Vers les saules/Scène X

La bibliothèque libre.
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 36-39).

Scène X.


TOUS LES PERSONNAGES.
Blondine, paraissant sur le seuil du cabaret.

Tiens, je pars. Çà, voilà deux heures que j’attends.

Mouvement général.
Henriette, souriant.

Ah ! Blondine !

Henri, à Blondine.

Ah ! Blondine ! Voilà, ma chère. Un contre-temps
Survient dans nos amours et finit le volume
Dont le commencement est resté dans la plume.
L’encre manquait. Pourquoi fatiguer le papier
Qu’on froisserait en vain sans y rien copier ?
L’oiseau du souvenir gazouillait dans les chênes,
Et mon cœur s’est repris à ses premières chaînes.

Blondine.

Eh ! n’en rougissez pas ! heureux qui peut aimer,
Mais plus heureux celui qui voit se ranimer
L’amour qu’il oubliait, un jour d’ingratitude !
Que voulais-je ? jeter en votre solitude
Un peu de ma folie, un peu de ma gaîté !
Et, complice en cela du soleil de l’été,
Quand vous niiez la joie, arrêter vos blasphèmes,
Qui se sont, à présent, interrompus d’eux-mêmes.
Adieu donc ! je m’en vais vous laissant, pauvre oiseau,
Vous débattre à votre aise au milieu du réseau
Fatal où la sirène à la voix tentatrice
Vous a repris encor.

Henri.

Vous a repris encor.Chère consolatrice,
Qui vous consolera ? Qui consolerez-vous
Maintenant ?

Marcel, à Blondine.

Maintenant ? Vous voyez un homme à vos genoux,
Qui vous offre son bras pour aller dans la plaine.
Un homme abandonné. Vous pouvez, Magdeleine,
Encore cette fois répandre vos parfums.

Blondine.

Nous verrons.

Marcel.

Nous verrons.Voyez vite.

Henri.

Nous verrons. Voyez vite.À nos ennuis défunts !
Buvons, et que la joie étincelle et fleurisse !

Blondine, au public.

Notre auteur n’a voulu peindre que son caprice
Dans cette comédie où tout va de travers.
Quand il a secoué les rimes de nos vers,
Sa raison voyageait sur une mer lointaine.

Henriette.

Ô messieurs ! désarmez la critique incertaine
Pour cette œuvre où l’amour allume son fanal,
Et qui prend nos baisers pour tout couplet final.

Le rideau tombe.