Vers, 1894/Avec les pistolets

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VersOllendorff, éditeur (p. 66-67).

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Avec les pistolets aux fontes
il monte, il monte, il monte, il monte

monte la côte de la route,
le soir dans la campagne rousse.

Chapeau tricorne : il est marquis ;
relevés sont ses pans d’habit.

Du tricorne une roide tresse
tombe et en avant il se baisse.

Il est rasé, rasé, rasé,
a les yeux bleus, un rouge nez.

Et il arrive près d’un bois :
il écoute, écoute des voix.

Les maisons sont loin, dans du bleu,
sur le coteau rayé de feu.

 

« Bourse ou vie ! » quelqu’un a crié,
il se dresse sur ses étriers.

Et ses mains garnies de dentelles
fouillent les fontes de sa selle.

Et il prend les lourds pistolets
aux canons de cuivre ouvragés.

Et à deux mains, à droite, à gauche,
il tire, roide comme roche.

Le pistolet pète et crache un tas
de feu avec un grand fracas.

Et il continue et il monte
avec sa queue derrière le cou,

avec ses pistolets aux fontes,
le chemin qui mène à Ramous.