunal ; car, une fois entre les mains de la justice, L’affaire suivra son cours et le plaideur imprudent ou opiniâtre en subira les dures conséquences. Matlh., v, 25. En parlant ainsi, le divin Maître entend donner un conseil pratique non seulement pour la vie présente, mais encore pour l’autre vie. On a intérêt à donner satisfaction en ce monde à tous ceux qu’on a lésés de quelque manière ; car, si l’affaire vient en état au tribunal du souverain Juge, la sentence sera redoutable, et le coupable ne sortira de prison qu’après avoir payé jusqu’à la dernière obole. Voir Purgatoire. — Saint Paul ne veut pas que les chrétiens qui ont à plaider quelque affaire l’un contre l’autre en appellent aux tribunaux des païens. « Quand vous avez des jugements à faire rendre sur les affaires de cette vie, dit-il, établissez pour les juger ceux qui sont les moins considérés dans l’Église. » I Cor., vi, 4. Les plus humbles fidèles, avec leur simple bon sens, seront aptes à juger ces différends à l’amiable, et l’on évitera ainsi de porter à ia connaissance d’adversaires des discussions qui leur donneraient occasion de se moquer d’hommes faisant profession de vivre en paix les uns avec les au trèset de n’attacher qu’une médiocre importance aux intérêts matériels. D’autre part, le conseil de l’Apôtre montre que, sur certaines questions temporelles, il peut exister des dissentiments légitimes, même entre les chrétiens. Mais le chrétien ne doit pas être un homme à procès. L’Apôtre s’inspire du conseil donné par Notre-Seigneur : « Si l’on t’appelle en justice pour avoir ta tunique, abandonne encore ton manteau. » Matth., v, 40 ; Luc, vi, 29, 30. Il est évident qu’il n’y a pas ici de précepte. Ainsi l’a compris saint Paul qui, en plusieurs circonstances, a revendiqué ses droits, à Philippes, Act., xvi, 37-38 ; à Jérusalem, xxii, 25-26 ; xxiii, 1 ; devant les procurateurs Félix, xxiv, 1.0, et Festus, xxv, 8-12. Si le chrétien abandonnait toujours tous les siens, les adversaires l’accuseraient de pusillanimité, son abnégation encouragerait tous les attentats et il finirait lui-même par ne plus compter dans la société des hommes. La charité, autant que la justice, commande de se défendre légalement en certains cas, pour ne pas laisser les méchants maîtres absolus de tous les biens d’ordre temporel. Cf. S. Augustin, Epist. 138, ii, 9-15, t. xxxiii, col. 528-532 ; De serni. Dotn. in mont.,

i, 18, 63, t. xxxiv, col. 1261-1262.
H. Lesêtre.
    1. PLAIE##

PLAIE, résultat d’un coup, d’une blessure, d’un mal quelconque qui entame partiellement le corps, et, par extension, calamité de tout ordre qui atteint une personne ou une collectivité. Ce mot représente donc plusieurs idées, auxquelles correspondent, dans l’hébreu et dans les versions, des termes tantôt identiques et tantôt différents.

1° Coups (hébreu : tnakkdh, de nâkdh, « frapper » ; Septante : hXy)Yt| ; Vulgate : plaga). 1. Les coups sont assez souvent mentionnés dans la Sainte Écriture. Exod., il, 11 ; Prov., xvii. 10 ; xix, 29 ; xxiii, 13, 14 ; II Mach., m, 26 ; vi, 30 ; Matth., v, 39 ; xxiv, 49 ; xxvi, 51, 68 ; xxvii, 30 ; Act., xxiii, 2, etc. Voir Soufflet. — 2. La loi pré

voyait le châtiment ou le dédommagement qu’entraînent les coups donnés. Qui frappait son père ou sa mère encourait la mort. Exod., xxi, 18. Frapper son esclave à coups de bâton jusqu’à lui ôter la vie méritait châtiment ; si l’esclave survivait, ne fût-ce qu’un jour ou deux, le maître restait indemne. Exod., xxi, 20. Ceux qui, en se battant, heurtaient une femme enceinte, devaient une amende si l’accouchement n’était que prématuré. Au cas contraire, on appliquait la peine du talion, qui concernait également les cas de blessure, de mutilation ou de meurtrissure. Exod., xxi, 22-25. Voir Talion. Celui qui, en donnant un coup à son esclave, lui faisait perdre un œil ou même une dent, lui devait en retour la liberté. Exod., xxi, 26. — 3. La loi réglait enfin le nombre de coups qui pouvaient être infligés par sentence juridique. Ils devaient être proportionnés à la faute et ne jamais dépasser quarante. Deut., xxv, 2, 3. On les infligeait anciennement sous forme de bastonnade. Voir Bastonnade, t. i, col. 1500. Après la captivité, on y substitua la flagellation. Voir Flagellation, t. ii, col. 2281. Cf. Act., xvi, 23, 33 ; II Cor., vi, 5 ; xi, 23.

2° Blessure (tnakkdh, 71X7, -^. plaga ; pesa’, de pdsa’, « blesser », Tpaûjia, vulnus ; dakké’, de dâkd’, « être broyé », itXrjYij, infirmitas ; mafyas, de mâhas, « frapper », itXïiYï), plaga ; Jjês, « blessure de flèche », de hêç, « flèche », 3éXo ; , sagitta ; néga’de nàga’, « frapper », « çï), n<%<TTt5, plaga, lepra, flagellum ; éébér, de Sabar9 briser », ovizpimiaL, fractura). 1. La première mention de blessure se lit dans le chant de Lamech. Gen., iv, 23. Voir Lamech, t. iv, col. 41. On trouve ensuite mentionnées les blessures de Job, xxxiv, 6 ; d’Achab, III Reg., xxii, 35 ; de Joram, IV Reg., ix, 15 ; II Par., xxii, 6 ; de Notre-Seigneur, Joa., xix, 18 ; xx, 27 ; cf. Is., lui, 10 ; de saint Paul, Act., xvi, 33, etc. Au désert, les Hébreux sont blessés par les morsures des serpents. Num., xxi, 6. Il n’y a que plaies et blessures, par Conséquent violences de toutes sortes, dans Jérusalem, au temps de Jérémie, vi, 7. Les faux prophètes font passer les incisions qu’ils pratiquaient sur eux-mêmes pour des blessures qu’ils auraient reçues dans des rixes avec leurs amis. Zach., xiii, 6. Voir Incision, t. iii, col. 868. Le voyageur de la parabole du bon Samaritain est couvert de blessures par les voleurs. Luc, x, 30. Les ivrognes encourent souvent des blessures. Prov., xxiii, 29. Les verges causent des blessures qui contribuent à corriger le vice. Prov., xx, 30 ; Eccli., xxviii, 21 ; xxx, 7. L’humanité sera sauvée par les blessures et les meurtrissures du Rédempteur. Is., lui, 5, 10. —2. Au sens figuré, Jéhovah bandera les blessures et guérira les plaies de son peuple. Is., xxx, 26. Les blessures que fait un ami sont inspirées par sa fidélité. Prov., xxvii, 6. — 3. La législation s’occupait des blessures. Elle réglait que celui qui blesse subit la loi du talion. Exod., xxi, 25 ; Lev., xxiv, 20. Quand le cas était difficile à décider, on allait trouver les prêtres et le juge en fonction à ce moment et l’on s’en remettait à leur sentence. Deut., xvii, 8 ; xxi, 5. Voir Juge, t. iii, col. 1834.

3° Maladie (néga à<pVj, tcXt^ti, hc<<tti$, plaga). La lèpre est appelée une plaie ; elle entame en effet la peau et les chairs. Lev., xiii, 3-42 ; Deut., xxiv, 8. Voir Lèpre, t. iv, col. 175. Après la prise de l’Arche, les Philistins sont frappés de plaies consistant en tumeurs malignes. I Reg., v, 6, 9 ; vi, 5. Voir Ofalim, t. iv, col. 1757. Le roivntiochus IV Épiphane fut atteint d’une plaie incurable, qui avait le caractère d’un châtiment divin, Ôsia [idé<rr<$, divina plaga. II Mach., ix, 5, 11. Notre-Seigneur guérissait les malheureux qui souffraient de plaies. Marc, iii, 10, v, 29, 31 ; Luc, vii, 21.

4° Épreuve (yâd, « main », xe’P Papeûx, « main lourde », mamis plagse ; [i<z<m£, plaga, flagellum). Job ; xix, 21, se plaint que la main de Dieu l’a frappé comme d’une plaie. Cette main est lourde. Job, xxiii, 2. Le juste éprouvé et repentant constate que ses amis s’éloignent

V. - 15 45Ï

PLAIE

PLAIES DE N.-S. JESUS-CHRIST

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de lui à cause de sa plaie. Ps. xxxviii (xxxvii), 4, 12. Il demande que Dieu détourne de lui cette plaie. Ps. xxxix (Xxxviii), 11. Celui qui a confiance en Dieu n’a pas à subir de plaie. Ps. xci (xc), 10.

5° Châtiment (ydd, àvayiu], dolor ; maggëfâh, de nâgaf, « frapper », nXrjrh ; plaga ; néga’, 68vv » i, turpitudo ; négéf, icTtôm ; , plaga ; makkâh, it>7)Y*|, plaga ; vésa’, Spaûeiv, plaga ; Sébér, de Sâbar, « briser i>, izl^r{, plaga). 1. Tous les coups du malheur fondent sur l’impie. Job, xx, 22. L’impudique ne recueille que plaie et honte. Prov., vi, 33. La maison du parjure est pleine de plaies. Eccli., xxiii, 12. —2. La plaie atteindra ceux qui n’acquitteront pas leur rançon au moment du recensement dans le désert. Exod., xxx, 12. Les lévites servent le Seigneur dans le sanctuaire, afin que les Israélites ne soient frappés d’aucune plaie quand eux-mêmes s’y présenteront. Num., viii, 19. Ceux-ci cependant s’attirent la plaie par leurs murmures. Num., xvii, 13. Dieu frappera de plaies les Israélites rebelles et infidèles. Lev., xxvi, 21, 28 ; Deut., xxviii, 59, 61 ; xxix, 21. — 3. Il a frappé de la sorte les envoyés qui sont allés visiter le pays de Chanaan et ensuite ont découragé le peuple. Num., xiv, 37 ; Coré, Dathan et Abiron, Num., xvi, 46 ; les Hébreux qui ont murmuré au désert pour avoir de la viande, Num., xi, 33 ; ceux qui se sont laissé séduire à Béelphégor, Num., xxv, 8, 18 ; xxxi, 16 ; la nation coupable au temps de Joram, II Par., xxi, 14, et de Jérémie, x, 19 ; xiv, 17. Par moquerie, on siffle sur la plaie qui atteint Jérusalem coupable, Jer, , xix, 8 ; l’Idumée, .1er., xlix, 17, Babylone, Jer, , l, 13 ; Ninive, Nah., iii, 19, et les peuples conjurés contre Jérusalem. Zach., xiv, 12.

6° Fléau public (maggëfâh, (ruvaM-truxa, « accident », plaga ; iChr^n ; 6pa-j( « ; , interfectio ; nêga izaai.6ç, « recherche », plaga ; négéf, itrfch, plaga ; makkâh, n"Xï|fïi, plaga). l.Le pharaon d’Egypte et sa maison sont frappés de grandes plaies à cause de Sara, femme d’Abraham. Gen., xii, 17. Les fléaux se déchaînent contre les Égyptiens, quand le pharaon refuse la liberté aux Hébreux. Exod., ix, 14 ; Judith, v, 10, 11. Mais ceux-ci en sont indemnes. Exod., xii, 13. La plaie sévit sur les Philistins, qui se sont emparés de l’Arche, IReg., v, 12 ; VI, 5, 9 ; sur les gens de Bethsamès, qui ont regardé l’Arche irrespectueusement, I Reg., vi, 19 ; sur tout le peuple israélite, à l’époque de David, sous forme de peste. II Reg., xxiv, 21 ; I Par., xxi, 22. —2. Dieu châtiera son peuple « avec une verge d’homme et des plaies de fils des hommes », c’est-à-dire par des fléaux proportionnés à la fois à la faiblesse et à la malice des coupables. II Reg., vii, 14. On priera dans le Temple pour obtenir la délivrance de ces fléaux. III Reg., viii, 37, 38 ; II Par., vi, 28, 29.

7° Les plaies d’Egypte (maggâfôf, <ruvavT7)uara, plagie, Exod., ix, 14). Elles sont au nombre de dix : 1. L’eau changée en sang. Exod., vii, 17, 21. Voir Eau, t. ii, col. 1520 ; Sang. Les magiciens imitèrent ce fléau. Exod., vil, 22. — 2. Les grenouilles. Exod., viii, 3-6. Voir Grenouilles, t. iii, col, 347. Les magiciens imitèrent de nouveau ce fléau. Exod., viii, 7. — 3. Les moustiques. Exod., viii, 16-19. Voir Cousin, t. ii, col. 1093. Les magiciens furent impuissants à imiter cette plaie ainsi que les suivantes, et ils dirent au pharaon : « C’est le doigt d’un dieu ! » Exod., viii, 18, 19. — 4. Les mouches. Exod., viii, 21-24. Voir Mouche, t. iv, col. 1324. — 5. La peste du bétail. Exod., ix, 2-7. Voir Peste, col. 164.

— 6. Les pustules. Exod., ix, 9, 10. Voir Pustules. — 7. La grêle. Exod., ix, 18, 26. Voir Grêle, t. iii, col. 336.

— 8. Les sauterelles. Exod., x, 4-15. Voir Sauterelle. —9. Les ténèbres. Exod., x, 21-23. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930. — 10. La mort des premiers-nés. Exod., xii, 29-30. Voir Paque, t. iv, col. 2094 ; Prehier-né. — Ces plaies ont un côté naturel, en ce sens que les phénomènes qui les constituent se produisent naturellement

en certaines circonstances. Mais ce qui leur donne « un caractère miraculeux, évident et incontestable, c’est qu’elles arrivent à point nommé, comme sanction de la parole de Dieu, dans des circonstances annoncées à l’avance, précises, et avec une intensité qui révèle manifestement une intervention surnaturelle : elles se produisent par l’ordre de Moïse, au moment qu’il a prédit, de la manière qu’il a déclarée ; elles cessent quand il l’ordonne et, plusieurs fois, au moment qui lui a été Jixé par le pharaon ; le pays de Gessen est toujours exempt ; les Égyptiens n’en contestent jamais le caractère extraordinaire ; ils en sont au contraire consternés et ils acceptent ces signes comme une preuve de la mission divine de Moïse. » "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 312. Sur les dix plaies, voir lbid., p. 315-349. La dixième plaie, en particulier, en faisant périr dans une même nuit tous les premiers-nés, tant des hommes que des animaux, fit éclater de la manière la plus convaincante et la plus douloureuse le dessein que Dieu avait d’arracher son peuple aux mains de ses persécuteurs. Cette dernière plaie, plus terrible que toutes les autres, ne pouvait cesser comme les précédentes et était sans remède. Dieu exerça cette sévérité contre toute une nation pour abaisser l’orgueil et vaincre l’obstination du pharaon, pour châtier les Égyptiens de la part qu’ils avaient prise à l’oppression des Hébreux et pour graver profondément, dans le cœur de ces derniers, l’idée de sa puissance, de sa domination absolue sur toute la nature, de sa supériorité sur tous les dieux qu’adoraient les nations et de la bonté qu’il entendait témoigner au peuple qu’il s’attachait particulièrement. Voir Moïse, t. iv, col. 1196-1198.

8° Défaite (makkâh, truvTpc^ts, tt^yyj, plaga). La défaite d une armée est habituellement désignée sous le nom de « grande plaie ». Jos., x, 10, 20 ; Jud., xi, 33 ; xv, 8 ; I Reg., iv, 10 ; xiv, 14, 30 ; xxiii, 5 ; II Reg., xvii, 9 ; ïviii, 7 ; III Reg., xx, 21 ; II Par., xiii, 17 ; xxviii, 5 ; Tob., i, 21 ; Esth., ix, 5 ; IMach., i, 22 ; v, 3, 34 ; vii, 22 ; vin, 4, etc.

9° État moral (makkâh, icXr^r, , plaga). La misère morale d’un individu ou d’un peuple est représentée sous la figure d’une plaie. « Toute transgression est comme une épée à deux tranchants, laplaie qu’elle fait est incurable. » Eccli., xxi, 4. Les infidélités continuelles du peuple de Dieu constituent pour lui un état maladif dans lequel on ne constate que blessures, meurtrissures, plaies purulentes, qui ne sont ni nettoyées, ni bandées, ni soignées d’aucune manière. Is., 1, 5, 6. La plaie de la nation est inguérissable et mortelle. Jer., xv, 18 ; xxx, 12, 14 ; Mich., i, 9. Cependant Dieu pansera les plaies de Sion, Jer., xxx, 17, et un jour le Rédempteur se chargera des plaies de l’humanité. Is., lui, 4.

10° Plaies symboliques (tcXiîyïÎ, plaga). Ce sont les fléaux que saint Jean énumère dans l’Apocalypse : le feu, la fumée et le soufre, ix, 18 ; les plaies dont les deux témoins de Dieu peuvent frapper la terre, xi, 6 ; la plaie mortelle dont guérit la première bête, xiii, 3, 12, 14 ; les sept plaies déchaînées par les anges, xv, i, 6, 8 ; xvi, 9, 21 ; la plaie qui frappe la grande Babylone, xviii, 4, 8 ; les plaies dont sont menacés ceux qui ajouteront ou retrancheront aux paroles de l’Apocalypse, xxii, 18.

H. Lesêtre.
’PLAIES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS

CHRIST, blessures qui lui ont été faites pendant sa passion. 1° Les prophéties faisaient clairement entendre que des plaies seraient infligées au Messie souffrant.

Ils ont percé mes mains et mes pieds,

Je pourrais compter (Vutgate : ils ont compté) tous mes os,

fait dire au Messie souffrant le Psaume xxii (xxj), 1718. Sur ce texte, voir Lios, t. iv, col. 277-279.

Il a été transpercé à cause de nos péchés…

Et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. 453

PLAIES DE N.-S. JÉSUS-CHRIST

PLAINE

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I§., lui, 5. Les mots employés par le prophète, meholàl, « il a été transpercé, ouvert », èrpai^a-tiffôn, vulneratus est, « il a été blessé », et bahâburâtô, « par sa meurtrissure », cf. Gen., iv, 23, pu>).a>TCt, livore, la trace que laissent les coups reçus, supposent des blessures et des coups attaquant la chair même.

Je répandrai sur la maison de David

Et sur les habitants de Jérusalem

Un esprit de grâce et de supplication,

Et ils regarderont vers moi qu’ils ont percé.

Zach., xil, 10. Le mot ddqârù signifie « ils ont percé », confùcentnt. Par une transposition de lettres, les Septante ont lu rdqddù, xaTiopxïiTavîo, « ils ont insulté ». Saint Jean, XIX, 37, qui cite ce texte, lit conformément à l’hébreu i|sx£vTf, (jav, « ils ont transpercé », transftxerunt. Ce texte ne s’applique pas directement à Judas Machabée, tué par. les ennemis, comme le pense saint Ephrem, qui le rapporte du resle aussi dans le « sens mystique et très vrai » à Notre-Seigneur. Cf. Bévue biblique, 1898, p. 91. Ce dernier sens est seul possible ; il est reconnu et consacré par saint Jean, xix, 37. Les regrets dont parle ensuite le prophète de la part de ceux qui ont commis le crime, Zach., xil, 10, se sont produits effectivement après la mort du Sauveur. Luc, xxiii, 48 ; Act., ii, 37. — Un autre texte de Zacharie, xiii, . 6 : « Qu’est-ce que ces blessures à tes mains ? — J’ai reçu ces coups dans la. maison de mes amis, » ne peut être appliqué à Notre-Seigneur que par accommodation. Il s’agit en effet d’un faux prophète qui a pratiqué sur lui-même des incisions idolâtriques et qui, pour se disculper, feint d’avoir été blessé par ses amis.

2° Quand Notre-Seigneur annonce sa mort, il dit qu’il sera crucifié. Matth., xx, 19 ; xxvi, 2. La crucifixion était un supplice romain, et saint Jean, xviii, 32, remarque que quand les Juifs avouèrent qu’ils ne pouvaient eux-mêmes mettre Jésus à mort, ils procuraient l’accomplissement de la prédiction qu’il avait faite. Joa., XH, 33. Les Juifs l’auraient lapidé, les Romains devaient le crucifier. Les Évangélistes se contentent de dire qu’on le crucifia, sans donner aucun détail. Matth., xxvii, 31, 35 ; Marc, xv, 24, 25 ; Luc, xxiii, 33 ; Joa., xix, 18. Quelquefois, les criminels étaient attachés à la croix avec des cordes. Cf. Rich, Dict. des antiq. grecques et romaines, trad, Chéruel, Paris, 1873, p. 206. Le plus souvent, on les fixait avec das clous. Cf. Plaute, MostellaHa, ii, 1, 13. Tertullien, Adv.jud., 10, t. ii, col. 629, fréquemment témoin de ce spectacle, dit que la perforation des mains et des pieds était « l’atrocité propre de la croix ». En certains cas, on liait le supplicié avec des cordes avant de le clouer. Cf. Pline, H. N., xxviii, 11 ; S. Hilaire, De Trinit., x, 13, t. x, col. 352. Les Pères sont unanimes à expliquer les versets 17-18 du Psaume xxi, en supposant que le Sauveur a eu les mains et les pieds percés par les clous. On lit aussi dans VEpîtrede Barnabe, 12, dont l’auteur se réfère à IV Esd., xiv, 33 ; v, 5 : « Quand ces choses s’accompliront-elles ? Lorsque le bois, dit le Seigneur, aura été étendu par terre puis redressé, et que du bois le sang tombera goutte à goutte, paroles qui se rapportent à la croix et à celui qui devait y être crucifié. » Cf. Hemnier-Lejay, Textes et documents, les Pères apost., Paris, 1907, t. i, p. cxii, 74-75. Pour que le sang tombât du bois goutte à goutte, il fallait que le Supplicié y fût blessé, qu’il eût par conséquent les mains et les pieds percés. Voir Clou, t. ii, coi. 810. Cf. Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin, Paris, 1897, p. 181-184 ; Ollivier, La Passion, Paris, 1891, p. 334-338. Le -Sauveur avait reçu d’autres blessures à la flagellation, au couronnement d’épines, et probablement même, d’après certaines traditions, pendant le portement, de la croix et par suite de diverses,

chutes. Cf. Thurston, Étude historique sur le chemin de la Croix, trad. Boudinhon, Paris, 1907, p. 87-109. Mais ces blessures n’étaient qu’accessoires à côté des quatre plaies qui lui furent faites pendant le crucifiement. Une cinquième fut ajoutée après la mort. Au lieu de briser les jambes du crucifié, comme c’était la règle, un soldat lui transperça le côté de sa lance, et il en sortit du sang et de l’eau. Joa., xix, 32-34. L’apôtre voit dans cette plaie l’accomplissement de la prophétie de Zacharie, su, 10.

3° Après sa résurrection, Jésus apparaît dans le cénacle aux onze et à leur ? compagnons, et, en preuve de sa résurrection et de la réalité de sa présence, il leur montre ses mains et ses pieds. Luc, xxiv, 39, 40 ; Joa., xx, 20. Pourquoi ? Parce que cette vue devait constituer pour eux un témoignage irrécusable, ce qui suppose nécessairement que ses extrémités n’avaient pas seulement été attachées à la croix, mais qu’elles avaient été transpercées et qu’elles gardaient encore la trace de ses blessures. Le Sauveur explique ensuite qu’il fallait que s’accomplit en lui tout ce qui avait été prédit par Moïse, les prophètes et les Psaumes, Luc, xxiv, 44, ce qui, entre autres prophéties, vise les passages se rapportant aux plaies du Messie souffrant. Thomas, absent au moment de cette première apparition, déclara que, pour croire, il voulait mettre son doigt dans le trou des clous et sa main dans le côté du Sauveur. Notre-Seigneur accéda au désir de l’apôtre incrédule ; huit jours après, il lui montra les plaies de ses mains et de son côté et l’invita à en constater la réalité. Tho j mas se rendit alors. Joa., xx, 24-29. Ce récit rend indubitable la perforation des mains et des pieds, que les Évangélistes permettaient de supposer, mais n’affirmaient pas positivement. — Saint Jean, parlant du dernier avènement du Christ, dit qu’alors « tout œil le verra, même ceux qui l’ont percé », èîe-/ÉvtTi<ïav, pupuqerunt. Apoc., i, 7. Saint Jérôme, Epist. xiv, 11, t. xxii, col. 354, en faisant allusion à cette apparition, du Christ souverain Juge, s’exprime ainsi : « Regarde, Juif, les mains que tu as clouées ; regarde, Romain, le côté que tu as percé. » Saint Jean représente dans le ciel, « au milieu du trône, l’Agneau debout, et paraissant avoir été immolé. » Apoc, v, 6. L’Agneau est vivant, puisqu’il est debout, et pour paraître c avoir été. immolé », il faut qu’il porte encore les traces des blessures mortelles qu’il a reçues. L’Église a consacré cette pensée, dans l’hymne qui se récite aux premières vêpres de la fête de la Lance et des Clous de N.-S. J.-C. :

Te, Jesu, superi laudibus efferant, Qui clavorum adilu signaque lancese In cælo rétines, vivus ubi imperas.

Dans la séquence Solemnis hsec festivitas, pour le jour de l’Ascension, on lisait aussi :

Patri monstrat assidue

Quae dura tuliL vulnera,

Et sic pacis perpetuœ

Nobis exorat fœdeva.

Ces idées s’inspirent de ce qui est dit Heb., ix, 11, 12,

24 ; x, 11-14, et Apoc, i, 7 ; v, 6.
H. Lesêtre.
    1. PLAINE##

PLAINE, étendue de pays plat. — Les Hébreux ont plusieurs expressions pour rendre ce mot :

1° Biq’âh, de la racine bdqa’, qui veut dire : « fendre, » et par là même : « ouvrir. » Le substantif indique donc comme une « fissure » ou une « ouverture » entre les : montagnes ou les collines ; voilà pourquoi il rend aussi bien le sens de valle’e. Cependant il ne s’applique qu’à une large étendue de terrain, à la différence de gè’, qui désigne plutôt des ravins ou des gorges étroites. C’est ainsi que la grande plaine de Cœlésyrie, qui s’étend entre le Liban et l’Antiliban, porte encore en arabe le nom A’El Beqd’a. Les Septante traduisent généralement. 455 PLAINE — PLAISIR

456

ce mot par rceSiov. Gen., xi, 2 ; .los., xi, 8, 17 ; xii, 7 ; Ezech., iii, 22, 23, etc. La "Vulgate le rend par campus, Gen., xi, 2 ; Jos., xii, 7 ; II Par., xxxv, 22 ; Is., xli, 18 ; lxiii, 14, etc. ; campestris [terra], Dent., xi, 11 ; planities, Jos., xi, 17 ; vise planée, la., xl, 4. Il est employé dans un sens indéterminé Gen., xi, 2 ; Ps. cm (hébreu, crv), -6 ; Is., xl, 4 ; xii, 18 ; lxiii, 14 ; Ezech., iii, 22, 23, vin, 4 ; xxxvii, 1, 2. Ajouté à des noms propres, il désigne les plaines suivantes :

1. La plaine de. Jéricho (hébreu : biq’af Ierêhô), partie, de la vallée du Jourdain qui s'étend aux environs de Jéricho. Deut., xxxiv, 3.

2. La plaine de Masphé (hébreu : biq’at Mispék), Jos., xi, 8, territoire appelé « terre de Maspha » au it. 3 du même chapitre, ou région située au pied de l’Hermon. Voir Maspha 2, col. 834.

3. La plaine du Liban (hébreu : biq’at hal-Lebdnôn), Jos., xr, 17 ; xii, 7, est, non pas la Cœlésyrie, mais plutôt la plaine qui se trouve au sud et au sud-ouest de Banias, « sous l’Hermon. » "Voir Baalgad, t. i, col. 1336.

4. La plaine de Mageddo (hébreu : biq’at Megiddô, II Par., xxxv, 22 ; biq’af Megiddôn, Zach., xii, 11) n’est autre que la plaine d’Esdrelon ou de Jezraël, entre les monts de Samarie au sud et ceux de Galilée au nord. Voir Mageddo 3, col. 560.

5. La plaine d’Ono (hébreu : biq’at 'Ônô), II Esd., vi, 2, dans laquelle était situé le village d’Ono, aujour ; d’hui Kefr 'Ana, au sud-est de Jaffa. Voir Ono 2, col. 1821.

6. La plaine d’Aven (hébreu : biq’af 'Âvèn ; Septante : toSïov t Qv ; Vulgate : campus idoli, « la plaine de l’idole » ), Am., i, 5, serait, d’après un certain nombre d’auteurs, la plaine de Cœlésyrie, ce qui n’a rien de sûr. Voir Aven, t. i, col. 1286.

7. La plaine de Dura (hébreu : biq’at Dura'), Ban., iii, 1, aux environs de Babylone. Voir Dura, t. ii, col. 1517.

ty Kikkar. Ce mot, qui signifie « rond, cercle, » et par extension, « district, » est plusieurs fois appliqué à la plaine du Jourdain. Il désigne, en particulier, l’oasis fertile qui existait autrefois près de la partie inférieure du fleuve et où florissaient les villes de la plaine. On trouve ainsi les expressions : kikkar hayYardên ; Septante : rj rcepfywpoç TO y 'lopSâvov ; Vulgate : regio Jordanis, Gen., xiii, 10, 11, etc., ou simplement kak-kikkar, Gen., xix, 17, 25, 28, 29. Cf. Matth., iii, 5. Voir Jourdain, t. iii, col. 1712.

3° 'Ardbâh, avec l’article défini, hâ 'Arâbâh, dont l’idée générale est celle de « région déserte, stérile ». C’est une des expressions caractéristiques que l'Écriture emploie pour désigner dans son ensemble la plaine ou dépression remarquable qui s'étend des pentes méridionales de l’Hermon au golfe d’Akabah. Voir Arabah, t. i, col. 820. Le pluriel 'Arbôt, souvent uni à Mô'âb, Num., xxii, 1 ; xxvi, 3, 63 ; xxxi, 12, etc., et à Yerîhô, « Jéricho », Jos., iv, 13 ; v, 10 ; IV Reg., xxv, 5, etc., il indique la partie de la plaine du Jourdain qui, au nord de la mer Morte, se développe sur les deux rives du fleuve, à l’ouest aux environs de Jéricho, à l’est dans le Ghôr es-$eisbân, jusqu’aux premières hauteurs de Moab. Voir Moab, La plaine inférieure, col. 1148.

4° Mîsôr, plus souvent avec l’article, ham-Mîsôr. Ce mot, de la racine ydSar, « être droit », est appliqué au plateau de Moab, Deut., iii, 10 ; iv, 43 ; Jos., xiii, 9, etc., par contraste avec les inégalités de la partie occidentale de la même contrée et les montagnes de Galaad au nord. Voir Misor 1, col. 1132.

5° Sefêldh, haf-aefêlâh : Cette expression, qui signifie « : le pays bas », désigne là partie de la plaine côtiére qui s'étend entre les montagnes de Juda et la Méditerranée, et dont les Philistins formèrent leur territoire.

Les Septante la rendent ordinairement par neStov, Deut, , i, 7 ; Jos., xi, 2, xii, 8 ; r toSwi r-pij, Jos., x, 40 ; xi, 16, etc. la Vulgate, par campestris, campestria, Jos., x, 40 ; xv, 33 ; Jud., i, 9, etc. ; planities, Jos. r xi, 16, etc. Voir Séphêlah. La partie supérieure de cette plaine, celle qui va de Jaffa au Carmel, porte le nom de baron. Voir Saron.

6° On trouve dans saint Luc, vi, 17, à propos du lieu où Notre-Seigneur prononça le discours sur les Béatitudes, l’expression tôjio ; jieStvôç, « plateau » ; Vulgate : locus campestris. Voir Béatitudes (Mont des), 1. 1, col. 1528.

On voit que chacun des mots hébreux dont nous venons de parler a, par lui-même, une signification distincte. C’est ainsi que les environs de Jéricho, suivant les divers points de vue sous lesquels on les contemple, sont dits faire partie du kikkar, de la biq'âh ou des 'arabôf. Mais le misôr ne saurait, être appelé une biq'âh, ni la biq’dh une 'ârâbàh. De même encore le misôr moabite était tout à fait distinct des 'arbôt Mô'âb. Ce mot mîsôr est en définitive, étymologiquement, celui qui correspond le mieux à celui de « plaine ». — Voir Vallées. Sur le sens et la distinction des différents mots employés pour « plaines » et « vallées », cf. Stanley, Sinai and Palestine, Londres,

1866, Appendix, p. 481-489.
A. Legendre.
    1. PLAISIR##

PLAISIR (hébreu : 'édndh, 'êdén, 'onég, Hmfyâh, fa'ânug', Septante : ffBovrjjE^Tpyç-r^cx, £>9po<T>vq, tp’jçtj", Vulgate : voluptas, delicise, luxuria), satisfaction plus ou moins vive que l’on éprouve à jouir des biens de ce monde.

1° Plaisirs permis. — Dieu a attaché le plaisir à l’accomplissement de certains devoirs, comme ceux de ta vie conjugale, Gen., xviii, 12 ; Cant., vit, 7, du travail, Eccle., ii, 10, de l’observation du sabbat, Is., lviii, 13, de la fidélité à son service, Ps. xxxvi (xxxv), 9, de la célébration des fêtes. II Par., xxx, 23 ; II Esd., viii, 12 ; xii, 27, etc. La jouissance des biens de la vie cause un plaisir légitime. II Esd., ix, 25. L’Ecclésiaste, ii, 1, 8, 24, 25 ; v, 18, a usé de tous les plaisirs en pensant qu’ils lui venaient de Dieu. Certains plaisirs se trouvent surtout auprès des rois. II Reg., i, 24 ; Luc, vii, 25, et, d’après les versions, II Par., x, 10. Ces plaisirs présentent cependant des inconvénients. À (es aimer trop, on tombe dans l’indigence. Prov., xxi, 17. Il ne sied pas à l’insensé de s’y livrer, Prov., xix, 10, sans doute parce qu’il ne saura pas se modérer. Un moment d’affliction les fait vite oublier. Èccli., xi, 29. L’avare, qui s’est privé, laisse ses biens à d’autres, qui vivront dans les délices. Eccli., xiv, 4. — La veuve chrétienne qui vit dans les plaisirs, est morte, bien qu’elle paraisse vivante, I Tim., v, 6, l’usage immodéré du plaisir, même légitime, ne convenant pas à son état. Voir Joie, t. iii, col. 1597.

2° Plaisirs coupables. — Les impies cherchent partout le plaisir et s’y livrent sans retenue. Sap., ii, 6-9 ; Luc, xv, 13 ; I Cor., xv, 32 ; I Pet., iv, 3, 4. À Babylone, châtiée par Dieu, les chiens sauvages devaient hurler dans les « maisons de plaisir ». Is., xiii, 22. Pendant la persécution d’Antiochus Épiphane, le Temple était devenu un lieu de plaisirs infâmes. II Mach, , VI, 4. Les riches vivent sur la terre dans les délices et les festins, comme la victime qui se repaît le jour où l’on doit l'égorger. Jacob., v, 5. Saint Pierre accuse les faux. docteurs de passer toutes les journées dans les délices et, par leurs théories pompeuses et vides, d’attirer les nouveaux convertis dans les convoitises de la chair. II Pet., ii, 13, 18. Saint Paul signala également ces mêmes faux docteurs, « amis des voluptés plus que de Dieu. » II Tim., iii, 4. Les fidèles de Jésus-Christ, autrefois « esclaves de toutes sortes de convoitises et : de jouissances », ont su y renoncer pour devenir héritiers de la vie éternelle. Tit., iii, 3, 7. Car Notre-Seigneur a

déclaré que « tes plaisirs de la vie », soit ceux qui sont coupables, soit même ceux qui sont légitimes, mais dont on abuse, sont les épines qui empêchent la bonne semence de croître dans les âmes. Luc, viii, 14. Saint Jean rapporte la sentence portée contre la grande Babylone et contre tous ceux qui ont partagé son genre de vie : « Autant elle s’est glorifiée et plongée dans le luxe, autant donnez-lui de tourment et de deuil. » Apoc., xviii, 7. Voir Gourmandise, t. iii, col. 281 ; Ivresse, col. 1048 ; Luxe, t. iv, col. 435 ; Luxure, ibid., col. 436.

H. Lesêtre.
    1. PLANCK Heinrich Ludwig##

PLANCK Heinrich Ludwig, théologien prolestant, né à Gœttingue le 19 juillet 1785, mort dans cette ville le 23 septembre 1831. En 1806, il devint répétiteur à IHiniversité de Gœttingue, en même temps que Gesenius, et y enseigna l’exégèse et l’hébreu. Il s’occupa principalement de la critique et de la langue originale du Nouveau Testament. On a de lui : Bemerkungen ùber den ersten Paulinischen Brief an Timotheus, Gœttingue, 1808 (défense del’authenticilédecetteÉpître

planètes, qui sont, dans l’ordre de leur distance du soleil, Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune. Ces deux dernières ont été découvertes l’une en 1781, l’autre en 1846. On a de plus observé une multitude de petites planètes, dont le nombre atteint plusieurs centaines et s’accroit avec les années. — Les anciens ont très bien reconnu les planètes à leurs signes distinctifs. Dans le système cosmogonique babylonien, Mardouk avait tracé la route des planètes dans le ciel, et avait confié à des dieux la garde de quatre d’entre elles, se réservant lui-même de veiller sur celle que nous appelons Jupiter. Cf. Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 288291. Les Babyloniens ne connaissaient naturellement que cinq planètes, confiées, Jupiter à Mardouk, Vénus à Istar, Saturne à Ninib, Mars à Nergal, Mercure à Nébo. Ces attributions ne sont pas absolument certaines. Cf. Jensen, Die Kosmologie, p. 95-133 ; Oppert, Un annuaire astronomique babylonien, dans le Journal asiatique, 1891 ; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 669.

90. — Les planètes, d’après les Babyloniens, représentées sur une borne, sous le règne de Nabuchodonosor I", roi de Babylone, vers 1300 avant J.-C. — D’après Jeremîas, Bas alte Testament, 19C4, lîg. 5, p. 11.

contre Schleiermacher) ; Entwurf einer neuen synoptischen Zusammenstellung der drei ersten Evangelien, m-8°, Gœttingue, 1809 ; De vera natura atque indole orationis grœcse Novi Testamenti commentatio, in-4°, Gœttingue, 1810 ; cet essai, qu’il publia comme programme de son cours, quand il fut nommé professeur « xlraordinaire de théologie en 1810, lui acquit une grande réputation. Il travailla les dernières années do sa vie à un Lexique du Nouveau Testament, mais la mort l’empêcha de l’achever. — Voir Fr. Lucke, Fr. G. J. Ptançk, ein biographischer Versuch, Gœttingue, 1835. Dans cette biographie du père d’Henri Louis, in-8° ; Lucke a réimprimé, p. 135 sq., ce qu’il avait écrit du fils en 1831 au moment de sa mort, Zum Andenken an D. K. L. Planck, eine biographische Mittheilung. Voir Allgemeine deutsche Biographie, t. xxvi, 1888, p. 227.

    1. PLANÈTE##

PLANÈTE, corps céleste dont la révolution est commandée par le soleil et dont l’orbite décrit une ellipse autour de cet astre. Les planètes se distinguent des étoiles fixes par leur absence de scintillation et par leur déplacement au milieu des étoiles. C’est par suite d’une simple illusion d’optique que les planètes paraissent se mouvoir à travers les étoiles, car elles sont à une distance effroyable de la plus rapprochée de ces dernières. Les planètes n’ont pas de lumière propre ; ellesréfléehissent celle qu’elles reçoivent du soleil et, en conséquence, présentent des phases régulières, comme la lune. On distingue aujourd’hui huit grandes

Si à ces planètes on ajoute le soleil ou Samas et la lune ou Sin, on a les sept planètes des anciens (fig. 90). On a retranché depuis de ce nombre le soleil, qui n’est pas une planète, et la lune, qui est un satellite de la terre, et l’on y a ajouté la terre elle-même, qui est une planète. — Les Égyptiens connaissaient aussi les cinq planètes, Ouapshetatooui ou Jupiter, Kahiri ou Saturne, Sobkou ou Mercure, Doshiri, « le rouge », ou Mars, et Bonou, « l’oiseau », ou Vénus, ayant double figure, Ouàiti, ou étoile du soir, et Tiou-noutiri, ou étoile du matin. Cf. E. de Rougé, Noie sur les noms égyptiens des planètes, dans le Bulletin archéologique de l’Athenseum français, t. ii, p. 18-21, 25-28. Sur un plafond du tombeau de Séli l<*, sont.représentées trois planètes debout sur leurs barques et cheminant lentement sous la conduite de Sâhou ou Orion et de Sothis ou Sirius (fig. 91). — Les écrivains sacrés ne mentionnent qu’incidemment quelques planètes : hêlêl, Vénus, voir Lucifer, t. iv, col. 407 ; hag-Gad, probablement Jupiter, voir Gad, t. iii, col. 24 ; kîyyûn, correspondant à l’assyrien kaivanû, Saturne, cf. Jensen, Kosmologie, p. 111-116 ; Oppert, Tablettes assyriennes dans le Journal asiatique, 6e sér., t. xviii, 1861, p. 445 ; voir R.EMPHA.M. Saint Jude, 13, assimile les docteurs de mensonge à des nXâvritsç àfftépeç, « astres errants ». Il est probable que l’apôtre songe plutôt aux comètes. Voir Comète, t. ii, col. 877. Les Chaldéens cependant comparaient les planètes à des moutons capricieux, libbon, échappés au troupeau des étoiles pour s’en

aller paitre à leur guise. Cf. Jensen, Die Kosmologie, p. 95-99 ; Jeremias, Das aile Testament, in-8°, Leipzig,

1904, p. 9-16.
H. Lesêtre.
    1. PLANT AVIT DE LA PAUSE Jean##

PLANT AVIT DE LA PAUSE Jean, évéque français, né en 1576 au château de Marcassargues, dans le Gévàudan (aujourd’hui le département de la Lozère), mort au château de Margon, près de Béziers, en 1651. Élevé dans le calvinisme, que professaient ses parents, il y resta jusqu’à l’âge de 29 ans. Il remplissait même les fonctions de ministre à Béziers, lorsqu’il se convertit au catholicisme et fit son abjuration dans cette ville (1605). Par la suite il devint prêtre, et après avoir été, successivement, grand vicaire du cardinal de La Rochefoucauld, aumônier d’Elisabeth de France, reine d’Espagne, il fut promu, en 1625, par l’interven hebraico-latini loco, sacrm linguse studiosis inservire possit, in-f°, Lodève, 1644. Son second ouvrage est intitulé : Florilegium rabbinicum, ordine alphabelieo digeslum, compleclens hebraicas et chaldaicas veterum rabbinorum sententias duplici charactere rabbinico et quadrato exaratas, versione latina, brevibusque, ubï opus est, scholiis in gratiam studiosorum linguse sanctse illustratas, in-f°, Lodève, 1644. À la fin une table donne les noms de tous les rabbins dont les maximes sont citées. Dans cet ouvrage l’auteur fait de nombreux rapprochements avec les maximes de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Cet ouvrage appelait comme complément le suivant : Florilegium biblicum, complectens omnes utriusque Teslamenti sententias hebraice et grsece cum versione latina et brevi juœta literdlem sensum commenlario

91. — Planètes et constellations représentées en Egypte sur le tombeau de Séti I". D’après E. Lefébure, Les hypogées royaux de Thèbes, i’part., pi. xxxvi.

tion de cette princesse, à l’évêché de Lodève. Ses infirmités l’obligèrent à résigner ce siège, en 1648, pour se retirer, dans le diocèse de Béziers, au château de Margon. Il avait étudié l’hébreu avec le plus grand soin, et l’on a de lui sous un titre qui rappelle le nom de l’auteur : jsan 7BJ, néta’haggéfén, Planta vitis, scu Thésaurus synonymicus-hebraico-chaldaico-rabbinicus, in quo omnes totius hebraicae linguse voces una cum plerisque rabbinicis, talmudicis, chaldaicis, earumque significationes, etymon, synonymia, usus, elegantiæ, paraphrases, idiotismi, ex hebraicorum Bibliorum contextu, horum chaldaicis paraptirasibus, ex immensa codicum Babylonici et Hierosolymitani Talmudica farragine, ex Rabbinorum commentaloribus, grammaticis expositoribus, cabbalistis, philosopha et theologis, aliisque reconduis Hebrœorum monumentis, nova et exacta methodo, per hexapla 7rapaXX/|)iMç demxmstrantur, ac una cum auctoritatibus e sacrarum Utterarum corpore depromptis energiam et emphasim vocum perhibentibus ample ac dilucide explicantur : nonnullorum quoque vocabulorum grsccorum, latinorum, gallicorum, ilalicorum, hispanicorum, germanicorum, anglicorum, belgicorum, polonicorum, ex etymologia ab hebrseo seu chaldaico idiomate petita passim ubique indicatur ; Quibus accessit duplex Index locupletissimus qui justi lexici

illustratas. L’ouvrage est divisé en deux parties. La l ie contient les maximes tirées des livres de l’Ancien Testament écrits en hébreu. La seconde renferme les maximes du Nouveau Testament et des livres écrits en grec de l’Ancien Testament. Les maximes sont disposées par ordre alphabétique du 1 er mot de la sentence biblique en hébreu, ou en grec. In-f°, Lodève, 1645. A la fin un index donne toutes les sentences d’après la Vulgate selon l’ordre alphabétique. Une table des principales matières termine le volume. Un exemplaire de ces trois volumes se trouve à la Bibliothèque nationale A 2718, 2719 et 2720. — Sur le mouvement d’études bibliques auquel se rattache la composition du premier de ces ouvrages, voir t. ii, col. 1415, 1416 ; pour la biographie, cf. Poitevin-Peltavi : Notice sur Jean Plantavit de la Pause, iu-8°, Béziers, 1817. 0. Rey.

PLANTES DE PALESTINE. Voir Botanique sacrée, t. i, col. 1867-1869 ; Palestine, t.iv, col. 2035-2041 ; Arbres, 1. 1, col. 888-894 ; Herhes et Herbacées (plantes), t. iii, col. 599 et 596-599 ; Fleur, t. ii, col. 2287 ; Légumes, t. iv, col. 160, et l’article consacré à chaque plante.

PLAT (hébreu : sallafrat, selôhit ; grec : irt’vaf, rpuëXeov, irapodu’;  ; Vulgate : « os, catinus, paropsis), ustensile servant à contenir certains aliments. Cet ustensile

a le fond plat et est muni de bords plus ou moins élevés. Il ne sert pas ordinairement à la cuisson ; celle-ci se fait au four ou dans des marmites. Voir Chaudière, t. ii, col. 628. — 1° Afin d’assainir des eaux, Elisée y jeta du sel qu’on lui avait apporté dans un plat neuf, ùSpurxr, , « vase à eau », vas. IV Reg., ii, 20. — Pourdonnerune idée des malheurs que l’impiété de Manassé attirera sur Jérusalem, le Seigneur dit qu’il nettoiera la ville comme le plat qu’on nettoie et qu’on retourne ensuite, c’est-à-dire qu’il y fera place nette et bouleversera tout de fond en comble. IV Reg., xxi, 43. Les versions appellent ici le plat âXetéauTpoç, « vase d’albâtre », tabulas, « tablettes », plateaux. — Sous Josias, on fit cuire les victimes de la Pâque dans des chaudrons et des plats, ollœ. II Par., xxxv, 13. — Il est dit du paresseux qu’il plonge la main dans le plat et ensuite a de la peine à la ramener jusqu’à sa bouche. Prov., xix, 24 ; xxvi, 15. Les versions, qui n’ont compris nulle part le sens du mot sallafyat, le traduisent ici par « sein » et « aisselle ». — 2° Notre-Seigneur reproche aux scribes et aux pharisiens de nettoyer le dehors de la coupe et du plat en laissant à l’intérieur la rapine et l’intempérance. Matth., xxiii, 25, 26 ; Luc, si, 39. Le Tu’vaÇ, dont parle ici saint Luc, était originairement une planche ; le nom est passé successivement au plateau de bois, puis au plat de terre ou de métal. — Judas met la main au plat en même temps que le Sauveur, c’est-à-dire, comme l’indique le contexte, prend part au même repas que lui. Matth., xxvi, 23 ; Marc, xiv, 20. Le catinus de la Vulgate était un

92. — Le sacro catino.

D’après Ricta, Dictionnaire des antiquités, p. 128.

plat assez profond dans lequel on servait des légumes, de la volaille et du poisson. Cf. Horace, Sat., i, vi, 115 ; II, ii, 39 ; w, 17. On conserve à Gènes, dans le trésor de la cathédrale, le sacro calino (fig. 92), vase précieux apporté de Césarée de Palestine en 1101, qu’on dit avoir servi à Notre-Seigneur pendant la dernière Cène et à Josèphe d’Arimathie pour recueillir le sang des blessures du Sauveur. lombé au pouvoir des Génois, après la première croisade, il fut prodigieusement célèbre au moyen âge sous le nom de Saint-Graal. On le croyait en émeraude ; mais il fut brisé quand Napoléon I" le fit transportera Paris, et l’on reconnut qu’il n’était qu’en pâte de verre orientale ancienne. Ses faibles dimensions ne permettent pas de croire qu’il ait jamais pu servir de plat dans un festin pascal. Cf. A. de Laborde, Notice des émaux, bijoux, etc., conservés au

Louvre, Paris, 1853, p. 333.
H. Lesêtre.
    1. PLATANE##

PLATANE (hébreu : ’armôn ; Septante : Trt.àTotvo ; , Gen., xxx, 37, et iXitr), Ezech., XXI, 8 ; Vulgate : platanus), un des grands arbres de Palestine.

I. Description. — Les arbres de cette famille se rapportent à un genre unique et même, selon Spach, à une seule espèce, ce qui est incontestable au moins pour l’ancien monde. Par ailleurs leur structure est si spéciale qu’ils ne peuvent être confondus avec aucun autre type végétal, et que leurs affinités même restent douteuses. Les fleurs petites et unisexuées sont groupées en capitules monoïques, globuleux et espacés sur de longs pédoncules terminaux et pendants. Les étamines, comme les pistils, y sont entremêlés de poils écailleux considérés comme des bractées t des périanthes rudimentaires et des organes sexuels avortés. Chaque fruit isolé est un achaine claviforme, avec style terminal persistant, et entouré à sa base de poils raides articulés.

Le Platanus orîentalis, de Linné (fig. 93), d’origine méditerranéenne et surtout asiatique, a été répandu par la culture dans toutes les régions tempérées 1, parce qu’il supporte des froids très rigoureux, et prospère également sous les climats chauds, surtout au voisinage des eaux. Il devient alors un arbre dé première grandeur, à cime large et régulière, donnant un ombrage très épais et ainsi très propre à orner les places publiques. Ses larges feuilles alternes et paliiiatilobées sont munies de stipules concrescentes en forme de manchette, et la base de leur pétiole se dilate en une poche qui protège le bourgeon axillaire. Il se distingue surtout de tous les autres arbres d’avenue par l’exfoliation de ses couches corticales externes, qui tombent par grandes loques, laissant le tronc lisse et nu. Roissier dit bien que le vrai platane d’Orient

93. — Platanus orientalis.

aurait son écorce persistante et rugueuse (Flora orientalis, t. iv, p. 1162), mais c’est sans doute une manière un peu exagérée d’exprimer la différence entre les écailles petites, alignées longitudinalement et plus longtemps persistantes du type Platanus orientalis, et les larges plaques irrégulières, promptement caduques, de sa variété acerifolia, de beaucoup la plus répandue, et qui se distingue en outre par ses feuilles à lobes moins profonds. Cette même variété acerifolia a plus souvent encore été confondue avec le type américain des platanes, Platanus occidentalis L., qui a le limbe foliaire superficiellement lobé, plus large que long, avec un duvet persistant plus longtemps sur les nervures de la page inférieure, et un seul capitule fructifère pendant à l’extrémité de chaque pédoncule. F. Hy.

II. Exégèse. — Varniôn est mentionné deux fois dans le texte hébreu de l’Ancien Testament. Dans Gen., xxx, 37, nous voyons Jacob prendre des baguettes de peuplier, d’amandier et à."armôn, y peler des. bandes blanches et les placer ainsi en face des brebis qui venaient s’abreuver. Dans Ézéchiel, xxxi, 8, Assur est comparé à un cèdre du Liban dont les rameaux sont si puissants qu’ils égalent des cyprès et des’armôn. L’étymologie Çarman, « dépouiller », ’armôn, l’arbre qui se dépouille de son écorce), la place que les deux textes lui donnent au milieu des grands arbres, la traduction généralement adoptée par les anciennes versions, ne laissent guère place au doute dans l’identification de’armôn considéré comme le platane.

— Dans l’éloge delà Sagesse, Eccli., xxiv, 19, le platane est également présenté comme un bel et grand arbre. Aussi les exégètes sont-ils presque tous d’accord pour rejeter le châtaignier (que les rabbins voient habituellement dans’armôn, bien que cet arbre ne croisse pas ~en Palestine) et pour rejeter aussi l’érable, reconnaissant dans’armôn, le Platanus orientalis. — Le platane est répandu dans toute la Palestine et s’y montre comme un très grand arbre, aux larges rameaux et épais ombrages. Et ce qui est conforme à nos deux textes hébreux qui nous transportent en Syrie, en Assyrie et en Mésopotamie, les platanes de ces dernières régions dépassent en général la hauteur et les proportions que cet arbre atteint en Palestine. Belon, Observations de plusieurs singularités, in-8°, 1588, 1. I, c. cv ; Jean de la Roque, Voyage de Syrie et du mont Liban, Paris, 1722, p. 197, 199. Une constatation de ce dernier ouvrage, p. 68, semble être le commentaire du passage d’Ézéchiel, xxxi, 8. Parlant des cèdres groupés au sommet du Liban et qui forment comme une petite forêt, cet auteur ajoute : « Elle est composée de vingt cèdres d’une grosseur prodigieuse, et telle qu’il n’y a aucune comparaison à faire avec les plus beaux platanes, sycomores, et autres gros arbres que nous avons vus jusqu’alors. » Voir 0. Celsius, Bierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 512 ; I. Lôw, Ararnâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 107.

E. Levesque.

    1. PLATRE##

PLATRE, produit de la calcination du gypse. Le gypse est un sulfate de chaux hydraté, qui perd son eau quand on le calcine au four. Le produit de cette opération, réduit en poudre, est le plâtre. Délayé avec de l’eau, le plâtre devient-une pâte molle qui prend toutes les formes que l’on désire et les garde en durcissant peu à peu. — Le plâtre n’est pas directement mentionné dans la Bible. Mais le gypse ne manquait pas en Palestine ; les couches gypseuses du cénomanien affleuraient en particulier au bord de la mer Morte. Voir Palestine, t. iv, col. 2010, 2014, 2022. Il n’était pas plus difficile à uliliser pour faire du plâtre, que le calcaire pour faire de la chaux. Voir Chaux, Lu, col. 642. Les Hébreux n’ont guère dû. s’en servir dans leurs constructions ; les pierres y étaient simplement superposées ou le mortier y agglutinait les matériaux sans consistance. Voir Mortier, t. iv, col. 1312. Le plâtre ne pouvait être utilisé que pour faire des enduits dans des endroits à l’abri de l’humidité. Voir Enduit, t. ii, col. 1783. Les Hébreux durent apprendre des Phéniciens à fabriquer et à utiliser le plâtre, à supposer que les Chananéens ne l’aient pas connu avant leur arrivée. On a trouvé en Espagne la trace du passage des Phéniciens dans les objets que renfermaient d’anciennes sépultures. Ge sont des débris de vases phéniciens en plâtre, des fonds de pots troués et bouchés avec du plâtre, des cols de plâtre ajoutés à des vases de terre cuite et peints en rouge, des crépissages de muraille, etc. Cf. L. Siret, Orientaux et Occidentaux en Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue des Questions scientifiques de Bruxelles, oct. 1906, p. 558, 559. Les Phéniciens ne faisaient ainsi qu’importer au loin une industrie bien connue dans leur pays d’origine.

H. Lesêtre.

PLECTRE. Le pleclre (w/.TîxTpov, de irt.r.TTeiv, « pincer, frapper » les cordes, en latin plecto ; on disait aussi xpoiietv. Le terme technique était xp£xgtv) était un bâtonnet, pointe ou crochet, de bois, d’ivoire ou de métal, droit ou recourbé, dont on se servait pour faire vibrer les cordes des instruments, au lieu de les toucher directement avec les doigts. On employait

aussi pour le même usage un crochet de corne ou un bec de plume. Les Orientaux modernes fixent souvent le plectre à un anneau tenu au doigt et peuvent ainsi en employer plusieurs simultanément. L’usage du plectre, moins ancien que le procédé de percussion manuelle, est peut-être d’origine grecque. La Bible ne le mentionne pas, non plus qu’Homère. Il est représenté cependant en Egypte entre les mains de musiciens bédouins ou Amou du temps de la XIIe dynastie, voir t. ii, fig. 304, col. 1068, et l’espèce de harpe dont ces musiciens se servaient a dû être connue des Hébreux. On rapporte à Sapho l’invention du plectre, mais Athénée remarque qu’Épigone d’Ambracie, au vue siècle, dédaignait de s’en servir : |iou<T ! xwTato ? 8’<î>v xœTa X £’P a ^’X a iXïixTpou ii/aXktv. Deipnos., iv, 25, p. 183. C’était une exception. Il est évident que les Grecs apprécièrent un procédé d’exécution qui augmentait l’émission du son et sa résonnance et multipliait l’effet musical en diminuant la fatigue du joueur. Ils l’appliquèrent à la cithare, à la lyre, au psaltérion, même aux instruments à manche, mais non exclusivement ; les deux procédés de percussion étaient employés concurremment. Les monuments représentent en effet des musiciens jouant avec le plectre de la main droite pendant que la main gauche nue pince les cordes. C’était, à peu près comme dans le jeu actuel de la Zither, le moyen de faire ressortir le chant ; et l’on disait, sans doute d’après la manière dont le musicien tenait son instrument, foris canere, pour « jouer (de la main droite) avec le plectre », et intus canere, « toucher les cordes avec les doigts (de la main gauche) ». Cicéron, Verr., i, 20, 53, qui nous rapporte ces expressions musicales, mentionne le cithariste Aspendius, qui pouvait exécuter à la fois l’accompagnement et le chant de la main gauche seule, lbid. Chez les Grecs même, les instruments asiatiques proprement dits se jouaient sans plectre, mais cet accessoire fut importé de Grèce chez les Asiatiques avec les instruments nouveaux, ainsi que l’attestent les monuments assyriens, et les Hébreux durent s’en servir pareillement, après la captivité. Du moins Josèphe l’exprime-t-il indirectement en mentionnant e nable antique qui se jouait sans plectre. Ant. jud., VII, su, 3. Mais les rares indications musicales de cette période ne nous fournissent aucun texte qui démontre l’usage du plectre dans la musique du second temple ou dans l’usage privé. J. Parisot.

    1. PLÉIADES##

PLÉIADES (hébreu : kîmâh ; Septante : UXciàSe ;  ; Vulgate Pléiades), constellation de l’hémisphère boréal, voisine de la tête du Taureau (fig. 94). Voir Hyades,

Astérope a m’. Tuyg’te

mSs. /uêrope

      • <*£$£.

94. — Les Pléiades.

  • » --.

t. iii, col. 789. Elle compte plus de 2500 étoiles, dont 64 principales, parmi lesquelles cependant sept ou huit seulement sont visibles à l’œil nu. D’après qoelques auteurs modernes, himdh désignerait Sirius ou le Scorpion. Mais un passage de lob, XXXVIII, 31, <s Est-Cft toi qui serres les liens de kinidh ? » suppose clairement 465

PLÉIADES — PLEUREUSES

qu’il s’agit d’un groupe d'étoiles, et, d’après les anciennes versions, ce groupe n’est autre que celui des Pléiades. L’Iliade, xviii, 486, signale également ce groupe parmi les constellations les plus remarquables. Deux autres passages bibliques mentionnent kimâh parmi les œuvres importantes du Créateur. Dans le premier, Job, ix, 9, les Septante traduisent par Pléiades et la Vulgate par Hyades ; dans le second, Amos, v, 8, les Septante rendent le mot par navra, « foutes choses s, et la Vulgate par Arcturus. Voir Arcturus,

t. i, col. 937.
H. Lesêtre.
    1. PLEURANTS##

PLEURANTS (LIEU DES), Locus Flentium, dans la Vulgate, Jud., ii, 1, 5. Voir Bokim, t. i, col. 1843.

    1. PLEUREUSES##

PLEUREUSES (hébreu : meqônenô(, de qin, au pilel qénên, n chanter des chants lugubres » ; Septante :

95. — Pleureuses égyptiennes dans le cortège funèbre. D’après Wilkinson, Manners and Custons, t. iii, pi. lxvi.

8pï)voûnai ; Vulgate : latnentatrices), femmes qui poussaient des cris lugubres dans les funérailles. — Chez

l’extrême du désespoir, mais les parents et les amis ne craignaient pas de se donner en spectacle, ni de troubler l’indifférence des passants par l’intempérance de leur deuil. » Maspero, Histoire ancienne, t. ii, 1897, p. 511. Cf. Lectures historiques, Paris, 1890, p. 144152. Les pleureuses accompagnaient le convoi funèbre (flg. 95), en poussant des exclamations pour répondre à celles de la parenté : « À l’occident, demeure d’Osiris, à l’occident, toi, le meilleur des hommes ! » Sur le Nil, elles montaient dans une barque et y continuaient leurs gestes éplorés et leurs cris de douleur (flg. 96). Enfin, à la tombe même, elles faisaient au mort les adieux suprêmes : « Plaintes ! plaintes ! Faites, faites des lamentations sans cesse, aussi haut que vous le pouvez ! voyageur excellent, qui chemines vers la terre d'éternité, tu nous as été arraché ! toi qui avais tant de monde autour de toi, te voici dans la terre qui impose l’isolement ! » Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 516, 518. Voir t. ii, fig. 705, col. 2417 ; t. iv, fig. 459, col. 1749 ; Funérailles, t. ii, col. 2416-2420. — La mode de ces bruyantes démonstrations ne s’est point perdue. Chez les Arabes, quand quelqu’un est mort, « les femmes crient de toutes leurs forces, s'égratignant les bras, les mains et le visage, arrachant leurs cheveux et se prosternant de temps en temps, comme si elles étaient pâmées de douleur. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. En Palestine, aux enterrements des musulmans actuels, on voit en tête du cortège « une troupe de gamins affublés ou plutôt déguenillés à l’orientale, guidés par un gamin chef qui n’arrive jamais à les faire mettre en rang, ni à leur faire comprendre la mesure de la cantilène criarde qu’ils ont mission de chanter… La marche est fermée par une troupe de femmes enveloppées de longues robes et drapées de manteaux de toile indigo ; elles poussent, en signe de douleur, de petits cris stridents ; chacune tient à la main un mouchoir de couleur sombre qu’elle tortille avec toute espèce de contorsions et agite dans

WïWiŒlMJMfflŒ

96. — Pleureuses égyptiennes sur la barque funéraire. D’après Wilkinson, Ibid., pi. Lxvii.

les Orientaux, la douleur a toujours été fort démonstrative. En Egypte, par exemple, « les enterrements n'étaient pas, comme chez nous, de ces processions muettes où la douleur se trahit à peine par quelques larmes furtives ; il leur fallait du bruit, des sanglots, des gestes désordonnés. Non seulement on louait des pleureuses à gages qui s’arrachaient les cheveux, chantaient des complaintes et simulaient par métier

la direction du corps, comme si elle voulait l’asperger des larmes que le tissu est censé avoir essuyées. Ce sont des pleureuses de profession, louées pour la circonstance ». Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 165-166. — Les pleureuses n'étaient pas inconnues chez les anciens Israélites. On s’y lamentait sur les morts. III Reg., xiii, 30. Voir Deuil, t. ii, col. 1397. Les chanteurs et les chanteuses firent entendre leurs 467

PLEUREUSES

PLOMB

lamentations sur Josias. II Par., xxxv, 25. Dans sa prophétie sur la ruine de Jérusalem, Jérémie, ix, 17-20, écrit :

Pensez à commander les pleureuses, qu’elles viennent !

Envoyez chez les plus habiles, qu’elles viennent !

Qu’elles se hâtent, qu’elles entonnent sur nous des lamenta Que les larmes coulent de nos yeux…. [tions,

Enseignez à vos tilles une lamentation,

Que chacune apprenne à sa compagne un chant de deuil,

Car la mort est montée par nos fenêtres…

aoXli, (lentes et ejulantes mutlum, des pleureuses qui se lamentaient beaucoup. Malth., ix, 23 ; Marc, v, 38 ; Luc, viii, 52. Quand Notre-Seigneur dit que la jeune fille dormait et n'était pas morte, toutes ces personnes à gages, musiciens et pleureuses, se moquèrent de lui, en comptant bien que le salaire attendu ne leur ferait pas défaut. Ces manifestations bruyantes de la douleur frappaient les enfants, qui les imitaient dans leurs jeux et disaient à leurs camarades : « Nous avons chanté

97. — Pleureuses égyptiennes dans une scène de sépulture. D’après Wilkinson, op. cit., t. iii, pi. 69.

Cf. Eccle., xiii, 5 ; Eccli., xxxviii, 16 ; Jer., xxii, 18 ; xxxi, 15 ; xxxiv, 5 ; Am., v, 16. Sur les complaintes des

98. — Pleureuses gagées. Sarcophage représentant les funérailles de Méléagre. D’après Rich, Dict. des anliq., p. 501.

pleureuses, voir t. ii, col. 1397. Sur la ruine de l’Egypte, les filles des nations chanteront une lamentation.

une lamentation et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine, vous n’avez pas pleuré ! » Malth., xi, 17 ; Luc, vu, 32. Cf. Ketuboth, iv, 6 ; Baba Metsia, vi, 1 ; Josèphe, Bell, jud., III, ix, 5. — Il ne convenait pas aux chrétiens de donner à leur deuil une expression aussi exagérée ; saint Paul leur recommande de ne pas s’affliger comme les autres hommes qui n’ont pas d’espérance. I Thes., iv, 13. L'Église a toujours réprouvé les excès du deuil funèbre. Les Romains avaient adopté l’usage des pleureuses gagées (fig. 98), appelées prseficæ, parce qu’elles étaient placées entête des cortèges funéraires. Cf. Aulu-Gelle, xviii, 7, 3. Les chrétiens occidentaux répudièrent toujours le service de ces pleureuses, comme entaché d’idolâtrie. Les Orientaux le conservèreut dans une certaine mesure ; mais les Pères ne manquaient pas de combattre-cet usage. Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., Paris, 1877, p. 241, 280. Une curieuse inscription chrétienne (fig. 99) réprouve les cris poussés sur la tombe des morts. L’inscription grecque est ainsi conçue : « Sperantius, aie bon courage, doux, excellent ; » à gauche de la seconde ligne, on voit un canard portant le mot ANATEC, qui joue sur le latin anates, « canards » ; à droite est un bœuf avec le mot BOYÀEIN. En réunissant les deux mots, on a en grec : ava6îç goieiv, « cesse de beugler », de crier. Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., p. 241. C’est la condamnation des pleureuses et de ceux

qui seraient tentés de les imiter.
H. Lesêtre.

CJTH PANTI€ÏWJ rYkYc xpHcre

99. — Inscription de la custode des reliques de saint Apollinaire. D’après Perret, Catacombes de Rome, m-i ; Paris, t. vi, 1851, pi. lxiii, u. 33.

Ezech., xxxii, 16. — Lorsque le Sauveur arriva chez Jaïre, dont la fille venait de mourir, il y trouva grand tumulte de gens accourus pour les funérailles, entre autres des joueurs de flûte et yWov™ : x « l à). » *irovTmc

PLEURS. Voir Larmes, t. iv, col. 92. '

    1. PLOMB##

PLOMB (hébreu : 'oférëf, en assyrien abâru ; Se tante : aiXiëoc, u.o'), iê80c ; Vulgate : plumbum),

métal d’un blanc bleuâtre qui se ternit facilement, assez malléable, si mou qu’on peut le rayer avec l’ongle, fusible à la température peu élevée de 330° et onze fois et demie lourd comme l’eau. — 1° Le plomb est très commun dans la nature ; mais il ne se présente pas à l’état natif. Le minerai qui le contient en plus grande quantité est la galène, ou sulfure de plomb naturel. On en dégage le métal par divers procédés de calcination. La presqu’île Sinaïtique renferme de nombreux gisements de minerai de plomb ; on en trouvait aussi en Egypte. On s’explique ainsi que, dès le séjour au désert, les Hébreux possédaient différents objets ou ustensiles de plomb. Num., xxxi, 22. Les Phéniciens en recueillaient en Espagne, où abondent les filons de plomb argentifère. Voir Argent, 1. 1, col. 945. Cf. Pline, H. N., iii, 7 ; L. Siret, Orientaux et Occidentaux en Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, octobre 1906, p. 544-545. Ézécbiel, xxvii, 12, dit que Tharsis échangeait le plomb avec Tyr. Le plomb n’avait pas grande valeur, mais était assez usuel en Palestine pour qu’on pût dire que Salomon amassait de l’argent comme du plomb, Eccli., xlvii, 20. Jérémie, vi, 29, 30, pour indiquer que la méchanceté est inséparable de ses compatriotes, fait allusion à l’opération du fondeur de métaux : « Le soufflet est devenu la proie du feu (ou : a soufflé violemment), le plomb est épuisé, on épure, on épure, les méchants ne se détachent pas. Argent de rebut ! dira-t-on. » Le prophète décrit ici l’opération au moyen de laquelle on sépare l’argent des métaux inférieurs auxquels il est mélangé. On fait fondre du plomb dans le creuset et, quand il est fondu, on y ajoute le minerai d’argent. Sous l’influence de la chaleur, au contact de l’air, le plomb se transforme en litharge, qui s’absorbe peu à peu, tandis que l’argent se sépare de toute autre substance et se rassemble au fond du creuset. Voir Creuset, t. ii, col. 1116. Jérémie suppose que, contrairement à l’ordinaire, le plomb a été complètement. transformé et absorbé, sans que l’argent soit sorti de la gangue. Ézéchiel, xxii, 18, 20, compare les Israélites infidèles à des scories et à des métaux communs, fer, cuivre, étain et plomb, que Dieu fera fondre dans le fourneau allumé par sa colère. Ces passages montrent que les Israélites possédaient la science pratique des procédés nécessaires pour le traitement des métaux usuels. Zacharie, v, 7, 8, parle d’un disque de plomb, servant de couvercle à un épha assez large pour contenir une femme. On a trouvé en Palestine des poupées de plomb qui servaient aux pratiques magiques. Voir t. iv, fig. 173, col. 568. — 2° La pesanteur de ce métal fait dire que les Égyptiens se sont enfoncés dans les eaux de la mer Rouge comme le plomb. Exod., xv, 10. Les anciens ne connaissaient pas de métal plus lourd. Eccli., xxii, 17. — 3° Job, xix, 24, parlant de ses paroles d’espérance, fait ce souhait :

Je voudrais qu’avec un burin de fer et du plomb Elles fussent pour toujours gravées dans le roc !

L’auteur sacré fait probablement allusion à une inscription creusée dans le roc avec le burin de fer et dans les lettres de laquelle on a ensuite coulé du plomb. Grâce à ce procédé, l’inscription était plus visible et les lettres sculptées se conservaient mieux. Cf. Renan, Le livre de Job, Paris, 1859, p. 81 ; Frz. Delitzsch, Das Buch Job, Leipzig, 1876, p. 246. Il ne peut évidemment être question d’un burin de plomb, ce métal étant beaucoup trop mou pour servir à cet usage. La Vulgate suppose l’inscription gravée « avec un stylet de fer et une lame de plomb, ou sculptée au burin sur le roc. » Les anciens écrivaient parfois sur des lames de plomb, même des inscriptions assez longues. Cf. Pausanias, ix, 31, 4 ; Pline, H. N., xiii, 21 ; Tacite, Annal., ii, 69, etc. Voir t. ii, fig. 491, col. 1366. Mais le texte hébreu et les Sep tante parlent de plomb, ’eférét, i/oXiëw, et non de lames de plomb, et la contexture même de la phrase exige que le plomb soit ici, non la matière sur laquelle on écrit, mais celle au moyen de laquelle on constitue l’inscription, barzél ve’oférét, avec « le fer et le plomb ». Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 246. On n’a pas retrouvé d’inscription ancienne ayant du plomb coulé dans le creux des lettres. Mais le procédé n’était pas d’invention si difficile qu’il ne pût être employé en certains cas. — 5° Le plomb est encore désigné en hébreu par le mot’ânâk, l’assyrien anaku. Mais ce mot n’est utilisé qu’une fois, Am., vii, 7, 8, pour désigner le fil à plomb. Voir Fil a plomb, t. ii, col. 2244.

H. Lesêtre.
    1. PLONGEURS##

PLONGEURS, oiseaux de l’ordre des palmipèdes, surtout remarquables par leur facilité à plonger pour chercher leur proie dans l’eau. Imparfaitement organisés pour le vol ou la marche, ils mènent une vie presque exclusivement aquatique. Les plongeurs proprement dits ne se rencontrent guère que dans les mers des climats froids. Aussi n’en est-il pas fait mention dans la Sainte Écriture. — Mais on trouve en Palestine d’autres oiseaux qui se nourrissent de poissons et plongent adroitement pour saisir leur proie. Tels sont les martins-pêcheurs, passereaux de l’espèce ceryle rudii, qui pèchent de petits poissons dans les lagunes d’eau douce, ou de l’espèce alcyon smyrnensis, qui plongent dans le Jourdain avec un agilité surprenante. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 429, 448, 463. À la mer Morte et surtout au lac de Tibériade vivent par myriades des échassiers macrodactyles appelés grèbes huppés, podiceps cristatus. Ces oiseaux, longs d’environ m 50, portent au sommet de la tête une double huppe qui leur donne un aspect très gracieux, avec leur cou long et mince. Ils nagent presque complètement plongés dans l’eau et ne peuvent être atteints qu’à la tête. Extrêmement sauvages, ils s’enfoncent à la moindre alerte. De leur long bec, ils aiment à enlever les yeux des poissons, surtout des chromis, dont beaucoup errent ensuite aveugles à travers les eaux du lac. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 432, 510. Ces oiseaux ont été sûrement connus des anciens Hébreux ; mais ils étaient beaucoup trop inaccessibles pour que le législateur songeât à parler d’eux au point de vue de l’alimentation. Peut-être les assimilait-on au

porphyrion. Voir Porphyrion.
H. Lesêtre.

P LUIE, eau qui se déverse des nuages sur la terre en globules plus ou moins volumineux. La pluie tombe quand les gouttelettes liquides qui composent un nuage deviennent trop lourdes pour rester en suspension dans l’atmosphère. C’est ce qui arrive quand, par suite du refroidissement de l’air ou du transport du nuage dans des régions à plus basse température, de nouvelles quantités de vapeur viennent se condenser à la surface des gouttelettes déjà formées. D’autres fois, un fort ébranlement de l’air, comme celui qui résulte des décharges de la foudre, suffit pour déterminer la résolution d’un nuage en pluie. Voir Nuage, t. iv, col. 1710.

I. Les noms de la pluie. — La pluie est désignée en hébreu par treize noms différents, ce qui indique l’importance qu’on attachait en Palestine à ce phénomène météorologique. Ces noms sont les suivants : mâtàr, ieiô ; , pluvia ; — ge’Sétn, Ctté ; , pluvia, « averse » ; — gosém, ûetôç, compluta est ; — metar-géSém, ûst<î « yeipiepivô ?, « puie d’hiver », pluvia imbrà, « grosse puVe « ; — géséni-mitrôt, -/etpwv ûtré ; , hiemis pluvia, « pluie d’hiver » ; — zérém, vctôc, pluvia ; — sagrîr, mayâve ; , « gouttes », perstillantia ; — zarzîf, oxa-fâtsç, stillicidia ;

— sâfîah, OSata Oîrua, « eaux inférieures », alluvio ; — rebibim, viçetoi ; , « pluie », stillse ; — se’irim, 6V6pos, imber ; — yôréh, istiç irpciïjioç, pluvia temporanea, « première pluie » ; — môréh, veto ? Kpt£ïy.oç, pluvia

matutina, « première pluie » ; — nialqôs,-jetôç o<]/iu.oç, pluvia serotina, « arrière-pluie » ; — sefàv, « temps de pluie », ûstii ; , imber. Dans le Nouveau Testament, les mots qui désignent la pluie sont 'jtzàt, pluvia, et 6po-/r, seulement dans Matth., vii, 25, 27.

II. La pluie en général. — 1° la pluie est beaucoup plus appréciée dans les climats très chauds que dans les nôtres ; elle l’est encore davantage dans les régions où font défaut, les rivières et les moyens naturels ou artificiels d’irrigation. Aussi les auteurs sacrés parlentils de la pluie comme d’un grand bienfait de Dieu.

Qui a ouvert des canaux aux ODdëes…

Afin que la phiie tombe sur une terre inhabitée,

Sur le désert où il n’y a point d’hommes,

Pour qu’elle arrose la plaine vaste et vide,

Et y fasse germer l’herbe verte !

La pluie a-t-elle un père ?

Job, xxxviii, 25-28. C’est Dieu qui verse la pluie sur la terre, Job, v, 10, par le moyen des nuées qui se vident, Eccle., xi, 3. C’est lui qui commande aux ondées et aux averses, Job, xxxvii, 6 ; Jer., x, 13 ; li, 16, qui fait les éclairs et la pluie, Ps. cxxxv (cxxxiv), 7, qui donne des lois à la pluie, Job, xxviii, 26, de manière qu’elle vienne en temps propice. Act., xiv, 16.

IVattire les gouttes d’eau

Qui se répandent en pluie par leur propre poids ;

Les nuées la laissent couler,

Et en versent les ondées sur le3 hommes.

Job, xxxvi, 27, 28. Et qui peut compter les gouttes de pluie ? Eccli., i, 2. Dieu accorde la pluie à tous sans distinction, bons et mauvais. Matth., v, 45. Mais les idoles seraient bien incapables d’en donner. Jer., xiv, 22 ; Bar., vi, 52. Aussi la pluie est-elle invitée, comme toutes les autres créatures, à bénir le Seigneur. Dan., vi, 64. — 2' La pluie est un élément de fécondité pour le sol. ; < La pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas, qu’elles n’aient abreuvé et fécondé la terre et ne l’aient couverte de verdure, qu’elles n’aient donné la semence au semeur et le pain à celui qui mange. » ls., lv, 10 ; cf. xxx, 23. Après la pluie, le soleil vient et l’herbe sort de terre. Gen., ii, 5 ; II Reg., xxiii, 4. Cf. Ps. cxlvii (cxlvi), 8. La pluie fait aussi croître les arbres. Is., xliv, 14. « Lorsqu’une terre, abreuvée par la pluie qui tombe souvent sur elle, produit une herbe utile à ceux pour qui on la cultive, elle a part à la bénédiction de Dieu. » Heb., vi, 7. — 3° Quelquefois la pluie a des effets désagréables ou nuisibles. À travers la couverture mal close, elle forme des gouttières qui coulent dans la maison. Prov., xxvii, 15. Au dehors, il faut une tente pour s’abriter contre elle. Is., tv, 6. Il y a des malheureux qui passent la nuit sans vêtement ; la pluie des montagnes les pénètre, alors même qu’ils cherchent à se blottir contre un rocher. Job, xxiv, 8. La pluie fait écrouler les murs mal bâtis. Ezech., xiii, 11, 13 ; Matth., vii, 25, 27. Elle peut tomber en torrents dévastateurs. Ezech., xxxviii, 22. C’est ce qui arriva en particulier au déluge. Gen., vu, 12 ; viii, 2.

III. Le régime pluvial en Palestine. — 1° Le pays que Dieu donna aux Israélites était un « pays de montagnes et de vallées, qui est arrosé par la pluie du ciel ». Deut., xi, 11. En cela, il différait totalement de l’Egypte. La Palestine, en effet, n’a pas à compter sur les rivières pour arroser le sol. Les torrents qui descendent des collines vers le Jourdain ou vers la Méditerranée sont eux-mêmes taris pendant la saison sèche. C’est donc de la pluie seule qu’il faut attendre l’irrigation des terres. Elle tombe d’ailleurs en Palestine avec une régularité remarquable. Elle commence à apparaître ea octobre et cesse tout à fait avec le mois de mai. À Jérusalem, les jours de pluie sont en moyenne de 1 */g en octobre, 5 ! /2 en novembre, 9 en décembre,

10 en janvier, 10 1/2 en février, 8 l /t en mars, 5 ï/j en avril, 1 1/2 en mai. Cf. Socin, Pàlâstina und Syrien, .Leipzig, 1891, p. 35 ; . Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 8-40 ; 1892, p. 50-71 ; Zeitschrift des deutschen Palàslina-Vereins, t. xiv, 1891, p. 93-112. Il ne se produit que des variations légères daus la distribution de ces jours pluvieux. La même règle s’applique à peu près à tout l’ensemble du pays. Il tombe moins de pluie cependant du côté de Gaza, et surtout dans la vallée encaissée du Jourdain. La hauteur de pluie qui tombe dans l’année et de 1M0 à 2 ra 12, en moyenne de l m 60, alors que la moyenne est del m 50 à la surface du globe. Cette pluie alimente les sources et servait autrefois à remplir les citernes. Il est probable que, quand la Palestine était plus boisée et plus cultivée qu’aujourd’hui, les pluies étaient encore plus abondantes. La fraîcheur entretenue par la végétation déterminait la précipitation de nuages qui passent maintenant sans rien donner ou dont la pluie s'évapore dans une atmosphère desséchée, avant d’avoir touché le sol. La dénudation du pays a un autre inconvénient. Au lieu d'être arrêtée par les cultures et de pouvoir pénétrer à l’intérieur d’un sol ameubli, la pluie ruisselle à la surface et les trois quarts en sont perdus, ne produisant d’autres effets que des ravinements dévastateurs. Ce sont les vents d’ouest et de sud-ouest qui amènent la pluie en Palestine. III Reg., xviii, 44 ; Luc, xii, 54. Le vent du nord souffle assez rarement ; il se sature d’humidité sur les sommets du Liban et de l’Anti-Liban et amène aussi de la pluie. Prov., xxv, 23. 2° Les Israélites distinguaient deux pluies, la première pluie, yôréh ou môréh, pluvia temporanea, et l’arrière ou dernière pluie, malqôs, pluvia serotina. Deut., xi, 14 ; Jer., iii, 3 ; v, 24 ; Joël., 11, 23 ; Jacob., v, 7. Cf. Schebiith, ix, 7 ; Nedarim, viii, 5, etc. La première pluie commençait à tomber en octobre et devenait plus fréquente en novembre. C’est elle qui ameublissait le sol et permettait le travail préparatoire aux semailles. À son défaut, « à cause du sol crevassé, parce qu’il n’y a pas eu de pluie sur la terre, les laboureurs sont confondus. » Jer., xiv, 4. Cette première pluie manquait rarement ; il fallait des sécheresses exceptionnelles pour qu’on - en fût totalement privé. III Reg., xvii, 1. Dans les derniers temps avant l'ère chrétienne, le sanhédrin ordonnait des jeûnes répétés, quand cette pluie tardait encore en novembre et surtout en décembre. Voir Jeûne, t. iii, col. 1531. — La période qui va du commencement àe décembre à la îin de février est la saison des pluies. Elle compte une trentaine de jours pluvieux, sur les cinquante-deux jours de pluie habituels à la Palestine, Le neuvième mois, correspondant à décembre, est signalé pour son caractère pluvieux. I Esd., x, 9, 13. Pendant ce mois, à la fête de la Dédicace, Notre-Seigneur était obligé de s’abriter dans le Temple sous le portique de Salomon, à cause des intempéries. Joa., x, 22, 23. Cette saison n’avait pas d’importance spéciale au point de vue agricole. Cependant des pluies trop continues empêchaient la, maturation de l’orge ou mettaient les chemins hors de service. Cf. Matth., xxiv, 30 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, xv, 12. En pareil cas, on retardait la Pàque d’un mois, en ajoutant au douzième mois de l’année. le mois intercalaire de veadar. Voir. PIque, t. iv, col. 2098. — La seconde pluie venait en mars et en avril. C’est elle qui arrosait les céréales déjà en herbe et facilitait leur croissance. De son abondance dépendaient la quantité et la [qualité de la moisson. Aussi était-elle attendue avec anxiété. Job, xxix, 23 ; Prov., xvi, 15 ; Jer., iii, 3 ; Ezech., xxxiv, 26 ; Ose., vi, 3 ; Zach., x, 1. M. Yigouroux, dans la Revue biblique, 1894, p. 440, raconte comment il fut, en Palestine, « témoin des souhaits que tout le monde répétait sans cesse, pour obtenir cette « pluie « tardive » qui avait fait jusque-là défaut. Et, en effet,

les récoltes commençaient à sécher dans les champs, les citernes tarissaient et les accapareurs cachaient le blé. Aussi, quand la pluie est tombée en abondance, la joie a été universelle ; ceux-là même dont les projets de voyage étaient ainsi renversés, ou qui rentraient chez eux trempés jusqu’aux os, bénissaient ce don de Dieu, qui apportait avec la fertilité la seule eau qu’on ait pour boire dans la plus grande partie du pays. » Cette pluie n’était pas toujours régulière. « Je vous ai retenu la pluie alors qu’il y avait encore trois mois avant la moisson… ; une terre était arrosée par la pluie, et une autre, sur laquelle il ne pleuvait pas, se desséchait. » Am., iv, 7. Il ne fallait pas pourtant que cette pluie fût trop violente ; car alors elle renversait les épis et causait la disette. Prov., xxviii, 3. — En mai, la pluie cessait complètement. Cant., ii, 11. Elle était aussi insolite pendant la moisson, c’est-à-dire à partir de la seconde quinzaine de mai, que la neige en été. Prov., xxvi, 1. C’est pourquoi Samuel donne comme une marque certaine de l’intervention divine la pluie qu’il obtient à l’époque de la moisson. 1 Beg., xii, 17, 18. — Cf. Tristram, The natural History af Ihe Bible, Londres, 1889, p. 31-33. — Du milieu de mai au milieu d’octobre, la pluie ne tombe plus en Palestine. Ed. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2e édit., 1856, 1. 1, p. 428 T 431.

IV. Caractère providentiel de la pluie pour les Hébreux. — 1° « Si vous gardez mes commandements et les mettez en pratique, j’enverrai vos pluies en leur saison ; la terre donnera ses produits et les arbres des champs donneront leurs fruits. » Lev., xxvi, 3, 4. Telle est la convention établie dès l’origine entre Dieu et son peuple. Elle est rappelée dans le Deutéronome, xi, 14, 17 : Que les Israélites soient fidèles, la première et la seconde pluie viendront à leur heure, et, en conséquence, le blé, le viii, l’huile et le fourrage abonderont. Qu’ils soient infidèles, Dieu « fermera le ciel et il n’y aura plus de pluie », par conséquent, plus de récoltes. Dieu leur enverra de la poussière au lieu de pluie. Deut., xxviii, 24. II n’est point dit que Dieu ait toujours appliqué à la rigueur les termes de la convention et proportionné le bienfait de la pluie au degré de fidélité des Israélites. Dans leur histoire, en effet, il est beaucoup plus souvent question de transgressions et d’apostasies que de sécheresse et de disettes. Néanmoins, en plusieurs circonstances, le châtiment annoncé suivit les fautes. — 2° À la consécration du Temple, Salomon demanda au Seigueur d’oublier les péchés àe.set » çeyfA « . et. de lui accorder la pluie, III Reg. ; vni, 36, quand ce peuple se repentirait sincèrement et viendrait dans le Temple implorer son Dieu. II Par., vi, 26, 27. Le Seigneur daigna répondre qu’il en serait ainsi. IIPar., vii, 13, 14. —3° Le prophète Élie fut chargé d’aller dire à l’impie Achab, roi d’Israël : « Il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole. » III Reg., xvii, 1. La prophétie s’accomplit, et la famine fut la conséquence de la sécheresse. Nulle part même on ne trouvait d’herbe pour la nourriture des animaux, qu’on était obligé d’abattre. III Reg., xviii, 5. Sur l’ordre du Seigneur, Éiie se présenta de nouveau devant. Achab, et, après avoir confondu et fait périr les prophètes de Baal, il annonça la pluie, qui en effet fut amenée par des nuages venus du côté de la mer et tomba abondamment. III Reg., xviii, 41-45 ; Jacob., v, 18. — 4° Isaïe, v, 6, comparant Israël à une vigne stérile, dit que le Seigneur commandera aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur elle. David avait déjà appelé la même malédiction sur les monts de Gelboé, témoins de la mort de Saûl. II Reg., i, 21. Jérémie, v, 24, 25, s’adresse en ces termes à ses compatriotes impies : « Ils ne disent, pas dans leur cœur : Craignons Jéhovah notre Dieu, lui qui donne la pluie, celle de la première saison et celle de l’arrière-saison,

et qui nous garde les semaines destinées à la moisson. ; Ce sont vos iniquités qui ont dérangé cet ordre, ce sont vos péchés qui vous privent de ces biens. » Amos, iv, 7, 8, fait une remarque analogue. Zacharie, ; xiv, 17, 18, annonce que la pluie fera défaut en Palestine et en Egypte, si les familles de ces pays ne sont : pas représentéesà Jérusalem pour la fête desTabernacles. : Cette fête se célébrait les derniers jours de septembre et les premiers jours d’octobre, par conséquent à la veille de la première pluie. La pluie est tout à fait exceptionnelle en Egypte. Deut., xi, 10, 11. Cr. Hérodote, m, 10. Mais les pluies abondantes des régions qui alimentent le Nil peuvent faire plus ou moins défaut, et l’inondation du fleuve n’être plus suffisante pour arroser et féconder le pays. "Voir Irrigation, t. iii, col. 926. Les Septante ont supprimé dans ce passage la mention de la pluie et ne parlent que d’un tléau, itTùot ; . — 5° Les deux témoins que Dieu envoie sur la terre pour parler et agir en son nom « ont la puissance de fermer le ciel pour empêcher la pluie de tomber durant les jours de leur prédication ». Apoc, xi, 6.

VI. Comparaisons. — 1° À cause de son rôle si bienfaisant en Palestine, les écrivains sacrés comparent à la pluie l’enseignement de la loi et de la sagesse. Deut., xxxii, 2 ; Job, xxix, 23 ; la miséricorde divine, Eccli., xxxv, 26 (19), et la faveur du roi. Prov., xvi, 15. — 2° La venue du Messie sera pour le monde comme une pluie bienfaisante et féconde.

Qu’il descende comme la pluie sur le gazon, Comme l’ondée qui arrose la terre 1 Qu’en ses jours le juste fleurisse, Avec l’abondance de la paix !

Ps. lxxii (lxxi), 6. Isaïe, xlv, 8, dit aussi :

Cieux, répandez d’en haut votre rosée, Et que les nuées fassent pleuvoir la justice ! Que la terre s’ouvre et produise le salut, Qu’elle fasse germer la justice en même temps !

Israël espère que Dieu viendra à lui, « comme la pluie tardive qui arrose la terre. » Os., vi, 3. — 3° Par assimilation, on dit que Dieu fait pleuvoir la grêle, Exod., IX, 18, 23 ; le feu du ciel, Gen., xix, 24 ; Ezech., xxxviii, 22 ; Luc, xvii, 29 ; sa colère, Job, xx, 23 ; les pièges sur les pécheurs, Ps. xi (x), 7 ; la manne et les cailles du désert. Exod., xvi, 4 ; Ps. lxxv (lxxiv), 24, 27.

H. Lesêtkb.

1. PLUME (hébreu : nôçâh, sis ; Septante : xrspév ; "Vulgate : pluma), produit épidermique, de nature plus compliquée que le poil des mammifères, et qui sert à recouvrir le corps des oiseaux. — Quand le prêtre offrait un sacrifice d’oiseaux, il devait jeter de côté le jabot et nosatdh. Lev., i, 16. On fait ordinairement venir nosdh de î/â{râ’, « sortir », et on lui donne le sens d’  « impureté, excrément ». Mais en s’en tenant à la leçon du Samaritain, et à la traduction des Septante, de Symmaque, de Théodotion et de la Vulgate, on doit traduire par « plume ». Nô§âh a le sens de plume, Job, xxxix, 13 ; Ezech., xvii, 3, 7. Il est certain d’ailleurs qu’avant de porter un oiseau sur l’autel, on le déplumait. Cf. Sebachim, vi, 2 ; Siphra, ꝟ. 67, 1. — Jérémie, xlviii, 9, dit à propos de Moab :

Donnez la plume à Moab, car en s’envolant il fuira, Ses villes seront dévastées et dépeuplées.

Ici, le mot qui désigne la plume, prise pour les ailes, est sss. Or, ce mot a plusieurs significations. C’est d’abord le nom de la lame d’or du grand-prêtre, ce qui fait que les Septante le traduisent par <rrçu.sïa, « signes », et le Chaldéen par « couronne », la lame d’or étant comme la couronne du grand-prêtre et le signe de sa dignité. Exod., xxviii, 36-38. Le mot gif veut aussi dire « Jleur », Job, xiv, 2, traduction admise par Aquila et la Vulgate, tandis que Symmaque le rend par « germe ». Pour, continuer la métaphore, la Vulgate fait venir le verbe suivant nâjo’de nus, « fleurir », et traduit : « Donnez une fleur à Moab, car il sortira florissant, » ce qui concorde peu avec le vers suivant. En réalité, nâso’vient de nâsâ’, « voler », etyiya ici le sens déplume. Jérémie semble s’inspirer d’un passage d’Isaïe, xvi, 2, également contre Moab :

Comme des ofseaux fugitifs,

Comme une nichée que l’on disperse,

Telles seront les filles de Moab.

Voir Aile, t. i, col. 311. — Ézéchiel, xvii, 3, 7, représente le roi de Babylone comme un grand aigle, « couvert d’un plumage, nosâh, aux couleurs variées, » et, le roi d’Egypte comme un aigle aux « nombreuses plumes ». Dans ces deux passages, les Septante traduisent par ovules, « serres ». Ici le sens du mot nôsah-, correspondant à l’assyrien nâsu, n’est point douteux. Dans Job, xxxix, 13, il est dit que l’aile de l’autruche n’est ni (celle de) la cigogne, ni nosâh, « la plume » qui vole. Les Septante reproduisent le mot sans le traduire : véa-oo. La Vulgate traduit par « épervler », en faisant probablement venir nosâh du miphal nissâh, « se

disputer », d’où oiseau de proie.
H. Lesêtre.

2. PLUME À ÉCRIRE. Voir CA.LAMK, t. ii, col. 50.

    1. PLUVIER##

PLUVIER (Septante : x « pao"p « > ;  ; Vulgate : charadrion, charadrius), oiseau de l’ordre des échassiers, à bec long et renflé à l’extrémité, habitant le voisinage des eaux et se nourrissant d’insectes aquatiques et d’annélides. Les pluviers vivent en troupes et voyagent ensemble quand ils émigrent d’Afrique usque dans le nord de l’Europe (fig. 100). Ils sont nombreux dans la

100. — Le pluvier.

Basse Egypte. — Les Septante et la Vulgate, Lev, , xi, 19 ; Deut., xiv, 18, traduisent par « pluvier » le mot’ândfâh, qni désigne beaucoup plus probablement le héron. Voir Héron, t. iii, col. 654. Les pluviers ne sont pas nommés parmi les échassiers qui fréquentent les bords des lacs palestiniens. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 526, 543. Le législateur hébreu n’a donc

pas eu à s’occuper d’eux.
H. Lesêtre.
    1. POCOCKE Edward##

POCOCKE Edward, théologien anglican, l’un des plus célèbres orientalistes de la Grande Bretagne, né le 8 novembre 1604 à Oxford, mort dans cette ville le 10 septembre 1691. Après avoir fait ses études dans sa ville natale, où il étudia surtout les langues orientales et reçut les ordres anglicans, il fut nommé, en 1630, chapelain de la factorerie anglaise à Alep et y séjourna

six ans. En 1636, Land, archevêque de Cantorbéry, fonda en sa faveur une chaire d’arabe à l’université d’Oxford. Il ne put professer qu’en 1647, après de nombreuses difficultés. Pocock se servit de ses études orientales principalement pour l’intelligence des Écritures. Il fut un des principaux collaborateurs de la Polyglotte deWalton.En 1655, il publia, in-4°, à Oxford, sa Porta Mosis, contenant six discours arabes, imprimés en caractères hébreux, des commentaires de Moïse Maimonide sur laMischna, avec une traduction anglaise et des notes. Ce fut le premier ouvrage publié par la presse hébraïque d’Oxford. Outre plusieurs autres publications orientales, on lui doit Commentary on the Prophéties of Micah and Malachi, 1677 ; Horea, 1685 ; Joël, 1691. Ces divers ouvrages ont été réunis dans ses Theological Works, 2 ih-8°, Londres, 1740, en tête desquelles on trouve une biographie de l’auteur. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 352 ; S. Lee, Oictionary of national Biography, t. xlvi, 1896, p. 7-12.

    1. PODAGRE##

PODAGRE, maladie de la goutte, affectant spécialement les pieds. — La goutte est une maladie qui envahit l’organisme entier et se présentée l’état tantôt aigu et tantôt chronique. Elle se déclare d’ordinaire entre 25 et 55 ans et atteint plus souvent les hommes que les femmes. Ses causes les plus fréquentes sont les excès de table, la vie molle et sédentaire, le défaut d’exercice, quelquefois l’impression d’un froid humide, la suppression de la transpiration, etc. La goutte se manifeste par une douleur subite et très vive au gros orteil, ou plus rarement au cou de pied, au genou, à la main. La douleur augmente et finit par devenir intolérable. L’accès dure plusieurs jours et se renouvelle à intervalles irréguliers ; puis, les périodes de souffrance se multiplient et se prolongent ; des nodosités et des concrétions d’urates et de phosphates calcaires se forment dans les articulations et en rendent les mouvements difficiles ou même impossibles. On appelle podagre la goutte qui s’attaque aux pieds, chiragre celle qui atteint les mains, etc. La goutte se traite surtout par des soins hygiéniques, exercice, sobriété, régularité de vie, frictions, séjour dans les climats chaudset secs, etc. — Il est racontédu roi Asa que hàlâh’ét-raglâv, È7rov, e<7£ toùj TtôSaç oûtoî, doluit pedes, III Reg., xv, 23 ; yéhélé’beraglâv, èu.aXaxi<rây] toùç TiôSaç, cegrotavit dolore pedum. II Par., xvi, 12. Il fut malade des pieds, et, suivant ce qu’ajoute ce dernier texte, il en arriva à éprouver de grandes souffrances. Le mal se déclara la trente-neuvième année du règne d’Asa ; il dura par conséquent de deux à trois ans, puisque le roi mourut la quarante et unième année. II Par., xvi, 12, 13. Le texte sacré ajoute qu’au lieu de chercher Jéhovah, sans doute pour en obtenir sa guérison, il s’adressa aux médecins. Ceux-ci n’arrivèrent ni à le guérir ni à le soulager beaucoup. On s’accorde généralement à reconnaître la goutte dans la maladie si succinctement décrite ; sa localisation, les souffrances qu’elle occasionna, son prolongement sont des caractères propres à la goutte. Il est probable qu’à un moment elle remonta jusqu’à un organe essentiel, le cœur ou le cerveau, et entraîna ainsi la mort. L’ancienne médecine ne possédait pas de spécifiques sérieux contre ce mal. Lucien, Tragopodagra, 173, indique comme remède contre la podagre un exorcisme fait par un Juif. — Il y a peut-être, dans plusieurs autres textes, quelque allusion à la goutte qui paralyse les genoux, Job, IV, 4, et à celle qui atteint à la fois les genoux et les mains. Eccli., xxv, 32 ; Is., xxxv, 3 ; Heb., xii, 12. — Cf. W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 148.

H. Lesêtre.
    1. POÊLE##

POÊLE (hébreu : maliâbaf, masrêf ; Septante : T)JYavov> Vulgate : sartago), instrument qui sert à faire

frire sur le feu des gâteaux ou des mets analogues. La poêle était en métal et ne consistait guère que dans une simple plaque avec ou sans rebords (fig. 101).

— On faisait frire sur la poêle des gâteaux de fleur de farine destinés aux oblations. Lev., ii, 5 ; vi, 21 ; viꝟ. 9. Ces gâteaux étaient ordinairement mélangés d’huile, ce qui leur permettait de se détacher facilement du métal. Dans le Temple, il y avait des lévites chargés de veiller sur les gâteaux cuils à la poêle, I Par., ix, 31 ; xxiii, 29. — Chez son frère Amnon-Thamar fit cuire des gâteaux, puis prit la poêle et les versa. II Reg., xiii, 9. Le mot mairêÇ n’apparaît que dans ce passage. Le mot mafyâbaf n’est pourtant pas réservé pour les poêles du Temple. — Ezéchiel, iv, 1-3, reçut l’ordre de tracer sur une brique un plan de Jérusalem et de construire autour l’appareil d’un siège, puis de prendre une poêle de fer et de la placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont il figurait l’assiégeant. Cette poêle de fer, ainsi interposée, signifiait que Dieu, le véritable assiégeant, ne voulait plus ni voir ni entendre Jérusale iii, dont le

101. — Poêle à frire, trouvée à Pompéi. D’après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 556.

sort était irrévocablement fixé et la ruine décidée. Dans la réalité, la poêle de fer représentait ici les péchés d’un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible. Isaïe, lix, 2, avait en effet déjà dit : « Ce sont vos iniquités qui ont mis une séparation entre vous et votre Dieu, ce sont vos péchés qui vous ont caché sa face pour qu’il ne vous entendît pas. » Cf. Lam., iii, 44. — Pendant la persécution d’Antiochus Épiphane, le premier des sept frères, d’abord affreusement mutilé, fut placé sur une poêle pour y être rôti, et la vapeur de la poêle se répandit au loin. II Mach., vii, 3-5.

H. Lesêtre.

POÉSIE HÉBRAÏQUE. Sur le caractère général de la poésie hébraïque et sur les caractères particuiiers qui la distinguent, parallélisme, vers, strophe, voir Hébraïque (Langue), t. tu, col. 487-492

1° Origine babylonienne de la poésie hébraïque. — Le parallélisme n’est pas une invention des Hébreux, on le trouve dans de très anciens poèmes babyloniens et même égyptiens, quoique moins régulier dans ces derniers. Eb. Schrader, Semilismus und Babylonismus, dans les Jahrbucher fur proteslantische Théologie, 1. 1, 1875, p. 121 ; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. viii, p. 121 ; t. x, p. 1 ; W. Max Mùller, Die Liebespoesie der alten Aegyyler, 1899, p. 10. La littérature assyrienne offre même des exemples de poèmes alphabétiques. Proceedings of the Society of Biblical Archseology, t. vii, 1895, p. 135-151. C’est donc de leur patrie primitive que les Hébreux avaient emporté, pour ainsi dire, leur moule poétique. Leurs ancêtres avaient connu, là aussi, leur principal genre poétique, la poésie lyrique, et l’on a pu donner le nom de psaumes à des poèmes babyloniens qui par leur ton, leur tour et leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux chants du Psautier, dont ils diffèrent peu pour la forme, quoiqu’ils en différent totalement par la doctrine théologique. — Ni les Assyriens ni les Hébreux n’eurent l’idée du draine proprement dit. — L’antique Babylonie eut des poèmes épiques, tels que le poème de Gilgamès, mais

les Israélites n’ont jamais utilisé cette forme de poésie. L’Écriture contient snrtout des poèmes lyriques. Pour les différents noms qu’on leur donnait, voir Psaumes.

— Avec la poésie lyrique, , la poésie gnomique ou didactique, mâîal, fut la plus cultivée chez les Hébreux. Voir Proverbes.

2° Usage de la poésie chez les Hébreux. — Comme chez tous les peuples, dès la plus haute antiquité, les Hébreux eurent recours à la poésie pour exprimer leurs joies et leurs peines, les événements heureux et les deuils de la vie privée ou de la vie publique. Le plus ancien morceau poétique que renferme la Bible est relatif à l’histoire de Lamech. Gen., iv, 23-24. Moïse chante le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-21 ; Débora, la victoire de Barac et la défaite de Sisara, Jud., v, etc. Cf. I Reg., xviii, 7 ; Jud., xv, 16 ; Num., xxi, 27-30 ; Jos., x, 12. Noé, Gen., ix, 25-27 ; Jacob, Gen., xlix ; Moïse, Deut., xxxiir, bénissent leurs enfants ou leur peuple en un teslament poétique. David déplore dans une élégie d’un lyrisme achevé la mort de Saùl et de Jonathas, II Reg., i, 18-27 ; Jérémie, dans ses touchantes’Lamentations, les malheurs de son peuple emmené en captivité. Cf. II Reg., iii, 33 ; Jud., xi, 40. La poésie comme la musique égayait lès festins. Is., v, 12 ; xxtv, 9 ; Amos, vj, 5 ; Jud., xiv, 14, 18, etc. La découverte d’une source fournissait matière à un chant. Num., xxi, 17-18. On célébrait aussi par des chants poétiques la moisson et les vendanges. Jud., rx, 27. Voir Chanson, t. ii, col. 551. Mais les Hébreux composaient surtout des chants religieux et leur poésie est avant tout religieuse. Le Psautier en est la preuve ; aucun autre recueil poétique ne peut lui être comparé pour l’élévation des sentiments, la profondeur de la piété, l’éclat du lyrisme, l’union intime du poète avec Dieu, Les livres des prophètes nous offrent une plus grande variété de formes poétiques que les Psaumes, mais c’est le même sentiment religieux qui s’y manifeste.

Les chants sacrés, avec accompagnement de musique, furent un des éléments principaux du culte rendu à Dieu par les Israélites. Voir Chant sacré, t. ii, col. 553 ; Chantres du temple, col. 556 ; Musique, iii, t. iv, col. 1319. C’est aux Hébreux que l’Église chrétienne a emprunté avec les Psaumes, l’usage de la psalmodie et du chant liturgique.

3° Technique de la poésie hébraïque. — 1. La poésie hébraïque, comme toutes les poésies, se distingue de la prose par l’assujettissement à des règles spéciales qui consistent surtout dans le rythme et dans la mesure. Un poème doit briller par ! e choix des pensées, la beauté des figures, le mouvement, la couleur et l’éclat du style, mais toutes ces qualités peuvent exister dans la prose ; ce qui constitue proprement te poème en tant qu’œuvre d’art, c’est en général, la métrique ; en hébreu, c’est en particulier le parallélisme, qui par lui-même n’exige pas une mesure rigoureuse et peut se rencontrer à la vérité dans des morceaux qui ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister avec le vers, lequel caractérise par excellence les morceaux poétiques. Les règles de la versification hébraïque ne nous sont pas bien connues, mais l’existence du vers hébreu n’en est pas moins certaine. Les poèmes hébreux sont aussi souvent divisés en strophes.

2. Outre ces caractères généraux, on peut signaler dans la poésie hébraïque, a) l’emploi de mots, de formes grammaticales et de tournures qui lui sont propres, comme dans toutes les langues ; — b) les poèmes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque série parallèle commence par une lettre de l’alphabet, selon son ordre alphabétique. Voir Alphabétique (Poème), t. i, col. 416 ; — c) la rime ou répétition du même son à une place déterminée du vers. L’emploi de la rime dans la poésie rabbinique est fréquent, mais son usage régulier ne paraît pas antérieur au 479 poésie hébraïque — poétiques (livres) de la bible 480

vu » siècle de notre ère. On ne la rencontre donc qu’accidentellement dans l’ancienne poésie hébraïque. La langue des Hébreux, par la sonorité des finales de ses mots et de ses flexions, fournit à la rime des ressources abondantes et le poète est amené tout naturellement à s’en servir et à répéter, sans les chercher, les mêmes terminaisons qu’il emploie nécessairement pour exprimer sa pensée. Il y a donc dans ce qu’il écrit des rimes inconscientes, mais elles sont aussi quelquefois un effet de l’art comme on n’en saurait douter lorsqu’elles réviennent d’une manière régulière et suivie et par conséquent voulue. Ainsi, par exemple, dans les vers suivants de Job, x, 9-18.

Zekor-na kî kahômèr’âêîtânî

Ve’él l dfâr leUbênî.

Hâlô" kékàlâb (afikênî

Vekagbinâh (aqpVèni.

_’Ôr ûbdiâr (albisêni

Uba’àsdmôt vegidîm (eiôkkênî.

Jfayîm vdhéséd’àêîlâ’immâdî

Ûfquddatkâ sâmrâh rûhi.

Ve’élléh sàfantâ bilbâbèka

Yâda’etî kî zô(’immâk, ’Im hâfa’ti usemartànî

Umê’âvôni l’ô penaqqênî.’Im rdsæfi’alelai li

Veiddaqlî l’ô’éssd’r’ôsî

Seba’qâlôn ure’êh’onyî.

Ve-ig’éh kassahal (esûdènî

Vefasob (ilpalld’bi.

TehaddêS’èdêka negdî

Veféréb ka’askâ’immâdî

Biàlifôf vesdbd’'immî.

Velâmmâh mêréljiém hôs’êlànî’Egeva ve’ain l’ô-(ir’êni.

Voir aussi le Ps. vi, dont une grande partie des vers sont rimes.

d) L’assonance, c’est-à-dire la reproduction fréquente du même son, est recherchée par les poètes hébreux. Elle se distingue.de la rime en ce qu’elle n’est pas placée régulièrement à la fin du vers mais arbitrairement à des endroits différents. Dans les 44 vers que contient le chap. v des Lamentations, la syllabe nû est répétée trente-cinq fois ; elle l’est douze fois dans les seize vers de Ps. cxxiv. Elle est autant un artifice de rhétorique qu’un procédé poétique, de même que l’allitération et les jeux de mots, mais tous ces moyens qui piquent l’attention et aident la mémoire du lecteur ou de l’auditeur sont familiers aux poètes d’Israël.

e) L’allitération est la répétition des mêmes lettres ou des mêmes syllabes. Les exemples en sont nombreux : èo’âh umeès’âh, « solitude et désert », qui se lit deux fois dans Job, xxx, 3, et xxxviii, 27, etc. — L’annomination est la répétition des mêmes mots sous des formes différentes ; Isaïe l’affectionne particulièrement.

Hinnèh Yahvéh metaltélqâ.

Taltêlâh gâber ve’ôtkâ’atôh

Çanôf isnofkd senêfdh. Is., xxii, 17-18.

Quant aux paronomases et aux jeux de mots, les poètes hébreux s’y complaisent, lreû rabbîm veîrâ’û. Ps. xl, 4. Veire’û saddiqim veîrd’û. Ps. LU, 8. Vehdyetah td&niyàh vëâniyâh. ls., xxix, 1, etc.’Voir Jevs ce mots, U III, col. 1525. Cf. aussi G. W. Hopf, Allitération, Assonanz, Reim in. der Bibel, in-8°, Erlangen, 1883 ; J. M. Casanowicz, Paronomasia in the old Testament, in-8°, Boston, 1894.

Sur la poésie hébraïque en général, voir l’historique et l’exposé des systèmes anciens et modernes sur la métrique hébraïque dans J. Dôller, Rythmus’, Metrik und Strophik in der biblisch-hebrâischen Poésie, in-8°, Paderborn, 1899 ; Ed. Konig, Stilistik, Rhetorik, Poe tik im Bezug auf die biblische Literatur, in-8°, Leipzig, 1900, p. 346 sq. Sur les strophes en particulier, voir D. H. Mùller, Die Prophetên in ihrer ursprûnglichen Form, 2 in-8°, Vienne, 1896 ; F. Perles, Zur hebraïschen Strophik, Vienne, 1896 ; J. K. Zenner, S. J., Die Chorgesânge im Bûche der Psalmen, 2 in-4°, Fribourg-en-Brisgau, 1896 ; D. H. Muller, Strophenbau und Besponsion, in-8°, Vienne, 1898. Voir aussi H. Grimme, Psalmenprobleme, Vntersuchungen ûber Metrik, Strophen und Pasekdes Psalmenbuches, in-4°, Fribourg (Suisse), 1902. F. Vigouroux.

    1. POÈTE##

POÈTE (grec : 7co ! 7|Tr, s). Ce mot, désignant un écrivain qui a composé des vers, ne se lit qu’une fois dans l’Écriture. Saint Paul, dans son discours de l’Aréopage, cite littéralement à ses auditeurs un vers d’Aratus qui était comme lui originaire de Cilicie. Voir ARATUS, t.l, col. 882. II ne le lui attribue pas d’ailleurs nommément, mais il s’exprime ainsi : « comme l’ont dit quelques-uns de vos poètes. » Act., xvii, 28. Cette manière de parler pourrait ne pas être prise à la rigueur de la lettre et s’entendre d’un seul poète, mais il est vrai que deux autres poètes grecs sont connus comme ayant écrit un vers semblable : ’Ex aov yàp flvo ; lir(ilv, dit Cléanthe, Hynm. in Jov., 15. "Ev àvSpûv, h 6ewv févoç, dit Pindare, Nem., 6. Voir Wetstein, In Act., xvii, 28, Novum Testam. gr., t. ii, 1752, p. 570.

Saint Paul cite aussi un poète Cretois, Tit., i, 12, également sans le nommer ; il l’appelle « un prophète » des Cretois. Voir Epiménide, t. ii, col. 1894. Dans I Cor., xv, 33, il reproduit un vers de la Thaïs de Ménandre, mais sans aucune indication. Voir Ménandre, t. iv, col. 960. Ce sont là les seuls poètes profanes cités dans le Nouveau Testament. — Dans l’Ancien Testament, on ne trouve qu’un mot qui, en hébreu, désigne les poètes en général, et encore ne s’applique-t-il directement qu’à ceux qui composent des mâSâl, poèmes gnomiques, didactiques et satiriques. Les Nombres, XXI, 27, rapportent les vers contre Moab, ꝟ. 27-30, en les attribuant aux môHîm ou poètes. La Vulgate n’a pas traduit ce mot ; les Septante l’ont rendu par oî a’tvtYJJiaiTKTTai’. — Il est possible que le mot nâbî’, « prophète », eut accessoirement le sens de poète, parce que les prophètes écrivaient souvent ou s’exprimaient en vers, mais ce n’était certainement, en tout cas, qu’une signification secondaire et dérivée. Ben Sirach fait l’éloge des poètes sacrés (bwn >Nin : i). Eccli., XLIV, 5.

F. Vigouroux.

PŒTIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE. 1° L’Écriture contient un certain nombre de livres écrits en vers et des morceaux poétiques se trouvent aussi dans plusieurs des livres écrits en prose. Voir t. iii, col. 487. Les grammairiens hébreux n’ont noté que trois livres avec les accents poétiques, Job, les Psaumes et les Proverbes, mais on range aussi aujourd’hui parmi les livres poétiques le Cantique des Cantiques et les Lamentations. Plusieurs y ajoutent l’Ecclésiaste et l’Ecclésiastique dont une partie a été retrouvée dans le texte original. — Deux recueils de poésies qui contenaient des morceaux profanes avec des morceaux religieux, le Livre des Guerres du Seigneur, Num., XXI, 14, et le Livre des Justes ou du YdSâr (Jos., IX, 13, etc. Voir Justes (Livre des), t. iii, col. 1873. Cf. Livres perdus, 1°, 2°, t. iv, col. 317), ne nous sont plus connus que par des citations. Il paraît avoir existé aussi un recueil d’élégies ou lamentions funèbres, qinôf. II Par., xxxv, 25.

On pourrait considérer également comme livres poétiques les écrits de plusieurs prophètes, qui se conforment en général aux règles de la poésie hébraïque, tels que Isaïe, Osée, Joël, Amos, Abdias, Michée, , Nahum, Habacuc, Sophonie, etc. Cependant ils s’astreignent d’ordinaire moins rigoureusement aux exi

gences de la poétique hébraïque, de sorte qu’il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui est vers de ce qui n’est que style oratoire, et de tracer une ligne exacte de démarcation entre les deux. Si nombre de morceaux renferment des chants, des psaumes ou des cantiques en vers réguliers, Is., xii, 1-6, etc., qu’on reconnaît sans peine, il en est autrement ailleurs. Néanmoins même quand ils ne s’expriment pas en vers proprement dits, les prophètes, souvent, ne parlent pas en prose simple ; ils se servent d’un langage mesuré, plus soigné, plus artificiel et plus rare, afin qu’il soit plus, digne des oracles divins qu’il transmet aux hommes et afin qu’il frappe davantage l’imagination et l’esprit des auditeurs et des lecteurs. Il est, du reste, malaisé d’en fixer les règles précises. Tandis que, parfois, ils s’expriment de la manière la plus ordinaire, sans aucun effort et sans aucun artifice, ls., vii, 1-3 ; Jer., xxi, 1-10, d’autres fois, prose et poésie sont entremêlées, Is., vi ; Jer., i, etc., et ailleurs, entre l’une et l’autre, apparaît un langage rythmé, qui n’est ni la simple prose ni le vers de Job ou des Psaumes, et qui est caractérisé surtout par le parallélisme, mais avec des nuances et des variations infinies. F. Vigouroux.

    1. POIDS##

POIDS, morceaux de pierre ou de métal d’une pesanteur déterminée, qu’on a employés, dès les temps les plus reculés, pour peser les objets de toute nature. Comme l’or et l’argent ne furent monnayés qu’à une époque relativement tardive et qu’il fallait les peser pour connaître leur valeur, chez les Hébreux, comme chez les Babyloniens et les Assyriens, les mêmes noms, talent, mine, sicle, etc., servent à désigner soit des poids, soit des monnaies. Voir Monnaie, t. iv, col. 1235.

I. Les poids a l’okigine. — 1° Poids primitifs. — De même que les membres du corps humain fournirent les premières mesures de longueur, par exemple, la coudée, le pied, l’empan, le palme, le doigt, voir Mesures, t. iv, col. 1041-1042, de même la nature procura aux hommes, sous la forme des graines de certaines plantes communes, telles que le blé, l’orge, les haricots, etc., les premiers poids dont ils firent usage. Voir Ridgeway, Origin of nietallic Currency and standard Weigths, in-8°, Cambridge, 1892, p. 387. Divers passages du Talmud mentionnent encore ces poids primitifs. Voir le traité Scheqâlim. Maimonide dit aussi, Constitut. de Siclis, Leyde, 1718, p. 1-2, que, sous les rois hébreux, le sicle pesait 320 grains d’orge. Néanmoins, il exista de très bonne heure, en Egypte et spécialement chez les Babyloniens, un système complet, fort bien agencé, en ce qui concerne cette partie de la métrologie.

2° Noms. — Le mot « poids » se dit en hébreu : niisqdl, bptfD, ou Séqél, Vpp, de la racine sâqal,

T ï " « peser ». Cf. Gen., xliii, 21 ; Ex., xxx, 14 ; Lev., v, 15 ; xxix, 35, etc. Les poids des anciens Israélites furent tout d’abord de simples pierres, et c’est pour ce motif qu’on les nommait habituellement Q’jax,

  • T- : ’âbânîm, « pierres ». Cf. Lev., xix, 36 ; Deut., xxv, 13 ;

II Reg., xiv, 26 ; Prov., xi, 1 ; xvi, 11 ; xx, 10, 23, etc. En fait, on a retrouvé, à Jérusalem et en d’autres endroits de la Palestine, plusieurs poids en pierre ordinaire, en hématite, etc. Voir Talent. Plus tard, ils paraissent avoir été aussi quelquefois en plomb, cf. Zach., v, 7, et sans doute aussi en d’autres métaux.

3° Formes. — Les Égyptiens, les Assyriens et les Babyloniens donnaient à leurs poids des formes d’animaux : notamment celle d’un lion accroupi, muni d’une anse qui le rendait plus maniable (fig. 102), celle d’un canard (fig. 103), celle d’une gazelle ou d’autres animaux. Voir Balance, t. ï, fig. 420, col. 1403. C’est peut-être pour ce motif que le mot hébreu ms’Dp, qesitàh, Gen., [xxxm, 19, cf. Jos., xxiv, 32, et Job, xlii,


11, est traduit par « agneau » dans les Septante et dans la plupart des autres versions anciennes. Voir Gesenius, Thésaurus, t. iii, p. 1241. Mais on ne peut rien dire de certain à ce sujet. Les poids hébreux, assyriens et babyloniens portaient d’ordinaire une ou deux inscriptions, qui marquaient leur valeur et le nom du roi qui les avait fait fabriquer. C’est ainsi que, sur un poids assyrien en forme de lion, on lit ces mots gravés en araméen : « deux mines du pays », et cette

102. — Poids assyrien en forme de lion. British Muséum.

autre inscription en caractères cunéiformes : « Palais de Sennachérib ; deux mines du roi. » Sur un poids babylonien en basalte vert, en forme de canard, on lit en caractères cunéiformes : « Trente mines de poids justifié. Palais d’Irba-Mérodach, roi de Babylone. »

4° Poids hébreux. — On ne pouvait pas manquer de retrouver quelques anciens poids hébreux en Palestine ; mais ils ne forment encore qu’une série très incomplète. Toutefois, il ne faut pas oublier que les sicles juifs qui sont parvenus jusqu’à nous sous forme de monnaie comptent aussi sous ce rapport, puisque, à

103. — Poids assyrien en forme de canard.

la façon de nos monnaies courantes, ils correspondaient à des poids fixes. — 1° M. Clermont-Ganneau a étudié dans son Recueil d’archéologie orientale, t. iv, 1900, p. 24-35, quelques-uns de ces poids. Un tout petit poids de 2° r 54 seulement, a été découvert en Samarie ; il porte deux inscriptions en hébreu : réba’nésef, njwa-i, « quart d’une moitié » ( ?), et réba’sel, Stfjo-, , « quart d’un sicle » ( ?) (fig. 104). Trois autres poids sont l’un en pierre rougeâtre, l’autre rouge clair et le troisième en calcaire blanc ; , ils ont été trouvés à Tell-Zacharîya ; ils pèsent 10u r 21, 9° "05 et 9 grammes (fig. 105). Sur chacun d’eux on a cru lire le mot hébreu nésef,

  • ]2M, qu’on a traduit ordinairement par « moitié ». Un

autre poids, également de petites dimensions, a la forme d’un grain de chapelet percé et est en pierre d’un jaune rougeâtre ; il provient d’Anâtà, l’ancienne Anathoth, près de Jérusalem, et correspond à 89 r 61. Les hébraïsants ont beaucoup discuté au sujet de ces inscriptions, sans pouvoir se mettre entièrement d’accord. Quelques-uns d’entre eux ont lu néség, xti,

ou késéf, IDd, « argent », au lieu de néséf. En tout

V. — 16

cas, le mut reba’désigne certainement un quart. Voir Ed. Kcenig, EMeit&ng indnsttltè Testam. y in*8°, Eton%, 1893, p. 485, h. 1 ; Driver, Introd. ta Ike Mteratwv of the Otd Test., in-8°, 6 « édil., p. 449, note ; Palestine Escplor. Fund, Quarterly Stâitemênt, iâ-8°, 1890, p> 267-288 ; 1891, p. €9 ; 1893, p. 22 ; 1894, p. 220, $86287 ; 1895, p. 187-190. - 2° Dans la."même revue, 1892,

l^0j4

104. — Poids en hématite, en forme de navette, découvert à Samarîe. D’après Palestine Expl. Fund, Quart. Stat., 1890, p. 267 ; 1894, p. 287.

p. 114, M. FI. Pétrie analysé d’autres poids qu’on a aussi découverts en Palestine, Mais rien de tout cela ne conduit à des résultats définitifs.

11. Anciens systèmes métrologiques de l’Orient biblique en ce qui concerne les poids. — i. ob-SERVATIONS générales. *- Les Hébreux paraissent avoir eu assez tôt un système de poids bien complet. Ce système était le même, dans son ensemble, que celui de la plupart des peuples de l’Asie antérieure, en particulier des Phéniciens, des Syriens, de plusieurs provinces d’Asie Mineure, et tout spécialement le même que celui des Babyloniens. — Où avait d’abord simple 105. — Quatre poids israélites à inscriptions.

D’après Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale,

t.’fv, 1° et 2’livr., 1900, p. 25, 26, 18.

ment conjecturé, puis on a démontré de la manière la plus certaine qu’en ce qui regarde les poids., comme les mesuTes de longueur et de capacité, tous les systèmes métrologiques de l’antiquité, y compris ceux de l’Egypte, de la Grèce, de la Sicile, de l’Italie, etc., ont entre eux une ressemblance frappante, et que Babylone en est le centre, ou plutôt le lieu d’origine. Voir Bôckh, Metrolùgische Untersuchungen ùber Gewichte, Mwnzfûise tmd Maasse des Alterlkwms in ihreni Zusàrnmenkatige, in-8°, Berlin, 1838. Bertheau, ZurGesckichte der leræliten, in-8°, Gœttingue, 1842, a développé eette idée et cette démonstration pat rapport aux anciens Hébreux ; M. Brandis l’a reprise plus "en grand, dams son ouvrage intitulé Dos Munît-, Mttsstmâ Gewichtswëeen in Vorderusien bis auf Klexan&er den Grosse », ia-8°, Berlin, 1866. La preuve est devenue

péremptoire à la suite des ^vanls travaux de M. G. P. Lehmann, Voirsurtout Dm altbabytonièehé Mttss* tind Gewichtssystem aïs Gfundiwge der ttntifcen’Gèwichl-, Mûnzund Maassystefne, dans les Actes en vin » Congrès international des Orientalistes, Section sémitique Ï3, iïi-8°, Leyde, 1893, p. 166-2Î6. CL V. Buruy, Histoire dés Grecs, t. î, Paris, 1887, p. 608. Nâturellemeut, le système bàbytaM’en a subi des modifications et des trahsfor’maliioûs multiples thez les divers peuples qui l’ont emprunté, tout en demeurant an fond le même.

On peut regarder comme un point ittcontêstable que, dès te xvr 3 siècle avant J.-C, la partie du Système Hiétrôtogique des Babyloniens qui se rapporte aux poids avait péwélfré daWs les régions syriennes. Cela ressort de la façon te plus évidente du fait suivant : dans les iascriptioïis de TeH j el-A « ïarna, les tributs payés att roi d’ugypte Ttootbmès 1Il par ses vasslaux de Syrie sont énumérés en pcMs assyriens, cW-à-dire, en talents et eft mines, et non pas en poids égyptiens. Voir Lehmann, datis faZeitaChHft fur Assyriok/gie, t. itt, 1888, p, 392. Il est vrai que, sur l’inscription du temple de Kara’ak, les mêmes tributs sont ênoïrcës d’après le système métroiogique égyptien. Mais il est visible, par la seule inspection des chiffres marqués, que ces chiffres eut été obtenus au moyen de Calculs, et traduits pouf ainsi dire en langue « égyptienne ; éar ils sont souvent impairs, et même accompagnés de fractions, tandis que d’ordinaire les tributs étaient comptés par centaines et par milliers de talents, de mines, de sïcles, etc. Cf. Nowack, Bandb’uch der hebr. Àrckâotogie, t. î, p. 206 ; Benringer, >Mëbr. Afvhâologie, p. 186. Suivant Hérodote, in, 91, l’Egypte elle-même payait le tribut aux Perses d’après les poids babyloniens.

il. les poids BABmomENS. — Quelques indications à ce sujet sont ici à leur place, puisque c’est au système babylonien’que les Hébreux ont emprunte leurs propres poids. Cette branche a été en quelque sorte révolutienïiée de ïi®s jours, non seulement par l’élude des textes assyriens et babyloniens, mais surtout par la découverte d’un nombre assez considérable de poids de Babylone’et de Ninive. — Le principe sur lequel s’appuie tout’ce système métrolog’ique est le principe sexagésittfal, ainsi nommé parce que le chiffre 60 joue chèà les Babylewtens le même rôle que le chiffre 10 chez nous. Leur unité de poids était la mine, MA’NA des inscriptions, qui correspond à màneh des Hébreux, au grec fivâ et au latin mna ou mina. Au dessus de la mine était le talent, appelé gaggarou dans les-lettres de Teîl-et-ÂmaTtta, kikkaren hébreu, TaXavTov, c’est-à-dire « poids », en grec, taientum en latin ; il valait 60 mines. Au dessous de la mine était le sicle, en assyrien siklu, sègél en hébreu, aUXa en grec, ou » T « TV|p, siclus eh latin ; elle formait la soixantième partie de la mine. Il fallait dottc, en ChaMee et en Assyrie, 60 sicles pour làire « ne mine, 60 mines pour faire un talent. [Les monuments découverts à Îeil-Loh, dans la Bahylonie méridioJiasle, montrent que les ChaldéeJis se servaient aussi d’un poids inférieur, nommé chi, qui correspondait à 180 grains de blé (60x3).

On a remaYqué qu’à Babylone et à Ninive il existait un double système de poids, et, dans chaque Système, une double série, la série lourde et la série légère. Voir’C. P. Léhmann, Sikungsberïchte der archàolog. GesèltSChaft £ù Berlin, 1888, p. 27-42 ; j50s altbabylonische Muasunà Gewichtssystem, 1893, p. 6-20. La série lourde pesait exactement le double de la série légère. Le premier système a été surnommé royal, parce que les poids qui le représentent ont été trouvés dans les palais royaux et qu’il portent tous cette inscription : « Tant et tant de mines du roi. » La mine royale lourde a été évaluée, d’après ces modèles, à 1010 gr. (c’est le poids de la fig. 102), et la mine légère à 505 gr. (poids de la Kg. 103). D’après cela, le talent royal de la série lourd

correspondait à 1010 gr. x 60, c’est-à-dire à 60 600 gr., et le talent royal de la série faible, à 505 gr. X 60, . c’est-à-dire 30 300 gr. Le sicle royal lourd, qui était la 60e partie de la mine, valait 16s r 83, et le sicle royal léger pesait 8a r 41. Voir Lehmann, dans Zeitschrift fur Ethnologie, 1889, p. 372-373. À côté de ce système de poids royaux, les Babyloniens en avaient un autre, dit commun ou usuel, dont on a également retrouvé des échantillons, marqués « une 1/2 mine, un 1/3 de mine, 1/6 de mine ». Ces poids étaient un peu plus faibles que les poids royaux. D’après les évaluations de M. Lehmann, la mine lourde y valait en moyenne 989*24 ; la mine légère, 491s r 2.

m. s rsrSME des poids hébreux. — Il était en réalité, ainsi qu’il a été dit plus haut, la reproduction de celui des Babyloniens. À Jérusalem comme à Babylone, les poids principaux étaient le sicle, la mine et le talent. Le talent valait 60 mines, et tel était aussi le cas en Asie Mineure, en Grèce, en Syrie, en Perse. Mais le sicle avait cessé d’être la 60e partie de la mine ; par un compromis entre le système sexagésimal et le système décimal, elle en était devenue la 50e partie. Nous ignorons à quelle époque précise et en quel endroit se fit tout d’abord cette transformation. Chez les Israélites, elle nous apparaît dès l’Exode, xxxviii, 24-25, où nous voyons que leurs talents d’argent n’équivalaient pas à 3 600 sicles, comme à Babylone, mais seulement à 3000.

Les principaux poids des Hébreux sont mentionnés très souvent dans la Bible, mais toujours d’une manière indirecte, par conséquent sommaire et incomplète, car les écrivains sacrés supposaient à bon droit que ce sujet était familier à leurs lecteurs. Çà et là cependant, les rapports réciproques de plusieurs poids ou mesures sont indiqués en termes explicites. Cf. Exod, , xv, 36 ; Ezech, , xlv, 12.

1° Le sicle. — L’unité de poids des Israélites était le sicle, séqél, qui valait, à l’époque des Machabées, et probablement aussi dès celle de Moïse, 149’200. Les subdivisions du sicle envisagé comme poids, étaient : — 1. le 1/2 sicle ou béqa, ’, ypn, de la racine biqiï, « diviser ». Cf. Gen.. xxiv, 22 ; Ex., xxx, 13 et xxxviii, 26, dans le texte hébreu. Voir Béka, t. 1, col. 1555 ; — 2. Le gérâh, mi, « grain », qui était la dixième partie du

T"

béqa’, la vingtième partie du sicle. Cf. Exod., xxx, 13 ; Lev., xxvii, 25 ; Num., iii, 47 ; xviir, 16 ; Ez., xi.v, 12. Voir Obole, t. iii, col. 197. C’était le plus petit de tous les poids hébreux. — 3. L’Ancien Testament signale aussi le 1/3 de sicle, Neh., x, 32, et le 1/4 de sicle, appelé rèba’, « quart », Gen., xxiv, 22 ; 1 Beg., ix, 8. Plus tard, les Juifs donnèrent au réba’le nom de zouz, ni. Voir Réba’.

2° La mine. — Au-dessus du sicle, il y avait la mine, en hébreu, màneh, rua. Cf. III Reg., ix, 17 ; I Esd., ii, 9 ; II Esd., vii, 71-72. Son poids était de 50 sicles, comme il a été dit plus haut. Il est vrai que, d’après Ézéchiel, xlv, 12, elle paraît avoir correspondu à 60 sicles, car on lit dans le texte hébreu de ce passage, et aussi dans la Vulgate : « c Le sicle a 20 gérafi ; la mine doit avoir 20 sicles, 25 sicles, 15 sicles. » Or, 20 +- 25 +- 15 = 60. Mais, généralement, on préfère à cette leçon celle de la traduction grecque des Septante d’après le Codex Alexandrinus et le Codex Vaticanus : « Cinq (sicles) doivent élre cinq (sicles), et dix sicles, dix, et (de) cinquante sicles sera votre mine. » Manière de dire que les poids doivent avoir leur valeur rigoureusement exacte, ni plus ni moins. Il est très possible, en effet, que le texte primitif ait été altéré en cet endroit. Voir F. Keil, Bibl, Commentar àber den Proplielen Ezéchiel, in-8°, Leipzig, 1868, p. 460-461. Les mines mentionnées au I er livre des Machabées, xiv, 24 et xv, 18, sont des mines attiques, qui avaient un poids distinct. Voir Mine, t. iv, col. 1102-1105.

3° Le talent. — Le poids le plus élevé, chez les Hébreux comme chez les Babyloniens, les Perses, etc., était le talent. Son nom hébreu, kikkar, iss, a le sens

de « rond, objet rond », sans doute parce que telle était sa forme primitive. Voir Talent. Il équivalait à 60 mines, à 3000 sicles. Cela ressort très évidemment du passage Exod., xxxviii, 24-25, où nous voyons que 603550 demisicles correspondaient en poids à 100 talents 1775 sicles. Comp. aussi Exod., xxv, 39 ; II Reg., xii, 30 ; III Reg., ix, 14 ; x, 10, 14 ; II Par., xxv, 9, etc.

4° Poids dans le Nouveau Testament. — Le Nouveau Testament ne mentionne qu’une nouvelle espèce de poids, la Xt’tpa, Vulgate, libra, la livre, Joa., xii, 3 ; xix, 139 : poids romain qu’on évalue à 326sr327, et qui se subdivisait en 12 onces. — Dans l’Apocalypse, xvi, 21, nous trouvons aussi la mention du talent en tant que poids : des grêlons pesant un talent. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, vj, 3. — On a trouvé à Jérusalem, en 1891, une grosse pierre ayant servi de poids et pesant 41 Lil 900 grammes. Voir Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1892, p. 289-290 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12* edit., t. i, p. 310.

5° Les balances. — Pour peser, on se servait de balances. Cf. Gen., xxiii, 16 ; xxiv, 22 ; Deut., xxv, 13 ; Prov., xi, 1 ; xx, 10 ; Is., xxtv, 6 ; Am., viii, 5, etc. Voir Balance, t. i, col. 1400-1405. Les marchands les portaient avec eux, en même temps que les poids les plus usuels, placés dans une pochette. Cf. Deut., xxiH, 3 ; Prov., xvi, 4 ; Mich., vi, 11. Cela était d’autant plus nécessaire que, pendant longtemps, l’argent et l’or n’étaient pas monnayés, et qu’il fallait les peser chaque fois qu’ils étaient donnés en paiement. Cf. Jer., xxxii, . Voir Monnaie, t. iv, col. 1235.

III. Rapport des poids hébreux avec noire système décimal. — Il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer cette relation avec certitude, comme on le voit par les divergences qui existent entre les évaluations des savants qui se sont le plus occupés de ce problème. Les modèles qu’on a récemment découverts nous sont parvenus en trop petite quantité et dans un état de préservation trop incomplète, pour nous fournir autre chose que d’assez vagues indications. Du moins, nous pourrons établir l’équivalence d’une façon approximative. Pour fixer le rapport qui existe entre notre système décimal et les poids des anciens Israélites, les savants ont pris pour base le sicle d’argent de l’époque des Machabées, qu’ils ont supposé être de même pesanteur que celui des anciens Hébreux. Les deux tableaux qui suivent indiquent les résultats ainsi obtenus.

h~q%< fierait gr.

1 Talent ^ 60 mines 3 O00 sicles 6000 60000= 42 533, 100

1 Mine = 50— 100 1000— 708, 850

1 Sicle = 2 20=. 14, 200

1 Béqa’=- 10 = 7, t00

1 Gérah*= =- 0, 108

Ou bien : Gérah

1 —

10 =

20 =

1000 =

2= i —

100 = 50 « = 1 raine.

0, 708

7, 100

14, 200

708, 850

42 533, 100

60000 « 6000 ^ 3000 — 60 — = 1 Talent =

IV. Le poids du sanctuaire et le poids du roi. — 1° On rencontre fréquemment dans le Pentateuque l’expression sêqel haq-qôdés, iff-r^n "jptf, « poids tjjj

sanctuaire », au sujet de laquelle on a fait des conjectures plus ou moins heureuses. Cf. Ex., xxx, 13, 24 ; xxxviii, 24, 26 ; Lev., v, 15 ; xxvii, 3, 25 ; Num., iii, 47, 50 ; vii, 13-14 ; xviii, 16. Les rabbins l’expliquaient en ce sens qu’à côté du poids du sanctuaire, ou poids sacré, les Hébreux en auraient eu d’ordinaires, en quelque sorte civils, dont la valeur aurait été moindre de moitié. Voir Maimonide, Constitut. de siclis, éd. de Leyde, 1718, p. 19 ; Bertheau, Zur Gesch. derhræliten, Gœttingue, 1842, p. 26-27. Cette hypothèse rappellerait aussi le système babylonien ; mais elle est sans fondement, car il n’est parlé nulle part d’un tel arrangement chez les Hébreux. D’autres ont supposé que le système de poids ainsi nommé dépassait au contraire les poids ordinaires. Voir Nowack, Handbuck der hebr. Archéologie, 1. 1, p. 209. — Il est plus simple et beaucoup plus naturel de dire, avec la plupart des interprètes, que la locution « poids du sanctuaire » indiquait des poids légaux, d’une exactitude rigoureuse, conformes aux étalons qui avaient été déposés, d’abord dans le tabernacle, puis dans le temple, pour servir de norme régulière. Le Talmud, Kélim, 17, 9, constate que c’est près de la porte orientale du temple que se trouvait ce dépôt. Cette hypothèse explique aussi pourquoi, d’après I Par., xxm, 29, les fils d’Aaron paraissent avoir été préposés aux poids et mesures. Voir Keil et Delitzsch, Bibl. Commentar ûber die nachexilischen Geschichtsbûcher, in8°, Leipzig, 1870, p. 194 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 8 ; Michælis, Mosaisches Recht, Francfort-sur-le-Main, 1775-1780, t. iv, § 227. Les Romains conservaient ainsi au Capitule, et les Athéniens dans les bâtiments de la monnaie, les étalons de leurs divers poids. Cf. V. Duruy, Histoire des Grecs, 1. 1, Paris, 1887, p. 390-391 ; Histoire des Romains, t. v, Paris, 1883, p. 504.

2° Nous lisons aussi dans l’Ancien Testament, mais une seule fois, II Reg., xiv, 26, l’expression « poids du roi », ’ébén hani-mêlék, littéralement « pierre du roi », Septante, irô aîxXw x& (3aTiXucw ; Vulgate, pondère publico. Il est dit, dans ce passage, que la chevelure d’Absalom, lorsqu’il la coupait une fois par an, pesait 200 sicles d’après le poids du roi. Les avis des commentateurs sont également très divisés sur ce point, d’autant plus qu’une chevelure d’homme pesant 2 kil 840 gr. (14si, 200 X 200) paraît chose impossible. Peut-être y aura-t-il eu ici une corruption du texte en ce qui regarde les chiffres. Du moins, d’après la plupart des auteurs, le poids du roi aurait été exactement le même que le pbiàs du sanctuaire. "Voir BcêcVlVv, Metrologische Ûnter. suchungen Mer Geivichte…, p. 61 ; Bertheau, l. c. p. 28. D’autres ont pensé, à la suite de Josèphe, Ant., VII, viii, 5, que le poids du roi aurait dépassé en pesanteur le poids commun, de sorte qu’il n’aurait fallu que 40 sicles royaux au lieu de 50, pour valoir une mine. D’autres, au contraire, ont regardé le poids royal comme inférieur de moitié au poids ordinaire. On est dans l’incertitude sur ce point. Le plus vraisemblable est que le poids royal signifie poids juste et exact.

V » Les poids envisagés dans la Bible au point de vue moral. — La scrupuleuse fidélité par le maniement des poids est fréquemment exigée dans les livres les plus divers de l’Ancien Testament. Les auteurs inspirés insistent à ce sujet, soit à cause du caractère sacré de la propriété individuelle, soit en vue de la loyauté et de la paix des relations commerciales ou sociales. Lev., xix, 35-36 : « Vous ne commettrez d’iniquité ni dans les jugements, …ni dans les poids… Vous aurez des balances justes, des poids justes, » ’abné sédeq. Deut., xxv, 13-16 : « Tu n’auras pas dans ton sac (dans ta pochette) un poids et un poids, un gros et un petit… ; tu auras un poids exact et juste (à la lettre, une pierre de perfection et de justice), afin que tes jours se prolongent dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne. » Prov., xi, 1 : « La balance fausse est en abomination au Seigneur ; mais le poids juste lui est agréable. » Prov., xx, 10 : « Deux sortes de poids sont une abomination an Seigneur. » Eccli>, xlii, 14, le fils de Sirach recommande instamment « la justesse de la balance et des poids », c’est-à-dire l’honnêteté dans tous les rapports commerciaux. Mich., vi, 11 : « Est-on puravec des balances fausses et avec de faux poids dans

le sae ? » C’est en conformité avec ces conseils que les ..rabbins exigeaient, Baba bathra, v, 10 f, qu’on nettoyât soigneusement les poids et les balances, de crainte que les matières étrangères, en y adhérant, n’en diminuassent la parfaite justesse, aux dépens de l’acheteur. VI. Bibliographie. — Liber de mensuris et ponderibus, Migne, t. xliii, col. 271-274 ; Eisenschmidt, De ponderibus et mensuris veterum Bomanorum, Grsscorum et Hebrœorum, Strasbourg, 1737 ; Paucton, Métrologie ou traité des Mesures, Poids et Monnaies des anciens peuples et des modernes, in-4°, Paris, 1780 ; X. Bôckh, Metrologische Unter suchungen uber Gewichte, Mûnzfûsse und Maasse des Alterthums, in-8°, Berlin, 1838 ; V. Vasquez Queipo, Essai sur les systèmes métriques et monétaires des anciens peuples, 3 vol. in-8°, Paris, 1859 ; L. Herzfeld, Metrologische Voruntersuchungen zu einer Geschichte des ibràischen résp. altjûdischen Handels, Leipzig, 1863-1865 ; de Wette, Lehrbuch der hebrâisch-jûdischen Archâologie, in-8°, 4° édit., Leipzig, 1864, § 182-184 ; J. Brandis, Das Mûnz-, Mass-und Gewichtswesenin Vorderasien, in-£°, Berlin, 1866, p. 43-45, 95, 102-103, 158 ; F. Hultsch, Metrologicorum scriptorum reliquias, 2 in-4°, 1864-1866 ;

B. Zuckermann, Das jûdische Maassyslem in seinen Beziehungen zum griechischen und rômischen, in 8°, Breslau, 1867 ; J. Oppert, L’étalon des mesures assyriennes, in-8°, Paris, 1875 ; F. Hultsch, Griechische und rômische Métrologie, in-8°, 2e édit., Berlin, 1882 ; M. C. Soutzo, Étalons pondéraux primitifs, 1884 ;

C. F. Lehmann, Altbabylonisch.es Maas und Gewicht, dans les Verhandlungen der Berliner Gesellschaft fur Anthropologie, Berlin, 1889 ; W. Ridgeway, The Origin of Metallic Currency and Weigth Standards, in-8°, Cambridge, 1892 ; C. F. Lehmann, Das Altbabylon. Maas— und Gewichtssystem (VIIIe Congrès des orientalistes, 1889), Leyde, 1893 ; W. Nowack, Lehrbuch der hebrâischen Archâologie, in-8°, Leipzig, 1894, p. 208209 ; J. Benzinger, Hebrâische Archâologie, in-8°, Fribourg-en-Br. , 1894, p. 182-189 ; R. Klimpert, Lexikon der Mûnzen, Maasse, Geivichte sowie der Zàhlarten und Zeitgrossen aller Lànder der Erde, in-12, Berlin, 1896 ; F. Hultsch, Die Gewichte des Altertums.nach ihrem Zusamtnenhang dargestellt, dans les Abhandlungen der philolog.-histor. Classe der kônigl. sàchsischen Gesellschaft derWissenschaften, in-A°, t.iv, Leipzig, iB89.

L. Fillion.

POIL (hébreu : se’âr ; Septante : 6pfÇ ; Vulgate : pilus), production épidermique, composée d’une racine bulbeuse enfermée dansla peau, et d’une tige extérieure qui s’élève plus ou moins au dessus de la surface cutanée. Cette tige est creuse et imbibée d’un liquide colorant qui détermine la nuance du poil. — Le système pileux de l’homme comprend les cheveux (voir t. ii, col. 684), les sourcils, les cils, la barbe (voir 1. 1, col. 1450 ; t. iv, col. 1330), les poils et les poils follets. Chez les animaux, le système pileux couvre à peu près tout le corps. Voir Laine, t. iv, col. 34, et, pour les poils de chèvre, ou’izzîm, Exod., xxvi, 7 ; xxxvi, 14 ; I Reg., xix, 13, et de chameau, Cilice, t. ii, col. 759.

1° Ésaû était velu, sâ’îr, SaaJç, pilosus, « comme un manteau de poil. » Gen., xxv, 26 ; xxvii, 11. La même particularité se remarquait chez le prophète Élie. IV Reg., i, 8. — Le poil de l’homme a la propriété de se hérisser sous l’empire de la frayeur : les cheveux se dressent sur la tête de celui qui a grand’peur. Job, i, 15, dit qu’au passage d’un esprit, tous les poils de sa chair se hérissèrent. — 2° Pour leur purification, les lévites eurent à passer le rasoir sur tout leur corps, à cause des impuretés dont le système pileux peutêfre le siège. Num., viii, 7. Cette prescription ne s’étendait pas aux prêtres. Lev., xxi, 5. On pense, du reste, qu’elle ne fut en vigueur qu’au désert. Cf. Negaim, xiv, 4. Chez /es Égyptiens, pour raison de pureté, les prêtres se. rasaient

le corps entier tous les trois jours. Hérodote, ii, 37. — 3° Des indications minutieuses sur l’examen des poils sont consignées dans la loi sur les lépreux. Le poil devenu tout blanc est un signe de contagion. Lev., xiii, 3, 10, 20, 25. Le poil devenu jaunâtre indique une autre espèce de mal. Lev., xiii, 30. Les poils noirs constituent au contraire un signe favorable. Lev., xiii, 37. On comprend que le liquide qui remplit le canal pileux et le colore soit lui-même altéré et décoloré dans le cas où la contagion a atteint le tissu épidermique. Le lépreux que l’on jugeait guéri devait raser tout son poil le premier et le septièmejour de sa purification légale. Lev., xiv, 8, 9. — 4° Pour faire périr le dragon vénéré des Babyloniens, Daniel lui fit avaler des boules composées de poix, de-graisse et de poils. L’animal dut étouffer à la suite d’une absorption si indigeste. Dan., xiv, 26. — Sur Is., vii, 20, voir Pied, col. 355.

H. Lesètee.

    1. POING##

POING (hébreu : ’egrôf ; Septante : nuy^ ; Vulgate : pugnus). main dont les doigts sont repliés en dedans, de manière à former une sorte de masse offensive ou défensive. — Celui qui frappait un autre avec le poing et le rendait malade, avait la charge de le faire soigner et de l’indemniser de son chômage. Exod., xxi, 18. Isaïe, lviii, 4, observe qu’un jeûne accompagné de querelles et de coups de poings ne saurait plaire à Dieu.

— Sur la coutume de se laver les mains « vy^, « avec le poing », voir Laver (se) les mains, t. iv, col. 137.

H. Lesêtre.
    1. POINTS-VOYELLES##

POINTS-VOYELLES, nom donné aux signes massorétiques marquant les voyelles dans les Bibles hébraïques qu’on appelle pour cette raison ponctuées. Leur nom provient de ce que ces signes sont des points ou des petits traits. Voir Hébraïque (Langue), t. iii, col. 467, pour leur forme et leur valeur ; col. 504, pour leur origine. "Voir aussi Ponctuation.

    1. POIREAU##

POIREAU (hébreu : hâfir ; Septante : itpâaa ; Vulgate : porri), un des légumes appréciés des Israélites.

I. Description. — Diverses espèces i’Allium sont cultivées comme condiment à cause de leur saveur acre, mais agréable ; d’autres chez qui l’arôme est moins pénétrant comptent parmi les herbes potagères, ainsi l’Oignon. Voir t. iv, col. 1762. C’est aussi le cas du Poireau, A. Porriim, L. (iig. 106). Dans la nombreuse série des aulx, cette espèce se distingue par son bulbe simple et allongé et surtout par ses feuilles planes, jamais creuses, garnissant dans sa moitié inférieure la tige épaisse et cylindrique, qui peut atteindre la taille d’un mètre au moment de la floraison. L’inflorescence globuleuse très

. ample naît d’une spathe herbacée terminée par une pointe 4 fois plus longue qu’elle. Les pièces du périanthe, de couleur blanchâtre ou carnée, sont rapprochées en cloche d’où font saillie les étamines au nombre de 6 ; les 3 filets inférieurs portent de chaque côté une longue pointe stipulaire dépassant au début les anthères rougeâtres. Le style reste inclus ; la capsule trigone-arrondie s’ouvre en 3 valves à la maturité, pour laisser échapper les nombreuses graines noires aplaties, ridées.

On ne connaît pas la plante à l’état sauvage, mais Vilmorin regarde comme très probable son origine dérivée de I’Allium Ampeloprasum, vulgairement appelé Ail d’Orient, qui croît spontanément dans la région méditerranéenne, et n’en diffère guère que par la production de caïeux abondants, la brièveté et la caducité de la spathe, enfin par la substitution fréquente de bulbilles aux graines. F. Hy.

II. Exégèse. —A s’en tenir à la signification ordinaire de b, â ?ir on n’entendrait par ce mot que l’herbe, le gazon. Mais dans Num., xi, 5, ce terme semble bien désigner une plante particulière, une herbe potagère, comme les oignons et les aulx près desquels elle figure.

Il nous souvient, disent les Israélites au désert, des

poissons que nous mangions pour rien en Egypte, des concombres, des melons, héfyafir, des oignons et des aulx. » Ici toutes les versions, les Septante, la Vulgate, le syriaque, le chaldéen, l’arabe, le samaritain, toutes ont traduit Aayir par poireau. Comme les hébreux désignaient par le terme très général yéréq, verdure, les légumes verts, ils pouvaient également appeler du nom d’herbe verte, }ia}ir, le poireau, sa couleur verte lui méritant bien cette dénomination. Cependant en lisant ce verset du livre des Nombres on peut être étonné de voir après haqqiSSuim, les concombres, et’âbattifrim les melons, et avant besalim les oignons et sûmîm les aulx, le mot hidçir mis au singulier. Sans doute ce pourrait être un collectif. Mais ne pourrait-on avancer une

106. — AUium porrum.

conjecture ? -|>ïn, hâfîr, ne serait-il pas une faute de copiste pour n>sn, hêsîm ? (Dans l’ancienne écriture surtout le m et le r, rapidement écrits, peuvent avoir une grande ressemblance.) jÇTéjîm serait le pluriel de hés, nom emprunté aux Égyptiens pour désigner le poireau, qui se dit en effet arasi, hedji, en copte et qui

rappelle l’hiéroglyphe S ^"ï T, hedj, hets. Le nom des

oignons bé$él, be$dlim, n’est-il pas déjà un mot égyptien, badjar, avec la même lettre hébraïque ï, ?, pour rendre le ctj égyptien ? T. iv, col. 1765.’Abatlihim, les melons ou pastèques, dans le même texte est aussi un nom d’origine égyptienne. T. iv, col. 951. La faute d’un copiste, introduisant au lieu de ha$im, nom d’origine égyptienne, un nom hébreu hasîr bien connu, aurai été l’origine de la leçoa actuelle du texte hébreu.

Le poireau était très apprécié, et il l’est encore en Egypte et en Palestine. On connaît la satire de Juvénal, xv, 9, sur les Égyptiens :

Porrum et cèpe nefas violare, ac frangere morsu. O sasctas gentes, quibus hœc nascuntur in hortis Numina !

Les Égyptiens n’ont jamais adoré les poireaux. Tout ce qu’il y a de vrai dans ce texte c’est que le poireau était cultivé dans les jardins. Il entrait fréquemment dans l’alimentation. E. Levesque.

POIRIER. C’est par ce mot que les Septante traduisent beka’im dans I Par., xiv, 14, Stiiov, et que la Vulgate rend le même terme hébreu, dans I Par., xiv, 14, et dans l’endroit parallèle, II Reg., v, 23, pyrus. Bien que le poirier, dont deux espèces sont indigènes, ait été connu et cultivé en Palestine, aucune raison ne permet cette identification. Les beka’im sont plutôt des mûriers. Voir t. iv, col. 1344.

POIS, légume cultivé en Palestine.

I. Description. — Le nom de pois a été attribué à plusieurs plantes annuelles de la famille des Légumineuses, tribu des Viciées, fournissant des graines alimentaires riches en fécule, sucre et gluten. Le genre Cicer se distingue aisément à ses gousses courtes et gonflées, renfermant chacune 2 graines bossuées et

-107.

Cicer Arietinum.

ridées, et surtout à ses feuilles formées de 6 à 8 paires de folioles, terminées par une foliole impaire, sans vrille. L’espèce principale est le C. Arietinum L. (lig. 107), vulgairement pois-chiche. Les vrais Pisum ODt de très larges stipules foliaires, plus développées même que les folioles, dont le nombre est réduit de 1 à 3 paires avec une vrille terminale et ramifiée. Les gousses longues et comprimées renferment des graines nombreuses. L’espèce cultivée communément dans les jardins sous le nom de petit pois est le P.. sativum L. (fig. 108) à fleurs blanches ou bleuâtres, et à graines rondes. Elle n’est, sans doute, pas distincte spécifiquement du P. arvense à corolle plus teintée, surtout sur les ailes qui sont d’un pourpre noir, et à graines anguleuses par compression réciproque. Cette dernière forme, plus robuste et aussi plus résistante aux froids, se cultive en pleins champs comme plante fourragère. À l’heure actuelle on ne connaît à l’état spontané ni l’une ni l’antre, mais seulement échappées des cultures. Aussi pense-t-on communément qu’elles sont dérivées de certains Pisum croissant dans les bois de la région méditerranéenne et de l’Asie centrale, et ayant pour type le P. eiatiusde Bieberstein. Les différences tirées de la dimension du pédoncule etdesgousses paraissent insignifiantes. Celles même de la graine légèrement granuleuse chez la plante des broussailles, tandis qu’elle est lisse dans les races cultivées, ne dépassent pas non plus la limite des variations provoquées artificiellement. Or c’est de temps immémorial que les pois sont

introduits dans la culture pour la nourriture de l’homme ou des animaux domestiques. F. Hy.

II. Exégèse. — Le pois se rencontre dans 1a Vulgate pour traduire le mot hébreu >bp, qdli, qui est répété une seconde fois dans II Reg., xvii, 28. Lorsque David arriva à Mahanaïm, on.vint lui offrir du froment, de l’orge, de la farine, et qâli (Seplante : à’Xttov ; Vulgate : polentam), « du grain grillé » ; puis des fèves, des lentilles, et qàlî (omis dans Septante ; Vulgate : frixum cicer), « des pois grillés ». Dans le premier cas, qâli est regardé généralement comme étant du grain grillé. On vient apporter à David du froment et de l’orge, c’est-à-dire des grains de ces deux céréales en nature, et aussi en farine et en grains grillés. Les grains grillés sont une nourriture très usitée dans les pays orientaux. W. Thomson, The Landand the Book, .in-S°, Londres, 1885, p. 648. Mais quand le mot qâli revient pour la seconde fois dans le même verset, certains auteurs pensent que c’est le fait d’une dislraction de copiste qui

108. - Pisum sativum.

l’aurait répété à tort : aussi les Septante n’ont rien en cet endroit. D’autres au contraire croient que cette répétition est justifiée. Après avoir offert à David des céréales en nature et préparées, on lui présente aussi des graines légumineuses en nature et grillées : « des fèves, des lentilles et des pois grillés. » Rabbi Isaîe cité par 0. Celsius, Hierobolamcon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 233 et aussi Rabbi Salomon, AbodaZarah, (.38, 2, admettent deux espècesde qâli, ou grain grillé, l’une faite de blé ou d’orge, l’autre de graines légumineuses. On aurait ainsi une explication suffisante de qâli dans le même verset. Pour J. Kitto, Cyclopcedia, in-8°, Edimbourg, 1864, t. ii, p. 607, qâli à la seconde fois, serait un mot différent du premier, mais par une ponctuation fautive, ramené à la même forme, et serait à rapprocher du sanscrit kallse, kullse, qui signifie graines de légumineuses, et spécialement pois, soit pois-chiche, soit pois gris et petit pois. Le pois qui était certainement cultivé en Palestine, serait ainsi mentionné à côté de la fève et de la lentille, et se serait nommé peut-être qalli. La conjecture est bien hasardée. OCelsius, Bierûbotanieon, t. a, p. 231-234, — Les pois étaient vraisemblablement compris dans les espèces diverses de têr’ônim, « graines légumineuses » dont se nourrissaient Daniel et ses trois compagnons à la cour de Mabuchodonosgr. — Quelques auteurs, comme Reynier, Economie des Arabes et des Juifs, p. 430, 493

POIS ™- POISSON

494

cherchent à identifier de qésatjk d’Isaïe, xxv^i, 24-27, avec le pois-çhiche ; mais ce nom désigne la nielle (Nigella sativa) ou cumin nojr. VoirGithit. iii, col. 2l44. A. de Gandolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 259. E, Levesqub.

    1. POISON##

POISON (hébreu : hêmàh, « ce qui brûle ; » r’ôs, ce qui vient de la pla, nte vénéneuse ; mevarâh ; Septante : Ùi’, Vulgate : vençnum), suhstançe d’origine animale ou végétais, qui est nuisible qu mortelle pour l’organisme humain. — II n’est guère parlé de poison qu’une seule fois dans le sens propre ; Ptolémée Macron se donna la mort par le poison, çapsuaixsvoai ; , veneno. II Maqh., x, 13. Le mot çapuaxsi’a, employé dans le grec biblique, Exod., vii, 11 ; vhi, 7, 18, etc. ; Gal., v, 10 ; Apoc, ix, 21, et traduit par veneficium, ne suppose pas l’usage des poisons, mais seulement les sortilèges et les pratiques magiques, tandis que le verbe çapy-Me^u des Machahées y signifie « empoisonner ». — Notre-Seigneur, en envoyant ses Apôtres, leur promet que s’ils prennent quelque breuvage mortel, 6avi<71t » o ; , Us n’en éprouveront aucun mal. Marc, xvi, 18. — Au figuré, le venin des reptiles, hêmâh, ûviw, fnror, fera périr les ennemis de Dieu. Deut., xxxii, 24. Une peste venimeuse, mertrî, les frappera. Beut., xxxii, 24. Leur raisin deviendra vénéneux et leur vin se changera en venin, r’ôS, Svitiô ?, x ^ » venenum, fel. Deut., xxxii, 32, 33. Pour r’ôs, dans le sens de venin, voir Pavot, t. iv, col. 2239. Le pain du méchant se change en venin, nierorâh, ^o^, fel, Job, xx, 14, car lui-même a sueé le venin de l’aspic, Septante : « la langue du serpent le tera périr », Vulgate : capui, « tête, » sens ordinaire de r’os, qui ne convient pas ici. Job, xx, 16. Le vin mord comme un serpent, Prov., xxiii, 32 ; d’après les versions, il répandra le venin, Cô ?, venena. Dieu fait boire à son peuple infidèle et aux faux prophètes l’eau de poison, r’os, x » Wï, fel. 1er., viii, 14 ; ix, 14 ; xxiii, 15. Les riches d’Israël ont changé le droit en poison, c’est-à-dire qu’ils en font un moyen de nuire au peuple. Am., vi, 13. Le venin des impies, hêmâh, Oojiô ; , furor, est semblable à celui des serpents, Ps. lviii (lyu), 5 ; ils ont sous les lèvres le venin de l’aspic. Ps. cxl (cxxxix), 4 ; Rom., nr, 13. La langue, si l’on n’y prend garde, répand un poison mortel. Jacob., iii, 8. L’apôtre compare ainsi à la langue du serpent venimeux celle de l’homme aux paroles

impies et méchantes.
H. Lesêtre.

1. POISSON (hébreu : ddg, dag, dâgâh, (ânnîn, « le monstre marin » ; Septante : lybbi, xf, To ;  ; Vulgate : piscis, cete, cetus), animal vertébré, vivant dans l’eau et y respirant au moyen de branchies, organes qui empruntent à l’eau même l’oxygène nécessaire à la vie. Sur les mammifères qui vivent aussi au sein des eaux et sont généralement désignés par les mots pannm, xt|to<, cete. Voir Cétacés, t. ii, col. 405. Les poissons forment de très nombreuses espèces, que les naturalistes divisent plus communément en cinq ordres. Ils ont l’Intelligence nulle, la vue très courte, mais l’odorat très développé. Leur conformation et leur système musculaire leur permettent de se mouvoir très rapidement dans l’eau. Leur appétit est très vorace ; ils se dévorent les uns les autres et sont doués d’une prodigieuse fécondité qui aide chaque espèce à survivre à toutes les exterminations.

I. Remabques générales. — 1° La Sainte Écriture n’entre dans aucun détail caractéristique sur les poissons. Elle se contente de les mentionner d’une manière générale. Après avoir créé tout ce qui se meut dans les eaux, selon son espèee, Gen., i, 21, Dieu soumit les poissons à la domination de l’homme, Gen., i, 26, 28 ; ix, 2, v Ps. vui, 9, domination qui se borne pratiquement pour l’homme à s’emparer des poissons, quand il le peut, pour en faire sa nourriture. Œuvre de Dieu,

comme tous les autres êtres, les poissons de la mer rendent témoignage à la puissance du Créateur. Job, xir,

8. Us tremblent devant lui, c’est-à-dire ne sont que de pauvres créatures en face de sa majesté. Ezeoh., xxxviii, 20. Leur abondance marque la bénédiction, Ezech., XLvn,

9, 10, et leur destruction, la colère de Dieu. Is., ii, 2 ; Os., iv, 3 ; Soph., i, ’A, -- 2° Il était permis aux Israélites de manger des poissons, mais seulement ceux qui sont pourvus de nageoires et d’écaillés. Les poissons sans nageoires oU sans, éeailles devaient leur être en abomination. Lev., xi, 9-12. La restriction n’était pas considérable. Elle comprenait les silures, par conséquent le silurus aurilus du Nil, et d’autres de la même espèce qui sont très communs dans les eaux douces en Orient ; les raies, qui habitent exclusivement la mer ; les lamproies, qui au printemps remontent les fleuves et les rivières pour frayer ; les squales, poissons marins très voraces qui forment plusieurs espèces. Les docteurs y joignirent par la suite les murénidés ou anguilles, dont les écailles sont petites et peu visibles. La plupart de ces poissons ont une chair agréable, mais parfois un peu indigeste. La principale raison de leur prohibition provenait donc uniquement de la volonté divine, qui s’affirmait en imposant aux Israélites

109.— Poisson en bronze trouvé dans une nécropole punique.

D’après un dessin de M. Jd’Anselme (Delattre, La nécropole

punique de Ddu’imès, fouilles de ! S93-iS91, fig. 3, p. i).

une privation d’ailleurs assez légère. Saint Paul signale la différence qu’il y a entre la chair du poisson et celle des autres animaux. I Cor-, xv, 39. — 3° Il est dit de Salonaon qu’il disserta sur les poissons. III Reg., iv, 33. II est à croire que le roi avait des connaissances assez étendues sur le grand nombre des espèces qui peuplent les eaux palestiniennes. Toutefois, il est remarquable, observe Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 284, qu’on ne trouve en hébreu aucun nom particulier de poisson, alors que la langue grecque en possède plus de quatre cents. — 4° La Loi défendait formellement « toute image de poisson qui vit dans les eaux au-dessous, de la terre ». Deut., iv, 18. La prohibition n’était pas restreinte aux seuls poissons. Elle avait pour but de détourner les Israélites d’une forme d’idolâtrie commune aux peuples qui les entouraient. Les Philistins avaient leur dieu-poisson, Dagon, dàgôn, dont le nom vient de ddg. Voir Dagon, t. ii, col. 1204. Les Phéniciens et les Carthaginois vénéraient les poissons ; ils en portaient les images sur eux comme amulettes et se faisaient enterrer avec elles après leur mort. Le P, Delattre, dans ses fouilles des nécropoles puniques, en a trouvé un grand nombre en bronze (fig. 109), en os, en ivoire, en lapis-lazuli (fig. 110). D’après Hérodote, ii, 72, les Égyptiens regardaient comme sacrés un gros poisson du Nil, appelé lépidote, et l’anguille. Les Chaldéens honoraient aussi un dieupoisson, Oannès (t. i, fig. 316°, eol, 1154), qui passait pour avoir instruit les premiers hommes, Cf. Fr. Lenormant, Les origines de Vkisloire, Paris, 1880, t. i, p. 585. Il n’était donc pas inutile de prémunir sévèrement les Israélites eontre tout danger d’imitation de ces cultes grossiers. Aujourd’hui encore, dans la Syrie occidentale, l’ancien eulte rendu à Dagon se perpétue sous forme de vénération envers certains poissons qu’il est défendu de pêcher. Tel est le capoeta fratercula (fig. 111), nourri avec sollicitude dans des bassins spéciaux à Tripoli. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 58 ; Élien, Hist. animal., x, 46 ; xii, 2 ; Xénophon, Anabas., i, 4, 9 ; Strabon, xvii, 812 ; Diodore de Sicile, ii, 4.

II. Les poissons d’Égypte. — 1° En bénissant les fils de Joseph, Jacob dit : « Qu’ils multiplient (idgû, qu’ils poissonnent) en abondance au milieu du pays ». Gen., xlviii, 16. Il y a là une allusion à la grande fécondité des poissons et à leur abondance particulière dans le Nil et ses canaux. Au désert, les Israélites se souvenaient des poissons qu’ils mangeaient pour rien en Égypte, Num., XI, 5, tant ils étaient abondants et faciles à prendre.

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110. — Poissons en os, ivoire et lapis-lazuli, trouvés dans les nécropoles de Carthage. Celui qui est figuré au milieu en noir est gravé sur une pastille de verre. D’après le P. Delattre.

Ce sont ces poissons qui, pendant la première plaie, moururent à cause de l’infection du fleuve. Exod., vii, 18, 21 ; Ps. cv (crv), 29. Quand les Israélites se plaignirent de leur nourriture près du Sinaï, Moïse fit cette réflexion : « Leur ramassera-t-on tous les poissons de la mer, pour qu’ils en aient assez ? » Num., xi, 22. — 2° Les poissons marins des côtes d’Égypte et de la Palestine sont ceux qu’on trouve dans toute la Méditerranée. Quelques, espèces, les mulets par exemple, y abondent particulièrement. Certains

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111. — Capoeta fratercula. D’après Lortet, La Syrie, p. 58.

cétacés, marsouins et dauphins, y sont aussi très communs, mais ne pouvaient servir à la nourriture des Israélites. — 3° De nombreuses espèces peuplent le Nil et les divers canaux qui en dérivent. « Beaucoup de poissons de mer montent frayer en eau douce, les dupées, les mugils, les perches, le labre, et poussent leurs excursions très haut dans le Saïd. Les espèces qui ne sortent pas de la Méditerranée sont arrivées du fond de l’Ethiopie, et en arrivent encore chaque année avec la crue, le raschal, le raï, la tortue molle, le docmac, les mormyres. Plusieurs atteignent une taille gigantesque, le bayad et la tortue près de 1 mètre, le latus jusqu’à 3 mètres ; d’autres se distinguent par leurs propriétés électriques, comme le silure trembleur. Le fahaka (fig. 112) est un poisson allongé, qui naît au delà des cataractes. Le Nil l’entraîne d’autant plus aisément qu’il a la faculté de s’emplir d’air et de se gonfler à volonté : quand il est tendu outre mesure, il bascule et file à la dérive, le ventre au vent et tout semé d’épines qui lui prêtent l’apparence d’un hérisson. Pendant l’inondation, il roule de canal en canal au gré du courant ; les eaux en se retirant l’abandonnent dans les champs limoneux, où il devient la proie des oiseaux ou chacals, et sert de jouet aux enfants. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 35, 36. Cf. J. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire naturelle des poissons du Nil, dans la Description de l’Égypte, t. xxiv, p. 176-217. Tous ces poissons sont en quantité prodigieuse. Si, même avant la promulgation de la loi sur les animaux impurs, les Israélites s’abstenaient de plusieurs d’entre eux par raison d’hygiène,

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112. — Fahaka du Nil.

D’après Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 36. particulièrement des silures, ils en avaient à leur disposition beaucoup d’autres appartenant aux genres brème, spare, perche, labre, carpe, chromis, etc. Voir t. ir, fig. 622, col. 2044, un eunuque apportant à une Égyptienne des poissons dans un panier. — 4° Dans sa prophétie contre l’Égypte, Isaïe, xix, 8, prédit le dessèchement du fleuve et des canaux, l’infection des eaux et la perte des poissons, au grand désespoir des pêcheurs. Ezéchiel, xxix, 4, 5, annonce également la destruction des poissons, en punition de l’orgueil égyptien.

III. Les poissons de Palestine. — 1° Au lac de Tibériade. — Les poissons sont prodigieusement abondants dans ce lac. Comme ceux du Jourdain et de ses affluents, ils présentent une grande ressemblance avec les poissons du Nil, au point qu’autrefois on croyait à une communication souterraine entre le fleuve égyptien et les eaux palestiniennes. Cf. Josèphe, Bell. jud., iii, x, 8.

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113. — Chromis Simonis. D’après Lortet, La Syrie, p. 507.

Ces poissons forment parfois des bancs étendus et épais, qui agitent l’eau à la surface comme le ferait une violente averse. Ils appartiennent aux genres chromis, clarias, capoeta, barbus, blennius, discognathus et nemachilus. Les chromis sont représentés par de nombreuses espèces. Ces poissons, longs d’une vingtaine de centimètres à peine, ont la spécialité de garder leurs alevins dans leur gueule durant plusieurs semaines, jusqu’à ce que ceux-ci soient de taille à se suffire à eux-mêmes. « Une de ces espèces, le chromis Simonis (fig. 113), a une gueule énorme, comparée aux dimensions du corps ; au printemps, les joues du mâle sont toujours gonflées par les œufs, oa le fretin, qu’il transporte ainsi partout avec lui… J’ai vu maintes

fois la femelle en pondre une quantité considérable, deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux, dans une petite excavation qu’elle creuse en se frottant dans la vase… Quelques minutes plus tard, le mâle prend avec ses lèvres les œufs, les uns après les autres, et les fait glisser dans l’intérieur de sa gueule, contre ses joues qui se gonflent alors d’une manière étrange… Au sein de cette cavité incubatrice d’un nouveau genre, les œufs subissent en quelques jours toutes leurs métamorphoses. Les petits, qui prennent rapidement un volume considérable, paraissent bien gênés dans leurétroite prison… et ne quittent cette demeure que lorsqu’ils sont longs de dix millimètres, et alors assez forts et agiles pour échapper facilement à leurs nombreux ennemis. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 506. L’hemichromis sacra se rencontre, au mois de juin, avec la gueule pleine d’œufs et d’alevins, atteignant parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis Tiberiadis, niloticus et microstomus, de plus grande taille que les précédents, sont préférés par les pêcheurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des chromis ont une couleur argentée et tombent sur le sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut très probablement dans la gueule d’un chromis que, sur l’ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non plus des alevins, mais le statère destiné à payer le

114. — Clarias macracanthus des rives vaseuses et herlieuses du lac de Tibériade. D’après Lortet, La Syrie, p. 509.

tribut. Matth., XVII, 26. Le poisson, malgré la présence du statère dans sa bouche, n’eut pas plus de difficulté à saisir l’hameçon, que n’en avaient ses semblables pour saisir la proie destinée à les nourrir, dans le temps que leur bouche était encombrée par leurs alevins. Un des poissons les plus curieux du lac est un siluridé, le clarias macracanthus (fig. 114), analogue au clarias anginllaris d’Egypte, le coracinus de Josèphe, Bell, jud., III, x, 8. Il atteint plus d’un mètre de longueur, peut vivre plusieurs jours hors de l’eau, et fait entendre, quand on le prend ou qu’on le frappe, des espèces de miaulements comme ceux d’un chat. Il a une vessie natatoire qu’il peut remplir d’air, qui lui permet de respirer hors de l’eau comme les dipneustes, et qui, en se contractant, imite le bruit d’un miaulement. Ce poisson, dépourvu d’écaillés, ne pouvait être mangé par les Israélites. Les poissons du lac servent de proie aux pélicans et aux grèbes huppés, échassiers qui fréquentent la Palestine en très grand nombre. Ces derniers s’attaquent aux chromis pour les dévorer ; mais, quand ils les trouvent trop gros, ils se contentent de leur enlever les yeux avec leur long bec. Aussi prend-on souvent des poissons aveugles dans le lac. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 508-510.

2° Dans le Jourdain et ses affluents. — Le Jourdain nourrit une grande quantité de poissons que chassent les martins-pêcheurs, mais qui se multiplient d’autant plus aisément que, par suite d’un préjugé, les Arabes n’y touchent jamais. Les espèces ne différent pas de celles qui peuplent le lac de Tibériade. On pêche le plus fréquemment les capoeta Syriaca, socialis et Da mascina, poissons argentés comme les truites de montagne ; les barbus canis et longiceps, d’assez grande taille et pourvus de tentacules de chaque côté du museau ; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq centimètres de long, et quelquefois le claHas macracanthus. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont les mêmes espèces que le fleuve. Les petits ruisseaux du Kelt, aux environs de Jéricho, nourrissent le capoeta Damascina, le Discognathus lamta et le cyprinodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtout dans le Jaboc. Le lac Houléh a les mêmes habitants que le lac de Tibériade. Mais tous les poissons qu’entraîne le violent courant du Jourdain périssent dès qu’ils atteignent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezéch., xlvii, 9, 10. Voir Jourdain, t. iii, col. 1739 ; Morte (Mer), t. iv, col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans des sources même salées ou chaudes, de petits poissons argentés, le cyprinodon Sophiw, le’cyprinodon dispar, et d’autres analogues. Le cyprinodon dispar (fig. 115), long de cinq centimètres à peine, est d’un gris argenté et verdàtre sur le dos. Des points pigmentaires d’un noir intense sont semés sur les flancs, le ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources chaudes, fortement salées et parfois quelque peu sulfureuses. Mais, comme tous les autres, il périt sitôt qu’on le plonge dans l’eau de la mer Morte. La source Aïn Sghaïr, salée, sulfureuse et d’une température de 20°, renferme des myriades de cyprinodon Sophiæ, longs

H5. — Cyprinodon dispar de Palestine. D’après Lortet, La Syrie, p. 439.

de trois ou quatre centimètres à peine. Ces poissons sont d’un brun verdàtre, avec des raies argentées verticales sur les flancs. Ils se meuvent avec grande agilité et se nourrissent surtout de larves de moustiques. Près du lac Houléh, la source Aïn Mellâhâh nourrit des cyprinodon dispar et des capoeta fratercula. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 438, 439, 444, 540. Il arrivait parfois que les torrents aboutissant au Jourdain se tarissaient. Alors se réalisait ce que dit Isaïe, L, 2 : « Je changerai les fleuves en désert, leurs poissons pourriront faute d’eau et ils périront de soif. »

IV. Le poisson de Jonas. — Le texte sacré dit que « Jéhovah lit venir un grand poisson, dàg gâdôl, pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. » Jon., ii, 1. Dans saint Matthieu, xii, 40, le poisson est appelé un monstre marin, xïjto ; , cetus. Tout d’abord, il n’est nullement nécessaire de supposer que Dieu ait créé un poisson spécial pour engloutir le prophète. Il « fit venir », c’est-à-dire prit soin que le monstre se trouvât là au moment voulu. Notre-Seigneur lui-même fait allusion à l’événement et le présente comme un signe, c’est-à-dire comme un fait miraculeux destiné à prouver ou à figurer quelque chose. Matth., xii, 39 ; Luc, xi, 29. Les mots dâg gâdôl, « grand poisson », x^toc, employés par les Septante et par saint Matthieu, piscis grandis de la Vulgate, ne préjugent absolument rien quant à la nature de l’animal en question. Il ne saurait être la baleine dontle pharynx est beaucoup trop étroit pour avaler une proie considérable. Voir Baleine, t, i, col. 1413. Mais dans la Méditerranée se trouvent d’autres monstres capables d’engloutir un homme tout entier. Tels sont par exemple le pristis ou scie, dont la

taille peut atteindre de trois à einq mètres ; le squale, poisson de grande taille dont la voracité est prodigieuse ; la lamie, de dimension extraordinaire et dqnt le poids peut atteindre 15000 kilogrammes, et surtout le requin ou careharias, d’une force et d’une voracité étonnantes et dont la taille, peut aller jusqu’à neuf et dix mètres. Tous ces poissons appartiennent à la famille des sélaciens ou plagiostomes, dont la bouche est placée transversalement au-dessous du museau. Dans leur mythe d’Hercule englouti par un monstre marin qu’avait envoyé Neptune, puis rejeté sain et sauf, les Grecs faisaient intervenir un carcliarias, xdtpx’fws xûwv, csmis cm’charias ou requin. Cf. Lycophron, Cassandr. , 34. On cite plusieurs cas d’hommes engloutis tout entiers par des requins, entre autres celui d’un matelot qui, en 1759, tomba à la mer dans la gueule d’un requin qui suivait le navire. Le monstre, blessé à coups de fusil, rendit aussitôt le matelot un peu contusionné. Cf. S. Muller, Des Bitt. von Linné volst. Natw system., Nuremberg, 1774, p. 268, 269. Le cas d’un homme englouti par un poisson, comme le fut Jonas, est donc naturellement possible. Il est dit que le prophète resta trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre. Jon., ii, 2, Cette expression doit s’entendre, à la manière hébraïque, non de 72 heures, mais de beaucoup moins, peut-être de 30 ou 4Q. Ce séjour de Jonas au sein du poisson, sa survivance dans un pareil milieu et ensuite sa délivrance sur te rivage ne sont pas présentés par le texte sacré comme des faits naturels. On ne peut donc leur opposer d’autres objections que celles qu’on fait contre tous les miracles. Voir Jonas 2, t. iii, col. 1608-1609. Cf. F. Baringius, De ceto Jonse, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 217-219 ; Rosenmùller, Prophétie minores, Leipzig, p. 354-356, 374 ; T. J. Lamy, Jonas, dans le Diction, apologétique de Jaugey, p. 1705-1714. Sur les représentations de Jonas et du poisson dans l’iconographie chrétienne primitive, voir Martigny, Diction, des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 398.

V. Le poisson de Tobie. — Le jeune Tobie descendait sur la rive du Tigre pour se laver les pieds, quand un poisson énorme, tx9ù ? (h’y « Ç) piscis immanis, sortit pour le dévorer, ou, d’après le Sinaïticus, chercha à lui happer le pied. Tobie fut épouvanté, mais, sur l’ordre de l’ange, il tira le poisson par les ouïes jusque sur la rive. Tob., vi, 2.4. Le texte sacré ne dit rien sur la nature de ce poisson. L’Euphrate et le Tigre sont très poissonneux. Les riverains n’ont longtemps vécu que de poisson, qu’ils mangeaient frais, salé ou fumé. Ils le séchaient au soleil, le pilaient dans un mortier, tamisaient la poudre et en faisaient des sortes de pains ou de gâteaux. Hérodote, i, 200. Le barbeau, la carpe, l’anguille, la murène, le silure prospèrent et prennent de fortes dimensions dans ces eaux lentes. On y trouve aussi une curieuse espèce de grondin. « Il séjourne dans l’eau à l’ordinaire, mais l’air libre ne l’effraie point : il saute sur les berges, grimpe aux arbres sans trop de peine, s’oublie volontiers sur les bancs de boue que la marée découvre et s’y vautre au soleil, sauf à s’enlizer en un clin d’œil si quelque oiseau l’avise de trop près. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 556. On a conjecturé que le poisson de Tobie était un silure, mais on a contesté qu’il ait pu s’élancer pour attaquer l’homme. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, p. 293. Le Sinaïticus et la Vulgate parlent d’un grand poisson. Le texte grec de la Sixtine dit seulement qu’  « un poisson s’élança du fleuve ». Il ne serait pas impossible que ce poisson non qualifié, qui sauta du fleuve, ne fût autre que le grondin. Il devait, en tous cas, être à la fois de taille assez faible pour que le jeune homme pût le tirer à lui, et pourtant assez volumineux pour fournir les provisions qui suffirent aux deux voyageurs jusqu’à Rages. Tob., vi, 6.

Une fresque du cimetière de Thrason représente Tcsbie offrant à l’ange le, poisson qu’il vient de prendre (fig. 116). Cf. Marùechi, Éléments d’archéologie chrétienne, Paris, t. i, 1899, p. 303. Sur l’emploi du flel de poisson pour la guérisqn des yeux, voir Fiel, t. ii, col. 2234. "Voir aussi Tobie.

VI. Le marché aux poissons. — Dans l’ancienne Jérusalem, H y avait une parte des Poissons, ainsi nommée parce que les provisions de poisson arrivaient par là, de la mer et du lac de Tibériade. II Par., xxxiii, 14 ; H Esd., iii, 3 ; xii, 38 ; Soph-, i, Î0. Des [marchands tyriens vendaient le poisson dans la ville ; Néhémie fut même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour les empêcher d’exercer leur commerce le jour du sabbat. II Esd, , xiii, 16. Le poisson qu’ils vendaient n’était pas frais, à cause de la distance à parcourir, mais salé ou séché au soleil. Voir le marchand de poisson d’un ancien bazar égyptien, t. ii, fig. 512, çql. 1555. Le poisson de mer frais ne pouvait guère venir à Jérusalem, que de Jqppé. Les Phéniciens avaient de grandes pêcheries maritimes et exportaient en Palestine une partie de leur

116. — Tobie offrant à l’ange, le poisson.

Peinture de la catacombe des Saints-Thrason-et-Saturnin.

D’après Martigny, Dictionnaire, p. 760.

poisson. Les habitants de plusieurs bourgs de la côte ne vivaient que de leur pêche. Le lac de Tibériade fournissait les poissons d’eau douce. Un grand nombre de bateaux y péchaient au temps de Notre-Seigneur. Cf. Josèphe, Bell, jud., III, x, 9. Des poissons salés arrivaient aussi d’Egypte. Le zâç. ijçoç qu salaison s’y préparait en un grand nombre d’endroits, d’où la fréquence du nom de lieu Tapissai. Machschirin, vi, 3. Cf. Hérodote, n, 149. Le thon salé ou holias provenait d’Espagne, dont les salaisons étaient renommées. Schabbath, xxil, 2 ; Machschirin, vi, 3. Cf. Pline, ii, N., xxxil, 146 ; Sehûrer, Géschichte des jïidischen Vol/tes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 57, 58. Sauf au bord de la mer et du lac tous les poissons n’étaient transpertés et utilisés qu’après avoir été sales ou séchés au soleil. Le peuple se contentait de cette nourriture.

VII. Les poissons dans l’Évangile. — Les évangélistes mentionnent les poissons à propos des pêches ordinaires, Matth., xiii, 47, ou miraculeuses. Luc, v, 6 ; Joa., xxi, 6-13. Voir Pêche, col. 6. Ils en parlent surtoutau point de vue de la nourriture. Notre-Seigneur dit qu’un père ne donnerait pas un serpent à son enfant qui lui demande un poissqn. Matth., vii, 10 ; Luc, XI, 11. Le poisson et le serpent ont une certaine ressemblance ; mais l’un est comestible et l’autre nuisible. A la première multiplication des pains, un enfant a deux poissons, assez petits, sans doute, puisqu’il peut les porter en chemin avec einq pains. Matth., xiv, 17 ; Marc, vi, 38, 41 ; Luc, ix, 13 ; Joa., vi, 9. À la seconde multiplication, on trouve parmi les assistants quelques

petits poissons. Matth., sv, 34. Ces poissons, salés ou sèches, faisaient partie des provisions de route dont se munissait ordinairement l’Israélite. — Après la résurrection, au cénacle, les Apôtres offrent à Notre-Seigneur un morceau de poisson rôti. Luc, xsiv, 42. À son tour, sur les bords du lac de Tibériade, le Sauveur a disposé

117. — Poisson, personnifiant Notre-Seigneur,

portant une corbeille de pains.

D’après Martigny, Dictionnaire, p. 291.

pour eux du poisson qui rôtit sur des charbons ardents. Joa., xxi, 9. — Les miracles de la multiplication des pains suggérèrent aux premiers chrétiens l’idée d’un symbole eucharistique qu’on trouve représenté dans les catacombes. C’est un poisson portant une corbeille de pains (Dg. 117). Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 3e édit., p, 291. Cf. Marucchi, Élé' nients d’archéologie cln'étienne, Paris, 1900, t. ii, p. 170.

118. — Poisson de bronze, figure de Notre-Seigneur. D’après Martigny, Dictionnaire, p. 655.

A cause de son nom grec, le poisson devint lui-même le symbole du Christ. On observa de bonne heure que les cinq lettres du mot t%6jc fournissaient les initiales des cinq mots 'Ir, <roJî Xpto-ioç OsoO vî'o « ctwt^p, « JésusChrist, de Dieu Fils, Sauveur. » Des poissons de verre ou de métal étaient portés comme objets de piété, au moyen desquels les chrétiens se reconnaissaient entre eux. On gravait des poissons sur* des anneaux, sur

H9. — Ancre debout, figurant une croix, d’où descend une ligne

à laquelle est pris un poisson, image du chrétien.

D’après Martigny, Dictionnaire, p. 657.

l’ivoire, les pierres précieuses, etc. Parfois des inscriptions étaient tracées sur le poisson lui-même, pour accuser davantage sa signification. On lit sur un poisson de bronze (flg. 118) le mot CCOCAIC, « sauve », ce qui fait que l’ensemble constitue celle invocation : « Jesus-Cbrist, Fils de Dieu, Sauveur, sauve-nous, s Le poisson pris à l’hameçon (fig. 119) figure le chrétien converti par la prédication évangélique. Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 653-659.

H. Lesêtre.

2. POISSONS (PORTE DES) à Jérusalem. Voir Jérusalem, 2°, t. iii, col. 1364.

    1. POITRINE##

POITRINE (hébreu : fiazéh ; chaldéen : hddin ; Septante : arf^oç, <ttï)6vv un ; Vulgate : pectus, pectuscuZum),

partie antérieure du corps, située entre le ventre et le cou. — 1° Le mot hazéh n’est employé que pour désigner la poitrine des victimes offertes dans les sacrifices pacifiques. Cette poitrine était détachée, balancée devant le Seigneur et ensuite appartenait ordinairement aux prêtres. Exod., xxix, 26, 27 ; Lev., vii, 30, 31 ; ix, 20, 21 ; x, 1. — 2° Dans plusieurs passages, les versions prennent la poitrine pour désigner le ventre, Gen., i », 14, et surtout les organes du sentiment, tels que les concevaient les auteurs sacrés, le cœur, Judith, iii, 11, les reins, les entrailles, le sein, etc. La statue vue en songe par Nabuchodonosor avait la poitrine et les bras d’argent. Dan., ii, 32- Au moment de l’attentat d’Héliodore, les femmes de Jérusalem se couvrirent la poitrine d’un cilice, en signe de deuil. II Mach., iii, 19. Les sept anges de l’Apocalypse, xv, 6, portaient des ceintures d’or autour de la poitrine. — 3° Dans le deuil ou le repentir, on se frappe la poitrine. Nah., ii, 7 ; Luc, xviii, 13 ; xxiii, 48. Ce geste est naturel ; c’est la révélation publique de ce qui est caché au fond du cœur, douleur ou regret. Cf. S. Augustin, Serm., 67, t. xxxviii, col. 433. — À la dernière Cène, saint Jean reposa sa tête sur la poitrine de Jésus, Joa., XIII, 25 ; XXI, 20, ce qui marquait l’amour du Sauveur pour le disciple, et celui du disciple pour son divin Maître. H, Lesëtke.

    1. POIVRETTE COMMUNE##

POIVRETTE COMMUNE, nom vulgaire de la nigelle ou nielle cultivée, dont la graine servait de condiment dans l’Orient et qui était appelée gith en latin. Voir Gith, t. iii, col. 244.

POIX (hébreu : zéfe’f ; Septante : kIggoi ; Vulgate : . pix), substance résineuse ou bitumineuse, extraite des pins et des sapins. Celte substance est de la térébenthine qui se fond à chaud dans l’eau ; d’aspect jaunâtre, elle est grasse au toucher, tient aux mains et est imperméable à l’eau ; elle se ramollit seulement à la chaleur. — La corbeille de jonc dans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil était enduite de bitume et de poix, pour que l’eau n’y pénétrât pas. Exod., ii, 3. — Dans sa prophétie contre Édom, Isaïe, xxxiv, 9, dit que les torrents de son territoire seront changés en poix et que la terre elle-même deviendra de la poix brûlante. Le prophète fait allusion à la configuration du pays qui, situé au sud-ouest de la mer Morte, a vu les éruptions de matières bitumineuses dans lesquelles ont péri Sodome et les villes coupables. Voir t. iii, col. 830. Les phénomènes qu’il prédit ne sont que des images du châtiment qui menace l’Idumée. — Celui qui touche de la poix souille sa main, à cause de la nature adhésive de cette substance ; de même, celui qui fréquente l’orgueilleux devient vicieux à son contact. Eccli., xiii, 1. — Pour augmenter la combustion de la fournaise babylonienne, on y jetait de la poix, matière résineuse qui activait le feu. Dan., iii, 46. Pour tuer le dragon qu’adoraient les Babylonie’ns, Daniel lui fit avaler des boulettes composées de poix, de graisse et de poils. Dan., xiv, 26. La graisse devait allécher l’animal, la poix, retenue par les poils, s’arrêter dans sa gorge et l'étouffer. C’est ce qui se produisit.

H. Lesêtre.

POLE Matthieu. Voir Poole.

    1. POLICE##

POLICE, institution chargée de maintenir l’ordre public. — 1° Police civile. — On a fort peu de renseignements sur ce sujet. Les choses devaient d’ailleurs se passer très simplement chez les Hébreux. La police rentrait naturellement dans les attributions des anciens, placés à la tête de chaque agglomération. Voir Anciens, 1. 1, col. 555-556. Dans les affaires criminelles, les parents, le lésé lui-même ou les témoins amenaient le coupable devant les juges. Voir Jugement, t. iii, col. 1844.

Les rois exerçaient le droit de police sur tout le pays soumis à leur juridiction. III Reg., xviii, 10 ; IV Reg., 1, 9, 11, 13 ; Jer., xxxvii, 12-14 ; Matth., xiv, 3 ; Act., xii, 1-3. Dans certains cas de flagrant délit, on voit les juges prendre l’initiative des poursuites et citer ou saisir eux-mêmes le coupable. Dan., xui, 27, 29 ; Joa., vin, 3.

2° Police religieuse. — Le blasphème et les crimes contre la religion appelaient la surveillance des juges locaux, III Reg., xxi, 10-13, et surtout des prêtres de Jérusalem. Jer., xxvi, 8, 9. Le grand sanhédrin exerça plus tard cette surveillance sur tout le pays juif et même sur les communautés juives vivant hors de la Palestine. Les hommes qu’il employait pour sa police sont appelés ûmipé-rai, ministri, « serviteurs ». Il en est question dans le Nouveau Testament. Matth., xxvi, 58 ; Marc, xiv, 54 ; Joa., vii, 32, 45 ; xviii, 3, 12, 22 ; xix, 6 ; Act., v, 22, 26. La police du sanhédrin fut mise en mouvement pour suivre partout Notre-Seigneur pendant sa vie publique et espionner ses paroles et ses démarches. Le soin de cet espionnage ne fut pas confié aux simples serviteurs ; des scribes et des pharisiens envoyés de Jérusalem s’y employèrent. Matth., xv, 1-6 ; xvi, 1 ; Luc, v, 17 ; xi, 53, 54. À Jérusalem, le sanhédrin chercha à faire arrêter Jésus par les serviteurs. Joa., vii, 30, 32, 44. Ceux-ci n’osèrent pas une première fois et furent réprimandés par leurs maîtres. Joa., vii, 45-47. Peu avant la dernière Pâque, le sanhédrin donna ordre à quiconque le savait de dénoncer le séjour de Jésus, afin qu’on pût l’arrêter. Joa., xi, 56. Pour plus de sûreté, il voulait agir par ruse. Matth., xxvi, 4. Maisi grâce à la trahison de Judas, on put trouver une occasion favorable pour s’emparer de la victime. Matth., xxvi, 16. La troupe qui fut envoyée à Gethsémani comprenait une cohorte, mais aussi des agents dépendant du sanhédrin. Matth., xxvi, 47 ; Marc, xiv, 43 ; Joa., xviii, 3. Ces derniers appartenaient à la police des grands-prêtres. L’un d’eux se permit de souffleter le Sauveur en plein tribunal. Joa., xviii, 22. Cf. A. Lémann, La police autour de la personne de Jésus-Christ, Paris, 1895. Les mêmes agents se saisirent plus tard des apôtres, les mirent en prison, mais se gardèrent ensuite de les maltraiter, quand ils constatèrent leur délivrance miraculeuse. Act., vii, 18, 22, 26. Lorsque Saul s’en allait à Damas, pour ramener à Jérusalem les chrétiens enchaînés, il disposait évidemment d’une force de police à la solde du sanhédrin. Act., ix, 2.

3° Police du Temple. — Dans le premier Temple, la police était confiée à des lévites. Voir Portier ; I Par., ix, 17, 24-27 ; xxvi, 12-18. Dans le second, les lévites occupaient la nuit vingt et un postes, à savoir : les cinq portes de la montagne du Temple, les quatre angles intérieurs, les cinq portes du parvis intérieur, les quatre angles extérieurs de ce parvis, la chambre de l’oblation, celle du voile, la partie postérieure du Saint des Saints, la porte Nitzotz au nord, la chambre Aftines audessus de la porte des Eaux et l’endroit appelé Beth moked, dans lequel dormaient les prêtres. Dix lévites veillaient à chaque poste, et avec eux dix prêtres dans chacun des trois derniers. Cf. Num., xviii, 4 ; Ps. cxxiv (cxxiu), 1, 2. Tamid, i, 1 ; Middoth, i, 1. L T n préfet du Temple, nommé 'ïs har hab-baî{, « homme de la montagne de la maison », faisait des rondes pendant la nuit pour s’assurer que chacun veillait à son poste. S’il trouvait quelque gardien à dormir, il pouvait le frapper de verges et même mettre le feu à ses vêtements. Cf. Middoth, 1, % L' Apocalypse, xii, 15, fait peut-être allusion à cet usage. On renforça cette garde de nuit, après l’attentat commis, sous le procurateur Coponius, par des Samaritains, qui profitèrent de l’ouverture du Temple après minuit durant les fêtes de la Pâque pour semer des ossements de morts dans le lieu saint. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ii, 2. Pendant le jour, la police

du Temple veillait également pour interdire l’entrée du périboie à ceux qui n’avaient pas le droit de le franchir. Voir Péribole, col. 142 ; Philon, De prœm. sacerdot., 6, édit. Mangey, t. ii, p. 236. Le préfet du Temple avait la police des parvis extérieurs ; un autre fonctionnaire, appelé 'U hab-birâh, « homme de l'édifice », surveillait le Temple lui-même. Cf. Orla, ii, 12. Le mot bîrâh désigne certainement ici le Temple, comme I Par., xxix, 1, 19 ; Pesachim, iii, 8 ; vii, 8, etc. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes ini Zeit. J.-C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 273, 274. Dans le Nouveau Testament, le préfet du Temple porte le nom de <jtp « ttiyô ; , magistratus. Judas s’aboucha avec les princes des prêtres et les magistrats, vraisemblablement les deux préfets mentionnés plus haut et commandant la police du Temple. Luc, xxii, 4. Les forces policières qui procédèrent à l’arrestation du Sauveur à Gethsémani étaient d’ailleurs accompagnées de princes des prêtres, d’anciens et des préfets du Temple, nxçiax^oi xo> lepoû, magistratus templi. Luc, xxii, 52. L’un des deux préfets intervint à plusieurs reprises au sujet des Apôtres. Act., iv, 1 ; v, 24, 26. C’est plutôt le préfet des parvis dont il est question dans ces derniers passages.

4° Police romaine, — Les procurateurs romains exerçaient en Judée le droit de haute police. De l’an 6 à l’an 41 après J.-C, ils surveillèrent même les finances du Temple. Ce droit passa ensuite, jusqu’en 66, aux princes juifs, Hérode de Chalcis et Agrippa II, qui d’ailleurs nommaient le grand-prêtre. Cf. Josèphe, Ant. jud, ., XX, i, 3 ; IX, 7. Jusqu'à l’an 36, le procurateurgarda, dans la citadelle Antonia, les ornements du grand-prêtre, ne les remettant au titulaire qu’aux trois grandes fêtes et au jour de l’Expiation. Vitellius en rendit alors aux Juifs le libre usage, que le procurateur Cuspius Fadus chercha en vain à restreindre de nouveau en 44. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 3 ; XX, i, 1, 2. Les Romains s’en emparèrent définitivement à la prise de Jérusalem. Cf. Josèphe ; Bell, jud., VI, viii, 3. À l'époque des grandes fêtes, qui attiraient à Jérusalem une population nombreuse et très remuante, le procurateur quittait sa résidence ordinaire de Césarée pour venir dans la capitale juive, afin de parer à tout événement imprévu. Il habitait alors soit la citadelle Antonia, soit l’ancien palais d’Hérode. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 8 ; xv, 5. La garnison de Jérusalem se composait habituellement d’une cohorte. Voir t. ii, col. 827. Celle-ci était commandée par un x’d a PX ot -> tribunus. Act., xxi, 31 ; xxii, 24 ; xxiii, 10, 15 ; xxiv, 7, 22. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8, parle d’un Tif[i.a de Romains en garnison à l’Antonia ; mais pour lui, cf. Ant. jud., XX, VI, 1 ; Bell, jud., II, xii, 5, le zi-(La est la (meîpoj la cohorte, cf. Act., xxi, 31, et non la légion. La cohorte romaine prêtait main forte aux autorités juives dans certains cas. Elle fournit les soldats qui prirent part à l’arrestation du Sauveur, Joa., xviii, 3, et à son crucifiement, Joa., xix, 23, 24, sous la conduite d’un àxaTtSvTapyoç, centurio. Matth., xxvii, 54 ; Marc, xv, 39 ; Luc, XXHi, 47. La garde, xoucrrwSîa, custodia, apostée au sépulcre, Matth., xxvii, 65, se composait aussi de soldats romains, comme le prouve ce qui se passa après la résurrection. Matth., xxviii, 14. De l’Antonia, deux escaliers donnaient accès dans le Temple et permettaient d’y faire pénétrer des soldats en cas de troubles. Aux jours de fête, des postes étaient établis sous les portiques qui entouraient le parvis des gentils. Cf. Josèphe Ant. jud., XX, v, 3 ; viii, 11 ; Bell, jud., II, xii, 1 ; V, v, 8. Le tribun de la cohorte intervenait pour maintenir l’ordre, Act., xxi, 31-40 ; xxhi, 10, et il expédiait des détachements composés de piétons et de cavaliers, pour conduire des prisonniers jusqu'à Césarée, Act., xxiii, 23, 24. Le centurion qui conduisait des prisonniers, même par mer, en était responsable. Act., .

xx’vii, 4243.
H. Lesêtre.
    1. POLITARQUE##

POLITARQUE (grec : iwtTipx i lc> Vulgate ; princeps civitatis), nom local des chefs de la ville de Thessalonique. Act., xvii, 6, 8. On a retrouvé un certain nombre de leurs inscriptions. Voir Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2 8 édit., p. 237-256. Leur nombre paraît avoir varié selon les époques. Une inscription en mentionne deux, une autre six, une autre sept, etc. On trouve des politarques dans d’autres villes de la Macédoine. Quand saint Paul prêcha l’Évangile à Thessalonique, les Juifs irrités voulurent s’emparer de sa personne et, ne l’ayant pas trouvé, ils traînèrent Jason chez qui il logeait devant les politarques ; ceux-ci ne laissèrent en liberté Jason et les frères qu’on avait arrêtés avec lui que contre caution. Act., xvii, 1-9.

    1. POLITESSE##

POLITESSE, ensemble d’usages qui président aux bonnes relations des hommes entre eux. — Ces usages varient suivant les pays et suivant les temps ; mais la dignité extérieure a toujours été en grande estime chez les Orientaux, ce qui fait que parmi eux, même l’homme du peuple, le pauvre, le nomade, ne sont jamais vulgaires. Les Israélites avaient des règles de politesse auxquelles la Sainte Écriture fait assez souvent allusion.

1° En se rencontrant, on échangeait des salutations très expressives et parfois très cérémonieuses. Voir Salutation. En certaines circonstances, on donnait un baiser. Voir Baiser, t. i, col. 1383. On voit Joab saisir de la main droite la barbe d’Amasa pour le baiser. II Reg., xx, 9. Pour marquer un plus grand respect, on se prosternait, voir Adoration, t. i, col. 233, et Prosternement. À la rencontre d’un supérieur, celui qui était sur sa monture en descendait et se prosternait. I Reg., xxv, 23.

2° L’inférieur donnait à son supérieur le nom de seigneur et lui-même se déclarait son esclave, Gen., xviii, 3 ; xix, 2 ; xxxiii, 14 ; Jud., xix, 19 ; I Reg., xxvi, 18, etc. ; il parlait de lui à la troisième personne. Gen., xliv, 18, 19, etc. Une femme prenait aussi le nom d’esclave devant son supérieur, I Reg., i, 16 ; xxv, 24 ; IV Reg., iv, 2, 16, etc., cependant même un serviteur pouvait parler à sa maltresse sans qu’aucun terme spécial de respect fût mentionné. I Reg, xxv, 14, 17.

3° On avait des égards particuliers pour les vieillards. La loi faisait une obligation de se lever devant eux. Lev., xix, 32. Le jeune homme devait garder une attitude modeste et réservée :

Parle, jeune homme, s’il y a utilité pour toi,

A peine deux fois, si l’on t’interroge.

Abrège ton discours, dis beaucoup en peu de mots.

Sois comme quelqu’un qui a la science et sait se taire.

Au milieu des grands, ne te fais pas leur égal,

Et, où il y a des vieillards, sois sobre de paroles…

L’heure venue, lève-toi sans tarder.

Eccli., xxxii, 7-10.

4° Quand on allait chez quelqu’un, on commençait par se tenir hors de la maison, et, si Ton arrivait chez un grand personnage, on se faisait annoncer. III Reg., 1, 23. Il eût été impoli d’entrer rapidement dans la maison, de se courber à l’entrée pour voir à l’intérieur et d’écouter à la porte. Eccli., xxi, 25-27. Voir Visite. Les visites comportaient différentes attentions mutuelles. Le nouvel arrivant pouvait apporter des présents, voir Présent ; son hôte lui donnait le baiser, lui lavait les pieds, voir Lavement des pieds, t. iv, col. 132, et le parfumait. Voir Onction, t. iv, col. 1810 ; Parfum, col. 2163. S’il y avait quelque festin ou quelques autres réjouissances, il fallait éviter de s’attribuer la première place, voir Première pla.ce, et ensuite prendre soin de se comporter convenablement. Voir Festin, t. iii, col. 2212 ; Repas. Quand le visiteur venait de

loin, le devoir de l’hospitalité s’imposait envers lui. Voir Hospitalité, t. iii, col 760.

50 La conversation était fort dans le goût des Israélites, comme de tous les Orientaux. Job, xxix, 9-11, etc. Mais elle devait respecter la convenance des assistants. Aussi était-il dit à l’adresse du vieillard qui assistait à un repas, Eccli., xxxii, 3-4 :

Parle, vieillard, avec justesse et doctrine, c’est ton rôle, Mais sans faire obstacle à la musique. Lorsqu’on (F)écoute, ne te répands pas en paroles, Et n’étale pas ta sagesse à contre-temps.

Il y a en effet « un temps pour se taire et un temps pour parler. i> Eccle., iii, 7. Fleury, Mœurs des Israélites, I, xii, fait les remarques suivantes au sujet du langage des Hébreux : « Ils usaient volontiers, dans leurs discours, d’allégories et d’énigmes ingénieuses. Leur langage était modeste et conforme à la pudeur, mais d’une manière différente de la nôtre : ils disaient l’eau des pieds pour dire l’urine ; couvrir les pieds, pour satisfaire aux autres besoins, parce qu’en cette action, ils se couvraient de leurs manteaux, après avoir creusé la terre, Deut., xxiii, 14 ; ils nommaient la cuisse pour les parties voisines que la pudeur défend de nommer. D’ailleurs, ils ont des expressions qui nous paraissent fort dures, quand ils parlent de la conception et de la naissance des enfants, de la fécondité et de la stérilité des femmes ; et ils nomment sans façon certaines infirmités secrètes de l’un et l’autre sexe, que nous enveloppons par des circonlocutions éloignées. Toutes ces différences ne viennent que de la distance des temps et des lieux. La plupart des mots qui sont déshonnètes, suivant l’usage présent de notre langue, étaient honnêtes autrefois, parce qu’ils donnaient d’autres idées… Les livres de l’Écriture parlent plus librement que nous ne ferions de ce qui regarde le matériel du mariage, parce qu’il n’y avait personne parmi les Israélites qui y renonçât, et que ceux qui écrivaient étaient des hommes graves et des vieillards pour l’ordinaire. » Les récits que font parfois les historiens sacrés et le langage que tiennent certains prophètes ne doivent donc pas étonner. Ils n’accusent nullement un manque de savoir-vivre et de délicatesse ; ils portent seulement la marque d’un temps et d’un pays où les choses ne s’appréciaient pas comme dans les nôtres, où la grâce de l’Évangile n’avait pas encore fait sentir son influence et où la politesse ignorait certains raffinements dont des civilisations plus avancées couvrent leurs vices. La simplicité des mœurs autorisait d’ailleurs celle du langage en bien des circonstances. — Il était considéré comme malséant de rire bruyamment. Eccli., xxi, 23.

6° Dans l’Évangile, on rencontre un bon nombre de formules de politesse très simples, mais d’autant plus expressives que souvent les interlocuteurs s’adressent l’un à l’autre sans se donner aucune appellation spéciale. Ceux qui parlent au Sauveur lui disent ordinairement « Seigneur », Matth., viii, 6, 8, 25 ; ix, 28 ; xv, 22 ; Luc, v, 8, 12 ; Joa., iv, 49 ; v, 7 ; xi, 21, 27, etc., ou « Maître, Rabbi, Rabboni », Malth., xxii, 16 ; xxvi, 49 ; Marc, iv, 38 ; ix, 16 ; x. 51 ; Luc, vii, 40 ; viii, 24 ; x, 25 ; xvii, 13 ; xviii, 18 ; xix, 39 ; Joa., viii, 4 ; ix, 2 ; xi, 8, etc. Lui-même, suivant les personnes auxquelles il s’adresse, dit ci mon fils », Matth., ix, 2 ; Marc, ii, 5 ; « homme », Luc.,-v, 20 ; « jeune homme », Luc, vu, 14 ; « femme », Matth., xv, 28 ; Luc, xiii, 12 ; Joa., vm, 10, même quand il parle à sa mère, Joa., ii, 4 ; xix, 26 ; « ma fille. » Marc, v, 34 ; Luc, viii, 48. Parfois, il interpelle directement quelqu’un par son nom. Matth., xvii, 24 ; Luc, vii, 40 ; x, 41 ; xix, 5 ; Joa, , xiv, 9 ; xxi, 15, 17. Dans les paraboles, le fils dit « mon père », Matth., xxi, 28 ; Luc, xv, 12, 21 ; le père dit « mon fils », 1ac, tlv, 31 ; le serviteur dit à son maître « seigneur ». Matth., xxv, 20 ; Luc, xiii, 8 ; xiv, 22 ;

xix, 16, 25, etc. On dit « ami » même à des hommes répréhensibles ou méchants. Matth., xx, 13 ; xxii, 12 ; xxvi, 50 ; Luc, xiv, 10. Abraham dit même « mon fils » au mauvais riche de l’enfer. Luc, xvi, 25. La femme qui pousse une acclamation au milieu d’un discours de Notre-Seigneur, Luc, xi, 27, fait preuve à son égard d’une courtoisie très délicate. Le Sauveur veut que ses disciples, en entrant dans une maison, y souhaitent la paix, Matth., x, 12 ; Luc, x, 5, et, quand on a à réprimander quelqu’un, il recommande de le faire tout d’abord seul à seul. Matth., xviii, 15. Le convive malappris auquel le maître dit sèchement : « Cède la place à cet autre, » Luc, xiv, 9, a bien mérité cette leçon de politesse. — Après sa résurrection, Notre-Seigneur salue gracieusement ceux auxquels il se montre, Matth., xxviii, 9 ; Luc, xxiv, 36 ; Joa., xx, 21, 26, et il appelle ses Apôtres « enfants ». Joa., xxi, 5.

7° Saint Paul réprouve la vaine politesse ; il prescrit aux chrétiens d’avoir « une chariié sans hypocrisie », par conséquent, une politesse extérieure qui s’inspire des sentiments d’une charité sincère, et il veut qu’ils soient remplis d’affection les uns pour les autres, se « prévenant d’honneur les uns les autres ». Rom., xii, 9, 10. Jl rappelle à Timothée qu’il doit avoir des égards pour tous et de l’honneur pour les vraies veuves.

H. Lesêtre.
    1. POLONAISES##

POLONAISES (VERSIONS) DÉ LA BIBLE. Voir

Slaves (Versions) ce la Bible.

    1. POLYCARPE##

POLYCARPE, chorévêque syrien jacobite, du v> au VIe siècle. Philoxène, évéque de Mabboug, le chargea, en l’an 508, de traduire toute la Bible du grec en syriaque. Cette version est appelée philoxénienne et il n’en reste que des fragments. La version philoxénienne du Nouveau Testament fut corrigée par Thomas d’Harkel (ou d’Héraclée) et constitua ainsi la revision héracléenne dont nous possédons encore de nombreux manuscrits. Il n’est pas facile, à l’aide de la revision héracléenne, de reconstituer la traduction faite par Polycarpe, car les astérisques et les obèles qu’elle porte peuvent avoir déjà été introduits par Polycarpe lui-même, comme l’a montré M. D*. Gottlob Christian Storr. C’est donc à tort sans doute que MM. Wetstein et White croyaient pouvoir formuler la règle suivante ; « Lorsque Thomas a trouvé dans ses manuscrits grecs des choses différentes de celles qui étaient dans la version de Polycarpe, il les a écrites en marge ; il a marqué d’un obèle les mots qui manquaient dans ses manuscrits, et il a introduit dans le texte, en les marquant d’une astérisque, les mots qui manquaient dans la traduction philoxénienne », Repertorium fur Biblische und M<rrgenlàndi$che LiUeratur, Leipzig, 1780, t. vii, p. 48-74. Cf. Rubens-Duval, La littérature syriaque, 3e édition, p. 50. F. Nau.

    1. POLYCHRONIUS##

POLYCHRONIUS, écrivain ecclésiastique du ve siècle. Tout ce que l’on connaît de la vie de cet exégète tient dans le maigre renseignement fourni par Théodoret, H. E., v, 39, t. lxxxii, col. 1277. L’histoire nous apprend que Polychronius était le frère cadet du fameux Théodore de Mopsueste, et qu’en 428, il occupait le siège d’Apamée en Syrie, qu’il illustra par son éloquence et l’éclat de ses vertus. Il ne semble pas qu’il ait survécu longtemps à son frère, mort en 428, car, au concile d’Ephèse, ce n’est plus son nom qui figure comme titulaire d’Apamée. On a cru pouvoir appliquer à l’évêque d’Apamée les nombreux détails que Théodoret, Hellgiosa historia, xxiv, t. lxxxii, col. 1457-1464, rapporte d’un saint ermite du nom de Polychronius. Mais il n’y a nulle identité entre ces deux personnages qui doivent demeurer distincts. C’est sur l’exégèse de l’Ancien Testament que s’est portée

toute l’activité littéraire de Polychronius, et lui aussi est un des principaux compilateurs de Chaînes. Voici l’indication de ses œuvres aujourd’hui connues. — 1° Scolies sur le livre de Job. Elles furent publiées d’abord sous le nom d’OIympiodore, diacre d’Alexandrie, en traduction latine, par Paul Comitolus, S. J., à Lyon, en 1586 ; l’année suivante, en 1587, une seconde édition parut à Venise, avec deux additions. Le texte grec fut édité à Londres en 1637 par Patrice Junius, et c’est cette dernière édition que Migne a reproduite. Pair. Gr., t. xciii, col. 13-470. — 2° On trouve, dans la seconde édition des Scolies sur Job, celle de Venise, 1587, le prologue d’un commentaire sur le livre de Job. En 1738, D. 0. Wahrendorf en publie le texte grec original, dans ses Meditationes de resurrectùme prseser^ tim Jobi, Gôttingen. — 3° La même édition de Venise dont nous avons parlé, donne aussi en latin, p. 38-38, un petit traité sur les causes de Vobscurité de VÉcriture Tî èijuv r àudcyeia ttjç rpaçîjî. Toutefois, on possédait depuis longtemps le texte grec de ce fragment dans les Questions à Amphiloque de Photius, Quxst., clii, t. ci, col. 815-816. — 4° Des Scolies sur le livre de Daniel ont été découvertes et publiées par le cardinal Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. i, part. 2, Rome, 1825, p. 105-160. Le savant éditeur accompagne le texte grec d’une version latine. Toutefois, celle-ci, ainsi que bon nombre de notes, a été supprimée dans la seconde publication que le cardinal Mai fit de ce travail de Polychronius dans Scriptorum veterum nova collectio, t. i, part. 3, p. 1-27. — 5° Enfin des Scolies sur Ézéchiel ont été également trouvées et éditées par Mai dans sa Nova Patrum Bibliotheca, t. vii, part. 2, Rome, 1854, p. 92-127. Au tome clxii de la Patrologie grecque, Migne a repris les éditions des Scolies sur Daniel et Ézéchiel faites par Mai. En 1617, J. Meuvsius publia à Leyde son Eusebii, Polyckronii, Pselli in Canticum Canticorum expositiones grœcx. Ces commentaires sur le Cantique des Cantiques ne sont pas de l’évêque d’Apamée, comme l’a démontré O. Bardenhewer, Polychronius, Bruder Theodors von Mopsuestia und Bischof von Apamea. Ein Beitrag zur Geschichte der Exégèse, Fribourg-en-Brisgau, 1879. M. Bardenhewer, dans le même travail, défend aussi Polychronius, contre toute suspicion de nestorianisme, qui du reste ne repose que sur le fait de sa parenté avec Théodore de Mopsueste. Alors que celui-ci, par exemple, mettait en doute le caractère canonique du livre de Job, Polychronius, au contraire, insiste sur la canonicitéde cette partie de l’Écriture Sainte. Polychronius se révèle comme un des plus grands exégètes de la célèbre école d’Antioche, dont il pratique tous les principes. Il s’attache surtout à épuiser l’explication du texte qu’il a sous les yeux et à l’occasion il s’élève fortement contre la méthode allégorique d’Origène.

J. Van dek Gheyn.

    1. POLYGAMIE##

POLYGAMIE, mariage d’un seul homme avec plusieurs femmes à la fois.

I. À l’époque patriarcale. — 1° Du récit de la création du premier homme et de la première femme ressort nettement cette idée que, dans l’intention du Créateur, l’union constitutive de la famille doit exister entre un seul homme et une seule femme. Gen., Il, 21-24. La suite du récit ne suppose toujours qu’une seule femme à Adam. Gen., iv, 25. Dans la postérité de Caïn, le cinquième patriarche, Lamech, est noté comme ayant pris deux femmes, Ada et Sella. Gen., iv, 19. Le fait est enregistré comme digne de remarque. Il introduit en effet une modification notable dans la constitution de la famille humaine. Rien ne laisse supposer que Lamech ait été autorisé à agir ainsi ; il n’est pas blâmé, sans doute, mais il suffit que l’usage s’introduise par un descendant de Caïn pour qu’il soit suspect. Les autres patriarches des deux lignées de Caïn et de Seth

paraissent n’avoir eu qu’âne seule femme. La chose n’est pourtant dite assez clairement que pour Noé. Gen., viii, 18. — Avec Abraham, la polygamie apparaît comme chose normale. Le patriarche a une première femme, Sara. Gen., xti, 5. Comme celle-ci ne lui donne pas d’enfant, il prend une seconde femme, Agar. Gen., xvi, 1. Il faut remarquer toutefois que cette dernière n’a pas la même situation que Sara, Cest une épouse de rang inférieur, une de celles que l’on appelle concubines dans un sens particulier à la Sainte Écriture, c’est-à-dire des femmes légitimes, mais de second rang, et quelquefois dès esclaves que le mari prend ou reçoit quand la première femme est stérile. Ce fut le cas pour Abraham. Le patriarche épouse Cétura, après la mort de Sara, Cen., xxv, 1, et il est ensuite fait mention de concubines. Gen., xxv, 6. Il n’est question que de Rébecea pour Isaae. Gen., xxtv, 51. En principe, semble-t-il, Jacob ne pensé qu’à RaChel. Lia est substituée frauuuleusemeïit à la crémière, et, comme Jacob ne veut pas renoncer à l’épouse de son choix, il se trouve en avoir deux. Or Rachel est d’abord stérile. Elle fait agréer par le patriarche Bala, son esclave ; puis Lia, de son côté, agit de même et présente à Jacob son esclave Zelpha. Gen., xxlx, 25, 29 ; xxx, "2, 9. Ésaù a trois femmes. Gen., xxxvi, 1, 2. U n’est plus parlé de plusieurs femmes à l’occasion des personnages bibliques jusqu’à Moïse, soit qu’en effet ils n’en aient pris qu’une, soit que les auteurs sacrés n’aient eu ni occasion ni motif pour mentionner une circonstance qui paraissait toute naturelle. On voit en effet que Rachel considère Bala comme une autre elle-même auprès de Jacob. « Qu’elle enfante sur mes genoux, dit-elle, et par elle j’aurai, moi aussi, une famille. » Quand Bala a enfanté, Rachel s’en félicite en disant : « Dieu m’a rendu justice, et même il a entendu ma voix et m’a donné un fils. » Elle ajoute, après la naissance du second enfant de Bala : « J’ai lutté auprès de Dieu à l’encontre de ma sœur et je l’ai emporté. » Gen., xxx, 3-8. Comme Bala appartient à Rachel, les enfants de Bala sont regardés comme lui appartenant aussi. De fait, on ne voit aucune différence de traitement entre les douze fils de Jacob : enfants des deux femmes libres, enfants des deux esclaves, tous sont au même titre enfants de Jacob.

ï" L’attribution à Lamech du premier exemple de polygamie et l’absence totale de scrupule qui caractérise les multiples unions d’Abraham, indiquent assez qu’à l’époque du patriarche la tolérance de la polygamie était tout à fait entrée dans les mœurs. De fait, le code d Hammourabi, art. 144-146, voir t. iv, col. 336, prévoit, à côté de l’épouse de premier rang, l’existence légale d’une concubine ou d’une esclave présentée au mari par l’épouse. Les rois babyloniens avaient dans leurs harems de nombreuses femmes de condition variée. Dans la classe bourgeoise et dans le peuple, le nombre des épouses dépendait des ressources du mari. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 741742. lien était de même en Egypte. Le pharaon possédait de nombreuses femmes, filles de grands seigneurs ou de hauts fonctionnaires, ou étrangères, filles de petits princes des pays soumis à l’Egypte, venues à la cour en qualité d’otages, La plupart de ces femmes démettraient simples concubines, quelques-unes prenaient rang d’épouses royales, et une au moins recevait le titre de grande épouse ou de reine. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 276. Les seigneurs possédaient aussi leur harem, proportionné à leur situation de fortune ; les hommes de moindre condition constituaient leur famille selon leurs moyens. Ce que’Pou sait des Babyloniens, des Égyptiens, et plus tard des Perses, cf. Hérodote, i, 135, donne l’idée de ce qu’était la polygamie des anciens temps. Le nombre des femmes était le signe d’un luxe proportionnel aux ressources

des riches et des puissants. Comme d’autre part on estimait à très haut prix l’avantage d’une descendance multiple et assurée, on Faisait normalement appel à une seconde femme quand la première n’avait pas donné d’enfants. Abraham et Jacob ne firent donc que se conformer aux usages de leur temps et de leur pays, Jacob avec moins de réserve que son grand-père, il est vrai, mais sous la pression jle circonstances indépendantes de sa volonté.

IL Chez les Israélites. — 1° Lu législation mosaïque. — 1. Les traditipns reçues des ancêtres chaldéens sur l’usage de la polygamie et le spectacle de ce que les Hébreux eurent devant les yeux, sous ce rapport, en Egypte, He permettaient pas à Moïse de passer la question sous silence. La loi mosaïque n’approuve ni ne blâme la polygamie ; elle tend seulement à la ramener à la bigamie, telle qae la prévoyait le code babylonien. Elle examine le cas "où un homme a donttëàsonnls une esclave Israélite pour épouse ; si le fils prend une autre épouse, il doit cependant garder la première et ne rien lui ôter de ce qui lui est dû pour la nourriture, le vêtement et l’habitation. Exod., xxi, 9, 1©. Des entraves considérables sont ensuite apportées à la pratique de la polygamie. Les rapports sexuels entraînent une impureté légale qui nécessite des ablutions et met, pour ainsi dire, hors de la société jusqu’au soir. Lev., xv, 18. On ne peut prendre pour seconde épouse la sœur de sa femme. Lev., xviii, 18. Les eunuques ne sont pas admis dans la société israèlite, Deut., xxiii, I, et sans eux la tenue d’un harem est pratiquement impossible. La loi prévoit qu’un homme puisse avoir deux femmes. Deut., xxi, 15. Elle n’indique pas dans quelles conditions. Le code babylonien est plus précis et plus restrictif. Ii règle que celai auquel son épouse n’a pas donné d’enfants peut prendre une concubine ; maisceluici n’en peut prendre une seconde, s’il a déjà reçu de sa femme une esclave dont il a eu des enfants. Art. 144, 145, t. IV, col. 336. Le cas d’Abraham est, dans le principe, conforme à cette législation ; il ne prend Agar qu’à cause de la stérilité de Sara. Le cas de Jacob n’est pas conforme à la littéralité du code babylonien ; car le patriarche a déjà des enfants de Lia, quand il s’unit à l’esclave Zelpba, sans parler de ses deux autres unions. Les rois s’autorisaient de leur situation pour s’accorder de nombreuses épouses. Le législateur hébreu songe à ce qui pourra un jour se passer en Israël, et il recommande expressément au roi futur de ne pas prendre un grand nombre de femmes, de petir que son cœur ne se détourne de Dieu. Deut., xvti, 17. — 2. Les concessions faites par la loi mosaïque furent considérées plus tard comme un pisaller. Dans plusieurs passages, Prov., v, 18, 1*9 ; su, 4 ; xix, 14 ; xxxi, 10-31 ; Ps. çxxviii (cxxvii), 3 ; Eceli., xxvi, 1-4, les auteurs sacrés semblent supposer la présence d’une seule femme au foyer domestique. Cependant on ne peut tirer de leurs paroles une conclusion rigoureuse, à cause de l’étroite subordination dans laquelle vivaient l’esclave ou la concubine et leurs enfants vis-à-vis de l’épouse principale. Les prophètes envisagent aussi sous la figure d’une union conjugale les rapports de Dieu avec son peuple choisi. Voir Mariage, t. iv, col 769. Ce symbolisme n’avait de sens qu’autant que la monogamie était la règle du mariage. Mais il n’y a là encore qu’une ïmprobation lointaine de la polygamie. Ce sont les mœurs qui peu à peu réagirent contre l’usage toléré par la loi.

H « La coutume Israélite. — 1. On ne peut pas interpréter de îa polygamie ce qui est dit des fils d’Issachar. I Par., vii, 4. "Mais Saharaïm, de la tribu de Benjamin, eut d’ahord deux femmes moabites qu’il renvoya, puis une troisième. I Ttnt., ^fm, l, 8. À l’époque des Juges, la polygamie est pratiquée sans mesure par certains personnages que les événements mettent en

lumière, mais qui devaient vivre comme ceux de leur condition. Gédéon a 70 fils et beaucoup de femmes et de concubines. Jud., viii, 30, 31. Jaïr a 30 fils. Jud., x, 4. Abesan a 30 fils et 30 filles. Jud., xil, 9. Abdon a 40 fils. Jud., su, 14. Elcana, père de Samuel, a deux femmes qui paraissent de même condition, Anne et Phénenna. La seconde prenait plaisir à affliger sa rivale à cause de sa stérilité. I Reg., i, 2, 6. La situation de la famille d’Elcana représente ce qu’étaient les familles moyennes en Israël. La bigamie y régnait. Peut-être même Elcana n’avait-il pris Phénenna qu’à raison de la stérilité d’Anne, qu’il préférait à l’autre et traitait en conséquence. I Reg., i, 5. De là des dissentiments, des jalousies et des propos amers, conséquences inévitables de la polygamie déjà constatées dans les familles d’Abraham et de Jacob. — 2. Sous les rois, les recommandations du Deutéronome, xvii, 17, sont interprétées avec une largeur excessive. À Saiil ne sont attribuées qu’une femme et une concubine. II Reg., iii, 7. Mais déjà David prend Michol, I Reg., xviii, 27, Abigaïl,

I Reg., xxv, 42, Bethsabée, II Reg., xi, 5, et un certain nombre de femmes et de concubines, II Reg., xii, 8, en possession desquelles se met publiquement Absalom, le jour où il veut s’emparer de la royauté paternelle.

II Reg., xvi, 21, 22. Salomon dépasse toutes les bornes avec son innombrable harem. III Reg., xr, 3. Cf. Cant., vi, 8-9, Roboam a 18 femmes et 60 concubines ; il établit ses fils dans les différentes places du royaume et leur donne beaucoup de femmes. II Par., xi, 21, 23. Abia a 14 femmes. II Par., xiii, 21. Joram en a un nombre qui n’est pas indiqué. II Par., xxi, 17. Quand le grand-prêtre Joïada veut établir le jeune roi Joas, il lui fait prendre deux femmes. II Par., xxiv, 3. Les renseignements font défaut au sujet des autres rois de Juda ; mais c’est probablement parce qu’ils ont plusieurs épouses que l’historien sacré prend soin de nommer la mère de chaque nouveau roi. III Reg., xxii, 42 ; IV Reg., xii, 1 ; xiv, 2 ; xv, 2, 33 ; xviii, 2 ; xxi, 1, 19 ; xxii, 1 ; xxiii, 31, 36 ; xxiv, 8. Par ce que l’on sait des rois de Juda, on peut juger de ce que dut être la polygamie parmi les rois d’Israël. — 3. Après la captivité, on ne trouve plus mention de polygamie chez les écrivains sacrés.. Il est seulement question de l’admission d’Esther dans le harem d’Assuérus. Esth., ii, 8. À cette occasion, l’historien fournit de curieux détails sur le recrutement et le fonctionnement du harem royal de Suse. On commence par chercher dans tout l’empire des jeunes filles, « vierges et belles de figure », qu’on rassemble à Suse. L’eunuque Egée a pour fonction de faire un choix, d’enfermer les élues dans la maison des femmes, sous une surveillance rigoureuse, et de leur assurer des soins appropriés pendant de longs mois. Au bout d’un an, chacune était présentée au roi, passait une nuit dans son palais, puis était reléguée dans une seconde maison des femmes, où elle restait désormais confinée sous la garde d’un autre eunuque, à moins que le roi ne la fit rappeler. Esth., ii, 2-14. Esther eut la faveur de plaire à Assuérus plus que toutes les’autres, et elle fut élevée à la dignité de reine, ce qui lui permettait d’avoir ses entrées auprès du roi, et d’habiter dans un palais particulier où elle pouvait donner des festins même au roi et à son ministre. Esth., ii, 16, 17 ; v, 1-8. La polygamie était en vigueur chez les Perses, cf. Strabon, xv, 733 ; Hérodote, I, 135, chez les Mèdes et chez les Indiens. Cf. Strabon, xi, 526 ; xv, 714. — 4. On a pu » remarquer que, pour la période royale, la Sainte Écriture parle de polygamie à propos des rois, mais se tait en ce qui concerne les particuliers. Même silence pour la période qui s’étend de la captivité à Jésus-Christ. Faut-il en conclure que la coutume était totalement tombée en désuétude, en dehors des cours ? On ne doit pas se hâter de tirer cette conclusion. Le roi

Hérode eut en tout dix femmes, dont plusieurs à la fois. A ce propos, Josèphe, Bell, jud., i, xxiv, 2, observe que cette pluralité était permise aux Juifs en vertu de leurs usages particuliers, et que d’ailleurs le roi aimait avoir plusieurs femmes. En un autre endroit, Ant. jud., XVIL, I, 2, il dit : « C’est pour nous une coutume nationale d’avoir en même temps plusieurs femmes. » Il adresse cette remarque à ses lecteurs grecs et romains, chez lesquels la polygamie était mal vue. D’après la Mischna, Sanhédrin, li, 4, un roi pouvait se permettre dix-huit femmes. Quant aux particuliers, ils avaient droit d’aller jusqu’à quatre, cf. Yebamoth, iv, 11 ; Kethuboth, x, 1-6, ou cinq. Cf. Kerithoth, iii, 7 ; Kidduschin, ii, 7 ; Bechoroth, viii, 4. Saint Justin, Dial. cum. Tryphon., 134, t. vi, col. 785, confirme ces indications de la Mischna, quand il déclare que les docteurs juifs « en sont encore à permettre à chacun d’avoir quatre ou cinq femmes. » La polygamie s’est, paralt-il, perpétuée chez les Juifs allemands jusqu’au moyen âge. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J.-C, Leipzig, t. i, 1901, p. 407.

III. Dans le Nouveau Testament. — Les écrivains du Nouveau Testament ne font nulle part mention expresse de la polygamie. Par deux fois, saint Paul exige bien que l’évêque soit (icSç yuvaixô ; avujp, « mari d’une seule femme ». I Tim., iii, 2 ; Tit., i, 6. Mais ce qu’il exclut ici, ce n’est pas la polygamie simultanée, étrangère aux mœurs des Grecs et des Romains, c’est la polygamie successive. Il veut de même que la veuve admise au service de l’Église soit évb ; àvêpôç fuvi, « femme d’un seul homme », c’est-à-dire évidemment « n’ayant eu qu’un seul mari ». Le silence des écrivains du Nouveau Testament démontre qu’à leur époque malgré les concessions des docteurs juifs, la polygamie était assez exceptionnelle et assez décriée pour qu’il fût inutile de la réprouver. C’était donc un abus qui tombait totalement en désuétude, surtout au contact du monde gréco-romain, qui avait bien d’autres vices, mais ignorait celui-là. S’il en eût été autrement, Notre-Seigneur en aurait parlé, comme il a fait pour le divorce. — 2. D’ailleurs la condamnation de la polygamie est nécessairement renfermée dans celle du divorce. Notre-Seigneur déclare que « quitter sa femme pour en prendre une autre, c’est commettre l’adultère. » Matth., xix, 9 ; Marc, x, 11 ; Luc, xvi, 18. Le mal ne consiste pas nécessairement à se séparer de sa femme, puisque dans certains cas la séparation est permise, mais à prendre une seconde femme du vivant de la première. Au regard de la loi évangélique, la bigamie a donc le caractère de l’adultère ; à plus forte raison en est-il ainsi de la polygamie. Le divin Maître attribue à la dureté de cœur des Hébreux, c’est-à-dire à leur manque d’intelligence, de délicatesse et de sens moral, l’autorisation du divorce que Moïse a dû leur accorder. Matth., xix, 8. La même cause a certainement inspiré le législateur quand il a toléré tacitement la polygamie. Les Hébreux d’autrefois n’auraient pu se passer de cette tolérance, au milieu de peuples qui en jouissaient à leur aise. Une défense portée par fa loi n’eût servi qu’à multiplier les transgressions. Rom., vii, 7-11. La loi ancienne a donc toléré un abus qui ne se heurtait à aucun article essentiel de la loi naturelle et qui respectait suffisamment les fins principales du mariage, l’union mutuelle de l’homme et de la femme et la propagation de la race. Mais la loi nouvelle, plus parfaite et d’ailleurs universelle, ne pouvait laisser se perpétuer cette tolérance. « Au commencement, il n’en fut pas ainsi. » Matth., xix, 8. Notre-Seigneur le disait du divorce ; c’était également vrai de la polygamie. Adam n’avait reçu de Dieu qu’une seule femme et n’en avait qu’une, ainsi que ses descendants pendant plusieurs générations.

— 3. Quels qu’aient pu être les avantages résultant de la tolérance de la polygamie pour les anciens Hébreux, il est incontestable que ces avantages étaient secondaires, locaux et prêtant à de nombreux et graves abus, tels que la mésentente entre les femmes dans les familles d’Abraham, de Jacob et d’Elcana, la discorde entre les enfants dans la famille de David, la multiplication scandaleuse des épouses et des concubines autour de Salomon et de plusieurs rois. La loi évangélique rétablissait les choses à l’état primitif, qui était conforme au plan providentiel. L’expérience a d’ailleurs prouvé que la polygamie n’était favorable ni à l’union des époux, ni à la dignité de la femme, ni au bonheur des enfants, ni à la multiplication de la population. Cf. Bergier, Œuvres complètes, Paris, 1859, t. iv, p. 1529-1534. On a la démonstration de cette vérité chez les peuples qui ont conservé la polygamie, spécialement chez les Musulmans. Avant Mahomet, les Arabes avaient huit ou dix femmes. Mahomet crut devoir restreindre ce nombre : « N’en épousez que deux, trois ou quatre. Choisissez celles qui vous auront plu. Si vous ne pouvez les maintenir avec équité, n’en prenez qu’une, ou bornez-vous à vos esclaves. Cette conduite sage vous facilitera les moyens d’être justes et de doter vos femmes. » Koran, iv, 3. La restriction de la polygamie n’est ici qu’une question de ressources ; l’intérêt social et la cause de la morale n’ont rien à gagner à la règle ainsi formulée. On sait comment quelques protestants du XVIe siècle crurent pouvoir autoriser ou pratiquer la polygamie. En 1540, Luther, Mélanchton et Bucer accordèrent même au landgrave Philippe de Hesse la permission d’adjoindre une seconde épouse à celle qu’il avait déjà. Cf. Bossuet, Histoire des variations, vi, Œuvres, Bar-le-Duc, 1870, t. iii, p. 239-242. La loi évangélique n’en subsiste pas moins dans sa rigueur salutaire.

H. Lesêtre.

POLYGLOTTES. — I. Définition. — Sous le nom abrégé de « Polyglottes » ou sous la dénomination plus complète de « Bibles polyglottes. », on désigne, conformément à la signification étymologique : πολύς, « plusieurs », γλῶττα, « langue », des recueils contenant, en tout où en partie, le texte original de la Bible accompagné de deux versions, au moins, en langues différentes. Ces textes doivent être reproduits dans le même volume et sur des colonnes parallèles ou superposées. Faute d’avoir dans l’esprit cette notion suffisamment précise, des bibliographes mal avisés ont appelé Polyglottes des éditions de la Bible, contenant auprès de l’original une seule traduction soit en latin soit dans une langue vulgaire. Généralement toutefois on exige pour une Polyglotte trois textes bibliques au minimum : l’original et deux versions, sans compter les traductions littérales qui les accompagnent. Cette notion écarte donc de la catégorie des Polyglottes les manuscrits bilingues du Nouveau Testament, grecs et latins, Di, D2, Wc, Δ (Évangiles), E, Gb (Actes et Épîtres catholiques), grecs et coptes, Ta, Tf, Th, Ti, Tk, Tl, Tm, Tn,T°, Tp, Tq, Tv, Tw, grec et arabe, Θh les Psautiers bilingues, trilingues ou quadruples, manuscrits qui réproduisaient plusieurs versions latines des Psaumes et parfois le texte grec, aussi bien que le Quintuplex Psalterium, que Le Fèvre d’Étaples fit imprimer en 1509, les éditions du Nouveau Testament avec une version interlinéaire ou avec une traduction latine, récente ou ancienne, les éditions de plusieurs versions sans le texte original, telles que celle du Cantique et des Épîtres catholiques en éthiopien, en arabe et en latin, faite en 1654 et 1655 par Nissel et Peträus, et la Biblia pentapla de Wansbeck, 1711, comprenant quatre versions allemandes et une néerlandaise, enfin les éditions reproduisant le texte original, une ancienne version et la traduction de celle-ci en langue étrangère, telle que le Nouveau Testament.de Le Fèvre de la Boderie, publié à Paris en 1584 et contenant le grec, la Peschito et une traduction latine de cette version syriaque.

Ainsi limitée, la notion de Polyglotte exclut toute édition de la Bible en plusieurs langues faite dans un but pratique d’édification. La Polyglotte, en effet, est un ouvrage destiné à favoriser l’étude et les travaux scientifiques sur la Bible. Son but principal est de faciliter la comparaison du texte original des Livres Saints avec les anciennes versions, en présentant ces textes, non pas en des volumes différents, mais dans un seul, et sur la même page en des colonnes parallèles ou superposées. Les Polyglottes sont donc un instrument d’étude presque nécessaire aux mains de ceux qui veulent se livrer à la critique textuelle, à la reconstitution et à l’interprétation du texte et de la pensée des écrivains sacrés. Aussi, dans l’encyclique Providentissimus Deus, Léon XIII a-t-il déclaré les Polyglottes d’Anvers et de Paris sincères investigandæ sententiæ peraptas. Voir t. i, p. xvi. Les Polyglottes présentent encore un autre avantage : elles facilitent aux étudiants l’étude des langues sacrées, si vivement recommandée par le même pape. Voir ibid., p. xxvii. La juxtaposition des textes permet les comparaisons et rend le même service qu’une version interlinéaire, et le maniement fréquent des textes parallèles ainsi groupés est une condition de progrès à réaliser dans la connaissance de ces langues.

II. Les quatre grandes Polyglottes. — Dans l’antiquité chrétienne, les Hexaples d’Origène (voir t. iii, col. 689-701) sont le seul travail qui soit une véritable Polyglotte. Ce n’est qu’au XVIe siècle que la renaissance des études bibliques provoqua la publication de recueils des textes originaux et des anciennes versions de la Bible. Les quatre Polyglottes d’Alcala, d’Anvers, de Paris et de Londres méritent par leur ampleur et leur importance d’être signalées les premières.

La Polyglotte d’Alcala. — 1. Histoire. — On la doit à l’initiative et à la magnificence du grand cardinal François Ximénès de Cisneros, archevêque de Tolède et ministre du roi de Castille. C’est pendant l’été de 1502, durant son séjour à Tolède, qu’il conçut le projet d’une Polyglotte pour raviver l’étude scientifique de la Bible et permettre aux théologiens, par la comparaison des textes, de remonter aux originaux. Il confia le travail à des philologues, qui étaient professeurs à son université d’Alcala : Antoine de Lebrija (voir t. i, col. 709), Démétrius Ducas, Lopez de Zuniga, Nunez de Guzman, à qui il associa trois savants juifs convertis : Alphonse d’Alcala, Paul Coronell et Alphonse de Zamora. Le cardinal acheta des manuscrits hébreux et rassembla de divers côtés des manuscrits grecs et latins. Nous indiquerons ceux qu’on a pu identifier. Quoique le cardinal pressât les travailleurs, ce ne fut qu’au mois de janvier 1514 qu’un premier volume, contenant le Nouveau Testament, sortit des presses d’Arnold Guillaume de Brocario. C’est le tome v dans le plan général de l’ouvrage. Quelques mois plus tard, à la fin de mai 1514, fut achevé un second volume, le t. VI ; il contient deux dictionnaires, hébreu et chaldaïque, et une grammaire hébraïque, œuvres d’Alphonse de Zamora et devant servir d’introduction à l’Ancien Testament. Les quatre autres volumes, t. i-iv, sont consacrés à l’Ancien Testament ; le dernier sortit des presses le 10 juillet 1517. Le cardinal mourut quatre mois plus tard, le 8 novembre 1517. Toutefois, son grand ouvrage ne fut mis en vente qu’en 1520, après que Léon X, à qui il avait été dédié, l’eût approuvé par bref en date du 22 mars 1520. Il n’en avait été tiré que 600 exemplaires, et quoique la dépense totale s’élevât à plus de 50 000 ducats, le prix de chaque exemplaire fut fixé à six ducats et demi seulement. La Polyglotte d’Alcala ne fut guère connue qu’en 1521. Elle est d’une extrême rareté ; aussi le prix des exemplaires, qui reparaissent sur le marché, est très élevé.

2. Description. — Le titre général de l’ouvrage, qui forme 6 in-f », est : Biblia sacra Polyglotta, etc. Celui de l’Ancien Testament est : Vêtus Testamentum multiplia lingua nunc primo impressum. Dans le t. i, consacré tout entier au Pentateuque, à la suite des prologues et de divers traités, viennent les textes reproduits. hébreu, latin, grec, disposés sur trois colonnes dans la partie supérieure de chaque page, sans que les lignes correspondent, en raison de la différence des caractères. Le texte hébreu est ponctué et le texte grec est accentué. Dans la colonne, toujours la plus rapprochée de la marge intérieure, le grec des Septante est surmonté d’une version latine, littérale et interlinéaire, faite par les éditeurs ; les mots latins sont exactement au-dessus des mots grecs correspondants. De petits caractères latins indiquent le rapportde la Vulgate avec le texte hébreu. La partie inférieure de la page est divisée en deux colonnes inégales, dont la plus large contient le texte chaldéen ponctué du targum d’Onkelos, et la moins large une version latine de ce texte. À la marge extérieure, sont indiquées les racines des mots et des formes hébraïques et chaldaïques, imprimées dans la colonne voisine. Le t. n comprend les livres de Josuo jusqu’aux Paralipomènes inclusivement. Comme les targunis, bien que traduits en latin par ordre de Ximénès, n’y sont pas reproduits, la page entière est divisée en trois colonnes, dans lesquelles les textes sont disposés comme dans le volume précédent. La prière, de Manassé, à la fin du t. ii, n’est éditée qu’en latin. Le t. m renferme les deux livres d’Esdras, Tobie, Judith, Esther, Job, le Psautier, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse et l’Ecclésiastique. La disposition générale est la même que dans les volumes précédents, sauf quelques particularités. Dans le Psautier, la version latine ordinaire ouïe PsalteHum gallicanuni sert de version interlinéaire au texte grec, et le Psalterium hebraicum de saint Jérôme occupe la colonne du milieu. Pour les livres deutérocanoniques, bien, que le texte hébreu fasse défaut, on a maintenu la division en trois colonnes : la version interlinéaire du grec des Septante est imprimée à part dans la colonne réservée ailleurs à l’hébreu. Le t, jv contient tous les prophètes et les trois livres des Machabées. Pour le troisième de ces livres, il n’y a que deux colonnes, contenant séparément le texte grec et une version latine. Dans le t. v, consacré au Nouveau Testament, après diverses pièces qui servent d’introduction, les quatre Évangiles sont imprimés sur deux colonnes, dont la plus large contient le texte grec et la moins large la Vulgate. Les passages parallèles et les citations bibliques sont notés en marge. Chaque Évangile est suivi d’un prologue. Deux dissertations grecques, dont la seconde est d’Euthalius, précèdent les Épîtres de saint Paul, reproduites sur deux colonnes. Chaque Épltre est précédée d’un prologue et d’un sommaire. Deux prologues précèdent aussi les Actes, qui sont suivis des Épîtres catholiques et de l’Apocalypse. Cinq pièces de poésie, deux en grec. et trois en latin, à la louange de Ximénès et de son œuvre, terminent le volume, avec une liste des noms propres, une petite grammaire grecque et un court lpxique greclatin. Le texte grec n’est pas accentué, parce que les autographes ne l'étaient pas, afin de se rapprocher ainsi le plus possible de l’original. Le rapport du texte grec avec la Vulgate est indiqué par de petites lettres latines, inscrites au-dessus des mots correspondants. Cf. Van Præt, Catalogue des livres imprimés sur vélin gui se trouvent dans des bibliothèques tant publiques que particulières, Paris, 1824, t. i, p. 1-4.

3. Valeur et influence. — a) Texte hébreu. — Bien que n’appartenant pas aux incunables hébreux, son édition a fait époque et elle est la première édition catholique de ce texte. Elle a été considérée comme -Use.œuvre scientifique. Ses inexactitudes et ses nom breuses fautes d’impression ne diminuent pas la valeur critique du texte. D’après les travaux de Bær, ses variantes sont meilleures que les leçons traditionnelles massorétiques. Ximénès avait fait acheter sept manuscrits hébreux, qui lui avaient coûté à eux seuls 4000 ducats. Us provenaient des synagogues de Tolède et de Maquéda. Ils sont conservés à la bibliothèque de l’université de Madrid. Cinq ne sont que des Pentateuques avec des commentaires ordinairement défectueux et corrigés par Zamora. Deux sur parchemin contiennent la Bible hébraïque en entier. Ils ont appartenu au collège de Saint-Ildefonse d’Alcala. L’un est du xm c siècle et a été acheté à Tolède en 1280 par deux médecins juifs, l’autre a été transcrit l’an 6242 depuis la création à Tarazona en Aragon. Les collations que Franz Delitzsch, ComplutensischeVarianten zu dem alttestamentlichen Text, in-i », Leipzig, 1878, p. 6-38, a faites de quelques passages avec d’autres documents, lui ont permis de conclure que les éditeurs avaient utilisé au moins un manuscrit hébreu, différent des deux Bibles hébraïques conservées, que le texte édité, malgré ses fautes, a une haute valeur critiqué et surpasse souvent les autres éditions du texte hébreu. Cette édition a été reproduite dans la Polyglotte d’Heidelberg et utilisée dans celle d’Anvers.

b) Texte des Septante. — Les éditeurs de la Polyglotte, pour cette édit on princeps des Septante, eurent à leur disposition deux manuscrits de la bibliothèque vaticane : 346 (Holmes 248) contenant les livres sapientiaux, Esdras, Tobie, Judith, Esther, et 330 (Holmes 108) contenant les livres historiques depuis le Pentateuque jusqu'à Esther avec un fragment de Tobie. Voir t. iv, col. 682. Ces manuscrits, qui paraissent être du xme siècle, furent envoyés à Alcala par Léon Xla première année de son pontificat ; prêtés pour un an, ils ne furent rendus que le 9 juillet 1519. Les éditeurs eurent aussi la copie faite avec grand soin, envoyée par le sénat de Venise et conservée à la bibliothèque de Madnid comme provenant du collège Saint-Ildefonse d’Alcala, d’une partie d’un manuscrit grec très correct copié par ie crétois Jean Rhosos pour le cardinal Bessarion et conservé à la bibliothèque Saint-Marc de Venise (Marc V ; Holmes 68). La copie comprend les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois, les deux livres des Paralipomènes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique, le I er livre d’Esdras (apocryphe), Esdras et Néhémie, Esther, la Sagesse, Judith, Tobie, les trois livres des Machabées. Les collations de ces manuscrits avec le texte des Septante de la Polyglotte, que Franz Delitzsch a faites, Fortgesetzte Studien zur Èntstehimgsgeschichte der Complutensischen Polyglotte, in-4°, Leipzig, 1886, p. 4-28, ont permis de déterminer l’usage que les éditeurs ont fait des manuscrits mis à leur disposition. Ils n’ont pas reproduit textuellement les manuscrits 330 et 346. Les nombreuses différences de leur texte avec celui du premier manifestent des corrections arbitraires, faites d’après l’hébreu qu’ils préféraient, non pas, comme dit Richard Simon, « en une infinité d’endroits, » Catalogue des principales éditions de-la Bible, dans Histoire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, p. 516, ou « en un assez grand nombre d’endroits », Bibliothèque critique, Amsterdam, 1708, t. iii, p. 485, mais seulement pour une petite part, ou plus souvent des emprunts à la copie du manuscrit de Bessarion ou au Vatican 346, dont ils corrigeaient les fautes de transcription. Pour le Psautier, qui n’est pas dans les trois manuscrits précédents, ils ont utilisé un manuscrit spécial en cursive, du xm c ou XIVe siècle, qui est à la bibliothèque de Madrid. On ignore de quels manuscrits ils disposaient pour leslivres prophétiques. À défaut de renseignements précis, on a recherché à quelle recension appartenait le texte de leur édition et on a constaté qu’il ressemblait à celui des manuscrits I, V et VI de Saint-Marc de

Venise (Holmes 23, 68, 122), qui ont servi à l’édition Aldine de 1518. Ibid., p. 53-57. Lc, texte des Septante de la Polyglotte de Complute a été reproduit dans les Polyglottes d’Anvers et de Paris, dans la Bible de "Valable ou de Bertratn, Genève, 1586-1587, 1599, 1616, et dans celle de D. Wolder, Hambourg, 1596. Cf. Swete, An introduction to the Old Testament in Grëek, Cambridge, 1900, p. 171-173.

c) Texte grec du Nouveau Testament. — L’édition de Complute est aussi l’édition princeps du texte original du Nouveau Testament. On ignore sur quels manuscrits elle a été faite. Lopez de Zuniga (Stunica), qui, sans avoir eu la part principale à cette édition, comme on le pensait, a travaillé au moins au texte des Actes et des Épitres, parle de manuscrits grecs corrigés, mais il n’en nomme qu’un, le Rhodiensis, vraisemblablement envoyé de Rhodes au cardinal Ximénès et contenant les npîtres. On ne l’a pas encore retrouvé. On ne sait si, pour le Nouveau Testament, des manuscrits grecs du Vatican furent envoyés à Alcala. La comparaison du texte édité avec les manuscrits du Vatican, 1158 (Ev. 140 et 366, Act. 72, Paul 79, Apoc. 37), les seuls dont il puisse être question, ne permet pas de conclure à leur emploi. Franz Delitzsch estime que le texte des Actes et des Épîtres est apparenté à celui du Hafniensis 1 (Ev. 234, Act. 57, Paul 72), qui est à Copenhague, mais qui était encore à Venise en 1699, et qui a été copié par Théodore d’Hagios Petros, et à celui du Laudianus 2 (Ev. 51, Act. 32, Paul 38), qui est à la Bodléienne à Oxford et qui est une copie du précédent, i orlgesetzte Studien, p. 30-51. Wettstein et Semler avaient prétendu que les éditeurs de la Polyglotte d’Alcala avaient altéré le texte grec, en y insérant des leçons de la Vulgate. Gœze, Vertheidigung der Complut. Bibel, Hambourg, 1765 ; Ausfûhtïichere Vertheidigung des Compl. N. T., ibid., 1766 ; Fortsetzung der ausfùhrl. Vertheidigung des Compl. N. T., Halle, . 1769, a surabondamment prouvé la fausseté de ce sentiment. Seul, le verset, I Joa., v, 7, a été certainement emprunté à ! a Vulgate ; les passages, Rom., xvi, 5 ; II Cor., v, 10 ; vi, 15 ; Gal., iii, 19, en proviennent peut-être. En résumé, bien que les manuscrits consultés aient été probablement récents, le texte édité comprend beaucoup de bonnes leçons que les critiques postérieurs ont admises, surtout pour l’Apocalypse, moins pour les Évangiles et très rarement dans les autres livres. Il diffère beaucoup de celui qu’Érasme éditait à la même époque ; il est moins incorrect, malgré ses fautes évidentes. Franz Delitzsch, Studien zur Enstehungsgeschichte der Polygloltenbibel des Cardinals Ximenes, Leipzig, 1871 ; Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grœci, Brunswick, 1872, p. 15-26 ; S. Berger, La Bible au seizième siècle, Paris, 1879, p. 49-54 ; Gregory, Textkrilik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. ii, p. 924-928 ; A. Bludau, dans Der Katholik, 1902, t. ii, p. 27 sq.

Le texte grec du Nouveau Testament d’Alcala n’a pas eu au xvi « siècle l’influence qu’Hefele lui a attribuée. Aucune édition ne l’a reproduit exactement. Les éditeurs des Polyglottes d’Anvers et de Paris et ceux qui dépendent de ces Bibles lui ont emprunté un plus ou moins grand nombre de leçons. Ed. Reuss, op. cit., p. 74-83. Au xixe siècle, il a été fidèlement réédité par Gratz dans son édition du Nouveau Testament, 2 in-8°, Tubingue, 1821 ; Mayence, 1827, 1851. Van Ess, dans son édition, in-8°, Tubingue, 1827, a mêlé les leçons de Complute avec celles d’Érasme. Ed. Reuss, op. cit., p. 45.

d) Texte latin de la Vulgate. — L’édition d’Alcala a précédé la Bible clémentine. Son origine est peu connue. Ximénès dit bien qu’il a rassemblé des manuscrits latins, mais sans plus d’explication. La bibliothèque de l’université de Madrid a trois Bibles latines qui vien nent d’Alcala et qui contiennent le verset des trois témoins célestes. Elles ont dû servir aux éditeurs de la Vulgate. Franz Delitzsch, Fortgesetzte Studien, p. 5152. De l’examen du texte édité, on a conclu que ces éditeurs ont corrigé des exemplaires courants de leur époque d’après les manuscrits plus anciens et plus corrects, dont ils rapportaient quelques-uns, écrits en lettres gothiques, au vif ou au vtne siècle, mais parfois aussi sur l’hébreu et le grec, en particulier pour supprimer ce qui n’avait pas de termes correspondants dans les originaux. R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, p. 313, 516. — Sur la Polyglotte de Complute, voir encore Hefele, Der Cardinal Ximenes, 2e édit., Tubingue, 1851, p. 113-147 ; trad. franc., Tournai, 1856, p. 141-177 ; Vercellone, Disserlazioni academiche di vario argument o, Rome, 1864, p. 407 ; Hurter, Nomenclator literarius, 3e édit., Inspruck, 1906, t. ii, col. 1132-1134 ;

2° La Polyglotte d’Anvers. — 1. Histoire. — Dès 1566, l’imprimeur Christophe Plantin, établi à Anvers, avait formé le projet de publier une Polyglotte. Par l’intermédiaire du cardinal de Granvelle, son protecteur, il s’assura l’intervention de Philippe II, roi d’Espagne. Ce prince donna un subside de 12000 florins à rembourser en exemplaires de la nouvelle Bible et envoya Arias Montanus pour surveiller le travail et corriger les épreuves. Ce savant espagnol arriva à Anvers le 15 mai 1568. Il apportait d’Alcala la version latine des targums sur les prophètes, et un très ancien manuscrit hébreu qui lui appartenait. Pendant que Plantin faisait fondre les caractères nécessaires, gravés par Robert Granjon et Guillaume Le Bée (on se servit pour l’hébreu des caractères employés pour la Bible de’Bomberg), Arias Montanus préparait les matériaux. Il fut aidé par André Mæs, François Luc de Bruges, Guy Le Fèvre de la Boderie et son frère Nicolas, François Ravlenghien, plus tard gendre de Plantin, et son frère Nicolas-Guy, le jésuite Jean Willem (Harlemius), etc. Voir t. i, col. 954-955. Les caractères et le papier étaient plus beaux que ceux de la Polyglotte d’Alcala. L’impression commença au mois de juillet 1568 et fut terminée le 31 mai 1572. Le t. îv est daté de 1570, le t. v de 1571 et les Apparatus de 1572. On tira 960 exemplaires ordinaires, 200 meilleurs, 30 fins, 10 extra-fins et 13 sur parchemin. Arias Montanus avait demandé à Pie V son approbation. Le pape hésita à cause de la version latine de Pagnino et de quelques traités de YApparatus qui paraissaient suspects. Le Talmud et Sébastien Munster y étaient trop souvent cités. On consulta des théologiens belges et espagnols. Montanus alla à Rome s’expliquer et présenta un mémoire. Pie V était mort te Y" ûïi. < Jv&çoï& XYll, ia le 12 du même mois, se montra plus favorable et adressa à Philippe II, le 20 octobre 1572, un bref, dans lequel il appelle la Polyglotte d’Anvers opus vert regium.. D’ailleurs, YApparatus fut réimprimé du 2 août 1572 au 14 août 1573 avec des modifications, faisant droit aux critiques précédentes/ Max Rooses, Christophe Plantin, imprimeur Anversois, 1882, p. 123. Cependant Léon de Castro, professeur de langues orientales à Salamanque, dénonça Arias Montanus à l’Inquisition espagnole. Il lui reprochait d’avoir présenté la traduction de Pagnino comme la version la plus exacte des textes hébreu et grec et d’avoir recommandé de recourir aux sources originales, contrairement, prétendait-il, au décret du concile de Trente sur la Vulgate. Arias Montanus se défendit en 1576. Mariana, comme inquisiteur, signala des fautes très réelles, mais déclara qu’elles n’étaient pas suffisante ? pour faire condamner la Polyglotte du roi d’Espagne. L’affaire ne fut terminée qu’en 1580. H. Reusch, Der Indec der verbotenen Bûcher, Bonn, 1883, t. i, p. 575 576. La Polyglotte « royale » reçut bon accueil du public et elle fut ap

prouvée par plusieurs universités, notamment par celle de Paris. L’empereur et le roi de France autorisèrent sa vente dans leurs États. Les exemplaires furent vite distribués et devinrent rares et recherchés. On les a vendus chez les antiquaires 120, 150 et 180 marks.

2. Description. — La Polyglotte de Plantin est intitulée : Biblia hebraice, chaldaice, græce et latine, et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes contiennent l’Ancien Testament. Pour les livres protocanoniques, chaque page a deux colonnes, reproduisant, au verso, le texte hébreu sans version interlinéaire et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante à droite avec sa traduction latine à gauche. Au bas des pages, on trouve, pour tous les livres gui en ont, les targums ou paraphrases chaldaîques et leur version latine. Celle-ci était celle que le cardinal Ximénès avait fait faire et qu’Arias Montanus avait apportée d’Espagne. Le texte chaldaïque avait été emprunté à des manuscrits espagnols et vénitiens. On en avait retranché les fables les plus grossières. Les livres deutérocanoniques n’ont que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant de gauche à droite la version latine du texte grec, ce texte lui-même et la Vulgate. Dans le t. iii, on a imprimé, sans pagination, le seul texte latin des IIIe et IVe livres d’Esdras. Le t. v contient le Nouveau Testament, Les textes y sont disposés dans cet ordre. La page de gauche présente dans une première colonne la Peschito, qui n’a que les livres protocanoniques, en caractères syriaques, et dans une seconde colonne, sa version latine, œuvre de Guy Le Fèvre de la Boderie. La page de droite reproduit d’abord la Vulgate latine, puis le texte grec. Sous ces quatre colonnes, et par conséquent sur les deux pages, le texte syriaque est transcrit en caractères hébraïques avec points-voyelles pour les lecteurs qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers volumes ont le titre A’Apparalus. Le t. vi contient une grammaire hébraïque et un abrégé du Thésaurus de Pagnino par François Ravlenghien, une grammaire chaldaïque et un dictionnaire syro-chaldaïque par Guy Le Fèvre de la Boderie, une grammaire syriaque et un vocabulaire intitulé : Peculium Syrorum par Mæs, une grammaire et un dictionnaire grecs, dont l’auteur est inconnu. Le t. vn renferme plusieurs dissertations d’archéologie biblique par Arias Montanus, et des recueils de variantes ou de notes philologiques et critiques de divers auteurs. Ces dissertations et recueils forment un total de 18 traités distincts. Le t. vm comprend la version latine des livres de la Bible hébraïque, faite par Pagnino et revisée par Arias Montanus ; elle a été examinée par les censeurs de Louvain. Il contient ensuite le texte grec du Nouveau Testament, la version latine interlinéaire, correspondant aux mots grecs ; les différences du grec et du latin sont imprimées en marge avec des caractères spéciaux. Enfin, viennent les Communes et familiares hebraiese linguse idiotismi d’Arias Montanus. Mais l’ordre de ces volumes et des matières qu’ils contiennent est divergent selon les exemplaires qui sont d'éditions différentes. Van Præt, Catalogue des livres imprimés sur vélin de la bibliothèque du Roi, Paris, 1821, t. i, p. 1-5 ; C. Ruelens et A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866, p. 128-135. La version interlinéaire a été souvent réimprimée à part. Voir t. ! , col. 954-955. Richard Simon l’a jugée très sévèrement. Histoire critique du Vieux Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 316-318 ; Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 213-216.

3. Valeur et influence. — Les textes, hébreu et grec, ont été empruntés à la Polyglotte de. Complute, et celui des Septante sans modifications ; mais l’hébreu a été collationné avec la Bible de Bomberg. Quant à l'édition grecque du Nouveau Testament, elle diffère de celle de Complute par un certain nombre de leçons

qui se trouvent dans l'édition de Robert Estienne de 1550. Sur les mille passages que Reuss a étudiés, elle est 709 fois d’accord avec les deux éditions précédentes. Dans les 291 autres, 39 sont d’accord avec R. Estienne, 3 avec Érasme, 1 est tout spécial et les 249 dernières sont exclusivement conformes à la Bible de Complute. Le texte grec du t. vm diffère de celui du t. v en 14 passages dans lesquels la leçon de Complute est abandonnée pour celle d’Estienne, sauf Apoc, i, 6, dont le texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la leçon d’Estienne est remplacée par celle de Complute, enfin, I Pet., ii, 3, la leçon Érasmienne est remplacée par le texte ordinaire. L'édition d’Arias Montanus suit donc une voie spéciale et elle a plus de valeur que les critiques le disaient. Elle a été souvent reproduite exactement ou avec quelques corrections, dans ses deux états. On trouvera le détail de ces rééditions dans Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 74-83. Cf. Gregory, Textkritik des N. T., t. ii, p. 936. La Vulgate latine est de même nature que celle de la Polyglotte d’Alcala. Finalement, les travaux préparatoires de la Bible d’Anvers ont laissé beaucoup à désirer. Les éditions ne sont pas en progrès notables sur celles de Complute, et les recueils de variantes, dans YApparatus, sont parfois peu considérables.

3° La Polyglotte de Paris. — 1. Histoire. — Le cardinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothécaire du roi, avaient conçu le projet de rééditer la Polyglotte d’Anvers avec l’aide de deux maronites, Gabriel Sionite et Jean Hesronite, ramenés d’Orient par Savary de Brèves. Ils avaient obtenu le privilège royal en 1615. Mais la mort du premier en 1617 et du second en 1618 arrêta l’entreprise, qui pourtant fut louée, en 1619, par l’Assemblée du clergé réunie à Blois. Guy-Michel Le Jay, avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de Bérulle lui conseilla, en 1626, d’y ajouter le Pentateuque samaritain et la version samaritaine. L'édition de ces textes fut confiée à l’oratorien Jean Morin. Philippe d’Aquin fut chargé de l’hébreu, Gabriel Sionite et Jean Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham Echellensis et d’autres érudits collaborèrent à l’entreprise. L’impression fut remise à Antoine Vitré, qui fit graver des caractères hébreux, chaldéens, grecs et latins par le fils de Le Bée. Jacques de Sanlecque grava les caractères samaritains et syriaques, dont Sionite avait fourni le modèle. Il prépara aussi des matrices nouvelles d’arabe sur les poinçons de M. de Brèves. On fit fabriquer un papier spécial, si beau qu’on l’a appelé carta imperialis. A. Bernard, Antoine Vitré et les caractères orientaux de la Bible polyglotte de Paris, in-8°, Paris, 1857 ; ld., Histoire de l’imprimerie royale du Louvre, in-8°, Paris, 1867, p. 55-64. L’impression fut commencée au mois de mars 1628. Les quatre premiers volumes étaient achevés en 1629, et le t. vi en 1632 ; la première partie du t. v est datée de 1630, et la seconde de 1633. Le t. vin fut terminé vers la fin de 1635. L’impression du t. vii, qui était commencée à cette date, fut interrompue par suite du refus de Sionite de remettre la copie nécessaire. Il ne voulait pas non plus se dessaisir des manuscrits orientaux, ayant appartenu à Savary de Brèves. Au mois de janvier 1640 il fut enfermé au château de Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis à Vitré. Libéré le 12 juillet, Sionite reprit sa traduction latine de la version syriaque, et le t. vu fut achevé en 1642. Son travail traîna en longueur, et le t. ix sortit des presses au mois de mai 1655 seulement. La Polyglotte entière parut enfin, avec une préface, datée du Ie ' octobre 1645, en tête du premier volume. L’Assemblée du clergé l’avait approuvée, le 24 janvier 1636. Le Jay avait emprunté 100000 écus que Richelieu s’offrit de payer. L'éditeur refusa cette offre aussi bien que la proposition des éditeurs anglais de lui racheter

600 exemplaires. La Polyglotte de Walton empêcha la vente de celle de Paris, dont le prix était de 200 francs. Beaucoup d’exemplaires furent vendus au poids du papier, et Le Jay, entièrement ruiné, ne put payer ses dettes. La Polyglotte fut présentée au public, en 1666, par trois libraires hollandais sous un nouveau titre : Biblia alexandrina heptaglotta, comme étant publiée sous les auspices d’Alexandre VII, mais leur ruse fut déjouée. Mabillon, Musseum italicum, Paris, 1687, 1. 1, p. 95-96. Elle est magnifique par la beauté du papier et l’exécution typographique ; mais la grandeur du format rend son emploi fort difficile. Elle présente enfin le désavantage de n’avoir pas publié dans le même volume tous les textes, puisqu’il faut recourir à deux volumes pour les avoir ensemble sous les yeux.

2. Description. — Elle comprend 9 tomes en 15 volumes grand in-folio et est intitulée : Biblia. 1. hebraica. 2. swmaritana. 3. chaldaica. 4. grxca. 6. latina. 7. arabica, quibus textus originales totius Scripturse Sacrx, quorum pars in editione Complutensi, deinde in Antuerpiensi regiis sumptibus extat, nunc integris ex manuscriptis toto fere orbe quxsitis exemplaribus exhibentur. En raison de son contenu, elle comprend deux parties bien distinctes. Les cinq premiers volumes, sauf une préface non paginée de Le Jay : Institua operis ratio, et une autre préface de J. Morin sur le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, en tête du premier volume, ne sont guère que la reproduction intégrale des cinq premiers volumes de la Polyglotte d’Anvers. La disposition typographique est la même, ainsi que les textes. Les seules différences notables consistent en ce que le t. v, au lieu du syriaque en lettres hébraïques, contient une version arabe du Nouveau Testament et sa traduction latine, et aussi le texte syriaque desquatreÉpîtres-catholiques et de l’Apocalypse qui manquaient dans la Peschito. La seconde partie, formant les quatre derniers tomes, est seule nouvelle. Le t. vi contient le Pentateuque syriaque et arabe avec leurs traductions latines, puis le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, qui n’ont qu’une seule traduction latine. Ces deux textes étaient imprimés pour la première fois. Les t. vii-ix ont les versions syriaque et arabe, avec leurs traductions latines, de tout le reste de l’Ancien Testament, sauf que poiir Job il n’y a qu’une seule traduction latine des deux textes.

3. Valeur. — Quant à la première partie, qui n’est presque que la reproduction de la Polyglotte d’Anvers, la Polyglotte de Paris n’a pas réalisé les progrès que pourtant il eût été facile d’accomplir. Le texte hébreu est mal reproduit et fort incorrect ; il aurait pu aisément ^reconstitué d’après les bons manuscrits massorétiques qui se trouvaient à Paris à la bibliothèque du roi. Pour les targums, le texte d’Anvers est mêlé à celui de la Bible de Bomberg. Il eut été à propos d’imprimer, pour les Septante, l’édition.romaine faite d’après le

Vaticanus, et. pour la Vulgate, la Bible clémentine. Pour le texte grec du Nouveau Testament, Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 75, n’a remarqué que neuf différences d’avec le prototype. Cf. Gregory, Textkritik des N. T., t. ii, p. 940-941. Relativement aux textes nouveaux, l’absence de préfaces et i’Apparatus critique prive de renseignements sur leur origine, si l’on excepte le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine. Ils provenaient des manuscrits achetés à Damas par le voyageur Pietro délia Valle pour le compte de M. de Sancy, ambassadeur de France à Constantinople, et donnés par ce dernier, qui était devenu oratorien, à la bibliothèque de l’Oratoire (n. 1 et 2 du fonds samaritain de la Bibliothèque nationale). Le manuscrit de Peiresc, demandé dès 1630 par Vitré, avec des manuscrits arabes, ne futapporté à Paris qu’en 1632 par Denis Guillemin et ne put être utilisé. L. Dorez, Notes et documents sur la Bible polyglotte de Paris, dans le

Bulletin de la Société d’Histoire de Paris et de l’Ilede-France, 17e année, 1890, p. 84-94. La version arabe des Évangiles a été éditée d’après le texte arabe, publié à Rome en 1591, et la traduction latine est celle de J.-B. Raymond, revue par Gabriel Sionite. Pour le reste du Nouveau Testament, on avait quelques manuscrits arabes, venus d’Alep, entre autres un seul sur l’Apocalypse, provenant de S. de Brèves. On a reproché à Gabriel Sionite d’en avoir modifié le texte. Les versions, syriaque et arabe, de l’Ancien Testament, furent éditées à l’aide d’éditions antérieures (le Pentateuque arabe, publié à Constantinople, en 1546 ; un Psautier syriaque et arabe édité au Mont-Liban, en 1610 ; . un Psautier syriaque, Paris, 1625 ; un Psautier arabe, Genève, 1516 ; Rome, 1613), et de six ou sept manuscrits seulement. En 1640, Sionite avait rapporté de Rome un manuscrit syriaque, légué par Risius. La Polyglotte de Paris, supérieure à celle d’Anvers par les nouveaux textes qu’elle contenait, n’eut guère d’influence, supplantée qu’elle fut bientôt par la Polyglotte de Londres.

4° Polyglotte de Londres. — i. Histoire. — Comme la Bible de Le Jay était incommode à manier et très chère, les Anglais décidèrent de publier une Polyglotte plus commode et moins coûteuse. Brian Walton, qui fut plus tard évêque anglican de Chester, s’en chargea avec de savants collaborateurs. Edmond Castle surveilla l’édition des textes samaritains, syriaques, arabes et éthiopiens ; il fit la traduction latine de la version éthiopienne du Cantique et composa le Lexicon heptaglatton, annexé à la Polyglotte. Samuel Clarke s’occupa du texte hébreu et des targums, et traduisit en latin la version persane des Évangiles. Thomas Hyde transcrivit le Pentateuque persan et en fit la traduction latine. Alexandre Huish surveilla l’impression des textes grecs et latins, et recueillit les variantes du Codex Alexandrinus. ha nouvelle Polyglotte fut publiée par souscription sous le patronage de Cromwell, qui lui accorda l’exemption des droits sur le papier. Le premier volume parut en septembre 1654 ; il sortait, comme les suivants, des presses de Thomas Roycroft, à Londres. Il contient une dédicace au Protecteur. Après la restauration des Stuarts, on remplaça cette dédicace par une autre à Charles II. On distingue par suite les exemplaires royaux et les exemplaires républicains ; ceux-ci, qui sont les plus rares, sont les plus recherchés. Le t. il est daté de 1655. Le t. vi et dernier parut en 1657. En 1669, on y joignit le Lexicon heptaglotton de Castle en deux in-folio. La Polyglotte de Londres, qui avait été mise à l’Index par décret du 29 novembre 1663, à cause de ses prolégomènes (voir H. Reusch, Der Index der verbotenen Bâcher, Bonn, 1885, t. ii, p. 124125), ne figure plus dans l’édition officielle du catalogue des livres prohibés, publiée en 1900.

2. Description. — Cette Bible, qui forme 6 in-f », est intitulée : S& Biblia polyglotta complectens textus originales hebraicos cum Pentateucho Samarilano, chaldaicos, grsecos versionumque antiquarum samaritanse, chaldaicse, latinse Vulgatse, œthiopicse, grascse Sept., syriocse, arabicse, persicse, quicquid comparari poterat ex tnss. antiquis undique conquisitis optimisque exemplaribus impressis summa /ide collatis. Les quatre premiers tomes sont remplis par l’Ancien Testament. Le i", à la suite de la préface et de prolégomènes, dans lesquels Walton parle des langues sacrées, des éditions et des versions de la Bible, et qui constituent une véritable introduction critique, reproduit le Pentateuque en huit langues. Les textes sont disposés sur deux pages en cet ordre : au verso, en haut de la page sur quatre colonnes parallèles, le texte hébreu avec la version interlinéaire de Santé Pagnino revue par Arias Montanus, la Vulgate latine de la Bible clémentine, le grec des Septante d’après l’édition romaine du Vaticanus avec les variantes de VAlexan

drinus, placées au-dessous, la version latine de ce texte grec, empruntée à l’édition de Flaminius Nobilius ; la version syriaque, accompagnée de sa traduction latine est dans le bas de cette page ; au recto, le haut de la page contient parallèlement le targum d’Onkelos selon l’édition de Bâle, sa version latine, le texte hébreu samaritain et sa version latine ; la version arabe et sa traduction latine occupent le bas de la page. Le t. n contient les livres historiques, de Josué à Esther. La disposition est à peu près la même que dans le 1. 1, sauf qu’au recto, il n’y a que le targum du pseudo-Jonathan pour les livres qui en sont dotés, avec sa traduction latine, et la version arabe (qui manque pour Esther). Le t. m renferme Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique, les grands et les petits prophètes. La disposition typographique varie suivant les livres. Sans entrer dans plus de détails, signalons seulement un texte nouveau : la version éthiopienne des Psaumes et du Cantique. Le t. iv débute par la Prière de Manassé, en grec et en latin, le IIIe livre d’Esdras (latin, grec, syriaque, avec traduction latine du grec et du syriaque), le IVe livre d’Esdras, en latin seulement. On trouve ensuite Tobie (le texte hébreu selon les deux éditions de Fage et de Sébastien Munster avec leurs traductions latines correspondantes, la Vulgate, le grec et la version syriaque). Pour Judith, les parties deutérocanoniques de Jérémie et de Daniel et les deux livres canoniques des Machabées, il n’y a que trois grands textes (latin, grec et syriaque) ; une version arabe est en plus pour la Sagesse, l’Ecclésiastique, Èaruch. Les passages deutérocanoniques d’Esther ne sont qu’en grec et en latin. Après les textes grec et syriaque de III Mach., on trouve la version arabe de II Mach. La seconde partie de ce t. iv contient les deux targums du Pentateuque, dits du pseudo-Jonathan et de Jérusalem, intercalés l’un dans l’autre et accompagnés de leurs traductions latines, la version persane des mêmes livres avec traduction latine. Le t. v est consacré au Nouveau Testament. Il contient superposés, au verso, le texte grec (édition Robert Estienne) avec la version latine interlinéaire d’Arias Montanus, les versions syriaque et éthiopienne avec leurs traductions latines, au recto, la Vulgate et les versions arabe et perse (celle-ci pour les Évangiles seulement), avec leurs traductions latines. Le t. vi sert d’Appendice et renferme des notes de divers auteurs et des recueils de variantes, avec l’Index de l’ouvrage entier. Le Lexicon heptaglotton de Castle, 2 in-f°, Londres, 1669, est souvent ajouté à la Polyglotte de Walton.

3. Valeur, — La Polyglotte de Londres est la plus complète et la meilleure qui ait été publiée. Elle est loin cependant d’être parfaite. Les Prolégomènes de Walton, qui ont été réédités à part, in-f°, Zurich, 1673, et par Dathe, Leipzig, 1777, ont été critiqués en plusieurs points par Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 481510. Cf. Réponse de Pierre Ambrun, ministre du saint Évangile, à l’Histoire critique du Vieux Testament, ibid., p. 46-48 ; Lettres choisies, Paris, 1730, t. ii, p. 275 ; t. iii, p. 122. Les éditeurs ont emprunté aux Polyglottes d’Anvers et de Paris la version interlinêaire de l’hébreu, le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, la version syriaque de l’Ancien Testament et la version arabe du Nouveau. Au lieu de rééditer ces versions, prises à la Polyglotte de Paris « par un larcin public », comme dit R. Simon, on aurait pu reproduire de meilleurs textes ou, au moins, revoir les traductions latines correspondantes, qui sont mal faites. Elle a, en progrés sur les précédentes, reproduit l’édition romaine des Septante, l’édition de l’Italique par Flaminius Nobilius et la Vulgate clémentine. Elle a produit aussi des textes nouveaux : un Psautier éthiopien, déjà imprimé à Cologne et à Rome, la

version éthiopienne du Cantique et du Nouveau Testament, publiée pour la première fois, et la version persane des Évangiles, tirée d’un manuscrit de Poco’cke. Les trois targums du Pentateuque étaient empruntés à l’édition de Buxtorf, et la version persane de ce livre à l’édition de Constantinople. Le texte grec du Nouveau Testament provenait de l’édition d’Estienne de 1550, dont le texte n’est modifié qu’en trois passages. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grmci, p. 56. À la marge, on lit les variantes du codex, Aleœandrinus, recueillies par Huish. Les notes et les variantes, éditées dans l’appendice ont généralement peu de valeur. Gregory, Textkritik des N. T., t. ii, p. 941-942. Nonobstant ces défauts, la Polyglotte d’Angleterre reste un instrument très utile pour l’étude critique de la Bible.

III. Polyglottes partielles ou moins importantes faites aux xvie, xvii 8 et xviii c siècles. — 1° Le Psautier de Justiniani. — Bien qu’imprimé après le Nouveau Testament d’Alcala, il a été publié en 1516, avant la Polyglotte de Ximénès. Son éditeur, Augustin Justiniani, religieux dominicain et évêque de Nebbio, avait projeté la publication d’une polyglotte qu’il ne put exécuter. Il n’a donné que le psautier en cinq langues : Psalterium hebrteum, grsecum, arabicum et chaldaicum cum tribus latinis interpretationibus et glossis, in-f°, Gênes, 1516. Chaque page comprend quatre colonnes, qui contiennent, au verso, l’hébreu, sa traduction latine, la Vulgate et le texte grec, au recto, la version arabe, le targum, la version latine du targum et des scolies et remarques.

2° Le Psautier de Polhen. — Jean Polken, prévôt de la collégiale Saint-Georges de Cologne, a fait imprimer, en 1518, un Psautier en quatre langues : hébreu, grec, latin et éthiopien (qu’il appelle chaldéen). Cette version éthiopienne a été reproduite dans la Polyglotte de Londres.

3° Les deux Pentateuques polyglottes des Juifs de Constantinople. — En 1546, les Juifs de Constantinople firent imprimer le Pentateuque en plusieurs langues. Au milieu de la page se trouve le texte hébreu en gros caractères, il est accompagné d’un côté du targum d’Onkelos en caractères médiocres et de l’autre de la paraphrase persane. En dehors de ces trois colonnes, il y a en haut de la page la version arabe de Saadias Gaon, et au bas le commentaire de Rabbi Isaac Iarchi. Les textes arabe et persan sont imprimés en caractères hébreux. L’année suivante, 1547, parut dans la même ville un autre Pentateuque polyglotte avec la même disposition des textes. Le texte hébreu, qui est aussi au milieu, est aceompagné d’une traduction en grec vulgaire et d’une version espagnole ; ces deux traductions sont imprimées en caractères hébreux avec pointsvoyelles. Au haut de)a page, court le targum d’Onkelos et au bas, le commentaire de Jarchi.

4° Essais de Draconitès. — Jean Draconitès (14941566) avait entrepris une Biblia pentapla. Il n’en a publié que de courts fragments ou spécimens : les six premiers chapitres de la Genèse, in-f°, Wittemberg, 1563 ; les deux premiers Psaumes, ibid., 1563 ; les sept premiers chapitres d’Isaïe, Leipzig, 1563 ; les Proverbes, Wittenberg, 1564 ; Malachie, Leipzig, 1564 ; Joël, Wittemberg, 1565 ; Zacharie, ibid., 1565 ; Michée, ibid., 1565 T Ces textes étaient imprimés en cinq langues : hébreu, chaldéen, grec, latin, version allemande de Luther. Par une disposition bizarre, ces cinq textes sont superposés ligne par ligne. Les Septante, la Vulgate et la traduction allemande sont corrigés d’après l’hébreu. Les passages messianiques sont en encre rouge. Un commentaire est encore au-dessous de ces cinq lignes du texte, dont la suite est de la sorte maladroitement interrompue.

5° La Polyglotte de Bertram, ou de Heidelberg. — Un calviniste d’origine française, Corneille-Bonaventure Bertram, professeur d’hébreu à Genève (1566-1584), puis

prédicateur à Frankenlhal, mort en 1594, publia une Biblia sacra, hebraice, grssce et latine, 2 in-f°, Heidelberg, 1587. Elle ne contenait que l’Ancien Testament en hébreu, en grec, avec la Vulgate et la version de Pagnino. Bien que le titre ajoute : Omnia cum editione Complutensi diligenter collata, l’édition n’est qu’une reproduction de la Polyglotte d’Anvers ; elle lui a emprunté aussi les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Une deuxième édition parut en’1599. La troisième, faite chez Commelin, en 1616, comprend en outre le Nouveau Testament avec la version latine d’Arias Montanus, le tout emprunté encore à la Polyglotte d’Anvers. Voir Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grœci, p. 78-79. Ce n’est donc pas une Polyglotte pour le Nouveau Testament. Comme cette Bible contenait des notes de Vatable, on l’appelle parfois la Bible de Vatable.

6° La Polyglotte d’Hambourg. — Ou la rencontre rarement complète. Elle comprend : 1. le texte hébreu de la Bible hébraïque d’Élie Hutter, in-f », 1587, dont la date est remplacée par celle de 1596, et dans laquelle les lettres de la racine sont typographiquement distinguées des autres caractères ; 2. l’édition de David Wolder qui contient en 6 in-f° et sur quatre colonnes le texte grec de l’Ancien et du Nouveau Testament, la Vulgate, la traduction latine de l’Ancien Testament par Pagnino et celle du Nouveau par Théodore de Bèze, enfin la version allemande de Luther. Les deux ouvrages sortent des presses de Jacques Lucius, à Hambourg, 1596. Le texte grec du Nouveau Testament est emprunté, sauf de rares modifications, à l’édition de Samuel Selfisch, in-8°, Wittenberg, lo83. Cf. Ed. Beuss, Bibliotheca N. T. grsecifp. 63-64. Cette Polyglotte, qui est très imparfaite, ruina son éditeur, bien que le gouvernement danois ait obligé toutes les églises du Schleswig à l’acheter.

7° Les Bibles de Hutter. — Élie Hutter, ancien professeur d’hébreu de l’électeur de Saxe et imprimeur à Nuremberg, avait la passion des Polyglottes. Il en publia plusieurs qui sont toutes imparfaites. — 1.Il avait Commencé un Ancien Testament en six langues et en quatre éditions différentes. Le seul volume paru, in-f°, Nuremberg, 1599, comprend six textes en six colonnes. Sur la page de gauche, on trouve l’hébreu entre le targum et le grec, le tout d’après la Polyglotte d’Anvers ; sur la page de droite, il y a la version allemande de Luther entre la Vulgate et une autre version récente, qui diffère selon les exemplaires, destinés à des nations différentes. La sixième colonne, en effet, reproduit, ou bien la version slavonne de l’édition de Wittemberg, ou bien la traduction française de Genève, ou bien la version italienne de Genève, ou bien la version saxonne faite sur la traduction allemande de Luther. Ce volume ne dépasse pas le livre de Ruth. — 2. Un Psautier hébreu, grec, latin et allemand, in-8°, Nuremberg, 1602.

— 3. Un Nouveau Testament en douze langues, 2 in-f », Nuremberg, 1599. Les douze textes sont disposés sur six colonnes de la manière suivante : Au verso, dans la l re colonne, la version syriaque de l’édition de Trémélius, 1569 (l’auteur a suppléé les passages manquants i le récit de la femme adultère, le verset des témoins célestes, les quatre Épltres catholiques et l’Apocalypse, qu’il a traduits en syriaque d’après le grec), avec la version italienne, de Bruccioli, 1526, l’une sous l’autre, verset par verset ; dans la 2e colonne, un texte hébreu que l’éditeur avait fabriqué, imprimé en caractères de deux sortes, et la traduction espagnole de Cassiodore Reina, 1569 ; dans la 3e, le grec et la version française de Genève, de 1588. Au recto, la l re colonne contient la Vulgate et la version anglaise de 1562, la 2e, la version de Luther et la traduction danoise de 1589, et la 3e, la version bohémienne de 1693 et la version polonaise de 1596. Hutter reproduisit l’Épître aux Laodicéens qu’il avait lui-même traduite en grec sur le texte latin. Cette œuvre n’a’aucun caractère scientifique, et rien

n’égale l’audace et l’arbitraire avec lesquels l’éditeur constitue ses textes. Pour le grec du Nouveau Testament, il n’a pas tenu compte des règles critiques, mêlant les leçons anciennes à sa guise et en fabriquant impudemment en conformité avec les doctrines luthériennes. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 105106. — 4. Un autre Nouveau Testament en quatre langues : hébreu, grec, latin et allemand, emprunté au précédent sans grandes modifications, in-4°, Nuremberg, 1602. On en fit un nouveau titre en 1615, pour représenter une soi-disant édition d’Amsterdam, chez J. Walschært. Ed..Reuss, op. cit., p. 106. — 5. Hutter a édité aussi quelques prophéties et les quatre Évan-, giles en douze langues.

8° La Polyglotte de Reineccius ou de Leipzig. — Chr. Reineccius, curé de Weissenfels, prépara une nouvelle Polyglotte en quatre langues, qui parut à deux époques assez éloignées l’une de l’autre. Le Nouveau Testament fut édité, in-f°, à Leipzig, en 1713, sous ce titre : Biblia sacra quadrilinguia N. T. À la suite d’une préface de Reineccius et de prolégomènes en allemand, tirés de Luther, les textes sont imprimés sur cinq colonnes parallèles. Sur la page de gauche, se trouve le texte grec entre la version syriaque et une traduction en néo-grec ; sur la page de droite, on lit la version latine de Sébastien Schmid et la version allemande de Luther. Les passages parallèles sont indiqués à la marge extérieure ; des variantes grecques et allemandes, celles-ci prises à la première édition de Luther avec des notes marginales de Luther et des annotations de Reineccius, sont au bas de la page. En appendice, se trouvent des additions critiques et exégétiques de diverse nature. Le texte grec, qui ressemble souvent à celui de Pritius, mêle les leçons de Robert Estienne et des Elzévier. Il a été souvent réédité à part. Ed. Reuss, op. cit., p. 157-159. L’impression de l’Ancien Testament était déjà commencée en 1713, mais elle subit de longs retards. Quand elle fut fort avancée, en 1747, l’imprimeur fit un nouveau titre au Nouveau Testament, et enfin, trois et quatre ans plus tard, en 1750 et 1751, parut l’Ancien Testament en 2 in-f°. Ces volumes contiennent le texte hébreu, le texte grec des Septante, la version latine de Schmid et la version allemande de Luther.

IV. Projet d’une nouvelle Polyglotte par Richard Simon. — En 1678, dans son Histoire critique du Vieux Testament, édit. de Rotterdam, 1685, p. 521-522, Richard Simon avait esquissé le projet d’une nouvelle Polyglotte, qui ne serait qu’un abrégé de la Polyglotte de Londres. Au lieu d’imprimer, dans des volumes lourds, difficiles à manier et chers, toutes les anciennes versions, il ne reproduirait que les variantes de celles qui sont dérivées. Par conséquent, la nouvelle Polyglotte ne devait être composée que de trois textes complets : ^ le texte hébreu, la version des Septante et la Vulgate latine. Le P. Simon avait d’abord pensé y joindre l’Jtala d’après l’édition de Flaminius Nobilius. Il ne voulait éditer ni le Pentateuque samaritain, ni la version samaritaine, ni les targums ; leurs variantes auraient seulement été indiquées à la marge en face de l’hébreu. Les autres targums, qui sont plutôt des commentaires que des versions, pourraient être négligés, sauf à noter à a marge leurs leçons propres. Quant aux autres versions, leurs variantes seraient signalées en face de l’hébreu pour celles qui dérivent de ce texte, ou en face des Septante pour celles qui en suivent le texte. De celles qui sont mixtes, comme la version syriaque remaniée d’après les Septante, on ne noterait que les leçons vraiment spéciales. Les variantes latines accompagneraient aussi la Bible clémentine. Retiré à Dieppe, dès 1681, Simon avait préparé l’Ancfen Testament conformément à ce plan. Il avait pris un exemplaire de la Polyglotte de Walton, et au moyen

de bandes de papier collées, H avait couvert ce qu’il voulait omettre, et écrit ce qu’il désirait ajouter ou substituer. En 1684, sous forme de lettre adressée à Ambroise par Origène, il développait son projet : Novnrum Bibliorwn polyglottorum synopsis, in-8°, Utrecht, datée du 20 août 1684. Il aurait mis aussi au bas des pages les passages conservés des versions d’Aquila et de Symmaque et différents des Septante. Dans une réponse d’Ambroise à Origène : Ambrosii ad Origenem epistola de novis Bibliis polyglottis, datée du 1 er décembre 1684, in-8°, Utrecht, 1685, il annonce que sa Polyglotte serait heureusement complétée par , un dictionnaire et une grammaire hébraïque, dont il dressait le plan. Cf. Bayle, Nouvelles de la République des lettres, octobre 1684, art. 13, t. i, p. 153-155 ; janvier 1685, art. 9, t. î, p. 209-211 ; Journal des Sçavans, 30 juillet 1685. Voir aussi R. Simon, Réponse de Pierre Ambrun, ministre du saint Évangile, à l’Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 48. Ce projet fut loué par Le Clerc et blâmé par Jurieu. Au premier, qui sous le pseudonyme de Cristobulus Hierapolitanus, écrivit à Origène une longue lettre latine, datée du 4 novembre 1684, publiée partiellement par R. Simon, Réponse au livre intitulé ; Sentimens de quelques théologiens de Hollande sur l’Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1686, p. 2-5, et intégralement par Le Clerc, Défense des Sentimens, etc., 1686, p. 421 sq., Simon demanda des conseils et des renseignements dans un billet en flamand, traduit en français dans la Réponse au livre, etc., p. 5-6. Jurieu, de son côté, avait attaqué le projet de Simon dans son livre sur V Accomplissement des prophéties. Simon répliqua violemment. Réponse à la Défense des Sentimens, etc., Rotterdam, 1687, p. 194198. Il continua la préparation de cette Polyglotte, qui devait être complète en un seul volume. Si elle n’a pas été imprimée, ce ne fut pas, comme l’a dit le Père Lelong, parce qu’aucun imprimeur n’a voulu en faire la dépense ; ce fut seulement parce qu’il ne s’en trouva aucun assez habile pour imprimer un ouvrage qui exigeait, sur la même page, tant de caractères différents. La première feuille fut imprimée ; elle fourmillait de tant de fautes qu’il fut impossible de les corriger. R. Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 449-450. Quand R. Simon écrivait ce dernier ouvrage, la meilleure partie de la copie de sa polyglotte était prête. Son travail passa, après sa mort, à la bibliothèque du chapitre cathedra ! de Rouen, à qui il avait légué ses manuscrits, L. Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l’histoire de l’Oratoire, édit. Ingold et Bonnardet, Paris, 1905, t. iv, p. 273-275 ; Saas, Notice des manuscrits de la bibliothèque de l’Église métropolitaine de Rouen, in-12, Rouen, 1746, p. 41 sq. ; A. Bernus, Richard Simon et son Histoire critique du Vieux Testament, Lausanne, 1869, p. 29, 107. Le manuscrit dont des parties manquaient déjà en 1746, ne se trouve pas à la bibliothèque municipale de Rouen, qui a hérité des autres manuscrits de Richard Simon.

V. Polyglottes manuelles publiées au xix » et au XXe siècle. — 1° La Polyglotte de Bagster. — L’éditeur anglais Bagster a donné au public : Biblia sacra Polyglotta textus archetypos versionesque prsecipuas ab Ecclesia antiquitus receptas necnon versiones recentiores, 2 in-f°, Londres, 1831. Après des prolégomènes dus à S. Lee, cette Polyglotte reproduit en petits caractères l’hébreu de Vander Hooght, le Pentateuque samaritain de Kennicott, les Septante, la Vulgate, la Peschito, le texte grec du Nouveau Testament (édition de Mill), les traductions, allemande de Luther, italienne deDiodati, française d’Osterwald, espagnole de Scio et la version anglaise dite autorisée. Elle a été rééditée sous ce titre : Bagsler’s Polyglot Bible in eight lan guages, 2 in-f", Londres, 1874. Elle ne comprend que les livres protocanoniques. Bagster a aussi publié : Hexapla Psalter, in-4°, 1843, contenant les Psaumes en hébreu, en grec, en latin, Psalterium l.ebraicum et gallicanum, de saint Jérôme et deux divisions anglaises.

2° La Polyglotte de Stier et de Theile. — Stier et Theile ont publié une Polyglotte manuelle : Polyglotten-Bibel zum praktischen Handgebrauch, 4 in-8° en 6 parties, Bielefeld, 1846-1855. Elle contient, pourl’Ancien Testament, l’hébreu, les Septante, la Vulgate et la version allemande de Luther, et pour le Nouveau, le grec, avec quelques variantes, le latin et l’allemand. Elle a eu plusieurs éditions dont la dernière date de 1890. Dans les trois premières qui ont été stéréotypées, la quatrième colonne, pour le Nouveau Testament, est remplie de variantes de diverses traductions allemandes. Dans la quatrième (1855) et la cinquième (1858), cette colonne est occupée par une version anglaise. Dans l’édition de 1875, on a ajouté en appendice les principales variantes du Sinaiticus. Sur la constitution du texte grec du Nouveau Testament, voir Éd. Reuss, Bibliotheca N. T. grxci, p. 265. Ce texte diffère peu du texte reçu. L’hébreu, revu par Bôckel et Landschreiber, n’est pas très bon. Les deutérocanoniques manquent.

3° Biblia tetraglotta de Bunsen, 1859, sous la direction de Lagarde, est demeurée à l’état de projet.

4° Ed. de Levante a publié une Hexaglotte et une Triglotte : Hexaglott Bible, comprising the holy Scriptures of the Oldand New Testament, &m-¥, Londres, 1876, qui contient l’hébreu, les Septante, la version syriaque du Nouveau Testament, la Vulgate, la version anglaise autorisée, une version allemande et une version française ; Biblia Triglotta continens Scripturas sacras Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4°, Londres, 1890, qui est un extrait de l’Hexaglotte et qui contient, pour l’Ancien Testament, l’hébreu, les Septante et la Vulgate, pour le Nouveau, le grec, la Peschito et la Vulgate. Les livres deutérocanoniques en sont absents.

5° M. Vigouroux a entrepris la publication d’une Polyglotte catholique et française : La sainte Bible Polyglotte contenant le texte hébreu original, le texte grec des Septante, le texte latin de la Vulgate et la traduction française de M. l’abbé Glaire, avec les différences de l’hébreu, des Septante et de la Vulgate, des introductions, des notes, des cartes et des illustrations. Elle formera 8 in-8° dont six, contenant tout l’Ancien Testament, et le septième comprenant les Evangiles et les Actes, ont déjà paru, Paris, 1898-1908. Les textes sont disposés sur quatre colonnes, avec notes et variantes au bas des pages. Le texte hébreu a été em-’prunté à l’édition stéréotypée de Stier et de Theile (texte de Van der Hcoght, revu par Hahn et Theile). Le texte des Septante est celui de l’édition romaine de 1587, avec quelques additions tirées de la Polyglotte d’Alcala. Des signes, introduits dans le texte, indiquent les lacunes, les additions et les divergences les plus notables relativement à l’hébreu. Au bas de la colonne sont les principales variantes de YAlexandrinus, du Sinaiticus, de l’Ephrœmiticus, etc. La Vulgate clémentine est conforme à la réimpression officielle, faite à Turin en 1881. La traduction française de Glaire est accompagnée de notes. A partir du t. ii, les variantes grecques sont plus nombreuses, on trouve en plus celles de YAmbrosianus et du Parisinus, n. 8, du Coislinianus VIII pour Tobie, du Marchalianus pour les prophètes ; un double texte grec pour certains passages de Tobie et de Judith, avec les variantes pour le reste de Tobie et pour Esther ; les parties, récemment retrouvées, du texte hébreu de l’Ecclésiastique. Les Épitres et l’Apocalypse seront contenues dans le t. vm.

6° Indiquons enfin quelques Polyglottes partielles : Tischendorf, Novum Testamentum triglottum, in-8°, Leipzig, 1854 ; 2e édit., ibid-, 1865, a publié le texte

grec avec des variantes, la revision de saint Jérôme d’après les manuscrits avec les leçons diftérentes delà Vuîgate clémentine et la version allemande de Luther, revue sur les premières éditions ; Hexaglott Bible de Cohn, 1856-1859, jusqu’aux Nombres ; 1868, tout lePentateuque ; Hexaglot Pentateuch de Robert Young, Edimbourg, 1851 : textes samaritain, chaldéen, syriaque « t arabe des cinq premiers chapitres de la Genèse ; Parabola’de seminatore ex Evangelio Matthœi, in lxxii Europeas linguas ac dialectos versa, ac Bomanis characteribus expressa, Londres, 1857 (édition privée du prince L.-C. Bonaparte).

Sur ^es PoYy glottes, ovr Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, in-8°, Rotterdam, 1685, p. 514-522 ; P. Lelong, Discours historique sur les principales éditions des Bibles polyglottes, in-12, Paris, 1713 ; Id., Bibliotheca sacra, in-fol., Paris, 1723, t. i, p. 1-47 ; dom Cathelinot, Bibliothèque sacrée, part. III, a. 1, dans le Dictionnaire de la Bible de dom Calmet, Paris, 1730, t. iv, p. 297-302 ; G. Outhuys, Geschiedkundig verslàg der voornaamste uitgavenvan het Biblia Polyglolta, in-8°, FraneJser, 1822 ; Brunet, Manuel dulibraire, Paris, 1860, t. i, col. 849-854 ; En^ cyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger, t. x, p. 676 sq. (art. Polyglottes de S. Berger) ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 260-264 ; Ch. Trochon, Introduction générale, Paris, 1886, t. i, p. 449-455 ; R. Cornely, Introductio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 527-532 ; Bealencyclopâdie fur prolestanlische Théologie und Kirche, t.xv, p. 528-535.

E. Mangenot.

    1. POLYPE##

POLYPE, zoophyte à longs filaments mobiles. Voir Corail, t. ii, col. 955.

POIMARIUS. Voir Baumgarten 2, t. i, col. 1518.

1. POMME. Voir Pommier.

2. POMME DE SODOME. Voir JÉRICHO, t. III, col. 1291 et fig. 226, col. 1290.

    1. POMMIER##

POMMIER (hébreu : fappûah ; Septante : u^Xov ; Vulgate : malum), arbre fruitier de Palestine.

I. Description. — Cet arbre a donné son nom à une tribu de Rosacées dont il est le type, les Pomacées, à

120. — Malus communis.

fruit comprenant, " outre les carpelles soudés à son centre, une enveloppe charnue formée en partie par le réceptacle ou le tube du calice. Son sommet porte une dépression ouœii limité par les sépales ou par l’a trace de leurs cicatrices. Bans les vrais Malus chacune des 5 loges de l’ovaire renferme seulement deux ovules, alors qu’ils sont nombreux dans les Cognassiers. Au tour de la graine ou pépin l’endocarpe est cartilagineux au lieu d’être osseux comme dans les Néfliers, ou totalement charnus comme dans les Poiriers. Enfin le pédoncule s’insère dans une cavité basilaire de ce fruit qui est ainsi ombiliqué, avec une forme généralement déprimée.

Les Pommiers sont originaires de toute la région silvatique de l’Ancien Monde. Mais l’espèce la plus répandue en Europe à l’état spontané, le Malus acerba t semble manquer dans la région orientale, où l’on ne trouve que le M. Communis (6g. 120) [M. mitis de Wallroth) caractérisé par ses feuilles cotonneuses en dessous, ainsi que les sépales. Ces deux types croisés entre eux et améliorés par la culture ont donné naissance à toutes les nombreuses races de nos "> vergers, F. Hy.

IL Exégèse. — Le fappûah se présente plusieursfois dans la Bible, trois fois comme arbre, Cant., ii, 3 ; vin, 5 ; Joël, 1, 12, et trois fois comme fruit de cetarbre, Cant., ii, 5 ; vii, 9 (Vulgate, 8) ; Prov., xxv, 11. Ce mot se rencontre aussi comme nom de ville, fappûah, Jos., xii, 17 ; xv, 34 ; xvi, 8 ; xvii, 8, ou sous la forme Bel fappûah, Jos., xv, 53. Dans les textes cités, le fappûah est un arbre à l’ombre duquel on peut se reposer, Cant. ir, 3 ; viii, 5 ; un arbre rangé à côté du figuier, du grenadier, du palmier, de ces arbres cultivés qui se dessèchent au jour des calamités. Joël., i, 12. Son fruit est doux à la bouche, Cant., ii, 3 ; et répand une suave odeur (d’où lui vient son nom, racine nafah). Cant., vii, 9. Ce fruit réconforte et rafraîchit. Cant., ii, 5. Ces différents caractères conviennent bien au pommier, qu’on rencontre en Palestine dans les vergers, près des habitations, et dont le fruit est toujours très apprécié pour son goût et son odeur. D’autre part les Septante et la Vulgate ont toujours traduit par jiîiXov oamalum.

L’arabe _UL>, tiffah, qui évidemment rappelle étroitement le fappûah hébreu, signifie toujours la pomme, et rien que la pomme. Pour désigner un autre fruit, il faut ajouter une épithète, par exemple, tifjâh arminy, pomme d’Arménie, l’abricot ; liffahparsy, pomme de Perse, la pêche ; tiffah mahi, pomme de Mah, lr citron. Du reste les abricotiers et les pêchers ne fureat implantés qu’assez tard en Palestine, sous la domination grecque. Or certainement, d’après Joël, i, 12, et les noms de lieux chananéens où entre le tappûah, cet arbre était connu en Palestine beaucoup plus anciennement. Le pommier avait été importé en Egypte à une époque reculée, et probablement du pays de Cha-. naan. Ramsès II fit planter des pommiers dans ses jardins du Delta. V. Loret, Recherches sur plusieurs plantes connues des anciens Égyptiens, V. le Pommier, dans Recueil de travaux relatifs à la philologie et archéologie égyptiennes, t. vii, p. 113. Ramsès 111, pour les offrandes journalières des prêtres de Thèbes, leur fit présent de 848 paniers de pommes. La culture de cet arbre était alors très répandue en Egypte et encore maintenant on le rencontre aux environs de Miniéh. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., p. 83. Le nom égyptien d’aillleurs a probablement été emprunté aux peuples de Syrie en même temps que l’arbre et il rappelle le fappûah hébreu et le fiffah.

arabe : 8 4, Dapih, pommier, et f i i i < Dapih,

pomme, nom qui est devenu xeiïHf » ou -XHiieg, ûjepeh en copte ; et dans les anciens lexiques copticoarabes, ce mot est rendu par tiffah, f*îjXov. La traduction fappûah, « pomme, pommier, » paraît donc bien établie ; et il n’y a pas de raison de chercher une autre identification, lorsque toutes sont sujettes à plus de difficultés. Aussi la tappûafy n’est pas l’abricot comme le veut H. Tristram, The natural History of the Bible, 8e édit., in-8°, Londres, 1889, p. 335 ; ce

fruit est du reste d’importation plus récente, et ne répond pas parfaitement aux caractères du tappûah. Cf. t. i, col. 91. Ce n’est pas davantage le coing, comme le voudraient 0. Celsius, Hierobotanicon, in-12, Amsterdam. 1848, p. 254, 267 et E. F. K. Rosenmûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, p. 308312, cf. t. ii, col. 826 : ce fruit acerbe et acide au goût ne répond pas parfaitement à la description du tappûah dans les textes bibliques. C’est encore moins l’orange, qui ne fut connue dans la région méditerranéenne que postérieurement à l’ère chrétienne. Bien que plus anciennement eonnus en Palestine, le cédratier et le citronnier ne paraissent avoir été importés qu’à l’époque de la captivité de Babylone ; du reste leurs qualités ne permettent guère de les identifier avec le tappûal.i biblique. Cf. t. ii, col. 374, 793. Reste donc le pommier, comme l’arbre le plus anciennement connu (même avant l’introduction des Hébreux en Palestine) de tous ceux qu’on veut identifier au tappûah et son fruit a bien les caractères marqués dans les textes.

On peut cependant mettre à part le (appùah des Proverbes, xxv, 11.

Comme des pommes d’or sur des ciselures d’argent Ainsi une parole dite à propos.

L’épithète d’or pourrait changer la signification et marquer qu’il ne s’agit pas d’un simple tappûah, mais d’un fruit qui lui ressemble, aux couleurs plus dorées, par exemple le citron, le cédrat, l’orange. Il n’est pas nécessaire alors que les caractères du (appûah ordinaire lui conviennent. Mais reste la difficulté de l’époque tardive pour l’introduction de ces plantes en Palestine surtout relativement à l’oranger. Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire alors d’admettre que les arbres eux-mêmes y aient été transplantés, il peut s’agir de la simple importation du fruit. Il faut dire aussi que dans ce (appûah d’or on peut encore voir la pomme.

E. Levesque.

    1. PONCE##

PONCE (grec : IIôvtio ;  ; Vulgate : Pontius), nom de famille de Pilate, qui le rattache par origine ou par adoption â la gens Pontia, très connue dans l’histoire romaine. Matth., xxvii, 2 ; Luc, iii, 1 ; Act., iv, 27 ; I Tim., vi, 13. Voir Pilate, col. 429.

PONCTUATION HÉBRAÏQUE. - I. Sa nature et ses différentes espèces. — On traitera, sous ce nom, de l’ensemble des points ou signes que les anciensrabbins ont inventés pour transmettre d’une manière plus certaine la prononciation du texte hébreu de la Bible, et aussi pour aider à mieux comprendre le sens des Saints Livres, en indiquant les relations des mots entre eux. Ayant cette invention, les consonnes étaient seules tracées sur les manuscrits ; il fallait donc posséder une connaissance parfaite de la langue hébraïque pour lire aisément le texte sacré et pour suppléer exactement les voyelles. Lorsque l’hébreu fut devenu une langue morte, on sentit peu à peu le besoin de faciliter cette lecture, et aussi de fixer la signification d’un grand nombre de mots, en joignant aax consonnes des signes qui représenteraient soit les voyelles, soit la ponctuation. Ceux qni ont créé ce système très complexe, composé de signes multiples, n’ont pas touché au texte même de la Bible, tel qu’il s’était transmis avant eux de génération en génération. Ils n’ont rien changé aux consonnes, qui, jusqu’alors, avaient été seules reproduites par l’écriture : tous les signes nouveaux ont été insérés soit dans l’intérieur des lettres primitives, soit au-dessus d’elles, soit au-dessous, soit à côté, parfois aussi dans la ligne même, entre les mots.

Ces signes sont de plusieurs sortes. On distingue : 1° ceux qui sont destinés à marquer les voyelles, les points-voyelles, comme on disait autrefois, ainsi nommés parce que beaucoup d’entre eux — c’était

même le cas pour la plupart, à l’origine — consistent en un ou plusieurs points groupés de différentes manières : par exemple, Itéré, oue long, ~. Les anciens grammairiens juifs les appelaient pour ce motif niqqûd, de la racine niqqêd, ponctuer ; par conséquent, ponctuation. De là vint aussi, pour leurs inventeurs, le nom de punetatores, ponctuateurs. — 2° Il existe une autre série de signes, qui servent à des fins diverses, et qu’on désigne parfois en général par le nom de points diacritiques. Ce sont : — a) le daguesch, point dans l’intérieur de la lettre, pour montrer que celle-ci doit être redoublée ou fortifiée dans la prononciation ; — b) le point qui sert à différencier le Sîra, w, d’avec le sîn, ïr, suivant qu’il est placé à droite ou à gauche de la lettre ;

— c) le ràphêh, trait horizontal qu’on met au-dessous d’une consonne, pour marquer qu’elle n’a pas le son fort ; — d) le mappîq, semblable au daguesch, mais qui ne se place guère que dans le hé final, ii, pour indiquer que cette lettre doit alors se prononcer comme un h aspiré ; — e) les signes 2. ou *, puncla extraordinaria qu’on rencontre fréquemment à travers le texte biblique original et qui correspondent à des notes placées soit au bas de la page, soit eu marge, lesquelles marquent le qerî et le hefîb. — 3° Il y a enfin les signes qui représentent la ponctuation proprement dite. Comme il a été déjà traité, t. iii, col. 467-469, 504-507, des signes relatifs à la vocalisation, c’est-à-dire de ceux qui ont été mentionnés au 1° et au 2°, il ne sera question ici que de la ponctuation dans le sens strict de l’expression.

II. La ponctuation hébraïque proprement dite et ses divers BUTS. — Ici encore, il est nécessaire d’établir une distinction, car les signes ou accents spéciaux dont nous allons parler servent tout à la fois à trois fins différentes. — a) Pour la lecture ordinaire, ils marquent l’accent tonique, c’est-à-dire la syllabe qui doit être mise en relief dans la prononciation. C’est toujours la dernière ou l’avant-dernière, le plus souvent la dernière. Voir t. iii, col. 472. — 6) Pour la lecture modulée de la Bible, cantillalio, telle qu’elle a lieu dans les synagogues, ces accents indiquent les élévations et les chutes de la voix, chacun d’eux équivalant à une sorte de neume, qui se compose de plusieurs notes de musique toujours les mêmes. — c) Ils marquent enfin la ponctuation des phrases, sujet que nous avons seul à traiter ici. En hébreu, les accents, en tant qu’ils servent à cette fin, portent le nom expressif de ta’am, « goût, » au pluriel te’àrtiim, parce qu’ils donnent pour ainsi dire du goût à la phrase.

III. Origine des accents destinés a la ponctuation en hébreu. — Ce système de signes, avec les régies multiples qui le dirigent, suppose, comme celui de la vocalisation auquel il se rattache de très près, un travail de longue haleine. De nombreux savants israélites y prirent part, car il se prolongea pendant plusieurs siècles. — Au moyen âge, les Juifs croyaient généralement que l’accentuation et la vocalisation du texte hébreu de la Bible remontaient jusqu’à Esdras et à ce qu’on appelait la « Grande Synagogue ». Cette opinion avait encore des adhérents au xvii c siècle, parmi les hébraïsants chrétiens, comme on le voit parla discussion très vive qui eut lieu sur ce point entre Louis Cappel, qui la rejetait, et les deux Buxtorf, qui l’acceptaient. Voir t. i, col. 1982, t. ii, col. 219 ; j. Schnedermann, Die Controverse des Ludovicus Cappellus mil den Buxtorfen ûber die hebr. Punctation, in-8°, Leipzig, 1879. Quelques rabbins allaient même jusqu’à affirmer que les accents avaient été introduits par les prophètes de l’exil, et qu’ils portaient ainsi le sceau de l’inspiration divine. Bien plus, plusieurs d’entre eux, entre autres Judas Hadassi, l’un des chefs de l’école caraïte, supposaient que les tables de la Loi, lorsque Moïse les reçut au sommet de Sinaï, auraient été munies de

points-voyelles et d’accents. "Voir H. Gràtz, Geschichte der Juden von den âlteslen Zeiten bis auf die Gegenwart, t. v, p. 503. Au xvi « siècle, le savant juif Elias Levita protesta de toutes ses forces contre ces théories ; Louis Gappel fit de même cent ans après.

On ne saurait dire avec certitude si la vocalisation et l’accentuation du texte sacré, c’est-à-dire l’invention des points-voyelles et celle des accents destinés à marquer la ponctuation, furent contemporaines. Celleci est peut-être un peu moins ancienne que celle-là. Le grammairien juif Ben-Ascher, dans son traité Dikduké ha-Teamîm, réédité en 1879 par Bær etStrack, ꝟ. 9, fait en prose riniée l’éloge de la ponctuation biblique et mentionne les « points sans nombre » dont elle se composait, mais sans dire à quelle époque il en fixait l’origine. Il est certain du moins, et communément admis de nos jours, que la ponctuation hébraïque proprement dite est plus récente que saint Jérôme († 420), et que le Talmud, achevé vers l’an 500 après Jésus-Christ. En effet, ni l’un ni l’autre ne la connaissent encore, ainsi qu’on l’a démontré par des arguments irréfutables. Voir la dissertation de H. Hupfeld, dans les Theologische Studien und Kritihen. 1830, p. 549-590, 785-810. Le traité Soferim, iii, 7, où il est parlé pour la première fois de points destinés à marquer la séparation des versets, est postérieur au Talmud.

C’est probablement au vie siècle de notre ère qu’il faut placer les débuts du système de la vocalisation et de.la ponctuation hébraïques. Il se développa lentement, car il ne semble avoir été complet qu’au milieu du viil" siècle. Voir The Jewish Encyclopedia, in-4°, NewYork, t. x, 1905, p. 269. Les plus anciens manuscrits, qui datent du ix 9 et du x° siècle, sont pourvus d’accents ; il en est de même, jusqu’à un certain point, des fragments hébreux de l’Ecclésiastique, récemment découverts en Egypte. Cf. la Revue des Éludes juives, Paris, t. SL, n. 79, année 1900, p. 1-36 ; A. E. Cowley et A. Neubauer, The original Hebrew ofa Portion of Ecclesiasticus, in-f", Oxford, 1897.

D’après une hypothèse ingénieuse, mais peu vraisemblable, de M. Joseph Derenbourg, dans la Revue critique, nouvelle série, t. vii, 1879, p. 453-461, le système de la ponctuation hébraïque se serait élaboré tout entier dans les écoles primaires juives, à l’époque indiquée plus haut, et serait l’œuvre des maîtres d’école, qui auraient inventé ces divers signes pour faciliter aux enfants la lecture du texte hébreu de la Bible. Ce système a une origine plus scientifique. Les hébraïsants s’accordent de plus en plus pour le rattacher à celui des Syriens, inventé dès la fin du ve siècle, avec lequel il présente de grandes analogies, et dont il provient au moins en partie. Voir P, Martin, Histoire de la ponctuation et de la Massora chez les Syriens, in-8°, Paris, 1875, dans le Journal asiatique, 7e série, t. v, p. 81-208 ; A. Wright, À short History of Syriac Literature, in-8°, Londres, 1894, p. 115-116. Les Syriens avaient eux-mêmes emprunté leurs accents aux Grecs. D’après une autre théorie, dont H. Prcetorius s’est fait l’ardent et savant défenseur, dans son livre Die Herkunftder hebràischenvccente, in-8°, Berlin, 1901, la plupart des accents hébreux auraient pour modèles directs la ponctuation et la neumation des Évangéliaires grecs.

En toute hypothèse, le système emprunté, soit grec, soit syrien, ne fut pas adopté tel quel, mais remanié et considérablement développé par les écoles juives de Babylonie et de Palestine, qui prirent en main, de très bonne heure, la vocalisation et la ponctuation du texte biblique. Il existait des divergences assez grandes entre les signes adoptés par les écoles orientales et les écoles occidentales (celles de Palestine). Voir Babyloniens (Petropolitanus Codex) et le fac-similé, fig. 409, t. i, col. 1359. Nos éditions imprimées contiennent l’accentuation palestinienne. — Les massorètes veillèrent sur

les signes des voyelles et des accents, avec le même soin religieux et méticuleux que sur les consonnes, comme on le voit par les notes nombreuses des éditions critiques delà Bible hébraïque publiées par S. Bær etFrz. Delitzsch, in-8°, Leipzig, 1869-1896, et par R. Kittel, in-8°, Leipzig, 1905-1906.

IV. Importance du verset dans la ponctuation hébraïque. — Cette ponctuation a pour but principal, en effet, de déterminer les rapports réciproques des mots et des propositions, non pas précisément dans une même phrase, comme c’est le cas pour nos langues européennes, mais dans un même verset. D’où il suit que le verset joue un rôle essentiel dans cette sorte d’accentuation, car c’est par rapport à lui qu’elle est invariablement déterminée. Les punctatores ont donc commencé par séparer les versets tant bien que mal, d’après le sens, s’efforçant d’en faire un tout à peu près complet. Ils l’ont ensuite divisé en deux parties, qui ne sont pas nécessairement égales. Chacune de ces parties a été à son tour subdivisée en deux sections plus petites, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on eût atteint des groupes minuscules et inséparables de mots. Ainsi donc, sous le rapport de la ponctuation, chaque verset biblique — et notons de nouveau qu’il ne forme pas toujours ni obligatoirement une phrase complète — est considéré, d’après le langage imagé des anciens grammairiens, comme un territoire, ditio, qui est dominé par le double point final (voir plus bas), et que d’autres accents, de valeur décroissante, coupent de façon à former d’autres petits domaines secondaires, selon qu’il est plus ou moins long.

Nous aussi, nous avons des signes disjonctifs, qui partagent la phrase en ses différents membres ; mais, tandis qu’il nous suffit d’en posséder quatre, le point, les deux points, le point et virgule, la simple virgule

— nous laissons de côté le point d’interrogation, le point d’exclamation et la parenthèse, qui manquent totalement en hébreu — on en rencontre près de trente dans l’ensemble de la Bible hébraïque, sans parler du système de ponctuation qui est propre à quelques livres poétiques. Voir col. 535. Et non contents de séparer ainsi par le menu les propositions et les mots, au moyen de signes divers, les ponctualeurs en ont inventé une seconde classe, qui, à une exception près, le trait d’union, fait complètement défaut dans les langues indogermaniques : il s’agit des accents conjonctifs, assez nombreux aussi, qui sont destinés à unir entre eux certains mots d’une manière plus étroite. En somme, il n’est pas un seul mot hébreu qui ne soit muni d’un accent quelconque, lequel le sépare du mot précédent ou l’y rattache. — Parmi les accents qui servent à la ponctuation, les uns sont placés sur la première consonne du mot, les autres sur la dernière ; pour ce motif, on donne aux premiers le surnom de prépositifs, et aux seconds celui de postpositifs.

V. Désignation des signes de la ponctuation hébraïque. — On distingue, ainsi qu’il vient d’être dit, deux grandes catégories d’accents, servant à la ponctuation dans la Bible hébraïque : les distinctivi ou disjonctifs, appelés aussi domini, « maîtres », c’est-à-dire principaux, à cause de leur importance considérable ; les conjunclivi ou conjonctifs, qu’on appelait encore servi, « serviteurs », subalternes, à cause de leur moindre utilité. D’après la savante grammaire de Kônig, Lehrgebàude der hebràischen Sprache, 1881, t. i, p. 75-81, que nous avons prise pour guide principal dans l’énumération qui suit, on en compte jusqu’à 27. Leurs noms hébreux ou araméens se rapportent tantôt à leur forme, tantôt aux fonctions qu’ils remplissent soit pour rendre plus aisée l’intelligence de la phrase, soit en vue de la canlillatio des synagogues. Nous n’en avons donné la traduction que lorsqu’elle est moralement certaine, ou de quelque utilité.

Il y a d’abord les accents ordinaires, pu prosaïques, qui sont employés dans la plupart des livres de la Bible, écrits habituellement en simple prose ; puis les accents poétiques, qui forment un système particulier, réservé pourles trois livres de Job, des Psaumes et des Proverbes, écrits en vers. Il paraît singulier, à première vue, que ce système n’ait pas été adopté aussi pour le Cantique des cantiques ; mais les rabbins ont rangé de bonne heure ce petit livre dans une catégorie spéciale. De part et d’autre, nous trouverons la double classe des accents disjonctifs et des accents conjonctifs.

A) Accents ordinaires ou prosaïques. — 1° Dans ce groupe, les signes disjonctifs de la ponctuation sont rangés sous quatre chefs distincts, dont les noms symboliques, relativement récents, marquent la valeur toujours décroissante. On distingue : — o) les imperatores, au nombre de deux seulement : 1° le sôf pâsûk, « fin du verset », : , toujours précédé du sillûq, « cessation », T, qui l’annonce, placé qu’il est sous la syllabe du dernier mot du verset ; 2° V’atnal}, a. respiration, pause », 7, situé habituellement vers le milieu du verset ; — b) les reges, au nombre de cinq : 1° le zâqêf qâtôn ou petit zâqêf, X, dont le nom signifie « élévation » ; 2° le zâqêf gâdôl ou grand zâqêf,-il ; 3° le rebia-, « qui repose », ^. ; 4° le segolfa’, « grappe », i ; 5° le salsélet, « chaîne « , L ; — c) les duces, au nombre de cinq : 1° le paStâ’, « inclinatio » Z ; 2° le yetîb, « sessio »,

— ; 3° le tifhâ’, (s. largeur de la main s, ~ ; 4° le (ebîr’, x’, 5° lezarqâ’, - ; — d) les. comités au nombre de six : 1° le géreS, L ; 2° le gersaïm ou gérés double, À ; le legarmêh, 1 ; 4° le pâzêr, e ; 5° le qarnépàrâh, « cornes de vache », îf ; 6° le feliSâ’gedolâh ou grand felîsd’3., qui n’est employé que seize fois dans la Bible.

Cela fait donc en tout, dans le système prosaïque, dix-huit accents disjonctifs. Les « empereurs » marquent toujours la fin et habituellement le milieu du verset ; les « rois » servent à diviser les deux sections ainsi obtenues, lorsqu’elles ont une certaine étendue. Cf. Gen., i, 22, où la première moitié du verset, qui est fort courte, n’a aucun accent de cette espèce, tandis que la seconde en contient, parce qu’elle est plus longue ; le contraire a lieu au verset 24. Les « ducs » séparent les divers groupes de la phrase ; par exemple, le sujet de ses attributs, le complément et les mots qui en dépendent. Les « comtes » ont encore un rôle plus spécial, puisqu’ils séparent simplement les petits groupes de mots.

2° On compte d’ordinaire neuf accents prosaïques conjonctifs. Ce sont : 1° le merkd’, « prolongement », 1 ; 2° le merkd’kefîilâ’ou double merkd’,-g- ; 3° le mûnah, T, semblable au legarmêh ; 4° le dargâ’, ~ ; 5° le rnâhpâk, — ; 6° le qadmâ’, appelé aussi’azld’, X ; 7 « le feUSâ’qetanndh ou petit telisâ’, X ; 8° le gérah, nommé aussi galgal, 7, qui précède toujours le pâzêr gâdôl et qui, comme cet accent disjonctif, n’est employé que seize fois dans la Bible ; 9° le ma’yelâ’, ~. Seuls, les mots étroitement unis par le sens, comme le nominatif et le génitif qui en dépend, le substantif et l’adjectif qui lui sert d’épitbète, sont reliés l’un à l’autre par un acccent conjonctif.

B) Les accents dits poétiques sont en partie les mêmes que les accents ordinaires, dont on vient de parcourir la liste, et ils en diffèrent en partie. La dissemblance entre les deux systèmes d’accentuation se rattache moins à la ponctuation proprement dite qu’aux modulations différentes de la voix, lorsque les livres de Job, des Psaumes et des Proverbes sont lus comme partie intégrante du culte dans les synagogues. On en compte 20, qui se divisent aussi ep deux classes principales. — 1. Les accents disjonctifs sont : 1° le sillûq avec le sôf pâsûq, : et T, ’2° le’oleh veyôred, « montant et descendant », que l’on nomme aussi mêrkâ’mâhpàk, ’parce que les deux signes dont il se

compose sont ceux qui représentent ces deux accents, j ? ; 3° V’afnâh, —, qui a une valeur moindre que dans le système ordinaire ; 4° le rebîa’gâdôl ou grand rebîâ’, j. ; 5° le rebîa’qdtôn ou petit rebîa, -, semblable au précédent, mais formé d’un point plus petit ; 6° le rebia’mugrâé, c’est-à-dire le rebiâ’précédé du gères,

; .1 ; 7 « le saUélet gedôlâh ou grand salsëlef, — ; 8° le

%, arqâ’ou Hnnôr, - ; 9° le dehi, auquel on donne encore le nom de tifhâ’initial ou prépositif, i ; 10° le pâzêr, H. ; i l >lemahpdklegarmêh, T ; i { 2<>e’azlâ’legarmêh, ! y.

— 2. Les accents conjonctifs sont : 1° le mêrkâ’, T ; 2° le niûnâh, ~ ; 3° le’illûy ou mûnah supérieur, ± ; 4° le tarhd, identique au dehî non prépositif, ~ ; 5° le gérâh ou galgal, 7 ; 6° le mahpâk, — ; 7° le’azlâ’, J. ; 8° le Salsélet qetanndh ou petit salsélet, _L.

C) Le maqqêf et le méteg. — À ces divers signes de la ponctuation hébraïque, il faut joindre le maqqêf et le méteg, qui s’y rattachent de très près. Le maqqêf, « lien », consiste en un gros trait horizontal, —, placé en haut de la ligne, entre deux ou plusieurs mots qu’il associe très étroitement, de sorte qu’ils sont censés ne plus former qu’une seule expression. Par ex. : Dirt, kôl-âdâm, « tout homme » ; ib-iï/N-bs-rN, ’e(-kôl~’âser-lô, « tout ce qui est à lui ». Certaines particules, entreautres iw, signe de l’accusatif, bx, « vers »,

Sy, « sur », en sont presque toujours accompagnées.

Le maqqêf, faisant refluer l’accent tonique vers la fin du mot qu’il sert à créer, modifie par là-même, en les abrégeant, les voyelles des premières syllabes de ce mot nouveau. — Le méteg, « frein », a la forme d’un petit trait vertical, placé en bas de la ligne, T, et à la gauche d’une voyelle. Comme son nom l’indique, il arrête l’attention du lecteur, qu’il avertit de ne pas glisser trop rapidement sur la syllabe ainsi notée. Il marque aussi un accent tonique secondaire. Il a parfois une importance spéciale pour la prononciation de certaines voyelles ; par exemple, pour distinguer a de 0, i long de i bref, etc.

VI. Quelques remarques sur ces divers accents. — 1. Ce double système de ponctuation est, on le voit, assez compliqué, non seulement à cause du grand nombre des signes employés, mais encore parce que plusieurs de ces signes sont identiques, ou presque identiques entre eux, et aussi parce que, insérés à travers les voyelles, ils rendent tout d’abord la lecture plus difficile. Heureusement, il n’est pas nécessaire d’en avoir une connaissance approfondie pour bien comprendre le texte original de l’Ancien Testament. Pour l’hébraïsant ordinaire, il suffit d’être familiarisé avec les accents principaux. Leur multiplicité même montre, à elle seule, que plusieurs d’entre eux ne peuvent avoir qu’une infime valeur ; souvent ils n’équivalent pas même au quart d’une de nos virgules.

2. Lorsqu’on étudie la ponctuation hébraïque dans le détail, on est forcé d’admettre qu’elle est réellement ingénieuse, tout en demeurant subtile et complexe. Le choix des accents, soit disjonctifs, soit conjonctifs, a été déterminé d’avance par les ponctuateurs et les grammairiens ; tel accent conjonctif ne peut s’employer qu’avec tel accent disjonctif, à l’exclusion de tout autre, et réciproquement.

3. Si quelques-uns de ces signes ont la même forme ou ressemblent à une voyelle — c’est le cas pour le rebia, qui est identique au cholem, c’est-à-dire à’o

— leurs inventeurs ont pris soin qu’on ne pût pas aisément les confondre. C’est ainsi que, dans le système ordinaire ou prosaïque, le paltâ, J_, est placé au-dessus de la consonne qui termine le mot, tandis que le qadmâ’, qui lui est identique, est mis sur la première consonne de la syllabe accentuée. De même, le yetîb, ~, est placé à droiteet au-dessus de la première

consonne, tandis que le mahpâk, qui lui est entièrement semblable, est mis à gauche de la syllabe qui porte l’accent tonique, etc.

4. Les principaux signes de ponctuation entraînent souvent des changements dans les voyelles auprès desquelles ils sont placés. Tantôt ils les allongent, tantôt ils les abrègent, suivant les circonstances. Les grammaires un peu complètes donnent les règles de ces changements. — Il arrive çà et là que le même accent est employé plusieurs fois de suite dans un membre de phrase. Cf. Gen., i, 20, dans la première moitié du verset. Il perd alors graduellement de sa force, au fur et à mesure qu’on avance dans la phrase.

VII. Utilité de ce système de ponctuation. — Elle est indéniable, car cet ensemble de signes a d’abord contribué à fixer de bonne heure le sens traditionnel du texte original de l’Ancien Testament, en joignant et en séparant les mots d’une manière logique ; puis, grâce à la vigilance minutieuse des massorètes, qui n’ont pas moins surveillé la ponctuation que les consonnes et les voyelles, elle a servi aussi à maintenir ce texte dans une assez grande pureté. Le travail des ponctuateurs se conforme bien, d’ordinaire, à la signification naturelle de la parole divine. Il représente l’interprétation courante de la Bible hébraïque par les anciens Juifs, à l'époque où il fut accompli.

La ponctuation hébraïque parut, pendant longtemps, si excellente aux commentateurs israélites, qu’Abraham Aben Esra, au xiie siècle, alla jusqu'à édicter cette règle : « Aucune interprétation d’un passage biblique ne devrait être acceptée, si elle n’est pas conforme à l’accentuation. » Néanmoins, dans la pratique, presque aucun exégète juif ne s’est conformé rigoureusement à ce principe, pas même Aben Esra ; et ils ont eu raison, car le système a des imperfections manifestes, et il est évident que ses créateurs n’ont eu ni le désir, ni le droit d’imposer des liens perpétuels à ceux qui devaient interpréter après eux les saintes Écritures. Un autre savant juif très illustre, Kimchi, a donc pu dire en toute justesse, In Ose., xii 17 : « En interprétant l'Écriture, nous ne sommes pas liés par les accents. » Il y a quelques endroits, cependant, où la ponctuation rabbinique est préférable à celle des Septante et de la Vulgate ; par exemple, au passage célèbre Is., xl, 3, où on lit, d’après l’accentuation de l’hébreu : « Une voix crie : Dans le désert préparez le chemin du Seigneur ; » d’après les Septante et notre version latine officielle, comme aussi d’après les passages du Nouveau Testament qui reproduisent ce texte, Matth., iii, 3 ; Marc, I, 3 ; Luc, iii, 4 ; Joa., i. 23 : « Une voix crie dans le désert : Préparez… »

VIII. Bibliographie. — 1° Dans les temps plus éloignés de nous. Le plus ancien traité que nous ayons sur la ponctuation hébraïque est celui du grammairien juif Ben Ascher, qui vivait dans la première moitié du Xe siècle ; il a été réédité sous ce titre : Diqduqé haTeamim des Ben-Ascher von Tiberias, herausgegeben von S. Bær und H. L. Strack, in-8°, Leipzig, 1879. On a aussi, dans le même sens, J. Derenbourg, Manuel du Lecteur, traduction d’un traité arabe sur les accents et la Massora, in-8°, Paris, 1871 ; voir aussi Journal asiatique, juillet-décembre, 1870, VIe série, t. xvi, p. 309-550. — 2° Ouvrages spéciaux, contemporains : A. B. Davidson, Outlines of hebr. Accentuation, in-8°, Londres, 1861 ; A. Geiger, Zur Kakdanim (= Punktatoren) Literatur, dans la Jûdische Zeitschrift fur Wissenschaft und Leben, 1872, t. x, p. 10-35 ; L. Segond, Traité élémentaire des accents hébreux, in 8°, Genève, 2e édit., 1874 ; E. Kônig, Gedanke, Laut und Accent als die drei Faktoren der Sprachbildung, in-8°, Weimar, 1874 ; H. Strack, Beitrag zur Geschichte des hebràischen Bibeltextes, dans les Theolog. Studien und Kritiken, 1875, p. 736-747 ; M. Schwab, Des points-voyelles

dans les langues sémitiques, dans les Actes de la Société philologique, t. vii, in-8°, Paris, 1875 ; Frz. Delitzsch, Elementa accentuationis metricse, dans l’ouvrage Liber Psalmorum, textum massoreticum accuratissitne expressit… S. Bær, in-8°, Leipzig, 1880, p. vin-xii ; S. Wejnkoop, Leges de accent, hebr. linguse ascensione, in-8°, Leyde, 1881 ; H. Gràtz, Étude sur la ponctuation hébraïque, dans la Monatschrift fur Geschichte und Wissenschaft des Judenthums, 1882, p. 389-409 ; W. Wickes, À treatise on hebr. Accentuation, in-8°, Oxford, 1881-1887, ouvrage très solide ; Ilermann, Zur Geschichte des Streites liber die Entstehuny der hebràischen Punktation, in-8°, Ruhrort, 1885 ; A. Bùchler, Untersuchungen zur Entstehung und Enlwickelung der hebr. Accente, in-8°, Vienne, 1891 ; A. Ackermann, Das hernienéutische Elément in der biblischen Accentuation, in-8°, Berlin, 1893 ; Nathan, Die Tonzeichen in der Bibel, in^8°, Hambourg, 1893 ; S. Bachrach, Das Alter der hebr. Vocalisation und Accentuation, in-8°, Varsovie, 1895 ; H. Grimme, Grundzùge der hebràischen Akzente und Vokallehre, in-8°, Fribourg (Suisse), 1896 ; J. M. Japhet, Die Accente der heiligen Schriften, in-8°, Francfort-sur-le-Mein, 1896 ; F. Prætorius, Ueber dem zuruckweichenden Accent im Hebràischen, in-8°, Halle, 1897 ; Id., Die Herkunft der hebr. Accente, in-8°, Berlin, 1901 ; P. Kahle, Zur Geschichte der hebràischen Accente, dans la Zeitschrift der morgenlàndischen Gesellschaft, 1901, t. lv, p. 167194 ; The Jewish Encyclopedia, New-York, 1900-1905, t. i, au mot « Accents », p. 149-158, et t. x, au mot « Punctuation », p. 268-273. Voir aussi E.Kônig, Historisc/ikritischer Lehrgebàude der hebràischen Sprache, t. i, Leipzig, 1881, p. 52-90 ; t. ii, l re partie, Leipzig, 1895, p. 349-362. L. Fillion.

i. PONT (grec : llo-no ; ), nom qui a désigné, à différentes époques de l’histoire, un territoire du nord-est de l’Asie Mineure, dont les limites ont beaucoup varié. Directement il représente la mer,-jiôvtq ; , et en particulier la mer Noire, le Pont Euxin des anciens, Ilovto{ etfÇeivoç, « mer hospitalière. » Puis on l’employa comme une dénomination appliquée aux côtes sud-est de cette mer. Xénophon, Anabasis, V, vi, 15, est le plus ancien auteur qui en ait usé en ce sens. Ailleurs, nous apprenons que c’est une abréviation pour Ka-jiTiaêoxi’a t| itepi tô Eû'leivov, « la Cappadoce qui est près de l’Euxin, » Polybe, v, 43, ou K. tj-jipôç tw ittfv’rw, « la Cappadoce qui est près de la mer. » Strabon, XII, i, 4.

I. Situation géographique. — À l’origine, le pays qui portait ce nom n'était donc qu’une bande de territoire qui s'étendait le long de la côte de l’Euxin, entre la Colcbide, à l’est, et le fleuve Halys, à l’ouest. Il faisait partie du vaste domaine de la Cappadoce, qui allait de la Cilicie au Pont Euxin. Sous la domination persane, il fut divisé en deux satrapies ou gouvernements, dont le plus septentrional, borné au nord par la mer et au sud par le mont Paryadrès, fut appelé, comme nous venons de le voir, Cappadoce sur le Pont, puis simplement le Pont. Du côté de l’ouest, son territoire s’avançait davantage dans les terres. Les contrées limitrophes étaient : au sud-ouest, la Galatie ; au sud la Cappadoce proprement dite et la Petite Arménie ; à l’est, la Colchide et l’Arménie ; à l’ouest, la Paphlagonie. Voir fig. 121. Néanmoins, comme, nous l’apprendra le résumé de l’histoire du Pont, ces limites ne furent pas les mêmes à toutes les époques.

Sous le rapport de la géographie physique, la région qui forma toujours le noyau principal du Pont est accidentée à l’extrême, comme le sont peu de contrées de notre globe. C’est essentiellement un pays de montagnes. Les monts principaux sont, à l’est, le Paryadrès et le Scydisès, qui se dressent comme des remparts gigantesques : le premier, tout le long du littoral, en

face du Caucase, tandis que l’autre s’avance à l’intérieur, comme un prolongement de l’Antitaurus. Quelques-uns de leurs sommets atteignent plus de 3000 mètres. Les montagnes du sud donnent naissance à de nombreuses rivières, qui sillonnent tout le pays ; on en a compté jusqu'à vingt-huit. Les principales sont le Halys, aujourd’hui Kisil-lrmack, l’Iris et le Lycos. Les vallées étaient très fertiles, surtout celle qui borde le Pont Euxin ; elles produisaient, spécialement dans la partie occidentale, toutes sortes de céréales et d’arbres fruitiers, Cf. Strabon, XII, 1, 15 ; Pline, H. N., xiv, 19 ; Théophraste, Hist. planlar., iv, 5 ; viii, 4 ; ix, 16. Les abeilles y abondaient ; aussi faisait-on un commerce considérable de miel et de cire. Voir Xénophon, Anab., IV, viii, 16, 20 ; Pline, H. N., xxi, 45. Les eaux des rivières étaient très poissonneuses, et l’on trouvait des minerais variés dans les montagnes. On rencontrait partout, suivant les zones et les altitudes, des pâturages, des champs cultivés, des vignobles, des vergers, des forêts. La situation commerciale était excellente aussi,

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121. — Carte du Pont.

grâce aux ports de l’Euxin et aux vallées fluviales. Le climat est généralement tempéré, doux et agréable, comme celui de la région méditerranéenne. Cf. Strabon, II, l, 15 ; XII, ii, 10.

Les habitants appartenaient par leur origine, les uns à la Colchide, les autres à la Grèce, d’autres à de nombreuses tribus dont la parenté ethnologique est très obscure} parmi elles, on mentionne les Tibareni, les Macrones, les Mocynœci, les Chalybes, etc. Quelques-unesappartenaient à la race sémitique, notamment les Leucosyri, ou Syriens blancs, qui semblent être descendus des Assyriens. À eux tous, ils formaient une vraie mosaïque de nations, et parlaient, au dire des anciens auteurs, 22 ou 25 langues distinctes. Voir ValèreMaxime, VIII, vii, 16 ; Quintilien, I, ii, 50 ; Pline, H. N., xxv, 2 ; Aulu-lielle, xvil, 17. Le long de la côte, des colonies grecques, venues en partie de Sinope, en partie de Milet, s'étaient établies depuis le xviie siècle avant J.-C. et étaient parvenues à une grande prospérité. Les peuplades de l’intérieur, surtout à l’est, étaient très sauvages, à demi barbares. Voir Strabon, loc. cit. ; R. Hansen, De gentibus in Ponto orientali habitantibus, Kiel, 1876.

Plus de cent villes, dont plusieurs riches et peuplées, étaient un signede la prospérité du pays ; quelques-unes d’entre elles sont encore pleines de vie. Les plus célèbres, étaient 1° sur le rivage de l’Euxin : Sinope, actuellement Sinoub, Amisus ou Sanisoûn, Trapezus ou Trébizonde, Pharnacéia, Side ; 2° dans l’intérieur : Amaséia, qui devint, l’an 7 avant J.-C, l’a capitale delà province romaine du Pont ; Çomana Pontica, Lycopolis, Sébastia ou SiudsyCabira, appelée plus tard Néocésarée.

II. Histoire du Pont. — Elle est assez difficile à résumer, tant elle a eu de vicissitudes. Tel est d’ailleurs

le cas pour la plupart des provinces d’Asie Mineure. Après l'époque de Cyrus, le Pont demeura sous la domination au moins nominale de la Perse, et fut gouverné par des satrapes. Cf. Hérodote, iii, 94 ; vii, 77, etc. Ses annales proprement dites ne s’ouvrent qu’avec la famille des Mithridate, qui lui procura tant de gloire et aussi tant de revers. Un premier Mithridate, qu’on dit avoir appartenu à la noblesse perse, fut le fondateur de cette dynastie. Ariobazane, son fils, 363337 avant J.-C, subjugua quelques tribus du Pont, qui avaient été jusqu’alors plus ou moins indépendantes, et jeta ainsi les bases d’un territoire à part. Voir Diodore de Sicile, xv, 90. Son fils et successeur, Mithridate II, poursuivit son œuvre. Mais c’est surtout Mithridate III, 301-266, qui fonda vraiment le royaume du Pont, en profitant, pour s'établir solidement, des guerres intestines que se livraient alors les Diadoques ou successeurs d’Alexandre le Grand. On le désigna plus tard par le surnom de ktistès, « fondateur n. Il prit le titre de roi en 296. Son domaine, qui s'étendait d’abord sur les districts paphlagonien et cappadocien situés près du cours inférieur du fleuve Halys, ne tarda pas à embrasser aussi les régions pontiques proprement dites. Durant deux siècles ce royaume continua de grandir, presque en silence, éclipsé par les deux dynasties des Séleucides et des Ptolémées, et même aussi par les deux petits royaumes de Bithynie et de Pergame, nés en même temps que lui.

C’est sous son dernier roi, Mithridate VI Eupator, dit le Grand (120-63), qu’il s'éleva tout à coup à une grandeur prodigieuse. Ce prince fut presque perpétuellement en guerre, en premier lieu avec ses voisins du nordest de l’Asie, auxquels il enleva tour à tour la Chersonèse taurique, la Colchide, la Petite Arménie et une grande partie de l’Asie Mineure, puis avec les Romains, dont il avait d’abord recherché l’amitié. Sa lutte avec Rome se prolongea, à part quelques intervalles de trêve, durant de longues années, 92-65 avant J.-C. La grande république n’eut guère d’adversaires plus terribles. Cicéron disait de lui, Pro Mànl., xv, 32, que c'était « le plus grand des rois auxquels le peuple romain eût jamais fait la guerre. » Sylla lui-même, envoyé contre lui, n’arriva pas à remporter des avantages décisifs. Finalement, Mithridate fut défait par Pompée en 65, et son territoire fut divisé en plusieurs morceaux. La région septentrionale, voisine de la mer Noire, et la région occidentale furent incorporées à la province de Bithynie, établie depuis l’an 74, et la nouvelle province ainsi formée reçut le nom de Bithynia et Pontus. Les districts méridionaux furent partagés entre un certain nombre de petits dynastes du pays. Cf. Dion Cassius, xlii, 45 ; Strabon, XII, i, 4. C’est ainsi que Polémon reçut d’Antoine, l’an 36 avant J.-C, le territoire situé prés du Lycos, qui fut nommé Pontus polemoniacus. De son côté, Déjotare, roi de Galatie, recevait la partie située entre les rivières Iris et Halys, qui forma le Ponlus galaticus. Enfin, la partie orientale échut au roi de Cappadoce, et devint le Pontus cappadocicus. On trouve ces trois contrées ainsi désignées, non seulement par les historiens, mais aussi sur d’anciennes inscriptions. À Polémon I er succéda Polémon II, qui, en 63 après J.-C, se désista en faveur de Néron. Suétone, Nero, 8. Il avait épousé en secondes noces Bérénice, fille d’Hérode Agrippa I er et sœur d’Hérode Agrippa II. Josèphe, Ant., XX, vii, 3. Voir Bérénice 2, t. i, col. 1012.

III. Le Pont et le Nouveau Testament. — Le Pont est mentionné à trois reprises dans les écrits du Nouveau Testament : deux fois au livre des Actes, ii, 9, et xvin, 2, et une fois au début de la I re Épître de saint Pierre, I Pet., i, 1. Dans le premier de ces passages, Act., ii, 9, le Pont est cité avec plusieurs autres provinces d’Asie Mineure, la Cappadoce, l’Asie proconsulaire, la Phrygie et la Pamphilie, dans la longue liste

des contrées d’où un certain nombre de Juifs étaient venus à Jérusalem, pour célébrer la première Pentecôte qui suivit la mort de Notre-Seigneur et qui fut témoin de la descente du Saint-Esprit sur l’Église naissante. Dans le second texte, Act., xviii, 2, nous apprenons qu’Aquila, le célèbre ami et collaborateur de saint Paul, était originaire de cette contrée. Enfin, la première Épitre de saint Pierre est adressée simultanément aux chrétiens « du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie ». D’après le sentiment général des critiques, le livre des Actes et la i a Pétri furent composés vers l’an 63 de notre ère ; mais le premier des trois textes signalés se rapporte à peu près à l’an 30, et le second, relatif au décret par lequel Claude exila les Juifs de Rome vers 50, nous ramènent quelques années plus haut. Or, le résumé historique qui précède a montré qu’au I er siècle de notre ère le mot Pont pouvait recevoir deux significations distinctes, selon qu’on l’appliquait au royaume de Polémon II, ou à la province

d’après le Nouveau Testament, il y fut introduit beaucoup plus tôt.

Voir Marquardt, i ?omisc/ie Staatsvenvallung, 2 in-8°, Leipzig, 1873, p. 192-216 ; E. Meyer, Geschichle des Kônigreichs Pontus, in- 8°, Leipzig, 1879 ; E. Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. ix, L’Asie antérieure, in-4°, Paris, 1884, p. 555-562 ; Rollin etFeuardent, Trois royaumes de l’Asie Mineure : Cappadoce, Bithynie, Pont, in-8°, Paris, 1888 ; Th. Reinach, Mithridate Eupator, roi du Pont, in-8°, Paris, 1890 ; W. Ramsay, Historical geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 1890 ; Id., The Church in the Roman Empire, in-8°, Londres, 1893. L. Fili.ion.

. 2. PONT (grec : ysçupoûv ; Vulgate : pons), construction jetée au-dessus d’un cours d’eau, pour permettre de le traverser (fig. 122). Il n’en est question que dans un seul passage, II Mach., xii, 13, et encore ne s’y agit-il pas de pont propremenV àW.NoVc Ç*se « ! &, X. w, w.’?5>.

122. — Construction d’un pont par les Assyriens pour passer une rivière. D’après Gates of Balawat, pi. 74.

romaine Bithynia et Pontus. Mais la plupart des commentateurs supposent à bon droit que, dans nos trois passages, le nom du Pont semble avoir été. employé d’une manière toute générale, sans allusion aux diverses péripéties de l’histoire du pays et aux vicissitudes de son territoire.

Nous manquons de détails sur l’évangélisation du Pont. Elle eut lieu sans doute sous l’influence de saint Paul et de ses disciples. Le pays n’était pas directement sur la route des premiers prédicateurs. Le fait que saint Pierre compte le Pont parmi les destinataires de sa I « Épître suppose qu’il y avait alors dans cette contrée des Églises ferventes, entièrement constituées. Voir surtout I Pet., v, 1-7. D’après quelques auteurs, le prince des Apôtres les aurait connues personnellement ; mais, selon l’opinion générale, il paraît peu probable qu’il soit allé jusque-là. Voir Pierre (Saint), t. iv, col. 370. Dans sa lettre si célèbre à Trajan, qui date de l’année 112, Pline le jeune atteste, Epist., 96, qu’il y avait alors un nombre considérable de chrétiens dans la province Bythinia et Pontus, dont il était le gouverneur : à tel point, dit-il, que les temples païens étaient déserts et les sacrifices interrompus en divers lieux. Quelques apostats prétendaient même avoir abandonné la religion chrétienne 25 ans auparavant. Ce dernier traitfsuppose que le christianisme avait pénétré dans la région au moins vers l’an 87 ; mais nous avons vu que,

    1. PONTIFE##

PONTIFE, grand-prêtre des Juifs. La Vulgate appelle souvent le grand-prêtre pontifex dans les livres historiques de l’Ancien Testament et dans l’Évangile de saint Jean. Voir Grand-Prêtre, t. iii, col. 295. Dans l’Épitre aux Hébreux, v, 5, etc., Jésus-Christ est appelé le pontife, âpxiepev ?, de la loi nouvelle.

    1. POOLE ou POLE##

POOLE ou POLE (en lalin Polus) Matthew, né à York en 1624, mort à Amsterdam le 12 octobre 1679. Il se rattachait par son père aux Pôles ou Pools de Spinkhill en Derbyshire. Après avoir pris ses degrés universitaires à Cambridge, il exerça le ministère pastoral dans la paroisse presbytérienne de S. Michæl-le-Querne, mais il démissionna en 1662 aussitôt après le vote de VUniforniity Act. Ce fut alors que, plus libre de son temps, et à l’instigation de William Lloyd qui devait être plus tard évêque anglican de Worcester, il écrivit la Synopsis Criticorum. aliorumque Sacrx Scriptural lnterpretum, le travail le plus important d’une active carrière. Il puisa largement aux sources rabbiniques et catholiques, affirment ses biographies ; il emprunta peu de chose à Calvin et rien à Luther. Le premier volume parut, in-f°, en 1669, le 2e en 1671, le 3e en 1673, le 4 « en 1674, le 5* en 1676. — À l’époque de ce que les protestants appellent le Popish Plot, comme son nom fut mêlé incidemment aux déclarations ultra-fantaisistes de Titus Oates, Poole crut devoir

se réfugier â Amsterdam on il mourut. — Une 2e édition de la’Synopsis, 5 in-f°, fut publiée à Francfort en 1679 ; une 3e édition à Utrecht en 1684 ; une 4° à Francfort en 1694 (toujours en 5 in-f°), augmentée d’une vie de l’auteur, une 5e à Francfort en 1709, 6 in-f°, grossie d’un commentaire sur les Apocryphes (deutérocanoniques). L’ouvrage fut mis à l’Index le 21 avril 1693. — Poole mourut avant d’avoir pu terminer ses Annotations on the Holy Bible qu’il n’eut le temps de pousser que jusqu’au chapitre lviii d’Isaïe. Le travail fut achevé par d’autres presbytériens et publié en 2 in-f°, 1683. Il a été souvent réimprimé. La dernière édition, 3 in-8°, a paru en 1840. — Voir S. Lee, Dictionary of national Biography, t. xlvi, 1896, p. 99. J. Montagne.

PORC (bébreu : hâzïr, le humsiru assyrien ; Septante : x°4>° ! > 3î ; Vulgate : porcus, sus), mammifère de l’ordre des bisulques, à pied fourchu et à doigts pairs ; c’est le type des porcins (%. 123). — Le porc est surtout remarquable par sa voracité, qu’on exploite pour l’engraisser. Il se nourrit de glands et de fruits sauvages. Guidé par son odorat très tin, il fouille la terre de son

._Si^

123. — Le porc.

boutoir pour y chercher les larves d’insectes, les racines et les tubercules. Tous lesdétritus lui sont bons, et, pour les trouver, il se vautre dans toutes les fanges. Il lui arrive de dévorer ses petits et même parfois de jeunes enfants. Il vit jusqu’à 20 ans, et, chaque année, la truie a deux portées de 12 à 15 petits chacune. La chair du porc fournit un aliment substantiel, mais de digestion un peu difficile. Dans les pays chauds, elle devient aisément malsaine.

1° L’usage de la viande de porc était interdit aux Israélites. Lev., xi, 7 ; Deut. r xiv, 8. Cf. Tacite, Hist., v, 4 ; Juvénal, Sat., xiv, 98 ; Macrobe, ii, 4. Cette prohibition ne leur était pas spéciale. En Egypte, le simple contact du pourceau rendait impur. Cependant, à la pleine iune, il était permis d’immoler des porcs à Osiris et à la Lune, et ensuite d’en manger, mais seulement ce jour-là. Hérodote, ii, 47. Les Égyptiens ne laissaient pas d’élever des porcs en grand nombre’(fig. 124) ; quand les eaux du Nil se retiraient, ils lâchaient les porcs dans les champs avant de les ensemencer ; le piétinement de ces animaux suffisait à tenir lieu de labour. Hérodote, ii, 14. Cf. Élien, Hist. animal, x, 16 ; Plutarque, De hid., 8 ; Josèphe, Cont. Apion., ii, 13. L’abstention du porc était encore en vigueur chez les Indiens, Élien, Hist. animal., xvi, 37 ; cꝟ. 1. 1, col. 615 ; chez les Arabes. Pline, H. N., viii, 78, dont la coutume a été consacrée par le Coran, ii, 168 ; v, 4 ; vi, 146 ; xvi, 116 ; chez les Éthiopiens, Porphyre, De abstin., i, 14 ; chez les Phéniciens, Hérodien, v, 6, 21 ; voir cependant Lampride, Vil. Hêliogabal., 31, qui est d’un avis contraire. Les Cretois s’en abstenaient également, mais parce qu’ils considéraient le porc comme sacré. Athénée, ix, 375. Les troglodytes ou les Chananéens qui précédèrent les Hébreux en Palestine mangeaient le

porc ou l’offraient en sacrifice. On a retrouvé dans les cavernes de l’époque néolithique, à Gazer, les ossements de ces animaux. Cf. Revue biblique, 1904, p. 428. Les ossements de porcs qui abondent dans le haut-lieu néolithique de Gazer, donnent même à penser que le porc était une victime préférée dans l’ancien culte chananéen, ce qui expliquerait encore la prohibition absolue de l’usage du porc par la loi mosaïque. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 188, 202. Tacite, Hist., v, 4, se fait l’écho d’une fable, quand il prétend que les Israélites s’abstenaient du porc à cause d’une lèpre dont ils auraient été atteints et à laquelle le porc est sujet. Porphyre, De abstin., i, 14, prend l’effet pour la cause, quand il dit que les Phéniciens et les Juifs ne mangeaient pas de porc parce qu’il ne s’en trouvait pas dans leurs pays. Les raisons qui avaient déterminé le législateur des Hébreux étaient à la fois d’ordre moral et d’ordre hygiénique. Voir t. i, col. 617, 620. Cf. S. Jérôme, Adv. Jovin., ii, 6, t. xxiii, col. 291. L’abstention de la chair de porc demeura l’une des caractéristiques du peuple juif. Cf. Philon, De concupiscent., 4-9, édit. Mangey, t. ii, p. 352-355 ; Juvénal, Sat., vi, 160 ; xiv,

124. — Porcher et troupeau de porcs en Egypte. D’après Wilkinson, Manners, t. ii, p. 100.

98 ; Cassel, De Judœorum odio et abstinenlia a porcina ejusque causis, Magdebourg, 1740.

2° Les prescriptions de la loi ne furent pas toujours suivies par les Israélites. Isaïe, lxv, 4, parle de ceux qui, de son temps, mangeaient de la chair de porc et des mets impurs, dans des cachettes où ils se retiraient la nuit. Il décrit ce que se passait dans les jardins idolâtriques, où, à l’exemple de celui qui présidait l’assemblée, chacun mangeait de la chair de porc et d’autres choses abominables. Is., lxvi, 17. — À l’époque machabéenne, les persécuteurs des Juifs entreprirent de leur imposer la transgression de la loi mosaïque au sujet du porc. Pour profaner le sanctuaire, le roi Antiochus Epiphane ordonna, sous peine de mort, d’y offrir en sacrifice des pourceaux et d’autres animaux impurs. Beaucoup de Juifs se soumirent à cet ordre. I Mach., i, 50, 55. Il voulut anssi obliger les Juifs fidèles à manger la viande de porc, et il la taisait introduire de force dans la bouche de ceux qui résistaient. Il Mach., vi, 18. Le docteur Éléazar donna à cette occasion un admirable exemple de droiture de conscience et de fermeté. II Mach., vx, 18-31 ; voir Eléazar, t. ii, col. 1652. Sept frères et leur mère subirent ensuite courageusement Je martyre, plutôt que de manger de la chair de porc. II Mach., vii, 1-41. Sous Caligula, le préfet d’Egypte, Flaccus, obligeait les femmes juives à manger de la chair de porc en plein théâtre. Philon, In Flacc, 11, t. ii, p. 529-531. Par la suite, les Juifs ne furent pas toujours aussi intransigeants dans leur répulsion pour la chair de porc. Cf. Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 265, 266.

3° L’horreur dont le porc était l’objet parmi les Israélites se manifeste en plusieurs passages de la Sainte

Écriture. Pour marquer le mépris de Dieu à l’égard du culte purement extérieur, Isaïe, lxvi, .3, dit : « Celui qui présente une oblalion offre du sang de porc, » c’est-à-dire celui qui présente à Dieu une oblation sans l’accompagner de sentiments intérieurs lui est aussi odieux que s’il offrait du sang de porc. La femme qui a le don de la beauté, mais est dépourvue de sens, est comparée à un anneau d’or au nez d’un pourceau. Prov., xi, 22. Anneau et beauté sont également mal placés. Notre-Seigneur dit : « Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds. » Matth., vii, 6. Les pourceaux désignent ici les hommes grossiers, uniquement préoccupés de plaisirs immondes et de pensées terrestres. Ils n’apprécieraient pas, ils mépriseraient, ils profaneraient la doctrine évangélique et les biens spirituels, représentés par les perles. Inutile donc de les leur offrir. Pour indiquer le degré d’abaissement où est tombé le tils prodigue, Notre-Séigneur dit qu’on l’envoya garder les pourceaux. Luc, xv, 15. Les docteurs interdisaient aux Juifs d’être gardiens de pourceaux. Baba kama, vii, 7 ; Jerus. Scheka 125. — Tuile de la Legio X’avec l’emblème du sanglier.

lirn, ꝟ. 47, 3. Mais le fils prodigue n’est plus dans son pays ; il est tombé si bas qu’il est devenu étranger à sa famille et à sa nation. Enfin, saint Pierre, parlant des faux docteurs qui, après avoir connu la vérité, enseignent le mensonge, leur applique le proverbe : « La truie vautrée s’est lavée dans le bourbier. » II Pet., Il, 22. Horace, Ep., i, ii, 26, dit de même, en unissant ensemble, comme l’Apôtre, le chien et la truie :

Vixisset canis immundus, vel arnica luto sus.

Sur le hâzir de Ps. lxxx (lxxxix), 14, voir Sanglier.

4° Lorsque le Sauveur vint aux pays des Géraséniens (voir t. iii, col. 204), et qu’il eut guéri un possédé dont le démon disait s’appeler « légion » (voir t. iii, col. 159), pour indiquer que les esprits mauvais se trouvaient là en grand nombre, ces esprits demandèrent à être envoyés dans un troupeau de deux mille pourceaux qu’on faisait paître dans le voisinage. Le Sauveur le leur permit. Aussitôt les pourceaux, sous l’influence des démons, se précipitèrent du haut de la colline à pic dans le lac de Tibériade et y périrent tous. Matth., viii, 30-34 ; Marc, v, 9-20 ; Luc, viii, 30-39. Les évangélistes ne disent pas à qui appartenait ce nombreux troupeau. Que, contrairement à l’esprit de la Loi, il ait appartenu à un Juif, qu’il ait été gardé par des porchers juifs, ou bien qu’il ait eu pour propriétaire et pour gardien des étran

gers, Notre-Seigneur, qui commandait aux démons, n’en était pas moins le maître d’agir comme il le fit. Le troupeau, il est vrai, n’était pas en terre juive. Son voisinage n’en constituait pas moins une tentation ou une sorte de défi à l’égard des Israélites de l’autre rive du lac. Du reste, la perte était compensée par la sécurité rendue à la localité ; car auparavant la fureur des possédés rendait le chemin impraticable. Matth., viii, 28. — On a retrouvé à Jérusalem des tuiles portant l’estampille de la Legio X » Fretensis, qui, sous l’empereur Hadrien, campa à Gadara, non loin du pays des Géraséniens. Plusieurs de ces tuiles portent comme emblème un porc ou plutôt un sanglier (fig. 125). Cette représentation ne constitue pas, comme on l’a cru un moment, cf. Revue archéologique, 1869, t. xx, p. 259, une insulte à la nation juive ; car l’emblème du sanglier appartenait à plusieurs légions. Encore moins faut-il songer à chercher une relation quelconque entre la a légion » des démons se précipitant dans les porcs, et la Legio Fretensis ayant le porc ou le sanglier pour emblème. À l’époque évangélique, la X a légion campait en Espagne ; elle ne vint en Judée que pour la campagne de Vespasien. Tacite, Hist., v, 1. Cf. Revue

biblique, 1900, p. 101-105.
H. Lesêtre.
    1. PORC-ÉPIC##

PORC-ÉPIC, mammifère de l’ordre des rongeurs, qui, en dépit de son nom, n’a rien de commun avec le

126. — Le porc-épic.

porc, et se rapproche plutôt des lapins par sa taille et ses habitudes (fig. 126). Il est très inoffensif, malgré les piquants raides et aigus dont son corps est couvert. Ces piquants sont creux comme les tuyaux d’une plume, clairsemés et assez peu adhérents à la peau pour tomber souvent quand l’animal fait des mouvements brusques. Le porc-épic vit dans des terriers profonds. Il en sort la nuit pour chercher les graines, les racines, et même parfois les œufs et les petits oiseaux dont il se nourrit.

— Le porc-épic n’est pas nommé dans la Sainte Écriture, bien que certains auteurs le croient désigné par le mot qippôd, comme le hérisson, avec lequel ses piquants lui donnent quelque ressemblance. Voir Hérisson, t. iii, col. 609. Pourtant l’espèce hystrix cristata est fort commune en Palestine, dans les régions rocheuses et dans les gorges des montagnes. Elle abonde dans le voisinage de la mer Morte, dans la vallée du Jourdain et dans tous les endroits où les fentes des rochers peuvent lui ménager un abri. Le porc-épic n’a pas besoin d’eau ; il peut vivre par conséquent là où presque aucun autre mammifère serait incapable de résider. Il reste à dormir pendant l’hiver, et, le reste du temps, ne sort que la nuit. Aussi ne le rencontre-t-on pas vivant, excepté quand les Arabes réussissent à s’emparer de lui dans sa retraite. Celle-ci se reconnaît aux empreintes de pattes et au grand

V. - 18

nombre de piquants qui jonchent le sol ; mais elle est bien trop enfoncée dans les fissures du rocher et bien trop étroite pour être accessible. Les Arabes n’ont pas trouvé le moyen de faire sortir le porc-épic de sa forteresse. Sa chair est très estimée pour sa délicatesse, et ses piquants sont un objet de commerce à Jérusalem. Pour s’en emparer, on chasse l’animal pendant la nuit, au moment où il regagne son gîte avant le lever du soleil et on le met dans l’impuissance de s'échapper en le frappant à coups de bâton. D’autres fois, on dispose à l’entrée de son refuge des nasses de fil de fer. Pour se défendre, le porc-épic se roule en boule et darde ses piquants contre les assaillants qui ne peuvent l’atteindre sans se blesser cruellement. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 125.

Y r pcÈ'T’Rir

PORFlRIANUSouPORPHYRIANUS(CODEX).

Ce manuscrit, ainsi appelé du nom de son ancien possesseur, fut d’abord étudié et publié par Tischendorf dans ses Monumenta sacra inedita, t. v et VI, Leipzig, 1865 et 1869. Il se trouve maintenant à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg sous le numéro 225. C’est un palimpseste en écriture onciale du ix" siècle ; il contient des fragments notables des Actes, desÉpîtres de saint Paul et de l’Apocalypse, mais une assez grande partie est à peu près illisible. L'écriture supérieure, datant de l’année 1301, comprend les Actes des Apôtres (315 act) et les Épîtres pauliniennes (474 paul) ; von Soden lui attribue le symbole a 463. — À cause de son état fragmentaire et de sa lecture difficile, le Porfirianus n’a été que peu utilisé par les critiques ; son texte est d’ailleurs, au jugement de Hort, d’un type relativement récent. Le Porfirianus est désigné en critique par la lettre P, par le sigle a 3 dans la notation nouvelle de von Soden. — Voir Scrivener, Introduction, ¥ édil., Londres, 1894, t. i, p. 172-173 ; Gregory, Textkritik des neuen Testaments, Leipzig, t. i, 1900, p. 102-103 ; von Soden, Die Schriften des neuen Testaments, Berlin, t. i, 1902, p. 216. F. Phat.

    1. PORPHYRION##

PORPHYRION, oiseau de l’ordre des échassiers macrodactyles, appelé aussi poule sultane. Peu différent

127. — Le porphyrion.

delà poule d’eau, le' porphyrion est originaire d’Afrique et se fait remarquer par la belle couleur bleue de son

plumage, sur lequel se détachent un bec rouge et des pattes rougeâtres (ftg. 127). — Les Septante ont traduit une fois par îtopçupiMv le mot tinSémét, qui désigne tantôt le caméléon, voir t. ii, col. 90, tantôt un oiseau impur, le phorphyrion, d’après les Septante, le cygne, d’après la Vulgate, Lev., xi, 18, l’ibis, d’après les deux versions. Deut., xiv, 16. Voir Ibis, t. iii, col. 801. Il est impossible de déterminer quelle est l’espèce visée par le législateur. Le porphyrion est commun sur le Nil et près des marais de la Palestine. Il se nourrit de toutes sortes de proies et, à ce titre, méritait de prendre place parmi les oiseaux impurs. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 250.

H. Lesêtre.

PORREAU. Voir Poireau, col. 489.

    1. PORTE##

PORTE (hébreu : dâldh, délét, môsd, pé(ah, tôUd'ôt, sa’ar ; chaldeen : tera' ; Septante : 6-jpa, itilr, itvXiov,

128. — Porle antique. Ptolémaïue. Musée judaïque du Louvre.

èEiôo ;  ; Vulgate : janua, porta, valva, ostium, fores), ouverture ménagée pour pénétrer dans une enceinte. Cette ouverture se compose d’une partie fixe, comprenant le seuil, les montants et le linteau, et d’uneparlie mobile pivotant sur des gonds. Voir Gonds, t. 711, col. 275. La partie mobile peut être d’une seule pièce, s’articulant sur l’un des montants de la porte (%. 128), ou de deux pièces dont chacune s’articule sur un montant et dont la réunion clôt l’ouverture. Dans ce second cas, la porte est désignée par un mot au duel, delâtayim, ou au pluriel, deldfôf, fores, à cause de ses deux battants (fig. 131). Le nom de porte convient d’ailleurs soit à la partie fixe de l’ouverture, soit à la partie mobile, soit à l’ensemble.

I. Dans le sens propre. — 1° Différentes espèces de portes. — Les écrivains sacrés font mention des portes : 1. du Tabernacle, Exod., xxxv, 17 ; XL, 12, etc. ; — 2. du Temple, III Reg., vi, 31 ; IV Reg., ïii, 9 ; II Par., xxviii, 24 ; Ezech., viii, 5 ; x, 19 ; xli, 24 ; xliii,

11 ; Mal., i, 10 ; Ps. xxiv (xxm), 7 ; cxviii (cxvii), 19, 20 ; II Mach., viii, 33 ; Act., xxi, 30 ; etc. ; voir Temple, — 3. des chambres du Temple, Ezech., xl. 38 ; xlii, 11 ; I Mach., iv, 57 ; — 4. des temples païens, Bar., vi, 17 ; Dan., xiv, 10 ; — 5. du camp Israélite, Exod., xxxii, 26, 27 ; — 6. des villes, Deut., iii, 5 ; Jos., ii, 5,

^m

129. — Porte avec g’ii 1^ il i rmeture d’un modèle de maison égyptienne. Brltish Muséum. D’après Wilkinson, Manners and customs of the anc. Egyptians, t. i, fig. 117, n. 2, p. 351.

7 ; vi, 26 ; Jud., xvi, 3 ; I Reg., xxiii, 7 ; III Reg., xxii, 10 ; IV Reg., vii, 1 ; Judith, x, 6 ; Jer., xlix, 31 ; Ezech., xlviii, 30 ; I Mach., xii, 38 ; ’xin, 33 ; Act., xiv, 12, etc. ;

— 7. de Jérusalem, Ezech., xxvi, 2 ; IIEsd., xiii, 19, etc. ; voir Jérusalem, t. iii, fig. 240-242, col. 1364-1365 ; —

— 8. des maisons, Jud., xi, 21 ; Prov., v, 8 ; Marc, ii, 2 ; Luc, xvi, 20 ; Act., x, 17, etc. ; — 9. des chambres, Jud., iii, 23-25 ; — 10. des palais de Joseph en Egypte, Gen., xliii, 19, de David à Jérusalem, II Reg., xi, 9 ; xv, 2 ; du roi de Babylone, Dan., ii, 49 ; du roi des Perses à Suse, Esth., ii, 19 ; 21 ; iv, 2 ; v, 9, 13 ; vi, 10 ; de Caïphe, Matth., xxvi, 71 ; — 11. des lours, Jud., ix,

130. — Porte égyptienne. D’après Wilkinson, Manners, t. i, fig. 123, p. 355.

51 ; II Mach., xiv, 41 ; — 12. des prisons, Bar., vi, 17 ; Act., v, 19, 23 ; xvi, 26, 27 ; — 13. des tombeaux, Matth., xxvii, 60 ; Marc, xv, 46 ; — 14. du jardin, Dan., xiii, 17 ; — 15. delà bergerie, Joa., 3, 1 ; — 16. de la fournaise, Dan., iii, 93. — 17. de la ferme, Marc, xi, 4.

2° Agencement des portes. — 1. Les portes des villes étaient de bois et formées de deux battants assujettis à l’intérieur par des barres. Voir t. i, fig. 453, col. 1468. La porte de Gaza, que Samson enleva pendant la nuit, avait chaque battant fixé à un poteau, jud., xvi, 3. Les

villes qui possédaient des portes et des barres pouvaient se défendre et garder des prisonniers. 1 Reg., xxiii, 7. Celles qui n’avaient ni portes ni barres étaient à la merci des assaillants. Jer., xlix, 31. Quand la ville était entourée de murailles assez épaisses, on pouvait ménager au-dessus de la porte une chambre de garde.

131.

— Portes égyptiennes fermées. Celle de gauche est close avec des verrous. D’après Wilkinson, Manners, t. i, fig. 121, p. 353.

II Reg., xviii, 24, 33. Dans les sièges, on attaquait les portes parla cognée et par le feu et ensuite on renversait les montants qui les soutenaient. Lam., i, 4. — 2. Les portes du Temple de Salomon étaient fixées à des poteaux en bois d’olivier sauvage engagés dans la muraille ; les battants se composaient de deux panneaux

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132. — Porte égyptienne avec ornements et inscriptions. D’après Wilkinson, Manners, 1. 1, fig. 124, p. 356.

en bois de cyprès, qui pouvaient se replier l’un sur l’autre. III Reg., VI, 34 ; Ezech., xli, 24. Les Chaldéens brûlèrent ces portes. IV Reg., xxv, 9. Cf. Ps. lxxiv (lxxiii), 3-7. Les portes du second Temple eurent le même sort. II Mach., viii, 33. — 3. Les portes des maisons et des chambres étaient aussi de bois, quelque

fois de bois de cèdre. Cant., viii, 9. Les monuments égyptiens nous ont conservé la représentation d’un grand nombre de portes. Le British Muséum possède le modèle d’une petite maison avec sa porte roulant sur des gonds (fig. 129). Voir Wilkinson, Manners, 2° édit., 1. 1, fig. 117, p. 351. Les portes avaient naturellement différentes formes (fig. 130), ibid., fig. 123, p. 355, et fermaient de diverses manières (fig. 131). Ibid., fig. 121, p. 353. Quelques-unes étaient très ornées (fig. 132). Ibid., fig. 124, p. 356. Quelquefois elles portaient un nom (fig. 133), ibid., fig. 115, n° 1, p. 346) ou Une inscription (fig. 134). Ibid., fig. 134, p. 362. Cf. Deut., xx, 5. Les portes des maisons de Pompéi avaient généralement plusieurs battants, deux, trois et même quatre. Elles étaient divisées en panneaux et ornées de clous à grosse tête. Cf. H. Thédenat, Pompéi, Paris, 1906, t. i, p. 58. — 4. Les portes des tombeaux étaient souvent de pierre plus ou moins ornée. Voir t. iii, fig. 41,

c

133. — Porte égyptienne, avec le nom de Remenkoprou

(Thotmès III).

D’après’Wilkinson, Manners, 1. 1, fig. 115, p. 346.

col. 205 ; fig. 56, col. 275. Cf. t. iv, fig. 392, 393, col. 1449, 1450. D’autres fois, une simple, dalle fermait la porte. Voir t. iii, fig. 268, col. 1478. — 5. Les portes de bergerie ne consistaient guère que dans une sorte de clayonnage suffisant pour arrêter les bêtes fauves. Voir t. ii, fig. 611, col. 1987. — 6. Les portes de métal étaient plus rares. Il est probable qu’on s’en servait pour fermer les fournaises. Dan., iii, 93. Dans les prisons, où il fallait des fermetures particulièrement solides, on mettait des portes très épaisses. À Jérusalem, la porte extérieure était de fer. Act., xii, 10. — 7. La partie fixe des portes de temple, de palais ou de ville recevait une ornementation particulière en rapport avec sa destination. Voir t. i, fig. 68, col. 312 (égyptienne ) ; t. ii, fig. 246, col. 668 (assyrienne) ; fig. 587, col. 1845 (grecque), etc.

3° Usage des portes. — 1. La porte tourne sur ses gonds, Prov., xxvi, 14. On l’ouvre, Jud., xix, 27 ; IV Reg., ix, 3 ; Act., xii, 14 ; Apoc., iii, 20, ou on la ferme. Gen., xix, 10 ; Il Reg., xiii, 17, 18 ; IV Reg., iv, 4, 5, 21, 33 ; Matth., xxv, 10, etc. Pour la fermer, on la fixe avec des barres, voir Babre, t. i, col. 1468, ou avec une clef qui peut être manœuvrée du dehors. Voir Clef, t. ii, col. 800. Quant on veut être seul, à l’abri des dangers extérieurs, Is., xxvi, 20, pour prier, .Matth., vi, 6, ou pour se reposer, Luc, xi, 7 ; xiii, 25, on ferme la porte sur soi ; car d’ordinaire, elle restait ouverte, parce que c’était seulement par la porte qu’entrait la lumière

dans les maisons les plus communes. Pour se faire ouvrir du dedans, on frappe à la porte. Jud., xix, 22 ; Act., xii, 13 ; Apoc, iii, 20. — 2. Chez le roi Achis, à Geth, David, contrefaisant le fou, se heurtait contre les battants des portes, d’après la Vulgate (hébreu) : « il faisait des marques. » I Reg., xxi, 13. La porte était souvent assez légère ; écouter à la porte ce qui se disait à l’intérieur était une grossièreté. Eccli., xxi, 17. L’homme bien élevé s’arrêtait à la porte, même quand elle était ouverte ; l’insensé entrait rapidement et se courbait dès la porte pour voir à l’intérieur. Eccli., xxi, 15, 16. — 3. La Loi ordonnait de placer sur la porte de la maison certains textes sacrés. Deut., vi, 9 ; xi, 20. Voir Mezdza, t. iv, col. 1057. Isaïe, lvii, 8, reproche à celle qui veut _se conduire mal de reléguer derrière la porte et les poteaux son zikkarôn, « mémorial », c’est-à-dire probablement sa mézuza, qui lui rappelle la loi de Dieu, ou, selon d’autres, ses amulettes idolâtriques, qu’elle veut dérober aux regards. — 4. Quand un esclave voulait rester pour toujours au

Porte égyptienne avec l’inscription r Belle maison. »

D’après Wiliinson, Manners, t. i

Pinofir,

fig. 134, p. 362.

service de son maître, celui-ci devait lui percer l’oreille contre la porte de la maison. Deut., xv, 17. Voir Oreille, t. iv, col. 1857. C’est devant la maison de son père qu’on lapidait la jeune femme que son époux n’avait pas trouvée vierge. Deut., xxii, 21. L’exécution ainsi faite entraînait une sorte d’infamie pour le père qui n’avait pas su garder sa fille et l’avait accordée en mariage sans savoir son état ou sans vouloir en tenir compte. — 5. À l’époque des Machabées, on brûlait de l’encens aux portes des maisons, en signe d’adhésion au culte idolâtrique. I Mach., l, 58.

3° Les portes de la ville (fig. 135). — 1. EIIés étaient le lieu le plus passager à cause des entrants et des sortants. De plus, il était rare que les villes anciennes eussent des places spacieuses. Dans les villes entourées de murs, on utilisait pour les constructions tout l’espace disponible, afin de réduire au minimum la longueur de l’enceinte à défendre. Le lieu de réunion le plus commode et le plus fréquenté était donc la porte de la ville. Là se tenaient les oisifs et les curieux, qui voulaient se distraire ou s’informer. Lot était assis à la porte de la ville de Sodome quand les deux anges y arrivèrent. Gen., xix, 1. C’est là qu’on devisait sur le compte des uns et des autres. Ps. lxix (lxviii), 13. Jérémie, xvii, 19, reçoit l’ordre d’aller faire entendre ses oracles à la porte de la ville, pour qu’ils soient entendus des rois et des fils du peuple. On y tenait des marchés, IV Reg., v, 1, et, dans les temps d’idolâtrie, des hautslieux, c’est-à-dire de petits sanctuaires d’idoles, surmontaient les portes, pour rappeler à tous le culte en honneur. IV Reg., xxiii, 8. La sagesse est représentée

comme instruisant et invitant les hommes à la porte de la ville, Prov., i, 21 ; viii, 3 ; ix, 14, tandis que l’insensé était incapable de s’y faire entendre. Prov., xxiv, 7. On amenait les malades à Notre-Seigneur à la porte des villes. Marc, i, 33. — 2. La porte de la ville correspondant en Orient à l’àfopdc grecque et au forum romain, on y passait les contrats, Gen., xxiii, 18, et là se réunissaient les anciens auxquels on soumettait les affaires litigieuses. Deut., xxii, 15. On y faisait la renonciation’publique au droit du lévirat. Deut., xxv, 7 ; Ruth, iv, 11. Voir Lévirat, t. iv, col. 214. Dans le pays de Job, on écrasait à la porte, sans que personne les défendit, les fils de l’insensé, c’est-à-dire qu’on laissait à l’abandon et que l’on vouait au mépris la race de l’impie. Job, v, 4. Job lui-même venait siéger à la porte de la ville, sur la place publique, et se faisait vénérer de tous, parce qu’il prenait en main la cause de tous les infortunés, n’avait d’autre règle que celle de la justice et réduisait l’injuste au silence et à l’impuissance. Job, xxix, 7-17. Il n’eût jamais profité de la faveur d’un juge pour accabler le faible. JoB, xxxi, 21. Il est recommandé de ne pas opprimer le malheureux à la

royale, parce que la porte donne accès au siège de cette puissance. Chez les Perses, al 8jpas, « les portes, » désignaient la cour, Xénophon, Cyroped, , I, iii, 2, et dans l’inscription de Behistoun, col. ii, 13, Darius emploie le terme duvarayâmai, « dans ma porte ». L’usage du mot « porte », pour parler de la puissance souveraine, s’est conservé en Turquie, « la Porte », comme ailleurs l’usage des mots « cour, chambre, cabinet », etc., qui indiquent une autorité par le nom de l’endroit où elle s’exerçait jadis. En ce sens doivent s’entendre les paroles de Notre-Seigneur, déclarant que « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre son Église ». Matth., xvi, 18. Ces portes de l’enfer ne sont autre chose que la puissance satanique qui sans cesse attaquera l’Église sans jamais pouvoir triompher d’elle.

II. Dans le sens figuré. — 1° Les écrivains sacrés assimilent à une porte tout ce qui peut permettre ou empêcher un accès. Le » portes du pays sont les endroits par lesquels les ennemis peuvent l’envahir. Jér., xv, 1 ; Nah., iii, 13. Le Seigneur ouvre devant Cyrus toutes les portes des nations, afin qu’il s’en rende maître. Is., xlv, 4. — Le rivage est comme une porte qui enferme la ixyïv. îob v xxxviii, 8, 10. Le ciel s’ouvre comme une

135. — Portes assyriennes.

D’après Smith, Dict. of the Bible, t. r, au mot Gâte, et Layard, The Monuments of Nineveh, part. i, p.

l’époux de la femme forte siège avec honneur parmi les anciens du pays. Prov., xxxi, 23. Isaïe, xxix, 21, s’élève contre ceux qui tendent des pièges à l’homme juste qui les confond à la porte et le perdent par leurs mensonges. Amos, v, 10, 12, 15, constate la haine dont les oppresseurs du peuple poursuivent les hommes intègres à la porte, et le tort qu’ils y font aux justes et aux pauvres ; il veut que le droit y règne. Après la prise de Jérusalem, les vieillards ne purent continuer de se réunir à la porte. Lam., v, 14. — 3. Quand les jugements étaient rendus, c’est encore à la porte de la ville qu’on exécutait les sentences. On y lapidait. Deut., xvii, 5 ; xxii, 24. Le Sauveur fut mis en croix à la porte de Jérusalem. Heb., xiii, 12. À Suse même, Aman fut pendu à la porte de la ville. Esth., xvi, 18.

— 4. Par extension, les portes sont prises pour les villes elles-mêmes. L’expression « dans tes portes », qui revient si souvent, surtout dans le Pentateuque, .signifie « dans tes villes ». Deut., xii, 12 ; xiv, 27 ; xvii, 2, etc, ; III Reg., viii, 37 ; II Par., vi, 28. Dieu affermit les verrous des portes de Jérusalem, c’est-à-dire fortifie et protège la ville. Ps. cxlvii, 13. Les portes de Sion gémiront, c’est-à-dire la ville sera plongée dans le deuil. Is., iii, 26. Rendre la justice dans ses portes, c’est la rendre dans ses villes. Zach., viii, 16. II est promis à Abraham que sa postérité possédera « la porte de ses ennemis ». Gen., xxii, 17. La porte représente ici la puissance des ennemis, de même qu’elle représente la fore ; d’une ville, l’autorité qui s’exerce à Ta porte et la ville elle-même. La « porte du roi », dans Daniel, ii, 49, fera’malkd’, et dans Esther, iii, 2, 3 ; iv, 2 ; v, 9, Sa’ar ham-mâlék, désigne la puissance

porte pour laisser tomber la pluie. Ps. lxxviii (lxxvii),

23. Jérusalem est la porte des peuples, Ezech., xxvi, 2, toujours ouverte afin qu’on puisse par là arriver au salut promis. Is., lx, ii, 18. Les portes du Liban sont l’endroit par où l’incendie viendra dévorer les cèdres. Zach., xi, 1. On appelle « porte du ciel » un lieu sanctifié par une communication divine, Gen., xxviii, 17, et l’accès même du ciel aperçu en vision, Apoc., iv, l, et « porte de la mort » ou « du schéol » toutes les causes qui acheminent vers le tombeau. Job, xxxviir, 17 ; Ps. ix, 15 ; cvii (evi), 16, 18 ; Is., xxxviii, 10 ; Sap., xvi, 3. — Par une figure plus hardie, on parle de la porte du sein maternel, Job, iii, 10, de la porte que forme la gueule du crocodile, Job, xii, 6, et de la porte de ? lèvres, à laquelle il faut mettre une garde sévère. Ps. cxli (cxl), 3 ; Eccli., xxviii, 28. Dans le Cantique, viii, 9, l’Épouse est comparée à une porte qu’on fermera avec des panneaux de cèdre, c’est-à-dire qu’on défendra contre toute tentative.

2° Différentes locutions proverbiales empruntent l’idée de porte. Être à la porte de quelqu’un, c’est être tout près de lui pour le menacer ou l’assister. Gen., iv, 7 ; Matth., xxiv, 33 ; Marc, xiii, 29 ; Apoc, iii, 20. Veiller ou écouter à la porte de la sagesse, c’est se montrer attentif à ses enseignements. Prov., viii, 34 ; Eccli., xiv,

24. User le seuil de la porte d’un homme sage, c’est aimer à le fréquenter pour profiter de ses leçons et de ses exemples. Eccli., vi, 36. Devant une pareille porte, les impies eux-mêmes s’inclinent, c’est-à-dire sont forcés de rendre quelque hommage à la vertu. Prov., xiv, 19. Par contre, faire le guet à la porte du prochain indique parfois des projets criminels. Job, xxxi, 9.

3° La « porte de la foi » est la facilité que Dieu ménage aux hommes pour qu’ils se convertissent à l’Évangile. Act., xiv, 26. Saint Paul aime à appeler « porte ouverte » toute occasion favorable qui se présente à lui d’annoncer Jésus-Christ. I Cor., xvi, 9 ; II Cor., ii, 12 ; Col., iv, 3 ; cf. Apoc, iii, 8. La « porte du salut », celle qui mène à la vie éternelle, est une porte étroite par laquelle on ne passe pas sans de sérieux efforts. Matth., vii, 13 ; Luc, xiii, 24. — Notre -Seigneur déclare qu’il est lui-même la porte qui donne accès dans la bergerie ; si on entre par cette porte, on est sauvé. Joa., x, 9. Le divin Maître, en effet, aide les âmes par sa grâce à entrer dans l’Église et par l’Église dans le ciel. — 4° La Jérusalem régénérée, image de la Jérusalem céleste, a aussi des portes. Isaïe, liv, 12, dit qu’elles sont d’escarboucles. Voir t. ii, col. 1907. Tobie, xiii, 21, les voit « bâties de saphirs et d’émeraudes ». Saint Jean les décrit avec détail. La Jérusalem céleste a douze portes, portant chacune le nom d’une des douze tribus. Chaque porte est formée par une seule perle, enchâssée dans les pierres précieuses qui forment la muraille. Comme il n’y a point de nuit, il n’est pas nécessaire de fermer ces portes. Apoc, xxi, 12, 21, 25. Sous ces figures de pierres précieuses et de perles, les auteurs sacrés veulent décrire les merveilles que Dieu opérera dans son Église par la grâce et dans le ciel par la gloire dont il environnera les saints.

H. Lesêtre.

2. PORTES DE JÉRUSALEM. Voir JÉRUSALEM, t. III, col. 1364.

    1. PORTIER##

PORTIER (hébreu : sô’êr ; chaldéen : tard’; Septante : mjXtagôç, tlvpwpd ;  ; Vulgate : janitor, ostiarius, portarius), préposé à la surveillance d’une porte.

I. Portiers du Temple. — 1° Des prêtres et des lévites avaient été chargés autrefois de tout ce qui concernait le service du Tabernacle. Num., xviii, 4. Il y en avait donc nalurellement parmi eux qui devaient veiller sur la porte. Ce service, d’après l’institution de Samuel et de David, comprenait 212 lévites. Ceux-ci se tenaient aux quatre côtés du Tabernacle et avaient à l’ouvrir chaque matin. La surveillance des chambres et des trésors de la maison de Dieu rentrait dans leurs attributions. Quatre chefs les commandaient. Les portiers résidaient dans les villages environnants ; mais un roulement était établi entre eux pour faire à tour de rôle un service hebdomadaire. Les portiers de semaine logeaient auprès du Tabernacle. I Par., ix, 17-27. — Quand l’Arche eut été transférée à Jérusalem, David adjoignit à Barachias et Elcana, qui étaient portiers de l’Arche, deux autres portiers, Obedédom et Jéhias. À ces fonctionnaires incombait la surveillance de l’entrée de la tente qui abritait l’Arche. I Par., xv, 23, 24. Obedédom et Hosa furent ensuite chargés de ce service avec 68 lévites. I Par., xvi, 38. En vue du service du Temple projeté, David régla que, sur les 24000 lévites chargés de remplir les différents offices, 4000 seraient portiers. I Par., xxiii, 5. Ils étaient partagés en différentes classes, sous les ordres de chefs appartenant à la descendance de Coré et de Mérari. Le sort désigna les portes qu’ils auraient à surveiller. À Obedédom échut le côté du midi, et à ses fils la maison des magasins ; à Séphim et à Hosa le côté de l’occident ; à Sélémias, le côté de l’orient et à Zacharie le côté du nord. Quatre portiers devaient être de garde chaque jour au midi, à l’occident et au nord, six à l’orient, quatre aux magasins et deux aux dépendances à l’occident, soit en tout vingt-quatre pour chaque journée. I Par., xxvi, 1-19. Les 4000 lévites chargés des portes se relayaient poiir ce service. Ils passaient la nuit à leur poste et, pendant le jour, surveillaient les entrées et les sorties. Chacun des vingt-quatre postes occupait naturellement plusieurs gardiens dans le cours d’une même journée, et il est

probable, quoique les textes ne le disent pas, que chaque semaine l’effectif des portiers était changé. Quand le Temple fût bâti, Salomon, se conformant aux dispositions prises par son père, « distribua les portiers à chaque porte d’après leurs classes, » c’est-à-dire d’après l’attribution que le sort avait assignée à chaque famille. II Par., viii, 14.

2° Sous Joas, le grand-prêtre Joïada eut à réorganiser le service du Temple, en partie supprimé sous les règnes précédents. Il rétablit des portiers aux entrées du Temple, avec ordre de ne laisser entrer personne qui eût quelque souillure. II Par., xxiii, 19. — Sous Ézéchias, le lévite Coré, gardien de la porte orientale, était en même temps préposé aux dons volontaires et chargé de distribuer aux prêtres, même en dehors de Jérusalem, ce qui était offert au Seigneur. II Par., xxxi, 14. Les chefs des portiers étaient donc des personnages considérables, ayant la responsabilité de services assez délicats. — Sous Josias, les portiers recueillaient l’argent qu’on apportait pour la restauration du Temple et le remettaient aux intendants. II Par., xxxiv, 9, 13 ; IV Reg., xxii, 4. Ils furent chargés aussi de rejeter hors du Temple tout le mobilier idolâtrique dont on l’avait souillé. IV Reg., xxiii, 4. À la Pâque solennelle que Josias fit célébrer, il fut enjoint aux portiers de ne pas quitter leur poste et des lévites furent chargés de préparer pour eux la Pâque. II Par., xxxv, 15. — À la prise de Jérusalem par les Chaldéens, le général vainqueur prit un certain nombre de notables de la ville, entre autres trois portiers, que Jérémie, xxxv, 4 ; lii, 24, appelle « gardes du seuil » ; il les conduisit à Nabuchodonosor, qui les fit mourir à Réblatha. IV Reg., xxxv, 18.

3° Après la captivité, 139 lévites portiers revinrent avec Zorobabel. I Esd., ii, 42, 70 ; II Esd., va, 46. D’autres accompagnèrent Esdras un peu plus tard.

I Esd., vii, 7, 24. Trois d’entre eux avaient pris des femmes étrangères et durent s’en séparer. I Esd., x, 24 ; II Esd., x, 28. Quand il fallut repeupler Jérusalem, on compta 172 portiers qui s’y établirent. II Esd., xi, 19. À cette époque, les chefs des portiers du Temple étaient au nombre de six. II Esd., xii, 25. Les portiers avaient part aux distributions des dîmes qui étaient versées par les Israélites, et remplissaient leurs fonctions conformément au règlement établi par David.

II Esd., xii, 44, 46 ; xiii, 5. — Ézéchiel, xliv, 11, prévoit aussi, dans son Temple idéal, des lévites chargés des portes.

4° Dans le second Temple, il n’y avait plus que vingt et un postes de gardiens, au lieu de vingt-quatre. Mais, à chaque poste, dix lévites étaient de garde, et, chaque nuit, 240 lévites et 30 prêtres veillaient sur le Temple. Cf. Ps. cxxxin (cxxxiv) ; Tamid, i, 1 ; Middoth, i, 1 ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 118. Un fonctionnaire supérieur faisait des rondes nocturnes dans le Temple, sous la surveillance d’un intendant spécial. Cf. Schekalim, v, 1. D’après Josèphe, Cont. Apion., h ; 9, vingt hommes étaient employés à la fermeture, et il fallait les efforts de ces vingt hommes réunis pour ouvrir la porte orientale du sanctuaire, qui était toute de bronze et d’un poids énorme. Cf. Bell, jud., VI, v, 3. Les Juifs prétendaient que la porte principale du Temple grinçait si fort quand on l’ouvrait, que le bruit s’en entendait jusqu’à Jéricho. Cf. Tamid, iii, 8. On ouvrait les portes à la pointe du jour et on les fermait le soir à son déclin. Pendant les fêtes de la Pâque, on les ouvrait dès le milieu de la nuit, cf, Josèphe, Ant. jud. r XVIII, ii, 2, et à la Pentecôte les prêtres venaient la nuit pour remplir leurs fonctions. Cf. Bell, jud., VI, v, 3 ; Yoma, i, 8. — Les portiers surveillaient aussi ceux qui pénétraient dans le Temple et dans ses parvis. Ils laissaient pénétrer dans le premier parvis tous ceux qui se présentaient, même les étrangers, mais non

les femmes en état d’impureté légale. Le parvis des femmes n’était ouvert qu’aux Israélites et le parvis d’Israël qu’aux hommes seuls, à l’exclusion de ceux et celles qui n’étaient pas légalement purifiés. Cf.Josèphe, Cont. Apion., ii, 8. Les portiers ne remplissaient pas toujours leur office avec le soin requis et beaucoup d’Israélites trouvaient plus commode de traverser le grand parvis que de contourner l’enceinte du Temple pour aller du nord au sud de la ville. Notre-Seigneur intervint pour défendre de transporter différents objets à travers le Temple. Marc, xi, 16.

5° L’importance des portiers dans l’ancien Temple et la nécessité de leur fonction ont déterminé l’Église à instituer aussi des portiers parmi ses ministres. L’ordre d’ostiarius est le moins élevé des ordres mineurs. Les portiers avaient à veiller sur ceux qui entraient pour assister aux réunions liturgiques et à prendre soin^de l’ordre dans l’église, de la garde de différents objets, etc.

137. — Soldats égyptiens gardant la porte d’un campement. D’après Lepsiua, DenkmàUr, Abth. III, Blatt. 154.

Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 659.

IL Autres portiers. — 1° Ii est plusieurs fois question de portiers veillant sur les portes d’une ville. Mais ces portiers étaient plutôt des gardes postés en cet endroit en cas d’alerte ou de guerre (fig. 137). Tels étaient les gardes des portes de Sa marie assiégée, IV Reg., vii, 10, 11, et ceux de Jérusalem, à l’approche des Chaldéens. Jer., xxxvii, 12. — Pour assurer le respect de la Loi, Néhémie posta des gardes aux portes de Jérusalem, avec ordre de les tenir fermées le jour du sabbat, pour empêcher les marchands tyriens d’entrer et de vendre. II Esd., xiii, 19.

— 2° Des portiers gardaient la porte des palais. Mardochée surprit le complot que tramaient deux gardiens de la porte du palais de Suse. Esth., ii, 21 ; su, 1. À l’entrée de la cour du palais de Caïphe, il y avait une portière qui, par ses propos, contribua à la chute de saint Pierre. Joa., xviii, 16, 17. — 3° Les maisons de quelque importance avaient des portiers. En quittant sa maison, le maître commande au portier de veiller. Marc, xm, 35. À la maison de Marie, mère de Jean Marc, une servante, du nom de Rhodé, entendit saint Pierre frapper à la porte du vestibule et ne songea pas à lui ouvrir. Act., xii, 13, 14. — 4° Le portier de la bergerie est le gardien qui veille sur le troupeau pendant la nuit et ouvre au vrai pasteur, quand celui-ci se présente. Joa., x, 2, 3-50. On lit dans Job, xxxvii, 17 :

Les portes de la mort ont-elles été ouvertes devant toi ? As-tu vu les portes des ténèbres ?

Il est question de portes dans les deux vers. Dans le

second, les Septante lisent iruXtopoî, ce qui donne au parallélisme une forme bien préférable :

Les portiers de l’Hadès ont-ils eu peur à ta vue ?

Cf. Dhorme, Le séjour des morts chez les Babyloniens et les Hébreux, dans la Revue biblique, 1907, p. 68. Dans le poème babylonien de lu Descente d’Istar aux enfers, il y a aussi un portier, pêtû, préposé à la garde des différentes portes. Sur la menace que fait Istar d’enfoncer la première porte si on ne la lui ouvré, le portier va avertir la déesse infernale et ensuite ouvre à Istar les sept portes successives de l’enfer. Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, p. 327-333. — Sur les portiers de prison, voir Geôlier,

t. iii, col. 193.
H. Lesêtre.
    1. PORTIQUE##

PORTIQUE (hébreu : ’ûlâm, ou’uldm, mûsâk, parbâr ; Septante : aîXâfi, vao ; , <7Toâ ; Vulgate : porïicus, vestibulum), construction ordinairement composée de colonnes et d’un toit servant d’abri, destinée à orner l’entrée d’un édifice, le pourtour d’une cour où il sert contre la pluie et le soleil, etc. — 1° La première mention d’une sorte de portique se trouve dans les Juges, iii, 23.’Il y est dit qu’Aod, après avoir tué Églon, roi de Moab, sortit par le misderôn. On fait venir le mot de sâdâr, « série » ; il désigne probablement une série de colonnes formant vestibule à la maison. Les Septante traduisent par npootâç, « vestibule » ; la Vulgate ne rend pas le mot hébreu. Le portique de la maison d’Églon était sans nul doute fort simple. — 2° Le Temple de Salomon avait des portiques dont David avait laissé le plan. I Par., xxviii, 11. Sur les mots parbâr et parvàrîm, pharurim, que plusieurs expliquent comme signifiant portiques, voir Pharurim, col. 220.

— 3° Le portique du Temple porte ordinairement le nom de’ûlâm, que les Septante reproduisent à peu près sans le traduire : aîXâjx. Le portique avait 20 coudées de largeur, 10 de profondeur et 120 de haut. III Reg., vi, 3 ; II Par., iii, 4. Ce dernier chiffre est manifestement fautif, car le Temple lui-même n’avait que 30 coudées de haut. III Reg., vi, 1. D’après la description qui en est fournie, ce portique occupait la façade même de l’édifice sacré. L’autel s’élevait en face de ce portique. II Par., viii, 12 ; xv, 8. Les rois impies le fermèrent ; Ézéchias le purifia et le rendit à sa destination primitive. II Par., xxix, 7. Les prêtres se tenaient entre le portique et l’autel pour prier et demander pardon au nom du peuple. Joël, ii, 17. Ézéchiel, XL, 7-17, prévoit également des portiques dans son Temple idéal. — Sur l’espèce de portique construit par Achaz et appelé mûsak, IV Reg., xvi, 18, voir Musach, t. iv, col. 1345.

— 4° Salomon orna aussi son palais de portiques : portique à colonnes, long de 50 coudées et large de 30, ayant en avant un autre portique avec des degrés, portique du trône, portique du jugement, portique de sa maison d’habitation et portique de la maison de la reine. III Reg., vii, 6-8. Voir Maison du Bois-Liban, t. iv, col. 597. — 5° Dans le Temple d’Hérode, des portiques occupaient les côtés du grand parvis des gentils, et en faisaient le tour, à l’exception de la partie occupée par la forteresse Antonia. Ces portiques formaient deux allées parallèles, au moyen de trois rangées de colonnes, dont la troisième était engagée dans la muraille même de l’enceinte. Le portique du midi, ou portique royal, avait une rangée de colonnes de plus et formait par conséquent trois allées. Les colonnes étaient de marbre blanc et avaient 25 coudées de haut. Des lambris de cèdre recouvraient les portiques. L’espace ainsi protégé contre la pluie et le soleil était de 30 coudées de large. Dans le portique royal, les deux allées latérales avaient 30 pieds de large et 50 de haut, celle du milieu 45 pieds de large et 100 de hauteur. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5 ; Bell, jud., - V, v, 2. Ces portiques furent

incendiés à l’époque d’Archélaûs, pendant une sédition des Juifs contre les Romains. Cf. Joséphe, Ant. jud., XVII, x, 2. On les reconstruisit ensuite. Le portique situé à l’est et faisant face au Temple proprement dit s’appelait portique de Salomon.On se réunissait sous ces portiques pour converser, les docteurs y entretenaient leurs disciples. Un jour d’hiver, Jésus se promenait sous le portique de Salomon et les Juifs se rassemblèrent autour de lui. Joa., x, 23. Sous ce même portique, le peuple se réunissait plus tard autour de Pierre et de Jean, pour écouter leur prédication, Act., iii, II, et les premiers fidèles se tenaient ensemble pour prier et entendre les Apôtres. Act., v, 12. — Sur la piscine Probatique et ses cinq portiques, Joa., v, 2, voir Bethsaïde,

t. i, col. 1723.
H. Lesêtre.

fJPORTIUS (grec : FUpxioç ; Vulgate : Portius), nomen gentilitium de Festus, procurateur de Judée. Act., xxxiv, 27. Voir Festus, t. ii, col. 2116.

    1. PORTUGAISES##

PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.

La nationalité, portugaise commença à se constituer à la fin du XIe siècle et, quoique le peuple eût déjà depuis longtemps son idiome particulier, formé des langues parlées par ceux dont il tirait son origine, les recherches les plus anciennes attestent que, même parmi les Portugais, jusqu’au commencement du xive siècle, les versions connues ou usitées des Saintes Écritures étaient en espagnol ou en une autre langue étrangère.

I. Premières versions portugaises. — On doit au savant archevêque d’Évora (Portugal), D. Fr. Fortunato de S. Boaventura († 1844), deux importantes publications qui nous fournissent des renseignements et des documents sur les origines des versions portugaises des Écritures. Le premier de ces travaux a pour titre : Memoria sobre o começo, progressae decadencia da litteratura hebraica entre os portugueses catholicos romanos et a paru dans le t. ix des Mémoires de l’Aca-, demie royale des sciences de Lisbonne. Un écrivain du xvie siècle, Jacob Flavio d’Evora, suivi au xviiie siècle par Diogo Barbosa Machado, dans sa Bibliotheca Lusitana, et par d’autres savants, avait raconté qu’un évêque, supposé ou douteux, d’Evora, appelé Gaston de Fox, avait traduit la Bible en langue arabe et que le roi D. Diniz l’avait fait traduire de l’arabe en portugais. Fortuné de Saint-Bonaventure a démontré par des raisons si solides la fausseté de ce récit que le célèbre bibliographe du siècle dernier, Innocencio Francisco da Silva, dont l’autorité est universellement reconnue, " déclare dans son Diccionario bibliographico, articles Pe Francisco Recreio et Gastào de Fox, que l’existence de cette prétendue version est inadmissible au tribunal de la critique.

La seconde publication de Fortuné de Saint-Bonaventure est une Collecçâo de Inédites Portuguezes dos seeufos xiv et sv, 3 in-8°, Coimbre, 1829, imprimerie de l’Université. Cette collection est la reproduction fidèle de Manuscriptos do Mosteiro de Alcobaça. Dans le tome I er (de 317 p.) on trouve entre autres, une Traducçâo do livro dos Actos dos Apostolos ; dans le t. n (de xv-299 p.), Historias d’abreviado Testamento Velho, segundx) o Meestre das Historias scolasticas, e segundo outros que as abreviarom, e com dizeres à"artyeœf < ?&et< ?r&re sabedores (depuis Je commencement de la Genèse jusqu’à la fin du second livre des Rois) ; dans le t. m (de 232 p.), sous le même titre, l’histoire se continue depuis le troisième livre des Rois jusqu’au secondlivre des Machabées, aveedes additions tirées de l’historien Josèphe. Le manuscrit des Historias est de l’an 1320 et du règne du roi de Portugal D. Diniz. Fortuné de Saint-Bonaventure, dans son Historia chronologicae [critica da Real Abbadia de

Alcobaça, a fait ressortir le mérite et l’utilité de cette œuvre, et Innocent da Silva, dans son Diccionario, notice sur la Collecçâo, les avantages qu’on peut en lirer pour l’étude archéologique et philologique de la langue. Comme on ne peut constater l’existence d’aucune version portugaise d’un livre biblique antérieure au règne de D. Diniz, comme on n’a non plus aucune preuve que ce roi ait fait faire awcune autre traduction, même abrégée, c’est aux moines d’Alcobaça, auteurs de la version des Actes des Apôtres et de l’histoire abrégée de l’Ancien Testament, que revient l’honneur d’avoir été chronologiquement les premiers traducteurs de la Bible en langue portugaise.

Fernào Lopes, surnommé le patriarche des historiens portugais, rapporte dans le prologue de la seconde partie de sa Chronica d’el Rei D. Joâo ii, qui régna de 1385 à 1433, que ce monarque « fit traduire par de grands lettrés, en langue (portugaise), les Évangiles, les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul, ainsi que d’autres livres spirituels des saints ». Quels furent les « lettrés » qui exécutèrent ce travail, de quelle manière ils accomplirent leur tâche, où se trouvent ces versions, Fernand Lopes ne le dit pas et ceux qui sur son témoignage ont reproduit cette notice ne le disent pas davantage. D. Fr. Manuel do Cenaculo Villas-Boas, dans son livre Cuidados Utterarios do Prelado de Beja em graça de seu bispado, p. 64, déclare seulement qu’il a eu en sa possession une traducçào historiada do Antigo Testamento manuscrite, faite au xve siècle en portugais de l’époque par un théologien savant et versé dans la connaissance de la langue hébraïque, et il ajoute qu’à la date à laquelle il écrit (son livre fut imprimé en 1788) il ne sait pas autre chose sur cette traduction.

Il convient de mentionner ici la version faite par le jurisconsulte Gonçalo Garcia de Santa Maria. Diogo Barbosa, dans le t. n de la Bibliotheca Lusitana, dit qu’elle a pour titre Epistolase Evangelhos que se cantam no decurso do anno, et qu’elle fut imprimée in-folio, en lettres gothiques, en 1479, sans indication de lieu. Antonio Bibeiro dos Santos, qui vivait de 1745 à 1818, en parle aussi dans Memoria de algumas traducçôes biblicas menas vulgares em lingua portugueza, qui a paru dans le t. vu des Memorias de Litteratura Portugueza, publié par l’Académie royale des sciences de Lisbonne. Il est vrai que le bénéficier Francisco Leitào Ferreira (1667-1735), dans ses Noticïas Chronologicas da Universidade de Coimbra, dit que Gonçalo Garcia était originaire de Saragosse (Espagne) et qu’on ne connait de lui qu’une version en castillan de 138 pages, imprimée en caractères gothiques. Barbosa et Bibeiro dos Santos, s’en rapportant à cette information, ont rétracté ce qu’ils avaient écrit avant de la connaître. Toutefois leur rétractation a été trop prompte et elle n’est pas fondée sur des raisons suffisantes. Les langues parlées dans les deux pays ont une source commune et elles ont entre elles grande affinité et ressem-, blance ; Portugais et Espagnols des classes instruites cultivaient l’une et l’autre, la leur et celle de la nation voisine, de sorte qu’il y avait des Portugais qui écrivaient en espagnol, comme le rabbin Duarte Pinhel, qui, de concert avec le castillan Jacques de Vargas et d’autres, composa en cette langue une version de la Bible (Ancien Testament) éditée par Abraham Usque et connue sous le nom de Bible de Ferrare, parce qu’elle fut imprimée dans cette ville en 1553. Il y eut aussi des Espagnols qui écrivirent en portugais et de ce nombre fut Gonçalo Garcia de Santa-Maria. Innoc ent da Silva, dans son Diccionario, article Gonçalo Garcia, rapporte que le 21 mai 1866 le libraire Bertrand lui montra un livre in-folio, en caractères gothiques, où manquaient le frontispice et le dernier ou les derniers feuillets, mais où, au haut du premier feuillet, le

titre constatait que c’étaient les Epistolase Evangëlhos em portuguez par Gonçalo Garcia de Santa Maria, Da Silva n’affirme point que c’était l’édition de 1479, citée dans Je tome n de la Bibliotheca Lusitana, puisque le livre ne contenait ni frontispice ni suscription finale avec la date de l’impression, mais il dit qu’il n’a pas de doute que, s’il n’était du xve siècle, il doit être au moins du commencement du xvie. Pour se rendre compte que c’était un livre différent de celui dont parle Ferreira Leitào, il suffit à Da Silva de constater que celui que mentionne Leitâo avait 138 pages, tandis que celui que vendit le libraire Bertrand en avait plus de 400, sans compter celles qui étaient perdues- à la fin.

A peu près contemporaine de la version de Gonçalo Garcia fut celle de D. Philippa de Lancastre, fille de l’infant D. Pedro et petite-fille de D. Joào I". Elle vécut de 1435 à 1497 et acheva ses jours dans le couvent des religieuses cisterciennes d’Odivellas. Le premier qui mentionne cette traduction est Jorge Cardoso (16061669) dans VAgiologio Lusitano, au Il février, la lettre A. Elle a été citée depuis par le théatin D. Antonio Cætano de Sousa (1674-1759) dans le t. il de VHistoria Genealogica da Casa Real, et par Diogo Barbosa dans le t. il de la Bibliotheca Lusitana. D’après ces auteurs cette version, faite sur une traduction française, renferme les Evangelhose Homilias de todo o anno. Les deux premiers, et Antonio de Figueiredo, dans la Préface générale de sa traduction de la Bible, nous apprennent que, de leur temps, cette œuvre se conservait encore dans le monastère des Cisterciennes d’Odivellas. Augusto Soares d’Azevedo Barbosa de Pinho Leal, parle aussi de ce travail, en 1875, dans le t. vi de son Portugal Antigoe Moderno, au mot Odivellas. « D. Philippa, dit-il, écrivit un manuscrit et l’orna de belles miniatures ; c’est un ouvrage de grand mérite, qu’elle donna au monastère ; il existe encore. » Sur le degré d’instruction de la princesse, le même auteur ajoute : « Dirigée par son père dans son éducation, elle connaissait à fond le latin et le français et elle a laissé des œuvres écrites de sa main. »

Dans la Resposta â Consulta que o Deputado (da Real Mesa censoria) Antonio Pereira de Figueiredo fez aô Sr. Bispo de Beja sobre versôes partidas da Biblia em vulgar, em Fevereiro de 4794 (manuscrit qui, selon l’auteur de la Préface à la seconde édition de la Bible traduite par Figueiredo, appartient aujourd’hui à l’Académie des sciences de Lisbonne), D. Fr. Manuel do Cenaculo rapporte que la reine D. Leonor, femme de D. Joào If, fit imprimer la traduction des Actos dos Apostolos, as duas Epistolas de S. Pedro, as ires de S. Joâoe a de S. Judas, mais il ne dit pas par qui elle avait été faite et s’il en existe des exemplaires.

Si ce n’est pas la même version, c’est au moins une version de la même époque, celle des Actos dos Apostolos, dont nous avons parlé plus haut, qui a été publiée dans le t. I de la Collecçào de Ineditos Porluguezes, éditée par D. Fr. Fortunato. D’après ce prélat, cette version fut faite, peut-être d’après une autre version plus ancienne, par Fr. Bernardo de Alcobaça, qui vivait sous le règne de D. Joào II. C’est à ce Fr. Bernardo de Alcobaça qu’on attribue généralement et avec raison la traduction portugaise de la Grande vida de Jésus Christo, écrite en latin par Ludolphe le Chartreux. Cette traduction fut imprimée à Lisbonne en 1495, par ordre du roi D. Joào II et de sa femme D. Leonor.

Il est inutile d’énumérer ici en détail diverses versions de moindre importance, qui sont de la même époque ou peu postérieures, des traductions d’un certain nombre de Psaumes ou de chapitres d’autres livres de la Bible, intercalés occasionnellement dans

des biographies ou dans des livres d’histoire ou de littérature profane.

II. Versions portugaises depuis le xvi » siècle jusqu’au milieu du xviiie siècle. — Dans le cours du xvi « siècle, avec l’apparition du protestantisme et la propagation de sa fausse doctrine du libre examen et de l’interprétation privée des Écritures, la lecture de la Bible devint, dans une certaine mesure, un danger pour ceux qui n’étaient pas familiers avec les règles de l’herméneutique sacrée et qui ne connaissaient pas la véritable interprétation donnée aux Livres Saints par l’Église qui en a le dépôt. Pour ce motif, Pie IV, le 24 mars 1564, en publiant par la Bulle. Doniinici Gregis l’Index des livres défendus, établit dans la règle 4, que l’usage des versions de la Sainte Écriture n’est pas permis à tous sans discernement, mais que la permission de les lire n’est accordée qu’à ceux qui, au jugement de l’évéque ou de l’inquisiteur, peuvent le faire sans péril et au profit de leur foi et de leur piété. En Portugal, la religion des rois très fidèles et le zèle des évêques avaient déjà prévenu ce décret du Saint-Siège en adoptant à l’avance des mesures analogues. Les exemplaires de tout livre de la Bible traduit en langue vulgaire devaient porter à la première page la permission accordée à celui qui pouvait s’en servir, et les versions, quelquefois même dans les manuscrits originaux, portaient le nom de celui à qui elles étaient destinées. On possède des documents historiques qui en témoignent. Ribeiro dos Sanctos, dans sa Memoria da Litteratura Sagrada, publiée dans le t. il des Memorias de Litteratura Portugueza, de l’Académie des sciences de Lisbonne, cite un exemplaire de la Bible où était incorporée à la première page la permission donnée par Fr. Francisco Foreiro pour autoriser Francisco de Sa de Miranda († 1558) à en faire usage. Barbosa dans la Bibliotheca Lusitana et Figueiredo dans la Préface de sa traduction de la Bible, parlent d’une version manuscrite des Psaumes de la pénitence, faite par D. Fr. Antonio de Sousa († 1597), évêque de Viseu, pour l’usage de sa sœur la comtesse de Monsanto.

Ces défenses restrictives furent cause que les versions devinrent de plus en plus rares et que les savants s’appliquèrent surtout dès lors à commenter en latin le texte latin de la Vulgate, chaque écrivain choisis-^ sant le livre de l’Écriture pour lequel il se sentait le plus d’attrait. L’auteur de la Préface générale de la version de la Bible par Figueiredo, éditée à Lisbonne en 1854, énumère un grand nombre de ces commentateurs, parmi lesquels figurent des noms de grande autorité dans les lettres portugaises, comme ceux de Bartholomeu dos Martyres, Bernardo de Brito, Francisco Foreiro, Heitor Pinto, Joào de Lucena, Manuel de Sa, Antonio Vieira, Francisco de Mendonça, etc.

De leur côté, les protestants, interprétant malignement la défense faite par Pie IV, accusèrent l’Église d’interdire aux fidèles la lecture des Livres Saints afin qu’ils ne pussent pas connaître ce qui la condamnait dans les écrits sacrés, et ils se mirent avec une grande activité à composer et à publier des versions de la Bible, en supprimant une partie des livres du canon, en altérant parfois les textes comme il leur convenait et en proclamant surtout qu’il était libre à chacun de les interpréter à son gré. Ils trouvèrent un collaborateur pour la langue portugaise dans la personne d’nn prêtre apostat du xviie siècle qui était devenu ministre calviniste en Hollande ; il publia : Novo Testament ! ), isto é, todos os sacrosantos livros de escriptos evangelicose aposlolicos, do novo concerto de nosso fiel senhor, Salvadore redemptor Jesu Christo ; agora Iraduzidos em portuguez pelo Padre Joào Ferreira A. de Almeida, ministro prégador do Sancto Evangelho. Comtodasas licençasnecessaria. Em Amster

dam. Por a Viuva de J. V. Someren. Anno 1681. Em 4°. La Bibliothèque nationale de Lisbonne en possède un exemplaire. Comme le fait remarquer le bibliographe da Silva, Diecionario, article Joâo Ferreira A. de Almeida, cette traduction est remplie d’erreurs et de fautes typographiques provenant de ce que le correcteur était peu versé dans la langue portugaise, ainsi que le fait remarquer l’auteur lui-même dans un avertissement publié à Batavia le 1 er janvier 1683 et où sont énumérées plus de mille erreurs à corriger, avec cette observation qu’il a été impossible de les relever toutes.

Une seconde édition fut faite par les Hollandais établis en Asie pour l’usage des protestants portugais de Batavia, sous ce titre modifié : Novo Testamento, isto é, todos os livros do novo concerto do nosso fiel senhore redemptor Jesu Christo, traduzido na lingua portugueza pelo reverendo padre Joâo Ferreira A. de A Imeida, ministro prégadordo Sancto Evangelho n’esla cidade de Batavia em Java Maior. Em Batavia, por Joâode Vîtes, impressor da Illustre Companhia, e desta nobre cidade. Anno 1693. Sur le verso de la feuille où se lit le titre se trouve la déclaration que l’ouvrage a été imprimé por ordem do Supremo Governo da illustre Companhia das Vnidas Provincias na lndia Oriental, revista, com approvaçâo da congregaçào ecclesiastica da cidade de Batavia, pelos ministros prégadores do Sancto Evangelho na Igreja da mesma cidade Theodorus Zas, Jacobus Opden Akker. Cette édition est sur papier de Hollande, grand in-4°, et a vin-597 pages. Elle a de plus que la première la concordance des textes de l’Écriture. I. da Silva observe qu’on y a corrigé peu ou point des fautes de la première édition, mais qu’on y a fait des changements considérables, plaçant, par exemple, la plupart des verbes à la fin des propositions, « ce qui rend parfois le sens obscur, fait violence à la phrase et affecte la construction des périodes. » Da Silva possédait un exemplaire de cette édition. J.-Ch. Brunet, dans le Manuel du libraire et de l’Amateur de livres, en signale une autre qualifiée de « rarissime » dans le catalogue de Meerman.

En 1712 parut une troisième édition in-8°, à Amsterdam, chez Joào Creliluz, par ordre de la même compagnie des Provinces-Unies, pour l’instruction des Indiens. Elle est encore plus fautive que les précédentes. Une quatrième édition fut publiée en 1760 en deux grands in 8°, à Tramgambar, par l’office de la mission royale du Danemark et au bénéfice de cette mission, aux frais de la Société (anglicane ) de la Propagation de la foi de Londres. Une cinquième édition fut donnée à Batavia par Egbert Humen, in-8°, 1773. Da Silva dit qu’elle fut comparée de nouveau avec le texte original et avec d’autres versions et ainsi améliorée, les verbes furent remis à leur place naturelle et beaucoup de mots et de fautes corrigés.

La traduction de Ferreira de Almeida, dit Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria sobre versôes Biblicas, fut faite sur le texte grec qu’elle suit dans les points où il diffère de la Vulgate. En sa qualité de calviniste, l’auteur n’en a pas exclu les livres deutérocanoniques que rejette le luthéranisme. D’après Antonio Pereira de Figueiredo, dans sa préface au Nouveau Testament, 1. 1, 2e édit., on n’y trouve rien qui sente le calviniste, et il la regarde comme très servile. Mais d’autres écrivains sont d’un avis tout à fait contraire et la préface que nous venons de citer ne fut pas reproduite dans les éditions de Figueiredo qui furent publiées en 1794 et après, sous la surveillance de l’autorité ecclésiastique qui y fit supprimer aussi des notes. Quant à sa servilité, la traduction, par exemple, de Luc, I, 28, prouve le contraire ; au lieu de traduire par cheia de

graça, elle traduit par em graça acceita dans quelques éditions et par agraciada dans d’autres.

Le même traducteur publia en 1738, in-4°, à Trangambar, Livros Eistoricos do Velho Testamento, et en 1740, in-8° dans la même ville et, comme le précédent, par l’office de la mission royale de Danemark Livro dos Psalmos. En 1748 parut à Batavia, in-8 1 ", imprimé à l’office des séminaires par M. Mulder, Do Velho Testamento o primeiro tomo que contem os SS. Livros de Moysés, Josué, Juizese Ruth, Samuel, Reys, Chronicas, Esra. Nehemiase Esther. Traduzidos emportuguez por Joâo Ferreira A. de Almeida, Ministro prêgador, etc. Eu 1753, G. H. Heusler imprima au même office du séminaire à Batavia, in-8°, Do Velho Testamento o segundo tomo que contem os SS. Livros de Job, os Psalmos, os Proverbios, o Prêgador, os Cantares, com os Prophetas Mayorese menores. Traduzidos em portuguez por Joâo Ferreira A. de Almeida, e Jacob Opden Akker, Ministros prégadores do Santo Evangelho, etc. Entre la publication du t. i et du t. n de cette version parut en 1749 une nouvelle édition du Livro dos Psalmos, in-8°, à la même imprimerie, qui donna aussi plus tard, en 1757, dans une édition séparée, Û3 Livros de Moysés.

La traduction de l’Ancien Testament fut faite aux frais de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. Elle ne contient pas les livres deutérocanoniques. Au témoignage de da Silva, Almeida fit sa version sur l’original hébreu, en se servant de la version hollandaise imprimée en 1618 et de la version castillane de Cypriano Valera, édition de 1602 ; il la poursuivit jusqu’aux derniers chapitres d’Ézéchiel ; elle fut achevée par Jacob Opden Akker, un de ceux qui avaient été chargés de revoir la traduction du Nouveau Testament éditée par Almeida en 1693.

Depuis sa publication, la version d 7 Almeida a été si souvent réimprimée soit totalement, soit partiellement, pour les sociétés bibliques d’Angleterre et d’Amérique, qu’  « il est ^difficile, dit da Silva, de donner une énumération exacte x de toutes ses éditions. Ce bibliographe mentionne deux éditions complètes dont il possède des exemplaires, l’un grand in-8°, imprimé par R. et A. Taylor, à Londres, 1819, l’autre grand in-8°, imprimé à New-York en 1850. Nous avons entre les mains deux éditions complètes plus récentes, l’une in-8°, publiée à New York en 1883, par la Société biblique Américaine, et où il est dit que le Nouveau Testament est une Reimpresso da ediçâode 1693, revistae emendada ; l’autre, in-4°, imprimée à Lisbonne, en 1897, revistae correcta, com referenciase na margem algumas palabras segundo o hebraicoe grego. Se vend au Deposito das Escripturas Sagradas. — En 1862, l’archevêque de Bahia, D. Manuel Joaquim da Silveira, publia une Lettre pastorale pour prémunir ses diocésains contra adulteraçôes emu tilaçôes da Biblia traduzidæm portuguez pelo Padre J.F.A. de Almeida. Il y examine l’édition de New York que les protestants répandaient dans le Brésil et après l’avoir confrontée avec le texte reconnu authentique dès les premiers siècles, il montre qu’elle contient des altérations, changements, mutilations, additions, par exemple, Luc, 1, 28 ; Act., xiv, 23 ; Eph., v, 32 ; II Tim., iv, 5 ; II Joa., v, 6, 10, 13, 15, 17-20. Ces altérations se trouvent .dans les éditions de New York, 1882, et de Usbonne, 1897.

Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria de algumas traducçôes biblicas (voir col. 560), appréciant la valeur philologique pt littéraire du travail de Ferreira de Almeida, dit que sa langue est a3sez riche et renferme un trésor de mots pour le vocabulaire portugais, mais que sa grammaire est défectueuse, parce qu’il emploie des phrases et des constructions qui n’ont pas la saveur du langage national et parce qu’il serre de trop près

le texte original ou fait usage de locutions et d’idiotismes propres au pays où il vivait,

III. Versions portugaises depuis le milieu du xviir 3 siècle jusqu’à nos jours. — Au milieu du xviiJe siècle, à peu près au moment où apparaissait la version complète faite par Almeida et son auxiliaire (1748-1753), s’ouvre une période nouvelle pour la multiplication des traductions de la Bible. L’Église qui avait interdit la lecture de l’Écriture en langue vulgaire au commencement du [protestantisme pour entraver les progrès de l’hérésie naissante parmi le peuple, permit, dans la seconde moitié du xvii 8 siècle, pour détourner les fidèles de la lecture des versions protestantes, de publier des traductions en langue vulgaire à la condition qu’elles fussent accompagnées de notes et d’éclaircissements tirés des saints Pères et des savants catholiques, et approuvées par le Siège apostolique. Benoît XIV modifia en ce sens en 1757 la quatrième règle de l’Index formulée par Pie IV en 1564. Le résultat fut la publication de versions nouvelles parmi les catholiques : au Portugal, il parut presque simultanément deux traductions complètes de l’Ecriture.

1° Version de Figueiredo. — La première fut celle de P. Antonio Pereira de Figueiredo (né en 1725, mort en 1797). Il commença par le Nouveau Testament, lequel étaitprêt dès 1772, comme on le voit dans l’Épltre dédicatoire au cardinal D. Joào da Cunha († 1773), mais le premier volume ne fut imprimé qu’en 1778, nâopor culpa do auctor, dit le Prologue, daté du 8 janvier 1778, mas por infelicidade. La version de l’Ancien Testament commença par les Psaumes imprimés en 2 volumes en 1782, elle se continua par la Genèse et les autres livres, imprimés par l’imprimerie royale à lisbonne de 1783 â 1790. La traduction complète forme 23 in-8°. Dès 1781, on réimprima les deux premiers volumes du Nouveau Testament, corrigés pour le texte et augmentés pour les notes.

Peu de temps après parut la seconde édition de la Bible entière : Eiblia Sagrada, traduzida em porluguez segundo a Vulgata latina, illuslrada com préfacées, notas eliçôes variantes. Segunda ediçào revista e retocada pelo auctor. Les 17 volumes in-8°, que comprend l’Ancien Testament, furent imprimés par l’imprimerie royale de Lisbonne de 1791 à 1803 et les 6 du Nouveau Testament par Simào Thaddeo Ferreira de 1803 à 1805.

En 1794, commença à paraître une troisième édition, en deux colonnes, contenant l’une le texte latin et l’autre la traduction portugaise, texte et notes retouchés par l’auteur. Elle est dédiée au prince du Brésil D. Joào, dont elle reproduit en tête le portrait. Le tome pre mier contient une Prefacio gérai à toda a Sagrada Siblia, de xcv pages, dans laquelle il est dit que cette édition « est incomparablement plus correcte et augmentée, de telle sorte qu’on peut dire avec raison que c’est une version nouvelle ». Outre cette Préface générale, chaque livre est précédé d’une Préface spéciale plus ou moins courte dans laquelle Figueiredo indique les traductions en langues diverses dont il s’est servi pour la version de ce livre. Cette édition, imprimée à Lisbonne, par S. Th. Ferreira et terminée en 1819, comprend sept tomes in-folio.

Une réédition delà traduction de Figueiredo, avec le texte latin, en 2 in-f°, fut publiée en 1852-1853, par la Sibliotheca Economica, soas la direction d’Eduardo de Faria, auteur d’un Dictionnaire portugais, avec ce titre : A Biblia Sagrada contendo oVelhoe Novo Testamento. Traducçào do Padre Antonio Pereira de Figueiredo. Enriquecida com varias notas pelo mesnio traductor (excepto aquellas que foram condemnadas cm Ronia) e por D. Felippe Scio de S. Miguel, Bispo de Segovia, Bossuet, etc. Ornado com gravuras. Lisboa. Typographia de José Carlos de Aguiar Vianna, 1852. Appro vada pelo Cardeal Patriarcha de Lisboa em 9 de Janeiro de 1852. Cette Bible fut critiquée lors de son apparition à cause des fautes typographiques nombreuses, de la suppression des indications chronologiques et d’une partie des préfaces et aussi de l’insuffisance des notes.

Une nouvelle édition parut en 1854, avec le texte -latin à la librairie populaire et historique de Lisbonne, sous les auspices du cardinal patriarche. Le Patriarche en autorisa la publication le 4 juin 1852, à condition qu’elle reproduirait la seconde édition, in-4°, faite à Lisbonne en 1794, par Simào Thaddeo Ferreira, avec ses préfaces et ses notes, lesquelles avaient été expurgées, et qu’elle serait revue et corrigée par un savant ecclésiastique, aidé au besoin de deux autres réviseurs. Une préface nouvelle à l’Ancien Testament et une autre au Nouveau sont l’œuvre de l’un des censeurs, P. Francisco Recreio. Elle comprend trois volumes in-folio. Le troisième contenant le Novo Testamento. Vida de Nosso Senhor Jésus Christo, paru* en 1857. La vie de Notre-Seigneur forme un supplément publié en 1858, avec ce titre spécial : Vida de Nosso Senhor Jésus Christo, redïgida pelo Reverendo Abbade Brispot, e vertida em vulgar por Luis Filippe Leite, Director da Escola Normal Primaria de Lisboa.

La traduction de Figueiredo, sans le texte latin, fut éditée au Brésil, en 1864, en 2 in-4°, à Rio de Janeiro, par la librairie 0. B. L. Garnier. Elle contient peu de notes de Figueiredo et seulement dans les livres du Pentateuque, Josué, Esther, Daniel et Amos. Plusieurs livres n’ont aucune note. Celles qui sont relatives aux prophètes et au Nouveau Testament, œuvre du chanoine Delaunay, curé de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, sont placées à la fin de la Bible, sans aucun renvoi dans le texte sacré. Cette édition, avec les notes explicatives de Delaunay, est approuvée par un mandement de l’archevêque de Bahia, alors métropolitain du Brésil, daté de 1863. — La Société biblique de Londres a publié diverses éditions de la version de Figueiredo, sans pré~ faces et sans notes, 1821, 1866, etc. La lecture en fut permise aux catholiques du Portugal par un acte du ministère du royaume, du 17 octobre 1842, reproduit dans la Revista universal Lisbonense, 1™ série, t. ii, p. 521. Francisco Recreio, un des censeurs de l’édition de la Librairie populaire de 1854, déclare à la fin de la préface que c’est « pour le bien de l’Église qu’est publiée avec le plus grand soin cette traduction, parce que la propagande protestante l’a fâcheusementintroduite dans le Portugal et les pays de sa domination, en la faisant imprimer à sa manière par ses presses impures et falsificatrices ».

Au point de vue philologique et littéraire, la traduction de la Bible par Figueiredo a justement la réputation d’une œuvre de valeur. Il avait toutes les qualités requises pour ce travail, fait sur la Vulgate latine, étant lui-même un excellent latiniste, « connu comme tel même à l’étranger, » dit Innocencio da Silva, auteur d’études historiques et théologiques en latin, ainsi que d’ouvrages classiques pour l’enseignement élémentaire, moyen et supérieur de cette langue, adoptés universellement pendant près d’un siècle au Portugal et au Brésil ; sa compétence l’avait fait nommer rédacteur pour les lettres latines de la secrétairerie d’État. Quant à sa composition en langue portugaise, voici ce qu’en dit Fr. Recreio, dans la première préface de l’édition’de la Librairie populaire : « Dans le catalogue des livres à consulter pour la continuation du Dictionnaire de la langue portugaise, publié par ordre de l’Aca demie royale des sciences de Lisbonne, figure la traduction de l’Ancien et du Nouveau Testament, édition in-8° d’Antonio Pereira de Figueiredo. Cette mention est la preuve authentique de son caractère classique. » On ne peut donner de semblables éloges aux notes que Figuei

redo a jointes lui-même à sa version. « On ne saurait nier, dit Recreio, dans la préface déjà citée, l’utilité et l'étendue de l'érudition qui fait le mérite (des notes de Figueiredo) sous le rapport critique, dogmatique et moral. À ceux qui ne sont pas d’accord avec quelquesunes de ses opinions particulières, nous répondrons par les paroles de l’Apôtre, prises dans leur sens vulgaire : Unusquisque in suo sensu abundet. » Sans contester ce jugement, nous devons observer que Figueiredo, tout en possédant une instruction variée et étant très versé dans les sciences ecclésiastiques et profanes, souffrit néanmoins de l’influence des doctrines régalistes auxquelles ne surent pas alors résister même des membres notables de l'épiscopat ; il les défendit dans les livres qu’il publia, tels que la Tentativa theologica et Y Analyse da Profisâo de Fé do santo Padre Pio IV, laquelle fut mise à l’index par décret du 26 janvier 1795, et il s’y montra tellement attaché qu’il refusa de se rétracter même à ses derniers moments, ainsi que l’affirme un de ses nsveux, dans une lettre adressée à la presse, et qu’il est rapporté par V Encyclopédie Portugueza illustrada (publication qui a commencé au xx « siècle, sous la direction de Maximiano Lemos), article sur Antonio Perdra de Figueiredo. Si l’on tient compte de ces circonstances, on comprend que ses notes aient été condamnées, quoiqu’un grand nombre d’entre elles témoignent de ses connaissances linguistiques, historiques et littéraires ; il n’y a pas d’injustice à affirmer qu’on n’y voit prédominer ni l’esprit sacerdotal, ni la piété chrétienne qui animent les commentaires d’autres versions portugaises.

De 1902 à 1904, la traduction de Figueiredo a été rééditée en Portugal sous ce titre : Biblia Sagrada contendo o Velhoe Novo Testamento. Versâo do Padre Antonio Pereira de Figueiredo. — Commentariose annotaçôes segundo os modernos trabalhos de Glaire, Knabenbauer, Lesêtre, Lestrade, Poels, Vigouroux, etc. — Pelo Rev. Santos Farinha. — Ediçào populare illustrada, approvada pelo Emmo-Cardeal Patriarcha, 3 in-8°, Lisbonne, 1902-1904. Les préfaces de Figueiredo sont remplacées par des préfaces nouvelles, les archaïsmes et les inexactitudes sont corrigés. Les corrections ne sont pas toujours heureuses. Le commentaire est presque certainement nouveau. Cette édition n’est pas accompagnée du texte latin.

2° Versionde Sarmento. — Une autre traduction portugaise de la Bible fut faite en même temps que celle de Figueiredo par Francisco de Jésus Maria Sarmento qui vécut de 1713 à 1790. Le Nouveau Testament parut d’abord sous le titre de Historia Evangelica, 8 in-8°, Lisbonne, 1777-1778. Avant le texte sacré on trouve une Goncordia Evangelica, à imitaçâo da de Joào Buisson, impressa etn Savreux no anno de 1554. L’ancien Testament parut à Lisbonne de 1778 à 1785 en 44 in-4°, sous le titre de Historia biblica. Le traducteur ne s’est pas astreint à une traduction rigoureuse, comme il le déclare dans le prologue du premier livre, et il ajoute souvent des explications au texte.

La traduction de Sarmento fut rééditée sans le texte latin à Porto. L’Ancien Testament parut sous ce titre : Historia Biblicae Doutrina Moral da Religiâo Catholica, extrahida dos Livros Santos do Anligo Testamento com fréquentes Paraphrases et Varias Notas Litterariase Reflexôes Moræs, para sua maiore mais proveitosa intelligencia : 27 in-8°, Porto, 18641867. Le Nouveau Testament dans un premier volume la Concordia Evangelica, et les suivants : VHistoria Evangelica, apostolicae doutrinal, deduzida dos Livros Santos do Novo Testamento, com fréquentes paraphrases introduzidas no Texto, sobre algumas Notas Litteræs em certos lugares maisdifficeis, tudo extrahido dos Antigos Padrese Modernos Expositores, para melhor e' mais facil intelligencia da Sagrada

Escriptura, Il in-8°, Porto, 1867-1869. Le troisième et le quatrième livre d’Esdras, également traduit par Sarmento, avec la prière de Manassé, etc., sont contenus dans un 12e volume paru en 1868.

Le bibliographe Innocencio mentionne deux versions partielles du Nouveau Testament, composées au xviii 6 siècle et restées manuscrites : Versâo das Epistolase Evangelhos, que se recitam em todo o anno. acompanhada de illustraçôes, par Joaquim José da Costa Sa († 1803), et O Evangelho de Jésus Christo segundo S. Matheus et S. Marcos, traduzidoe illustrado em largos commentarios, 3 in-4°, par Antonio Ribeiro dos Santos († 1818), donnés par l’auteur à la Bibliothèque de Lisbonne.

3° Versions du xix" et du XXe siècles. — D. Fr. Joaquim de Nossa Senhora de Nazareth, qui [fut d’abord évêque de Maranhào et puis de Coimbra et acheva sa vie à Maranhào (Brésil), en 1851, publia : O Novo Testamento de Nosso Senhor Jésus Christo, conforme a Vulgata Latina, traduzido em portuguez, e annotado segundo o sentido dos Santos Padrese Expositores Catholicos, pelo quai se esclarece a verdadeira doutrina do texto sagrado, e se refutam os erros subversivos dos novadores antigose modernos, 3 in-f°, Maranhào, 1845-1847. Version estimée et accompagnée du texte latin. Une nouvelle édition fut imprimée, sans le texte latin, ia-12, à Lisbonne, 1875, em conformidade da Versâo France.za annotada porJ.-B. Glaire.

En 1879, fut publié au Brésil une autre version : O Novo Testamento de Nosso Senhore Redemptor Jésus Christo, traduzido do original grego. Primeira ediçào brazileira, in-8°, Rio de Janeiro. Elle paraît être une retouche de la version de Ferreira de Almeida et ne contient aucune note.

En 1895, a paru à Porto une Biblia popular illustrada pelo abbade Drioux. Traducçào de Paiva Pona. Publicada com permissâo do Cardeal Bispo do Porto. Velhoe Novo Testamento, in-4°, avec gravures. Ce n’est pas proprement une version, mais un récit dans lequel le commentaire est mêlé au texte.

Le premier congrès catholique brésilien, réuni à Bahia en 1900, résolut le 9 juin la publication d’une nouvelle édition de la Bible, pour combattre la propagande protestante. Le travail fut confié aux Franciscains. Ils ont publié à Bahia, en février 1902 : O Santo Evangelho de Jésus Christo segundo S. Matheus, traduzido em Portug)iez segundo a Vulgata latina. Com annotaçôes extrahidas dos SS. Padres et de theologos eminentes, antigose modernos. Editado pelos Religiosos Franciscanos. — En avril de la même "année : O Santo Evangelho de Jésus Christo segundo S. Marcos. Une nouvelle édition de ces deux Évangiles parut en juin 1902.

En août 1903 : O Santo Evangelho segundo S. Lucas ; en décembre 1903 : U Santo Evangelho segundo S. Joào ; en mai 1904 : Os Actos dos Apostolos ; de mai 1905 à janvier 1906 ont été publiées : Epistola de S. Paulo aos Romanos ; l a et 2 a Epistola aos Corinthios. La version des Évangiles et des Actes, avec les' notes, destinées surtout à combattre les erreurs des protestants, pour une nouvelle édition, qui est sous presse, ont été revues par le P. J. Knabenbauer, S. J.

En 1903, le chanoine Duartè Leopoldoe Silva, devenu successivement depuis évêque de Corytiba et aujourd’hui de S. Paulo, publia une Concordancia dos Santos Evangelhos reunidos em um sô, in-8°, avec commentaire. Le texte des quatre Évangiles est fondu ensemble de manière à former un seul récit suivi.

Le Brésil a vu paraître en 1905 une ( traduction portugaise : Os Santos Evangelhos de N. S. Jésus Christo e os Actos dos Apostolos, Au titre général des Évangiles, on lit en plus : Traducçào portugueza segundo a Vulgata latina. Por um Padre da Missâo. Com notas

da ediçâo [ranceza dos PP. da Assumpçâo, in-4°, Rio de Janeiro. Le traducteur est le P. Pedro Maria Booz, sa version est approuvée par l’archevêque de cette ville, M" Arcoverde, aujourd’hui cardinal.

4° L’histoire des versions portugaises embrasse, comme on le voit, six siècles, et peut se partager en trois périodes, la première d’essais, la seconde de suspension, la troisième d’activité. La première va du commencement du xiv siècle au milieu du xvie ; elle ne voit paraître que des traductions partielles dont les unes ont été imprimées et les autres sont restées manuscrites. La seconde période s’étend jusqu’au milieu du xviii » siècle et correspond au temps où les erreurs protestantes qui regardent l’Écriture comme l’unique règle de foi et qui enseignent que chacun peut l’interpréter comme il l’entend, obligent les souverains Pontifes à interdire la lecture des versions en langue vulgaire à ceux qui ne sont pas autorisés à le faire par leurs supérieurs ecclésiastiques. Cette époque n’a guère vu paraître que la traduction protes 138. — Jarre archaïque, de Tell es-Safy. D’après Vincent, Canaan, p. 307.

tante de J. Ferreira de Almeida, accommodée aux erreurs dont il faisait profession. La période finale s’ouvre avec le décret de Benoît XIV, autorisant la lecture des versions en langue vulgaire approuvées par le Saint-Siège et annotées d’après les saints Pères et les savants catholiques. Les traductions se sont alors multipliées et les éditions augmentent continuellement. J. Pereira.

    1. POSIDONIUS##

POSIDONIUS (grec : LToueiSoûvioç), un des trois envoyés du général syrien Nicanor, chargés de porter à Judas Macchabée des propositions d’alliance qui furent acceptées. II Mach., xiv, 19.

POSSÉDÉS DU DÉMON. POSSESSION. Voir Démonuques, t. ii, col. 1374.

POTEAU. Voir Mat, t. iv, col. 861-862 ; Pal, ïbid., col. 1961 ; Potence.

    1. POTENCE##

POTENCE (hébreu : ’es ; Septante : ?ûXov ; Vulgate : lignum, patibulum, crux), pièce de bois servant pour la pendaison des criminels. Voir Pendaison, t. iv, col. 34. En général, l’hébreu emploie, pour désigner cet instrument, le mot’ê$, « bois », qui ne préjuge rien quant à sa forme, et peut convenir au pal, voir Pal, t. iv, col. 1961. à la croix, voir CROfx, t. ii, col. 1129, au simple poteau

ou à un agencement de plusieurs pièces de bois. Gen., xl, 22 ; Num., xxv, 4 ; Deut., xxi, 22 ; Jos., viii, 29 ; x, 27 ; Esth., ii, 23 ; vi, 4 ; vii, 10 ; ix, 13. En hébreu, attacher à la potence se dit {âlâh’al hâ-’ês, « suspendre au bois », Septante : sxpé|xa<x£, « il suspendit », Deut., xxi, 22 ; ou simplement hôqîya’, « pendre », Septante : itapix6eiYM-an<70v, « on fit un exemple », on exposa en

139. — Lamçe-canard, de Gazer. D’après Vincent, Canaan, p. 315.

exemple, Num., xxv, 4, et ê^Xidcaav, « on exposa au soleil ». II Reg., xxi, 6, 9. Une autre fois, les Septante supposent une potence en forme de croix : èstaupâdiai, « . être mis en croix », en parlant de la potence d’Aman. Esth., xvi, 18. Cette potence avait cinquante coudées, près de vingt-cinq mètres de haut. C’était donc comme un grand mît au sommet duquel fut hissé le corps du

condamné.
H. Lesêtre.

140. — Oiseau peint, à Lachis. D’après Bliss, À mound of many cities, Londres, 1894, fig. 106.

    1. POTERIE##

POTERIE, fabrication d’ustensiles et d’objets divers en terre cuite. — 1° Poterie chananéenne. L’argile se rencontrait assez communément en Palestine. Voir Argile, t. i, col. 949 ; Palestine, t. iv, col. 2013. Les plus anciens habitants du pays surent l’utiliser. Jusqu’en ces dernières années, les débris de poterie retrouvés dans le sol palestinien étaient assez rares. Depuis les fouilles de MM. Bliss et Macalister, Excava

lions in Palestine dunng the years1898-î900, Londres, 1902, part, ii, The pottery, p. 74-141, les documents céramiques sont devenus beaucoup plus nombreux.

141. — Jarre chananéenne. D’après Vincent, Canaan, pi. x, 8.

Les plus anciens spécimens chananéens sont grossiers et simplement durcis au soleil. Puis, les potiers apprennent à cuire et perfectionnent leur art. Les vases

d’animaux, comme la lampe-canard trouvée à Gœzer (fig. 139). Ensuite on décore les objets en noir sur

143. — Cruche chananéenne décorée. D’après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 44.

fond jaune, en y représentant divers ornements et surtout des animaux (fig. 140). A partir du xvi « siècle avant J.-C, l’emploi du tour

142. — Marmites ehananéennes. D’après Vincent, Canaan, pi. x, 1, 15, 16.

sont modelés à la main avec une assez grande habileté et à l’aide de silex pour aplanir les surfaces ; mais le tour n’est pas encore utilisé. Des stries et des hachures

se généralise, la technique devient plus habile et les pièces beaucoup mieux réussies. Les jarres sont pourvues d’anses (fig. 141), les marmites prennent une forme

144. — Lampe chananéenne. D’après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 47.

commencent à décorer les pièces. On ne se contente pas de fabriquer des vases à forme régulière (fig. 138), on s’essaie à faire des récipients affectant des formes

élégante (fig. 142), les cruches reçoivent une décoration pittoresque (fig. 143), les lampes reproduisent plus artistiquement les types d’animaux (fig. 144), la

peinture rouge foncé sur fond jaune ou gris et même une sorte de vernis émaillé donnent aux pièces une physionomie plus agréable. On a retrouvé à Gazer des jarres à fond pointu qui servaient à la sépulture des enfants. Parfois ces jarres se rencontrent sous un mur, sous un seuil de porte, sous une maison ; les cadavres qu’elles contiennent sont ceux des enfants qui ont été

145. — Ancienne cruche à huile phénicienne. Nécropole de Tyr. D’après Lortet, La Syrie, p. -143.

immolés selon le rite chananéen. Voir Sacrifice. — On a été tenté de reconnaître l’influence phénicienne dans la céramique chananéenne. Mais les Phéniciens n’ont jamais eu de céramique originale (fig. 145). La poterie mise au jour à Tyr, à Tell-el-Rachédiéh, en 1903, est d’imitation cypriote. Cf. Revue biblique, 1904, p. 564566. Les Phéniciens cherchaient avant tout â débiter les articles les plus capables d’exciter l’envie de leur clientèle ; les légendes gravées ou peintes par eux sur les objets n’impliquaient nullement une origine tyrienne.

146. — Cruche décorée, de style cypriote. D’après Sellin, Tell Ta’annek, Vienne, 1904, fig. 44^

Cf. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, Paris, 1888, p. 292-299 ; Maspero, L’archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 242-247.

2° Poterie israélite. — Après leur installation en Palestine les Hébreux imitèrent naturellement les procédés de la céranique chananéenne. Mais ils donnèrent des formes quelque peu originales à leurs produits, cruches décorées à la manière cypriote (fig. 146), ou à panse étroite, comme des gourdes (fig. 147). À partir de la

monarchie, l’autonomie des potiers Israélites s’accentue, tout en subissant l’influence phénicienne, à laquelle la construction et l’ornementation du Temple avaient donné grand crédit. Les produits de la Grèce arrivaient aussi sur les marchés palestiniens et contribuaient à affiner le goût des artistes israélites. Néanmoins, leurs produits ne parviennent pas à rivaliser avec ceux de la

147. — Cruche en forme de gourde. D’après Sellin, ibid., pi. v, a.

dernière période chananéenne. Presque toute la vaisselle est fabriquée au tour ; mais bien des vases domestiques sont grossièrement modelés à la main et à peine dégrossis au polissoir. Ils font des jarres larges et massives (fig. 148). Il n’y a pas de types absolument originaux ; les ouvriers imitent l’ancienne poterie indigène ou s’inspirent des modèles mycéniens ou cypriotes (fig. 149). Voir. t. ii, fig. 416, col. 1135. La décoration

148. — Jarre juive. D’après Vincent, Canaan, p. 356.

est purement linéaire ou empruntée au règne végétal. Le ton jaune ou noirâtre de la terre cuite reçoit des traits en noir ou en rouge. Les figurines de l’époque se rattachent aux productions grecques (fig. 150), quelquefois avec des types sémitiques (fig. 151). Un certain nombre de pièces portent des estampilles. Parfois, c’est un nom de potier. Souvent, ce sont des estampilles royales, caractérisées par le mot -bah et par le nom d’une localité (fig. 152). Quatre localités palestiniennes

sont nommées, Hébron, Ziph, Soccoth et Marésa. Il faudrait donc lire : « Au roi, Hébron ; au roi, Ziph, » etc. Les ateliers royaux auraient ainsi fabriqué certaines catégories de vases ; ces ateliers se trouvent précisément dans des régions où abonde l’argile apte au moulage. Les potiers d’Hébron et de Beit-Djebrin, au voisinage

noms de la plante çétaç, le Poteriutn épineux. Mais le na’àsus est le jujubier ou, Zizyphus Spina-Christi. Voir’t.’iii, col. 1861.

    1. POTHIER Rémi##

POTHIER Rémi, théologien français, né à Reims en 1727, mort dans cette ville le 23 juin 1812. Il fut suc 149. — Poterie israélite. D’après Vincent, Canaan, pi. xi.

de l’antique Marésa, approvisionnent encore aujourd’hui les marchés de Jérusalem. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 297-360. Les potiers israélites fabriquaient des récipients de toute nature, des lampes, voir

cessivement curé de Béthenville et chanoine de Laon avant la Révolution. Esprit singulier, il croyait que personne avant lui n’avait parfaitement compris le sens de l’Écriture. Il publia en 1773 le plan d’une Explica 150. — Figurines de style cypriote. D’après Vincent, Canaan, p. 356.

Lampe, t. iv, fig. 14, col. 54, des ustensiles que la rareté du bois obligeait à faire en terre cuite, comme des mangeoires d’animaux, voir Crèche, t. ii, col. 1108, des téraphim, des statuettes d’idoles. Cf. Sap., xv, 8, etc.

H. Lesêtre.

POTERIUM ÉPINEUX. Les Septante traduisent le mot hébreu na’âsus, Is., lv, 13, par <rro16ri, un des

cation de l’Apocalypse, qui fut brûlé par le bourreau par ordre du Parlement de Paris, sur la réquisition de l’avocat général Seguier. Pothier n’en fit pas moins paraître son Explication, imprimée clandestinement à Douai, 2 in-8°, 1773, et il en donna plus tard une traduction latine, 2 in-12, Augsbourg, 1797 et 1798. Il fit paraître à part un extrait intitulé Les trois dernière »

plaies, in-12, Augsbourg, 1798, dans lequel il appelle Bonaparte précurseur de l’Antéchrist. En 1802, il publia, in-8°, à Augsbourg, une explication des Psaumes en latin. Voir Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. xl,

151. — Figurines à profils de Sémites. D’après Vincent, Canaan, p. 357.

1862, col. 895 ; Michaud, Biographie universelle, nouv. <5dlt., t. xxxiv, p, 190.

    1. POTIER##

POTIER (hébreu : yô ? s r, de yâçar, « façonner » ; chaldéen : péhâr ; Septante : xspap.î-j< ;  ; Vulgate : figulus), artisan qui fait des vases et des ustensiles de terre cuite. — 1° À une époque reculée, il y eut des potiers à Nétaïra et à Gédéra, qui travaillaient pour le compte du roi. I Par., iv, 23. D’autres sont signalés auprès de

2° Pour exécuter son travail, le potier commençait par pétrir la terre avec les pieds. Is., su, .25. Puis, s il s’agissait d’un vase, il se servait de la roue (fig. 155) pour le façonner. La forme de l’instrument n’a guère

JJ>.

153. — Le dieu Phtah façonnant l’œuf du monde (peint en jaune) sur un tour à potier, dont il met la roue en mouvement avec les pieds. British Muséum. Cf. E. A. W. Budge, The Gods of the Egyptians, 2 in-4° Londres, 1904, t. i, p. 500.

varié depuis les anciens temps. Il se compose essentiellement de deux roues pleines, fixées horizontalement aux extrémités d’un axe vertical. L’appareil est agencé sur un pivot, de telle manière que la roue inférieure puisse être mise en mouvement par les pieds d’un ouvrier assis. La roue inférieure, ainsi conduite par les pieds,

152. — Estampilles royales. D’après Vincent, Canaan, p. 358.

Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnom, où Jérémie, xix, 2, mentionne une porte des Tessons ou du Potier, m’ar ha-harsùt, miXri ttjî ^apuetfi, porta fictilis, qu’il faut peut-être identifier avec la porte Sterquiline ou du Fumier. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1365. De ce même côté se trouvait le champ du potier que les Juifs achetèrent avec les deniers de Judas pour y inhumer les étrangers. Matth., xxvii, 8. Voir Haceldama, t. iii, col. 386.


entraîne dans son mouvement la roue supérieure, qui fait partie d’un même système. Les objets posés sur cette roue seront donc entraînés dans son mouvement giratoire, et, comme dans un tour à façonner le bois, auront leurs surfaces usées par les objets résistants qu’on tiendra à frottement auprès d’eux. Pourvu d’un appareil de cette nature, le potier s’assied, prend dans ses mains de l’argile suffisamment humide, lui donne

V. - 19 « ne première forme générale, accusant le relief extérieur et ménageant une cavité à l’intérieur de la masse. Puis il la pose sur la roue supérieure, maintient le vase avec une de ses mains placée à l’intérieur, met la roue

154. — Tambourin en terre cuite D’après Lortet, La Syrie, p. 336.

en mouvement, et de l’autre main, avec une pièce plate à échancrures appropriées, comprime doucement la masse d’argile, jusqu’à ce qu’elle ait été réduite à

les tours sont mis en mouvement. Cꝟ. 1. 1, fig. 22, col. 179. Il fallait au potier une certaine habileté pour réussir dans sa tâche. Parfois, pour une raison ou pour une autre, le vase se brisait avant d’être terminé. « Je descendis à la maison du potier, raconte Jérémie, xxrn, 3, 4 ; or, il faisait son ouvrage sur des roues. Le vase qu’il faisait manqua, comme il arrive à l’argile dans la main du potier, et il refit un autre vase, comme il plut au potier de le faire. » L’Ecclésiastique, xxxviii, 32, 33, décrit avec plus de détails le travail du potier :

Le potier assis à son ouvrage

Et tournant la roue avec ses pieds,

Constamment est en souci de son travail,

Et fait effort pour fournir la quantité.

Avec son bras il façonne l’argile,

Et devant ses pieds il fait tourner la masse.

Il met tout son cœur à parfaire le vernis,

Un soin vigilant à nettoyer son four.

En effet, le vase une fois séché à l’air, est mis au four pour y cuire. Le four doit être bien propre, pour que la pâte encore molle ne se déforme pas au contact d’objets étrangers. Le vernis, xptau-a, linitio, est un composé de divers oxydes, colorés ou non, qui se vitrifie par la fusion et constitue une sorte d’émail à la surface du vase. C’est dans le four que les vases du potier prennent leur forme définitive ; ils en sortent réussis ou manques. Eccli., xxvii, 6. Le potier peut faire ainsi des ouvrages de toutes sortes, à son choix. Sap., xv, 7.

3° Comme, pour créer l’homme, Dieu prit de la poussière de la terre et en forma, yàçar, son corps, Gen., ii, 7-8, les auteurs sacrés aiment à assimiler

5 6 r <f 7 ( u 8° 9

155. — Potiers égyptiens. D’après Wilkinson, Manners and Customs, 2e édit., t. ii, fig. 397, p. 192. a, e, l, p, roues sur lesquelles est placée l’argile ; 1. Ouvrier façonnant l’intérieur d’une coupe qui tourne sur la roue a. — b, c, d, g, ii, iii, ii, représentent des vases déjà faits. — 2. Autre ouvrier façonnant l’extérieur d’une coupe et se préparant à la séparer du bloc d’argile. — 3 vient de séparer la coupe k du bloc d’argile (. — 4 met sur la roue p l’argile qu’il va travailler. — 5 façonne avec les deux mains un disque d’argile. — 6 entretienne four q d’où l’on voit sortir les flammes s. — 7 fait passer à 8 les vases que celui-ci fait cuire au haut du four. — 9 emporte les vases déjà cuits. Beni-Hassan (Moyen Empire).

l’épaisseur voulue et ait pris une forme circulaire bien régulière. On obtient ainsi toutes sortes de formes (fig. 154). S’il faut ajouter des anses au vase, élargir ou rétrécir quelque partie de ses bords, on le fait pendant que l’argile est encore fraîche. Des peintures égyptiennes représentent ce travail des potiers fabriquant au tour des vases d’argile (fig. 155), sans qu’on puisse cependant se rendre compte de la manière dont

son œuvre à celle du potier. Cf. t. i, fig. 22, col, 179, le dieu égyptien Khnoum façonnant l’homme. L’homme est donc, par rapport à Dieu, ce que l’argile est par rapport au potier.

Comme l’argile est dans la main du potier,

Et qu’il en dispose selon son bon plaisir,

Ainsi tes hommes sont dans la main de celui qui les a faits,

Et il leur donne selon son jugement. Eccli., xxxiii, 13-14.

En conséquence, l’homme n’a pas plus droit de se révolter contre Dieu que l’argile contre le potier.

Folie ! Le potier sera-t-il pris pour de l’argile,

De sorte que l’œuvre dise à l’ouvrier : H ne m’a point faite !

Et le vase au potier : II n’y entend rien ! Is., xxix, 16.

Malheur à qui conteste avec celui qui l’a formé,

Vase parmi des vases de terre,

L’argile dira-t-elle à celât qui la façonne : Que fais-tu ?

Ton œuvre dira-t-elle : Il n’a pas de mains ! …

Oserez-vous m’interroger sur l’avenir,

Me commander au sujet de mes enfants

Et de l’ouvrage de mes mains !

C’est moi qui ai fait la terre,

Et qui ai créé l’homme qui est sur elle. Is, , xlv, 9, 11, 12’Après avoir montré le potier mettant sur la roue un vase qui ne se moule pas bien, et le remplaçant par un autre, Jérémie, xviii, 3-6, ajoute de la part de Dieu :

Est-ce que je ne puis pas vous faire Gomme a fait ce potier, maison d’Israël ? Ce que l’argile est dans la main du potier, Vous l’êtes dans ma main, maison d’Israël.

Saint Paul reprend la même comparaison et assimile Dieu au potier qui prend son argile et en fait ce qu’il veut, tirant de la même masse un vase d’honneur et un vase commun. Rom., ix, 20, 21. Cf. Sap., xv, 7.

4° Quand l’ouvrage du potier a passé au four, on le brise aisément, mais on ne peut pas le réparer. Les auteurs sacrés tirent de là d’autres comparaisons. Dieu mettra en pièces les nations rebelles comme le vase du potier. Ps. ii, 9 ; Apoc, ii, 27. Isaïe, xxx, 14, compare l’alliance égyptienne à un ouvrage qui tombe subitement en morceaux, comme un vase de potier. Jérémie reçoit l’ordre d’acheter une cruche de potier, de la briser hors de Jérusalem sous les yeux des anciens et de leur dire :

Ainsi parle Jéhovah des armées :

Je briserai ce peuple et cette ville,

Gomme on brise le vase du potier

Qui ne peut plus être réparé. Jer., xix, 1, 11.

Après la prise de la ville, les nobles filles de Sion, jadis estimées au poids de l’or, se plaignent d’être traitées comme de simples vases de terre, œuvre du potier. Lam., iv, 2. La statue du songe de Nabuchodonosor avait une partie des pieds en argile de potier, ce qui indiquait la fragilité de l’œuvre. Dan., ii, 41.

H. Lesêtre.

POU, insecte aptère, vivant sur le corps de l’homme et des animaux. Le pou est pourvu d’un suçoir qui lui

156. — Pou et ses œufs. Grossis de 20 diamètres.

permet de pomper le sang, après qu’à l’aide d’un aiguillon corné il a percé la peau (iîg. 156). Ses pattes sont terminées par des crochets au moyen desquels il adhère fortement aux poils ou aux cheveux. — Josèphe,

Ant. jud., 11, xiv, 3, suivi par beaucoup de commentateurs juifs, prétend que les kinnîm de la troisième plaie d’Egypte étaient des poux : « Une innombrable quantité de poux fourmillait des corps des Égyptiens, et il n’y avait ni lavages ni application de remèdes qui pût les détruire. » Les Égyptiens prenaient d’ordinaire de grandes précautions pour éviter ces insectes. Hérodote, II, 37. Mais ici Josèphe paraphrase le texte biblique. Les kinnîm ne sont pas des poux, tpôeipéç, pediculi, mais des cousins ou moustiques. Voir Cousin, t. ii, col. 1093. Les poux n’en sont pas moins une vermine qui laisse assez indifférents les Bédouins, les Arabes, les Fellahs et la plupart des Orientaux. Cf. E. Pierolti, La Palestine actuelle, in-8°, Paris, 1865, p. 122, 169. Les anciens Juifs la connaissaient. Les Talmudistes disent qu’il y a autant de péché à tuer un pou le jour du sabbat qu’à tuer un chameau. Jerus. Schabbath, ꝟ. 107. — La multiplication des poux peut engendrer une maladie qui, dans quelques cas, devient mortelle, la phliriase ou maladie pédiculaire. Antiochus Épiphane et Hérodote Agrippa moururent d’une maladie analogue. Voir Helminthiase, t. iii, col. 585. Quelques auteurs ont pensé que la maladie dont mourut Hérodte le Grand, et que mentionne Josèphe, Ant. jud., XVII, vu ; Bell, jud., i, xxxiii, 5, n’était autre que la maladie

pédiculaire.
H. Lesêtre.
    1. POUCE##

POUCE (hébreu : bohén ; Septante : axpov ; Vulgate : pollex), doigt de la main ou du pied, occupant l’extrémité intérieure du membre, et, dans la main, opposable aux autres doigts. — Des lustrations de sang doivent être faites aux pouces des mains et des pieds dans la consécration du grand-prêtre, Exod., xxix, 20 ; Lev., viii, 23, et dans la purification du lépreux, pour lequel des lustrations d’huile sontajoutées aux premières. Lev., xvi, 14, 17, 25, 28. Sur la signification de ces rites, voir Lustration, t. iv, col. 427, 428. — Le roi chinanéen Adonibésec, qui avait fait couper les pouces des mains et des pieds à soixante-dix rois, subit à son tour la même mutilation, après sa défaite par les hommes de

la tribu de Juda. Jud., i, 6, 7.
H. Lesêtre.
    1. POULE##

POULE (Grec : opviç ; Vulgate : gallina), oiseau de l’ordre des gallinacés (fig. 157) et femelle du coq, dont elle difière par une taille plus petite, une queue plus courte et un plumage moins éclatant. Voir Coq, t. ii, col. 951. Les poules pondent d’ordinaire un œuf par jour, sauf à l’époque de la mue. Quand elles en ont pondu une vingtaine, elles manifestent le besoin de couver. Les petits sortent de leur coquille au bout de vingt et un jours d’incubation. La poule remplit avec grande sollicitude et grand dévouement ses devoirs maternels. Elle suit ses poussins, les rappelle quand ils s’écartent, veille à leur nourriture avant de penser à la sienne, les réunit sous ses ailes pour les réchauffer et les protéger, et les défend résolument même contre les oiseaux de proie. — Les poules ne paraissent pas avoir été connues des anciens Israélites. Il n’en est jamais question expressément dans l’Ancien Testament, et les volailles engraissées qu’on servait à la table de Salomon, III Reg., ’iv, 23, pouvaient comprendre toute espèce d’autres oiseaux. Voir Barburim, t. i, col. 1458. On ne sait pas à quelle époque les poules furent introduites en Syrie. Elles ne sont jamais représentées sur les monuments égyptiens. Dans l’Inde, on les trouve à l’état domestique dès les plus anciens temps. De là elles ont passé, par l’intermédiaire de la Perse, en Palestine, puis en Grèce. Il est peu probable que leur introduction soit due à Salomon ; car les paons et les singes sont seuls mentionnés parmi les animaux que ses navigateurs lui rapportèrent d’Ophir. III Reg., x, 22. Cette introduction doit cependant être voisine du retour de la captivité, car déjà Pindare (520-450 avant

J.-C), Olynip., xii, 20, fait mention du coq. — Quoi qu’on ait dit sur la défense qui aurait été faite aux Juifs d’élever des coqs ou des poules (voir t. ii, col. 953), ils ne font pas difficulté d’en nourrir en grande quantité même dans leurs maisons de Jérusalem, où il les laissent percher pendant la nuit. Les poulets et les œufs entrent pour beaucoup dans leur alimentation, surtout pour les personnes que les infirmités ou l’âge ont rendues plus délicates. Cf. Tristram, The natural Hiitory of the Bible, Londres, 1889, p, 221-223. — Il en était à peu près ainsi déjà à l’époque de Notre-Seigneur. De là cette comparaison que le divin Maître emprunte à la poule qui rassemble ses poussins sous ses ailes. Matth., xxiii, 37. Il a voulu faire de même pour les fils de Jérusalem, mais ceux-ci n’y ont pas consenti. La Vulgate traduit.avec raison par gallina,

1E>7. — La poule. « poule, » le mot grec ô’pvn, qui veut habituellement dire « oiseau », en général, mais qui désigne aussi la poule en particulier. Cf. Eschyle, Eumen., 866 ; Xénophon, Anab., iv, 5, 25 ; Théocrite, xxiv, 63, etc.

H. Lesêtre.
    1. POUPE##

POUPE (grec : irpù^w, ; Vulgate : puppis), arrière d’un navire. Voir Navire, t. iv, col. 1513. Au moment où une tempête s’éleva sur le lac de Tibériade, Notre-Seigneur dormait, appuyé sur un coussin, à la poupe d’une barque. Marc, iv, 38. C’est à la poupe qu’on faisait asseoir les passagers d’une embarcation ; ils y étaient plus à l’aise et y gênaient moins la manœuvre des rames ou des voiles. Voir Proue.

H. Lesêtre.

POURCEAU. Voir Porc, col. 543,

    1. POURPIER DE MER##

POURPIER DE MER, nom vulgaire de Varroche halime, plante vivace que nombre d’auteurs identifient au mallûath de Job, xxx, 4. Voir Arroche halime, t. i, col. 1032.

    1. POURPRE##

POURPRE (hébreu : ’argâmân ; assyrien : arga~ mannu ; chaldéen : ’ârigvdn ; Septante : rcopçiipa ; Vulgate : purpura), matière colorante extraite d’un mollusque et étoffe teinte avec cette couleur. L’étymologie du mot’ârgdman n’est point certaine. Il est assez probable cependant qu’elle doit être tirée du sanscrit, dans lequel on trouve les mots râga ; « couleur rouge, » ràgamanetrâgavan, « coloré en rouge. » Cf. Gesenius, Thésaurus, Addenda, p. 111.

I. L’a pourpre dans l’antiquité. — 1° La pourpre.est une matière colorante que les anciens extrayaient de

plusieurs mollusques, connus sous le nom de murex ou « rocher ». Ces mollusques sont gastéropodes et pectinibrancb.es, à coquille ovale ou oblongue, pourvue antérieurement d’un canal respiratoire, et dont chaque spire présente des bourrelets saillants en rangées longitudinales et irrégulières. Ces bourrelets sont les restes des anciennes bouches de l’animal. Le murex trunculus ou rocher fascié (Hg. 158) fournissait la pourpre améthyste ou violette, dite de Tarente. Du murexbrandaris ou rocher droite-épine (fig. 159), on tirait la pourpre roùge foncé, dite pourpre de Tyr. On imitait cette dernière à l’aide de certaines coquilles univalves

158. — Murex trunculus.

ou buccins, le purpura hœmastoma (fig. 160), le purpura lapillus, le janthina, etc. La matière colorante du murex se trouve dans une poche située à la partie supérieure du corps, entre la tête et le foie. Incolore dans l’animal, elle passe par diverses nuances, quand elle est exposée à l’air et à la lumière, et part du vert pour se fixer à la couleur pourpre. Le produit du murex trunculus se compose de deux radicaux, une substance azurée analogue au bleu d’indigo, l’oxyde cyanique, et une substance d’un rouge ardent, l’oxyde purpurique. Le murex brandaris ne contient qu’un seul radical, l’oxyde lyrien. Cf. Grimaud de Caux, Sur la pourpre des anciens, dans la Revue de zoologie, 1856, p. 34, et Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la pour~ pre, dans les Annales des sciences naturelles, 1859, t. xii, p. 1-92. — 2° Les coquilles à pourpre se trouvent

159, — Murex brandaris.

en grande quantité sur les bords de la Méditerranée. Les anciens les recueillaient sur les côtes de Phénicie, Strabon, xvi, -757 ; sur celles du Péloponèse, Pausanias, m, 21, 6 ; sur celles du nord de l’Afrique, Strabon, xvii, 834, etc. Vitruve, De architect., vii, 12, remarque que la pourpre recueillie au nord de la Méditerranée était plus sombre, qu’elle passait au violet dans les régions moyennes, pour arriver au rouge sur les côtes méridionales. La nature du mollusque employé était aussi pour beaucoup dans ces colorations. Pouf extraire la matière colorante, on ouvrait la coquille sur les premiers tours de spire, soitfd’un coup de hachette, soit à l’aide d’une meule qui. l’usait par le frottement. Les Phéniciens se livraient en grand à l’exploitation de

la pourpre. Au dessus du port de Sidon, on rencontre des amoncellements de murex ouverts artificiellement, sur plusieurs mètres d'épaisseur et quelques centaines de mètres de largeur. Le long de l’isthme de Tyr, on constate des dépôts analogues (Hg. 161). À Pompéi, on a trouvé de semblables amas, indiquant l’existence d’anciens ateliers de teinture. Pour préparer la teinture, après avoir ouvert le sommet de la coquille, « on recueillait avec soin le suc un peu jaunâtre qui suintait de la blessure, on le laissait macérer trois jours avec du sel, on faisait bouillir dans des vases de plomb et l’on réduisait à feu doux ; on filtrait la liqueur au tamis, pour la débarrasser des résidus de chair qui y baignaient, et l’on trempait l'étoffe. La nuance la plus fréquente était lin sang frais poussant au noir par réflexion ; mais des manipulations graduées permettaient d’obtenir des tons rouges, violet sombre, améthyste. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, t. ii, 1897, p. 203, 204. Cf. Aristote, Hist. anim., v, 13 ; Pline, H. N., ix, 36, 37. Aujourd’hui, « les gamins de Tyr savent encore parfaitement bien teindre des chiffons de laine en fixant la couleur sécrétée par le mollusque avec un peu de carbonate de soude et du jus de citron employés comme mordants. Ces guenilles colorées en rouge violacé leur servent de drapeaux lorsqu’ils jouent au soldat comme les enfants de nos

160. — Murex hœmastoma.

pays. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 127. — 3° « La pourpre était considérée comme la plus précieuse des teintures, à cause de son éclat et de sa durée. Un des plus grands avantages de cette couleur est, en effet, de résister indéfiniment à l’influence de la lumière, qui, au lieu de détruire ou affaiblir les principes colorants, en augmente au contraire l'éclat. Elle présente de plus à un très haut degré ces reflets chatoyants et changeants si appréciés des anciens. » Lortet, ibid., p. 202. Le prix de revient de la pourpre était fort élevé, à raison de la faible quantité de matière colorante que contient chaque murex, du grand nombre de mollusques qu’il fallait recueillir et de la manipulation qu’il fallait faire subir au produit. D’après les estimations de Pline, H. N., ix, 36, 61, le poids des mollusques employés représentait plus de six fois celui de la laine à teindre. À Rome, la laine teinte en pourpre se vendait au poids de l’argent, et la laine deux fois teinte, en écarlate puis en pourpre, ou dibapha, Pline, H. N., ii, 39, 63 ; xxi, 8, 22, valait dix fois plus, soit 2300 francs le kilogramme. Cf. Guignet, Les couleurs, Paris, 1889, p. 139. — i° Le haut prix de la pourpre n’en rendait l’acquisition possible qu'à des personnages très riches. Cf. Hérodote, îx, 22. Elle était l’emblème de la royauté et plus tard de la puissance impériale. Cf. Udyss., xix, 225 ; Lucain, Pharsal., vii, 228 ; Eutrope, Breviar., îx, 8 ; Ammien Marcellin, xxi, 9 ; Cod. Theod., VI, xxiv, 3. Cod. Justin., ii, 8 ; vi, 12, etc. A Byzance, on appelait itopcpupoYévvTv™ ; , « né dans la pourpre », le fils du prince. Des ordonnances impériales restreignirent l’usage de la pourpre à certains dignitaires. Cf. Suétone, Cses., 43 ; Ner., 32 ; Philostrate, Beroic, xix, 15 ; Cod. theod., IV, XL. Les Phéniciens restèrent toujours les principaux fabricants et les fournisseurs des teintures de pourpre. Cf. Virgile, Georg, , m, 307 ; Tibulle, ii, 3, 58 ; 4, 28 ; Ovide, Ars amat., m t 170. Cependant les Lydiens parvinrent à leur faire une concurrence appréciée. Cf. Élien, Nat. animal., IV, 46 ; Valer. Flaccus, Argonaut., iv, 369, etc. On cherchait naturellement à imiter la pourpre. Ctésias, lndic, 21, dit que dans l’Inde ou se servait d’une fleur couleur de pourpre pour obtenir un produit de même qualité que ceux de Grèce et encore plus brillant. La fabrication de la pourpre au moyen du murex est délaissée depuis longtemps. Grâce aux progrès de la chimie, on obtient beaucoup mieux et surtout à meilleur marché. Cf. A. Schmidt, Ueber die Purpurfârberei und den Purpurhandel im Altertum, Berlin, 1842 ; Von Martens, Purpur und Perlen, Berlin, 1874.

II, La pourpre dans la Sainte Écriture. — 1° Moïse reçut l’ordre de recevoir des Israélites, au désert, la pourpre nécessaire à la confection des objets du culte. Exod., xxv, 4. On lui en apporta en effet, Exod., xxxv, 6, 23, 25, 35, ce qui suppose que le fil de pourpre était

161. — Conglomérat de débris de murex truncuîus trouvés à Tyr. — D’après W. R. Wilde, Narrative of a voyage to Madeira, Teneriffe, along the shores of the Mediterranean, 2 in-8°, Dublin, 1840, t. ii, p. 482.

assez commun en Egypte et que les Israélites en avaient emporté en quittant ce pays. Les fils de pourpre furent employés à confectionner les tentures du Tabernacle, le voile du Saint des Saints, Exod., xxvi, 1, 31, 36, les tentures de la porte du parvis, Exod., xxvii, 16, l'éphod, la ceinture, le pectoral, les grenades de la robe du grand-prêtre. Exod., xxviii, 5, 6, 8, 15, 33 ; xxxvi, 8, 35, 37 ; xxxviii, 18, 23 ; xxxix, 1, 2, 8, 22, 28. Dans la confection de ces travaux entrent trois éléments : le rakêlél, hyacinthe ou pourpre bleue-violette, tirée, d’après le Talmud, du hilzôn, mollusque à pourpre, voir Couleurs, t. ii, col. 1066 ; Y’argdmàn, ou pourpre rouge, et le tôld' ou cramoisi. Voir Cochenille, t. ii, col. 818 ; Eccli., xlv, 12. — Quand Salomon voulut bâtir le Temple, il demanda à Hiram un ouvrier habile à teindre en pourpre. II Par., ii, 7, 14. Pour fabriquer le voile du Temple, on employa le byssus, le bleu, le pourpre et le. cramoisi, II Par., iii, 14, c’est-à-dire qu'à l'étoffe de bûs, voir Lin, t. iv, col. 264, furent joints des fils de laine bleue, pourpre et cramoisie. — Dans toute l’antiquité, l'étoffe de pourpre fut considérée comme la plus riche et la plus magnifique de toutes. Aussi on en revêtait les statues des dieux. Jer., x, 9 ; Bar., vi, 71. On disait que l’Héraclès phénicien avait offert à Astarté la première tunique teinte avec la pourpre tyrienne. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 127. La statue de Jupiter Capitolin, à Rome, celle des Dioscures, à Sparte et à Messine, portaient des manteaux de pourpre

précieuse. Le vêtement de pourpre éveillant ainsi la double idée de royauté et de divinité, il convenait que la pourpre fût employée dans le culte de Jéhovah, pour marquer sa divinité unique et sa suprême royauté. Cf. Bâhr, Symbolikdes mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 330-332.

2° La pourpre est signalée dans les dépouilles du roi de Madian, dont s’empara Gédéon, Jud., viii, 26 ; dans le siège de la litière de Salomon, Cant., iii, 10 ; dans le conopée d’Holopherne, Judith., x, 19 ; dans les vêtements de la femme forte, qui ordonne si bien sa riche maison, Prov., xxxi, 20 ; dans la parure de Daniel, après qu’il a expliqué le songe de Baltassar, Dan., v, 7, 16, 29 ; dans celle dont est revêtu Mardochée pour son triomphe, Esth., viii, 15 ; dans les vêtements du mauvais riche à Jérusalem. Luc, xvi, 19. À l’époque des Machabées, les royautés orientales attachaient grande importance au port de la pourpre. Quand Judas pilla le camp des Syriens, il y trouva beaucoup de pourpre. I Mach., îv, 23. Par contre, l’auteur sacré remarque qu’à Rome, à cette époque, personne ne prenait la pourpre pour se faire roi. I Mach., viii, 14. Antiochus Épiphane ôta le droit de pourpre à Andronique, le meurtrier du grand-prêtre Onias. II Mach., iv, 38. Alexandre Bala l’accorda à Jonathas, et le revêtit lui-même à Ptolémaïde, I Mach., x, 20, 62, 64 ; Antiochus VI lui confirma ce droit. 1 Mach., xi, 58. Après lui, le grand-prêtre Simon eut seul, parmi les Juifs, le droit de se revêtir de pourpre. I Mach., xiv, 43, 44.

3° Ézéchiel, xxvii, 7, 16, dit que les Tyriens faisaient venir la pourpre des îles d’Élisa, c’est-à-dire de Laconie dans le Péloponèse, voir Élisa, t. ii, col. 1686-1688 ; il ajoute qu’ils en échangeaient contre les marchandises des Syriens. — À l’époque de^aint Paul, une fervente et généreuse chrétienne, Lydie, était marchande de pourpre, jtop9upo7rwÀi{, purpuraria, à Thyalire. Act., xvi, 14.

4° D’après saint Marc, xv, 17, Notre-Seigneur fut revêtu de pourpre par les soldats du prétoire. Saint Matthieu, xxvii, 28, dit que ce fut d’un manteau cramoisi, xXet|jLtc xoxxi’vr]. Il y avait donc équivalence entre les deux couleurs, et, quand on parlait de pourpre sans autre explication, il s’agissait de pourpre rouge.

5° Les cheveux de l’Épouse sont comparés à la pourpre. Cant., vii, 5. La comparaison porte moins sur la couleur que sur le brillant, la splendeur et les tons chatoyants de la pourpre. Les poètes appellent « cheveux de pourpre » ceux qui sont d’un brillant brun-noirâtre. Cf. Virgile, Georg.. i, 405 ; Tibulle, I, iv, 63.

6° Enfin saint Jean représente Babylone comme une reine vêtue de pourpre et faisant le commerce de la pourpre. Apoc, xvii, 4 ; xviii, 12, 16.

H. Lesètbe.

    1. POURRITURE##

POURRITURE (hébreu : maq, ràqâb, sahânâh, sâlia{, tam’âh ; Septante : 81aç80pâ, qpôopà, « janpi’a ; Vulgate : putredo, corruptio), résultat de la décomposition des corps organiques. — 1° Job, xvii, 14, en proie à sa terrible maladie, en vient à dire à la pourriture : « Tu es mon père ». Isaïe, iii, 24, annonce aux filles de Sion que la pourriture remplacera pour elles l’odeur des parfums. Joël, ii, 20, prédit que l’infection de la pourriture s’élèvera dans le camp des Assyriens. Dieu l’a fait déjà monter dans le camp des Israélites. Am., iv, 10. — 2° La pourriture est surtout la caractéristique du tombeau. Dieu ne permettra pas que son bien-aimé, son Messie, voie la corruption. Ps. xvi (xv), 10 ; Act., ii, 27 ; xiii, 35. Par la mort, le corps de l’homme tombe en pourriture, mais pour ressusciter ensuite : « Semé dans la corruption, le corps ressuscite incorruptible ; semé dans l’ignominie, il ressuscite glorieux. » I Cor., xv, 42, 43. Il est comme une semence qui d’abord pourrit en terre avant de revivre.

— 3° La pourriture ou carie des os représente, dans les comparaisons, la femme acariâtre, Prov., xii, 4 ; l’en vie, Prov., xiv, 30 ; la crainte des ennemis, Hab., iii, 16. Le pécheur repentant, en proie au remords, dit que l’infection et la purulence ont envahi ses meurtrissures, marquant ainsi combien est malheureux et répugnant l’état de son âme, Ps. xxxviii (xxxvii), 6. La racine des méchants est semblable à la pourriture, Is., v, 24, elle ne peut rien produire de bon. Leur nom aussi tombe en pourriture. Prov., x, 7. Les riches impies succomberont un jour à la pourriture d’une cruelle destruction, Mich., ii, 10 ; leurs richesses sont pourries. Jacob., v, 2. Celui qui sème dans la chair en moissonnera la corruption, Gal., vi, 8, c’est-à-dire que celui qui vit au gré des convoitises mauvaises de sa nature n’en recueillera que péché et misère. Dieu est comme la pourriture pour la maison de Juda, Ose., v, 12, il l’attaque et la consume lentement dans sa justice, afin de lui ménager le temps de la pénitence.

H. Lesêtre.
    1. POUSSIÈRE##

POUSSIÈRE (hébreu : ’àfâr, et une ou deux fois seulement : ’àbâq, ’âbâqàh, dahkâ’, daq, Salfaq, neko’( ; Septante : a|i^.oç, yrj, xoviopTÔs, xovz ; Vulgate : pulvis), éléments solides réduits en particules très ténues.

I. Au sens propre. — 1° Dans son corps, l’homme a été tiré de la poussière et il retournera en poussière. Gen., iii, 19 ; Job, x, 9 ; Ps. xc (lxxxix), 3 ; cm (en), 14 ; Eccle., xii, 7. Il en est de même des animaux. Ps. civ (cm), 29. — 2° La poussière du sol s’élève sous les pieds des chevaux, Ezech., xxvi, 10 ; elle couvre les statues des faux dieux. Bar., vi, 12, 16. Dans la poussière, un arbre meurt, Job, xiv, 8 ; mais la pluie fait de la poussière une masse consistante. Job, xxxviii, 38. La poussière joue un grand rôle dans les plaies d’Egypte. D’elle sortent les moustiques de la troisième plaie, Exod., vin, 16, 17, et les pustules de la sixième. Exod., ix, 9. Mise en mouvement par le khamsin de la neuvième plaie, elle empêche la lumière d’éclairer le pays pendant trois jours. Exod., x, 21-23. Voir Ourà.gah, t. iv, col. 1931. — 3° La loi sur l’épreuve de la femme accusée d’infidélité l’obligeait à boire une eau dans laquelle le prêtre avait mis de la poussière prise sur le sol du sanctuaire. Num., v, 17, 24. C’était une manière de marquer que le sanctuaire lui-même devait prendre parti contre la femme, si elle était vraiment coupable. Les Assyriens avaient un rite analogue. Ils versaient dans de l’eau du fleuve de la poussière du sanctuaire du dieu et d’autres poussières ramassées à différentes portes, et ils se servaient de ce mélange, non pour le faire boire, mais pour arroser la porte de la maison que l’on voulait sans doute préserver. Cf. Fr. Martin, Textes religieux et babyloniens, I™ série, Paris, 1903, p. 243-245. — 4° La poussière résulte de l’écrasement ou de la décomposition de certains solides. Ainsi le veau d’or est réduit en poussière. Exod., xxxii, 20 ; Deut., ix, 21. Voir Or, col. 1840, Quand les murs sont atteints de lèpre, on les racle et l’on jette la poussière au loin. Lev., xiv, 41. Voir Lèpre, t. iv, col. 186. Josias fit enlever du Temple tous les objets idolâtriques et réduire en poussière les idoles ; puis il ordonna de porter cette poussière à Béthel, centre idolâtrique, et sur les tombes du peuple. IV Reg., xxiii, 4, 6, 15. — 5° En signe de deuil, on se jetait de la poussière sur la tête. Jos., vii, 6 ; I Reg., iv, 12 ; Job, ii, 12 ; Etech., xxvii, 30 ; Am., ii, 7 ; Apoc, xviii, 19. Le prophète Michée, i, 10, annonçant le châtiment de Juda, joue sur le nom de la ville de Beth-Aphra, « maison de poussière », et dit d’elle : « À Beth-Aphra, je me roule dans la poussière, » c’est-à-dire je suis au comble de la désolation. Voir Aphra, t. i, col. 735. Cf. Jer., xxv, 34. En.Egypte, une des marques les plus fréquentes de douleur consistait à se barbouiller le visage de poussière et de boue (fig.162). Cf. Wilkinson, Manners and Customs, 2e édit., t. iii, pi. lxvh ; Maspero, Les contes populaires de l’Egypte ancienne, 3e édit., p. 10. Les Hébreux employaient dans l’expression de leur deuil la

cendre et la poussière. Voir Cendre, t. ii, col. 407. La poussière implique l’idée de fragilité et surtout celle de mort. Elle convenait donc bien à l’expression d’un chagrin qui entamait la vie. Aux funérailles, chez les Arabes, « les femmes crient de toutes leurs forces, s’égratignent les bras, les mains et le visage, arrachant leurs cheveux, et se prosternant de temps en temps, comme si elles étaient pâmées de douleur ; elles prennent des poignées de terre ou de sable, et le jettent sur leur tête et sur leur visage. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. — 5° Pour marquer la colère et l’indignation, on lançait de la poussière en l’air. C’est ce que fait Séméï, en accompagnant David de ses imprécations. II Reg., xvi, 13. À Jérusalem, les Juifs, en fureur contre Paul, lançaient de la poussière en l’air. Act., xxii, 23. Cette expression de l’indignation parait être instinctive en Orient. Un fellah ayant été battu sur l’ordre d’un effendi, jusqu’à ce qu’il eût perdu connaissance, « il y eut une grande lamentation. Le malheureux fut apporté tout près de ma maison, au

rv, 10 ; Job, xvi, 18 ; Is., xxvi, 21. — 3° Secouer la poussière de ses pieds sur quelqu’un ou sur un pays, c’est marquer qu’on regarde comme maudite la poussière de ce pays, qu’on ne veut rien emporter d’un pareil endroit, et qu’on cesse tout rapport avec des hommes qui n’ont su ni comprendre ni remplir leur devoir. Cette expression ne se lit que dans le Nouveau Testament. Matth., x, 14 ; Marc, vi, 11 ; Luc, îx, 5 ; x, 11 ; Act., xiii, 51. « Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir un Égyptien, un Syrien, à la suite d’une discussion, ou au sortir d’une maison où il a été mal reçu, quitter ses babouches etles battre deux ou trois fois, semelle contre semelle, en face de son adversaire. Cela veut dire : Je ne veux plus avoir affaire avec toi. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 257.

— 4° À raison de la sentence originelle, Gen., iii, 19, la poussière éveille naturellement l’idée du tombeau. Aussi est-elle prise parfois pour la mort elle-même. Job, vii, 11 ; xx, 11 ; xxi, 26 ; xl, 8 (13) ; Ps. vii, ~6 ; Is., xxvi, 19 ; Dan., xii, 2. La poussière du tombeau, c’est-à-dire la mort ne chante pas la louange de Dieu. Ps. xxx

d62. — Égyptiennes répandant de la poussière sur leur tête en signe de deuil. D’après Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, 1e édit., t. i, p. 167.

milieu d’une foule de femmes qui hurlaient comme des possédées ; la sienne surtout criait et se frappait la tête et jetait de la poussière en l’air, moremajorum, comme vous pouvez le voir dans les tombes. » Lady Gordon, Lettres d’Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 273.

II. Au sens figuré. — 1° La poussière du sol est l’image de ce qui est petit, faible, méprisable. Abraham parle au Seigneur, bien qu’étant poussière et cendre. Gen., xviii, 27. Dieu tire le pauvre de la poussière, c’est-à-dire de l’abaissement. I Reg., ii, 8 ; III Reg., xvi, 2. Les nations ne sont devant lui que poussière. Is., xl, 15. Il réduit en poussière ou renverse dans la poussière, c’est-à-dire humilie, abaisse et ruine, Moab, Is-, xxv, 12 ; xxvi, 5 ; Babylone, Is., xlvii, 1 ; Tyr, Ezech., xxvi, 4, 12 ; les ennemis. Is., xxix, 5. Il fait voler en poussière l’épée des puissants. Is., xli, 2. Dans l’épreuve, on est affaissé jusqu’à la poussière. Ps. xliv (xliii), 25. Jérusalem régénérée secoue sa poussière. Is., iii, 2. Après la captivité, les Juifs sauront tirer de leur poussière les pierres de leurs murs. II Esd., iv, 2. — 2° Mettre sa bouche dans la poussière, c’est se prosterner très humblement. Lam., iii, 29. Voir t. i, col. 541. Lécher la poussière des pieds de quelqu’un, c’est lui marquer sa complète soumission. Ps. lxxi (lxxii), 9 ; Is., xlix, 23. Ezéchiel, xxiv, 7, accusant Jérusalem de ses crimes, dit qu’elle a versé le sang sur la roche nue, et non sur la terre pour le recouvrir de poussière. Le prophète veut signifier que les crimes de Jérusalem ont été commis impudemment, au grand jour, et que tes traces en sont visibles. Cf. Gen.,

(xxix), 10. Le supplicié attaché à la croix est réduit à la poussière de mort, c’est-à-dire dévoré, après la perte de son sang, par une fièvre brûlante qui le dessèche comme une poussière et le conduit à la mort. Ps. xxii (xxi), 16. — 5° Les nuages sont comme la poussière des pieds de Dieu. Nah., i, 3. À Israël infidèle, la poussière, c’est-à-dire la sécheresse, sera envoyée au lieu de pluie. Deut., xxviii, 24.

III. Comparaisons tirées de la poussière. — 1° La poussière se compose d’une multitude innombrable de particules. La race d’Abraham deviendra aussi nombreuseque la poussière. Gen., xiii, 16 ; xxviii, 14 ; Num., xxiii, 10 ; II Par., i, 9. À la voix de Dieu, les cailles tombèrent comme la poussière dans le camp des Israélites. Ps. lxxviii (lxxvii), 27. Dans un sens analogue, Benadad, pour donner l’idée du grand nombre de ses soldats, prétend que la poussière de Samarie ne suffirait pas à remplir le creux de toutes leurs mains. III Reg., xx, 10. — 2° La poussière est le résultat d’un broiement d’éléments solides. Les ennemis sont broyés comme la poussière. II Reg., xxii, 43. — 3° La poussière légère est emportée par le vent. Les nations ennemies, Is., xvii, 13, les armées vaincues, IV Reg., xiii, 17, la fleur des méchants, « ’est-à-dire leur prospérité, les méchants eux-mêmes sont emportés par le vent comme la poussière. Ps. xviii (xvii), 43 ; xxxv (xxxiv), 5 ; Is., : xxix, 5. — 4° Le serpent rampe à terreet semble lécher et manger la poussière. Gen., iii, 14 ; Is., lxv, 25. En face d’Israël régénéré, les nations lécheront la poussière comme le serpent, c’est-à-dire se feront humbles et soumises. Mich., vii, 17. — Sur la poussière aromatique, Exod., xxx, 36 ; Cant., iii, 6, voir Parfum, t. iv, col. 2163.

POUSSINES Pierre, érudit français né le 28 octobre 1609, à Laurac (Aude), novice de la Compagnie de Jésus le 7 juillet 1624, fut, 19 ans durant, chargé du cours d’Écriture Sainte et d’hébreu au Collège romain. Revenu à Toulouse en 1682, il y mourut 4 ans plus tard, le 2 février 1686. Sa vaste et sûre érudition ne se porta pas seulement sur les Pères grecs, elle s’exerça sur l’Écriture Sainte et nous a valu notamment deux ouvrages fort importants. C’est d’abord Catena Græcorum Patrum in Evangelium secundum Marcum, in-f°, Rome, 1673. Cette œuvre est suivie de commentaires sur des passages spéciaux des quatre Évangiles ; de collations du texte grec de tous les livres du Nouveau Testament avec 22 manuscrits ; d’observations sur divers endroits du Nouveau Testament. Son second ouvrage, plus remarquable, est Apocalypsis enarrationes, in-4°, Toulouse, 1685. On doit signaler encore deux Dissertations sur l’Assuérus d’Esther, le Darius de Daniel et le Zacharie de Barachie, deux autres Dissertations sur les prophéties concernant Notre-Seigneur, enfin une étude De adventu Christi nonnisi post prævisum Adami lapsum decreto.

P. Bliard.


POUTRE (hébreu : kruṭôṭ, meḥabbrôṭ, šêl’ôṭ, šequfîm, qôrâh ; Septante : δοκός ; Vulgate : trabes), pièce de bois, longue et forte, employée dans les constructions. — Il est question de poutres à propos de la construction des parvis du Temple, III Reg., vi, 36 ; vii, 12, du Temple lui-même, sous Salomon, II Par., ni, 7, et sous Josias, II Par., xxxiv, 11 ; des palais et autres édifices de Salomon, III Reg., vi, 15, 16 ; vii, 3, 4, et de maisons riches, Cant., i, 16, ou communes. IV Reg., vi, 2, 5. Les termes hébreux, presque tous au pluriel, indiquent probablement des variétés de poutres, différentes quant à la forme ou quant à l’usage, poutres proprement dites, poutrelles, fermes, solives, montants, colonnes, poteaux, etc. — Baruch, vi, 13, 54, dit que les idoles sont dans leurs temples comme des poutres et qu’elles y brûleront comme ces dernières. — Notre-Seigneur compare à une poutre dans l’œil les défauts de celui qui, oublieux ou inconscient de ses torts graves, ne songe qu’à remarquer les travers beaucoup moindres du prochain. Matth., vii, 3-5 ; Luc., vi, 41, 42. La poutre dans l’œil est une hyperbole orientale de même ordre que le chameau dans le trou d’une aiguille, Matth., xix, 24, le chameau avalé. Matth., xxiii, 24, etc. La comparaison se retrouve dans la Mischna, Arackin, 16 b, à propos des réprimandes qu’on refuse d’accepter : « À qui dirait à son prochain : Ôte la paille qui est dans ton œil, on ne manquerait pas de répondre : Ôte la poutre qui est dans le tien. »


POUZZOLES (grec : Ποτίολοι ; Vulgate : Puteoli), aujourd’hui Pozzuoli, port autrefois célèbre, situé vers l’extrémité septentrionale du golfe de Naples, ou du Sinus Puteolanus, comme on disait alors, à l’ouest et à 10 kilomètres de l’ancienne « Néapolis », entre le cap du Pausilippe et le cap Misène.


163. — Port de Pouzzoles ; ruines de l’ancien môle.


L’origine de son nom est douteuse. On l’a rattaché tantôt aux exhalaisons putrides des sources sulfureuses de la région, putere ; tantôt directement à ces puits sulfureux, putei. Saint Paul y arriva de Malte en peu de jours, poussé par un vent favorable. Act., xxviii, 13. Puteoli était le grand port commercial de l’Italie. Pline, H. N., xxxvi, 14, rapporte que les marchands de soixante-dix nations diverses s’y rencontraient, occupés à y entreposer pour Rome les produits de tout l’univers, spécialement le blé d’Égypte. Voir aussi Suétone, August., 98, et Titus 5 ; Silius Italicus, Silv., iii, 2. Cicéron, comme saint Paul, y aborda en venant de Sicile. Cf. Pro Plane, 26. L’historien juif Josèphe y vint également à la suite d’un naufrage, Vita, 3. On nommait Pouzzoles « la petite Délos », parce que cette île de la mer Égée avait été elle-même le grand marché de l’univers. Il existe encore des restes de l’ancien môle sur lequel saint Paul dut débarquer (fig. 163). Fondée par les Ioniens, Pouzzoles portait primitivement, lorsque toute la rive cam-

panienne était beaucoup plus grecque que latine, le nom de Dikéarkhia, que lui donne encore Josèphe, Ant. jud., XVII, xii, 1. C’est pendant la seconde guerre punique qu’elle fut occupée par les Romains.

En sa qualité de port marchand fréquenté du monde entier, Pouzzoles ne pouvait manquer de posséder une colonie de juifs, cf. Josèphe, l. c, et aussi d’entendre de très bonne heure la prédication chrétienne. Voir Ramsay, St. Paul the Traveller, 5e édit., in-8°, Londres, 1900, p. 346. C’est probablement parmi ces habitants israélites que germèrent les premières semences de la foi en Jésus-Christ. Paul, en y débarquant, y trouva des « frères », Act., xxviii, 14, qui le prièrent de demeurer quelques jours auprès d’eux. Le centurion Julius, sous la garde duquel était l’Apôtre, lui accorda cette faveur, comme précédemment à Césarée, Act., xxvii, 3, de sorte que saint Paul put passer une semaine entière à Pouzzoles. Une variante du texte grec, dans Act., xxviii, 13, mérite d’être signalée : au lieu de îrapsxX716^[isv nap’aÙToî ; ini| ».EÏvai, qui est la leçon la plus autorisée et celle qu’a suivie la Vulgate, le cod. D et d’autres manuscrits portent : TcapEx), . iit’aÛToïç é[i|j.stvavreç, « Nous fûmes consolés, étant demeurés auprès d’eux ». L. Fillion,

    1. PRADO##

PRADO (Joronime de), exégète espagnol, né à Bæza en 1547, mort à Rome le 13 janvier 1595. Il entra en 1572 au noviciat de la Compagnie de Jésus et devint ensuite professeur à Cordoue où il enseigna d’abord les humanités, puis, pendant 16 ans, l’Écriture Sainte. Il est surtout Connu à cause de son grand ouvrage sur Ézéchiel. Étant allé à Rome pour y chercher des artistes capables de faire les illustrations qu’il voulait joindre à son Commentaire, il y mourut, laissant inachevée son œuvre qui fut terminée par son confrère Villalpaud : Hieronymi Pradi etJoannis Baptistse Villalpandie Societate Jesu in Ezechielem Explorationes et Apparatus Vrbis ac Templi Eierosolymitani Cotnmentariis et Imaginibus illustratus. Opus tribus tomis distinctum, 3 in-f°, Rome, 1596-1604. Le tome i, part. i, renferme le commentaire des 26 premiers chapitres, le tome n est consacré au Temple et le tome ni à la ville de Jérusalem. La première partie seule du tome i est l’œuvre de Prado ; la seconde partie du tome i (Èzech., xxvii-xxviii) et les tomes n et m sont l’œuvre de Villalpand.

    1. PRÉCURSEUR##

PRÉCURSEUR (grec : icpoTpÉ X cov, np<S5po[ioç ; Vulgate : prsecursor), celui qui court devant un personnage pour préparer son passage. — Les précurseurs étaient employés chez les Égyptiens. Us sont représentés courant à pied devant le char du pharaon. Voir t. ii, fig. 193, col. 566. L’un d’eux précédait le char de Joseph en criant’abrek ! Gen., xli, 43. Voir Abrek, t. i, col. 90 ; Main, t. iv, col. 584. Samuel prévit que les rois israélites voudraient aussi avoir des hommes pour courir « devant la face de leur char », à la mode égyptienne. I Reg., viii, 11. L’usage du précurseur existe encore en Egypte. « Il court devant notre landau, écartant de ses cris et menaçant de sa baguette les paresseux ou les affairés qui sont sur la route. Les sais des grands seigneurs, mieux costumés que lui, portent des vestes brodées d’argent et d’or. Leurs manches larges et leur jupe volumineuse flottent au vent, tandis qu’ils crieirï, qu’is -<ioïrt, qw’ïis ftappetA.-i> Le Cawwvs, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 97. Cf. Landrieux, Aux pays du Christ, Paris, 1897, p. 65.

— Le Seigneur promit à Moïse d’envoyer devant lui un ange pour précéder le peuple dans le pays de Chanaan et ainsi lui frayer la voie. Exod., xxxiii, 2. Plus tard, Dieu fit annoncer par Malachie, iii, 1, qu’il enverrait son messager pour préparer le chemin devant lui. Saint Jean-Baptiste remplit cet office à l’égard de

Notre-Seigneur, Marc, i, 2, 4, ce qui lui a fait donner le nom de précurseur. — Jésus-Christ est entré dans le sanctuaire du ciel en qualité de précurseur. Heb., vi, 20. Il nous y précède et, par sa rédemption, nous mérite la grâce de le suivre. H. Lesêtke.

    1. PRÉDESTINATION##

PRÉDESTINATION, acte de volonté divine déterminant à l’avance la fin surnaturelle que doit atteindre une âme.

1° Il y a une prédestination à la grâce pour la vie présente. Des témoins choisis d’avance ont eu la faveur de voir Jésus ressuscité, et sont ainsi devenus capables de transmettre à d’autres la foi en cette résurrection. Act., x, 41. Saint Paul a été prédestiné à connaître la volonté de Dieu, à voir le Juste et à entendre les paroles de sa bouche. Act., xxii, 14. Les chrétiens sont prédestinés à être les fils adoptifs de Dieu par Jésus-Christ, selon sa libre volonté, en faisant ainsi éclater en eux la gloire de sa grâce, Eph., i, 5, prédestination qui est toute gratuite et ne suppose aucun mérite préalable de la part de l’homme, puisqu’elle ne dépend que de « la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté. » Eph., i, 11. Les chrétiens parviennent à cette adoption divine parla grâce de Jésus-Christ, qui veut que nous accomplissions « les bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions. » Eph., ii, 10. Tout, dans la vie chrétienne, est donc prévu et voulu à l’avance par Dieu, dont la volonté toute-puissante respecte cependant la liberté de l’homme. Rom., ix, 18.

2° Il y a surtout une prédestination au salut et à la gloire éternelle. Saint Luc dit qu’à la prédication de Paul et de Barnabe, à Antioche de Pisidie, : < tous ceuxlà crurent qui étaient prédestinés à la vie éternelle, s Act., xiii, 48. Saint Paul formule en ces termes la doctrine complète de la prédestination : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né d’un grand nombre de frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés. » Rom., viii, 28-30. Voilà donc quatre termes qui marquent l’action de la volonté divine sur une âme : prédestination ou détermination antécédente de Dieu ; vocation ou appel adressé à l’âme ; justification ou effet de la grâce sur l’âme ; glorification ou entrée de l’âme dans la vie éternelle. L’Apôtre compare ensuite les âmes à l’argile dont le potier est le maître absolu, et dont il peut tirer, à son choix, un vase précieux ou un vase commun. Ainsi fait Dieu, qui supporte avec patience « des vases de colère, formés pour la perdition », et qui exerce sa libre munificence « à l’égard des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire. » Rom., ix, 21-23. L’Évangile que prêche l’Apôtre est une sagesse « que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre glorification. » I Cor., il, 7. Cette sagesse a été révélée « selon le dessein éternel qu’il a réalisé par Jésus-Christ. » Eph., iii, 11. Voir F. Prat, La théologie de saint Paul, 1. 1, 1908, p. 342-352.

3° La prédestination ne peut en aucune manière être assimilée au destin, àuâfx-*], fatum, des anciens, qui déterminait aveuglément à l’avance le sort de chacun. Elle ne çréjudicie en rien à la libre activité de l’homme. Au dernier jugement, le sort de chacun est décidé, non d’après une détermination antécédente et nécessitante de Dieu, mais selon les œuvres bonnes ou mauvaises que l’homme a accomplies. Matth., xxv, 34, 35, 41, 42. D’après les paraboles du Sauveur, l’homme est lui-même l’artisan de son bonheur ou de son malheur éternels. Matth., xx, 10 ; xxii, 12, 13 ; xxv, 3-12, 21, 23, 30, etc. « Si tu veux entrer dans la vie,

garde les commandements », dit formellement le Sauveur. Matth., xix, 17. Cf. Luc, xiii, 23. D’après saint Paul, il faut courir et se donner de la peine pour atteindre le but final, I Cor., ix, 24 ; la récompense est une couronne due en justice à celui qui a bien travaillé pour Dieu sur la terre, II Tim., iv, 7, et cette récompense est en rapport avec le labeur de chacun. Rom., ii, 5 ; I Cor., iii, 8. Saint Pierre déclare que les bonnes mœurs sont nécessaires pour fixer chacun dans sa vocation et son élection. II Pet., i, 10. La récompense promise demeure toujours incertaine tant qu’on ne la tient pas, car on peut la perdre par sa négligence ou son infidélité. Rom., xi, 22 ; I Cor., x, 12 ; Phil., ii, 12 ; Apoc, iii, 11, etc. Voir Justification, t. iii, col. 1878 ; Œuvres, t. iv, col. 1756. De tous ces textes résulte cette conclusion, que par la prédestination Dieu prévoit le sort éternel de chaque âme, mais en tenant compte de la manière dont cette âme utilisera librement ses grâces. Autrement l’obéissance aux commandements et les efforts pour la pratique de la vertu ne seraient pas de précepte pour le salut. Si, avant de venir au monde, on était prédestiné au bonheur ou au malheur par une volonté inéluctable de Dieu, indépendamment de tout acte d’obéissance ou de désobéissance personnelle, il serait dès lors impossible, quoi qu’on fit, de manquer ce bonheur ou de se dérober à ce malheur. Pareille théorie est contraire à toutes les assurances et à tous les conseils de l’Évangile. Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés », I Tim., ii, 4, et il a envoyé son Fils dans le monde « pour que le monde soit sauvé par lui ». Joa., iii, 17. Telle est la prédestination universelle ante mérita ; c’est seulement la prédestination post mérita prmvisa qui assigne aux uns le bonheur et aux autres le malheur. Sur la théorie thomiste et sur les discussions auxquelles a donné lieu la doctrine de la prédestination, voir Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p.’276282, 401-409.

4° Il y a une prédestination spéciale pour Notre-Seigneur, dont saint Paul dit, d’après la Vulgate, qu’il « a été prédestiné Fils de Dieu miraculeusement, selon l’Esprit de sainteté, par une résurrection d’entre les morts ». Rom., i, 3. La prédestination ne peut porter sur le Fils de Dieu dans sa nature divine, mais seulement sur ce qu’il est devenu dans le temps par son incarnation, et sur la gloire dont sa nature humaine a ensuite été comblée dans le ciel après son ascension. Dans le texte grec, au lieu de prœdeslinatus, on lit ôpiudrvToc, qui veut dire « défini, fixé, établi ». La pensée de l’Apôtre est donc que Jésus-Christ a été défini, déclaré, manifesté Fils de Dieu par sa résurrection.

H. Lesêtre.
    1. PRÉDICATION##

PRÉDICATION (hébreu : qeryâh ; Septante : x^puf|ia ; Vulgate : prsedicatio), exposition et propagation par la parole d’un enseignement dogmatique ou moral.

I. Dans I’Ancien Testament. — En plusieurs circonstances, Moïse adressa au peuple qu’il avait à former des exhortations publiques à la fidélité envers Jéhovah. Elles sont consignées dans le Deutéronome, x, xi, xxix. Après lui, ce ne furent pas les prêtres, dont les fonctions étaient presque exclusivement liturgiques, mais les prophètes qui eurent à rappeler au peuple les prescriptions de la loi divine. Ainsi firent Samuel, Élie, Elisée, et ceux qui les suivirent. Josaphat envoya de ses chefs et des lévites dans les villes dejuda, avec le livre de la loi, pour enseigner le peuple. II Par., xvii, 7-9. Plus tard, le roi Jtzéchias envoya de même à travers le pays d’Israël des messagers remplissant les fonctions de missionnaires, pour prêcher aux tribus séparées le retour au service de Jéhovah, sans grand succès d’ailleurs. II Par., xxx, 6-11. Sous Josias, la

découverte du livre de la Loi fut l’occasion d’une sorte de prédication solennelle. II Par., xxxiv, 29-33. L’obéissance à la Loi fut de nouveau prêchée au temps d’Esdras. I Esd., ix, 6-x, 14 ; II Esd., viii, 1-ix, 38. Les oracles des prophètes sont souvent des prédications mises par écrit. Jer., vii, 2 ; xix, 2, etc. C’est par eux surtout que la sagesse prêchait sur les places publiques. Prov., i, 20. Jonas, i, 2 ; iii, 2, fut envoyé à Ninive pour y prêcher la pénitence. Luc, xi, 32. Isaïe, lii, 7, salue à l’avance celui qui doit venir prêcher à Israël la bonne nouvelle, la paix, le bonheur et le salut. Il annonce que le Messie prêchera la bonne nouvelle, le retour à la lumière et l’année de grâce. Is., lxi, 1 ; Luc, iv, 19. Quand les synagogues furent instituées, le service religieux y comprit une explication des textes sacrés et une exhortation morale. Voir Lecteur, t. iv, col. 147 ; Sïnagogue. Saint Jacques atteste que depuis bien des générations, Moïse avait dans chaque ville des hommes qui le prêchaient. Act., xv, 21. Néanmoins, sous l’ancienne loi, la prédication n’avait qu’un rôle secondaire, parce que le Livre sacré était la base de la religion et renfermait tout ce qui s’imposait à la croyance et à la pratique de l’Israélite.

II. Dans le Nouveau Testament. — 1° Par sa prédication sur les bords du Jourdain, saint Jean-Baptiste prépare les foules à l’apparition du Messie. Il exhorte à la pénitence et à l’accomplissement des devoirs d’état ; il interpelle sévèrement les pécheurs orgueilleux pour les obliger à rentrer en eux-mêmes. Mais sa mission se borne à annoncer le Messie, à disposer les âmes à le recevoir, et enfin à le montrer. Matth., iii, 1 ; Marc, i, 4, 6 ; Luc, iii, 3 ; Act., xiii, 24. Cette prédication fit grand effet. Le précurseur eut beaucoup de disciples qui s’attachèrent à lui. Matth., îx, 4 ; Marc, ii, 18 ; Luc, v, 33 ; vii, 18, 19 ; xi, 1 ; Joa., iii, 25 ; iv, i. Plus tard, il s’en trouva même un, Apollos, à Éphése, qui prêchait la doctrine de Jésus tout en ne connaissant que le baptême de Jean. Act., xviii, 25. — 2° Le Sauveur prêcha lui-même sa doctrine pendant tout le cours de sa vie publique. Cette doctrine constituait la « bonne nouvelle » ou l’Évangile, d’où l’emploi du mot eûoefyt-Xi (ra<iôaeou eiixT(tll&txQoii, evangeliza, re, « évangéliser, » pour désigner cette prédication. Le Sauveur prêchait donc le royaume de Dieu, Luc, iv, 43 ; viii, 1 ; il l’annonçait aux pauvres, Matth., vii, 22 ; xi, 5 ; Luc, iy, 18, alors que les docteurs juifs se bornaient à enseigner leurs disciples. Il prêchait partout, Matth., iv, 17, 23 ; ix, 35 ; xi, 1 ; Marc, i, 14, 45 ; Luc, viii, 1 ; Marc, i, 14, 45 ; Luc, viii, 1 ; dans les bourgs, Marc, i, 38 ; en pleine campagne, Matth., v, 1, 2 ; dans la Décapole, Marc, v, 20 ; dans les synagogues, Marc, i, 39 ; Luc, iv, 44 ; sur les bords du lac, Matth., xiii, J-2, 3 ; dans le Temple, Joa., v, 18 ; vii, 14, etc. Sur la prédication du Sauveur, voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1480° 1497. — 3° NotreSeigneur chargea ses disciples et particulièrement ses apôtres de prêcher son Évangile. Matth., x, 7 ; Marc, iii, 14 ; vi, 12 ; xvi, 15, 20 ; Luc, ix, 2 ; xxiv, 47 ; Act., x, 42 ; I Pet., i, 12 ; etc. Il leur recommanda de le prêcher sur les toits, Matth., x, 27 ; Luc, xii, 3, c’est-à-dire de manière à être vus et entendus pas tous. — 4° L’ordre du Sauveur fut exécuté avec zèle. Dès le jour de la Pentecôte, saint Pierre se met à prêcher. Act, , ii, 14 ; il a pour imitateurs le diacre Etienne à Jérusalem, Act., vi, 14 ; vii, 1-53, le diacre Philippe en Samarie, Act., viii, 5, 12, 40, tous les autres Apôtres à travers le monde. Act., v, 42 ; viii, 4, 25 ; xiv, 6, 20 ; xv, 35, etc. — 5° Mais le prédicateur de l’Évangile par excellence est saint Paul, que le Sauveur lui-même a choisi pour porter son nom devant les nations, devant les rois et devant les enfants d’Israël. Act., ix, 15. Il s’en va prêcher partout daus le monde romain, en commençant par les synagogues des Juifs, Act., ix, 20 ; xiii, 5, etc., et en s’adressant ensuite aux

gentils partout où il les rencontre. Act., xv, 36 ; xvii, 13 ; xix, 13 ; xx, 25 ; xxviii, 31 ; I Cor., ii, 4 ; xv, 1, 2, 11, 14 ; II Cor., i, 19 ; xi, 4 ; Col., i, 23 ; I Thés., ii, 9 ;

I Tim., ii, 7, IITim, i, 11 ; iv, 17 ; Tit., i, 3, etc. Cependant il se sait particulièrement chargé de la prédication aux gentils, Gal., i, 16 ; ii, 2 ; Eph., iii, 8 ; mais il s’applique à prêcher l’Évangile là où il n’a pas encore été annoncé. Rom., xv, 20 ; II Cor., x, 16. Son rôle spécial n’est pas de baptiser, mais de prêcher, I Cor., i, 17, et malheur à lui s’il ne prêche pas. I Cor., IX, 16. — 6° Les Épîtres de saint Paul énoncent un certain nombre de réflexions qui montrent quelle idée l’Apôtre se faisait de la prédication. Tout d’abord, dans la religion de Jésus-Christ, la prédication est indispensable. « Comment invoquer celui en qui on ne croit pas ? Comment croire en celui dont on n’a pas entendu parler ? Comment en entendre parler sans prédication ? Et comment y aurat-il des prédicateurs s’ils ne sont envoyés ? » Rom., x, 14-15. La prédication est donc nécessaire, puisque Notre-Seigneur a donné pour base à sa religion non plus un livre, comme dans la loi ancienne, mais la parole de ses envoyés. Matth., xxviii, 19. Pourtant n’est pas prédicateur qui veut ; il faut avoir reçu mission de Jésus-Christ, ou de ceux qui le représentent. Saint Paul ne se prêche pas lui-même, c’est-à-dire qu’il ne met en avant ni sa personne ni ses idées. II Cor., iv, 5. Il prêche Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, c’est-à-dire le Sauveur dans ses humiliations aussi bien que dans ses gloires. I Cor., i, 23. Il ne le prêche pas en faisant appel aux ressources de la sagesse et de l’éloquence humaines, I Cor., i, 17-25, mais simplement et en dépit de ses infirmités personnelles, Gal., iv, 13, aQn qu’il soit bien constant que cette prédication agit par sa propre vertu, indépendamment de la valeur du prédicateur. I Cor., i, 17. Il y en a qui se font prédicateurs de l’Évangile par envie et par esprit d’opposition. Phil., i, 15. Saint Paul prêche avec un parfait désintéressement, I Cor., ix, 18 ;

II Cor., xi, 7, et il s’applique à pratiquer la doctrine qu’il prêche, afin de n’être pas réprouvé. I Cor., îx, 27. Il veut que son disciple Timothée « prêche la parole, insiste à temps et à contre-temps, reprenne, menace, exhorte, avec une entière patience et toujours en instruisant. » II Tim., iv, 2. Tels sont en effet les devoirs qui s’imposent au prédicateur de l’Évangile.

H Lfsêtrf

PRÉFETS DE SALOMON. III Reg., iv, 7-19. Voir Gouverneur, 12°, t. iii, col. 285.

    1. PRÉFIXES##

PRÉFIXES, terme grammatical par lequel on désigne dans la langue hébraïque les particules qui sont placées au commencement de certains mots. Voir Hébraïque (Langue), t. iii, col. 473.

1. PRÉMICES, prélèvements opérés sur les premiers fruits produits par la terre, destinés à être offerts au Seigneur, comme les premiers-nés de l’homme et des animaux. Ces prélèvements étaient de deux sortes, les prémices des fruits naturels et les prémices des fruits préparés.

I. Prémices des fruits naturels. — 1° Ces prémices portent le nom de bikkûrîm, nçia>s<}yiwr]>.ara., YsvvVjfj.aTa, fruges, et sont ordinairement désignées par l’expression r’êsîp bikkàrê hà-’âdâmâh, àitap-/ai t<5v itpwTOYsvvyiikxtwv Tri ; fT|C> primitim frugum terrte, « les prémices des fruits de la terre », Exod., xxiii, 19, ou r’èsît perî ha-âdâmâh, àitapxiî wv ffnruiâiiav xrj ; yîic, primitise frugum terrée. Deut., xxvi, 10. — 2° La Loi ordonnait d’apporter les prémices des fruits de la terre dans la maison du Seigneur. Exod., xxui, 19 ; xxxiv, 26. Elle indiquait ensuite avec plus de détail la manière dont on devait procéder. Une fois dans la Terre Promise, l’Israélite prendra les prémices de tous

ses fruits, les mettra dans une corbeille, s’en ira au lieu choisi par le Seigneur pour y être honoré et se présentera au prêtre en fonction en lui disant : « Je déclare aujourd’hui à Jéhovah, ton Dieu, que je suis entré dans le pays que Jéhovah a juré à nos pères de nous donner. » Le prêtre prendra la corbeille et la déposera devant l’autel. L’Israélite prononcera une formule rappelant tout ce que Dieu a fait pour ses pères et conclura en ces termes : « Et maintenant, voici que j’apporte les prémices des produits du sol que vous m’avez donné, ô Jéhovah ! » Ensuite il se livrera à des réjouissances avec le lévite et l’étranger qui réside auprès de lui. Deut., xxvi, 1-11. — 3° Le traité Bikkurim de la Mischna a pour objet l’offrande des prémices. — Quelques docteurs ont prétendu que la loi sur les prémices ne fut obligatoire que quand le Temple exista, parce que le texte sacré dit de les apporter dans la « maison >> du Seigneur. Deut., xxvi, 2. Cf. Schekalim, viii, 8. Mais cette assertion est inadmissible, puisque le Tabernacle lui-même est souvent appelé « maison ». Exod., xxiir, 19 ; Jos., vi, 24 ; I Reg., i, 7, 24, etc. — 3° Bien que la Loi parlât de tous les fruits de la terre, on restreignait l’obligation des prémices aux sept fruits qui sont indiqués. Deut., viii, 8, comme caractéristiques de la Palestine, le froment, l’orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l’olivier et le miel. Cf. Bikkurim, I, 2 ; Gem. Bekoroth, 35, 1. — 4° La Loi ne portait que sur les produits de la terre d’Israël, à laquelle on ajoutait les anciens territoires de Séhon, Deut., ii, 32-37, d’Og, Deut., iii, 8-10, et plus tard la partie de la Syrie conquise par David. D’après Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 7, on apportait aussi les prémices d’Asie Mineure. — 5° Les fruits offerts en prémices devaient être de premier choix et tout frais, sauf les raisins et les figues qui pouvaient être secs quand on les apportait de loin. — La quantité de fruits à offrir en n^émices n’était pas déterminée. On pouvait même offrir à ce titre ceux d’un champ tout entier. Cf. Bikhurim ii, 4 ; Siphra, ꝟ. 25, 1. Les prémices faisaient partie des six ou dix choses dont la Loi ne réglait pas la mesure. Cf. Pea, i, l ; Gem. Jerus., Pea, 16, 1. Mais les docteurs avaient décidé que l’offrande devait être au moins d’un soixantième. Le mot téni’, « corbeille », dont les trois lettres td, s, s, représentent les chiffres 9, 50 et 1, au total 60, servait à rappeler cette règle à la mémoire. Cf. Gem. Jerus. Bikkurim, 65, 3 ; Siphra, ꝟ. 202, 2. — 6° La séparation des fruits constituant les prémices pouvait se faire soit sur l’arbre, avant maturité, au moyen d’un signe, soit après la récolte, à condition toutefois que les bikkûrîm, fussent mis à part avant toutes les autres redevances. Cf. Terumoth, iii, 7. On était obligé de remplacer ce qui s’était pourri ©u avait été volé. — 7° Quand le Temple eut été construit l’offrande de ces prémices se faisait à Jérusalem, mais pas avant la Pentecôte, Exod., xxiii, 16 ; Lev., xxru, 17, ni après la Dédicace, le 25 casleu, les fruits plus tardifs n’ayant pas grande valeur. Cf. Bikkurim, i, 6 ; Challa, IV, 10.

— 8° Par la suite des temps, l’offrande des prémices fut réglée dans tous les détails. Les fruits se plaçaient dans des corbeilles dorées, argentées ou en bois de saule. Si tous les fruits devaient être contenus dans la même corbeille, on mettait au fond l’orge, puis le blé, ensuite les olives, au-dessus le miel, les grenades, les figues et enfin les raisins. Ordinairement on attachait à la corbeille des tourterelles ou des colombes destinées à être offertes en holocauste. — La corbeille ainsi disposée était portée à Jérusalem par celui qui faisait l’offrande ou par son réprésentant. Le voyage était entrepris en grande pompe. De plusieurs localités, on se réunissait à un rendez-vous commun. Le chef de la bande criait les paroles de Jérémie, xxxi, 6 ; cf. Mich., iv, 2 : « Levez-vous et montons à Sion, vers

Jéhovah notre Dieu ! » et l’on se mettait en route, avec un bœuf à cornes dorées et couronné d’olivier, et un joueur de flûte. Chemin faisant, on répétait les paroles du Psaume CXXii (cxxi), 1 : « J’ai été dans la joie quand on m’a dit : Allons à la maison de Jéhovah ! »

— Aux approches de Jérusalem, de hauts fonctionnaires du Temple allaient au devant des arrivants et leur faisaient accueil. À l’entrée du Temple, chacun, même le roi, devait prendre sa corbeille sur ses épaules, et la porter à l’intérieur en chantant le Psaume CL, auquel les lévites répondaient par le Psaume xxx (xxix). Au parvis des prêtres, il la déchargeait et l’agitait, avec l’aide d’un prêtre, en proférant les paroles prescrites. Deut., xxvi, 3-10. Cette formule n’obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves, ni ceux qui présentaient des prémices après la fêle des Tabernacles. Cf. Bikkurim, i, 5, 6. La corbeille était portée près de l’autel, sans qu’on pût mettre sur l’autel même ce qui contenait du levain ou du miel, Lev., ii, ll, 12, et le sacrifice était offert. Si la corbeille était de métal, oh la rendait à l’Israélite porteur des prémices ; les prêtres gardaient pour eux les corbeilles de saule ou de jonc. — Après l’offrande des prémices, l’Israélite était obligé de passer la nuit à Jérusalem ; il ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bikkurim, II, 2, 3, i. — Les prémices appartenaient aux prêtres, ce qui explique l’empressement avec lequel ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les prêtres de service pendant la semaine se les partageaient et les mangeaient à Jérusalem même, eux, leurs femmes, leurs esclaves et leurs bêtes, pendant le séjour en ville de celui qui avait présenté ces différents fruits. Num., xviii, 13 ; II Esd., x, 37. — Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 22. Philon a écrit au sujet de la présentation des prémices un petit traité De festo cophini, publié par Mai et par Tischendorf, Philonea, 1868, p. 69-71.

II. Prémices des fruits préparés. — 1° Ces prémices portent le nom de terùmâh, âçafpeu.a, cmaPx*), primitise. Elles font l’objet du traité Terumoth de la Mischna.

— Outre les prémices des fruits à l’état naturel, la Loi ordonnait encore de donner aux prêtres les prémices des produifs tirés des fruits, Exod., xxii, 29, nommément de la farine, Num., xv, 19, 21, du vin nouveau, de l’huile, même de la toison des brebis, Deut., xviii, 4, et en général de tous les produits de la terre ou des arbres. Cf. Terumoth, ii, 5, 6. Cette redevance devait être acquittée chaque année envers les prêtres par les Israélites non seulement de Palestine, mais aussi, après la captivité, de Babylone, d’Egypte, du pays d’Ammon et de Moab, et de Syrie. Toutefois les prémices de ces pays étrangers ne devaient pas êtres introduites en Terre Sainte. Cf. Te-umoth, i, 1. Les prémices des toisons étaient fidèlement offertes par Tobie, i, 6, qui, du royaume d’Israël, avant d’être emmené en captivité, se rendait régulièrement au Temple de Jérusalem et y présentait « les prémices » et ses « premières tontes », icptDToxovpiaç. Les prémices de la farine et des aliments dont elle formait la base étaient l’objet de prescriptions spéciales contenues dans le traité Challa de la Mischna. Saint Paul y fait allusion quand il dit que « si les prémices, àirapxij, sont saintes, la masse de la pâte, yjpa|ia, l’est aussi. » Rom., xi, 16. Était soumis à l’obligation des prémices tout ce qui provenait du froment, de l’orge, de l’épeautre, de l’avoine et du seigle. Cf. Challa, i, 1. Ces prémices ne s’acquittaient pas en farine, mais en pâte et en pain tout préparé. Cf. Challa, ii, 5. — La quantité de prémices à fournir n’était pas déterminée. Ézéchiel, xlv, 13, 14, suppose une proportion d’un soixantième pour le froment et l’orge, et d’un centième pour l’huile. On estimait généralement qu’il était dû un cinquantième ; les disciples d’Hillel opinaient pour un quarantième, ceux de Schammaïpourun trentième ; les

moins généreux se contentaient d’un soixantième. Sur les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulangers 1/48. Cf. Challa, ii, 7 ; Eduyoth, i, 2. Saint Jérôme, In Eiech., xiv, 45, t. xxv, col. 451, dit que, selon la tradition juive, on pouvait s’en tenir à une quantité intermédiaire quelconque entre le quarantième et le soixantième. Cf. Philon, De.primitiis sacêrdotum, i, édit. Mangey, t. ii, p. 233.

2° L’usage de ces prémices n’était pas réglé. Chacun les attribuait au prêtre qu’il voulait. Ces prémices n’avaient donc pas un caractère sacré, comme les précédentes qu’il fallait aller présenter au Temple. C’étaient de simples redevances au bénéfice de l’ordre sacerdotal. La liberté que chacun avait de les distribuer à son gré ne laissait pas que d’aider les prêtres à se rendre aimables et serviables à tous. Sous Ézéchias, des prémices abondantes de vin nouveau et d’huile furent ainsi présentées, avec les autres prémices, par les habitants de Jérusalem aux prêtres et aux lévites, « afin qu’il s’attachassent fortement à la loi de Jéhovah, » c’est-à-dire au service du Temple. Il Par., xxxi, 4-10. Après la captivité, les Israélites s’engagèrent à porter au Temple leurs prémices de farine, de vin et d’huile ; mais ce fut dans le but d’attirer et de fixer les prêtres, alors peu nombreux, dans la maison de Dieu. Il Esd., x, 35-39 ; xii, 43 ; xiii, 5. Pour l’ordinaire, la redevance était acquittée partout où vivaient des prêtres. — Les prémices devaient être consommées en Terre Sainte par les prêtres en état de pureté et tous ceux de leur maison qui satisfaisaient à la même condition, Num., xviii, 11, leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs animaux même pouvaient manger des prémices. Cf. Terumoth, ix, 3 ; xi, 9. La fille d’un prêtre mariée à un simple Israélite n’avait pas le droit d’en manger, pas plus que ceux de sa maison. Lev., xxii, 11-13. Cf. Yebamoth, vu, 2 ; ix, 6. Une simple fille israélite mariée à un prêtre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison, cf. Yebamoth, vii, 2 ; IX, 5, mais seulement du vivant de son mari. Cf. Gittin, iii, 4. — Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 200-205 ; Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741, p. 210-218 ; Schûrer, Geschichte des judischen Volkes itn Zeït. J. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 249-250.

III. Remarques diverses sur les prémices. — 1° La pratique. — À toutes les époques de l’histoire d’Israël, il est question des prémices. Pour maudire les monts de Gelboé, David souhaite qu’ils n’aient aucun champ de prémices, c’est-à-dire qu’ils soient frappés de stérilité. II Reg., i, 21. Un homme de Baalsalisa apporte à Elisée vingt pains d’orge de prémices et du froment nouveau. IV Reg., iv, 42. Pareille offrande ne pouvait se faire qu’aux prêtres ; mais il n’y en avait plus de légitimes dans le royaume d’Israël, III Reg., xiii, 33, et le présent fait à Elisée ne procédait que de la générosité du donateur. Ézéchias remit en honneur l’offrande de prémices abondantes. II Par., xxxi, 4-10. Il est recommandé de faire honneur à Dieu des prémices de tout son revenu. Prov., iii, 9. Cf. Eccli., xxxv, 10. Ezéchiel, xx, 40 ; xliv, 30 ; xlviii, 14, rappelle que les prémices appartiennent au Seigneur et que celles des premiers produits de toutes sortes sont pour les prêtres. Les captifs de Babylone se plaignent qu’il n’y a plus d’endroit pour présenter les prémices au Seigneur. Dan., iii, 38. Après la captivité, cette institution fut restaurée. II Esd., x, 35-39 ; xii, 43 ; xiii, 5. Elle était en pleine vigueur à l’époque évangélique, comme le donne à supposer la composition des traités Bikkurim et Terumoth. — Deux offrandes de prémices étaient particulièrement solennelles, celle dés prémices de l’orge, à la Pâque, Lev., xxiii, 10, 11, voir Pâque, t. iv, col. 2094, et celle des prémices du froment et des deux pains, à la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22 ; Lev., xxiii, 17. Voir Pentecôte, col. 119.

2° Signification des prémices. — L’offrande des prémices, prescrite par le Seigneur, constituait à son égard un acte de reconnaissance, de soumission et de supplication. En s’acquittant de ce devoir, l’Israélite faisait profession de reconnaître en Jéhovah le créateur de toutes choses, le maître de la nature et le dispensateur libéral de tous les biens. Il lui obéissait en sacrifiant une partie, la première et la meilleure, de ce qu’il avait reçu de sa munificence. En même temps, il se le rendait propice et s’assurait les mêmes bienfaits pour l’avenir. Ces idées étaient si naturelles qu’on trouve chez un bon nombre de peuples l’usage d’offrir à la divinité les prémices des fruits de la terre. Gf. lliad., ix, 529 ; Callimaque, In Cerer., 19 ; Théocrite, vii, 31 ; Aristophane, Ran., 4272 ; Pausanias, i, 43 ; Porphyre, De abstin., Il, 5, 6, 27, 32 ; Épictète, 38 ; Ovide, Metam., viii, 273 ; x, 431 ; Fasl., ii, 519 ; Tibulle, i, 1, 13 ; Pline, H. N., iv, 26, etc. En Egypte, les donations analogues de pains, de liqueurs, de quartiers de victimes, même de terres avec tout ce qu’elles contenaient, étaient faites aux dieux, pour se les rendre favorables, et laissées à la jouissance des prêtres. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 1895, t. i, p. 303. Les mêmes usages régnaient en Chaldée. Ibid., p. 676, 677.

3° Leur destination. — Les prémices constituaient une partie de la dotation des prêtres et des lévites. Il était juste que ceux qui, au nom de la nation, consacraient leur vie au service du Seigneur, reçussent du peuple les choses nécessaires à la vie. On comprenait également le droit supérieur de Dieu qui, en donnant aux Hébreux la terre fertile de Chanaan, avait établi une réserve en faveur de ceux qu’il prenait à son service. Cf. Eccli., xlv, 25. Aux prémices s’ajoutaient, pour les prêtres et les lévites, les dîmes, voir Dîme, t. ii, col. 1431 ; une part d’un centième sur le butin de guerre pour le grand-prêtre, et d’un cinquantième pour les lévites, Num., xxxi, 28-30 ; une part plus ou moins considérable des victimes offertes pour les sacrifices autres que l’holocauste, voir Sacrifice ; différentes sommes d’argent ou divers biens en nature provenant de vœux, de restitutions, d’amendes, de rachats, etc. ; l’épaule droite, l’estomac et la mâchoire de tous les animaux tués pour l’usage des particuliers, redevance qui était comme une extension des prémices. Cf. Iken, Antiquitates hebraicx, p. 217 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 177. La vie des prêtres et des lévites était ainsi assurée dans des conditions suffisamment larges, mais qui ne permettaient pas l’accumulation de grandes richesses, comme il arrivait pour les castes sacerdotales des autres pays de l’antiquité. Cf. Hérodote, ii, 37 ; Diodore de Sicile, i, 73 ; Munk, Palestine, p. 178-179.

4° Les prémices au sens figuré. — Pour marquer que le peuple d’Israël appartenait spécialement au Seigneur et que le Seigneur le protégeait en conséquence, Jérémie, il, 3, dit : « Israël était consacré à Jéhovah, comme les prémices de son revenu ; quiconque en mangeait se rendait coupable, le malheur fondait sur lui. » — Saint Paul salue en Jésus-Christ les prémices de la résurrection et de la vie, , c’est-à-dire celui qui le premier est ressuscité glorieusement pour ne plus mourir et communiquer la vie aux âmes. I Cor., xv, 20, 23. — Les chrétiens ont ici-bas « les prémices de l’Esprit », c’est-à-dire le commencement d’une vie qui se développera un jour dans la gloire. Rom., viii, 23. Cf. S. Irénée, Adv. hmres., v, 8, 1, t. vii, col. 1142. — La famille de Stéphanas représente les prémices de l’Achaïe, c’est-à-dire qu’elle est la première qui se soit convertie dans cette province. I Cor., xvi, 15. Les âmes vierges sont des prémices pour Dieu et l’Agneau, c’est-à-dire qu’elles occupent une place privilégiée dans l’Église et dans le ciel. Apoc, xiv, 4.

H. Lesêtre.

2. PRÉMICES (FÊTE DES), un des noms de la fête de la Pentecôte. Exod., xxiii, 16. Voir Pentecôte, col. 119.

    1. PREMIER##

PREMIER (grec : jrpiôraç ; Vulgate : princeps), titre que portait le magistrat qui gouvernait l’île de Malte, Act, , xxviii, 7. H s’appelait Publius, lorsque saint Paul y aborda après son naufrage. Voir Publius. L’île de Malte, pendant la seconde guerre punique, était passée en 342 avant J.-C. de la domination carthaginoise sous celle de Rome. Les Romains laissèrent aux Maltais une grande liberté, ils firent de Malte un municipe et permirent aux habitants de se gouverner d’après leurs propres lois. Malte dépendait du préteur de Sicile, mais celui-ci étaitreprésenté dans l’île par un propréteurj, à qui l’on donnait le titre de np&zot MeXsTatav, Primus Melitensium, comme l’atteste l’inscription suivante qui confirme l’exactitude de saint Luc : Aac.xtoç Kup. IIpo03ï]v ; lirrceù ; ’PtoiifacW] itprâxo ; Me), irauiiv xaï irotTpwv. Kaibel, Inscript, greec. Italim et Sicilias, Berlin, 1890, p. 142, n. 601. Cf. Boeck, Corpus inscriptionum grsecarum, n. 5754, t. iii, p. 682 ; Une inscription latine porte : Mel. Primus. Smith, Voyage and shipwreck of St. Paul, 3= édit., Londres, 1866, p. 150-151. Voir Schœffer, Dissertatio de Publio, xpiàxtù Melitensium, in-â », Iéna, 1755.

    1. PREMIERNÉ##

PREMIERNÉ (héhreu : bekôr, de bâkar, « être le premier » ; Septante : itpwTÔroxoç ; Vulgate : primogenitus), le premier qui vient au monde dans une famille. Il est aussi désigné par l’expression pétér réfyém, « ouverture du sein », ou simplement pétér, Siocvoïyov [xv]tpav, quod aperit vulvam. Exod., xiii, 2, 12, 13, 15 ; xxxiv, 20. Ces désignations s’appliquent à la fois au premier-né de l’homme et à celui des animaux.

I. Les premiers-nés des hommes. — 1° Dans les anciennes familles israélites, les premiers-nés jouissaient de certains droits. Voir Aînesse (Droit d’), 1. 1, col. 317322. — 2° Le premier-né était naturellement l’objet d’une affection plus grande et d’attentions plus marquées de la part de son père dont il devait continuer la descendance. Si ce père mourait sans premier-né, on lui en procurait un en vertu de l’institution du lévirat. Voir Lévirat, t. iv, col. 213. On pleurait plus amèrement que celle des autres la mort du premier-né. Zach., xii, 10. Gette mort était le plus grand malheur qui pût arrivera une famille, Jos., vi, 26, et le plus grand sacrifice qu’un père pût s’imposer. Gen., xxii, 2, 12, 16 ; IV Reg., iii, 27 ; Mich., vi, 7. — 3° Dans un sens métaphorique, Dieu appelle le peuple d’Israël son premierné, c’est-à-dire son peuple de prédilection, celui auquel il accorde plus de bénédictions qu’aux autres et qu’il a chargé de garder son nom sur la terre, comme le premier-né perpétue celui de son père. Exod., iv, 22, 23 ; Eccli., xxxvi, 14. Si Jérémie, xxxi, 9, appelle Éphraïm le premier-né de Dieu, c’est pour marquer qu’après la captivité le royaume d’Israël représenté par Éphraïm, retrouvera, aussi bien que Juda, le titre et les prérogatives de premier-né de Jéhovah. Le titre de premierné, donné par Dieu à Israël, est devenu comme l’idée maîtresse qui commande, historiquement et légalement, tout ce qui se rapporte aux premiers-nés. — 4° Moïse reçoit l’ordre de dire au pharaon d’Egypte que s’il refuse, de laisser aller le premier-né de Jéhovah, Israël, Jéhovah fera périr son fils premier-né, par conséquent l’atteindra dans son affection la plus chère. Exod., iv, 23. Le pharaon s’obstine à refuser et la sentence divine s’exécute. Le premier-né du pharaon et les premiers^ nés des Égyptiens périssent en une nuit, et même les premiers-nés du bétail ne sont pas épargnés. Exod., xi, 5 ; XH, 29, 30 ; xiii, 15 ; Ps. lxxvih (lxxvii), 51 ; cv (civ), 36 ; cxxxv (cxxxiv), 8 ; cxxxvi (cxxxv), 10 ; Sap., xviii, 13. Par contre, tous les Hébreux demeurent indemnes, y compris leurs premiers-nés. Exod. 3, 27, —

5° En conséquence de cette préservation, Dieu veut que tous les premiers-nés lui soient consacrés, comme lui appartenant. Exod., xiii, 2, 12 ; xxii, 29. Il indique lui-même la raison de cette consécration. Le père doit en effet dire à son fils : » Comme le pharaon s’obstinait à ne point nous laisser aller, Jéhovah fit mourir tous les premiers-nés dans le pays d’Egypte, depuis les premiers-nés des hommes jusqu’aux premiers-nés des animaux. Voilà pourquoi j’oflïe en sacrifice à Jéhovah tout mâle premier-né et je rachète tout premier-né de mes fils. » Exod., xiii, 15-16. Le texte sacré ajoute que l’Israélite ne devra jamais perdre de vue le sens de cette consécration et que ce souvenir sera pour lui comme un signe sur la main et un bandeau entre les yeux. — 6° En principe, les premiers-nés étaient ainsi réservés pour le service de Dieu. C’était en effet, dans les anciens temps, la prérogative du chef de famille et, après lui, de son premier-né, d’exercer le sacerdoce. Voir 1. 1, col. 318. Mais il plut à Dieu d’organiser le culte autrement chez le peuple qu’il se choisissait. Il formula ainsi sa volonté : « J’ai pris les lévites du milieu des enfants d’Israël, à la place de chaque premier-né qui ouvre le sein de sa mère parmi les enfants d’Israël, et les lévites sont à moi ; le jour où j’ai frappé tous les premiers-nés dans le pays d’Egypte, je me suis consacré tout premier-né en Israël. » Num., iii, 12, 13, 40-50 ; vin, 16. Les lévites sont donc désignés par Dieu pour remplir auprès de lui les fonctions cultuelles précédemment dévolues au père et à l’aîné de la famille. — 7° Comme les premiers-nés appartiennent à Dieu et que cependant Dieu n’a pas le dessein de les utiliser pour son service particulier, la liberté leur sera laissée moyennant rachat. Tout premier-né doit donc être racheté, et l’Israélite qui le reprend au Seigneur ne doit pas se présenter les mains vides. Exod., xxxiv, 20. Un mois après sa naissance, le premier-né tombe sous la loi du rachat fixé à cinq sicles d’argent. Num., iii, 47 ; xviii, 15-16. — 8° Pour qu’un premier-né fût soumis à la loi, il devait être à la fois un garçon et le premier enfant de sa mère. Un garçon né après une ou plusieurs sœurs n’était pas pétér réftém, « ouvrant le sein » de la mère. Exod., xiii, 2. Cette expression du texte sacré montre qu’il s’agit bien du premier fils de la mère, et non du premier fils du père. Ce premier-né pouvait n’avoir pas le droit d’aînesse, si le père avait eu déjà d’autres enfants d’une autre épouse. Réciproquement, un père pouvait avoir plusieurs premiers-nés d’épouses différentes. Voir t. i, col. 317. Il n’y avait pourtant pas de premier-né dans toutes les familles. Dans le recensement que Moïse fit au désert, on trouva 22273 premiers-nés d’un mois et au-dessus, sur 603550 Israélites de vingt-ans et au-dessus, Num., i, 45 ; iii, 43, soit un premier-né sur 27 hommes, et encore parmi ces derniers ne sont pas comptés ceux qui ont d’un mois à vingt ans. Il s’agissait alors de substituer les lévites aux premiers-nés. Comme il n’y avait que 20000 lévites, les 273 premiers-nés qui ne pouvaient être remplacés furent rachetés chacun au prix de cinq sicles. Num., iii, 40-50. Le rachat fut ensuite imposé à tous les premiersnés, sans qu’il fût tenu compte de leur remplacement par les lévites. Num., xviii, 15. Les prêtres et les lévites n’étaient pas assujettis à cette loi, puisque tous ils devaient consacrer leur vie au service du Seigneur.

— 9° Le prix du^ rachat était uniformément de cinq sicles, pour les riches comme pour les pauvres. Cf. Philon, De prœmiis sacerdotum, 1, édit. Mangey, t. ii, p. 233. Ce prix appartenait au prêtre, Num, , xviii, 15, sans doute en tant que remplaçant du premier-né. La loi n’obligeait nullement à présenter le premier-né au Temple. Cependant, après la captivité, on paraît avoir pris l’habitude de cette démarche. II Esd., x, 36. On profitait pour cela de la visite que la mère avait à y faire après la naissance d’un enfant, Lev.,

xii, 2-8 ; mais rien de particulier n’était prescrit au sujet de ce dernier. La Sainte Vierge se conforma à l’usage des pieux Israélites en ce qui concernait la présentation du divin Enfant. Le trentième jour après la naissance, elle avait remis ou fait remettre au prêtre les cinq sicles d’argent (environ 17 fr. 50, voir t. iv, col. 1254) imposés par la Loi. Num., xviii, 16. Quand elle vint au Temple, après les quarante jours de réclusion qui lui étaient prescrits, Lev., xii, 2-4, elle et Joseph eurent l’intention de présenter l’Enfant au Seigneur. Luc, ii, 22. Les deux oiseaux offerts à cette occasion étaient destinés au sacrifice de purification pour la mère, et non au rachat de l’Enfant, comme on le dit quelquefois à tort. Cf. Bossuet, Serm. pour la Purification, 1658, 2e part. ; Elév. sur les myst., xviiie serm., iv, Bar-le-Duc, 1870, t. vii, p. 233 ; t. viii, p. 508. Bossuet peut s’appuyer sur la liturgie de la fête de la Purification, qui répète plusieurs fois : obtulerunt pro eo par turlurum. Cette allégation liturgique est conforme à l’interprétation du texte du Lévitique, xii, 6, par saint Augustin, In Heptat., iii, 40, t. xxxiv, col. 695-696. Mais le saint Docteur n’explique ainsi le texte que par suite d’une ponctuation défectueuse. — 10° Les juifs restèrent fidèles à l’accomplissement de cette loi, même après la destruction du Temple. Le trente-et-unième jour après la naissance du premierné, ils invitaient le prêtre à un festin et lui versaient les cinq sicles. Ce festin se célébrait même un jour de jeûne, mais se remettait au lendemain si le trente-etunième jour coïncidait avec le sabbat. Si le père mourait avant cette date, la mère n’était pas obligée de racheter l’enfant. Elle lui mettait au cou une petite plaque portant les mots : bekôr sélô’nipdàh, « premierné non racheté », et lui-même se rachetait une fois adulte. Les filles de prêtres et de lévites, mariées à de simples Israélites, étaient, comme leurs pères, exemptes de l’obligation du rachat. Cf. Iken, Antiquitateshebraicm, Brème, 1741, p. 516. — 11° Jésus est appelé le « premier-né » de Marie. Matth., i, 25 ; Luc, ii, 17 ; Heb., i, 6. L’enfant premier-né était en effet bekôr tout en restant fils unique. Zacharie, xii, 10, met en parallèle le yâlyid, « fils unique », et le bekôr. — La Sagesse est « première-née avant toute créature, » d’après une addition de la Vulgate, Eccli., xxiv, 5, et le Verbe incarné est « né avant toute créature, » Col., i, 15, le premierné d’un grand nombre de frères, Rom., viii, 29, enfants par adoption d’un Père dont il est fils par nature, et, par sa résurrection glorieuse, « premier-né d’entre les morts. » Apoc, i, 5.

II. Les premiers-nés des animaux. — l°Dès l’origine, les premiers-nés des animaux ont été considérés comme ayant une valeur plus grande. Deut., xxxiii, 17. Déjà Abel offrait au Seigneur les premiers-nés de son troupeau. Gen., iv, 4. — 2° À la dixième plaie d’Egypte, les premiers-nés du bétail furent frappés comme ceux des hommes. Exod., xi, 5 ; xii, 29. Aussi, en retour, Dieu voulut-il que les premiers-nés des animaux lui fussent réservés. Exod., xiii, 2 ; Num., iii, 13. — 3° Les mâles premiers-nés des animaux devaient être immolés, comme appartenant à Jéhovah. Le premier-né de l’âne pouvait cependant être racheté pour un agneau et à défaut de rachat, on devait lui briser la nuque. Exod., xiii, 13 ; xxxiv, 20. L’âne était l’objet de cette exception à cause de sa grande utilité pour les Israélites. Voir Ane, t. i, col. 566. On rachetait également les premiers-nés des animaux impurs et le prix en revenait aux prêtres ; mais on immolait les premiers nés du bœuf, de la brebis et de la chèvre. Num., xviii, 15-18. Ces derniers devaient être amenés au sanctuaire, Deut., xii, 6, et c’est là seulement que les prêtres et les lévites pouvaient manger la part qui leur en revenait. Deut., xii, 17, 18 ; xiv, 23. Il était défendu de faire travailler le premier-né du bœuf et de tondre le premier-né de la brebis. Si le pre

mier-né était aveugle, boiteux, atteint d’un défaut ou d’une difformité quelconque, on ne l’offrait pas en sacrifice et on pouvait le manger là où l’on résidait, sans aucune condition. Deut., xv, 19-23. — 4° La tradition juive a interprété ces différentes lois dans le traité Bechoroth de la Misçhna. Les prêtres et les lévites étaient tenus à l’offrande des premiers-nés, mais seulement des animaux purs. Cf. Beckoroth, ii, 1 ; Midr. Mechilta, 15, 2. Les premiers-nés, comme les prémices, devaient être amenés de toute la terre d’Israël. Cf. Themura, iii, 5. On devait également offrir ceux qu’on introduisait dans le pays. — Si l’on n’avait pas d’agneau pour racheter le premier-né de l’âne, on en donnait le prix, fixé d’après ^Tosèphe, Ant. jnd., IV, iv, 4, à un sicle et demi. A défaut de rachat, on frappait l’animal et on l’enterrait. D’après Philon, De prasm. sacerdot., 1, les premiersnés des animaux impurs, cheval, âne, chameau, se rachetaient à prix d’argent, sur l’estimation du prêtre, avec majoration d’un cinquième. — Les premiers-nés des animaux purs devaient être amenés aux prêtres de service dans le Temple, au cours de leur première année, comptée cependant à partir du huitième jour après la naissance. L’animal était égorgé dans le parvis, son sang versé aux pieds de l’autel, les parties intérieures brûlées sur l’autel après addition dé sel, et le reste cuit au gré des prêtres et mangé par eux à l’intérieur de Jérusalem. Cf. Sebachim, v, 8. — Le premier-né atteint d’un défaut congénital, ou contracté ensuite, ne pouvait servir de victime. Mais il était sacré à raison de sa naissance, et on le remettait aux prêtres qui pouvaient en manger partout, ou le vendre à d’autres qui le mangeraient à condition de ne pas le mettre dans le commerce. Cf. Maaser caheni, i, 2. — Les défauts du premier-né pouvaient être manifestes ou douteux, passagers ou permanents. Des mandataires du sanhédrin étaient chargés de faire des inspections à ce sujet. Cf. Reland, Antiquitates sacrai, Utrecht, 1741, p. 185188 ; Schûrer, Geschichte des jùdischen Volhes imZeit. J.-C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 253-254. — 5° Dans Job, xviii, 13, le « premier-né de la mort » est la maladie très cruelle qui conduit infailliblement à la mort. En arabe, les fièvres mortelles sont aussi appelées « filles de la mort ». Cf. Frz. Delitzsch, DasBuch Job, Leipzig, 1876, p. 231. Un Targum traduit l’expression hébraïque par mal’ak môtâ’, « ange de la mort », un autre par Sêrûy môtâ’, « prémices de la mort », les Septante par ôpaïa Oivoacir, « le temps convenable de la mort » et la Vulgate par primogenita mors, « mort première-née », sans doute dans le sens de « mort prématurée ». Dans Isaïe, xiv, 30, les « premiers-nés des pauvres » sont les

plus pauvres de tous.
H. Lesêtre.
    1. PRÉMONTRÉS##

PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES) SUR LES

SAINTES ÉCRITURES. L’ordre des Prémontrés a été fondé par saint Norbert de Gennep, né à Xanten (duché de Clèves) en 1080 (1085), mort le 6 juin 1134. Il fut chanoine régulier de Xanten et. fonda un ordre de chanoines réguliers à Prémontré, dans le diocèse de Laon (1120). Il devint archevêque de Magdebourg en 1126. Il fut canonisé en 1582. — Nous donnons ici, d’après l’ordre chronologique, les principaux ouvrages des Erémontrés relatifs aux Saintes Écritures.

I. Introductions aux saintes Écritures. — 1. Ulin, ou Ulinus Guillaume (date ?), De studio linguas sanclæ, lngolstadt, 1543. — 2. Mansuy Nicolas (1690), Dissertation sur les années et époques de V Ancien Testament, pour redresser les erreurs de certains chronologistes, Clef du Cabinet de Luxembourg, novembre 1749. — 3. Nauwens Corneille ({ 1774), Antilogise aliasque difficultatesscripturisticseampiificatse, 5 in-8° ms. „— 4. Kips Jean Baptiste (1716-1793), Compendiosum Sacrx Scripturm Dictionarium ad scripturisticarum historiarum notitiam. Ex ipsa Sacra Scriptura, Flavio

Josepho, aliisque sacris historicis deductum et concinnatum, in-8°, Louvain, 1779 ; Synopsis Sawx Scripturm, 3 vol. ms. — 5. Zasio André Maximilien (1741-1816), Hermeneuticx seu ratio interpretandi Sacram Scripturam Antiqui Fcederis, 1796, in-8° ; Hermeneuticx Yeteris Testamenti partes du », in-8°, Pesth, 1796-1797 ; Hermeneutica, seu ratio interpretandi Sacram Scripturam Novi Fcederis, Mu Tomi, Pesth, 1796 ; editio 2<">, Vacii-Waitzen, 1801-1802. — 6. Jahn Martin Jean (1750-1806), Einleitung in die gôttlichen Schriften des alten Bundes, in-8°, Vienne, 1792. Cette première édition fut suivie d’une nouvelle : Zweyte ganz umgearbeitete Auflage, 4 in-8°, Vienne, 1802 ; Bibtische Archâologie, trois parties en 5 in-8°, Vienne, 1797-1804 ; lntroductio in libros sacros Veteris Fcederis. In epitomen redacta a Johanne Jahn. Editio secunda emendata, in-8°, Vienne, 1814 ; Archseologitt Biblica in compendium redacta a Johanne Jahn, in-8°, Vienne, 1805 ; Editio altéra emendata, in-8°, Vienne, 1814 ; 3e édit., 1826, par Ackermann ; 4= édit., 2 in-8°, Vilna, 1829-36 ; Biblia Hebraica digessit et graviores lectionum varietates adjecit JohantiesJahn, 4 in-8°, Vienne, 1806 ; Enchiridion Hermeneuticee generalis tabularum Veteris et Novi Fcederis, in-8°, Vienne, 1812 ; Appendice Hermeneuticœseu exercitationes exegetiese. Vaticinia de Messia, Fasciculi duo, in-8°, Vienne, 1813 et 1815 ; Jeremias, MS. latin, in-4°. — 6. Stoppani Charles Antoine Jean-Baptiste (1778-1836), Sâtze aus der biblischen Auslegungskunde, den biblischen Alterthùmem und der Einleitung in die gôttlichen Bûcher, in-8°, Prague, K-S05-1812 ; Dissertatio de sludii biblici Veteris Testamenti, quantum ad christiarios theologos attinet, necéssitate ac preestantia, Prague, 1809 ; Einige ldeen zur Beurtheilung des moralischen Theiles des alten Bundes, dans Frints’theol. Zeitschrift, 2 êf Jahrg., 2° Band, l « s Heft.

— 8. Koppmann Adolphe Jean (1781-1835), Hermeneutica biblica, a Cl. Altmanno Arigler édita (Viennæ 1813), fuit ab eximio D re Adolpho Koppmann scriptotenus emendata. — 9. Gûntner Gabriel Jean Baptiste (18041867), Hermeneutica biblica generalis juxta principia catholica, in-8°, Prague, 1848 ; 2e édit., 1851 ; 3° édit., Prague, 1863 ; Introductio in sacros Novi Testamenti libros historico-critica et apologetica, in-8°, Prague, 1863. — 10. Dallos, Szekeres et Wentko ont publié une revue, qui a pour titre : À Biblia es a Tudomàny (La Bible et la Science), depuis 1896, in-4°, à Budapest.

— 11. Crets Gommaire Joseph (né en 1858), De divina Bibliorum inspiratione ; dissertatio…, in-8°, Louvain, 1886. — 12. Kortleitner François-Xavier Joseph (né en 1863), Archœologix Biblicse Summarium, in-8°, Inspruck, 1906 ; De polytheismo universo… apud HebrsROS finifimasque gentes usitatis, in-8°, Inspruck, 1908.

II. Traductions des saintes Écritures. —1. Gebhard († 1191), Psalmen Verdeutschung, 1174. — 2. Carré Rémi (1706-1773), Psaumes dans l’ordre historique, nouvellement traduits sur l’hébreu. — 3. Klimesch Philippe Mathieu (1809-1886), Codex Teplensis, enthaltend die Schrift des neuen Gezeuges. 1 Theil : Die vier heiligen Evangelien. II" Theil : Die Briefe S. Pauli, 111° Theil : Die Briefe S. Jacobi, S. Pétri, S. Johannis, S. Judée, das Botenbuch, und S. Johannis Offenbarung, nebsl drei Anhângen, in-4 « , Augsbourg-Munich, 1884.

III. Commentaires sur les saintes Écritures. — 1. S.Norbert († 1134), archevêque de Magdebourg. On lui attribue : Commentarii sive Interpretaiiones in aliquot libros S. Scripturm. — 2. Luc du Mont-Cornillon († 1179), In Evangelium Matthæi liber unus ; In Evangelium Joannis liber unus ; In Apocalypsin. — 3. Philippe de Harvengt (-J-1182) Commentarius mysiieus et moralis in Cantica canticorum Salomonis, in-f°, mdcxxi. — 4. Gebhard († 1191), Commentaria in S. Paulum (1160) ; Interpretatio Apocalypseos (1156) ; Expo607 RRÉMONTRÉS (TRAV. DES) SUR LES SS. ÉCRIT. — PRÉSENT 608

sitioin Genesim, Exodum, Leviticum, librum Numerorum, Deuteronomium et Josue (1164) ; Explanatio Psalmorum (1170) ; VocabulariumS. Scripturse (1189).

— 5. Zacharias Chrysopolitanus (xiie siècle), In unum ex quatuor sive de concordia Evangelistarum, libri quatuor, 1°> édit, , in-f°, 1473 ; 2e édit., in-f », 1535 ; 3e édit., Cologne, 1618. — 6. Jean d’Abbeville (vers VfcW), Glossa in Genesim ; Commentaria in lïbros Exodi et LeuUici ; Conmientaria in Numéros, Deuteronomium ; in Canlica canticorum, et in Isaiam ; Contmentaria in Danielem, Tobiam, Judith et Esther ; Glossa in Psalterium, 3 in-f" ; Comnientaria in Acta Apostolorum. — 7. Lensius ou de Lens (Eustache) (né vers 1170, vivait encore en 1226), Seminarium verbi Dei (dictionnaire biblique) ; Detropis et schematibus S. Scriplurse : De mysteriis S. Scripturæ ; Cosmographie Moysis Libri III ; on lui attribue encore des Commentaires sur la Genèse, l’Exode, le Lévitique, le. Deutéronome, et sur les Paralipomènes. — 8. Jacques d’Arras (Jacobus Atrebas, 1227), In ultimam visionem Ezechielis, liber unus. — 9. Gervais († 1228), Commentarii littérales in Psalmos ; Commentarii littérales in minores Prophetas (ces deux ouvrages n’existent qu’en manuscrit). — 10. Jaricns († 1240), Commentaria in Genesim et Commentariain Ùantiea canticorum, (ms). — 11. Haytho, vel Haythonus (commencement du xiv c siècle), Commentarius in Apocalypsin (inédit). — 12. Pierre de Lutra, ou de Kayserslauter (vivait dans la 1™ moitié du xiv" siècle), In Evangelium S. Joannis, liber unus.

— 13. Pierre de Herenthals (1322-1391), Collectarius Evangeliorum, 1364, 2 in-f » ; Collectarius super librum Psalmorum, in-f », 1480, 1483, 1487, 1488, 1494, 1498, 1504, etc. ; In septem Psalmos pxiiitentiales Commentarius (ms.) ; In XV Cantica graduum liber 1 (ms).

— 14. Thomas de Vicogne (vers 1308) ; on lui attribue ; Commentarii in Cantica canticorum, liber unus ; In librum Job. — 15. Lheureux, ou Félix Thomas († 1420) : Annotationes in Psalmos Davidicos (ms).

— 16. Ulin, ou Ulinus Guillaume (vers le milieu du XVIe siècle), Commentationes in Epistolam sancti Pauli ad Romanos, ms. in-4°. Le manuscrit n" 15333 de la bibliothèque royale de Munich a pour titre : G. Ulini Commentationes in sancti Pauli Epistolas et in Vil Epistolas canonicas, in-8°, 1533. — 17. Motzhart Antoine (-{-1544), Annotationes in Evangelium sancti Joannis. — 18. De Quixada Thomas (1588), Sermones exegetici in Sacram Scripturam. — 19. Manar (ou Mannært) Jean (1583-1633), Annotationes in Novum Testamentum (ms). — 20. Fabri Christophe († 1645). On lui attribue les ouvrages suivants : Commentaires sur les livres de Moyse ; Commentaires sur Tobie ; Commentaires sur les Psaumes de David. — 21. Hempfer Georges († 1648), Exegesis Psalmorum. — 22. Balavenus Augustin, ou Balavoine (vivait vers le milieu du xviie siècle), Paraphrasis mystica in Canticum canticorum.il traduisit ce même ouvrage en français. (Rien ne fut imprimé, pour autant que nous le savons du moins.)

— 23. Tineo de Morales Louis (1660), Bexameron commentario litterali ac morali illustratum. — 24. Noizet Henri († 1670), Annotationes in Epistolas B. Pauli. Manuscrit de 1578, in-f", biblioth. d’Averbode. — 25. De Estrada Gijon Jean (f vers 1679), In Exodum. — 26. Maclot Edmont (1639-1711), Histoire de l’Ancien Testament, Nancy, 1705, in-8° ; Histoire du Nouveau Testament ou du sixième âge du monde, divisé en deux parties. Avec des réflexions théologiques, morales, critiques et chronologiques, in-8°, Paris, 1712. —27. Œrtle Eusèbe (16541721), CommentariusinPsalterium Davidis. — 28. Reiffenberger Norbert (1694-1764), Varies Qusestione » in Historias Genesis et Judicurn, cum Resolutionibus.

— 29. Béraneck Hugues († 1771), Catechesis scripturistica in Pentateuchum. — 30. Cænen Candide Jean Joseph Mathiàs Antoine (1749-1811), Commentaria in

Actus Apostolorum, ms. in-f° ; Commentaria in Psalmos, 3 in-4° ms ; Breviarium historicum Veteris ac Novi Teslamenti, 1775, ms. in-4° (Bibliothèque d’Averbode). — 31. L’Ecuy Jean-Baptiste (1740-1834), auteur du 8° et dernier volume de l’ouvrage de Bassinet : Histoire sacrée de l’Ancien et 9, u Nouveau Testament, Paris, 1804-1806. Ce dernier volume contient les Actes des Apôtres et l’Apocalypse, in-8° ; La Bible de la jeunesse (96 figures), 2 in-8°, Paris, 1819 ; 2e édit. ; Abrégé de l’Histoire de la Bible (24 figures), in-12°, Paris, 1812. — À cet ouvrage est ajouté un Nouvel Attas de la Bible, pour servir à l’intelligence des livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, 1809, grand in-f » ; La Bible de la jeunesse, par l’Écuy, reçut de grands éloges lors de sa publication.

— 32. Seerwart Herman-Joseph (1752-1828), Thèses sacrée ex septem Epistolis catholicis, et Apocalypsi S. Joannis, in-4°, Anvers, 1777 ; Thèses sacrée ex prioribus capitibus Evangelii secundum Joannem, Louvain, 1778.

— 33. Gûntner Gabriel Jean-Baptiste (1804-1867), Commentarius in Evangelium S. Matthgei (cet ouvrage, annoncé dans la préface des 2e et 3e éditions de l’Hermeneutica du même auteur, est peut-être resté manuscrit). — 34. Wentko Justin François (né en 1848), Exegesis in Libros sacros (Hongrie), 1881. — 35. Magashazy Antoine Adalbert (né en 1861), À négy evangelium hasonlôsâga es Eùlônbôrôsège (Die Einheit und Verschiedenheit der vier Evangeliën), in-8°, Keszthely, 1896. — 36. Kortleitner François Xavier Joseph (né en 1863), Canticum canticorum explicatum et prascipue ad historiam Ecctesim applicatum, in-8°, Inspruck, 1892. — 37. Daniel (dates inconnues), In Apocalypsin B. Joannis Commentariorum liber.

IV. Bibliographie. — Dupré (Maur.), Annales brèves ordinis Prsemonstratensis, ^ édit., in-8°, Namur, 1886 ; Kohel Sigismond, Prœmonstratensis ordinis rionnullorum patrum viles ex variis aulhoribus collectes, in-4°, 1608 ; Le Paige, Bibliotheca Prœmonstratensis ordinis, 2 in-f », Paris, 1633 ; Lienhart Georges, Spiritus literarius Norbertinus… seu sylloge viros ex ordine Prxmonstratensi, scriptis et doctrina célèbres necnon eorumdem vitas, res gestas, opéra et scripta tum inedita perspicue exhibens…, in-4°, Augsbourg, 1771 ; Miræus (4ub.), Chronicon ordinis Preemonslratensiç, in-8°, Cologne, 1613 ; Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge, Topo-Bibliographie, in-8°, Montbéliard, 1894-1903, p. 2455 ; Léon Gooværts, Écrivains, artistes et savants de l’ordre des Prémontrés, Dictionnaire bio-bibliographique, 2 in-4°. Bruxelles, 1899-1908. J. J. Feyen.

PRÉPUCE. Voir Circoncision, t. ii, col. 772.

    1. PRÉSENT##

PRÉSENT (hébreu : berâkâh, « bénédiction » ; matfân, ma(tanâh, mattat, de nâfan, « donner » ; Sohad, de Sâhad, « donner » ; maSèa’, mas’êf, de nàsd’  « porter » ; minhâh, nedâbdh, nêdéh, terûmâh, tesûrâh, Salmonîm ; chaldéen : mafton, nebizbâh ; Septante : Séy.a, Sûpov ; Vulgate : donum, donarium, donatio, munus, munusculum), chose que l’on donne à quelqu’un sans y être obligé en justice. On peut distinguer les présents en trois sortes, suivant la pensée qui les inspire.

1° Présents gracieux. — Ce sont ceux qui sont faits par amitié, par reconnaissance, par charité ou par respect. 1. Tels sont les présents d’Abraham à ses concubines, Gen., xxv, 6 ; d’Éliézer à Rebecca, à son frère et à sa mère, Gen., xxiv, 53 ; de Jacob à Ésaù, Gen., xxxii, 14, 19, 21 ; xxxiii, 11 ; d’Abigaïl à David, I Reg., xxv, 27 ; de David aux anciens de Juda, I Reg., xxx, 26 ; de Salomon à la reine de Saba, III Reg., x, 13 ; de ses sujets et de ses voisins à Salomon, III Reg., iv, 21 ; x, 25 ; II Par., ix, 24 ; de tout Juda à Josaphat, II Par., rvn,

5 ; de Josaphat à ses enfants, II Par-, xxi, 3 ; de Mérodach Baladan à Ézéchias, IV Reg., xx, 12 ; la., xxxix, t ; de ses sujets à Ézéchias, II Par., xxxii, 23 ; du chef chaldéen à Jérémie, Jer., xl, 5 ; de Nabuchodonosor à Daniel, Dan., ii, 6, 48 ; d’Assuérus à ses invités, Esth., ii, 18, et à Mardochée, Esth., xii, 5 ; de Cyrus aux captifs israélites qu’il délivre, Is., xlv, 13 ; I Esd., i, 4 ; du roi de Perse aux Juifs, II Mach., i, 35 ; des Juifs à leurs frères indigents, Esth., ix, 22 ; des mages à NotreSeigneur, Matth., ii, 11 ; voir Mages, t. iv, .col. 551 ; des rois à leur médecin, Eccli., xxxviii, 2 ; des hommes entre eux en signe d’allégresse, Apoc, xi, 10, etc. Parmi les présents, il faut ranger les dons qui sont faits par charité aux malheureux. Voir Aumône, t. i, col. 1244. — 2. Il est prédit qu’un jour, à l’époque du Messie, les rois et les nations apporteront leurs présents à Jérusalem. Ps. xlv (xliv), 13 ; lxxii (lvxi), 20 ; Tob., xill, 14. Il s’agit ici surtout des dons destinés à honorer le Seigneur. Sur ces présents, voir Oblation, Offrande, t. iv, col. 1725, 1758. — 3. Quelquefois les présents gracieux sont refusés par ceux qui devraient les faire, I Reg., x, 27, ou par ceux qui pourraient les accepter. Dan., v, 17. — 4. Les présents ont leurs raisons d’être : ils font plaisir à tous, Prov., xvii, 8, procurent à celui qui les fait des amis, Prov., xix, 6, et même des bénédictions temporelles, Prov., xi, 25, et sont parfois utiles pour calmer la colère. Prov., xxi, 14.

2° Présents intéressés. — 1. On les fait en vue d’un intérêt légitime. Hémor offre de grands présents afin d’obtenir que Dina soit accordée pour épouse à son fils Sichem. Gen., xxxiv, 12, Sur le présent ou niohar que l’époux doit offrir aux parents de l’épouse, voir Dot, t. ii, col. 1496. Jacob envoie des présents à Joseph, pour gagner ses bonnes grâces. Gen., xliii, 11, 25, 26. Quand Saùl, à la recherche de ses ânesses, songe à consulter le voyant, il se prépare à lui offrir un présent. I Reg., ix, 7. Ainsi procèdent, vis-à-vis d’hommes de Dieu, Jéroboam, III Reg., xiii, 7 ; Naaman, IV Reg., v, 15, et Hazaël, IV Reg., viii, 8-9. — 2. Des présents sont offerts à des rois dont on veut se ménager la faveur. Aod est chargé de porter des présents à Églon, roi de Moab. Jud., iii, 15, 18. De cette espèce sont les tributs plus ou moins volontaires, mais décorés du nom de présents, qui sont payés par les Moabites à David, II Reg., vm, 2, 6 ; par les Philistins à Salomon, III Reg., iv, 21 ; par Asa à Benadad, III Reg., xv, 19 ; par Achaz au roi d’Assyrie, IV Reg., xvi, 8 ; II Par., xxviii, 21 ; par les Philistins à Josaphat, II Par., xvii, 11 ; par les Ammonites à Ozias, II Pari, xxvi, 8 ; par Éphraïm aux nations voisines, Os., viii, 9 ; par Tryphon à Jonathas, I Mach., xii, 43, etc. Le roi Osée se déroba à l’obligation d’offrir des présents au roi d’Assyrie. IV Reg., xvii, 4. — 3. On offre des présents à quelqu’un pour le gagner ou l’adoucir. David, pour pallier son crime, envoie des présents à Urie. II Reg., xi, 8. Antiochus Épiphane en ofire à Matathias et aux Juifs de son parti pour qu’ils se soumettent. I Mach., ii, 18. L’homme outragé dans son honneur de famille demeure inflexible et n’accepte pas les présents. Prov., vi, 35. — Ces sortes de présents frayent la voie à un homme et lui donnent accès auprès des grands. Prov., xviii, 16. Mais ils engendrent facilement des abus. Le roi qui en est avide ruine son pays. Prov., xxix, 4. Le présent injustement acquis périra. Eccli., XL, 12. Celui qui se glorifie de présents trompeurs, c’est-à-dire, comme traduit la Vulgate, qui en promet mais ne les donne pas, est un nuage ou un vent sans pluie. Prov., xxv, 14. En somme, celui qui hait les présents, vivra. Prov., xv, 27.

3° Présents corrupteurs. — 1. Il y a des présents infâmes, qui sont le salaire de la prostitution. Ezech., xvi, 33. — 2. Bien plus fréquemment, il est question dans la Sainte Écriture de la corruption introduite par


les présents dans l’exercice de la justice publique. La Loi recommande aux juges de ne pas accepter de présents. Exod., xïiii, 8. Il est dit que Jéhovah ne reçoit pas de présents pour rendre justice, Deut., x, 17 ; II Par., xix, 7 ; que les jugés n’en doivent pas recevoir, parce que les présents aveuglent, Deut., xvi, 19, et que maudit est celui qui, pour un présent, verse le sang innocent. Deut., xxvii, 25. Les auteurs sacrés rappellent que les présents corrompent le cœur, Eccli., vu, 7 ; qu’ils aveuglent les sages et les empêchent de blâmer ce qui est mauvais, Eccli., xx, 31 ; qu’il ne faut pas chercher à tromper le Seigneur par des dons, parce qu’il juge sans tenir compte de la qualité des personnes. Eccli., xxxv, 14. — 3. Le juste n’accepte pas » de présents au préjudice de l’innocent. Ps. xv (xiv), 5. Samuel a pu se rendre ce témoignage qu’il n’a jamais reçu de présents pour fermer les yeux à la justice. I Reg., xii, 3. En général, l’homme juste se défie des présents, et il secoue ses mains pour n’en pas recevoir et n’en pas garder. Is., xxxiii, 15. — 4. Mais le méchant a la droite pleine de présents, soit de ceux qu’il a reçus pour mal faire, soit de ceux qu’il veut donner pour corrompre. Ps. xxvi (xxv), 10. Les fils de Samuel recevaient des présents au détriment de la justice. I Reg., viii, 3. D’autres cachaient des présents dans le pli de leur manteau pour gagner les juges. Prov., xvii, 23. Ceux-ci se laissaient facilement corrompre. Des plaintes sont formulées à ce sujet par Isaïe, i, 23 ; v, 23 ; Méchiel, xxii, 12 ; Amos, v, 12, et Michée,

ni, 11.
H. Lesêtre.

1. PRÉSENTATION de la Sainte Vierge au Temple de Jérusalem. "Voir Marie, t. iv, col. 778-780.

2. PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE. —

1° Saint Luc raconte que, quand les jours de sa (ou de leur) purification furent accomplis, « Marie et Joseph portèrent l’Enfant à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur. « Luc, ii, 22-24. L’Évangéliste vise deux lois, celle qui ordonnait de consacrer au Seigneur tout mâle premier-né, Num., vii, 17 ; xviii, 16-17, et celle qui prescrivait le sacrifice à offrir pour la purification de sa mère quarante jours après la naissance de l’enfant. Lev., xii, 2-4. La Sainte Vierge ayant seule à être purifiée légalement, on comprend que la Vulgate parle des jours de « sa purification ». Mais la plupart des manuscrits grecs portent ici le pluriel, « leur purification ». D’après ce texte, il faut comprendre sous le nom de purification la présentation de l’Enfant et le sacrifice de la mère, et le pronom au pluriel concerne Marie et Jésus, présenté lui-même à son Père. Selon la loi, Num., xviii, 16, le premier-né appartenait au Seigneur. Mais, comme le service direct du Seigneur avait été réservé à la tribu de Lévi, les premiers-nés qui s’en trouvaient ainsi exemptés devaient être rachetés, au prix de cinq sicles d’argent, à l’âge d’un mois. La loi ne prescrit pas en termes exprès la présentation du premier-né au Seigneur, mais l’usage avait ainsi interprété la loi qui ordonnait de le « sanctifier » (consacrer dans le texte hébreu) à Dieu. Exod., xiii, 2 ; Num., viii, 17. « Quand les jours de sa (ou de leur) purification (les quarante jours) furent accomplis, dit saint Luc, ii, 22-23, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur. » Plus que toute autre mère, la Sainte Vierge devait être portée à offrir au Seigneur son divin Enfant. Elle savait qne cet Enfant, destiné au seul véritable et efficace sacrifice pour le genre humain, avait hâte défaire précéder sa future immolation d’une offrande officielle de lui-même dans le Temple. D’autre part, elle n’ignorait pas les prophéties, et, sans nul

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doute, comprenait que Jésus les réalisait par sa présence : « Je remplirai de gloire cette maison ; … grande sera la gloire de cette maison, la dernière plus que la première. » Agg., ii, 7, 9. « Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, l’ange de l’alliance que vous désirez. Voici, il vient, dit Jéhovah des armées. » Mal., iii, 1. Pendant sa vie publique, le Sauveur devait accomplir ces prophéties dans toute leur plénitude. Mais il ne pouvait attendre jusqu’à celle époque pour paraître dans la maison de son Père. Car la volonté de ce Père était qu’il y fût apporté peu après sa naissance. Le saint vieillard Siméon avait reçu la promesse « qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ du Seigneur », et il fut envoyé dans le Temple pour le saluer, pendant que, de son côté, la prophétesse Anne, sur le déclin de sa vie, lui rendait hommage et parlait de lui « à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la rédemption. » Luc, ii, ’26-38. Comme cette présentation n’était pas spécialement réglée par la loi, les prêtres n’eurent pas à intervenir pour la faire, et il se trouva que Marie, la plus pure et la plus sainte des créatures, eut à remplir cet office extérieurement, pendant qu’intérieurement le Verbe incarné renouvelait l’offrande qu’il avait faite de son humanité dès le. premier instant de son union hypostatique. Heb., x, 5.

2° La présentation du Sauveur, racontée par l’Évangile même, fut de bonne heure l’objet d’une fête chrétienne. A la fin du IVe siècle, la JPeregrinalio SilvisR, 60, l’a mentionne comme célébrée à Jérusalem quadragesimse de epiphania, « le quarantième jour de l’épiphanie », c’est-à-dire de la naissance du Sauveur, selon le langage oriental. Justinien en prescrivit la célébration dans son empire en 542, à l’occasion d’une peste. Les Grecs appelaient cette fête ÛTcanâvr » ), « rencontre », à cause de la rencontre au Temple de Jésus et ses parents avec Siméon et Anne. À Rome, elle est mentionnée par le sacramentaire de saint Gélase, ii, 8, t. lxxiv, col. 1158, entre 492 et 496, sous le nom de purificalio. La liturgie latine appelle cette fête la « Purification de la B. V. Marie » ; mais les souvenirs évangéliques y tiennent une très grande place et, en conséquence, s’il y est question de la très sainte Vierge, il y est encore plus parlé du divin Enfant, des prophéties qui annoncent son apparition et des circonstances qui accompagnèrent sa présentation. Cf. Kellner, Heortologie, Fribourg-en-Brisgau,

1901, p. 116-118.
H. Lesêtre.
    1. PRESLES##

PRESLES (Raoul de), traducteur de la Bible en français, mort en 1382. Il fut avocat général au parlement de Paris et puis maître des requêtes de l’hôtel de Charles V, roi de France. Il traduisit et composa plusieurs ouvrages. Nous n’avons à mentionner ici que sa traduction française des Saintes Écritures. Voir Françaises (Versions) de la Bible, iv, 3, t. iii, col. 2960.

    1. PRESSENSÉ##

PRESSENSÉ (Edmond de), théologien protestant, né à Paris le 3 juin 1824, mort dans cette ville le 8 avril 1891. Au terme de ses études théologiques, commencées à Lausanne (1842-1845) sous la direction de Vinet, et poursuivies à Halle et à Berlin avecTholuck et Néander pour maîtres, Pressensé fut nommé pasteur de l’église Taitbout à Paris (1847). En 1870 il résigna ses, fonctions, pour remplir celles d’aumônier des ambulances à la frontière. De retour à Paris il partagea son activité entre la politique, la Revue chrétienne, fondée par lui en 1854 et qu’il dirigea pendant 37 ans, et la publication de nombreux ouvrages. Le Il janvier 1890, l’Académie des sciences morales et politiques lui ouvrit ses portes, une année avant sa mort. — Sans parler des nombreux articles de la Revue chrétienne, relatifs aux études bibliques, on a de lui : Histoire des trois premiers siècles de l’Église chrétienne, 6 in-8°, Paris,

1858-1877 ; L’école critique et Jésus-Christ, in-8°, Paris, 1863 ; Le pays de l’Évangile, in-12, Paris, 1864 ; Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, in-8° et in-12, Paris, 1866 (plusieurs éditions) ; Éludes évangéUq&è », 1 in-12, Paris, 1867 ; Saint Paul jugé par Renan, in-8°, Paris, 1869. — Cf. Théophile Roussel, Notice sur la vie et les œuvres de M. de Pressensé, in-8°, Paris, 1894. 0. Rey.

    1. PRESSOIR##

PRESSOIR (hébreu : gat, yéqéb, pùrâh ; Septante : ). » )v6c, iupoXT, viov, inoX^viov ; Vulgate : torcular), appareil servant à faire sortir le jus contenu dans les raisins, les olives, etc.

1° Le pressoir se compose essentiellement d’une cuve dans laquelle on fait arriver le jus des fruits. Cette cuve s’appelle gat, Xïivô ?. Le yéqéb désigne la même cuve, en tant que placée au-dessous de l’appareil à pression, ïnroXïjviov. Le irpoXriviov est la cuve placée non plus au-dessous, mais en avant. La pûràh, de pur, « broyer », est l’appareil à pression. Le torcular, de torqueo, « tordre », a le même sens que pûràh. Tous ces mots d’ailleurs désignent l’ensemble de l’appareil, bien qu’ils n’en nomment qu’une des parties. Parmi les pressoirs anciens, il y en a qui sont à torsion. Tel est un pressoir égyptien se composant d’un

164. — Pressoir égyptien à torsion. Béni Hassan.

D’après Wilkinson, Manners and custutns of the ancient

Egyptians, t édit., 1. 1, fig. 160, p. 383.

sac oblong et perméable, fixé par ses exlrémités à deux poteaux (fig. 164). Quand le raisin est enfermé dans le sac, on soumet celui-ci à une forte torsion, et le raisin comprimé laisse échapper son jus dans une cuve, qui est un (iiuoXtiviov. C’est là un torcular proprement dit. D’autres fois le raisin est foulé aux pieds (tig. 165). Un autre pressoir égygtien (fig. 166) consiste en un grand récipient dans lequel on a versé le raisin. Sept hommes le foulent aux pieds, en se tenant par les mains à des cordes qui pendent d’un châssis supérieur. Sur deux côtés du récipient, des cuves, qui sont des 7cpo).T|Vta, reçoivent le jus. Beaucoup de monuments anciens représentent des vendangeurs qui foulent aux pieds le raisin ou d’autres fruits dans des cuves. Cf.Dicf. cJ’arc/i « ’ol.c/irt>t., t.i, fig.385, col.l616 ; fig.387, col. 1617 ; fig. 411, col. 1643 ; fig. 973, col. 2871, etc. Dans le pressoir à levier (fig. 167), primitivement employé en Grèce et en Italie, une lourde pierre pèse sur les raisins ou les olives. Ces fruits sont retenus par un panier ou par des lattes. Une longue poutrelle, articulée à l’une de ses extrémités, sert à soulever la pierre pour placer le panier, et ensuite à augmenter la pression par la pesée que des hommes exercent à l’extrémité libre. Ce pressoir parvenait à extraire ce qui restait de jus dans les raisins déjà foulés, ou l’huile dans les olives déjà écrasées. D’autres pressoirs moins encombrants furent inventés par la suite. Cf. Rich, Dicl. des antiquités romaines et grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873 s p. 655-659. — Les pressoirs à huile de Palestine ressemblaient un peu à des meules à blé. Voir t. iii, fig. 157, col. 773. Sur une pierre creusée en cuvette, une meulp pouvait tourner, soit à la main, soit à l’aide d’une traverse de bois

passant à travers la meule et mise en mouvement par des hommes ou des animaux. — « Encore aujourd’hui, en Palestine et en Syrie, on creuse le pressoir dans là vigne. Le raisin est entassé sur une aire de fortes

dans la Bible. Le pressoir ou la cuve sont nommés pour désigner leurs produits. Num., xviii, 27, 30 ; Deut., xv, 14 ; xvi, 13 ; IV Reg., vi, 27. Gédéon battait son froment sur son pressoir, c’est-à-dire sur l’aire

165. — Pressoir égyptien dans lequel le raisin est foulé aux pieds.fD’après Wukinson, Manners and customs of anc. Egyptians, 2e édit., t. ii, p. 192.

dalles, entourée d’une bordure en pierres et adossée à une muraille. Là il est foulé aux pieds, puis fortement pressé à l’aide de poutres engagées dans le mur. Le moût s’écoule dans des fosses, profondes d’un mètre, ’ymmii//iun/i//tfn/r//f

166. — Grand pressoir égyptien. Thèbes. D’après Wilkinson, Manners, t. i, fig. 162, p. 385.

enduites avec soin. Quand il y a déposé ses impuretés, on le porte dans une chaudière établie tout auprès, où il reçoit une légère cuisson avant d’être mis en barils pour fermenter. On rencontre quelquefois des pressoirs

dallée qui servait d’ordinaire à presser le raisin. Jud., vi, H. Des pressoirs sont signalés près du Jourdain, Jud., vii, 25, et dans le voisinage de Sichem. Jud., ix, 27. Job, xxiv, 11, parle des pauvres gens que le riche occupe à exprimer l’huile dans ses celliers et à fouler la vendange au pressoir. Dans une vigne, on bâtissait d’ordinaire une tour et un pressoir, Is., v, 2 ; Matth., xxi, 33 ; Marc, , xii, 1, le pressoir pour faire le vin sur place, la tour pour y poster un veilleur chargé d’écarter les maraudeurs. Voir Tour. Zacharie, xiv, 10, parle de « pressoirs du roi » attenant à l’enceinte même de Jérusalem, et probablement voisins des jardins royaux, au sud de la ville. Voir t. iii, col. 1132. Gethsémani marque l’emplacement d’un pressoir à huile. Voir t. iii, col. 230. Les villes de Geth, « pressoir », Géthaïm, « les deux pressoirs », Gethhépher, « le pressoir de l’excavation », ont dû leur origine à des pressoirs. Voir t. iii, col. 223, 227, 228. On trouve encore en Palestine de nombreux restes d’anciens pressoirs (fig. 169), plus ou moins déformés et enfouis sous la terre et les broussailles, dans les collines du sud de la Judée, entre Hébron et Bersabée ; il y en a beaucoup au mont Carmel et aux environs de Caïffa, en Galilée et spécialement près de Cédés. Cf. Tristram, The natural History of tke Bible, Londres, 1889, p. 409. — Néhémie rappela à l’ordre des hommes qu’il vit fouler au pressoir un jour de sabbat. II Esd., xiii, 15. À l’Israélite fidèle, il était promis que sa cuve déborderait de vin nouveau. Prov., m, 10. Par contre, en Moab, châiié par le Seigneur, le

167. — Pressoir romain. D’après Rich, Dict. des antiquités, p. 656.

de ce genre tout entiers taillés dans le roc. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 261.

2° La Palestine était un pays de vignes. Aussi les

pressoirs sont-ils l’objet d’assez nombreuses mentions

vendangeur ne foule plus le vin dans les cuves, Is., xvi, 10, et, chez les Israélites infidèles, quand on venait au pressoir pour y puiser cinquante mesures, il n’y en avait que vingt, Agg., ii, 17, ou bien on pressait l’olive

et le raisin, mais on n’en jouissait pas. Mich., vi, 15. Cf. Ose., ix, 2. — Oh chantait et on ponssait des cris de joie en foulant le raisin au pressoir. Le Seigneur fait dire de Moab, Jer., xlviii, 33 :

J’ai fait tarir le vin des cuves ;

On ne le foule plus au bruit des cris de joie :

Ce sont des cris de guerre et non des cris de joie.

3° Le pressoir fournit matière à des comparaisons expressives. L’auteur de l’Ecclésiastique, xxxiii, 16, 17, après avoir consacré ses veilles à la sagesse, se dit sem ïrcfie

Ww 168. — Pressoir à viii, antique, taillé dans le roc, à Aïn Karim— On foule le raisin en a, d’où il s’écoule dans le bassin b, qui est de 1 mètre plus profond et plus large. Dans sa partie méridionale, qui est moins profonde, il y a trois niches, dont les deux latérales sont percées de trous, devant lesquels il y avait sans doute un clou qui devait servir à fixer des leviers pour presser. Voir fig. 167. Les raisins foulés en a passaient donc, comme le montre la section, en b, où on les pressait encore davantage au moyen de pièces de bois et de leviers. Le liquide s’écoulait alors par les trous ene et d ; c est beaucoup plus étroit et n’a que 1°40 de profondeur, tandis que d a environ 2 mètres de large et 2°30 de profondeur. Dee à d il y a un trou rond par où le liquide peut passer du premier dans le second. Ce dernier a des marches au nord et à l’est. Sur le roc, près de la marche à l’est et au coin nord-est, il y a un creux en forme de coupe où l’on peut poser une jarre de terre sans qu’elle soit exposée à se renverser. — D’après Schick, Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1899, p. 41.

blable à celui qui grapille les raisins après la vendange et qui pourtant, comme le vendangeur, remplit le pressoir. Au temps messianique, les cuves regorgeront de vin nouveau et d’huile, Joël, rt, 24, symboles de l’abondance des biens spirituels. — Le pressoir est la figure de l’épreuve et du châtiment qui écrasent. Les Chaldéens ont écrasé les jeunes hommes de Juda et le Seigneur a foulé au pressoir les jeunes filles. Lam., i,

15. À la même idée se rapporte la pression, ffttyiç, pressura, de la femme qui enfante, Joa., xvi, 21, et celle qu’endure le chrétien de la part des persécuteurs. Joa., xvi, 33 ; II Cor., i, 4 ; Phil., i, 17. — Dieu, dans l’exercice de sa puissance ou de sa justice, est comparé au vendangeur qui travaille au pressoir. Isaïe, lxiii, 2-6, représente en ces termes le jugement exercé contre Édom, figure des ennemis des serviteurs de Dieu :

Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement,

Et tes habits sont-ils comme quand on foule au pressoir ?

J’ai été seul à fouler au pressoir,

Et parmi les peuples personne n’a été avec moi ;

Je les ai foulés dans ma colère,

Écrasés sous mes pieds dans ma fureur ;

Le jus a jailli sur mes habits

Et j’ai souillé tout mon vêtement…

J’ai écrasé les peuples dans ma colère…

Et j’ai fait couler leur sang à terre.

169. — Pressoir à huile, trouvé à Taanach. D’après E. Sellin, Eine Nachlese aus dem Tell Ta’annak, dans les Denkschriften der K. Akademie der Wissenschaften Ph. hist. XL, Vienne, 1906, fig. 43, p. 27.

On voit ici le vendangeur, se plaignant d’être seul à l’ouvrage quand d’ordinaire plusieurs foulent sur la même aire. Il se met cependant à la tâche avec ardeur ; le jus du raisin jaillit sur ses habits qu’il rougit et. tombe en bas de la cuve. Jérémie, xxv, 30, montre le Seigneur sur le point de châtier Jérusalem par le glaive des Chaldéens : il fait entendre à tous les habitants de la terre le cri des vendangeurs qui foulent le raisin. Joël, iii, 13, parlant de la vengeance qui va fondre sur les ennemis du peuple de Dieu, s’écrie :

Venez, foulez, car le pressoir est plein,

Les cuves regorgent, tant est grande leur malice.

Saint Jean se sert des mêmes figures pour décrire le jugement du monde. « L’ange vendangea la vigne de la terre et il en jeta les grappes dans la grande cuve de la colère de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ville, et il en sortit du sang jusqu’à la hauteur du mors des chevaux. » Apoc, xiv, 19, 20. C’est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs « qui foulera la cuve du vi »

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PRESSOIR — PRÊT

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de l’ardente colère du Dieu tout-puissant. » Apoc, xix, 15.

Plusieurs Psaumes ont en titre dans les versions : ûiràptûv >ï)viSv, pro torcularibus, « pour les pressoirs ». Ps. tiii, 1 ; lxxx, 1 ; lxxxiii, 1. Il y a en hébreu’al hag-giftit, « sur la gittît ». Ce mot est le nom d’un instrument. Voir Giïtith, t. iii, col. 245.

E. Lesêtre.

PRÊT, mise d’une somme d’argent ou d’un objet à la disposition de quelqu’un qui doit les rendre. En hébreu, le verbe lâvdh signifie « emprunter » au kal, et « prêter » à l’hiphil causatif ; Septante : Saveffciv, xty_p « vai ; Vulgate : commodare. Le verbe nâSâh a le même sens.

I. La loi. — 1° La loi mosaïque considérait le prêt comme un service essentiellement désintéressé qu’il fallait rendre au prochain dans le besoin. « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard comme un créancier, tu n’exigeras pas de lui d’intérêt. » Exod., xxii, 25. La prescription est répétée dans le Lévitique, xxv, 35-37 : « Si ton frère devient pauvre et que sa main s’affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fût-il étranger, afin qu’il vive auprès de toi. Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. » L’étranger est ici le gêr, admis à vivreau milieu des Israélites en respectant leurs lois religieuses et sociales. Voir Prosélyte. Le Deutéronome, xxiii, 19, 20, revient une troisième fois sur le même objet : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. » — L’intérêt porte en hébreu différents noms. On l’appelle d’abord néSék, du verbe nâSak, « mordre », parce que c’est mordre et dévorer le débiteur pauvre que de l’obliger à rendre quelque chose de plus que ce qu’on lui a prêté. L’araméen nekat, « mordre » donne de même nûktâ’, « intérêt » ; l’arabe qras signifie à la fois « ronger » et « tirer intérêt » ; Aristophane, Nub., i, i% emploie l’expression Sixvs(76a : ûitô twv x.pswv, « être mordu par les dettes », et Lucain, I, 181, qualifie l’usure de vorax, « dévorante ». Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 922. Les versions traduisent né$ék par tôxoç et uswa. Du verbe râbâh, « augmenter, multiplier », sont tirés deux autres noms de l’intérêt : marbît et farbîf, que les versions rendent par uXcovctandc, « surplus », super abundantia. L’intérêt d’un prêt se présentait donc aux Hébreux sous un double aspect : celui d’une dureté à l’égard d’un homme déjà pauvre ; et celui d’un profit en faveur d’un homme déjà riche. On comprend qu’à ces titres il ait été prohibé par une loi qui visait à resserrer les liens de fraternité entre tous les membres de la famille israélite.

2° S’il ne pouvait exiger d’intérêt, du moins le prêteur avait le droit de prendre un gage sur son débiteur. S’il en eût été autrement, certains débiteurs aujaient abusé de la situation pour se faire prêter sans intention de rendre, et bien des riches auraient refusé -de prêter, à cause des risques à courir ; et, en définitive, c’eût été au détriment du pauvre. Mais la loi imposait certaines conditions à celui qui se nantissait -d’un gage prélevé sur les biens de son débiteur. Voir Dette, t. ii, col. 1394, 1395. Plus tard, la solvabilité du débiteur fut garantie par des cautions. Voir t. ii, col. 1395. — L’institution des années jubilaires et sabbatiques apportait certaines restrictions aux droits naiûrels du prêteur. À l’année jubilaire, chaque famille devait rentrer dans sa propriété foncière. Dès lors, le gage pris sur cette propriété devenait caduc. Il ne s’ensuit nullement, comme le prétend Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, que les dettes s’éteignaient par le fait même. Rien dans les textes sacrés n’autorise à l’ad mettre. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1752-1753. L’effet de l’année sabbatique était purement suspensif. Comme, cette année-là, le sol n’était pas cultivé et ne rapportait rien, celui qui avait fait un prêt ne pouvait en exiger la restitution d’un Israélite. L’approche de l’année sabbatique ne devait même pas empêcher de prêter au pauvre, sous prétexte qu’on ne rentrerait pas dans ses fonds toute la durée de cette année. Le Seigneur voulait que l’Israélite lise eût le cœur mieux placé et n’hésitât pas à proroger d’une année entière l’échéance de la dette. Deut., xv, 1-3, 7-11. Ce précepte n’était pas d’une observation très onéreuse dans un pays et dans un temps où l’argent n’avait qu’une valeur représentative et n’était pas considéré comme portant profit par lui-même.

3° Vis à vis de l’étranger, nokrî, àXXi-rptoç, de celui qui n’était pas agrégé à la nation comme le gêr, les droits de l’Israélite avaient plus d’extension. On pouvait exiger de lui le paiement de la dette même l’année sabbatique. Deut., xv, 3. De plus, il était permis de lui prêter à intérêt. Deut., xxiii, 20. Cette faculté comptait parmi les faveurs accordées par Jéhovah à son peuple : « Tu feras des prêts à beaucoup de nations et toi tu n’emprunteras pas. » Deut., xv, 6 ; xxviii, 12. Or ces prêts comportaient intérêt ; autrement les Israélites ne les eussent jamais consentis à des peuples visà-vis desquels aucune obligation ne les liait, ni en justice, ni en charité. Chez les Babyloniens, on prêtait à intérêt. Le code d’Hammourabi prévoit plusieurs fois le paiement d’un capital et des intérêts, kaspu u sibat-su. Scheil, Textes élamitiques-sétnitiques, Paris, 1902, p. 49 ; art. 48-51, p. 41-43. Cf. Buhl, La société israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 155-160. L’intérêt était de 20 et parfois même de 25 pour 100. Cf. Rawlinson, Cun. Insc. W. As., t. ii, pi. 12, col. 1, 20, 21 ; t. iii, pi. 47, 9. Les prêtres babyloniens faisaient fructifier les immenses ressources accumulées dans les temples, trafiquaient sur l’argent et servaient d’intermédiaires entre prêteurs et emprunteurs, avec intervention de scribe public et usage du gage, de la caution, de l’amortissement et de la saisie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 679, 750. Les Israélites ne faisaient donc que suivre un usage commun en tirant intérêt de ce qu’ils prêtaient aux étrangers. — Par contre, si l’Israélite devenait infidèle à son Dieu, les malédictions devaient tomber sur lui, celle-ci entre autres : « L’étranger qui vit au milieu de toi s’élèvera de plus en plus au-dessus de toi, tandis que toi, tu descendras toujours plus bas ; il te prêtera, et tu île lui prêteras pas ; il sera en tête, et tu seras à la queue. » Deut., xxviii, 43, 44. L’étranger en question est le gêr, admis à vivre au milieu d’Israël et astreint à ses lois. Par conséquent, s’il prêtait à un Israélite, il ne devait pas réclamer d’intérêt, et c’était déjà une humiliation pour l’Israélite que d’en être réduit à emprunter sans avoir le moyen de prêter. Mais, pour la suite, on ne prêta guère sans intérêt dans de pareilles conditions.

II. La pratique. — 1° Les prescriptions de la loi sur les prêts n’ont pas toujours été strictement observées. La femme dont Elisée multiplia l’huile pour l’aider à payer sa dette avait vu ses deux enfants réduits en esclavage par un créancier impitoyable. IV Reg., iv, 1. Le texte ne dit pas si ce créancier était Israélite ou étranger. S’il était Israélite, il avait outrepassé ses droits ; car la loi permettait à l’Israélite pauvre de se vendre comme esclave jusqu’à l’année jubilaire, Exod., xxv, 39 ; elle n’autorisait pas un créancier à le réduire de force en esclavage. Il est assez probable que le créancier était étranger, car le fait se passait dans le royaume du nord ; on est alors en droit d’incriminer les compatriotes de cette veuve « d’entre les femmes des fils des prophètes », qui avaient laissé cette violence s’exercer sans

venir au secours de la malheureuse famille. — Après la captivité, les gens du peuple se virent obligés, pour se nourrir et pour payer le tribut, d’emprunter de l’argent en engageant tous leurs biens et même de mettre leurs enfants en esclavage. II Esd., v, 2-5. Les créanciers étaient des Juifs. Néhémie les réprimanda sévèrement en leur disant : « Vous prêtez donc à intérêt à vos frères ! » Et, prêchant lui-même d’exemple, il décida les riches à faire abandon des biens qu’on leur avait engagés et de l’intérêt qu’ils avaient exigé. Cet intérêt se montait à un centième de l’argent, du vin et de l’huile. II Esd., v, 7-12. Bien que peu élevé, il ne laissait pas cependant d’être contraire à la loi et onéreux pour les pauvres gens. — Dans une des paraboles de Notre-Seigneur, un débiteur est condamné à être vendu, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, afin d’acquitter la dette. Matth., xviii, 25. Ici le divin Maître se réfère sans doute à la législation romaine, qui était très dure pour les débiteurs insolvables et permettait de les mettre à mort ou de les vendre hors de Rome. Cf. Aulu-Gelle, xx, 1, 47.

2° Les prophètes ont quelques allusions aux prêts qui se faisaient de leur temps. Isaïe, ), , 1, suppose des débiteurs vendus à des créanciers. Jérémie, xv, 10, dit en parlant des antipathies dont il est l’objet : « Je n’ai rien prêté, et tous me maudissent. » Celui qui prêtait pétait donc habituellement maudit, soit à cause de sa dureté, soit par suite de l’ingratitude de son débiteur. Le même prophète constate que de son temps, et même bien avant son époque, on n’obéissait plus à la loi qui ordonnait de libérer, à l’année sabbatique, les esclaves israélites qui avaient dû se vendre par pauvreté ou pour acquitter des dettes. Jer., xxxiv, 9-16.

— Amos, ii, 8, accuse les riches d’Israël de s’étendre près de chaque autel sur des vêtements reçus en gage, et de boire dans les maisons de leur Dieu le vin de ceux qu’ils ont condamné à l’amende. Ce passage fait allusion à la loi qui permettait au prêteur de prendre en gage le manteau du prochain, à condition de le lui rendre pour la nuit. Exod., xxii, 26. Les riches faisaient ainsi un étalage scandaleux et un usage déshonorant des manteaux qui constituaient la preuve de leurs prêts. Probablement, ils ne songeaient nullement à les rendre au temps prescrit. Le vin provenant des amendes avait peut-être aussi été prélevé sur des débiteurs. — Ézéchiel, xviii, 8, 13, dit que le juste rend au débiteur son gage, ne prête pas à usure et ne prend pas d’intérêt, tandis que le méchant fait tout le contraire. Mais il constate qu’à Jérusalem le prêt à intérêt s’était généralisé contrairement à la loi. Ezech., xxii, 12.

3° Les autres écrivains de l’Ancien Testament ont aussi quelques traits relatifs à la question du prêt. Dans Job, xxii, 6, on voit le méchant prendre sans motif des gages à ses frères et enlever les vêtements au misérable ; il pousse devant lui l’âne de l’orphelin et retient en gage le bœuf de la veuve, tandis que, par sa faute, le pauvre est sans couverture contre le froid et passe la nuit sans vêtement. Job, xxiv, 3, 7. — Au maudit, on souhaite que le créancier s’empare de ce qui est à lui. Ps. cix (cvm), 11. Quant au juste, on lui fait honneur, comme d’une chose qui est loin de se pratiquer généralement, d’être compatissant et de prêter sans intérêt. Ps. xv (xiv), 5 ; xxxvii (xxxvi), 26 ; exil (cxi), 5. — Pour l’auteur des Proverbes, xxii, 7, emprunter, c’est se faire l’esclave de celui qui prête. Par contre, avoir pitié du pauvre, c’est prêter à Jéhovah. Prov., xix, 17. — L’Ecclésiastique renferme des remarques intéressantes sur le prêt et ses’conséquences diverses :

Ne prête pas à plus puissant que toi, Et si tu lui as prêté, tiens-le pour perdu.

Eccli., viii, 15 (12).

Les puissants n’avaient donc guère l’habitude de rendre. L’insensé « prête aujourd’hui et redemandera demain ». Eccli., xx, 16 (14). On ne peut se fier à lui. C’est faire acte de miséricorde que de prêter au prochain qui est dans le besoin. Eccli., xxix, 1, 2. Malheureusement, l’emprunteur n’est pas toujours délicat.

Beaucoup regardentcomme une trouvaille ce qu’on leur a prêté,

Et causent de l’ennui à ceux qui les ont aidés…

Quand vient le moment de rendre, on prend des délais,

On exprime tout son chagrin, on accuse la dureté des temps.

Peut-on payer, le prêteur recevra la moitié à peine

Et encorccroira à une bonne aubaine.

Si on ne le peut, on le frustre de son argent,

Et celui-ci se tait malgré lui de son obligé un ennemi

Qui le paie en malédictions et en injures,

Et qui, au lieu d’honneur, ne lui rend qu’outrage.

Eccli., xxix, 4-6.

L’auteur observe que, pour ces raisons, beaucoup se refusent à prêter ; il les exhorte cependant à le faire par charité pour leurs frères. Eccli., xxix, 7-11. — De ces différents passages résulte cette conclusion que chez les Israélites, surtout aux époques d’affaissement religieux, l’amour du gain se manifestait chez ceux qui empruntaient et surtout chez ceux qui prêtaient. La loi était d’autant plus aisément violée qu’on prétendait par là se mettre d’accord avec la pratique des étrangers.

4° À l’époque évangélique, la situation n’est plus la même. On admet que l’argent prêté peut produire un intérêt. Notre-Seigneur, dans une parabole, fait allusion, sans un mot de blâme, aux opérations de banque qui rendaient l’argent productif. Matth., xxv, 27 ; Luc, xix, 23. Chez les Romains, l’intérêt légal était de 12 pour 100 par an, et il s’accumulait d’année en année. Cf. Cicéron, Attic, vi, 3, 5. À son disciple cependant, le Sauveur recommande de ne pas chercher à éviter celui qui veut lui emprunter. Matth., v, 42. Il ajoute même : « Si vous ne prêtez qu’à ceux dont vous espérez restitution, quel mérite avez-vous ? Car les pécheurs prêtent aux pécheurs afin de recevoir l’équivalent, t « ïo-a… Prêtez sans rien espérer, et votre récompense sera grande. » Luc, vi, 34, 35. Ces pécheurs sont sans doute des Juifs, car ils se contentent de recevoir l’équivalent du prêt, conformément à la loi mosaïque. Il y a dans le texte grec : u^Sèv à7t£), iit ; ovT£ « , ce que beaucoup d’anciens manuscrits latins traduisent : nihil desperantes, « sans désespérer de rien, » conformément au sens habituel du verbe grec, même dans les Septante. Is., xxix, 19 ; Judith, ix, 11 ; Eccli., xxii, 26 ; xxvii, 24 ; II Mach., ix, 18. Notre-Seigneur voudrait donc dire qu’il faut prêter sans désespérer de rien, car, à défaut du débiteur, Dieu sera là pour récompenser le bienfaiteur. Mais le verbs grec peut aussi avoir, comme d’autres verbes de composition semblable, le sens « d’espérer en retour ». Ce sens s’accorde mieux avec l’ensemble du passage, dans lequel Notre-Seigneur préconise la pratique d’une charité absolument désintéressée ; aussi est-il le plus généralement admis. Le mot àmizit ; ov : ec équivaudrait à àvTsXm’CovTsç, « espérant en retour. » Cf. Bulletin critique, 15 juin 1894, p. 238 ; Knabenbauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 239, 240. Cette sentence de Notre-Seigneur représente, de l’aveu de tous, non pas un précepte, mais un conseil à l’usage des parfaits. — Il y avait à Jérusalem un dépôt public dans lequel se conservaient les titres des créances. Au début du siège, les sicaires s’empressèrent d’y mettre le feu, afin de se concilier la faveur de la multitude ainsi libérée de ses dettes. Josèphe, Bell, jud., II, xvii, 6. — L’Évangile ne mentionne qu’un seul prêt effectif, celui de trois pains. Luc, xi, 5. <

5° La loi mosaïque autorisait les spéculations d’argent avec les étrangers, mais non avec les compatriotes. Cette disposition ne laissa pas que de devenir gênante quand les Israélites commencèrent à se lancer dans les

affaires et à exercer en grand le commerce de l’argent, qui ne permettait pas de différer le paiement des dettes à la septième année. Les prêtres eux-mêmes participaient à ces opérations financières. Cf. Josèphe, Ant.jud., XX, ix, 2. Pour éluder la difficulté, le créancier acceptait l’argent de son débiteur à titre de cadeau, ou bien l’on excluait de l’ordonnance légale les dettes pour lesquelles le créancier avait un gage. Hillel imagina un autre moyen, la Kpoaoolr), qui consistait à lire à haute voix, devant le juge, une formule par laquelle on se réservait d’exiger son argent en tout temps. De la sorte, l’intérêt du commerce était sauf, mais non le texte de la loi. Cette déclaration prend le nom hébraïsé de prôz-bôl dans la Mischna. Cf. Schebiith, x, 3-7 ; Gittin, tv, 3 ; Pea, iii, 6 ; Moed Katan, iii, 3 ; Kethuboth, ix, 9 ; Vkzin, iii, 10. Les titres déposés dans les archives publiques de Jérusalem étaient vraisemblablement accompagnés de cette déclaration. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t, ii, 1898, p. 45, 363 ; F. Buhl, La société Israélite d’après l’A. T., trad. B. de Cintré, Paris, 1904, p.173, 174.

H. Lesêtre.
    1. PRÊTEUR##

PRÊTEUR (hébreu : nôsëk, de nâsâh, « prêter » ; Septante : SavsKjTrjç ; Vulgate : creditor, fœnerator), celui qui prête. — Voir Dette, t. ii, col. 1394. Le prêteur met de l’argent ou un objet quelconque à la disposition de quelqu’un qui, tant qu’il n’a pas rendu ce qui lui a été prêté, demeure son débiteur, lôvéh, SavsiWptEvo ? iuô’/pswç, xp£<oç£0, éTj] ; , debitor. Il y a des prêteurs impitoyables, IV Reg., iv, 1, d’autres qui sont miséricordieux. Luc, vii, 41. Ils sont les uns et les autres sous le regard de’Dieu. Prov., xxix, 13. On vendait au prêteur des esclaves pour acquitter ses dettes, Is., L, 1, ou lui-même prenait tout dans la maison de son débiteur. Ps. cix (cviu), 11. Au jour du grand jugement de Dieu, tous les hommes se trouveront dans la même situation, le prêteur comme l’emprunteur, le débiteur comme le créancier. Is., xxiv, 2. Voir Emprunt, t. ii,

col. 1764 ; Prêt, col. 617.
H. Lesêtre.
    1. PRÉTOIRE##

PRÉTOIRE (grec : zo npatitôptov), mot dérivé du latin prsetorium, lequel est passé en grec. Il désignait primitivement, chez les Romains, dans les camps de marche, la tente du général en chef (prsetor) : Cf. Tite-Live, vu, 12 ; x, 33. Il s’appliqua ensuite au conseil de guerre ou réunion des officiers supérieurs qui se tenait dans cette tente, Tite Live, xxvi, 15 ; XXX, 5 ; xxxvii, 5, et, dans les camps permanents, au quartier général du commandant en chef. Lorsque l’empereur devint théoriquement le général par excellence, l’iwiperator, sa résidence prit le nom de prsetorium, et, comme d’habitude il demeurait à Rome, il y eut, à côté de preetoria changeant avec ses déplacements, un prœtorium fixe dans la capitale. À la tête de ce dernier étaient les préfets du prétoire, prxfecti prsetorio, et les prœtoriani étaient spécialement chargés de le garder. Tacite, Ann., i, 20 ; ii, 11, 24 ; iv, 46. Mais, même alors, le mot continua à être employé, comme auparavant, dans le sens de « résidence du gouverneur » et particulièrement de « logement réservé au gouverneur dans ses déplacements, >. Cicéron, /n Verr., II, iv, 28 ; v, 35. Par une dernière extension, il devint synonyme de maison riche, palais, et même de maison d’habitation opposée aux constructions agricoles. Cf. R. Cagnat, Prsetorium, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, Paris, t. vii, p. 640. — Ce nom ne se trouve que dans le Nouveau Testament. Dans les Évangiles, Matth., sxvii, 27 ; Marc, xv, 16 ; Joa., xviii, 28, 33 ; xix, 9, et dans les Actes des Apôtres, xxiii, 35, il désigne la résidence du gouverneur romain. Dans PÉpltre aux Philippiens, i, 13, il a un sens que nous aurons à déterminer.

I. Dans les Évangiles. — Le prétoire, dans les Évangiles, soulève une question fort débattue de nos jours, à savoir l’emplacement qu’il occupait à Jérusalem au moment de la Passion du Sauveur. Commençons par examiner les données scripturaires.

i° Données évangéliques. — C’est de chez Caïphe que les Juifs conduisirent Jésus au prétoire, chez Pilate. Matth., xxvii, 2 ; Marc, xv, 1 ; Luc, , xxiii, 1 ; Joa., xviii, 28. « C’était le matin, et ils n’entrèrent pas eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller et de pouvoir manger la Pàque. Pilate sortit donc au devant d’eux, c^XŒv… ë£w ; Vulgate : exivit… foras. » Joa., xviii, 28-29. Après leur avoir demandé quelle accusation ils portaient contre cet homme et entendu leur réponse, il « rentra dans le prétoire, et appela Jésus », qu’il interrogea sur sa royauté. Joa., xviii, 3337. « Il sortit de nouveau au devant des Juifs » et leur proposa de relâcher le prisonnier à l’occasion de la fête de Pâque ; mais ceux-ci réclamèrent Barabbas. Joa., xviii, 38-40. « Alors donc Pilate ordonna de saisir Jésus et de le flageller. Et les soldats (le conduisant dans la cour, qui est le prétoire, ïaa> t/jç a-ûÀîjç, fi àdTiv jrpaiTfipiov, Marc, xv, 16) tressèrent une couronne d’épines qu’ils lui mirent sur la tête, et le revêtirent d’un manteau de pourpre ; puis ils s’avançaient vers lui en disant : <i Salut, roi des Juifs ! » et ils lui donnaient des coups de verge. Pilate sortit de nouveau et leur dit : « Voici, je vous l’amène pour que vous « sachiez que je ne lui trouve aucun crime." » Jésus sortit donc, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre, et il leur dit : « Voici l’homme ! » Joa., xix, 1-5. Devant les cris de mort poussés par les Juifs, Pilate « rentra de nouveau dans le prétoire » et fit subir un nouvel interrogatoire à Jésus. Joa., xix, 7-11. Accusé de n’être pas l’ami de l’empereur, « Pilate fit sortir Jésus, ^aft’i ËSto, et s’assit sur le tribunal, êiul flrijjiaToç, à l’endroit appelé Lithostrotos, en hébreu Gabbatha. » Enfin « il le leur livra chargé de liens pour être crucifié. » Joa., xix, 12-16. — Voilà tout ce que nous apprend l’Évangile : le prétoire où demeurait Pilate, d’où il sortit, et où il rentra plusieurs fois au cours de ces différentes scènes, le lieu témoin de l’interrogatoire, de la tlagellation, du couronnement d’épines et de la condamnation de Jésus, était précédé d’une place où la foule des Juifs put se rassembler et d’un lieu « élevé » (Gabbatha) et « pavé en pierre » (Lithostrotos ) où le gouverneur établit son tribunal. Saint Marc nous parle d’une cour intérieure ou atrium, qur était le prétoire. Mais dans quel endroit de la ville se trouvait-il ? Le texte sacré ne nous le dit pas. Interrogeons l’histoire.

2° L’histoire. — Le prétoire, chez les Romains, n’était pas un édifice spécial, semblable à nos palais de. justice, affecté aux audiences et aux jugements du tribunal ; c’était, nous l’avons dit, la résidence du gouverneur de province, qui y jugeait cependant les cas soumis à sa juridiction et y rendait ses sentences, puisqu’il était non seulement le chef de l’armée, mais encore le chef du gouvernement. Les procurateurs de Judée n’habitaient pas ordinairement Jérusalem, mais Césarée maritime, où ils occupaient le palais d’Hérode, qui est appelé itpatrwptov toû’HpwSou, Act., xxiii, 35, à propos de la comparution de saint Paul devant Félix. Ils venaient dans la ville sainte à l’époque des grandes fêtes de l’année, lorsque la multitude des Juifs rassemblés à ces occasions pouvait amener et amenait souvent des émeutes. Pilate s’y trouvait donc à cause de la fête de Pâque. Mais où habitait-il ? L’histoire nous éclaire un peu en nous apprenant qu’il devait, comme à Césarée, occuper un des palais d’Hérode, mais elle ne nous dit pas lequel. Nous savons, en effet, qu’Hérode le Grand agrandit et embellit la citadelle Antonia, située à l’angle nord-ouest de l’enceinte du Temple. Il en fit non seulement une forteresse remarquable, mais

encore un palais, renfermant des galeries et de somptueux appartements. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4 ; XVÎII, iv, 3 ; Bell, jud., i, iii, 1 ; V, iv, 2 ; v, 8. Voir Antonia., t. i, col. 712. Elle est appelée 7tape[iëo). » î Vulgate : castra), Act., xxi, 34, 37 ; xxii, 24 ; xxiii, 10, 16, 32 ; elle servait, en effet, de caserne à la garnison romaine, mais elle offrait en même temps au gouverneur une résidence agréable. Hérode cependant fit construire un autre palais, plus splendide encore, à l’angle nord-ouest de la ville, sur l’emplacement actuel de la citadelle. Flanqué* de trois tours énormes, appelées Hippicus, Phasaël et Mariamne, cette maison royale était, à l’intérieur, d’une richesse extraordinaire. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 4. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1373. Il est certain qu’elle offrait plus d’attraits encore que l’Antonia. Le procurateur Gessius Florus s’y installa, et nous le voyons un jour établir devant le palais son tribunal, près duquel se rassemblent les princes des prêtres et les principaux de la ville. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 8. Le contexte, II, xv, 5, 6, montre bien qu’il s’agit ici d’une demeure royale distincte de l’Antonia. Cependant on peut dire que, pendant les fêtes de Pâque, le gouverneur avait tout intérêt à occuper la citadelle, d’où il pouvait mieux surveiller les agissements des Juifs dans le Temple et parer plus vite à toute éventualité. Cherchons un peu plus de lumière dans la tradition.

3° La tradition. — Le premier témoin est le Pèlerin de Bordeaux. Dans son itinéraire de l’an 333, après avoir parlé de la maison de Caïphe, qu’il visita sur le mont Sion, c’est-à-dire sur la eolline occidentale, et de l’endroit où fut le « palais de David », il ajoute : « De là, en sortant de l’enceinte de Sion et en se rendant à la porte napolitaine (aujourd’hui bâb el-’Amûd, appelée aussi porte de Naplouse et de. Damas), on a, à droite, en bas, dans la vallée les murs où fut la maison ou le prétoire de Ponce Pilate. Là, le Seigneur fut entendu avant sa passion. À gauche, est le monticule du Golgotha où le Seigneur fut crucifié. » Cf. Itinera Terrai Sanctæ, edit. T. Tobler, Genève 1877, t. i, p. 18. Ce texte, comme les autres, sera discuté plus loin. — Un passage de la Vie de Pierre l’Ibère nous apprend que, au ve siècle, il y avait une église de Pilate. Quelle que soit la valeur intrinsèque de la vision qu’il relate, l’itinéraire dont il est question est clairement tracé : parti du Martyrium de saint Etienne, Pierre « courut au saint Golgotha et au tombeau ; puis il descendit à l’église qui est dite de Pilate et de là à celle du paralytique (Sainte-Anne) et ensuite à Gethsémani. » Cf. J.-B. Chabot, Pierre l’Ibérien, dans la Revue de l’Orient latin, Paris, t. iii, 1895, p. 381-382. — À cette église succéda un peu plus tard la basilique de Sainte Sophie. Nous lisons dans le Breviarius de Bierosolyma (vers 530) : « De là, vous allez à la maison de Caïphe, où saint Pierre renia [le Sauveur] et où une grande basilique est dédiée à saint Pierre. Vous vous rendez ensuite à la maison de Pilate, où celui-ci livra aux Juifs le Seigneur flagellé, et où il y a une grande basilique, appelée Sainte Sophie, avec une chambre où le Sauveur fut dépouillé de ses vêtements et flagellé. » Cf. Itinera Terne Sanctx, p. 59. — Théodose, De Terra Sancta (vers 530), dit de son côté : « De la maison de Caïphe jusqu’au prétoire de Pilate, il y a cent pas. Là est l’église de Sainte-Sophie ; tout auprès, saint Jérémie fut jeté dans une citerne. De la citerne où fut jeté le prophète Jérémie jusqu’à la piscine de Siloé, il y a cent pas. Delà maison de Pilate jusqu’à la piscine probatique, il y a plus ou moins cent pas ; là le Seigneur guérit le paralytique. » Cf. Itinern Terrx Sanctæ, p. 65. — En l’année 570 environ, nous avons le témoignage d’Antonin le Martyr, De Locis Sanctis : « Nous avons prié dans le prétoire où le Seigneur fut entendu et où est actuellement la basilique de Sainte Sophie. Devant les ruines du Temple de Salomon, l’eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique de Salomon. Dans la même basilique, il y a le siège sur lequel s’assit Pilate quand il écouta le Seigneur, et une pierre quadrangulaire qui se trouvait au milieu du prétoire. C’est sur celle-ci que le Seigneur fut élevé quand il fut interrogé par Pilate, afin qu’il fût entendu et vu de tout le peuple ; et il y laissa l’empreinte de ses pieds. » Cf. Itinera Terrse Sancta ; , p. 104. L’église de Sainte-Sophie disparut sous le fléau de l’invasion persane, en 614, et près de 400 chrétiens arrosèrent de leur sang le sol de l’antique prétoire, s’il faut en croire une relation arabe. Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, t. ii, 1896, p. 148.

— Il faut arriver au commencement du IXe siècle pour retrouver mention du prétoire. L’auteur du Commemoratorium de casis Dei, vers 808, dans le recensement qu’il fait des prêtres et clercs desservant les sanctuaires de Jérusalem en compte cinq dans Je Prétoire. Cf. Itinera hierosolymitana, édit. Tobler et Molinier, Genève, 1880, t. i, p. 301. On pourrait croire d’après le contexte qu’il place ce lieu saint sur le mont Sion, avec l’église de Saint-Pierre ; il ne faut peut-être pas trop presser cette conclusion.

Nous verrons cependant s’accréditer, au temps des croisades, la tradition qui place le prétoire sur le mont Sion. Un des premiers historiens de cette époque, l’auteur des Gesta Francorum expugnantium Jérusalem, déclare que, au moment où les croisés entrèrent pour la première fois dans la ville sainte, il était difficile de reconnaître certains sanctuaires, en particulier ceux qui marquaient le théâtre des diverses scènes du procès de Notre-Seigneur. Après avoir visité l’église de Sainte-Anne et la piscine Probatique, il ajoute : « r La flagellation de Jésus-Christ, le couronnement, la dérision et d’autres souffrances qu’il a endurées pour nous : mais il n’est pas facile à présent de reconnaître les endroits où ces faits s’accomplirent, surtout parce que la ville a été trop souvent depuis bouleversée et détruite. » Cf. J. Bongars, Gesta Dei per Francos, Hanau, 1611, p. 573. Cependant, en 1112 ou 1113, Phigoumène russe Daniel mentionne le prétoire à peu près dans la même direction que les pèlerins dont nous avons parlé. Cf. Itinéraires russes en Orient, trad. B. de Khitrowo, Genève, 1889, p. 18-19. Un petit traité des Lieux Saints intitulé : De situ urbis Jérusalem, et qui fut écrit entre 1130 et 1150, dit au sujet du prétoire : « [Jésus], étant retourné de là à Gethsémani, fut livré par Judas aux Juifs. Celui-ci le présenta lié à Anne et à Caïphe près du portique de Salomon, ensuite à Sion, au lieu qui est appelé Lithostrotos et qu’on montre à présent devant la porte de l’église. » Cf. M. de Vogué, Les églises de la Terre Sainte, Paris, 1860, p. 427. C’est le commencement de la confusion. Plusieurs écrivains anonymes, que l’on ne croit pas antérieurs à 1145 ni postérieurs à 1170, placent le prétoire sur le mont Sion. Ainsi, pour n’en citer qu’un, l’Innominatus vin dit : « Nous vînmes ensuite au mont Sion, où est la chapelle du Sauveur, appelée le prétoire de Pilate. Là, Notre-Seigneur fut couronné, lié, exposé aux dérisions et condamné par Pilate. » Cf. Descriptiones Terræ Sanctx a seec. viu-xv, édit. Tobler, Leipzig, 1874, p. 194. — Vers 1165, Jean de Wurzbourg s’exprime de même. Cf. Descriptiones T. S., p. 139. — Théodoric (1172) mêle les deux traditions. D’un côté, il parle de la maison de Pilate près de l’église Sainte-Anne ; de l’autre, il montre le tribunal de Pilate sur le mont Sion. Cf. Theodorici Libellus, édit. Tobler, Paris, 1865, p. 10, 62-63. — Il est à remarquer cependant que, même à cette époque, la tradition maintient le lieu de la condamnation de Jésus du côté de l’église de Sainte-Anne et de la piscine probatique. C’est ainsi que, sur une carte topographique de Jérusalem, tracée vers l’an

1180, on lit, à gauche du chemin qui conduit ad portant vallis Josaphat, ces mots : Hic flagellatus est Jh’esus. Cf. Rôhricht, Kàrten und Plane zur Palàstinakunde aus dem 7 bis 16 Jahrhundert, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. XV, 1892, p. 34-39, pi. i. On trouve de même dans Ernoul, L’estatdela citez de Iherusalem (vers 1231) : « À main destre de celle rue de Josaffas, avait un moustier c’on apeloit le Repos. Là dist on que Jhesu Cris reposa, quant on le mena cruceflier ; et là estoit li prisons u il fù mis la nuit que il fu pris en Gessemani. Un poi avant, à main senestre de celle rue, estoit li Maisons Pilate. Devant celle maison avoit une porte par u on aloit al Temple. » Cf. Itinéraires à Jérusalem publiés par H. Michelant et G. Raynaud, Genève, 1882, p. 49. Parmi les ouvrages du xm « siècle, il en est quelques-uns qui parlent vaguement du prétoire au mont Sion. Ainsi nous lisons dans Les pelerinaiges por aler en Iherusalem (vers 1231) : « Vers midi sur la cité de Iherusalem est Monte Syon : là fu la grant yglise qui est abatue, où Notre-Dame trespassa, et d’ilueques l’emportèrent li apostre à Josaphas, et iluec devant est une chapele où Nostre Sire fu iugiés et batus et flacillez et d’espines tormentés et coronés ; ce fu le Prétoire Cayfas et sa maison. » Cf. Michelant et Raynaud, Itinéraires à Jérusalem, p. 96. Il en est de même dans Les sains pèlerinages que l’en doit requerre en la Terre Sainte, et Pèlerinages et pardouns de Acre. Cf. Itinéraires à Jérusalem, p. 104, 231. Ces descriptions, tout en ne parlant que du prétoire de Caïphe, placent néanmoins implicitement le tribunal de Pilate au mont Sion, puisqu’elles y localisent le couronnement d’épines. Cependant, vers la fin du même siècle, Riccoldo da Monte Croce s’exprime en ces termes au sujet du prétoire : s Et nous arrivâmes à l’église de Saintevnne… Tout près de là, nous trouvâmes la piscine probatique. En montant, nous rencontrâmes la maison d’Hérode et, tout près, la maison de Pilate, où nous vîmes le lithostrotos et le lieu où fut jugé le Seigneur, ainsi que l’endroit où se tint le peuple, sur la place, devant le palais, lorsque Pilate sortit au-devant des Juifs. » llinerarius, édit. Laurent, Peregrinatores medii sévi quatuor, Leipzig, 1864, p. 111112. — Au xive siècle, Marino Sanuto (1310), après avoir mentionné l’église de Sainte-Anne et la piscine probatique, l’une en face de l’autre, la première à droite, et la seconde à gauche d’une des portes de la ville, ajoute que, en allant directement vers la porte opposée ou porte Judiciaire, on trouve « la maison de Pilate », où l’Agneau de Dieu fut flagellé, couronné d’épines et enfin condamné à mort. Près de la maison de Pilate, il place « la maison d’Aline, à laquelle le Christ, pris par les Juifs à Gethsémani, fut d’abord conduit. » Près de la maison d’Anne, il signale « l’église de Sainte-Marie de Pamason (Pasmus Virginis sur le plan), où cette bienheureuse vierge tomba en syncope de douleur, en voyant son fils innocent porter sa croix. » Cf. Rongars, {iesta Dei per Francos, cap. x, p. 257. C’est ce qui est nettement marqué sur un plan du même auteur, tiré d’un manuscrit de Londres. Cf. Rôhricht, Marino Sanudo sen. als Kartograph Palàstinas, dans la Zeitschrift des Deutsclien Palàstina-Vereins, t. xxi, 1898, p. 84, pi. 4. À remarquer que la maison de Pilate est placée en face de Notre-Dame du Spasme, du côté opposé de la rue, à l’angle de celle qui conduit à la porte de Saint-Etienne. — Au xvie siècle, un pèlerin manceau, Greffln Affagart (1533-1534), décrit ainsi le Prétoire : - « Plus loing un peu (an delà du carrefour où il place N.-D. du Spasme) est le prétoire de Pillate et aussi sa maison en laquelle Jésus fut flagellé et couronné d’espines. Mays il est à noter que la mayson estoyt tellement située que l’une partie estoyt d’un costé de la rue et l’autre part de l’autre, en faczon qu’on povoyt aller

de l’une à l’autre par dessus une arche de pierre qui traversoyt la rue, faicte en manière degallerye… Après, l’on va à la maison de saincte Anne. » Cf. J. Chavanon, Relation déterre Sainte par Greffin Affagart, Paris, 1902, p. 95. Ici il n’y a plus de doute, l’emplacement du prétoire est bien marqué par l’arc de YEcce Homo. — Au xviie siècle, Quaresmius (1616) le montre au nordouest de l’enceinte du Temple, près de la tour Antonia, et décrit longuement l’état des lieux. Cf. Quaresmius, Elucidalio Terrse Sanctse, Anvers, 1639, t. ii, lib. IV, cap. u. La tradition a continué sans interruption jusqu’à nos jours, et c’est là que les pèlerins cherchent le commencement de la Voie douloureuse.

Si nous résumons, en dehors de toute hypothèse, les enseignements de la tradition, nous arrivons donc aux résultats suivants. Le prétoire, que saint Cyrille de Jérusalem, Catech., xiii, t. xxxiii, col. 820, déclare, au rve siècle, « réduit en solitude, par la puissance de celui qui fut alors attaché à la Croix, » a, dès 333, son emplacement marqué à droite de la voie qui "conduit de Sion à la porte de Naplouse, c’est-à-dire du sud au nord, et en bas, dans la vallée (du Tyropœon). Plus tard, il est indiqué par une église dite de Pilate, à laquelle on descend en venant du saint Sépulcre, et qui se trouve sur une ligne allant de l’ouest à l’est, vers la piscine Probatique. A cette église succède la basilique de Sainte-Sophie, que Théodose, (vers 530) place à peu près à moitié chemin (quelle que soit la valeur de ses pas) entre la maison de Caïphe, sur le mont Sion, et la piscine probatique, et qu’Antonin le Martyr montre devant les ruines du Temple de Salomon, à un endroit où l’eau coule vers la fontaine de Siloé, c’est-à-dire le long de la vallée du Tyropœon. Après la destruction de la basilique, en 614, la tradition devient plus difficile à suivre ; elle s’égare même au moment des croisades. Dès le début de la guerre sainte, on constate la difficulté de retrouver l’emplacement du prétoire. Trompés peut-être par une fausse lecture du texte évangélique : Ad Caipham principeni sacerdotum in prsetorium, au lieu de a Caipha in prsetorium, Joa., xviii, 28 (cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, édit. oct., Leipzig, 1869-1894, t. i, p. 932), et par certaines reliques transportées de l’ancien prétoire sur le mont Sion, les pèlerins des XIIe et xme siècles ont souvent cherché sur cette dernière colline le lieu de la flagellation, du couronnement d’épines et de la condamnation de Jésus. Il est cependant juste de remarquer que, même au milieu de ces fluctuations, les anciens jalons ne disparaissent pas complètement. Nous le voyons d’après l’hégoumène russe, Daniel (1112 ou 1113), Théodoric (1172), certaines cartes topographiques de Jérusalem (1180) et Ernoul (vers 1231). Au xive siècle, Marino Sanuto maintient les mêmes lignes. Enfin la tradition se précise et se fixe à l’ancienne citadelle Antonia. Mais, il faut l’avouer, ce n’est qu’en des temps assez éloignés des origines qu’elle se localise d’une façon aussi positive ; les premiers témoins laissent le champ libre à des recherches qui peuvent se poursuivre le long de l’enceinte occidentale et septentrionale du Temple. Il nous reste donc à voir si l’archéologie peut nous apporter quelque lumière, et à examiner les diverses théories émises sur la question.

4° Les hypothèses. — D’après les données de l’histoire et de la tradition que nous venons d’exposer, nous sommes en face de deux hypothèses générales : le Prétoire se trouvait ou à l’ouest, sur le mont Sion, ou à l’est, sur ou vers la colline du Temple. Cette. dernière, la plus importante, se subdivise en trois opinions, que nous aurons à étudier séparément.

a) lb prétoire au moxt swx. — Cette théorie, longtemps abandonnée, a été reprise de nos jours par Kreyenbûhl, dans la Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenschaft, Giessen, t. iii, 1902.. p. 16 sq^L’au

teur s’appuie principalement sur l’histoire, rappelant l’exemple de Sabinus, gouverneur de Syrie, qui, pendant un séjour à Jérusalem, occupa le palais d’Hérode, et celui de Gessius Florus, dont nous avons parlé plus haut. Cf. Josèphe, Bell.jud., II, ii, 2 ; Ant. jud., XVII, ix, 3 ; Bell, jud., II, xiv, 8. Il cherche une confirmation de sa thèse dans le fait suivant, rapporté par l’historien juif, Bell, jud.f II, ix, 4 ; Ant. jud., XVIII, iii, 2. Pilate, ayant employé l’argent du trésor sacré à la construction d’un aqueduc, souleva contre lui le peuple, qui, profitant de la venue du procurateur dans la ville sainte, assiégea son tribunal, t’o j3f ; | « .a, en poussant de grands cris. Prévoyant le tumulte, le gouverneur avait eu soin de mêler à la foule des soldats armés, mais vêtus à la manière du peuple, et leur avait enjoint de frapper les séditieux non avec le glaive, mais avec des bâtons. Sur un ordre qu’il donna du haut de son tribunal, la consigne fut exécutée, et un grand nombre de Juifs tombèrent sous les coups. Josèphe ne dit pas quel palais habitait Pilate à ce moment-là, mais il paraît clair à notre auteur que l’émeute ne put avoir lieu à PAntonia, où les soldats romains n’eussent pas laissé pénétrer la jnasse populaire ; on ne saurait non plus placer le Pt) [xx du procurateur sur la place du Temple, au-dessous de l’Antonia, d’où l’on descendait par des degrés. Il est vrai que la sédition soulevée à propos de saint Paul, Act., xxi-xxiii, éclata en cet endroit, et que le tribun mit l’Apôtre en sûreté dans la citadelle. Act., xxr, 34, 37 ; xxii, 24 ; xxiii, "10, 16, 32. Mais il n’est pas question ici du procurateur, qui à ce moment était à Césarée, et le théâtre de l’émeute est nettement caractérisé par la mention du Temple, du « camp », raips ; j.60Xï], c’est-à-dire de la partie de la citadelle qui servait de caserne à la garnison romaine, et des degrés, « votêaS(not, par lesquels on y montait. Act., XXI, 35, 40. Dans le récit de Josèphe, au contraire, le soulèvement est dirigé contre le gouverneur. Il va sans dire que le palais d’Hérode avait sa garnison comme l’Antonia, et que le procurateur y avait au moins sa garde du corps. Lors donc que saint Marc, xv, 16, parle de la cohorte convoquée dans la cour du prétoire, pour prodiguer les outrages à Jésus, il ne saurait être question de la garnison de l’Antonia, mais de celle du palais d’Hérode ou d’une partie de celle-ci, la garde du procurateur. Aussi les Synoptiques, dans l’exécution de la sentence capitale, ne mentionnent-ils pas un -/iXi’ap-/oç ou tribun, comme les Actes, xxi-xxm, mais seulement un xïvtupiwv, centurion. Marc, xv, 39. La présence d’une garnison dans le palais royal explique peut-être l’expression de saint Marc, xv, 16, i ttù.r, ô ètrriv irpatTtopiov ; aùXi) seul ne pourrait s’appliquer à l’Antonia, qui était une forteresse. Sans doute celle-ci, avec ses magnificences, pouvait être assimilée à un château royal, mais, par destination, elle était surtout une forteresse, le çpouptov du Temple, comme le Temple était le çpoùpiov de la ville, suivant le mot de Josèphe, Bell, jud., V, v, 8 ; aussi l’historien juif la désigne-t-il régulièrement SOUS les noms de itOpyo ; , Trup-josiÇ^ ; , tppoûpeov, non sous celui de a-JX^. Une ocjXyJ, c’est le palais du grand-prêtre, Marc, , xiv, 54, ou de l’empereur, (jaat-Xtxï ) aûXvj. Eusèbe, H. E., V, XX, 5. Josèphe lui-même, Bell, jud., Y, iv, 4, appelle le palais d’Hérode ^ toO (JaaiXéwç aOXrç. Contre cette théorie on a cherché à faire valoir l’expression à’ie.Tie.itysi, employée par saint Luc, xxm, 7, à propos du renvoi de Jésus devant Hérode. Comme àvaTOinteo signifie « envoyer en haut, faire monter », on en conclut que le palais d’Hérode Antipas était à un niveau plus élevé que la demeure actuelle de Pilate. Or, Antipas, pendant son séjour à Jérusalem, habitait le palais des Asmonéens, situé plus bas du côté de la vallée de Tyropœon. Donc Pilate ne pouvait occuper le palais d’Hérode le Grand. M. Kreyenbùh répond que le verbe àvansiiitEtv n’indique pas seule ment la direction vers un lieu plus élevé, mais’encore vers une personne supérieure en dignité et en puissance. Cf. Act., xxv, 21, et que, Luc, xxiii, 11, 15, il a même le sens de « renvoyer ».

Tels sont les arguments par lesquels on cherche à prouver que le Prétoire devait se trouver sur la colline occidentale. Cette théorie a le grand inconvénient d’être absolument contraire à la tradition. Nous avons vii, en effet, que les témoignages les plus anciens et les plus authentiques, jusqu’à l’époque des croisades, fixent nos regards du côté de la colline orientale, Le silence des premiers siècles jusqu’à l’an 333 n’est pas un obstacle, car, malgré les bouleversements subis par Jérusalem, les chrétiens n’avaient pas perdu de vue les principaux points de la ville sanctifiés par Notre-Seigneur et devenus l’objet de leur vénération, et cette tradition s’était transmise de génération en génération. Nous disons les principaux points, parmi lesquels il faut bien compter le Prétoire de Pilate, sans vouloir approuver pour cela la précision rigoureuse que la tradition a donnée plus tard et donne encore aujourd’hui à certains détails des scènes évangéliques. Si, au moment des croisades, les recherches se sont égarées du côté du mont Sion, cette fausse piste est due à certaines méprises et, " du reste, n’a pas fait oublier la vraie. Quant aux arguments historiques qu’on apporte, ils ne sont pas suffisants pour prouver que tous les procurateurs, et Pilate en particulier, aient habité le palais d’Hérode. Pilate aurait sans doute pu l’occuper, et l’exemple de Gessius Florus rendrait ce séjour vraisemblable, s’il n’y avait plus de vraisemblance encore à ce que, pendant les fêtes de la Pâque, en prévision des troubles, il n’eût choisi l’Antonia pour demeure. Les soldats romains d’ailleurs n’eussent pas plus laissé la foule envahir le palais de Sion que la citadelle, et la place sur laquelle le procurateur établit son tribunal, sans être celle du Temple, pouvait être au-dessous de l’Antonia, du côté de la ville. D’autre part, s’il n’est question que d’un centurion, Marc, xv, 39, il n’est pas nécessaire de ne voir dans la troupe qu’il commandait que la petite garnison du palais occidental, ou la garde de Pilate ; c’était un simple détachement de l’effectif plus nombreux de la citadelle. L’argument tiré de aiXïj est de nature à frapper davantage, mais le mot ne veut pas seulement dire « palais », il signifie également « cour ». S’il a le premier sens dans certains passages, comme Matth., xxvi, 3, 58 ; Marc, xiv, 54, etc., il a le second dans d’autres, comme Matth., xxvi, 69 ; Marc, xiv, 66 ; Luc, xxii, 55. L’expression de Marc, xv, 16 : ï| a-JXV), S èo-tiv Ttpauioptov, pourrait donc désigner la cour intérieure qui servait de prétoire. Cependant, M. van Vebber, Theologische Quartalsckrift, 1905, Heft II, « arrive, à la suite d’un raisonnement objectif et très serré, à ces deux équations : ta’HptiSou (3a<xi-Xeia = oîxc’a twv êmTpÔTtwv dans Philon, et tj aùXVî, S iattv itpatîfipiov de saint Marc = » | aûXi) 3a<nXot>î ou simplement « ûXioi que Josèphe applique uniquement au palais d’Hérode élevé dans la ville haute, tandis que pour lui la forteresse du Temple n’est que l’Antonia, le çpti-jpiov ou le itûp-fo ; . La distinction du Prétoire et de l’Antonia est d’ailleurs confirmée par d’autres passages de Josèphe. » Cf. Revue biblique, 1905, p. 650. Il y aurait donc là un argument sérieux en faveur de cette première théorie, si elle n’avait toute la tradition contre elle. Quant à l’objection tirée de àvéire( « }’£ v i nous sommes d’avis qu’il ne faut pas trop presser la signification étymologique du mot. Cette opinion est admise par un certain nombre d’auteurs, entre autres par E. Schûrer, Geschichte des jùdischenyolkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 1901, t. i, p. 458, et dans Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. ii, p. 1293. Elle est regardée comme probable par G. T. Purves, dans le Dictionary of the

Bible de J. Hastings, Edimbourg, 1902, t. iv, p. 32, qui cite en sa faveur Meyer, Winer, Alford, Edersheim et d’autres.

b) le prétoire et la colline orientale. — La tradition nous conduit plutôt du côté de la colline du Temple. Mais là, les opinions se partagent actuellement et cherchent le prétoire en trois points distincts.

1. L’Antonia. —C’est là, nous l’avons vii, que, depuis le xiiie siècle, les pèlerins ont coutume de vénérer le lieu sanctifié par les souffrances du Christ chez Pilate. On a même localisé en des points précis les différentes scènes : le couronnement d’épines, la flagellation, YEcce

qui le rendait facilement accessible à l’ennemi. Il fallut donc, non seulement élever une tour de défense, mais encore séparer les deux collines par une tranchée. Or, voici ce que nous révèle l’exploration du terrain. Voir fig. 170. Au nord de l’ancienne enceinte, existait une vaste tranchée, taillée dans leroc (c), au fond de laquelle avait été creusé en outre un fossé large d’environ dix mètres (d), destiné sans doute à défendre les approches d’un rempart élevé au nord du hiéron. La communication entre le mont Bézétha et le montMoriah n’étant pas jugée suffisamment interrompue par cette coupure, on en pratiqua une nouvelle vers le nord(E),

ÉcMIe

lin Mit.

Les chiffres indiquent les hauteurs en mètres au-dessus du niveau de /a mer.

t70. — Configuration du terrain au nord-ouest du Temple à l’avènement d’Hérode I". D’après le P. Barnabe, Le Prétoire de Pilote, p. 5.

Homo, la condamnation à mort. La caserne turque actuelle étant regardée comme l’emplacement du Prétoire, c’est de là que part la Voie douloureuse. Cette opinion, attaquée de nos jours par plusieurs savants catholiques, a été défendue en particulier, avec ampleur et ardeur, par le P. Barnabe d’Alsace, Le Prétoire de Pilate et la forteresse Antonia, in-8°, Paris, 1902. II étudie la question au point de vue archéologique, historique et traditionnel ; cette question est trop importante pour que nous ne donnions un résumé des considérations de l’auteur.

Au moyen de l’archéologie et de l’histoire, le P. Barnabe a cherché d’abord à reconstituer le Prétoire, c’est à-dire la forteresse Antonia, telle qu’elle devait être au temps de Notre-Seigneur. On sait que cette forteresse se trouvait à l’angle nord-ouest de l’esplanade du Temple et avait succédé à l’antique Baris. Cf. Josèphe, Anf. jud., XV, xi, 4 ; XVIII, iv, 3. Elle était destinée à protéger de ce côté l’enceinte sacrée ; le mont Moriah, en effet, entouré partout ailleurs de ravins profonds, se rattachait au nord à la masse rocheuse appelée mont Bézétha,

et on ne laissa subsister que le massif rocheux qui supportait la tour Baris. Par suite de ce travail, le rocher sur lequel est assise la caserne turque fut taillé à pic sur toutes ses faces. Il forme, dans son ensemble, un banc trapézoïde, long de 110 mètres, large de 40 en moyenne, et, à l’ouest, une équerre dont la branche qui va du nord au sud n’a que 9 mètres de largeur. Du côté sud, l’escarpe de ce bloc immense a une hauteur maxima de 10 mètres, tandis que, au nord, la taille perpendiculaire n’a guère plus de 5 mètres. La contrescarpe, c’est-à-dire la coupure du mont Bézétha, a été retrouvée à 70 mètres au nord du rocher Baris ; elle se dirige de l’ouest à l’est, mais, à l’ouest, elle fait un coude comme pour contourner en lignes parallèles le massif de la citadelle, et, dans l’église de YEcce Homo, on voit le rocher taillé verticalement sur une hauteur de 4 mètres. Cette coupure a en réalité 5 à 6 mètres de hauteur au-dessus du sol rocheux qui s’étend sous l’église, tandis que, au nord, la différence de niveau atteint environ 9 mètres. En creusant les premiers fondements du monastère des Daines de Sion, on a dé

couvert également une ancienne piscine, taillée dans le roc, divisée en deux branches parallèles, qui se dirigent du nord-ouest au sud-est ; elle s’enfonce légèrement sous le rocher Baris, à l’angle nord-ouest.

Tel était le terrain sur lequel Hérode bâtit l’Antonia. Mais il n’en fit pas seulement une forteresse, il voulut aussi s’y ménager un palais, avec péristyles, salles de bains et vastes cours. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8. Pour cela, il dut nécessairement élargir la citadelle de Baris, trop étroite pour porter les nouveaux monuments. Ne pouvant, d’après le P. Barnabe, l’agrandir du côté du sud, il l’étendit des autres côtés, et principalement sur le plateau artificiel taillé au nord. L’Antonia formait ainsi un vasle quadrilatère, enfermant dans son enceinte le rocher de Baris, qu’il dépassait. Voir fig. 171. Quatre grosses tours, reliées par des

où se rendait la justice, lorsque le procurateur y habitait, en un mot le prétoire, r| aux*), 8 iaxiv jrpatT<ipiov, suivant l’expression de Marc, xv, 16. Le Lithostrotos formait la cour inférieure et extérieure. Quoique situé à cinq mètres en contre-bas de la cour intérieure, il n’en justifierait pas moins son autre nom de Gabbatha ou « élevé » par sa position dominante ; car il est placé au sommet d’une crête rocheuse, à laquelle montent deux chemins, l’un de l’est, l’autre de l’ouest. La flagellation, d’après le P. Barnabe, p. 93, aurait eu lieu en dehors du Prétoire, comme aussi en dehors du Lithostrotos, dans le lieu spécialement destiné à ce genre de supplice. Ajoutons enfin que deux escaliers descendaient, du côté du sud, sur l’esplanade du Temple, pour permettre à la troupe de réprimer les premiers mouvements séditieux. D’autre part, le P. Barnabe,

l-^-^J : ManirS/

171. - La citadelle Antonia. D’après le P. Barnabe, Le Prétoire, p. 29.

portiques, le flanquaient aux quatre coins ; un fossé, dont le Birket Israil est considéré comme le terminus, le séparait du mont Bézétha. Une porte monumentale à trois baies s’ouvrait vers la ville, du côté de l’ouest. Cette porte ne serait autre que l’arc de YEcce Homo, qui, comme on le sait, se compose d’un grand arc en plein cintre, à cheval sur la rue, et d’une arcade plus petite, qui se trouve dans l’église des Dames de Sion, et dont le pendant ou collatéral sud a complètement disparu. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1342. Le P. Barnabe le compare à la porte monumentale d’un camp prétorien. En avant et au delà, s’étendait un beau pavement, qu’on a mis à découvert à un ou deux mètres au-dessous du niveau de la rue, et qui se continue jusque dans l’enclos de la Flagellation. Il est formé de grandes dalles de pierre très dure, dont l’épaisseur varie entre 35 et 45 centimètres ; devant et derrière l’arc, elles sont striées par des cannelures transversales. Ce serait le Lithostrotos. Trois escaliers descendent au fond de la piscine. La résidence royale, par là même le palais du procurateur se trouvait sur le rocher Baris, dominant toute l’enceinte dn Temple ; on y accédait du Lithostrotos par un escalier, la Scala Santa de Borne. C’est là, an milieu des bâtiments qui constituaient le palais, que devait être l’atrium intérieur, la cour principale

p. 56-77, au lieu de rattacher la seconde enceinte de Jérusalem à l’angle nord-ouest de l’esplanade du Temple, la fait passer au nord des constructions dont nous venons de parler et la ramène à l’angle nord-est (fig. 5, p. 16). Après avoir ainsi reconstitué l’Antonia, il avoue, p. 85, que l’histoire ne fournit aucun argument péremptoire pour y placer le Prétoire de Pilate ; il y a simplement une très grande probabilité pour que, pendant les fêtes de la Pâque, le procurateur ait préféré la citadelle au palais du mont Sion. Ce dernier se trouvait éloigné du Temple et de la caserne principale où les troupes se tenaient concentrées, ce qui devait paralyser tout commandement prompt et rapide, qu’auraient nécessité les circonstances (p. 84).

Le P. Barnabe cherche à faire valoir en sa faveur les premiers témoignages traditionnels. Ainsi, en ce qui concerne le pèlerin de Bordeaux, il reconnaît bien (p. 141) que « les mots en bas, dans la vallée, désignent évidemment ce qu’on appelle aujourd’hui VEl-Wad, la rue du Vallon, rue qui suit un moment la Voie douloureuse ». Mais on aurait mauvaise grâce à demander aux anciens pèlerins une précision mathématique. Et puis, d’après M. de Vogué, il ne faut pas prendre à la lettre les expressions deorsum in valle, et conclure que, pour le pèlerin de Bordeaux, le Prétoire était dans le val du

Tyropœon ; le mont Sion domine beaucoup le Sérail actuel, qui, vu du haut, est sur un plan inférieur et parait, pour ainsi dire, dans une vallée. Au ive siècle, du reste, le fond du vallon s’étendait vers la forteresse Antonia un peu plus qu’aujourd’hui, comme l’indique la mosaïque trouvée dans l’église de Notre-Dame du Spasme, et qui est à une centaine de pas seulement de l’arc Ecce Homo, à six ou sept mètres au-dessous du pied de l’arc. L’expression « descendit », qu’on rencontre dans l’itinéraire de Pierre l’Ibère, est parfaitement justifiée, au dire de M. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1900, t. iii, p. 229, la cote d’altitude du parvis de l’église du Saint-Sépulcre étant de 2479 pieds anglais (755 mètres) et celle de la Voie douloureuse, à l’angle nord-ouest de la caserne, étant de 2448 (745 mètres). Quant aux chiffres de Théodose, il faut absolument s’en passer, tant ils sont sujets à caution. Les deux points suivants seuls sont à considérer : 1° Le pèlerin nous conduit au Prétoire en se rendant à la piscine probatique et à l’église de Sainte-Marie ; 2° près du Prétoire, est creusée la fosse dans laquelle fut jeté le prophète Jérémie ; or la tradition a persisté à placer cette fosse au nord-est du Temple, dans le quartier qui renferme l’église de Sainte-Marie ou Sainte-Anne ; donc le Prétoire était non loin de ce dernier édifice. Enfin Antonin de Plaisance rencontre le Prétoire près du portique de ZSalomon, au-devant des ruines du Temple. « Or, comme Ponce Pilate n’a absolument pas pu établir sa résidence et celle de sa cohorte païenne, ni sur la plate-forme du Temple, ni au pied du mur de l’enceinte sacrée, saint Antonin ne put trouver la basilique de Sainte-Sophie qu’à l’autre extrémité du hiéron, au nord, à l’emplacement de la forteresse Antonia. ï Et en effet « les ruines du temple de Salomon ne furent jamais montrées au pied du mur d’enceinte, qui a une hauteur énorme sur trois de ses côtés, mais bien sur la plate-forme elle-même, et ce n’est qu’au nord que le rocher de Baris se dressait en avant des ruines du temple. Quant au portique de Salomon, nous avons déjà vu que saint Willibald en indique les ruines non loin de la piscine probatique ». Barnabe, op. cit., p. 153, 154. Inutile d’aller plus loin ; tout le monde concède que dans les sept derniers siècles la tradition de l’Antonia l’emporte.

Il est certain que l’opinion qui vient d’être exposée a quelque chose de séduisant ; elle semble reconstruire l’antique Prétoire d’une manière si naturelle, si conformé en apparence à l’histoire et à l’archéologie, que les scènes évangéliques y revivent d’elles-mêmes. Elle donne tant de satisfaction à la piété traditionnelle, qui depuis longtemps cherche à l’Antonia et dans les environs l’émotion des plus douloureux souvenirs, qu’on la voudrait absolument certaine. Et pourtant, il faut l’avouer, elle souflre bien des difficultés. Autant le Golgotha et le Saint-Sépulcre, malgré quelques attaques sans importance, sont des points absolument acquis dans la topographie de la Passion, autant le Prétoire reste encore soumis à des incertitudes^ Le P. Barnabe lui-même, p. 132, ne donne à sa conclusion qu’un sens négatif, lorsqu’il dit : « Par l’étude du terrain, nous croyons avoir bien clairement démontré que ni l’Écriture Sainte, ni l’histoire, ni l’archéologie ou les découvertes modernes ne s’opposent d’aucune façon à l’existence du prétoire de Pilate dans la forteresse Antonia : bien au contraire. » Est-il bien vrai même que la vieille citadelle a pu servir de Prétoire ? Plusieurs en doutent.

On nous dit d’abord qu’Hérode ne pouvait étendre l’Antonia du côté du sud, parce qu’il avait déjà prolongé le hiéron jusqu’au rocher de Baris. C’est une assertion que n’admettent pas de bons archéologues, etM. deVogué, en" particulier, ne l’a pas compris ainsi. Voir Temple. Mais le plus grave est de porter les agrandissements jusque dans la coupure artificielle qui séparait le Bézéthà

du Moriah. Il semble de prime abord qu’elle était destinée à servir de fossé, à rendre la citadelle plus inaccessible de ce côté. Josèphe lui-même rapporte, Bell. jud., V, v, 8, que l’Antonia était assise sur un rocher « escarpé de tous côtés, ropcxprinvou Si. nâarn, revêtu du haut en bas de pierres polies, pour l’embellissement de l’édifice, mais aussi pour faire glisser quiconque aurait voulu monter ou descendre ». Quelle eût’été l’utilité de cette muraille septentrionale, si on la suppose précédée d’autres constructions et munie d’un escalier qui eût relié les appartements supérieurs aux cours inférieures ? Cette coupure n’est-elle pas le fossé profond dont parle Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, « creusé à dessein » pour que les fondements de l’Antonia fussent moins accessibles et plus hauts’Même en admettant la reconstitution proposée par l’auteur, on se demande comment la concilier avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem. Nofus reconnaissons que cette seconde ligne de fortifications est hypothétique en plusieurs points, mais ses deux points d’attache sont certains, puisque Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous dit qu’elle partait de la porte Gennath et se prolongeait « jusqu’à l’Antonia ». Voir Jérusalem, t. iii, col. 1360. Il est donc tout naturel de croire que, venant de l’ouest, elle allait buter contre la paroi occidentale de la forteresse, c’est-à-dire contre son angle nord-ouest. Ce qui confirme cette supposition, c’est la direction même de la contrescarpe, qui, descendant du nord au sud, fait, en face de l’arc de VEcce Homo, un détour à angle droit et s’en va du côté de l’ouest, le long de la Voie douloureuse. Cette dernière ligne semble donc bien indiquer celle que suivait le fossé et, par conséquent, le mur de la seconde enceinte. Mais, s’il en est ainsi, la porte monumentale dont on décore l’Antonia se trouvait en dehors des murs et donnait sur le fossé, ce qui est inadmissible. Le P. Barnabe (fig. 5, p. 16) remédie à cet inconvénient en conduisant « la ligne supposée de la deuxième enceinte » par-dessus le mont Bézétha et la faisant aboutir à l’angle nord-est de l’enceinte du Temple. C’est se mettre en opposition absolue avec Josèphe, puis à quoi aurait servi cette muraille bâtie en plein sur le mont Bézétha ? Il eût donc fallu un second fossé pour la défendre. D’autre part, le même auteur (p. 41) avoue que des archéologues distingués, comme MM. de Vogué et de Saulcy, après avoir cru reconnaître dans l’arc Ecce Homo un monument hérodien, un débris du palais de Pilate, ont fini par émettre des doutes et lui assigner une date postérieure à la Passion de Notre-Seigneur. D’ailleurs, si ses débris avaient subsisté, ils eussent été des indices suffisants de l’emplacement de l’antique Prétoire. Comment se fait-il alors que la plus ancienne tradition n’en parle pas ? Il va sans dire que le pavement de pierres ou Lithostrotos doit subir les incertitudes qui se rattachent à l’arc. Il y aurait encore bien des objections de détail ; celles que nous venons de faire montrent assez les défauts de la reconstitution archéologique. Au point de vue historique, nous avons vu qu’il est très difficile, sinon impossible, d’avoir des données certaines, permettant d’affirmer qu’un des procurateurs ait résidé à l’Antonia.

La tradition elle-même fait bien entendre quelques protestations contre l’usage qu’on en fait. Sans exiger trop de précision des anciens pèlerins, et, en donnant à ces mots : deorsum in valle toute la latitude possible, il est difficile de les appliquer à l’Antonia, même vue de Sion, puisqu’elle se trouvait sur la partie la plus élevée du mont Moriah. Il en est de même de l’expression « descendit » de Pierre l’Ibère ; sans rechercher l’endroit précis où sont prises les cotes, il est peu naturel de dire, en partant du Saint-Sépulcre, qu’on « descend » à la caserne turque. Quant à Théodose, il est sans doute inutile dediscuter la valeur de ses pas ;

mais ce qui ressort de son témoignage ; c’est que le Prétoire était à peu près à égale distance de Siloé et de la pis.cine probatique. Or, l’Antonia est de beaucoup plus près de cette dernière. Antonin le Martyr place le Prétoire « devant les ruines du Temple de Salomon », à l’endroit où « l’eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique de Salomon. » Cette eau qui coule dans la direction de Siloé semble bien être celle qui suit la pente naturelle duTyropœon, le long de l’enceinte du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n’est donc pas à prendre ici dans son sens historique, comme indiquant l’est du Temple, mais dans un sens général que le pèlerin donne aux restes salomoniens de l’édifice sacré.

2. Le Terrain des Arménien » catholiques. — Une seconde opinion, qui s’appuie également sur les données évangélîques, traditionnelles et archéologiques, se rapproche de la précédente en ce sens qu’elle place le

172. — Plan de l’église inférieure de Notre-Dame du Spasme.

D’après Macalister, dans le Palestine Exploration

Fund, Quarterly Statement, 1902, p. 122.

Prétoire dans une certaine dépendance de l’Antonia, mais elle s’en écarte en le mettant à l’ouest, du côté de la vallée du Tyropœon. Le terrain de cet emplacement est situé entre la Voie douloureuse au nord, la rue de la Vallée à l’ouest, une rue qui va vers l’esplanade du Temple au sud, et le couvent des derviches à l’est ; il appartient aux Arméniens catholiques. On y a découvert les ruines d’un sanctuaire byzantin, (fig. 172) dont l’abside méridionale conserve une curieuse mosaïque, représentant deux sandales (fig. 173). Cette figure, d’après l’interprétation courante, marque l’endroit où se tenait la Sainte Vierge lorsqu’elle rencontra son divin, Fils marchant au supplice ; d’où Notre-Dame du Spasme, signalée par d’anciens pèlerins. Une autre explication y voit le lieu où Jésus se reposa sur le chemin du Calvaire ; d’où « le moustier c’on apeloit le Repos », dont parle Ernoul. Mais les partisans de cette seconde hypothèse veulent y retrouver la place qu’occupait Notre-Seigneur, la Sagesse incréée, lorsqu’il fut condamné par Pilate. Nous aurions ainsi l’emplacement exact de l’ancienne église de Sainte-Sophie, et par conséquent du Prétoire. Les raisons mises en avant sont les suivantes. La mosaïque est très ancienne, comme le prouvent les monnaies byzantines, les seules trouvées dans les environs au moment des fouilles en 1883. D’après M. Macalister,

Palestine Exploration Fund, Quart. St. t 1902, p. 123, elle est plus ancienne que l’église elle-même. Elle n’a pas été faite pour servir d’ornement à l’église, mais pour consacrer un culte religieux, car elle était renfermée dans une partie de l’édifice où elle ne pouvait être profanée. Elle fixe donc un souvenir relatif à bj Sainte Vierge ou à Notre-Seigneur. Or, il n’est pas question d’un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le xme siècle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas la mosaïque aux deux sandales. L’endroit d’ailleurs est trop éloigné de la Voie douloureuse pour avoir pu être le point de rencontre de Jésus avec sa Mère. Dès l’an 570, au contraire, Antonin de Plaisance déclare avoir vénéré l’empreinte des pieds du Sauveur dans la basilique de Sainte Sophie. C’est donc bien la même basilique, tombée dans l’oubli depuis l’invasion persane, qu’on aurait retrouvée surle terrain arménien, « en bas, dans la vallée, s selon les indications du Pèlerin de Bordeaux concernant le Prétoire, « devant les ruines du Temple de Salomon », à l’endroit où « l’eau coule vers la fontaine de Siloé, » selon Antonin de Plaisance,

173. — La mosaïque de N.-D. du Spasine, ibid., p. 124.

Le Prétoire se trouvait ainsi au pied de l’Antonia, du côté de l’ouest, près d’une porte conduisant de la forteresse à la ville. Ces données semblent confirmées par le plan de Jérusalem, tel qu’il apparaît sur la mosaïque de Madaba. En suivant, en effet, comme le Pèlerin de Bordeaux, la grande colonnade qui va du sud au nord et aboutit à la porte napolitaine, marquée par une belle place, avec une colonne, on rencontre à droite, presque en face de la basilique du Saint-Sépulcre à gauche, un peu plus loin cependant vers le nord-est, une église placée dans la direction de la r^e qui conduit à la porte de l’est. La rue qui la borde à l’est n’a de colonnes que d’un côté ; c’est un portique, et l’on peut y voir le portique de Salomon dont parle Antonin et le long duquel les eaux descendent à Siloé. Plus loin, près de la porte de l’est, se trouve une autre église, qui est celle du paralytique ou de Sainte-Marie, aujourd’hui Sainte-Anne, Cf. M. J. Lagrange, Jérusalem d’après la mosaïque de Madaba, dans la Revue biblique, Paris, 1897, p. 455-457. — Cette seconde opinion a été défendue de nos jours par E. Zaccaria, dans le Nuovo bullettino di archeologia mstiana, Rome, mars 1900 et mars 1901 ; et C. Mommert, Dos Prâtorium des Pilatus, Leipzig, 1903. Il est sûr qu’elle répond bien à la tradition des plus anciens pèlerins, à la situation présumée de l’antique basilique de Sainte-Sophie ; Mais on peut se demander comment elle rattache le Prétoire à la forteresse Antonia, comment elle concilie cet emplacement avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem.

3. Le Mehhéméh. — Le Mehkéméh, qui servait autrefois de tribunal, est une grande salle que l’on rencontre près d’une des portes occidentales du Haram esch-Schérif, appelée Bâb esSilsilék ou « Porte de la Chaîne ». Voir le plan de Jérusalem moderne, t. iii, col. 1344. Etabli sur de vieilles substructions, cet édifice n’est pas antérieur au xve siècle. C’est là qu’une troisième opinion cherche le Prétoire. Au temps de Notre-Seigneur, l’emplacement était occupé par la Curie ou salle du Conseil, PouXti, que Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous montre contiguë au mur de la première enceinte, qui, descendant du palais d’Hérode, venait en cet endroit rejoindre l’esplanade du Temple. Voir le plan de Jérusalem ancienne, t. iii, col. 1355. Au sud, se trouvait le Xyste, large place entourée de portiques, qui était reliée au Temple par un pont à arcades superposées. Un palais le surplombait à l’ouest, celui des Asmonéens, alors la propriété.des Hérode. « Les données de l’Evangile, disent les Professeurs de Noire-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, p. 103, s’adaptent parfaitement à ce cadre : La place du Xyste était le lieu des rassemblements publics, une sorte d’agora ou de forum comme on le constate particulièrement lors de la révolte juive en 66. Rien de plus vraisemblable que de voir Pilate y dresser son tribunal devant la foule assemblée. Il faisait ainsi à Césarée. Le palais où eut lieu l’instruction secrète du procès serait assez naturellement la Curie. Les accusateurs de Notre-Seigneur n’y enlrent pas pour ne pas se souiller la veille de la Pâque, et Pilate vient dehors entendre leurs dépositions. Les sanhédrites répondent du milieu de la foule qui se tenait sur la place. Celte place était sans doute dallée et peut-être surélevée à l’endroit où s’élevait l’estrade du tribunal ; c’est le sens des deux mots Lithostrotos et Gabatha de saint Jean, xix, 13. La résidence d’Hérode Antipas, ancien palais des Asmonéens, était toute voisine, et explique parfaitement le rapide envoi de Jésus du Prétoire à Hérode en cette lugubre matinée. Quant au chemin suivi pour aller au Calvaire, on dut, en partant du Xysle, franchir tout d’abord la première enceinte à la porte dite de l’Angle, voisine de la Curie ; puis entrer dans le faubourg neuf enclavé entre les deux murs, et enfin, du fond de la vallée, ’gravir la pente de la colline occidentale jusqu’à la porte qui s’ouvrait près du Golgotha, dans le quartier où s’élève l’hospice des Nobles russes. La Voie douloureuse, ainsi reconstituée, monterait donc de la vallée parallèlement au tronçon du chemin de croix actuel qui va de la Ve à la IXe station. Elle se tiendrait conslamment plus au sud. Mais ce parcours du Prétoire au Calvaire ne fut pas vénéré parla dévotion du chemin de la Croix tant que dura la tradition primitive ; du moins, rien nel’indique. » C’est donc sur l’emplacement du Mehkéméh qu’aurait été l’antique basilique de Sainte-Sophie. Aujourd’hui, il est vrai, rien n’atteste matériellement dans l’endroit présumé l’existence antérieure de cet édifice. On y a cependant découvert, il y a quelques années, dans le mur d’une maison, une pierre sur laquelle on a pu lire, gravé au-dessous d’une croix grecque, le mot 2]oçia ; . Cette pierre, bien que déplacée, paraît avoir appartenu à l’église dédiée à la divine Sagesse. Cf. Germer-Durand, Epigraphie chrétienne de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 584. Cette hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée par la tradition, qui est avant tout celle des premiers siècles. Elle place, en effet, le palais de Pilate « en bas, dans la vallée » du Tyropœon, près c des ruines du Temple » ; au point où « la vallée commence à s’abaisser vers Siloé » ; dans le « voisinage de l’église Sainte-Marie-la Neuve » (la Présentation) et des « hotelleries^bâties au centre de la ville" » ; enfin à « égale distance de Sainte-Anne et de la piscine de Siloé, » distance qui est « double pour aller du prétoire à Saint-Élienne. » Telle est l’opinion adoptée

par les Professeurs de Notre-Dame de France dans leur guide de La Palestine, p. 99-103, et par le P. Zanecchia, La Palestine d’aujourd’hui, trad. Dorangeon, Paris, 1899, t. i, p, 349-359. Il est certain que la tradition primitive, dans son ensemble, peut s’appliquer au point en question ; il serait cependant permis d’hésiter sur le texle du Pèlerin de Bordeaux, pris à la rigueur. D’autre part, on avouera que la pierre portant le mot So^iaç est, à elle seule, un faible indice archéologique, puisqu’on ne sait d’où elle provient ; il en serait tout autrement si elle avait été trouvée in situ dans quelque vieux pan de muraille. Au point de vue historique, on se demande pourquoi Pilate choisit la Curie pour prétoire. A cause du Xyste, lieu des rassemblements publics, répond-on. Mais ce n’est pas Pilate qui suivit la foule, c’est la foule qui vint le trouver à sa demeure officielle, et il y avait devant les palais qu’il pouvait occuper des places suffisantes pour contenir la populace juive et ses meneurs acharnés contre Jésus. La proximité du palais des Asmonéens n’est pas non plus une raison bien déterminante. Les données évangéliques peuvent donc, croyons-nous, s’adapter aussi parfaitement à un autre cadre. M. Léonide Guyo, Le Prétoire, dans la Revue auguslinienne, 15 décembre 1903, p. 501513, combat bien cette théorie du Mehhéméh ; mais il a tort, croyons-nous, de placer le Prétoire au palais des Asmonéens, ce qu’il est difficile d’accorder avec la tradition primitive.

5° Conclusion. — Tels sont les éléments essentiels du problème. Complexe et difficile., il n’a pas encore, on le voit, reçu de solution définitive. L’histoire seule laisse le choix entre le palais d’Hérode et l’Antonia. L’archéologie n’a que des indices insuffisants. La tradition reste donc notre guide principal, mais un guide dont les fils conducteurs ont besoin d’être démêlés et ramenés à certaine unité de direction. Or, nous avons à distinguer ici entre la tradition primitive et la tradition récente. Cette dernière dirige incontestablement nos pas du côté de l’Antonia. Mais quelle est son origine ? En remontant son cours, on finit par perdre ses traces. On aura beau accumuler les textes et les autorités, on ne pourra lui donner la force qui s’atlache à un témoignage primordial, authentique, que l’on suit sans interruption à travers les siècles. La tradition primilive, moins riche, est, on le conçoit, bien autrement importante ; c’est la seule qui ait une valeur historique. "Mais là encore, les textes ont leur latitude ; il est soutient facile de les étendre à tel ou tel point, dans une direction déterminée, et c’est ainsi, nous l’avons vii, que chacune des opinions exposées cherche à les revendiquer en sa faveur. Chaque texte n’est qu’une voix de la tradition ; écouter l’une plutôt que I’aulre serait s’exposer à faire fausseroute. La vraie méthode scientifique consiste à suivre, autant qu’on le peul, la résultante harmonique de ces voix, ou, si l’on aime mieux, l’orientation générale tracée par les fils conducteurs. Or, on peut remarquer chez les plus anciens témoins une double tendance : celle de placer le Prétoire dans un lieu bas, et celle de le mettre en relation avec la Piscine probatique. S’il n’est pas à l’Antonia, c’est donc au-dessous, le long de la vallée du Tyropœon qu’il faudrait le chercher. Il serait sans doute plus consolant pour notre piété de reconnaître avec certitude dans les sanctuaires actuels, depuis longtemps en vénération à Jérusalem, les lieux témoins des souffrances de Notre-Seigneur au début de la Voie douloureuse. Mais la vérité scientifique a des droits que la piété bien entendue ne peut méconnaître. Le débat dont il s’agit n’est ni une affaire de sentiment ni une question de rivalité entre sanctuaires. Mettre en doute l’authenticité de tel ou tel d’entre ceuxci n’est poinl faire œuvre de démolition sacrilège. C’est, au contraire, rendre service à la foi chrétienne que de chercher en toute sincérité, sans parti pris ni animo

site contre personne, la vérité sur nos Lieux Saints. Attendons que quelque heureuse trouvaille historique, épigraphique ou archéologique, la fasse éclater à nos yeux.

6° Bibliographie, — Sans remonter jusqu’à T. Tobler, Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. i, p. 220230, nous nous contentons de rappeler ici les derniers travaux sur la question : Barnabe d’Alsace, Le Prétoire de Pilate et la forteresse Antonia, in-8°, Paris, 1902 ; C. Mommert, Das Prâtorium des Pilatus, in-8°, Leipzig, 1903 ; G. Marta, La questione del Pretorio di Pilato, in-8, Jérusalem, 1905 ; D. Zanecchia, La Palestine d’aujourd’hui, Paris, 1899, t. i, p. 349-359 ; Professeurs de Notre-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, p. 99-107. Outre les articles de revues, comme ceux de Kreyenbûhl et de Zaccaria, mentionnés dans notre étude, nous signalerons : J. Arb-Arétas, Question de topographie palestinienne : l’authenticité du Prétoire et du Chemin delà Croiæ, dans L’Université catholique, Lyon, 15 septembre 1903, p. 52-74 ; Léonide Guyo, Le Prétoire, dans la Revue augustinienne, Louvain et Paris, 15 décembre 1903, p. 501-513.

II. Dans les Actes des Apôtres, — Les Actes, xxiii, 35, nous apprennent que saint Paul fut amené de Jérusalem à Césarée, devant le gouverneur Félix. Celui-ci, en attendant l’arrivée des accusateurs de l’apôtre, « ordonna de le garder dans le prétoire d’Hérode, : » ev x<à ixpatTwpt’o) toû’HpwSou. Il s’agit évidemment ici du palais bâti par Hérode le Grand et qui servait alors de résidence aux procurateurs romains. Voir Césarée du

    1. BORD DE LA MER##

BORD DE LA MER, t. II, Col. 456.

III. Dans l’épItre aux Philippiens. — Il n’est pas si facile de préciser le sens du mot « prétoire » dans ce passage de l’Épître aux Philippiens, i, 13, où saint Paul dit que « ses chaînes sont devenues manifestes dans le Christ dans tout le prétoire », i-jHlti> t » npauioséu), ^ ; ’est-à-dire que là on le regarde non comme un prisonnier vulgaire, mais comme un chrétien, un apôtre incarcéré pour Jésus-Christ. Quelques commentateurs anciens et modernes ont voulu voir ici le palais de César, à Rome, parce que plus loin, iv, 22, il est question des chrétiens qui sont « de la maison de César ». Mais il n’y a pas d’exemple de l’application de ce terme « prétoire » à la résidence de l’empereur à Rome. Aussi, plus communément, on l’entend de la caserne des prétoriens, castra prsetorianorvm, bâtie par Tibère. Sous Auguste, trois cohortes prétoriennes seulement, sur les neuf qui furent alors créées, étaient logées à Rome dans différents quartiers, mais sans campement fixe ; les autres étaient disséminées en Italie, dans les diverses résidences impériales. Tibère les réunit toutes dans un seul camp, au nord-est de la ville Cf. R. Cagnat, Prsetorise cohortes, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. vii, p. 632. Cependant Conybeare et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, Londres, 1853, t. ii, p. 428, pensent, à la suite de Wieseler, qu’il s’agit plutôt de la caserne de cette partie de la garde prétorienne qui était au service immédiat de l’empereur, sur le Palatin. D’autre part, il faut remarquer que icpaiTcoptov désigne ici les personnes, c’est-à-dire la garde prétorienne, plutôt que le local lui-même. C’est ce qui ressort du contexte et du membre de phrase suivant : xa toî ; Xofiioïç TtStriv, Xotiré ; , dans le Nouveau Testament, ne s’appliquant jamais à un lieu. C’est donc auprès des prétoriens et de beaucoup d’autres personnes que les chaînes de Paul étaient une sorte de prédication et rendaient célèbre le prisonnier du Christ. Telle est l’interprétation présentée par la plupart des commentateurs, an sujet du mot i prétoire », depuis la fameuse contre-. verse à laquelle il donna lieu, à la fin du xiii 6 siècle, entre Huber et Perizonius. Mais, de nos jours, une nouvelle explication a été proposée par Mommsen, Sit zungber. der kônig. prevss. Acad. der Wissensch., 1895, p. 495 et suiv. Ce savant regarde comme peu probable que saint Paul ait été confié à la garde prétorienne. Il croit plutôt que le centurion Jules, qui amena l’apôtre à Rome, appartenait au corps des milites frumentarii ou peregrini. On nommait ainsi les soldats chargés d’assurer l’alimentation en blé des troupes, particulièrement ceux qui composaient ou escortaient les convois. Mais ce terme prit, à l’époque impériale, une valeur toute différente, par suite du changement ou plutôt de l’extension des fonctions réservées aux frumentarii. Le service des vivres légionnaires était le moindre de leurs emplois. De tous les textes que l’on possède, il semble bien résulter que ces soldats étaient, avant tout, des agents de police, aussi bien à Rome qu’en Italie et dans les provinces. On voit, en effet, que le préfet du prétoire s’adresse à eux pour opérer des arrestations et l’empereur pour faire surveiller ceux qu’il juge dangereux. Dans les légions, outre leurs fonctions de frumentarii ou approvisionneurs, ils devaient avoir un rôle de policiers, analogue à celui qui est réservé à la gendarmerie dans nos corps d’armée. Le nom de peregrini leur vint de ce que, appartenant à différentes légions provinciales, ils pouvaient être et étaient regardés comme des pérégrins, non point à cause de leur état civil, puisqu’ils étaient citoyens romains, mais à cause de leur origine extra-italique. On trouve à la tête de ce corps, et sous le commandement suprême du préfet du prétoire, un princeps peregrinorum et des centuriones frumentarii ou frumentariorum. Cf. R. Cagnat, Frumentarius, dans le Dict, des antiquités grecques et romaines, t. iv, p. 1348. Il est donc probable que Jules livra son prisonnier au princeps peregrinorum, dont la caserne, castra peregrinorum, était déjà sans doute, comme elle le fut plus tard, sur le mont Cœlius. Mais c’est devant le préfet du prétoire et ses assistants que l’apôtre comparut, et c’est ce tribunal qu’il mentionne

dans l’Épître aux Philippiens.
A. Legendre.
    1. PRÊTRE##

PRÊTRE (hébreu : kohên, kômér, Septante : îepeijç ; Vulgate : sacerdos), celui qui est spécialement consacré à l’exercice du culte divin. Deut., x, 8 ; xviii, 7. Le mot kômér (kdmiru dans les lettres de Tell-el-Amarna), se prend dans un sens méprisant pour désigner les prêtres des idoles. IV Reg., xxiii, 5 ; Ose., , x, 5 ; Soph., i, 4. Le prêtre est appelé mal’âk, « envoyé » ou « ange », dans deux passages. Eccle., v, 5 ; Mal., ii, 7. Le nom de mdg est celui des prêtres de Perse et de Médie. Voir Mage, t. iv, col. 543.

I. Sacerdoce patriarcal. — À l’origine, le chef de famille remplit lui-même les fonctions sacerdotales et, au nom de tous ceux qui dépendent de lui, offre à Dieu ses hommages et ses sacrifices. Ainsi agissent Noé, Gen., viii, 20, Abraham, Gen., xii, 8 ; xv, 8-17 ; xviii, 23 ; Isaac, Gen., xxvi, 25 ; Jacob, xxxiii, 20, etc. An temps d’Abraham, Melchisédech, roi de Salem, est prêtre du Très-Haut. Gen., xiv, 18, Jéthro, beau-père de Moïse, est prêtre deMadian et adore le vrai Dieu. Exod., ii, 16 ; m, 1. Voir Jéthro, t. iii, col. 1522. Job offre lui-même ses holocaustes au Seigneur pour la purification de ses fils. Job, i, 5. Les Hébreux, pendant leur séjour en Egypte, ne connurent que ce sacerdoce patriarcal. Euxmêmes demandent à aller offrir leurs sacrifices au désert, Exod., v, 1-3, ce qui peut faire supposer qu’ils n’en ont guère offert dans la terre de Gessen, mais en tous cas à l’aide de ceux qui parmi eux remplissaient l’office de prêtres. « Les prêtres qui s’approchent de Jéhovah » sent mentionnés à l’occasion de la promulgation de la loi ; il leurest commandé de se sanctifier, mais défendu de franchir les limites posées autour du Sinaï ; ils doivent rester avec le peuple. Exod., xix, 22-24. Plus tard, quand il s’agit de conclure l’alliance, les prêtres ne sont pas. chargés d’offrir les sacrifices ; Moïse envoie des jeunes.

gens, enfants d’Israël, pour offrir des holocaustes à Jéhovah et immoler des taureaux en actions de grâces. Exod., ssiv, 4-5. Puis les anciens d’Israël, et non les prêtres, sont admis à monter sur la montagne. Exod., xxiv, 9. On a pensé que ces prêtres n’étaient autres que les premiers-nés, cf. S. Jérôme, Epist. lxxiii, 6, t. xxii, col. 680, que Jéhovah avait commandé de lui consacrer, Exod., xiii, 2, et qui furent ensuite remplacés par les lévites. Mais rien ne prouve ojueles premiers-nés aient été appelés à remplir des fonctions sacerdotales si peu de temps avant l’institution du sacerdoce aaronique, et, d’autre part, les Hébreux devaient avoir depuis longtemps des hommes marqués pour offrir les sacrifices. D’après de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 4897, p. 6, le sacerdoce aurait été exercé en première ligne par les chefs de famille, sans préjudice du droit qui appartenait aux fils, comme Caïn etvbel, Jacob, etc., d’offrir des sacrifices en certains cas. Jacob, chef de famille et prêtre, aurait transmis ses droits, non à son aîné, Ruben, mais à Joseph, qu’il appelle « prince de ses frères ». Gen., xlix, 26. Manassé, l’aîné de Joseph, aurait hérité de la charge sacerdotale de son père, et après lui les prêtres des Hébreux auraient été choisis dans sa tribu. Mais ensuite cette tribu serait devenue indigne de son mandat ; aussi Moïse tint-il ses prêtres à l’écart au moment de la promulgation de la loi et fit-il offrir les sacrifices par des jeunes gens choisis ailleurs. Les prêtres manasséens auraient été les instigateurs du culte rendu au veau d’or, et trois mille d’entre eux auraient été mis à mort par les fils deLévi.Exod., xxxiii, 28. Plus tard, afin de briser davantage l’orgueil de la tribu et couper court à ses prétentions, Moïse l’aurait divisée en deux, pour qu’une partie fût établie à l’est du Jourdain et l’autre à l’ouest. Ces conjectures sont spécieuses ; mais on ne peut démontrer historiquement ni la transmission exclusive du droit sacerdotal de Jacob à Joseph, ni la fixation du sacerdoce dans la tribu de Manassé. Pendant le séjour des Hébreux en Egypte, le sacerdoce continua à être exercé parmi eux dans des conditions sur lesquelles les renseignements nous font défaut. Quand Dieu voulut instituer les cérémonies de son culte, il était naturel qu’il mit de côté l’ancien sacerdoce, quel qu’il fût, pour en créer un nouveau.

II. Sacerdoces idolatriques. — Les coutumes primitives étaient passées à tous les peuples, mais elles s’étaient transformées suivant les conditions particulières à chacun d’eux. Quand ceux-ci se créèrent de multiples divinités, ils ne manquèrent pas de mettre à leur service des hommes ou même des femmes ayant les attributions sacerdotales.

1° Chez les Égyptiens. — Le pharaon exerçait la haute maîtrise sur tous les cultes de son empire ; il officiait devant tous les dieux, sans être spécialement prêtre d’aucun, et mettait à la tête des temples les plus richement dotés, comme ceux de Pthah Memphite ou de Rà Héliopolitain, les princes de sa famille ou ses serviteurs les plus fidèles. Le seigneur féodal exerçait sa juridiction sur les temples de son territoire et il y « xerçait le sacerdoce. Toute une hiérarchie, de prêtres remplissaient les autres fonctions, lis étaient de toute origine et il n’y avait pas de règles spéciales pour leur recrutement ; mais ils tendaient à rendre leur situation héréditaire et leurs enfants occupaient presque toujours leur place, de sorte que les prêtres égyptiens finirent par constituer une sorte de caste sacrée. Les temples les logeaient, les nourrissaient du produit des sacrifices et leur assuraient des revenus en rapport avec leur rang ; de plus, ils étaient exempts des impôts ordinaires, du service militaire et des corvées. Les nombreux serviteurs et scribes qni les entouraient partageaient en fait les mêmes privilèges. Il y avait là tout un monde qui échappait aux charges communes. Le prêtre égyptien avait à veiller aux mille formalités que comportait


le culte de la divinité à laquelle if était voué. Tous les prêtres étaient assujettis à de multiples purifications et devaient avoir la « voix juste » pour réciter correctement les formules de prière. Ils formaient une hiérarchie savamment ordonnée. Cf. Brugsch, Die Aegyptologie, Lepzig, 1891, p. 275-291. À chaque culte était préposé un souverain pontife, appelé premier prophète quand il servait une divinité secondaire : Au temple de Râ, à Héliopolis, et dans ceux du même rite, il se nommait Oirou maou, « maître des visions », parcequeseul, avec le pharaon et le seigneur du nome, il avait le droit d’  « entrer au ciel et d’y contempler le dieu », c’est-à-dire de pénétrer dans le plus intime du sanctuaire. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 123-125, 303-305. Putiphar, « consacré à Rà », dont la fille Aseneth fut donnée en mariage à Joseph, était prêtre à On ou Héliopolis, là même où Râ, le soleil, avait son temple. Gen., xli, 45. La fonction de Putiphar devait être la première du temple ou l’une des principales. Le philosophe stoïcien Chœrémon, qui vivait au milieu du I er siècle, écrivit une histoire d’Egypte dont il ne reste que des fragments. Cf. Josèphe, Cont. Apion., i, 32-33. L’un d’eux, conservé par Porphyre, et cité par saint Jérôme, Adv. Jovin., ii, 13, t. xxiii, col. 302, décrit’en ces termes la vie des prêtres égyptiens : « Ils mettent de côté toutes les affaires et les préoccupations du monde, pour être toujours dans le temple. Ils observent les natures des êtres, les causes et les lois des astres. Ils ne se mêlent jamais aux femmes, et ne voient plus leurs parents, leurs alliés ni même leurs enfants, du jour où ils commencent à se consacrer au culte divin. Ils s’abstiennent absolument de viande et de viii, à cause de l’affaiblissement des sens et du vertige de tête qu’ils éprouvent même après en avoir pris très peu, et surtout à cause des appétits désordonnés qu’engendrent cette nourriture et cette boisson. Ils mangent rarement du pain, pour ne pas se charger l’estomac ; et quand ils mangent, ils prennent avec leurs aliments de l’hysope pilé, pour que sa chaleur fasse digérer une nourriture trop lourde. … Au même titre que la viande, ils s’abstiennent d’oeufs et de lait… Leur couche est faite avec des branches de palmiers ; un escabeau incliné et posé à terre sert de coussin à leur tête ; ils supportent des jeûnes de deux, trois jours. » Cf. Porphyre, De abstin., iv, 6-8. Ce portrait ne s’appliquait qu’à une élite des prêtres égyptiens, ceux qu’on appelait prophètes, kposToXiirraf, « chargés des habits sacrés des dieux », scribes, et <opoX<Syoi, « ceux qui disent l’heure », et encore n’est-il pas certain que ces coutumes ascétiques remontent très haut. On voit cependant que certaines pratiques sont communes aux prêtres égyptiens et à ceux d’Israël.

2° Chez les Babyloniens. — En Chaldée, comme en Egypte, le roi était le prêtre par excellence ; il prenait le titre de patési ou « vicaire » de la divinité. Les fonctions journalières du sacerdoce étaient remplies par des prêtres, soit héréditaires, soit recrutés, formant une hiérarchie sous la conduite du grand-prêtre de chaque temple. Les grands-prêtres des divinités principales, Bel-Mardouk, Sin et Schamascb, participaient à la suprématie de leur dieu. Parmi les prêtres, les issakku présidaient aux libations, les sangu gouvernaient les différentes parties du domaine de la divinité, les kipu et les Satammû veillaient à ses intérêts financiers, les pasiSu s’occupaient des détails du culte ; au-dessous d’eux venaient les sacrificateurs et leurs aides, les devins, les augures, les prophètes, les hiérodules de toute espèce. Tous vivaient des revenus du dieu et des offrandes qui lui étaient apportées. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 675-679. Le grand-prêtre s’appelait Sangamahhu ; sous ses ordres agissaient VaSipu et le bâru. UaSipu ou « c enchanteur » était une sorte d’exorciste chargé de conjurer les mauvais esprits, causes des maladies et de tous les maux qui affligent l’huma V. - 21

nité ; il consacrait les idoles destinées aux temples et présidait certaines cérémonies expiatoires. Le bâru ou « voyant », dont la fonction était héréditaire, interprétait la volonté des dieux et rendait des oracles en leur nom ; il exerçait tous les genres de divination et présidait aux sacrifices de caractère pacifique et eucharistique. Le bâru devait réaliser certaines conditions pour pouvoir se présenter dans le sanctuaire de l’oracle, être « issu d’un prêtre, d’un père pur », et être « luimême accompli dans sa forme et dans ses proportions ». Il ne pouvait exercer sa charge si ces conditions faisaient défaut, et de plus s’il était « aigu quant aux yeux », c’est-à-dire louche ou borgne ou avec un œil crevé, <* brisé quant aux dents », avec une ou plusieurs dents de moins, ayant « un doigt mutilé, la chair noirâtre, des abcès, de la lèpre, un ulcère purulent », ou d’autres infirmités analogues. Il devait posséder une doctrine solide et savoir à fond ce qui était nécessaire dour ne pas commettre la moindre infraction à un rituel compliqué. Le bâru et Vasipu avaient aussi à revêtir des « vêtements purs », réservés pour leurs fonctions liturgiques. Cf. Zimmern, Beitràge zur Kerinlniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901 ; Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. xiv-xvii, 235 ; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 221-246 ; Dborme, Textes religieux, Paris, 1907, p. 141-147. Daniel déjoua la fourberie des prêtres de Bel, qui venaient enlever de nuit les offrandes du temple et prétendaient que leur dieu les avait mangées. Dan., xiv, 1-27. Cf. Bar., vi, 9-54. — Sur le sacerdoce des Perses et des Mèdes, voir Mages, t. iv, col. 543.

3° Chez les autres peuples sémites. — Chez les Arabes nomades, la fonction de sacrificateur n'était pas réservée au prêtre ; celui-ci n'était qu’un sddin, « gardien » du sanctuaire ; il restait à son poste pendant que la tribu se déplaçait. Il rendait des oracles au moyen de flèches ou de bâtons, selon le procédé de la rhabdomancie. Cf. Ezech., xxi, 21. À côté de lui opérait le devin, kâhin, véritable sorcier, dont le rôle n’est nullement le prototype, mais la déformation de celui du kohên. Chez les Arabes civilisés du sud, le sâdin était réellement le sacrificateur, et le grandprêtre, kabir, le « grand », servait d'éponyme pour le calcul des années. — Le prêtre araméen se nommait komér ; il était prêtre de tel ou tel dieu. Josias chassa les prêtres de cette espèce que ses prédécesseurs avaient établis en Juda. IV Reg., xxiii, 5. Osée, x, 5, signale leur présence en Samarie, et Sophonie, I, 4, annonce leur extermination. — Le temple phénicien avait ses sacrificateurs, ses résidents' occupés à la liturgie, ses barbiers pour raser les chevelures consacrées à la divinité et pratiquer les incisions-rituelles, ses scribes, ses hiérodules, ses portiers et ses esclaves, recevant tous un salaire. Cf. Lagrange, Éludes, p. 217-221, 478-481. A Sidon, le roi portait le titre de prêtre d’Astarthé, comme le prouve l’inscription d’un sarcophage trouvé en 1887 : « Tabnith, prêtre d’Astarthé, roi de Sidon, fils d’Eschmunazar, prêtre d’Astarthé, roi de Sidon. » Cf. Revue archéologique, me série, t. x, 1887, p. 2.

4° Chez les Chananéens. — On constate chez les Chananéens la pratique des libations, l'érection et l’onction des bétyles, celle des autels et des lieux sacrés, l’immolation des victimes et même fréquemment les sacrifices humains. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 201-203. Toutes ces choses supposent un sacerdoce. On n’a point de renseignements sur sa hiérarchie et son fonctionnement. Mais les deux grandes divinités chananéennes, Baal et Astarthé, survécurent à la prise de possession du pays par les Israélites. Elles avaient leurs prêtres qui perpétuaient leur culte et réusirent souvent à le faire adopter par le peuple conquérant. A ce titre, les prêtres chananéens se signalent de temps

en temps dans l’histoire d’Israël. Voir Astarthé, Baal> 1. 1, col. 1180, 1315.

5° Chez les Gréco-Romains. — Les prêtres des cultes gréco-romains apparaissent dans les derniers récits de l’histoire israélite et dans ceux du Nouveau Testament. Voir Bacchus, t. i, col. 1374 ; Diane, t. ii, col. 1405 ; Hercule, Jupiter, t. iii, col. 602, 1866 ; Mercure, t. iv, col. 991. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, 1. 1, p. 280-287, t. iii, p. 93-109.

III. Sacerdoce mosaïque. — I. son institution. — Au Sinaï, Dieu donna l’ordre à Moïse de prendre son frère Aaron et les fils de celui-ci, Nadab, Abiu, Éléazar et Ithamar, pour qu’ils devinssent prêtres à son service. Exod., xxviii, 1. Il prescrivit ensuite tout ce qui concernait leurs vêtements et" leur consécration. Exod., xxviii, xxix. Lorsque tous les objets nécessaires au culte furent préparés et que Jéhovah eut pris possession du Tabernacle, Exod., xl, 34-38, Moïse procéda à la consécration d' Aaron et de ses fils, Lev., viii, 1-36, et huit jours après, leur fit inaugurer leurs fonctions par l’offrande de sacrifices, d’abord pour eux-mêmes, et ensuite pour le peuple. Lev., ix, 1-24. Mais bientôt, une sanction sévère fut exercée contré deux des nouveaux prêtres. Nadab et Abiu apportèrent devant Jéhovah des encensoirs contenant du feu profane, qui n’avait pas été pris sur l’autel. Ils furent immédiatement frappés de mort. Moïse défendit à Aaron et à ses deux fils survivants de prendre le deuil, et Jéhovah leur interdit l’usage du vin et des boissons enivrantes, chaque fois qu’ils auraient à exercer leur ministère dans le Tabernacle. Lev, , x, 1-11. Le châtiment si rigoureusement iniligé aux deux coupables devait inculquer à tous cette idée qu’aucune négligence n'était tolérable dans le culte de Jéhovah. La prescription relative aux boissons enivrantes autorise à penser que, si Nadab et Abiu s'étaient si gravement trompés, leur manque d’attention venait de quelque abus dans l’usage de ces boissons. Toute la tribu de Lévi, à laquelle appartenaient Moïse et Aaron, fut substituée aux premiers-nés pour être à Jéhovah et se consacrer à son service. Num., iii, 45. Un membre de cette tribu, Coré, et deux de la tribu de Ruben, Dathan et Abiron, , jaloux de l’autorité qu’exerçaient Moïse et Aaron, se concertèrent avec deux cent cinquante autres Israélites, prétendant que dans Israël tous étaient saints et avaient les mêmes droits à l’exercice de l’autorité et du sacerdoce. Moïse en appela au jugement de Jéhovah. Il convoqua les mécontents et leurs deux cent cinquante partisans, chacun avec un encensoir, devant le Tabernacle. Tous s’y rendirent ; mais là, à la vue de tout le peuple, la terre s’entr’ouvrit et engloutit Coré, Dathan, Abiron et leurs familles, et un feu consuma les deux cent cinquante autres. Le peuple ayant murmuré le lendemain contre Moïse et Aaron, le Seigneur déchaîna une plaie qui fît mourir quatorze mille sept cents personnes et ne s’arrêta que quand Aaron exerça son rôle d’intercesseur, dont la légitimité fut ainsi démontrée. Num., xvi, 1-50. Dieu voulut encore confirmer son choix par un nouveau miracle. Il fit déposer dans le Tabernacle douze verges, au nom des douze tribus d’Israël ; le lendemain, la verge d’Aaron, représentant Lévi, fut trouvée fleurie, et Dieu ordonna de la conserver en témoignage. Num., xvii, 1-11. Il décida en outre que les lévites feraient le service du Tabernacle, mais que seuls Aaron et ses fils rempliraient les' fonctions sacerdotales à l’autel et au dedans du voile. Il ajouta : « Comme un service en pur don, je vous confère votre sacerdoce. L'étranger qui approchera sera mis à mort. » Num., xviii, 1-7. A la mort d’Aaron, Éléazar fut investi du pontificat. Num., xx, 25-28. À Phinées, fils d'Éléazar, qui se montra plein de zèle contre l’idolâtrie, Dieu promit « pour lui, et pour sa postérité après lui, l’alliance d’un sacerdoce perpétuel ».Num., xxv, 13.

n. sa descendance d’aaron. — La volonté du Seigneur était manifeste ; ne pouvaient être prêtres que les descendants d’Aaron. « Nul ne s’arroge cette dignité ; il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron. » Heb., v, 4. Quand Jéroboam établit son culte schismatique et « fit des prêtres pris dans tous les rangs du peuple et n'étant pas enfants de Léyi », III Reg., xil, 31, ces derniers n’eurent donc de prêtres que le nom ; leur sacerdoce était criminel et sans valeur. Au retour de la captivité, on exclut du sacerdoce ceux qui ne purent produire leur généalogie pour justifier de leur descendance aaronique. I Esd., ii, 62, 63 ; II Esd., viii, 63-65. Josèphe, Gant. Apion., i, 7, dit qu’on prenait le plus grand soin de maintenir dans toute sa pureté la descendance sacerdotale, et que les prêtres qui résidaient à l'étranger, à Babylone ou en Egypte, avaient pour règle d’envoyer à Jérusalem leur généalogie, avec le nom des témoins. Il ajoute qu'étant lui-même de race sacerdotale, il a trouvé sa généalogie dans les archives publiques. Vit., 1. Ces généalogies étaient en effet d’intérêt général ; il importait donc de veiller officiellement sur elles. — Pour maintenir la pureté de la race sacerdotale, le prêtre ne pouvait épouser ni une femme prostituée ou deshonorée, ni une femme répudiée. Lev., xxi, 7. Il n'était pas obligé d'épouser la fille d’un prêtre, mais pouvait choisir une vierge ou une veuve quelconque, pourvu qu’elle fût Israélite. Cf. Josèphe, Cont, Apion., i, 7 ; Ant. jud., III, XII, 2. Il lui fut aussi interdit d'épouser celle que son beau-frère refusait en mariage, cf. Sota, iv, 1 ; viii, 3 ; Makkoth, m, 1, celle qui avait été prisonnière de guerre, cf. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 2 ; XIII. x, 5 ; Cont. Apion., i, 7, une prosélyte ou une esclave affranchie ; la fille de la prosélyte ou celle de l’esclave affranchie ne lui étaient permises que si elles avaient une mère Israélite. Cf. Yebamolh, vi, 5. Aussi le prêtre qui voulait se marier faisait-il l’enquête la plus sérieuse sur la condition de celle qu’il désirait épouser. Cf. Kidduschin, iv, 4, 5. Ézéchiel, xliv, 22, veut que le prêtre n'épouse ni une veuve, sauf celle d’un prêtre, ni une répudiée, mais seulement une vierge de la maison d’Israël. Cette restriction n’est pas entrée dans la pratique.

/II. ses cowDiriox’S physiques. — Comme le bdru babylonien, le prêtre israélite devait être exempt de toute difformité corporelle. Il ne pouvait remplir les fonctions sacerdotales si, malgré sa descendance aaronique, il était aveugle ou boiteux, avait une mutilation ou une excroissance, une fracture au pied ou à la main, une bosse, une taille de nain, une tache à l'œil, la gale, une dartr.e, une hernie. La Loi insiste pour exclure de l’approche de l’autel ceux qui ont quelqu’une de ces difformités. Lev., xxi, 17-23. Ces difformités étaient en effet de nature à empêcher les prêtres d’accomplir les actes liturgiques ou de conserver la pureté légale et la dignité nécessaires à leur ministère. Dans la suite, les docteurs juifs étudièrent ces cas d’exclusion et, en spécialisant chacun d’eux par le détail, les portèrent à 142. Cf. Bechoj-oth, vu ; Selden, De successionein pontif. Ebr., ii, 5 ; Ugolini, Thés., t. xiii, p. 897. L’intégrité du corps devait être le symbole du parfait état de l'âme, cf. Philon, De monarch., ii, 5 ; il était d’ailleurs de la plus haute convenance, pour l’honneur de Dieu et l'édification du peuple, que les ministres du culte eussent une attitude corporelle irréprochable. Les cultes païens avaient souvent les mêmes exigences, cf. Aulu-Gelle, i, 12 ; la difformité corporelle-était de mauvais augure, et l’on écartait le sacrificateur qui en était atteint. Cf. M. Sénèque, Controv., iv, 2 ; Bâhr, Symbolik des rnosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 42-61. — Il était interdit aux prêtres en exercice de se raser complètement, d’enlever les côtés de leur barbe, de se faire des incisions, Lev., XXI, 5, de laisser flotter leurs cheveux en désordre,

d’avoir des vêtements déchirés. Lev., x, 6. Il ne leur était pas permis de couper leurs cheveux ou de laver leurs vêtements la semaine où ils étaient de service, afin que tous ces soins fussent pris à l’avance. Les docteurs comptaient dix-huit cas empêchant le prêtre d’exercer son ministère : l’idolâtrie, la naissance d’une famille étrangère à celle d’Aaron, la difformité corporelle, l’incirconcision, l’impureté, la nécessité d’attendre au soir pour redevenir pur, l’obligation de se soumettre à l’expiation, le deuil, l’ivresse, le manque de vêtements, leur trop grand nombre, leur déchirure, le manque de coiffure, les pieds ou les mains non lavés, s’asseoir pour remplir le ministère sacré ou se laver, ne pas toucher directement de la main les objets sa-, crés, ne pas tenir les pieds immédiatement sur le sol, faire les actions sacrées de la main gauche. Cf. Sebachim, ii, l ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 96, 97.

iv. entrée en fonction. — 1° Age. — La loi ne prescrivait rien quant à l'âge requis pour commencer le service sacerdotal. Pour les lévites, on ne comprit dans le premier dénombrement que ceux qui avaient trente ans, Num., iv, 3, 23, 47 ; I Par., xxiii, 3 ; un peu plus tard, cet âge fut abaissé à vingt-cinq, Num., viii, 23-26, et David le réduisit à vingt, lorsque les lévites n’eurent plus à porter le tabernacle. I Par., xxiii, 2427 ; cf. II Par., xxxi, 17 ; I Esd., iii, 8. On s’en tint dans la suite à cette règle qu’on pouvait entrer en fonction dès qu’apparaissaient les signes de la virilité, pratiquement à la vingtième année. Cf. Babyl. Chullin, 24 b. — Avant d'être admis au sacerdoce, il fallait, dans les derniers temps, subir un examen devant le sanhédrin ou devant d’autres prêtres. Cf. Middoth, v.

2° Consécration. — Le jeune prêtre était consacré par un bain de purification, l’imposition des vêtements sacrés, l’onction et une série de sacrifices accompagnés de cérémonies particulières, destinées à lui rappeler ses droits et ses devoirs sacerdotaux. Exod., xxix, 4-37 ; xl, 13-15 ; Lev., viii, 2-36. Les textes ne disent pas si le bain de purification était pour tout le corps, ou seulement pour les pieds et les mains, comme dans le service quotidien. Exod., xxx, 19.

3° Vêtements. — Les vêtements sacrés, imposés au nouveau prêtre, étaient au nombre de quatre (fig. 172) : le caleçon de liii, voir Caleçon, t. ii, col. 60 ; la tunique de liii, voir Tunique ; la ceinture brodée, voir Abnêt, t. i, col. 66 ; Ceinture, t. ii, col. 389, et la mitre de liii, voir Mitre, t. iv, col. 1135. Les prêtres pouvaient porter ces vêtements tant qu’ils étaient dans le Temple, hormis la ceinture qu’ils devaient quitter sitôt leur ministère accompli. Cf. Gem. Tarnid, 61, 2 ; Geni. Yoma, 69, 1. L’usage des vêtements sacrés était prohibé hors du Temple ; les prêtres les y déposaient dans une chambre spéciale. Quand ils étaient usés, ces vêtements servaient à fabriquer des mèches pour les lampes. Cf. Gem. Schabbath, ?, l, ; l%, %

4° Onction. — Des onctions furent certainement faites aux fils d’Aaron. Exod., xxx, 30 ; xi, , 14 ; Lev., x, 7. D’autres textes ne semblent parler d’onction qu'à propos d’Aaron, Exod., xxix, 5-8 ; Lev., viii, 7-13, de sorte que le grand-prêtre est appelé par excellence le « prêtre oint ». Lev., xvi, 32 ; xxi 12 ; Num., xxxv, 25, etc. La contradiction disparaît si l’on observe que le grandprêtre recevait sur la tête une onction abondante, cf. Ps. cxxxii, 2, tandis que les simples prêtres étaient seulement aspergés d’huile. Exod., xxix, 21 ; Lev., viii, 30. Ils étaient oints comme le pontife, Exod., xl, 15, mais d’une manière plus sommaire. Cf. Fr. de Hummelauer, In Exod. et Lev., p. 290-291. Voir Onction, t. iv, col. 1805, 1806. — On emplissait ensuite les mains des prêtres, ce qui signifie qu’on leur conférait les pouvoirs nécessaires à leur ministère, et l’on offrait les sacrifices prescrits, le veau pour le péché, Exod., xxix, -14, le bélier en holocauste, Exod., xxii, 15-18, et le bélier de consécration. Exod., xxix, 19-28. Voir Grandprêtre, t. iii, col. 297. Ct.H’Ahr, Symbolik, t. ii, p. 166168. Toutes ces cérémonies duraient sept jours. Exod., xxix, 35 ; Lev., viii, 33. — On s’est demandé si les cérémonies de la consécration sacerdotale n’avaient pas été accomplies une fois pour toutes dans la personne des fils d’Aaron. Philon, Vit. Mosis, iii, 16-18, et Josèphe, Ant. jud., III, viii, 6, se contentent de reproduire les passages bibliques, sans rien ajouter à ce sujet. Plusieurs auteurs pensent que la première consécration a suffi pour toute la suite des générations sacerdotales, et que le nouveau prêtre n’avait qu’à présenter l’offrande indiquée. Lev., vi, 15. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ, Brème, 1741, p. 112 ; Munk, Pales 172. — Prêtre hébreu revêtu de ses vêtements sacerdotaux. D’après Galmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Prêtre.

Une, Paris, 1881, p. 174 ; Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 114. Mais, d’après Schûrer, Geschiehte des jùd. Volkes, t. ii, p. 232, cette opinion ne s’appuierait que sur l’interprétation défectueuse des textes rabbiniques qui rappellent au nouveau prêtre l’obligation de présenter l’offrande en question avant toute autre. Le silence des auteurs sacrés postérieurs ne peut d’ailleurs permettre de nier la consécration particulière des prêtres dans le cours des âges.

5° Symbolisme. — Toutes les prescriptions relatives à la consécration des prêtres avaient leur sens symbolique. Les cérémonies duraient sept jours pour leur faire entendre qu’ils entraient au service de celui qui avait créé le monde en six jours suivis d’un septième jour de repos. Cf. Rosenmûlïer, Intewt., Leipzig, 1798, p. 51. Parmi les difformités qui excluaient du sacerdoce figuraient aussi des défauts de l’ordre moral. La blancheur des vêtements sacerdotaux rappelait la gloire et la sainteté divines, au service desquelles les prêtres étaient appelés. Le caleçon marquait’la chasteté du prêtre, la tunique de lin sa pureté de vie, la ceinture sa discrétion, la mitre sa droiture d’intention. Cf. S.Thomas, Summ. t’heol., 1’II*, Cil, 5 ad 10. Sur le symbolisme de l’onction, voir t. rvcol. 1806.

v. classement. — Quand les fils d’Eléazar et d’Ithaniar se furent multipliés, il ne leur fut plus possible d’être tous employés en même temps au service du culte. À l’époque de David, il se trouvait seize chefs de famille parmi les descendants d’Eléazar, et huit seulement parmi les descendants d’Ithamar. On tira au sort le rang que devaient occuper ces vingt-quatre chefs, afin qu’ils prissent à tour de rôle le service du culte avec les prêtres de leur famille. I Par., xxiv, 3-19 ; II Par., viii, 14. Cette organisation fonctionna jusqu’à la captivité de Babylone. Au retour, il ne se trouvra plus que quatre chefs de familles sacerdotales, Jadaïa, avec 973 prêtres, Emmer, avec 1052, Pheshur, avec 1247, et Harim, avec 1017. I Esd., ii, 36-38 ; II Esd., vii, 3942. Avec Zorobabel, il y eut 22 chefs de familles sacerdotales, II Esd., x, 2-8 ; xii, 1-7, et 21 seulement dans une autre liste. Il Esd., xii, 12-21. Tous les noms ne sont d’ailleurs pas identiques, ce qui indique des changements dans l’organisation. Plus tard, on cite encore comme chefs de classes sacerdotales Joarib, IMach., ii, 1 ; xiv, 29, et Abia. Luc, i, 5. Josèphe, dans un passage dont nous n’avons que la traduction latine, et où le nombre 20 manque, d’après plusieurs critiques, Cont. Apion., ii, 7, ne mentionne que quatre classes de cinq mille prêtres chacune. Mais ailleurs, Ant. jud., VII, xiv, 7 ; Vit., l, il parle de vingt-quatre classes qui se sont maintenues jusqu’à son époque. Ce dernier nombre est celui que reproduit toute la tradition juive. Cf. Taanith. , iv, 2 ; Sukka, v, 6-8 ; Jer. Taanith., iv, 68a ; Tosephta Taanith., Il ; Ugolini, Thésaurus, t. xiii, p. 876.

— Les classes sacerdotales s’appelaient niahleqôf, ÈÇYiiiÊpi’ai, divisiones, I Par., xxviii, 13, 21 ; II Par., vin, 14 ; xxiii, 8 ; xxxi, 2, 15, 16, vices, Luc, i, 8 ; bê(’âbôt, oïxot Tcaxpifiv, « maisons des pères », familix et domus, I Par., xxiv, 4, 6, ou mismârôt, « gardes », XsiToupfefaL, observationes, II Par., xxxi ; 16, ècp-r)u, Epi’ai, ordines, II Esd. xiii, 30. Dans la pratique, on réservait le nom de mUmâr pour la ciasse, et celui de bêt’âb pour ses subdivisions. Cf. Taanith, ii, 8, 7. Josèphe appelle la classe ita-cpla, Ant. jud., VII, xiv, 7, ou if-r^zoiç, Vit., 1, et la subdivision ç-jXt]. Vit., 1 ; Bell, jud., IV, m, 8. Les subdivisions de chaque classe variaient de cinq â neuf. Cf. Jer. Taanith, iv, 68a. À la tête des classes étaient des sârîm, « princes », apx « vT-£ç, principes, I Par., xxiv, 5 ; II Par., xxxvi, 14 ; I Esd., viii, 24, 29 ; , x, 5, ou des rd’sîm, « chefs ». I Par., xxiv, 4, 6 ; II Esd., xii, 12. Par la suite, ee dernier titre désigna spécialement les chefs des subdivisions. Le nom de zdqên, « ancien », a aussi quelquefois le même sens. Cf. Yonia, i, 5 ; Tamid, i, 1 ; Middoth, i, 8. Au-dessus de toutes les classes s’exerçait naturellement l’autorité du grand-prêtre.

vi. fonctions BANS le temple. — 1° Service hebdomadaire. — Chaque classe faisait le service du temple pendant une semaine. C’est ce qu’on appelait « l ^uip « i Tfj ; XstTouyfaç » Aies officii, « les jours de service ». Luc, i, 23. Le service se prenait le jour du sabbat, IV Reg., xi, 6 ; II Par., xxiii, 4 ; la classe sortante offrait encore le sacrifice du matin, et la classe suivante le sacrifice du soir. Cf. Tosephta Sukka, iv, 2425 ; Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 7 ; Cont. Apion., ii, 8. Pendant les semaines de la Pâque, de la Pentecôte et des Tabernacles, les vingt-quatre classes étaient de service en même temps. Cf. Sukka, v, 6-8. On n’a aucune donnée certaine sur l’ordre dans lequel les vingt-quatre classés se succédaient pour le service hebdomadaire. C’est donc sans aucun résultat qu’on a cherché à déduire l’année de la naissance de Jésus-Christ d’après la semaine de service attribuée- à la classe d’Abia. Luc, i, 5. On lit bien dans le Bdbyl. Taanith, 29a, que la classe de Joarib était de service au moment delà destruction du Temple ; mais cette information est tardive et peu sûre, et encore, pour en

tirer parti, faudrait-il savoir exactement quel rang occupaient les deux classes et à quelle époque de l’année eut lieu l’annonciation de Jean-Baptiste. Quand une classe prenait le service, chaque jour de la semaine était attribué à une ou plusieurs de ses subdivisions.

2° Interdictions. — 11 était interdit aux prêtres du service hebdomadaire de se raser, sauf le sixième jour à cause du sabbat, d’avoir commerce avec leurs femmes et de boire du vin durant le jour ; ceux qui étaient de service un jour déterminé ne pouvaient même en boire ni ce jour-là, ni la nuit, parce que c’était de nuit qu’on brûlait les graisses sur l’autel. Cf. Taanith, ii, 7. Ces prohibitions s’inspiraient de la défense portée par le Seigneur, Num., x, 9, et aussi de la nécessité, pour le prêtre, d’être totalement et exclusivement à la fonction sainte qui lui était confiée, Elles lui rappelaient en même temps les dispositions morales de dévouement, de pureté et de pénitence que réclamait de lui le service du Seigneur.

3° Tirage au sort. — Chaque jour on faisait désigner par le sort les prêtres qui devaient remplir les différents offices. Luc, i, 9. Ce tirage au sort se répétait quatre fois. Le premier sort désignait celui qui devait porter les charbons de l’autel extérieur usque dans le parvis intérieur. Le second sort pourvoyait aux treize fonctions suivantes : 1. égorger l’agneau ; 2. en répandre le sang ; 3. enlever la cendre de l’autel intérieur ; 4. disposer les lampes ; 5. porter à la montée de l’autel la tête et une jambe postérieure de l’agneau ; 6. les deux épaules. 7. la croupe avec la queue, l’autre jambe et les reins ; 8. la poitrine et la gorge ; 9. les deux côtés ; 10. les intestins sur un plateau et les pieds ; 11. l’offrande de farine ; 12. le gâteau du grand-prêtre ; 13. la libation de vin. Le troisième sort portait sur le prêtre qui devait brûler l’encens ; on le choisissait parmi ceux qui n’avaient pas encore exercé cette fonction, à laquelle on ne pouvait être appelé qu’une fois dans sa vie. Enfin le quatrième sort désignait celui qui devait porter les membres de la victime de la montée de l’autel jusqu’à l’autel même.

4° Cérémonies. — Le détail de toutes les cérémonies quotidiennes est donné par le traité Tamid. On y voit que les prêtres de service, qui couchaient dans une chambre du parvis intérieur, se mettaient à l’œuvre avant même le lever du jour. Avant de procéder à l’exercice de sa fonction, chacun se lavait les mains et les pieds au bassin d’airain qui se trouvait entre le Temple et l’autel. Dès que le jour paraissait, on prenait un agneau dans la chambre des agneaux et les 93 ustensiles qui servaient cKàque jour dans la chambre des ustensiles. Pendant ce temps, les deux prêtres chargés de nettoyer l’autel des parfums et les lampes arrivaient, l’un avec une clef d’or, l’autre avec un vase d’or, ouvraient la grande porte du Temple et remplissaient leur office, en disposant d’abord les cinq lampes qui étaient au couchant, puis les deux autres, à moins que ces dernières ne fussent éteintes, car alors on commençait par elles. C’est seulement à l’ouverture de la porte qu’il était permis d’immoler l’agneau. Sur les cérémonies du sacrifice lui-même, voir Sagrifice, Libation, t. iv, col. 234 ; Obiation, col. 1727 ; Parfum, col. 2164. Quand tout était disposé pour le sacrifice, les prêtres se rendaient dans la chambre ha-gasith pour y réciter le schéma du matin. Voir Prière. Cf. Tamid, iv, 1-3. Ensuite, les prêtres que le sort n’avait désignés pour aucune fonction quittaient leurs vêtements sacres. On procédait alors à l’offrande de l’encens et on brûlait l’holocauste sur l’autel. Enfin, les cinq prêtres qui avaient été employés à l’offrande de l’encens se rendaient à l’entrée du Temple et prononçaient sur le peuple la formule de bénédiction prescrite, Num., vi, 24-26, en élevant les mains et en remplaçant le nom de Jéhovah par Adonaï. Cf. Tamid, vii, 2 ; Sota, vii, 6. Les mêmes

cérémonies se répétaient pour le sacrifice du soir, qui avait lieu vers trois heures de l’après-midi. Mais on ne tirait au sort que le nom de celui qui devait offrir l’encens. Cf. Gem. Yoma, 26, 1. L’encens était offert avant le sacrifice, et les prêtres n’y donnaient pas la bénédiction au peuple.

5° Fêtes. — Outre les sacrifices quotidiens, les prêtres en avaient d’autres à offrir à l’occasion des néoménies et des fêtes, à la Pâque, à la Pentecôte, à la fête des Tabernacles, à la nouvelle année et au jour de l’Expiation. Voir ces mots. Ils avaient aussi à s’occuper des nombreux sacrifices de toute nature que faisaient offrir les particuliers.

6° Garde du Temple. — Ils avaient également à garder le Temple. Les portes en étaient fermées à la tombée de la nuit et ouvertes au point du jour. Les prêtres qui couchaient dans le parvis antérieur et à qui incombait le service du jour suivant, gardaient les clefs et les transmettaient à ceux qui devaient servir après eux. Le matin, le préfet du Temple les recevait pour l’ouverture des portes. Cf. Middoth, i, 8, 9 ; Tamid, i, 1.

7° Trompettes. — Enfin, les prêtres avaient à sonner de la trompette dans le Temple. Num., x, 8-10 ; II Esd., xii, 41. Chaque jour ils sonnaient vingt et one fois, trois fois à l’ouverture des portes, neuf fois à la libation du matin et neuf fois à celle du soir. Cf. Sukka, v, 5. Voir Trompette.

8° Dignitaires. — Un certain nombre de prêtres remplissaient, sous l’autorité du grand-prêtre, les charges qui réclamaient des titulaires permanents. Les gisbdrim, YaÏQcpuXaxeç, « gardiens du trésor », veillaientsur tous les biens du Temple, mobilier et apports. Les fonctions principales de ce service après ta captivité de Babylone, étaient confiées à des prêtres, II Esd., xin, 13, les autres à des lévites. I Par., ix, 28, 29 ; xxvi, 20-28 ; II Par., xxxi, 11-19. Il fallait surtout des prêtres préposés au bon ordre du culte quotidien, puisque ceux qui s’acquittaient des fonctions de ce culte n’avaient en général à s’en occuper que deux jours par an, ce qui ne leur permettait guère de s’en rappeler tous les détails. Il y avait donc, au moins dans les derniers temps, quinze prêtres préposés aux services sutvants : le sceau, les libations, les sorts, l’argent pour l’achat des victimes, la santé des prêtres malades des entrailles (voir t. iv, col. 910), les eaux, les temps, les portes, la discipline, les cymbales, la direction du chant, les pains de proposition, le parfum, les voiles, les vêtements. Cf. Schekalim, v, 1. Le préposé aux sorts présidait aux tirages au sort au moyen desquels on désignait" chaque jour les prêtres chargés d’un office. Le préposé au sceau délivrait des cachets pour se procurer les libations auprès du préposé aux libations. Le préposé à l’argent pour l’achatdes victimes recueillait l’argent déposé dans le tronc destiné à cet usage et prenait soin de fournir en échange les victimes convenables. Le préposé aux temps était le héraut chargé le matin d’appeler chacun à son poste. Le préposé à la discipline avait à réveiller et même à corriger les lévites trop lents à se mettre sur pied. Le Talmud parle encore d’autres fonctionnaires : le sagan, voir Sagan, les amarkelin, cf. Schekalim, v, 2, probablement chargés de la caisse et des comptes, et des xaBoXtxo ! , cf. Jer. Schekalim, v, 49 a, probablement des trésoriers ou des subordonnés du sagan.Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 88-91 ; Schûrer, Geschichtè des jûdischen Volkes im Zeitalter Christi, t. ii, p. 269-299.

vu. autres fonctions. — 1° À la guerre. — Avant le combat, un prêtre était chargé de parler au peuple pour l’exhorter au courage et à la confiance en Dieu. Deut., xx, 2-4. Cf. Num., xxxi, 6 ; I Reg., iv, 4 ; II Par., xm, 12. On appelait ce prêtre 1’  « oint du combat », et L’onction qu’il recevait l’assimilait au grand-prêtre sur

plusieurs points, mais ne conférait pas l’hérédité de la charge. Cf. Sota, vjii, 1 ; Gem. Yoma, 73, 1. Judas Machabée paraît avoir rempli la fonction d’  « oint du combat ». I Mach., iii, 55, 56.

2° Lois de pureté. — Les prêtres étaient chargés de l’application des lois concernant la pureté légale. Ils devaient savoir discerner le saint du profane, le pur de l’impur. Lev., x, 10 ; xi, 47 ; Ezech., xxii, 26 ; xliv, 23. Agg., ii, 11-14. Ces lois étaient devenues très compliquées, grâce aux décisions de détail portées par les docteurs. Voir Impureté légale, t. iii, col. 857-860 ; cf. Reland, Antiquitates sacræ, p. 105-112. Dans les cas ordinaires, les prêtres constataient l’impureté, s’il était nécessaire, indiquaient sa durée et le moyen de la taire disparaître ; dans les cas douteux, ils éclairaient celui qui les consultait. Us intervenaient nécessairement dans le cas de la femme soupçonnée d’adultère, Num., v, 11-31, voir Eau de jalousie, t. ii, col. 1522 ; dans l’examen et la purification du lépreux, Lev., xiii, xiv, voir Lèpre, t. iv, col. 180-184 ; dans l’examen delà lèpre des vêtements et des maisons, Lev., xiii, 53-59 ; xiv, 34-53, voir t. iv, col. 186, 187, et dans tous les cas analogues d’impureté légale. Lev., xv, 1-33. Le jugement d’un seul prêtre suffisait pour la constatation de la lèpre. Cf. Gem. tfidda, 50, 1 ; Siphra, 100, 1.

3° Estimations. — Certains rachats s’opéraient moyennant un prix laissé à l’estimation du prêtre, pour les personnes, Lev., xxvii, 3-8, pour les animaux, Lev., xxviij 12, 13, 27, pour les maisons. Lev., xxvii, 14, 15. Voir Rachat.

4° Jugements. — Quand une affaire relative à un meurtre, à une contestation, à une blessure, était trop difficile à juger, on la soumettait à la décision des prêtres. Deut., xvii, 8-12. Ils intervenaient spécialement dans le cas d’un meurtre dont l’auteur était inconnu. Deut., XXI, 5. Josaphat mit des prêtres au nombre des juges, II Par., xix, 8-10 ; cf. Ezech., xliv, 24, bien que la fonction de juge fût habituellement confiée aux anciens. Voir Juge, t. iii, col. 1835. Quand commença à fonctionner le tribunal suprême appelé sanhédrin, des prêtres en firent partie.

5° Enseignement. — La Loi ordonnait aux prêtres d’  « enseigner aux enfants d’Israël toutes les lois que Jéhovah leur a données par Moïse ». Lev., x, 11 ; cf. Deut., xxxiii, 10. Ils s’acquittèrent de cette tâche d’une manière qui fut loin d’être toujours parfaite. La foi au vrai Dieu disparaissait quand cessait l’enseignement du prêtre. II Par., xv, 3. Josaphat envoya dans Juâa, pour y prêcher la loi de Jéhovah, cinq de ses chefs, neuf lévites et seulement deux prêtres. II Par., xvii, 7-9. Ézéchiel, xxii, 26, se plaint que les prêtres n’enseignent plus à distinguer entre le saint et le profane, le pur et l’impur ; il annonce que, chez le peuple régénéré, ils enseigneront ces choses. Ezech., xliv, 23 : Michée, iii, 11, les accuse de prendre un salaire pour enseigner. Aggée, ii, 12, constate que les prêtres de son temps ne savent pas faire la distinction dont parle Ézéchiel. Malachie, ii, 7, 8, leur adresse les mêmes reproches : « Les lèvres du prêtre sont les gardiennes de la science, et c’est de sa bouche qu’on demande l’enseignement, parce qu’il est l’ange de Jéhovah des armées. Mais vous, vous vous êtes écartés de la voie, vous en avez fait trébucher plusieurs contre la loi, vous avez perverti l’alliance de Lévi. » Il est probable que le texte du Lévitique se rapportait beaucoup plus à la loi rituelle qu’à la loi morale. La connaissance de cette dernière venait de la conscience même, et, chaque année sabbatique, les prêtres devaient donner au peuple lecture du livre qui la rappelait. Deut., xxxi, 9-13. En fait, l’enseignement moral et religieux donné par les prêtres semble avoir été assez restreint. Voir Enseignement, t-. ii, col. 1813. Les prophètes s’en chargèrent pendant un temps ; puis, après la captivité, les

docteurs ou scribes, avec moins d’autorité et de sûreté dans la doctrine, prirent la tâche de l’enseignement. Les prêtres, uniquement occupés de leurs fonctions rituelles, s’en désintéressèrent à peu près complètement, sauf ceux d’entre eux qui devinrent docteurs de la loi. C’est ce qui fait que les prêtres d’Israël n’exercèrent qu’une influence médiocre sur le développement et la garde des idées morales et religieuses dans leur nation.

vni. résidence. — Quand les Israélites occupèrent la Palestine, quarante-huit villes furent assignées aux membres de la tribu de Lévi, pour servir d’habitation aux prêtres et aux lévites. Num., xxxv, 1-8. Voir LÉvitiques (Villes), t. iv, col. 216. Parmi ces villes, treize étaient spécialement destinées aux prêtres dans les tribus de Juda, de Siméonet de Denjamin, par conséquent dans le voisinage de Jérusalem. Jos., xxi, 4. Voir l’énumération de ces villes, t. iv, col. 217. Pourtant les prêtres n’étaient pas confinés dans ces seules villes. Partout ailleurs, ils pouvaient s’établir à leur gré, mais en s’achelant eux-mêmes des maisons et des champs. Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 373. C’est pourquoi, à l’époque du schisme de Jéroboam, les prêtres et les lévites « qui se trouvaient dans tout Israël », voyant qu’on les empêchait de remplir leurs fonctions en l’honneur de Jéhovah, abandonnèrentleurs champs et leurs propriétés pour passer en Juda et à Jérusalem. II Par., xi, 13, 14. Après la captivité, les prêtres et les lévites s’établirent dans leurs villes, ce qui s’entend seulement du pays mis à la disposition des nouveaux arrivants, c’est-à-dire de Jérusalem et de Juda. II Esd., viꝟ. 6, 73. À Jérusalem même se fixèrent 1192 prêtres, II Esd., xi, 4, 10-14, 1760 d’après II Par., rx, 13. Les villes et bourgades de Juda en reçurent aussi. I Esd., ii, 70 ; II Esd., vii, 73 ; xi, 3, 20, 36. Le voisinage de Jérusalem était certainement préféré, parce qu’il rendait plus faciles les voyages au Temple. Le prêtre Zacharie demeurait dans la montagne de Juda. Luc, i, 39.

ix. ressources. — Les prêtres, comme tous les lévites, n’avaient pas de domaine territorial ; ils appartenaient exclusivement au service de Dieu, et Dieu devait être lui-même leur part et leur héritage au milieu d’Israël. Num., xviii, 20 ; Jos., xiii, 14. Voici parquels moyens Dieu assurait leur subsistance et celle de leur famille. Il y a quelques divergences de détail à ce sujet entre le Lévitique et le Deutéronome ; mais elles se concilient assez aisément, ou parfois accusent une modification dans la législation.

1° Sacrifices. — Dans le sacrifice pour le péché, tout revenait au prêtre, Num., xviii, 9, 10, sauf l’un des deux oiseaux qu’offraient les pauvres, Lev., v, 7, et tout ce qui était offert pour le péché d’un prêtre. Lev., vi, 23. —Dans le sacrifice pour le délit, tout revenait également au prêtre. Lev., vii, 7 ; Num., xviii, 9, 10.— Dans les oblations, tout était pour le prêtre, sauf la poignée de farine prélevée pour l’autel. Lev., ii, 3, 10 ; vi, 9-11 ; vu, 9, 10, 14 ; x, 12, 13 ; Num., xviii, 9, 10 ; Ezech., xliv, 29. — Les prêtres avaient encore pour eux les douze pains de proposition. Lev., xxiv, 5-9. —Dans les sacrifices pacifiques, la poitrine et la cuisse droite de la victime étaient pour le prêtre. Lev., vii, 30-34 ; x, 14, 15. — Dans les holocaustes, les prêtres n’avaient pour eux que la peau de la victime ; mais le revenu ne laissait pas que d’être fort appréciable, à cause du grand nombre des victimes. Cf. Philon, De prœmiis sacerdot. , 4, édit. Mangey, t. ii, p. 235. Le rituel babylonien assignait aussi, aux prêtres et aux serviteurs des temples, la part des victimes qui devait leur revenir après les sacrifices de bœufs et de moutons, ainsi que les poissons, légume’s, vêtements, etc., auxquels ils avaient droit. Cf. Dhorme, Textes religieux, Paris, 1907, p. 391-393.

2° Prémices. — Elles portaient sur le froment, l’orge, les raisins, les figues, les grenades, les olives et le miel. Deut., viii, 8 ; xxyi, 5-10 ; Num., xviii, 13 ; II Esd., x, ; 36. Voir Prémices, col. 598. On y joignait ce qu’on appelait la (erûmdh, « offrande », prélevée sur le meilleur des champs et des arbres fruitiers, et consistant surtout en grains, vin et huile. On donnait de 1/40 à 1/60 de la récolte, suivant la générosité de chacun. Num., xyhi, 12 ; II Esd., x, 38. Cf. Terumoth, i, 7 ; iv, 3 ; etc.

3° Dîme. — Elle portait sur tout ce qui croît de la terre et sert à la nourriture. Elle servait à alimenter non seulement les prêtres, mais aussi les lévites, qui d’ailleurs versaient encore aux prêtres la dîme de la dîme. Num., xviii, 20-32 ; II Esd., x, 38-40. Voir Dîme, t. ii, col. 1434.

4° Pain. — On devait aux prêtres une partie du pain préparé, Num., xv, 17-21 ; II Esd., x, 28, ce que saint Paul appelle àirapx* ! xo " ù « pupi|JiaTo ; , « prémices de la masse », Rom., xi, 16, et ce qui fait l’objet du traité Challa de la Mischna. La redevance portail sur 1/24 pour les particuliers et sur 1/48 pour les boulangers. Challa, ii, 7.

5° Premiers-nés. — Exod., xiii, 11-16 ; xxii, 29, 30 ; xxxiv, 19, 20 ; Deut., xv, 19-23. Le premier-né de la femme était racheté au prix de cinq sicles d’argent, qu} appartenaient aux prêtres. Num., xviii, 15, 16 ; II Esd., x, 37. Le premier-né des animaux purs leur était aussi destiné, sauf la graisse et le sang, qui allaient à l’autel. Num., xviii, 17-18 ; Deut., xv, 19, 20 ; II Esd., x, 37. S’il avait quelque défaut, sa destination était la même, mais on ne l’offrait pas à l’autel. Deut., xv, 19-23. Le premier-né des animaux impurs se rachetait à prix d’argent, sauf celui de l’âne, qui se rachetait pour un agneau, toujours au profit des prêtres. Exod., xiii, 13 ; xxxiv, 20 ; Num., xviii, 15 ; II Esd-, x, 37. Voir Premier-né, col. 603 ; Rachat.

6° Viande. — Sur tout animal de gros ou menu bétail que l’on abattait, les prêtres avaient droit à trois morceaux, l’épaule, les mâchoires et l’estomac. Deut., xviii, 3. Cf. Chullin, x.

7° Toisons. — Deut., xviii, 4 ; Tob., i, 6. Cf. Chullin, xi, 1, 2. La redevance n’était due que par celui qui avait plusieurs brebis, deux d’après l’école de Schammaï, cinq d’après celle de Hillel.

8° Vœux. — Le produit des vœux de toute nature devait être versé aux prêtres, soit sous forme réelle, soit sous forme de rachat, Lev., xxvji, 2-33 ; Deut., xxiii, 2123 ; Matth., xv, 5 ; Marc, vii, 11 ; mais il était probablement employé aux besoins du culte. Cf. Schekalim, iv, 6-8. Voir Rachat, Vœu.

9° Anathèmes. — Tout ce qui était voué à Jéhovah par anathème, sauf les personnes, allait aux prêtres sans pouvoir être racheté. Lev., xxvii, 28 ; Num., xviii, 14 ; Ezech., xliv, 19.

10° Restitutions. — Quand un coupable voulait réparer le préjudice causé au prochain, il rendait le bien mal acquis avec majoration d’an cinquième, et si le lésé n’était plus là et n’avait plus de représentant, la restitution profitait aux prêtres. Num., v, 6-10. Cf. Schûrer, Geschichte, t. ii, p. 243-257 ; F. Buhl, La société Israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 135-139.

X. USAGE des RESSOURCES. — 1° Centralisation. — Certaines ressources, à raison de leur nature même, comme le pain, la viande, etc., ne pouvaient être portées au loin. On les remettait donc au prêtre là où il se trouvait. Cf. Terumoth, II, 4. D’après Challa, IV, 8, 9, on pouvait remettre à tout prêtre le pain, le produit de l’anathème, les animaux premiers-nés, l’argent du rachat du fils prem}er-né, celui du premier-né de l’âne, les morceaux de l’animal abattu, la toison. Tout le reste était centralisé à Jérusalem. II Par., xxxr, 11, 12 ; II Esd., xii, 43 ; xiii, 5 ; Mal., iii, 10.

2° Répartition. — Les ressources sacerdotales, au moins celles qui étaient apportées à Jérusalem, se répartissaient entre tous les prêtres. Sous Ézéchias, les distributions se faisaient dans les villes sacerdotales par des lévites préposés à ce service. II Par., xxxi, 15-19. Les prêtres qu’une difformité corporelle écartait du service de l’autel avaient part aux distributions au même titre que lesautres. Lev., xxi, 22. Cf. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 2 ; Bell, jud., V, v, 7 ; Sebachim, xii, 1.

3° Consommation. — Les choses très saintes ne pouvaient être consommées que par les prêtres seuls dans le Temple ; on en comptait dix : les quadrupèdes du sacrifice expiatoire, les oiseaux du même sacrifice, les victimes pour le délit certain, celles pour le délit douteux, celles des sacrifices pacifiques publics, le log d’huile du lépreux, les deux pains de la Pentecôte, les pains de proposition, les restes des oblations et la gerbe pascale. On en comptait quatre autres qui devaient être utilisées à Jérusalem même : les premiers-nés des animaux, les prémices, ce qu’on réservait dans le sacrifice du nazaréen et les peaux des victimes très saintes. Enfin, il y en avait dix dont on pouvait faire usage hors de Jérusalem : la terumah, la dîme des dîmes, le pain de la challa, ce qui provenait des animaux abattus, le prix du rachat du fils premier-né, celui du premier-né de l’âne, le champ voué à Jéhovah, le champ de l’anathème et le produit de la restitution dévolue aux prêtres. Cf. Reland, Antiquitates sacrx, p. 97, 98. Tous ces biens, à l’exception des dix premiers qualifiés de « choses très saintes », pouvaient être utilisés par le prêtre et sa famille, femmes, filles et esclaves ; mais elles étaient interdites au mercenaire et à la fille mariée à un homme qui n’était pas prêtre. Lev., xxii, 1-16. Dans tous les cas, il fallait être en état de pureté légale pour participer à l’usage de ces biens.

4° Condition économique des prêtres. — La législation assurait ainsi, d’une manière assez large, la subsistance des prêtres. Car, ce n’étaient pas seulement leurs compatriotes de Palestine qui leur versaient de multiples redevances ; ceux de la dispersion ne manquaient pas de remplir leur devoir à cet égard. Cf. Cha lla, iv, 7-11 ; Chullin, x, 1 ; Philon, De monarch., ii, 3 ; Leg. ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, t. ii, p. 224, 568, 592 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2 ; XVI, vi, 2-7 ; Cicéron, Pro Flacco, 28, etc. D’autre part, les prêtres n’avaient pas à s’occuper des besoins du culte, puisque des redevances spéciales y pourvoyaient. Rien ne les empêchait d’acquérir des propriétés en dehors de leurs villes, et, à ce point de vue, ils étaient assimilés aux autres Israélites. III Reg., ii, 26 ; Jer., i, 1 ; etc. Mais, en tant que prêtres, ils n’avaient pas d’autre propriété territoriale que celle qui leur était assignée par la Loi, et comme les redevances qui leur étaient servies étaient à peu près toutes de nature mobilière, il n’y avait pas à craindre que la propriété foncière s’accumulât entre leurs mains. Au retour de la captivité, Artaxerxès ne voulut pas que les prêtres et les autres ministres du Temple fussent soumis aux impôts communs. I Esd., vii, 24. Sans doute, le nombre des prêtres avait augmenté avec le temps ; mais les autres familles israélites s’accroissaient dans la même proportion que celle d’Aaron, et, avec la population, augmentaient les sacrifices, les dîmes et les autres sources de revenus. Dieu avait ainsi voulu assurer à ses prêtres une situation honorable aux yeux d’un peuple qui regardait l’aisance et la prospérité temporelle comme les marques habituelles de la faveur divine. H ne fallait pas non plus que les prêtres de Jéhovah fissent trop mauvaise figure à côté de ceux des dieux égyptiens et babyloniens, et des prêtres schismatiques ou idolâtriques de leur voisinage immédiat. Tous auraient donc pu vivre à l’aise si les redevances recueillies leur avaient toujours été équitablement réparties.

XI.’LES PBÉ1RBS DANS L’HISTOIRE. — 1° De Moïse aux

rois. — Le sacerdoce aaronique établi par Moïse ne fut pas installé sans opposition, comme le montre la révolte des rubénites Dathan et Abiron, qu’appuya le lévite Coré et à laquelle prirent part deux cent cinquante Israélites, « princes de l’assemblée, appelés au conseil et hommes de renom. t> Num., xvi, 1-2. Il fallut un châtiment terrible pour faire prévaloir la volonté de Jéhovah, et encore les Israélites ne se soumirent-ils pas de bon gré à la leçon qui leur était donnée, de sorte qu’il fallut que le châtiment recommençât pour les mettre à la raison. Num., xvi, 41-49. Une loi nouvelle rappela ensuite à tous le respect qu’ils devaient au prêtre et au juge : « Tu les consulteras, et ils te feront connaître ce qui est conforme au droit… Tu agiras selon la loi qu’ils enseigneront et selon la sentence qu’ils auront prononcée, sans te détourner ni à droite ni à gauche de ce qu’ils t’auront fait connaître. Celui qui, se laissant aller à l’orgueil, n’écoutera pas le prêtre qui se tient là pour servir Jéhovah, ton Dieu, ou qui n’écoutera pas le juge, sera puni de mort. » Deut., xvii, 942. Dès lors, on ne vit plus se produire de protestation sérieuse contre le sacerdoce issu d’Aaron. Les prêtres exercèrent la fonction qui leur était dévolue dans les marches et dans les combats, Num., x, 5-10 ; au passage du Jourdain, Jos., iii, 13-17, et à la prise de Jéricho. Jos., vi, 12-16. — Du temps des Juges, on Vit un simple lévite entrer comme prêtre au service d’un Éphraïmite, du nom de Michas, moyennant dix sicles d’argent par an, une provision de vêtements et la nourriture. Jud., xvii, 10. Il fut ensuite enlevé par les Danites qui le prirent à leur service, puis installèrent à Lais, comme prêtres, des descendants deGersam, fils de Moïse. Jud., xviii, 19, 20, 30. Ces prêtres, bien que lévites, étaient aussi illégitimes que le culte qu’ils exerçaient. Leur tentative demeura isolée. — La faiblesse du grandprêtre Héli fut cause que ses fils deshonorèrent le sacerdoce par leur rapacité, attirèrent le mépris des Israélites sur les sacrifices et provoquèrent de terribles châtiments, la défaite d’Israël par les Philistins, la prise de l’Arche, la mort d’Héli et leur propre mort. I Reg., ii, 12-17 ; iv, 1-18. Samuel fut suscité par Dieu pour rétablir l’honneur du sacerdoce et du culte divin. Il était de la tribu de Lévi, mais non de la famille d’Aaron, puisqu’il descendait de Lévi par Coré. I Par., vꝟ. 34-38. « Moïse et Aaron parmi ses prêtres, et Samuel parmi ceux qui invoquent son nom, » dit le Ps. xcix (xcvm), 6. Un homme de Dieu dit à Héli, de la part du Seigneur : « Je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira selon mon cœur et selon mon âme ; je lui bâtirai une maison stable et il marchera toujours devant mon oint. Et quiconque restera de ta maison viendra se prosterner devant lui pour avoir une pièce d’argent et un morceau de pain, et il dira : Mets-moi, je te prie, à quelqu’une des fonctions du sacerdoce, afin que j’aie un morceau de pain à manger. » I Reg., ii, 35, 36. La prophétie se réalisa quand le pontificat fut enlevé à Abiathar, quatrième successeur d’Héli, de la descendance d’Éléazar, pour être conféré à Sadoc, de la descendance d’Ithamar, quatrième fils d’Aaron. III Reg., ii, 26, 27, 35. Les petitsfils et descendants d’Héli en furent alors réduits à exercer les fonctions de simples prêtres. Il est bien dit, dans un commentaire faussement attribué à saint Jérôme, In I ad Cor., i, 1, t. xxx, col. 717, que le « prêtre fidèle » n’était autre que Samuel. Mais saint Jérôme lui-même, Queest, hebr. in I Reg., t. xxx, col. 1333, n’exprime nullement cet avis, et enregistre seulenient l’opinion de ceux qui pensent que tout le passage IReg., Il, 27-36, se rapporte à une époque antérieure et a été inséré ici pour l’honneur de Samuel. Saint Augustin, De Civ. Dei, xvii, 5, 2, dit également qu’il ne peut pas s’agir ici de Samuel, qui était lévite, mais non de la famille d’Aaron. Cf. Cont. Faustum, xii, 33, t. xlii,

col. 271. Les fonctions déjuge et de prophète n’exigeaient nullement le sacerdoce, et si Samuel conféra l’onction royale à Saûl, IReg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, il ne paraît pas qu’il fallût être prêtre pour cet office. IV Reg., ix, 6. Mais Samuel offrait des sacrifices, IReg., vu, 9, 10 ; ix, 8 ; EccH., xlvi, 19(16) : « Il offrit un agneau encore à la mamelle. » Aucun reproche n’est adressé au prophète à ce sujet. C’est donc qu’il agissait en vertu d’une inspiration divine, ou qu’il n’offrait de sacrifices que par le ministère habituel des prêtres. Voir Samuel. 2° Sous les rois. — Le transport définitif de l’Arche à Jérusalem fixa dans la nouvelle capitale le culte de Jéhovah, et David offrit des sacrifices d’actions degrâces et des holocaustes. II Reg., VI, 17. Il le fit, bien entendu, par le ministère des prêtres, pour ne pas encourir la réprobation qui avait frappé Saûl. I Reg., xiii, 9-14. En Egypte, les pharaons étaient les souverains sacrificateurs. Dieu ne voulait pas qu’il en fût ainsi en Israël ; il y maintint toujours très formellement la prérogative qu’il avait attribuée à la descendance d’Aaron. David s’occupa de l’organisation du culte à Jérusalem ; il divisa les prêtres en vingt-quatre classes, de concert avec Sadoc et Achimélech, afin d’assigner à chaque classe son tour de service. I Par., xxiv, 1-19. Les prêtres figuraient aussi dans l’armée et y exerçaient même des commandements.

I Par., xii, 27, 28 ; xxvii, 5, 6. Avec Salomon, l’organisation préparée par David commença à fonctionner dans le nouveau Temple. II Par., viii, 14, 15. Après lui, les choses changèrent de face. Les prêtres avaient leurs villes sacerdotales ; mais un bon nombre d’entre eux s’étaient établis dans tout le pays. Ils y avaient avantage, parce que, tout en restant assurés des ressources générales de leur ordre, ils pouvaient profiter en plus des redevances locales qu’il était impossible ou qu’il n’était pas nécessaire de centraliser à Jérusalem. Le schisme de Jéroboam les obligea à se replier sur le territoire du royaume de Juda et à abandonner ainsi la plus grande partie du pays précédemment occupé.

II Par, , xi, 13, 14. Il dut en résulter une certaine gêne pendant quelque temps ; car le nombre des prêtres restait à peu près tel qu’à l’époque de David et de Salomon, alors que le royaume de Juda était seul désormais à assurer leur subsistance, et rares furent ceux d’Israël qui continuèrent à s’acquitter des redevances légales. Tob., i, 6-8. La situation fut souvent aggravée par l’idolâtrie des rois et celle du peuple, ce qui commença dès le règne de Roboam. II Par., XII, 1. Il est évident que ceux qui se détournaient de Jéhovah pour passer au culte des idoles ne se préoccupaient guère d’acquitter leurs redevances envers le sacerdoce aaronique. Beaucoup de prêtres durent être souvent réduits, comme les descendants d’Héli, à solliciter une fonction active dans le service du culte, afin d’avoir un morceau de pain à manger. I Reg., ii, 36. — Sous les ordres du grand-prêtre Joïada, les prêtres et les lévites furent les agents actifs de la révolution qui détrôna Athalie, pour mettre à sa place le roi légitime, Joas. IV Reg., xi, 4-16 ; II Par., xxiii, 1-15. Quelques années plus tard, Joas blâma la négligence des prêtres qui n’avaient pas dignement entretenu la maison du Seigneur, et prit des mesures pour faire tout remettre en état. IV Reg., xii, 6-16 ; II Par., xxiv, 4-14. Le roi Ozias, qui eut la témérité d’imiter Saül et de s’ingérer dans une fonction qui n’appartenait qu’aux prêtres, , fut frappé de Dieu, toujours jaloux de faire respecter les prérogatives de son sacerdoce. IV Reg., xv, 5 ; II Par., xxvi, 16, 21. Ézéchias rouvrit les portes du Temple fermées par Achaz, y rétablit’les prêtres dans leurs fonctions, restaura le culte de Jéhovah, fit reprendre par le peuple l’habitude de s’acquitter deff redevances sacrées et en assura l’équitabte répartition.. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. — Pendant son long règne

de cinquante-cinq ans, Manassé installa le culte idolâtrique dans le Temple même, sans que les prêtres paraissent avoir fait une sérieuse opposition à un tel attentat. II Par., xxxiii, 2-10 ; IV Reg., xxi, 2-9. Les prophètes seuls protestèrent, bien qu’inutilement. IV Reg., xxi, 10-15. Une dernière restauration du culte eut lieu sous Josias, avec le concours du grand-prêtre Helcias. IV Reg., xxii, 3-xxui, 28 ; II Par., xxxiv, 8xxxv, 19. — À travers toutes ces vicissitudes de la religion, selon le caprice des rois infidèles, on ne voit guère les prêtres prendre un parti décisif en faveur du culte de Jéhovah. Les prophètes nous donnent le secret de cette apathie. Il n’y avait évidemment pas à compter, pour maintenir le peuple dans la fidélité, sur les prêtres d’Israël, qui n’avaient qu’un sacerdoce fictif et dont Osée décrit l’ignorance, la scélératesse et le châtiment prochain. Ose., iv, 6-9 ; v, 1-9 ; vi, 6-10. En Juda même, les prêtres se laissaient entraîner au mal. Déjà Isaïe, xxviii, 7, 8, reproche leurs ignobles ivresses aux prêtres qui ont à rendre la justice. Cf. Is., lvi, 10-12. Sophonie, iii, 4, accuse les prêtres de profaner les choses saintes et de violer la loi. Jérémie, prêtre lui-même, donne des détails significatifs sur la conduite des autres prêtres. Ils ne s’inquiètent pas de Jéhovah et n’ont de pensée et de culte que pour les idoles et pour 1’  « armée des cieux ». Jer., ii, 8, 26 ; vni ; 1, 2 ; cf. Ezech., xliv, 12. Les faux prophètes sont leurs oracles, Jer., v, 31, le mensonge est leur loi. Jer., vi, 13 ; viii, 10. « Prophètes et prêtres sont des profanes, et dans ma maison même, j’ai trouvé leur méchanceté, dit Jéhovah. » Jer., xxiii, 11. Comme les rois, les chefs et le peuple, les prêtres ont tourné le dos à Dieu. Jer., xxxii, 32. Il n’est donc pas étonnant que le châtiment terrible soit tombé sur Jérusalem et tout le pays, « à cause des péchés de ses prophètes, des iniquités de ses prêtres qui répandaient dans son enceinte le sang des justes. » Lam., iv, 13. Ézéchiel, prêtre lui aussi, formule les mêmes accusations : « Les prêtres ont violé ma loi et profané mon sanctuaire ; ils ne distinguent pas entre le saint et le profane, ils n’enseignent pas la différence entre celui qui est souillé et celui qui est pur, ils détournent les yeux de mes sabbats et je suis profané au milieu d’eux. » Ezech., xxii, 26. Les chefs des prêtres eux-mêmes multipliaient les transgressions et profanaient la maison de Jéhovah. Il Par., xxxvi, 14. Aussi devinrent-ils victimes de la captivité, avec le peuple qu’ils n’avaient pas su maintenir dans le devoir. Tous les prêtres ne furent pas transportés, sans doute ; les pauvres furent laissés

fn Palestine. Mais au milieu d’une population amoinrie et ruinée, sans Temple et sans culte, ils ne pouvaient que végéter misérablement. Il ne resta plus en fonction dans le pays que ces prêtres improvisés en Samarie après la première déportation, et qui alliaient sacrilègement le culte de Jéhovah à celui des dieux étrangers. IV Reg., xvii, 27-41.

3° Après la captivité. — Avec Zorobabel revinrent en Palestine quelques milliers de prêtres, 4289 d’après

I Esd., ii, 36-39, et II Esd., vii, 39-42. On dut écarter, au moins provisoirement, ceux qui ne furent pas à même de fournir la preuve de leur descendance aaronique. II Esd., ii, 61-63. Les prêtres reprirent l’exercice de leurs fonctions, selon la loi de Moïse, 1 Esd., m, 2 ; vi, 18 ; H Esd., viii, 14 ; x, 29, 34, et participèrent à tout ce qui se fit pour la reconstruction du Temple et des murs de la ville. Les prêtres revenus de l’exil appartenaient à quatre familles, I Esd., ii, 36-38 ;

II Esd., vii, 39-42. Ces quatre familles comprenaient vingt-deux chefs au temps du grand-prêtre Josué, Il Esd., xii, l-7 r et du grand-prêtre Joakim, II Esd., xii, 12-21. À l’époque d’Esdras, des Israélites, et même des prêtres et des lévites prirent pour épouses des étrangères, contrairement à la Loi. I Esd., ix, 1, 2.

Dix-sept prêtres, dont les noms sont cités, s’étaient rendus coupables de cette infraction ; ils jurèrent de renvoyer leurs femmes et d’expier leur faute. I Esd., x, 18-22. Plus tard, Néhémie chassa le fils même du grand-prêtre, qui s’était allié à une étrangère. II Esd., xiii, 28. Il s’en faut que tout fût parfait parmi les prêtres de ce temps. Malachie, i, 6-14, leur reproche sévèrement d’offrir à l’autel des victimes indignes de Dieu. Il leur annonce le châtiment qui les frappera, Mal., ii, 1-9 ; iii, 2-3, et prédit à cette occasion l’oblation pure qu’un jour Dieu substituera aux anciennes victimes. Mal., i, 10, 11. On comprend que, dans ces conditions, l’influence religieuse qu’auraient pu exercer les prêtres ait passé peu à peu aux mains des scribes. Voir Scribes. — Les devoirs envers le prêtre étaient néanmoins rappelés au peuple. Osée, iv, 4, avait comparé les Israélites impies à « celui qui aurait un procès avec le prêtre », c’est-à-dire qui contesterait ses droits légitimes au vrai prêtre de Jéhovah et mériterait ainsi les plus graves châtiments. Deut., xvii, 12. Le fils de Sirach recommande de rendre aux ministres du Seigneur ce qui leur est dû :

Crains le Seigneur de toute ton âme, Et tiens ses prêtres en grand honneur. Aime de toutes tes forces celui qui t’a fait, Et ne délaisse pas ses ministres.

Crains le Seigneur et honore le prêtre, Donne-lui sa part, comme il est prescrit : La victime pour le délit avec le don des épaules, La sainte obîation et les prémices dues aux saints. Eccli., vir, 31-34.

Il fait ensuite l’éloge du grand-prêtre Simon, qui officiait si majestueusement et autour duquel les autres prêtres remplissaient leurs fonctions saintes. Eccli., l, 1-21. — Sous la domination des rois de Syrie, le prêtre Matathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Judas, Éléazar et Jonathas, prirent l’initiative d’un soulèvement national pour délivrer le pays du joug étranger et rétablir le culte de Jéhovah dans sa splendeur. I Mach., n, 1-5. Ils réussirent dans leur double entreprise. Us donnèrent eux-mêmes l’exemple de l’obéissance à toutes les prescriptions de la loi mosaïque. Ils gouvernèrent le peuple juif avec une indépendance complète à partir de Simon, en l’an 142, jusqu’à la prise de Jérusalem par Pompée, en l’an 63. Jonathas, en 161, fut même investi du souverain pontificat, qui resta dans la famille machabéenne jusqu’en l’an 37 et passa successivement à huit grands-prêtres après Jonathas. Voir Grand-prêtre, t. iii, col. 306 ; Machabées, t. iv, col. 480-487. Il est probable qu’un certain nombre de prêtres se laissèrent entraîner aux pratiques idolâtriques mises à la mode par les rois de Syrie ; car il est noté que, pour purifier le sanctuaire, Judas Machabée « choisit des prêtres sans défauts, attachés à la loi de Dieu ». I Mach., iv, 42. Les prêtres prenaient part aux luttes soutenues par leurs chefs, et plusieurs périrent dans les combats, parfois par leur propre imprudence. I Mach., v, 67. Quand Nicanor menaça les prêtres de détruira le Temple s’ils ne lui livraient Judas Machabée, ceux-ci en appelèrent à Dieu pour les secourir et ils furent exaucés ; II Mach., xiv, 31-34. — Vers l’an 160, Onias IV, fils du grand-prètre Onias III, éleva un temple à Léontopolis, en Egypte, et, sous sa direction, des prêtres aaroniques y célébrèrent le-culte suivant les règles mosaïques, tout en se maintenant en relations avec le sacerdoce de Jérusalem. Cette entreprise ne fut pas bien vue des Juifs de Palestine. Voir Onias IV, t. iv, col. 1818-1819.

4° À partir de Jésus-Christ. — Quand Jean-Baptiste commença sa prédication, on envoya de Jérusalem des prêtres et des lévites pharisiens pour lui demander ce qu’il était. Joa., i, 19, 24. C’étaient des représentants du sanhédrin, exerçant ainsi le droit qu’il avait de sur

veiller les manifestations religieuses qui se produisaient dans le pays. — Notre-Seigneur lui-même semble avoir eu peu de rapports avec les prêtres. Il reconnaît cependant la légitimité de leur ministère dans le Temple, Matth., xii, 4, 5, et renvoie à leur examen le lépreux qu’il a guéri. Matth., viii, 4 ; Marc, i, 44 ; Luc, v, 14. — Depuis que le pontificat suprême était tombé sous la dépendance absolue du pouvoir civil, qui se réservait la nomination du grand-prêtre, c’est-à-dire depuis Hérode, le haut sacerdoce se recrutait dans la secte des sadducéens, qui ne croyaient pas à Ja vie future et ne songeaient qu’aux honneurs, aux richesses et à la jouissance. Parmi les descendants d’Aaron, les riches seuls étaient admis à exercer leurs fonctions dans le Temple, avec la faculté de les exploiter conformément à leurs intérêts. Les autres prêtres vivaient dans l’abandon, la pauvreté et l’ignorance. Des grands-prêtres en vinrent à faire piller par leurs serviteurs les greniers contenant des dîmes destinées aux prêtres, si bien que ceux-ci mouraient de misère. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 8 ; ix, 2. Ceux qui jouissaient de la faveur des grands n’en avaient pas plus d’influence morale pour cela. Ils ne se préoccupaient plus que de la forme matérielle du culte, surtout dans ce qu’il avait d’honorifique et de lucratif. Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, leur influence morale fût à peu près nulle sur le peuple. Déjà même les meilleurs prêtres aaroniques eussent été impuissants à procurer le salut de leur nation et à travailler à celui de l’humanité, parce que la religion qu’ils représentaient n’avait pas grâce pour assurer ce bien et d’ailleurs touchait à sa fin. Notre-Seigneur le donne à comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui représente le prêtre de l’ancienne loi passant auprès du malheureux blessé et ne faisant rien pour lui, par impuissance plus encore que par mauvais vouloir, Luc, x, 31. Beaucoup de ces pauvres prêtres s’en rendirent compte ; la grâce aidant, une multitude d’entre eux obéirent à la foi chrétienne. Act., vi, 7. — Bien que les prêtres influents au point de vue politique appartinssent à la secte sadducéenne, Act., v, 17 ; cf. Josèphe, Ant. jud., XX, îx, 1, il s’en faut cependant qu’on ait le droit d’identifier le sacerdoce avec le sadducéisme. Les principaux seuls se rattachaient à la secte ; beaucoup d’autres étaient pharisiens, et les pharisiens défendaient avec zèle les droits légitimes du sacerdoce et lui reconnaissaient la première place dans la théocratie. Cf. Ckagiga, ii, 7 ; Horayoth, iii, 8 ; Gitlin, v, 8. Leur opposition ne visait que les prêtres inféodés au sadducéisme et au pouvoir civil, étranger à la nation. Au temps des Machabées, la hiérarchie sociale se composait de quatre éléments : le grandprêtre, le sénat ou le conseil des anciens, les prêtres et le peuple. I Mach., xii, 6 ; xiv, 20. À l’époque évangélique, les prêtres n’étaient pas déchus de ce rang. Un certain nombre d’entre eux faisaient même partie du sanhédrin, soit dans la classe des grands-prêtres, soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes. Voir Sanhédrin. Dans les synagogues, les prêtres avaient la préséance ; ils étaient appelés les premiers à faire la lecture. Cf. Gittin, v, 8. — Le sacerdoce judaïque, aboli en droit par la mort de Jésus-Christ, le fut en fait par la ruine définitive du Temple. On voulut croire d’abord que le désastre n’était que provisoire, comme au temps des Chaldéens. Les docteurs suspendirent donc le paiement des redevances qui avaient pour objet l’entretien du Temple et l’exercice public du culte ; mais les autres furent maintenues et on les acquitta, en général, là où se trouvaient des prêtres. Cf. Schekalim, viii, 8. Mais il fallut ensuite se rendre à l’évidence. Les prêtres avaient perdu leur raison d’être, puisqu’il n’y avait plus de fonctions rituelles à remplir. Ils furent remplacés par les docteurs

ou rabbins, qui n’avaient pas besoin de temple pour une religion privée de sacrifice et réduite au service des synagogues.

IV. Sacerdoce chrétien. — 1° Sacerdoce de Jésus-Christ. — 1. Jésus-Christ a été le prêtre par excellence de la loi nouvelle. Il a été appelé à cette fonction par Dieu même, qui déjà s’était réservé d’appeler, en la personne d’Aaron, les prêtres de la loi ancienne, Heb., v, 4, 5. Cet appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : « Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui, » Ps. ii, 7, et encore : « Tu es prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. — Notre-Seigneur n’est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. Son sacerdoce ne se rattache donc pas à celui d’Aaron. Il est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire à la manière de ce « roi de justice » et « roi de paix », dont l’Écriture n’indique pas la généalogie, mais auquel Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d’Aaron ; il a sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs qu’Abraham a rendus à Melchisédech. Heb., vii, 1-7. — Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu ne lui ayanj ; jamais promis l’exercice perpétuel de ses fonctions ; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été établi avec serment : « Le Seigneur l’a juré, il ne s’en repentira pas : Tu es prêtre pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et ne se transmet point, parce que celui qui le possède est toujours vivant. Heb., vii, 20-25. — Les prêtres lévitiques étaient sujets au péché ; se souvenant de leur faiblesse, ils étaient capables de se montrer indulgents envers les autres, mais devaient nécessairement commencer par offrir des sacrifices pour eux-mêmes. Jésus-Christ est un grand-prêtre « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, élevé au-dessus des cieux ». Il n’a donc pas besoin d’offrir de victimes pour lui-même ; mais il s’est offert pour les péchés du peuple et a été exaucé pour sa piété. Heb., v, 1-9 ; vit, 26-28.

— Les prêtres anciens exerçaient leur ministère dans, des sanctuaires faits de main d’homme, le Tabernacle et le Temple ; il y avait là un Saint des saints caché par un voile, et de multiples prescriptions charnelles auxquelles les prêtres étaient assujettis. Le ministère sacerdotal de Jésus-Christ, après avoir commencé sur terre, s’exerce maintenant « à la droite du trône de la majesté, dans les cieux », où est assis Jésus-Christ, « comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle, qui a été dressé parle Seigneur, et non par un homme, » et il y est « toujours vivant pour intercéder » en faveur des hommes. Heb., vii, 25 ; viii, 1, 2 ; ix, 1-11. — Les sacrifices des anciens prêtres se multipliaient indéfiniment, parce qu’ils étaient inefficaces et ne pouvaient procurer que la pureté de la chair. Le sacrifice de Jésus-Christ est unique, parce qu’il purifie les âmes elles-mêmes, abolit le péché une fois pour toutes, a une vertu toute puissante et assure le salut éternel à ceux qui veulent en profiter. Heb., v, 9 ; vii, 25 ; ix, 12-14. Jésus-Christ a donc été revêtu d’un véritable sacerdoce, supérieur au sacerdoce lévitique par son origine, son unité, sa sainteté et son efficacité. — 2. « Tout grand-prêtre, pris d’entre les hommes, est établi pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d’offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés. » Heb., v, 1. Jésus-Christ n’a offert qu’un seul sacrifice « par lequel il a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 14. Ce sacrifice est celui de la croix, que le sacrifice eucharistique représente et continue. Voir Sacrifice. Cf. De Condren, Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, Paris, 1858, p. 19-45. — 3. Les Pères appliquent à Jésus-Christ les paroles du Psaume xlv (xliv), 8 : « Le Seigneur t’a

oint d’une huile d’allégresse. » Plusieurs ont pensé que cette onction s’éfait faite au jour du baptême ; il est plus exact de dire, avec d’autres, que cette onction remonte au moment même de l’incarnation et que Jésus-Christ a été fait prêtre en même temps que fait homme. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XI, ix, 3-14 ; XII, xi, 1-11.

2° Les prêtres de l’Église. — 1. Le sacerdoce de Jésus-Christ étant un sacerdoce éternel, qui ne se transmet. pas parce que celui qui le possède est toujours vivant, il suit de là que les prêtres de la loi nouvelle ne peuvent être que les organes du prêtre éternel, mais invisible. Cf. S. Optât, De schismate Donatist., v, 3, 4, t. xi, col. 1051 ; S. Augustin, In Joa., v, 17, 18, 20, t. xxxv, col. 1423, etc. Jésus-Christ les prend où il veut, en les appelant lui-même par une vocation intérieure, contrôlée extérieurement par le jugement de l’Église. I Tim., v, 22. Comme sa religion et son Église sont établies pour tous les peuples et pour tous les temps, il ne s’astreint pas à prendre ses prêtres dans une race spéciale ; il les choisit partout. Le prophète l’avait prédit : « Le temps est venu de rassembler toutes les nations et toutes les langues… J’enverrai… vers les îles lointaines qui n’ont jamais entendu parler de moi et qui n’ont pas vu ma gloire, et ils publieront ma gloire parmi les nations… Et j’en prendrai même parmi eux pour prêtres et pour lévites, dit Jëhovah. » Is., lxvi, 18-21. Ainsi devait être procuré l’accomplissement de la prophétie de Malachie, i, 11, annonçant l’offrande de l’encens, des sacrifices et de l’oblation pure, en tous lieux parmi les nations. — 2. Jésus-Christ lui-même a institué le sacerdoce de la loi nouvelle. Il a confié à ses Apôtres le pouvoir de gouverner l’Église, Matth., xvi, 19 ; xviii, 18, de célébrer le sacrifice eucharistique, Luc, xxii, 19 ; 1 Cor., xi, 25, de remettre les péchés, Joa., xx, 23, d’enseigner et de baptiser, Matth., xxxviii, 19, 20 ; Marc, xvi, 15 ; Luc, xxiv, 47, etc. Les Apôtres ont exercé ces pouvoirs et les ont transmis à d’autres par l’imposition des mains. I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6. Voir Ordination, t. iv, col. 1853. De très bonne heure, il y eut comme un dédoublement du sacerdoce. Les Apôtres eux-mêmes, qui en étaient revêtus dans sa plénitude, instituèrent les diacres, Act., vi, 1-6, chargés de certains ministères qu’eux-mêmes remplissaient tout d’abord. Voir Diacre, t. ii, col. 1401. Les ministres institués par les Apôtres pour leur succéder et administrer les églises étaient appelés indifféremment ÉniaxÔTtoc, « surveillants », Phil., i, 1, et itpes6vTipot, « anciens ». L’ancien nom hébraïque, kohên, était donc abandonné et remplacé par des noms grecs plus intelligibles pour les convertis du monde gréco-rdinain. On laissait également de côté le nom grec t’sps’j ; , que portaient les prêtres païens et que gardaient aussi les prêtres juifs. Saint Paul disait encore de son temps aux « prêtres » d’Éphèse, tov ; TipsuëutÉpou ; (majores natu dans la Vulgate), que Dieu les avait constitués « évêques », imayr.6710uç, pour régir l’Église de Dieu. Act., xx, 17, 28. Ces ministres gouvernaient collectivement les églises qui leur avaient été confiées par les fondateurs. Act, xiv, 22 ; xx, 17 ; TU., i, 5 ; I Pet., v, 1-5 ; Jacob., v, 14 ; Doclr. Apost., xv, 1. Mais cet ordre supérieur ne tarda pas à être dédoublé à son tour. Dès le commencement du second siècle, d’importantes églises sont gouvernées par un chef unique, qui est appelé évêque. Voir Ëvéoue, t. ii, col. 2121-2126. On peut affirmer que cet épiscopat unitaire a fonctionné dès l’organisation des églises de Jérusalem, de Rome, probablement d’Anlioche, etc. Cf. Duchesne, Hist. ancienne de l’Église, Paris, 1. 1, 1906, p. 84-95 ; Pourrat, La théologie sacrameniaire, Paris, 1907, p. 283-286. Le sacerdoce chrétien se trouva ainsi, presque à l’origine, partagé entre trois ordres, l’épiscopat, qui en avait la plénitude, le pres bytérat, qui en exerçait presque tous les pouvoirs, mais sous l’autorité de t’évêque, et le diaconat, qui ne jouissait que de pouvoirs inférieurs et restreints. Cf. Conc. Trid., Sess. xxiii, can. 6, 7 ; D. A. Gréa, De l’Église et de sa divine constitution, Paris, 1885, p. 271-306. — 3. Saint Paul recommande à son disciple Timothée de n’imposer trop vite les mains à personne. I Tim., v, 22. Il faut en effet que le sujet qui désire exercer le ministère sacré et ses fonctions excellentes soit examiné et éprouvé au préalable, parce que le ministre du Seigneur doit se « montrer, dans le service de Dieu, comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’ait point à rougir, dispensant avec droiture la parole de vérité. » II Tim., . ii, 15. L’Apôtre indique donc les qualités exigées du candidat à l’épiscopat ou au sacerdoce. Il faut qu’il soit irréprochable, qu’il n’ait été marié qu’une fois ; le célibat n’était pas encore requis pour le sacerdoce, que cette exigence eût alors rendu impossible à recruter, mais les secondes noces constituaient un obstacle au ministère sacré. Il doit encore être vï)ipâ>, io ; , sobrius, sobre ou modéré dans ses désirs, prudent, x6<t[moî, omatus, bien ordonné (pudique ajoute la Vulgate), hospitalier, capable d’enseigner. Il ne doit pas être adonné au viii, ni violent, mais doux, pacifique (non querelleur, ajoute la Vulgate), désintéressé, gouvernant bien sa maison, maintenant ses enfants dans la soumission en toute gravité, o-£[/, vôt » )ç, castitas. Car celui qui ne sait pas gouverner sa maison serait incapable de prendre soin de l’Église de Dieu. Il ne faut pas non plus qu’il soit un nouveau converti, de peur que la dignité si vite obtenue ne le porte à un damnable orgueil. Il est enfin nécessaire qu’il jouisse de la considération de ceux du dehors, afin de ne pas tomber dans l’opprobre et de là dans les pièges du diable. 1 Tim., iii, 1-7. Saint Paul reproduit un programme analogue à l’usage de Tite. Il appelle l’évêque ou le prêtre ®eoû oîxovô^oç, « administrateur de la maison de Dieu », Dei dispensator. Il veut surtout qu’il soit « fermement attaché à la doctrine, afin d’être en état d’exhorter selon la saine doctrine et de réfuter ceux qui la contredisent ». Tit., i, 6-9. — L’Apôtre supplie Timothée de faire l’œuvre d’un prédicateur de l’Évangile et d’être tout entier à son ministère, Siaxovia. II Tim., iv, 5. La même recommandation est adressée à Archippe, de Colosses. Col., iv, 17. — Le prêtre de la loi nouvelle, comme celui de l’ancienne, a le droit de vivre de son ministère. 1 Cor., ix, 4-12 ; 1 Tim., v, 17, 18. — Il se peut qu’il ne soit pas^toujours à son devoir. On ne doit accueillir d’accusation contre lui que sur la déposition de deux ou trois témoins. S’il est coupable, on le reprendra publiquement, afin d’inspirer de la crainte aux autres, mais on ne devra agir ni par prévention, ni par faveur. I Tim., v, 19-21.

— Saint Jean, III Joa., 9, signale un certain Diotréphès qui exerçait dans une église une orgueilleuse et intolérante autorité. Il écrit aussi aux « anges » des sept églises, c’est-à-dire à leurs chefs spirituels, pour leur rappeler leurs devoirs, les féliciter ou les blâmer, selon qu’ils le méritent. Apoc, ii, l-m, 22.

Sur le sacerdoce attribué par certains textes aux simples fidèles, voir Ordre, t. iv, col. 1855.

H. Lesêtre.
    1. PRIAPE##

PRIAPE, dieu de la fécondité des champs dans la mythologie grecque et latine. On le faisait naître de Bacchus et de Vénus et l’on plaçait ses statues de forme indécente dans les jardins. On lui sacrifiait des boucs et des ânes. Ses fêtes s’appelaient priapées. On l’honorait particulièrement à Lampsaque. Il n’est pas nommé dans Je texte original des Écritures, mais saint Jérôme a traduit par son nom le mot hébreu miflêsét, III Reg., xv, 13 ; II Par., xv, 16, voir Idole, iii, 35°, t. iii, col. 825, parce que miflését désigne, d’après le contexte, un objet idolâtrique obscène en l’honneur

d’Aslarthé que la reine Maacha honorait et faisait honorer par un culte impur. Saint Jérôme l’a rendu par Priape pour donner à ses lecteurs latins l’idée de ce qu’était cette sorte d’idole. Elle était en bois et le roi Asa, fils ou plutôt petit-fils de Maacha, la fit brûler dans le torrent de Cédron, Voir Maacha, t. iv, col. 465.

    1. PRICE John##

PRICE John, en latin Pricœus, savant anglais, né vers 1600, mort à Rome en 1676. Il était né de parents protestants et fut élevé à Oxford. Après avoir achevé ses études, il se convertit au catholicisme et fut obligé de quitter l’Angleterre pendant les guerres civiles. Après avoir vécu quelque temps à Paris, il alla s’établir à Florence et devint ensuite professeur de grec à Pise. Il se retira finalement à Rome au couvent des Auguslins où il mourut. Il avait une connaissance étendue des littératures classiques et il en fit un usage utile pour l’explication des Saintes Écritures par des notes courtes mais judicieuses. On a de lui : Matthxus ex Sacra Pagina, sanctis Patribus, etc., illustratus, in-8°, Paris, 1646 ; Adnolationes in Epistolam Jacobi, in-8°, 1646 ; Acta Apostolorum ex Sacra Pagina, Sanctis Patribus, etc., illwtrata, in-8°, Paris, 1617 ; Commentarii in varios Nevi Teslamenti libros ; his accesserunt Adnolationes in Psalmorum librum, in-f°, Londres, 1660, et dans les Critici sacri, t. v, 824, p. 362. Voir Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 362 ; S. Lee, Dictionary of national Biography, t. xlvi, 1896, p. 330.

1. PRIÈRE (hébreu : fefillâh, (el.iinnâh ; chaldéen : bâ’û ; Septante : t>x~r, 8éï)trt ; , itpo<xeuj(i > Vulgate : oratio, supplicatio, preces), acte par lequel l’homme s’adresse à Dieu pour lui rendre hommage ou solliciter sa bienveillance. — Pour les Hébreux, prier c’est surtout « invoquer le nom de Jéhovah », qdrâ’beSém yehovdh, lm*.aeXaf)’aii tô ovo|iaxupfou toO 6eoû, invocare nomen Domini. Gomme habituellement le nom de Dieu se prend pour Dieu lui-même, l’expression hébraïque revient à signifier « invoquer Dieu », l’appeler à son aide ou le nommer pour le louer. Gen., iv, 26 ; xii, 8 ; Deut., xxxii, 3 ; Ps. lxxix (lxxviii), 6 ; xcix (xcv(u), 6 ; cv (civ), 1 ; Is., lxiv, 7 ; Jer., x, 25 ; Lam., m, 55 ; Soph., iii, 9 ; etc.

I. Nature de la prière. — 1° Son caractère instinctif. Rien ne paraît plus naturel à l’homme que de tourner lesyeux vers une puissance supérieure pour l’appeler à son aide. De quelque nom qu’il désigne cette puissance, il l’invoque, parce que d’elle il attend des biens ou redoute des maux. C’est là un fait qui a été constaté chez tous les peuples de tous les temps. Cf. A. Bros, La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907, p. 276-304. Au commencement de la Bible, la prière n’est pas mentionnée dans l’histoire des premiers parents. Ce silence semble indiquer qu’elle a gravement manqué, soit immédiatement avant la chute, pour appeler le secours de Dieu contre le tentateur, soit immédiatement après, pour exprimer le repentir. Mais les rapports dans lesquels Adam et Eve ont tout d’abord été avec Dieu ne se conçoivent pas sans la prière, c’est-à-dire sans l’expression de pensées, de sentiments et de désirs manifestésà Dieu dans le langage de l’homme. Cette expression est même si impérieusement commandée à l’homme par la conscience qu’il a de sa dépendance vis-à-vis d’un auteur et d’un maître, qu’elle jaillit instinctivement de son âme. Dès lors, la prière ne résulte pas d’une institution positive ; elle est d’ordre naturel, et la Bible n’avait pas à en enregistrer le précepte. A la seconde génération après Adam, Énos commence à invoquer le nom de Jéhovah. Gen., iv, 26. Quel que soit le sens véritable de ces paroles, elles n’en marquent pas moins une accentuation et un progrès dans l’idée et dans la pratique de la prière. Celle-ci

est en pleine vigueur sous Noé, puisque ce patriarche offre un sacrifice avec un rite déjà ancien, et que le sacrifice n’est qu’une prière en action. Gen-, viii, 20. Par la suite, si haut qu’on remonte vers les origines des anciens peuples, on rencontre toujours des dieux, un culte, des sacrifices, institutions inséparables de la prière. Cf. Sap., xiii, 2, 10, 17-19. La prière se trompe souvent dans la désignation de l’être auquel elle s’adresse, mais elle répond à un besoin instinctif que ressent chaque conscience et qui se constate chez tous les hommes.

2° Sa dépendance de Vidée de Dieu. — L’idée que chaque peuple se fait de Dieu détermine nécessairement la manière dont il le prie. À mesure que cette idée se déforme chez les peuples de l’antiquité, la prière passe de plus en plus au pur formalisme. De même que les dieux sont soumis à une sorte de nécessité inéluctable qui limite leur bon plaisir, ainsi la prière doit s’accommoder servilement à des règles extérieures dont la négligence ruine toute possibilité de crédit auprès de divinités plus ou moins soumises à la volonté aveugle du destin. Il en est ainsi chez les Égyptiens. De multiples et impérieuses formalités s’imposaient, comme condition indispensable, à celui qui voulait obtenir la faveur du dieu. De plus, « les formules qui accompagnaient chacun des actes du sacrificateur comprenaient un nombre déterminé de mots, dont les séquences et les harmonies ne pouvaient être modifiées en quoi que ce soit, ni par le dieu lui-même, sous peine de perdre leur efficacité… Une note fausse, un désaccord entre la succession des gestes et l’émission des paroles sacramentelles, une hésitation, une gaucherie dans l’accomplissement d’un seul rite et le sacrifice était nul. » Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 124. En Babylonie se faisait sentir le même asservissement aux rites. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 704, 705 ; Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. xx-xxvii. Le formalisme n’est pas moins outré dans la religion de la Grèce et surtout de Rome. « Il ne suffit pas de connaître les attributs du dieu qu’on veut prier, il est bon de lui donner son nom véritable, sans, quoi il serait capable de ne pas entendre… Même quand on invoque le plus grand d’entre eux, on lui dit : Puissant Jupiter ou quel que soit le nom que tu préières. Le nom du dieu trouvé, il faut savoir les termes exacts de la prière qu’il convient de réciter… Ces prières sont souvent très prolixes. Le Romain qui prie a toujours peur de mal exprimer sa pensée ; il a soin de répéter plusieurs fois les choses pour être parfaitement compris… Quant aux disposilions de l’âme qu’il faut apporter à la prière, la religion romaine ne s’en occupe pas ; elle s’arrête aux pratiques. Pour elle, les gens les plus religieux sont ceux qui connaissent le mieux les rites. » G. Boissier, La religion romaine, 1884, t. i, p. 12-15 ; Dbllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 306-311 ; t. iii, p. 112, 113 ; Fustel de Coulanges, La cité antique, Paris, 7e édit.* p. 194-197. — Il y a un abîme entre cette conception mécanique de la prière et l’idée que nous en donne la Bible. Le premier exemple de prière un peu étendue qu’elle nous fournit est le dialogue qu’Abraham engage avec Dieu au sujet de Sodome. Gen., xviii, 16-32. Le Dieu d’Abraham n’est pas une entité rigide, inaccessible à tout sentiment désintéressé de bonté et de compassion et liée d’ailleurs par un inéluctable destin. C’est un père du genre humain, qui traite Abraham en ami, ne lui révèle les desseins de sa justice que pour provoquer son intercession, et exauce ses prières successives avec une telle condescendance que celui qui supplie s’arrête plus tôt que celui qui exauce. Les autres prières bibliques procèdent toutes de ce même esprit. L’Israélite sait qu’il parle à un Dieu attentif, bon, mi

séricordieux, généreux, patient, indifférent aux formules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments du cœur. Sans doute, un jour, les pharisiens étendront leur formalisme aux règles de la prière elle-même ; mais Notre-Seigneur viendra bientôt pour détruire leur œuvre néfaste et rendre à la prière de l’homme son caractère d’appel simple, naturel, cordial et confiant de la créature au Créateur bon et puissant, de l’enfant à son Père des cieux. Aussi n’est-il pas étonnant que les prières bibliques, les Psaumes en particulier, s’inspirant de sentiments si vrais et en même temps si élevés, aient pu traverser les âges et soient devenues, même après le passage du Sauveur, les prières de l’humanité.

3° Ses fins. — Chez les anciens peuples polythéistes, la prière, à peu d’exceptions près, était devenue une formalité destinée à procurer les biens ou à écarter les maux d’ordre temporel. Cicéron, Sat. deor., iii, 36, pouvait dire : « Jamais personne n’a considéré la vertu comme un présent de la divinité. On appelle Jupiter le dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu’il nous rend justes, sobres et sages, mais parce qu’il nous donne la santé, le bonheur, la fortune et l’abondance. » Sans doute, les Israélites, comme tous les autres hommes, ont été plus sensibles aux biens temporels qu’aux avantages spirituels, et les premiers ont été fréquemment appelés par leurs prières. Mais, chez eux, la prière intéressée n’a pas été exclusive des autres. La Sainte Écriture renferme un grand nombre de prières qui ont des fins plus relevées : 1. La prière latreutique ou d’adoration. Ce genre de prière se reconnaît dans les Psaumes viii, xxrv (xxm), xcxiii (xcxii), xcv (xcrv), xcvii (xcvr), xcix (xcvm), cxm (cxii), etc. ; dans le cantique des trois jeunes gens, Dan., iii, 52-90 ; dans les acclamations d’îsaïe, vi, 3, et de saint Jean, Apoc, vu, 12 ; xi, 17-18 ; xv, 3-4 ; xvi, 5-7, etc. — 2. La prière eucharistique ou d’actions de grâces. Elle est fréquente dans la Bible. À ce genre appartiennent le cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18 ; le cantique d’Anne, I Reg., ii, 1-10 ; celui de David, II Reg., xxii, 2-51^]les Psaumes xxxiv (xxxiii), xl (xxxix), lxx (lxix), cxxiv (cxxm), etc. ; les cantiques de Tobie, xra, 1-23, et de Judith, xvi, 2-21 ; ceux de Marie, Luc, i, 46-55, et de Zacharie, Luc, i, 68-79, etc. — 3. La prière impétratoire ou de demande. La prière pour demander les biens d’ordre temporel se rencontre continuellement, surtout dans l’Ancien Testament. L’Évangile lui-même enregistre les nombreuses requêtes de malheureux qui réclament leur guérison ou celle de, leurs proches. Ces demandes sont conformes à l’ordre de la Providence, et la meilleure preuve en est qu’elles sont très souvent exaucées. Mais les biens spirituels sont aussi l’objet de la prière. Ainsi Salomon demande la sagesse et l’intelligence, II Par., i, 10 ; des Psalmistes prient pour « connaître le sentier de la vie », Ps. xvi {xv), 11, pour revoir bientôt le sanctuaire du Dieu qu’ils aiment, Ps. xlh (xli), 2, 3, pour obtenir « un cœur pur » et « un esprit ferme », Ps. m (li), 12, pour que Dieu donne au roi l’esprit de justice et d’équité, Ps. lxxii (lxxi), 1, 2, pour qu’il accorde la connaissance et l’amour de sa loi, Ps. cxix (cxviii), etc. ; on prie Dieu d’envoyer du ciel sa sagesse, afin que l’on connaisse ce qui lui est agréable. Sap., ix, 4, 10. Quand ils conjurent si souvent le Seigneur d’envoyer le Messie, les prophètes demandent le bien spirituel par excellence, celui qui doit être pour l’humanité la source de tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en requêtes spirituelles, celles du don de Dieu, Joa., iv, 10-15, du pain de vie, Joa., vi, 34, de l’accroissement de la foi, Marc, ix, 23 ; Luc, xvii, 5, de la vue du Père, Joa.,-xiv, 8, et toutes celles qui sont formulées dans les Actes des Apôtres ou dans leurs Épîtres. Ces requêtes répondent à l’invitation si formelle du divin

Maître qui a recommandé de « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice ». Matth., vi, 33. — 4. La prière propitiatoire ou de repentir. Elle est représentée par les Psaumes de pénitence, vi, xxxii (xxxi), xxxvin (xxxvii), li (l), cil (ci), cxxx (cxxix), cxliii (cxm), les prières de saint Pierre, Luc, v, 8, et du publicain, Luc, xviii, i’à, etc.

4° La prière type. — 1. Le Sauveur a daigné lui même l’enseigner à ses Apôtres. C’est le Pater, qui donne une si haute et si complète idée de ce que doit être la prière. Matth., vi, 9-13 ; Luc, x, 2-4. Cette prière ne renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement caractéristique de la religion chrétienne et qui ne puisse convenir qu’aux enfants de l’Église du Christ. Notre-Seigneur a voulu qu’elle fût par excellence la prière de l’humanité. Dieu y est présenté comme Père, par conséquent comme celui auquel les hommes peuvent s’adresser en toute confiance, Père qu’on ne doit pas s’étonner de ne pas voir, puisqu’il est dans les cieux, mais dont la puissance et la bonté s’exercent de là-haut sur les enfants qu’il a sur la terre. Les trois premières demandes : « Que. votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », se rapportent à la gloire de Dieu, que l’homme souhaite et qu’il doit travailler à procurer par son obéissance. Ainsi l’homme satisfait au double devoir de l’adoration et de l’action de grâces. Sa prière passe ensuite à la demandé, quand elle détermine les biens qui sont attendus de la munificence divine, pour le corps, le pain de chaque jour, pour l’âme, la préservation de la tentation, pour les deux ensemble, la délivrance du mal. Enfin le repentir a son expression dans les paroles : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés, » paroles qui font de t la charité fraternelle la preuve du repentir sincère. Ces choses sont exprimées en peu de mots, pour indiquer que Dieu tient plus aux sentiments du cœur qu’à la longueur des formules. C’est la prière par excellence, tant par son origine que par sa simplicité et la perfection de ses demandes. — 2. Avec la leçon, Notre-Seigneur a tenu à donner l’exemple de la prière. Nul doute que la prière n’ait consacré le temps de savie cachée. Pendant sa vie publique, aussitôt après son baptême, il est en prière quand le Père le fait connaître comme son Fils. Luc, iii, 21. Au cours de ses tournées évangéliques, il se lève de grand matin et va prier dans la solitude. Marc, i, 35. Après la guérison du lépreux, pour échapper à l’empressement indiscret des foules, il se retire dans le désert et y prie. Luc, v, 16. Avant de choisir ses Apôtres, il passe la nuit en prière sur la montagne. Luc, vi, 12. Après la multiplication des pains, il se retire seul sur la montagne pour prier. Matth., xiv, 23 ; Marc, vi, 46. Il était encore seul à prier, avant de demander à ses Apôtres ce qu’on pensait de lui. Luc, ix, 18. Sur la montagne de la transfiguration, il prie, et c’est pendant sa prière que son visage se met à resplendir. Luc, ix, 28, 29. À la suite d’une de ses prières, les Apôtres lui demandent de leur apprendre à prier. Luc, xi, 1. Ces quelques indications des Évangélistes montrent que la prière tenait la plus grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de toutes les occasions pour s’isoler et prier, sans parler des prières qu’il faisait publiquement avec ses Apôtres, sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple. La prière sanctifie surtout la dernière journée de Notre-Seigneur, au cénacle, Matth., xxvi, 30 ; Marc., xiv, 26 ; Joa., xvii, 1-26, à Gethsémani, Matth., xxvi, 36 ; Marc, xiv, 32 ; Luc, xxii, 41, et sur la croix. Luc, xxiii, 34 ; Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 34 ; Luc, xxiii, 46. L’Épître aux Hébreux, v, 7, ’dit que, « dans les jours de sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le

sauver de la mort, et fut exaucé pour sa piété. » Cet exemple montre déjà quelle importance a la prière dans la religion et, en général, dans les relations de l’homme avec Dieu.

II. Sa. nécessité. — Il y a, surtout dans l’ordre naturel, une foule de biens que Dieu accorde même à ceux qui ne le prient pas. « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les justes et sur les injustes. » Matth., v, 45. Mais beaucoup de biens, principalement dans l’ordre spirituel, ne peuvent être accordés qu’à ceux qui les demandent par la prière. « Sachant que je ne pouvais obtenir la sagesse si Dieu ne me la donnait, et c’était déjà de la prudence que savoir de qui vient ce don, je m’adre ssai au Seigneur et je l’invoquai. » Sap., viii, 21. Pour faire comprendre cette nécessité de la prière, Notre-Seigneur se sert de deux exemples. Un ami déjà couché ne se lève que quand son voisin vient avec insistance le solliciter pour lui emprunter du pain. Autrement, il ne se lèverait pas et n’irait pas au-devant de ses désirs. En conséquence, « demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. Qui demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvre… Si vous, qui êtes méchants, vous savez donner ce qui est bon à vos enfants, combien plus votre Père du haut du ciel donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le lui demandent ! » Luc, xi, 5-13. Pour montrer « qu’il faut toujours prier sans se lasser », le Sauveur met encore en scène une pauvre veuve qui n’obtient gain de cause auprès d’un juge inique qu’à force d’instances. Puis, comparant Dieu à ce juge inique, il conclut qu’à plus forte raison ceux qui s’adressent à lui seront exaucés. Luc, xviii, 1-8. Le Sauveur prescrit à ses Apôtres de veiller et de prier, afin de ne pas entrer en tentation. Matth., xxvi, 41. Saint Jacques, iv, 2, dit aux chrétiens que, s’ils n’obtiennent pas, c’est qu’ils ne demandent pas. — De là les exhortations pressantes à la prière fréquente, Luc, xviii, l ; « Priez sans cesse, »

I Thés., v, 17 ; Soyez « assidus à la prière, » Rom., xii ; 12 ; « persévérez dans la prière, » Col., iv, 2 ; s soyez prudents et sobres, pour vaquer à la prière. » I Pet., iv, 7. Dans les circonstances graves, les Apôtres et les chrétiens avaient recours à la prière continue. Act., i, 14 ; xii, 5. La vraie veuve « persévère nuit et jour dans les supplications et les prières. » I Tim., x, 5. Ces exhortations et ces exemples s’inspirent de la recommandation du Seigneur : « Veillez et priez sans cesse, afin que vous soyez trouvés dignes d’échapper à tous ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout devant Je Fils de l’homme. » Luc, xxi, 36.

III. Son efficacité. — Du commencement à la fin, la Sainte Ecriture témoigne de l’accueil bienveillant que Dieu fait à la prière. Gen., xxx, 17 ; Num., xxiii, 1 ; Deut, ix, 19 ; I Reg., vii, 9 ; III Reg., xvii, 22 ;

II Esd., ix, 28 ; Ps. iv, 2 ; xviii (xvii), 7 ; xxxiv (xxxin), 5 ; Is., xlix, 8 ; Dan., xiii, 44 ; II Mach., i, 8 ; Luc, i, 13, etc. Notre-Seigneur exauce presque tous ceux qui l’implorent. ILdonne les assurances les plus formelles sur l’efficacité de la prière. Matth., vii, 7-12 ; Luc, xi, 1-13. « Je vous le dis de nouveau, si deux d’entre vous s’entendent sur la terre, quoi qu’ils demandent, ce leur sera accordé par mon Père qui est dans les cieux. » Matth., xviii, 19. « Tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l’obtiendrez. » Matth., xxi, 22 ; Marc, xi, 21. « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils. » Joa., xiv, 13-14. « Si vous demeurez en moi, et si mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous arrivera. » Joa., xv, 1, 16. « Ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez. » Joa., xvi, 23, 26. En

mettant au cœur de l’homme l’instinct naturel de la prière, Dieu s’était engagé à lui donner satifaction, el, par conséquent, à accueillir et à exaucer les prières qui lui seraient adressées. Notre-Seigneur corrobore puissamment la confiance de l’homme, en multipliant lui-même les promesses. « Nous avons auprès de Dieu cette pleine confiance que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous lui demandions, nous savons que nous obtenons ce que nous avons demandé. » I Joa., v, 14-15. La mort volontaire de Jésus-Christ nous est un infaillible garant des promesses de Dieu. « Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré à la mort pour nous tous, comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes choses ? » Rom., viii, 32. — Pour figurer l’efficacité de la prière, les auteurs sacrés se servent de métaphores expressives. La prière monte jusqu’au ciel, à la sainte demeure de Jéhovah, II Par., xxx, 27, devant la gloire du Dieu souverain, Tob., iii, 25, en sa présence. Ps. lxxxviii (lxxxvii), 3. Elle s’élève comme l’encens. Ps. cxli (cxl), 2. Elle pénètre les nues. Eccli., xxxv, 21. Quand il ne veut pas exaucer, Dieu se couvre d’une nuée, « afin que la prière ne passe point. » Lam., iii, 44. — Ce n’est pas à dire pourtant que la prière soit toujours efficace, au moins dans les termes où elle a été formulée. Dieu voit plus loin que celui qui le prie et sa sagesse règle l’action de sa bonté. Aussi saint Jean dit-il que Dieu nous écoute, si ce que nous lui demandons est « selon sa volonté ». I Joa., v, 14. Autrement, au bien demandé, il substitue un bien préférable. Il y a donc, dans la Sainte Écriture, des prières bonnes en elles-mêmes qui, pour ce motif, ne sont pas exaucées. Telles sont celle du possédé guéri qui demande à suivre Jésus, Marc, v, 18, 19 ; Luc, viii, 38, 39, celle des fils de Zébédée et de leur mère, Matth., xx, 20-23 ; Marc, x, 35-40, et surtout celle du Sauveur à Gethsémani. Matth., xxvi, 39-44 ; Marc, xiv, 36-40 ; Luc, xxii, 42.

IV. Ses conditions. — Saint Jacques, iv, 3, écrit : « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, avec l’intention de satisfaire vos passions. » Il y a donc des conditions à remplir pour être exaucé. La Sainte Écriture indique les suivantes : — 1° Conditions essentielles. — 1. La foi et la confiance. Comme il est impossible de plaire à Dieu sans la foi, il est de toute nécessité de croire pour s’approcher de Dieu utilement. Heb., xi, 6. Notre-Seigneur exige absolument cette foi. Matth., xxi, 22. Il la réclame ordinairement de ceux qui le prient et les traite en conséquence de leur fol. Matth., viii, 13 ; IX, 28 ; Marc, v, 36 ; ix, 22 ; xi, 23 ; Luc, viii, 50 ; etc. C’est la prière avec la foi qui soulage le malade. Jacob., v, 15. — 2. L’humilité. Dieu s’incline à la prière du petit. Ps. en (ci), 18. C’est aux humbles qu’il accorde sa grâce. Jacob., iv, 6 ; I Pet., v, 5. La parabole du pharisien et du publicain a pour but de faire comprendre la nécessité de l’humilité quand on parle à Dieu. Luc, xviii, 9-14. — 3. La loyauté. Dieu veut que ceux qui lui demandent de faire leur volonté commencent par faire la sienne. « Jéhovah est près de tous ceux qui l’invoquent d’un cœur sincère. » Ps. cxlv (exuv), 18. « Il écoute la prière des justes. » Prov., xv, 29. Par conséquent, pour prier devant la face du Seigneur, il faut quitter ses péchés, diminuer ses offenses, détester le mal. Eccli., xvii, 24, 25. La prière de celui qui n’écoute pas la loi est une abomination. Prov., xxviii, 9. Elle est même réputée péché, c’est-à-dire qu’elle est offensante pour Dieu. Ps. cix (cvni), 7. « Quand-vous multipliez les prières, dit Jéhovah, je n’écoute pas… Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions. » Is., i, 15. — 4. La charité fraternelle. Le Sauveur en insère la condition dans le Pater même, et

il n’admet à prier devant l’autel que celui qui n’a aucun mauvais sentiment envers son frère. Matth., v, 23, 24. Il fait de l’union fraternelle un moyen d’être plus sûrement exaucé. Matth., xviii, 19, 20. — 5. L’union à Dieu. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire, » dit le Sauveur. Joa., xv, 5. Cf. I Cor., xii, 3 ; II Cor., iii, 5. Ceci s’applique également à la prière. C’est pourquoi « l’Esp rit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables. » Rom., viii, 26.

2° Conditions favorables. — Certaines pratiques ajoutées à la prière peuvent la rendre plus efficace, com me le jeûne, Judith, iv, 8, 12 ; Bar., i, 5 ; II Esd., i, 4 ; Matth., xvii, 20 ; Marc, IX, 28 ; Act., Xiv, 22 ; l’aumône, Tob., xii, 8 ; Act., x, 4, et les larmes. I Reg., i, 10 ; Is., xxxvin, 5 ; Judith, xw, 6 ; Tob., iii, H ; vii, 13 ; xii, 12. La prière est d’ailleurs elle-même un remède à la tristesse. Jacob., v, 13.

V. La prière pour les autres. — On ne prie pas seulement pour soi ; l’intention de Dieu est que les hommes prient les uns pour les autres. Ainsi, 1° Abraham prie pour Abimélech, Gen., xx, 7, 17 ; le pharaon d’Egypte demande à Moïse et à Aaron de prier pour sa délivrance, Exod., viii, 8, 29, 30 ; ix, 28 ; x, 18 ; sur l’ordre de Dieu, Job prie pour ses amis, Job, xlii, 8, 10 ; Judith prie pour ses concitoyens, Judith, viii, 29 ; Sédécias demandée Jérémie de prier pour le peuple, Jer., xxxvii, 3, et le peuple renouvelle cette demande, Jer., xlii, 2, 20 ; les exilés de Babylone sollicitent les prières de leur s frères de Jérusalem, Bar., i, 13 ; les Juifs de Jérusalem prient pour ceux d’Egypte. II Mach., i, 6. Le grandprêtre Onias apparaît priant pour toute la nation, et disant de Jérémie : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. » II Mach., xv, 12. — Dans la pensée de Notre-Seigneu r, la prière doit habituellement avoir un caractère collectif. Voilà pourquoi les demandes du Pater sont formulées au pluriel. En conséquence de cette indication et de la grande loi de la charité, les premiers chrétiens prient beaucoup les uns pour les autres. Saint Jacques, v, 16, le recommande à ses fidèles. Saint Paul réclame les ^prières de ses enfants dans la foi, Rom., xv, 30 ; II Cor., i, 11 ; Phil., i, 19 ; I Thés., v, 25, et il leur assure les siennes. Eph., i, 16 ; Phil., i, 3 ; I Thés., i, 2 ; II Tim., i, 3 ; Philem., 4. Épaphras prie pour les Colossiens, iv, 12. — L’obligation de prier pour les autres s’impose plus spécialement aux pasteurs spirituels, I Reg^ vii, 5 ; xii, 9, 23 ; II Mach., xv, 14 ; Col., i, 3, 9 ; II Thés., i, 11, etc. Notre-Seigneur prie pour ses disciples. Joa., xvii, 9, 13, 20, 21. — 2° On prie pour les rois et les princes, même idolâtres, Bar., i, 11 ; I Esd., vi, 10, même persécuteurs. I Tim., ii, 1-2. — Jérémie, xxix, 7, prescrit aux Israélites déportés à Babylone de prier Jéhovah pour cette ville dont la prospérité leur profitera. — 3° On prie pour les persécuteurs. C’est une des lois les plus formelles de l’Évangile. Matth., v, 44 ; Luc, vi, 28 ; Rom., xii, 14. Elle a été consacrée par les exemples de Notre-Seigneur, Luc, xxm, 34, et de saint Etienne. Act., vii, 60. — 4° On prie pous les morts. II Mach., xii, 44. Saint Paul prie pour Onésiphore, qui lui a rendu service à Rome et qui est mort depuis. II Tim., i, 15-18. Voir Onésiphore, t. iv, col. 1813. — 5° Dans le ciel, les prières des saints sont présentes devant le trône de Dieu. Ces prières sont celles des saintes âmes de la terre, offertes à Dieu par celles qui sont déjà au ciel. Apoc, v, 8 ; viii, 3, 4.

VI. Les prières bibliques. — La Sainte Écriture renferme une foule de prières plus ou moins longues, par lesquelles les hommes s’adressent au Seigneur avec des Intentions diverses. Les plus caractéristiques sont les suivantes : 1° Dans V Ancien Testament : Abraham intercède en faveur de Sodome et poursuit sa requête,

malgré la diminution progressive des chances de pardon. Gen., xviii, 23-32. — Jacob prie pour échapper à la colère d’Ésaû. Gen., xxxii, 9-12. — Moïse s’adresse souvent à Jéhovah, pour lui demander de l’eau douce, Exod., xv, 25 ; le pardon de son peuple, Exod., xxxii, 11-13 ; la cessation d’un fléau, Num., xi, 2 ; l’éloignement des serpents, Num., xxi, 8, etc. — David adresse ses louanges et ses actions de grâces au Seigneur, II Reg., vii, 18-29, et, dans les Psaumes dont il est l’auteur, il en renouvelle l’expression, en y joignant d’humbles demandes et des sentiments de repentir. — Salomon, à l’occasion de la dédicace du Temple, fait à Dieu une prière solennelle pour le remercier et implorer son assistance en faveur de ceux qui viendront l’implorer dans l’édifice sacré. III Reg., viii, 15-53 ; II Par., v, 4-42. Il avait d’ailleurs commencé son règne en demandant la sagesse. II Par., i, 8-iO. — Ézéchias prie pour que Dieu délivre son peuple de l’invasion assyrienne. IV Reg., xix, 15-19 ; II Par., xxxiji, 20. — Manassé en exil implore Jéhovah avec humilité et repentir. II Par., xxxii, 12. — Dans les écrits des prophètes, on trouve un bon nombre de prières : les cantiques des rachetés, Is., xii, 1-6 ; xxvi, 1-19 ; la prière pour les captifs, Is., lxiv, 7-lxv, 12 ; les prières de Jérémie pour son peuple coupable, Jer., xiv, 7-22 ; ses plaintes à Jéhovah, Jer., xx, 7-18 ; Lam., iii, 55-66 ; sa prière après la ruine de Jérusalem, Lam., v, 1-22 ; la prière de Baruch en faveur des exilés, Bar., ii, 11-in, 8 ; la prière d’Azarias dans la fournaise, Dan., iii, 2645, et le cantique d’actions de grâces qui la suivit, Dan., iii, 52-90 ; la prière de Susanne, Dan., xiii, 42, 43 ; celle de Jonas, ii, 3-10 ; le cantique de louanges de Michée, vii, 18-20 ; la prière d’Habacuc, iii, 2-19, etc.

— La plupart des Psaumes sont aussi des prières exprimant les divers sentiments de l’âme bénie de Dieu, éprouvée ou’repentante. — Job interpelle Dieu fréquemment et finit par une humble protestation de repentir. Job, xlii, 2-6. — Sara, fille de Raguel, demande la protection divine, Tob., iii, 13-23, etTobie célèbre la louange du Seigneur dans un cantique d’actions de grâces. Tob., xiii, 1-23. — Judith implore le secours de Dieu en faveur de son peuple, Judith, îx, 2-19, et ensuite exprime sa reconnaissance au Seigneur. Judith, xvi, 2-21. — Mardochée et Esther prient pour leur peuple menacé. Esth., xiii, 9-17 ; xiv, 3-19. — Néhémie prie pour les enfants d’Israël, II Esdr., i, 5-11, et tout le peuple demande pardon et protection à Jéhovah. II Esdr., ix, 5-38. — L’auteur de la Sagesse, ix, 1-18, prêle à Salomon une prière pour demander la sagesse.

— Celui de l’Ecclésiastique, xxiii, 1-6, prie pour être préservé des péchés de langue, pour la délivrance d’Israël, Eccli., xxxvi, 1-17, et pour remercier le Seigneur de l’avoir tiré du péril. Eccli., li, 1-12. — On prie avant de livrer bataille. 1 Mach., 5, 33 ; xi, 71 ; II Mach., viii, 29 ; xv, 26, etc.

2° Dans le Nouveau Testament. — Les cantiques de Marie, Luc, i, 46-55, de Zacharie, Luc, i, 68-79, et de Siméon, Luc, ii, 29-32, sont des prières d’actions de grâces. — JJn grand nombre de prières, toutes très courtes, sont adressées à Notre-Seigneur par toutes sortes de personnes. Lui-même remercie son Père de la manière dont est répartie la grâce de la lumière, Matth., xi, 25, 26 ; il le prie à la dernière Cène, Joa., xvii, 1-26 ; au jardin des Olives, Matth., xxvi, 39-44 ; Marc, xiv, 36-39 ; Luc, xxii, 42, et sur la croix. Luc, xxm, 34, 46 ; Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 34. —Au livre des Actes, des prières sont mentionnées en diverses occasions solennelles : pour l’élection de saint Mathias, 1, 24, 25 ; pour demander secours après la comparution des apôtres Pierre et Jean devant le sanhédrin, iv, 2430 ; pour la délivrance de Pierre emprisonné, xii, 5.

— Saint Jean termine son Apocalypse, xxii, 20, par un appel au Seigneur Jésus.

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PRIÈRE

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3° Prières sacramentelles. — Les Apôtres se consacrèrent plus particulièrement à la prière et au ministère de la parole. Act., vi, 4. La prière devait accompagner nécessairement les actes par lesquels ils conféraient la grâce aux fidèles. Elle était inséparable de la fraction du pain, Matth., xxvi, 26 ; Act., ii, 42, de l’imposition des mains, Act., vi, 6 ; xiii, 3 ; xxviii, 8, de l’onction des malades, Jacob., v, 14, etc.

VII. Usages concernant la prière. — i°Les formules.

— Dans l’Ancien Testament, aucune formule spéciale de prière n’est indiquée comme devant être d’usage habituel. Mais il y a un certain nombre de prières toutes préparées dans le recueil des Psaumes ; elles servaient surtout dans les cérémonies liturgiques. Des formules spéciales étaient imposées pour l’offrande des dîmes et des prémices. Deut., xxvi, 3-15. Pour l’ordinaire, il est probable qu’on s’inspirait des besoins du moment dans les prières que l’on adressait à Dieu. L’Oriental a d’ailleurs une particulière facilité pour exprimer ses désirs et ses sentiments. La prière n’était pas toujours vocale. Anne parle à Dieu en son cœur et remue seulement les lèvres, sans que sa voix se fasse entendre. I Reg., i, 13. Judith prie en silence et se contente de remuer les lèvres. Judith, xiir, G. Bien souvent, sans doute, des âmes pieuses et méditatives priaient intérieurement et donnaient un libre cours, sous le regard de Dieu seul, à l’expression de leurs pensées et de leurs sentiments.

— À l’époque évangélique, la prière juive avait une formule bien déterminée, comprenant deux thèmes principaux, le Schéma et le Schemoné-Esré. Le Schéma se composait de trois passages bibliques : Deut., vi, 4-9 ; xi, 13-21 ; Nom., xv, 37-41. Le premier morceau commence par le mot sema’, « écoute, » d’où le nom donné à l’ensemble de la formule. Ces trois passages contiennent seulement des préceptes mosaïques et non des prières proprement dites. On les récitait comme nous récitons nous-mêmes soit notre symbole, soit les commandements de Dieu et de l’Église. On les accompagnait de bénédictions dites avant et après chacun de ces morceaux. Le Schéma devait être récité le matin et le soir, en hébreu ou en une autre langue, par tous les Israélites, mais non par les femmes, les esclaves et les enfants. Berachoth, i, 1-4 ; iii, 3 ; Sola, vii, 1. Les deux passages du Deutéronome, vi, 4-9 ; xi, 13-21, étaient écrits sur la mezuza, voir Mezuza, t. iv, col. 1057, et sur les phylactères. Voir Phylactères, col 350.Le Schemoné-Esré, semônéh’ésrêh, s dix-huit », se composait de formules de bénédictions et de louanges en l’honneur de Dieu, presqu’entièrement empruntées aux Psaumes et aux prophètes. C’était pour les Israélites la fefillâh par excellence. Ces formules sont assez développées, mais, à l’époque évangélique, la rédaction actuelle n’était pas encore arrêtée. Le nombre en a été porté à dix-neuf. Tous les Israélites sans exception avaient à les réciter trois fois le jour, le matin, l’après-midi et le soir. Berachoth, m, 3 ; IV, 1. Elles sont reproduites dans Scbûrer, Geschichte des jûd. Volkes ini Zeit. J. C, t. ii, p. 461, 462, et dans Stapfer, La Palestine au temps de J.-C-, Paris, 1885, p. 372-376. Les docteurs examinèrent une foule de cas concernant la récitation de ces formules.

— Les plus dévots parmi les Juifs, ou du moins ceux qui tenaient à le paraître, ne manquèrent pas de multiplier et d’allonger les formules de la prière. C’est déjà sans doute pour protester contre ces longueurs que Jean-Baptiste enseigna à ses disciples à prier. Luc, xi, 1. Notre-Seigneur ne veut pas qu’on multiplie les paroles, comme les païens, et qu’on s’imagine qu’on sera esaucé à force de parler. Matth., vi, 7. Il reproche aux pharisiens hypocrites d’aller faire d’interminables prières chez les veuves, afin de tout dévorer chez elles. Matth., xxiii, 14 ; Marc, xii, 40, Luc, xx, 47. La formule de prière qu’il enseigne à ses disciples est courte. Elle représente à peine en longueur la vingtième partie

du Schemoné-Esré. Le Sauveur donne la raison de cette brièveté. Le Père céleste sait parfaitement ce dont nous avons besoin. Matth., vi, 32. Nous n’avons pas à le renseigner, mais seulement à lui témoigner notre confiance, notre soumission et notre amour. « Vous demanderez en mon nom, dit Notre-Seigneur, et je ne vous dis point que je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime. » Joa., xvi, 26. Il n’est donc pas nécessaire de lui exposer longuement un besoin. Ce n’est pas en répétant : « Seigneur, Seigneur ! » qu’on est exaucé, c’est avant tout en faisant la volonté du Père. Matth., vii, 21. — En dehors du Pater, lés premiers chrétiens n’avaient guère d’autres formules de prières que les Psaumes et les Cantiques inspirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est peu à peu que d’autres formules entrèrent en usage parmi eux. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 46-55.

2° Les temps. — Les Israélites avaient l’habitude de prier trois fois le jour, le soir, le matin et au milieu du jour. Ps. lv (liv), 18. Trois fois par jour, Daniel se mettait à genoux et louait Dieu. Dan., vi, 10. La pra 173. — Égyptiens priant les mains étendues. D’après Wilkinson, Manners, t. ii, p. 324.

tique du Psalmiste qui, sept fois le jour, redisait les louanges du Seigneur, Ps. cxix (cxviii), 164, paraît avoir été exceptionnelle, bien qu’elle ait inspiré plus tard celle des sept heures canoniales du jour. Cf. Bacuez, Du Saint-Office, Paris, 1872, p. 284. Les Israélites récitaient le Schemoné-Esré le matin, l’aprèsmidi, à l’heure de l’oblation, c’est-à-dire vers trois heures et le soir. Ils priaient également avant et après les repas. Voir Repas. Des prières spéciales étaient en outre prescrites pour le sabbat et les différentes fêtes de l’année. La prière avant le jour ou dès l’aurore est plusieurs fois mentionnée. Ps. lxxxvhi (lxxxvii), 14 ; Judith, xii, 5 ; Sap., xvi, 28, etc. La prière de la neuvième heure ou de trois heures du soir, Act., iii, 1, était celle qui accompagnait le sacrifice de l’aprèsmidi. Saint Pierre priait également vers la sixième heure. Act., x, 9. Ces différentes indications bibliques ont déterminé le choix des heures auxquelles l’Église a fixé ses prières publiques, prime, au lever du jour, à l’heure de la prière du matin, tierce, à l’heure où se terminaient les sacrifices du matin, sexte, à l’heure consacrée par saint Pierre, none, à l’heure du sacrifice du soir, vêpres, à l’heure de la prière du soir, c’est-à-dire à la chute du jour.’3° Les lieux. — L’ancien sanctuaire, cf. I Mach., iii, 46, et plus tard le Temple ont été les rendez-vous indiqués de la prière. Salomon suppose que l’on viendra « 73

PRIÈRE

674

fréquemment prier dans le Temple qu’il vient de consacrer. III Reg., viii, 28, 31, 33, 35, etc. Xe Temple était par excellence la « maison de la prière ». Is., lvi, 7 ; I Mach., vii, 37. Là, en effet, Dieu manifestait plus qu’ailleurs sa présence et sa grâce. C’est pourquoi Notre-Seigneur tint à intervenir avec autorité pour faire respecter la destination de cet édifice. Matth., xxi, 13 ; Marc, xi, 17 ; Luc, xix, 46. On se rendait donc au Temple pourprier. IReg., ï, 10-12 ; Luc, i, 10 ; xviii, 10 ; Act., ii, 46 ; iii, 1, etc. En dehors du Temple, on priait en commun dans les synagogues, voirSïNAGOGUE, et dans de simples oratoires. Voir Oratoire, t. iv, col. 1850. Les particuliers priaient ensemble dans leur maison, ou bien, pour être seuls, ils se retiraient dans une chambre haute. III Reg., xvii, 19-23 ; IVReg., iv, 10, 33 ; Judith, ix, l ; Dan., vi, 10 ; Act., x, 9, etc. Le Sauveur recommande à celui qui veut prier d’entrer dans sa chambre, d’en fermer la

1174. — Carthaginois offrant un sacrifice, la main droite levée dans l’attitude de la prière. Chaton de bague sigiltaire en or. Musée Lavigerie à Carthage.

175. — Personnage tenant la main droite levée dans l’attitude de l’adoration. Rasoir carthaginois (iv siècle avant J.-C). Musée Lavigerie à Carthage. Voir Delattre, La nécropole de Rabs, 3* année de fouilles, flg. 25, p. 22.

porte et là, seul à seul, de s’adresser au Père qui est -présent dans le secret. Il blâme les hypocrites qui aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues afin d'être vus des hommes. Matth., vi, 56. Les chrétiens suivirent la recommandation du Sau

veur. I Cor., vii, 5. Les pharisiens avaient été amenés à prier dans les rues par une conséquence de leur casuistique. Les docteurs avaient réglé les heures auxquelles devaient se réciter le Schéma et le SchemonéEsré. Le bon pharisien sacrifiait le recueillement à la ponctualité servile. Il récitait la prière là où l’heure fixée le surprenait. Des règles spéciales déterminaient les cas dans lesquels il était alors permis de saluer ou du rendre un salut. Berachotk, ii, 1-2. Sous prétexte de régularité, les pharisiens faisaient dégénérer en ostentation coupable ces prières en public, qui eussent été bien mieux dites dans la solitude et le recueillement, fût-ce avec plus ou moins de retard sur une heure arbitrairement fixée. Les docteurs permettaient

176.

- Stèle funéraire. Attitude de la prière. Musée Lavigerie à Carlhage.

aux ouvriers de faire la prière sur un arbre ou sur un mur, ce qui parfois pouvait avoir quelque raison d'être. Berachoth, ii, 3, 4. Le principe que fait prévaloir, ici comme partout, Notre-Seigneur, c’est que les vaines réglementations des hommes sont à mettre de côté, quand elles sont un obstacle au vrai culte en esprit et en vérité.

4° Les attitudes. — On priait ordinairement debout. 1 Reg., i, 26 ; III Reg., vni, 22 ; Matth., vi, 5 ; Marc, xi, 25 ; Luc, xviir, 11 ; Berachotk, v, 1 ; Taanith, ii, 2 (fig. 173-175). Quand on voulait témoigner d’une plus grande humilité ou prier avec plus d’instance, on se mettait à genoux. III Reg., viii, 54 ; II Par., vi, 13 ; xxix, 29 ; I Esd., .ix, 10 ; Dan., vi, 10 ; Act., ix, 40 ; xx, 36 ; xxi, 5, etc., ou même on se prosternait. Judith, ix, 1 ; II Esd., viii, 6 ; Matth., xxvi, 39 ; Marc, xiv, 35, etc. On baissait parfois la tête. Ps. xxxv (xxxiv), 13 ; Luc, xviii, 13. On étendait les mains, Is., i, 15, selon l’usage commun en Orient (fig. 176), on en frappait sa poitrine, Luc, xrai, 13, et surtout on les levait vers le ciel. III Reg., viii, 22 ; Lam., ii, 19 ; iii,

V. — S2

41 ; I Esd., ix, 10 ; II Mach., iii, 20 ; I Tim., ii, 8, etc. (Bg. 177). Les Juifs tenaient beaucoup à ce qu’on les lavât avant de prier. Judith, xii, 7, 8. Le Zohar, Deul., ꝟ. 101, déclarait plus tard digne de mort quiconque priait les mains sales. Saint Paul fait allusion à cette exigence, mais il lui donne un sens moral. I Tim., ii, 8. Cf. Tertullien, De oratione, 13, t. i, col. 1168. Le canon 241 d’Hippolyte dit cependant encore : « Qu’en tout temps le chrétien lave ses mains quand il prie. » Die Canànes Hippolyti, édit. H. Achelis, Leipzig, 1891, p. 130. Le lavement des mains subsiste toujours avant et pendant la célébration delà messe. — Pendant la prière, les Juifs se voilaient la tête ; ils ont conservé depuis

177. — Figurine carthaginoise (IVe siècle avant J.-C). Attitude de la prière. Musée Lavigerie à Carthage. Voir Delattre, La nécropole de Rabs, S' année de fouilles, flg. lût, p. 42.

l’habitude de prier la tête couverte. Saint Paul déclare qu’il y a déshonneur pour un homme à prier la tête couverte, et déshonneur pour une femme à prier sans voile. I Cor., xi, 4, 5. Il ne vise que la prière publique. Les esclaves avaient habituellement la tête couverte ; c’est pourquoi l’Apôtre veut que les chrétiens gardent, la tête nue, comme des hommes libres. La modestie commandait le contraire aux femmes. — Dieu avait fait du sanctuaire le centre de toute la vie religieuse de son peuple. Deut., XII, 5-7. Quand les.Israélites furent établis en Palestine, il ne leur fut possible de se rendre au sanctuaire et plus tard au Temple que de loin en loin. Ils prirent l’habitude de se tourner du côté du Temple pour prier. Salomon suppose cet usage en viigueur, III Reg., viii, 48 ; II Par.,-vi, 34 ; Daniel, vi, 11, et tous les Israélites s’y conforment. Cf. Beracholh, v, 5, 6 ; Siphre, 71 b ; S. Jérôme, 7n Ezech., iii, 9,

t. xxv, col. 83. Quand des prévaricateurs veulent se livrer à un culte idolâtrique, ils tournent le dos au Temple. Ezech., viii, 16. Toutefois, on a remarqué que la plupart des synagogues galiléennes dont il reste des ruines sont orientées du sud au nord. Pour prier selon la coutume, il aurait donc fallu se tourner du côté de la porte, ce qui paraît assez anormal, cf. Scliûrer, Geschichte, t. II, p. 446, 453, à moins qu’on eût disposé les constructions tout exprès pour que, la porte étant ouverte, la prière pût se diriger vers Jérusalem sans se heurter à une muraille. — Les chrétiens adoptèrent l’usage de prier tantôt debout, tantôt à genoux, et souvent les mains étendues (fig. 178). Il cessèrent naturellement de se tourner vers l’ancien Temple, pour prier de préférence vers l’orient, sans pourtant se faire une règle invariable de tourner leurs églises de

178. — Orante chrétienne, à gauche. D’après Bullettino di archeol. cristiana, 1875, pi. 1.

ce côté. Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes ? Paris, 1877, p. 554, 666-669. Saint Paul veut qu’on prie en tout lieu. I Tim., ii, 8. — Cf. Saubert, De precibus Hebreeorum, et Polemann, De ritu precandi veterum Hebrseorum, dans Ugolini, Thés., t. xxi ; Voulliéme, Quoniodo veteres adoraverint, Halle, 1887.

H. Lesêtre.

2. PRIÈRE DE JOSEPH, écrit apocryphe. Voir Apocryphes (Livres), 7, t. î, col. 771.

3. prière DE MANASSÉ, écrit apocryphe. Voir Menasse 8, t. iv, col. 651.

    1. PRIMAISE##

PRIMAISE, en latin Primasius, écrivain ecclésiastique, mort vers 560. -La date de sa naissance est in connue. Il fut évêque d’Adrumète, dans la province deByzacène en Afrique. Il apparaît pour la première fois au concile provincial tenu en 541. On le retrouve ensuite, de 550 à 554, à Constantinopleoù il fut mêlé aux discussions théologiques de son temps. À la mort de Boèce, primat de Byzacène, il lui succéda dans cette dignité qui, dans cette province, n'était pas attachée à un siège v fixe. Il nous reste de lui : Commentario)~um

super Apocalypsim libri quinque, t. lxviii, col. 793-936, composés vers 540. Il y a mis à contribution, d’après son témoignage, saint Augustin et Ticonius, et s’attacha surtout à expliquer le sens mystique. On lui a attribué des Commentaria in Epistolas sancli Pauli, col. 415-794, tirés en grande partie de saint Jérôme, de saint Ambroise, de saint Augustin, etc., mais ils ne paraissent pas être de lui. Le commentaire de l’Épître aux Hébreux, col. 685-794, en particulier, doit être f œuvre d’Haymon de Halberstadt.

PRIMAT9CE1 Grégoire, en latin Primaticius ou De Primaticiis, exégète italien, mort en 1518. Il était docteur de Padoue et il enseigna dans cette ville la philosophie et la théologie. L’archevêque de Sienne, François Bondini, l’emmena, en qualité de théologien, au Concile de Trente. On a de lui : Expositio litteralis omnium Epistolarum Divi Pauli, in-4°, Venise, 1564.

    1. PRINCE##

PRINCE, mot fréquemment employé dans la Vulgate pour désigner un chef ou un personnage. C’est un terme générique qui traduit des mots divers de l’hébreu et du grec : hôqêq, môSêl, nàdîb, nâgid, nàiî f nesîb, nissab, pâqîd, ro’s, rôznîm, sar, sdrak, oipxarj, è6vap/r]ç, etc. Voir Gouverneur, t. iii, col. 284-287.

    1. PRINTEMPS##

PRINTEMPS (Septante : é’ap ; Vulgate : ver, tempus vernum), la saison de l’année qui succède à l’hiver.

— En Palestine, les saisons n’ont pas la même gradation que dans nos climats. Aux pluies de l’hiver succède presque sans transition, en avril, la chaleur de l’été. Aussi le printemps proprement dit est-il très court. On en lit, dans le Cantique ri, 11-13, la description suivante :

Voici que l’hiver est fini,

La pluie a cessé, elle a disparu,

Les fleurs se montrent sur la terre,

Le temps des chants est arrivé ;

La voix de la tourterelle s’entend dans nos campagnes,

Le figuier développe ses fruits naissants,

La vigne en fleur exhale son parfum.

Les impies comparent la vie à un printemps dont il faut jouir : « Que la fleur de la saison, flos temporis, ne nous échappe point. » Sap., ii, 7. Dans le texte grec, avôo ; âspoç, « la ileur de l’air, » est une leçon fautive pour ot’vôo ; Ëapoç, « la fleur du printemps, » que porte l’Alexandrin. L’Ecclésiastique, l, 8, compare le grandprêtre Simon à « la Heur des roses aux jours du printemps », in diebus vernis, Septante : lv rjuipai ; v£a>v, « aux jours des choses nouvelles, » du renouveau. Dans l’original hébreu, on peut lire : kenês be’anfê beyemê mô’êd, « comme la fleur sur les branches aux jours de fête. » — Au Psaume lxxiv (lxxiii), 17, il est dit que Dieu a fait l’été et le printemps, é’ap, ver. Au lieu de k’ap, l’édition de Venise lit ûpaïa, « les temps convenables. » En hébreu, le terme employé est horéf, « l’automne, » opposé à qayîs, « l’été ; » ainsi sont désignées les deux saisons qui se partagent l’année en Palestine. Cf. Gen., viii, 22 ; Zach., xiv, 8. — Dans un passage où la Vulgate parle de printemps, il est raconté, Gen., xxxv, 16 ; xlviii, 7, que Jacob et Rachel avaient encore kibrat-hâ-’drés pour arriver à Éphrata. Le mot kibrat, analogue au kibrâli assyrien, qui désigne une portion du monde ou de la terre, indique en hébreu une distance, probablement celle de l’horizon. Cf. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 358. Le sens du texte est donc que les voyageurs étaient arrivés à un kibrat de terre d’Éphrata, autrement dit qu’Éphrata était à l’horizon ou en vue. De fait, l’endroit où se trouvaient alors les voyageurs et auprès duquel Rachel fut inhumée n’est guère à plus d’un kilomètre de Bethléhem. Le Syriaque traduit par « parasange », mesure de longueur quatre fois plus

grande. Les Septante ne traduisent pas le mot hébreu et disent que les voyageurs approchaient de Chabratha, gtç Xa6pa8â ; Gen., xlyiii, 7 : xatà tôv ïu7tôSpou.av Xa6pa8à, « vers l’hippodrome de Chabratha, » le mot hippodrome doublant ici celui de Chabratha pour exprimer une idée de distance ; IV Reg., v, 19 : d ; Asgpaôiou Xaâpaôâ. Aux deux passages de la Genèse, la Vulgate traduit kibraf par vemum tempus, « printemps. » On ne saurait dire comment saint Jérôme est arrivé â cette traduction, si, au livre des Rois, il n’avait rendu le même mot par eleclum tempus, « un temps de choix, » par extension « le printemps ». Il est probable que le traducteur a rattaché kibrat à bârâh ou bârar, « choisir. » En tons cas, dans ces trois passages, il n’est pas question de printemps, mais d’une mesure itinéraire dont on ne peut préciser la longueur. — Dans l’Exode, xxxiv, 18, il est noté que les Hébreux sont sortis d’Egypte èv nr]vt tûv véwv, « au mois du renouveau, » même verni temporis, « au mois du printemps. » L’indication est exacte, mais donnée par équivalence. Dans l’hébreu il y a : « au mois a"abib, » c’est-à-dire « des épis ». La même expression et les mêmes traductions se retrouvent Deut., xvi, 1.

H. Lesêtre.
    1. PRISCILLE##

PRISCILLE (grec : iIptrTxiXÀa), diminutif de Pn$ca, femme d’Aquila. Rom., xvi, 3 ; II Tim., IV, 19. Voir Prisque, col. 680, et Aquila, t. i, col. 809.

    1. PRISON##

PRISON (hébreu : bôr, « fosse », bêt hab-bôr, « maison de la fosse, » bêt hâ’êsûr, « maison du lien, » bêt hâ’sûrim, « maison des liés, » bê( hap-pequddôt, « maison des surveillances, » hélé’, kelû’, kêW, de kâlâ’, « enfermer, » mattdràh, de ndtar, « garder, » masgêr, de sdgar, « enfermer, » mismâr, de sâmar, « garder ; » Septante : çuXaxrj, Xâxxo ; , oïxoç toû Sectjim-TïipEou ; Vulgate : carcer, custodia, lacus), lieu dans lequel on enferme les hommes qu’on veut châtier.

I" Prisons égyptiennes. — Injustement accusé par la femme de Putiphar, Joseph fut jeté dans une prison où étaient détenus les prisonniers du roi. Gen., xxxix, 20. Cette prison est appelée bêt has-sohar, <c maison de la tour, » ôyjpwua. Elle était donc située dans une sorte de forteresse, probablement dans celle qui est appelée « Muraille blanche » par Thucydide, i, 104, et Hérodote, m, 13, 91, et qui se trouvait dans la « ville de la Muraille blanche », Pa-sebti-het, c’est-à-dire Memphis. La prison était gouvernée par un sar bêt has-sohar, « chef de la maison de la tour, » àpxeSeCTfiospiXay.o ; , princeps carceris, dont Joseph ne tarda par à gagner les bonnes grâces. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 67-69. Deux officiers du pharaon, le grand panetier et le grand échanson furent aussi enfermés dans cette prison. Au bout d’un certain temps, ils en sortirent tous les deux, le premier pour être pendu, le second pour être rétabli dans ses fonctions. Ce dernier avait promis à Joseph de penser à lui auprès du pharaon, mais il n’en fit rien et le jeune Hébreu resta encore deux ans en prison. Il en fut tiré pour expliquer le songe du prince. Toutefois avant de paraître à la cour, il dut.se raser et changer de vêtements. Gen., xli, 14, 15. Cette double précaution n’implique rien quant au régime intérieur de la prison, dans laquelle Joseph était sans doute bien traité ; mais on comprend qu’une tenue spéciale fût obligatoire pour ceux qui étaient admis à l’audience du pharaon. — Pour éprouver ses frères, Joseph à son tour les fit mettre en prison pendant trois jours, à leur premier voyage en Egypte. Ensuite, il commanda de tenir Siméon sous bonne garde et ne lui rendit la liberté que quand les autres revinrent avec Benjamin. Gen., xlii, 17, 24 ; xliii, 23.

2° Prison philisline. — Après s’être emparés de Samson, les Philistins le menèrent à Gaza, lui cre

vèrent les yeux, le lièrent d’une double chaîne d’airain et le mirent dans une prison où il avait à tourner la meule. C’était une dure réclusion, compliquée des travaux forcés. Us l’en tirèrent an jour de la fête de leur dieu Dagon et Samson en profita pour renverser le temple où se tenait l’assemblée., (ud., xvi, 21, 25.

3° Prisons assyriennes. — Pour punir la révolte d’Osée, roi d’Israël, Salmanasar, roi d’Assyrie, le fit saisir, enchaîner et jeter dans une prison. IV Reg., xvii, 4. Cette mesure suppose la relégation d’Osée en Assyrie, où le peuple d’Israël allait bientôt rejoindre son dernier roi. Voir Osée, t. iv, col. 1906. — L’avantdernier roi de Juda, Joachin ou Jéchonias, subit le même sort. Nabuchodonosor le. tint en prison en Assyrie pendant trente-six ans. IV Reg., xxv, 9, 27. Au bout de ce temps, le nouveau roi, Évilmérodach, dès le début de son règne, le tira de son humiliation et le traita avec une faveur marquée. IV Reg., xxv, 27-30 ; Jer., lii, 31-33. Voir Jéchonias, t. iii, col. 1211. — Le dernier roi de Juda, Sédécias, pris et conduit à Nabuchodonosor, alors à Rébla, eut les yeux crevés, fut chargé de deux chaînes d’airain et jeté dans une prison de Babylone, où il demeura jusqu’à sa mort. IV Reg., xxv, 6, 7 ; Jer., lii, 11. Plus tard, Arsace, roi de Perse, fit mettre en prison le roi de Syrie, Démétrius, qui avait violé son territoire. I Mach., xiv, 2, 3.

4° Prisons Israélites. — 1. Dans les premiers temps, les Israélites n’avaient pas de prisons. On se contentait d’exercer une surveillance étroite sur les coupables qui devaient être jugés et punis. Lev., xxiv, 12 ; Num., xv, 34. La première mention d’une prison se rencontre dans l’histoire d’Achab, roi d’Israël. Un prophète, du nom de Michée, ayant prédit l’insuccès de l’expédition qu’Achab et Josaphat allaient entreprendre ensemble contre les Syriens, le roi d’Israël le fit mettre en prison, avec ordre de le nourrir du pain et de l’eau d’afiliction. III Reg., xxii, 27. Voir Michée, t. iv, col. 1063. — Le prophète Jérémie subit plusieurs fois la prison. Enfermé d’abord dans la cour des gardes, Jer., xxxil, 2, 8, 12 ; xxxiii, 1, il fut ensuite accusé de vouloir passer aux Chaldéens, saisi, battu, et jeté dans une basse-fosse, sous les voûtes, dans la maison du secrétaire Jonathan, dont on avait fait une prison. Après bien des jours, le roi Sédécias le fit tirer de là et garder dans la cour de la prison, avec ordre de lui fournir chaque jour une miche de pain, dont il était privé précédemment. Jer., xxxvii, 14 16, 20. Ses ennemis ne l’en firent pas moins descendre ensuite dans une citerne qui ne contenait que de la boue. Le prophète y enfonça. On l’en tira avec des cordes et on le relégua de nouveau dans la cour des gardes, où il demeura jusqu’à la prise de la ville. Jer., xxxviii, 6, 13, 28 ; xxxix, 14, 15. — 2. Après la captivité, le roi Artaxerxès donna à Esdras des instructions en vertu desquelles les transgresseurs de la loi juive devaient être punis de mort, de bannissement, d’amende ou de prison. I Esd., vii, 26. Il y eut un peu plus tard une prison à Jérusalem. II Esd., irr, 25 ; xii, 38. Au temps des Machabées, le général syrien Bacchidès prit en otages les fils des principaux Juifs et les retint prisonniers dans la citadelle de Jérusalem. IMach., IX, 53. — 3. À l’époque cvangélique, saint Jean-Baptiste est mis en prison à Machéronte par le roi Hérçode Antipas et y est décapité. Matth., xiv, 3, 10 ; Marc, vi,

17, 27 ; Luc, iii, 20 ; Joa., iii, 24. Dans l’Évangile, il est fait mention de la prison dans laquelle le juge fait enfermer les accusés, Matth., v, 25 ; Luc, xii, 58 ; de celle où l’on met les débiteurs infidèles, Matth., xviii, 30 ; de celle où était détenu Barabbas. Luc, xxiir, 19, 25. Saint Pierre proteste qu’il est prêt à suivre Jésus en prison et à la mort. Luc, xxii, 33. On pouvait visiter les prisonniers et leur venir en aide. Act., xxv, 23. Notre-Seigneur dit qu’au jour du j ugement il considérera

ce bon office comme rendu à lui-même en personne. Matth., xxv, 36. — 4. Les deux apôtres Pierre et Jean sont mis en prison par l’ordre du sanhédrin. Act., iv, 3. Tous les autres Apôtres y sont enfermés à leur tour, mais un ange les en fait sortir pendant la nuit. Act., v, 18-25. Saint Paul, avant sa conversion, faisait mettre en prison les disciples du Sauveur. Act., viii, 3 ; xxii, 19 ; xxvi, 10. Lui-même y alla à son tour. II Cor., vi, 5 ; xi, 23. À Philippes, il fut enfermé avec Silas dans un des cachots intérieurs de la prison, et aurait pu s’échapper s’il avait voulu. Act., xvi, 23-34. Les premiers chrétiens étaient souvent jetés en prison par leurs persécuteurs. Heb., xi, 36 ; Apoc., ii, 10.

5° Au sens figuré. — La plaie des ténèbres enchaînait les Égyptiens comme dans une prison. Sap., xvii, 15 ; xviii, 4. — Satan est dans son enfer comme dans une prison. Apoc, XX, 7. — Avant la rédemption, les rois et les peuples étaient comme en prison, dans les ténèbres de leur ignorance et pour l’expiation de leurs méfaits. Is., xxiv, 22 ; xlii, 22. Le Messie devait venir pour faire sortir les captifs de prison. Is., xlii, 7. — Le sage, même pauvre et sortant de prison, est capable

de régner. Eccle., iv, 14.
H. Lesêtre.

PRISONNIER. Voir Captif, t.n, col. 222 ; Prison, col. 678.

    1. PRISQUE##

PRISQUE (grec : Ilptaxa ; Vulgate : Prtsca, « ancienne, « nom de la femme du juif converti Aquila. Act., xvin, 2, 18, 26 ; I Cor., xvi, 19. On l’appelait aussi Priscilla, diminutif de Prisca, selon l’usage romain qui employait souvent les deux formes. Suétone appelle Claudilla et Livilla celles que Tacite appelle Claudia et Livia. Cf. Drusa et Drusilla, Quinta et Quintilla, Secunda et S ecundilla. Voir Aquila, t. i, col. 809.

    1. PROBATIQUE##

PROBATIQUE (PISCINE) à Jérusalem. Joa., v, 2. La Vulgate a appelé probatica piscina, la piscine (xoXu[iêT)6pa), qui, d’après le texte grec, est située èjt ttj Tzpo$aïïAîj (sous entendu icjXti), c’est-à-dire près de la porte des Brebis ou du Troupeau, cf. II Esd., iii, l, 32 ; xii, 38, où la Vulgate appelle cette porte porta Gregis. Voir Jérusalem, t. iii, 1°, col. 1364. On donnait en hébreu à cette piscine le nom de B- » )9Etr8à ; Vulgate : Bethsaida. Voir Bethsaïde 3, t. i, col. 1723.

    1. PROCÉDURE##

PROCÉDURE, manière dont s’exerce la justice publique. — Chez les Hébreux, comme en général chez les Orientaux, la procédure était assez sommaire. La justice se rendait aux portes des villes, où les juges s’asseyaient. Prov., xxxi, 23. Voir Porte, i, 3°, col. 553. La justice était rendue par les anciens, puis, à partir de la domination grecque, par des tribunaux appelés sanhédrins, formant trois juridictions graduées. Voir Juge, t. iii, col. 1833-1836. Les rois jugeaient naturellement dans leur palais, III Reg., vil, 7, et le grand sanhédrin dans un local du temple. Voir t. iii, col. 1843. Sur la comparution devant le tribunal, l’instruction de l’affaire, ia sentence et son exécution, voir Jugement judiciaire, t. iii, col. 1844, 1845. Quand la cause en litige ne pouvait être élucidée ni par la déposition des témoins, ni par le serment de l’accusé, on l’abandonnait au jugement de Dieu. La cause entendue, les juges donnaient chacun leur suffrage, soit pour absoudre, soit pour condamner, soit pour déclarer que la question ne leur paraissait pas claire. La sentence était rendue d’après le nombre des suffrages. S’il s’agissait d’une affaire grave, les juges ne pouvaient rendre leur sentence que le lendemain des débats. Ne prenant que peu de nourriture et s’abstenant de viii, ils passaient la nuit à conférer deux à deux sur la cause. Le matin, ils rendaient leur sentence définitive, et ne pouvaient d’ailleurs changer leur avis de la veille que dans un sens favo—

rable. Le nombre des juges étant toujours impair, il pouvait arriver que l’un d’eux déclarât que la question ne lui paraissait pas élucidée, et que les autres juges se partageassent à voix égales pour ou contre. En pareil cas, on adjoignait d’autres juges aux premiers, jusqu’à ce que la sentence pût être portée à la pluralité des voix. S’il y avait au grand sanhédrin trente-six voix pour condamner et trente-cinq pour absoudre, on continuait les débats jusqu’à ce qu’un des juges qui condamnaient se ralliât à la sentence opposée. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, . p. 410, 411. Ces complications de procédure ne furent instituées qu’assez tard après la captivité. Elles montrent le souci que l’on avait d’éviter une sentence erronée dans les affaires graves. Ce souci était d’autant plus justiQé qu’il n’existait pas de tribunal d’appel et que la sentence était exécutée immédiatement. Cf. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5. Sur la procédure suivie au grand sanhédrin de Jérusalem, voir Sanhédrin. — Comme il était interdit aux Juifs de prendre part à une affaire judiciaire le jour du sabbat, cf. Beza (Yom tob), v, 2, l’empereur Auguste exempta les Juifs de tout l’empire de l’obligation de témoigner en justice ce jour-là. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 2, 4. Par le même décret, il voulut que le vol de l’argent ou des livres sacrés fût considéré comme sacrilège et puni en conséquence. La loi mosaïque réglant à la fois les affaires religieuses et les affaires civiles, les Juifs avaient obtenu le privilège d’être jugés selon le droit mosaïque. Ils dirimaient d’après ce droit les contestations qui s’élevaient dans leurs communautés de la dispersion. C’est ainsi que Saûl reçut pleins pouvoirs du sanhédrin de Jérusalem pour aller poursuivre juridiquement à Damas les Juifs passés à la foi chrétienne. Act., ix, 2 ; xxii, 19 ; xxvi, 11, 12. À Corinthe, les Juifs traduisirent saint Paul devant le tribunal du proconsul Gai lion, sons prétexte qu’il prêchait une religion contraire à leur loi. Les Juifs attaquaient ainsi saint Paul en qualité de Juif ; mais ne se sentant pas en force pour porter contre lui une sentence exécutoire, ils en appelaient à l’autorité romaine, qui d’ailleurs se récusa. Act., xviii, 12-16. Le sanhédrin le poursuivit plus tard à Jérusalem, mais devant le procurateur, à cause de l’amoindrissement de ses pouvoirs en matière criminelle. Act., xxiv, 1 ; xxv, 7. Il l’accusait surtout d’actes contraires à la loi religieuse, et les procurateurs de Judée étaient obligés d’en connaître, sans pouvoir se dérober comme Gallion, parce que les attributions du sanhédrin en matière criminelle étaient passées entre leurs mains. Du reste, il en avait été déjà ainsi au temps de Notre-Seigneur. C’est bien la loi. mosaïque que l’on invoqua devant Pilate, Joa., xix, 7 ; les Juifs avaient la prétention de la faire triompher dans le sens qu’ils lui prêtaient, et ils y réussirent au moins par intimidation. Saint Paul fut plus d’une fois cité devant les tribunaux juifs de la dispersion ; il atteste que cinq fois il reçut des Juifs trente-neuf coups de fouet, châtiment que les communautés de Palestine et de la dispersion avaient le droit d’infliger à leurs coreligionnaires. H Cor., xi, 24. A Sardes, avec l’autorisation du pouvoir de Rome, les Juifs avaient un tribunal dans lequel ils jugeaient les contestations qui s’élevaient entre eux. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 17. Presque toutes leurs communautés exerçaient ce droit. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. iii, 1898,

p. 71, 72.
H. Lesêtre.
    1. PROCÈS##

PROCÈS (hébreu : rib, mddôn ; Septante : y.p(oiç, %çiLa, àvTiXoyfa ; Vulgate : judicium, lis, disceptatio), action intentée devant les juges. L’objet même du procès s’appelle ddbâY, « parole, affaire, s xp : ’<Tt ?, causa, Exod., xviii, 16, 22 ; xxii, 9, et celui qui a un procès est un ba’al debârîm, « ayant des affaires, * xpfaic> quid

natum quœstionis. Exod., xxiv, 14. Sur les questions se rapportant aux procès, voir Jugement judiciaire, t. iii, col. 1843 ; Plaideur, col. 448 ; Procédure, col. 680.

— 1° La loi mosaïque s’occupe des procès que rendent inévitables les différentes manières d’envisager une même question, surtout quand il s’agit d’intérêts matériels. Dans le principe, au désert, Moïse lui-même prenait la peine de juger tous les procès, et cette occupation l’accaparait du matin au soir ; Sur le conseil de Jéthro, il se dessaisit de sa fonction de juge et la confia à des hommes chargés chacun des affaires d’une partie du peuple. Exod., xviii, 13-26. Voir Juges, t. iii, col. 1834. Dans sa législation, il détermina la juridiction devant laquelle devaient être portés les différents procès. Exod., xxii, 9, 14 ; xxiv, 14 ; Deut., xvii, 8 ; xix, 17 ; xxv, 1. Il défendit soit de se ranger dans un procès à l’avis du grand nombre contre la justice, soit de favoriser le pauvre au détriment du droit, soit de l’accabler. Exod., xxiii, , 2, 3, 6. Son organisation judiciaire pour l’examen des procès fut plus tard renouvelée par Josaphat. II Par., xviii, 9, 10. — Job, xxix, 16, dit qu’il examinait avec grand soin la cause de l’inconnu. — Les querelles et les procès sont fréquemment suscités par l’homme violent, Prov., xv, 18, ou l’homme faux. Prov., xvi, 28. Il est permis de défendre sa cause contre l’insulteur, mais en veillant à ne pas compromettre des tiers. Prov., xxv, 9. Commencer un procès ou soulever une querelle, c’estouvrirune digue, Prov., xvii, 14, car on ne sait ni quand ni comment la chose finira. Il est conseillé d’éviter les procès avec un riche, car celui-ci peut aisément gagner les juges à sa cause avec son argent. Eccli., viii, 2. — Notre-Seigneur recommande d’éviter les procès et de s’arranger à l’amiable, Matth., v, 25, et il désire que son disciple souffre le dommage plutôt que d’en exiger la réparation. Matth., v, 38-41. Saint Paul blâme les chrétiens qui ont des procès les uns avec les autres ; il préférerait qu’on supportât l’injustice. I Cor., vi, 7, 8. Un chrétien et, à plus forte raison, un ministre de l’Église doit être afM<X '> * non combatif, » non liligiosus, ennemi des querelles et des procès. I Tim., iii, 3 ; II Tim., ii, 24 ; Tit., iii, 2. — Ponce Pilate proclama plusieurs fois qu’il n’y avait pas matière à procès dans ce que les Juifs reprochaient à Notre-Seigneur. Luc, xxiii, 4, 14 ; Joa., xviii, 38 ; xix, 4, 6. Sur les irrégularités dont le sanhédrin se rendit coupable dans la conduite de ce procès, voir t. iii, col. 1845 ; Chauvin, Le Procès de Jésus-Christ, Paris, 1901.

2° Au sens figuré, on compare à un procès dont Dieu est le juge les difficultés qui s’élèvent entre les bons et leurs persécuteurs, entre le juste éprouvé et Dieu lui-même. Ainsi Dieu juge entre Davbd et Saûl, I Reg., xxiv, 16, entre David et Nabal. I Reg., xxv, 39. En butte à l’épreuve, à cause de laquelle on incrimine sa vertu, Job, xxxi, 35-37, s’écrie :

Qui me fera trouver quelqu’un qui m’écoute ! Voilà mon thav : que le Tout-Puissant me réponde ; Que mon adversaire écrive aussi sa cédule ! On verra si je ne la mets pas sur mon épaule, Si je n’en ceins pas mon front comme d’un diadème.

Job a écrit sa cédule d’accusation ou de défense et il l’a signée, comme on faisait d’habitude, avec le thav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque, qui avait dans l’ancienne écriture la forme d’une croix. Il veut que son adversaire, l’ami qui l’accuse, en fasse autant. Il est si sûr de son innocence et de la sentence du Tout-Puissant, qu’il traitera les pièces du procès comme si elles étaient pour lui un titre de gloire et les attachera ostensiblement à son épaule et à son front, — Dieu estjuge et défenseur dans la cause de l’orphelin contre l’oppresseur. Prov., xxiii, 11. Les justes éprouvés lui confient leur cause. Ps. ix, 5 ; xliii (xlii), 1 ; ïs., li, 22. — Le Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/348 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/349 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/350 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/351 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/352 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/353 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/354 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/356 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/358 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/359 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/360 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/361 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/362