Vers, 1894/J’ai vu, dans de vieux salons

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VersOllendorff, éditeur (p. 68-69).

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J’ai vu, dans de vieux salons, des tableaux flamands,
où, dans une auberge noire, on voyait un type
qui buvait de la bière, et sa très mince pipe
avait un point rouge et il fumait doucement.

Il avait le nez violet et bonne mine,
c’était peut-être un très heureux négociant
qui avait des vaisseaux très lourds, des bâtiments
pleins de beaux ornements dorés, allant en Chine.

Il faisait le commerce des draps recherchés,
des épices, et devait avoir dans sa chambre
des choses drôles, des pipes à gros bout d’ambre,
des vestes de femmes turques, de beaux objets.

avait sans doute une femme rouge et blanche
qu’il caressait le soir dans son lit de richard.
Et il virait considéré, se levant tard
pour aller se promener, le poing sur la hanche.

Mais parfois ses affaires réclamaient ses soins.
Il était obligé de courir la contrée
pour offrir ses marchandises, mais à l’entrée
de la nuit, il gagnait une auberge bien loin.


Pour le défendre des larrons, sa belle épée
était par lui suspendue au pied de son lit,
prés des beaux coffres de fer des Indes, sortis
des grands bazars des capitales fortunées.
 
Et le peuple l’honorait, lorsque prés des quais,
ses beaux bâtiments pleins de belles galeries
gonflaient comme les belles bannières qui plient
leurs voiles où les marins luisants étaient gais.