Vers les terres neuves/Introduction

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Secrétariat de l’École sociale populaire (p. 3-4).


Vers les terres neuves


La colonisation n’est pas une question théorique et littéraire bonne à débattre entre académiciens de collège, mais une question éminemment pratique, intéressant de la manière la plus directe notre vie nationale. On en parle assez régulièrement dans la province de Québec ; c’est dans l’Ouest qu’on en fait.

Tandis qu’une réclame mondiale a jeté et jettera dans nos plaines à blé des centaines de mille étrangers susceptibles de s’assimiler, Québec demeure si hésitant, si nul dans l’orientation de nos propres compatriotes vers nos terres à prendre, que notre débordante jeunesse et nos familles pauvres en quête d’héritages continuent lamentablement la désertion qui nous saigne depuis quatre-vingts ans. De tout temps, quelques patriotes sincères ont pris l’initiative de mouvements régionaux, soulevé un coin d’opinion, fondé quelques paroisses ; jamais on n’a réussi à enrayer l’émigration et à diriger vers les terres neuves une partie notable du surplus de nos campagnes.

Un mouvement plus général, et même tout à fait général, serait-il impossible aujourd’hui que la masse d’inertie gouvernementale, cet élément politicien qui a toujours entravé les bonnes volontés, se trouve être le premier à pousser à la roue, à réclamer de l’aide ? Pour peu que les patriotes impuissants de jadis veuillent profiter du vent qui souffle vers les cantons neufs du Transcontinental, et pousser à ses conclusions nécessaires la théorie de l’accroissement de la production agricole et du retour à la terre, un mouvement de colonisation durable et intense peut rajeunir notre province, lancé comme il peut l’être par toutes les catégories de la nation, clergé, gouvernement, classe instruite et peuple, favorisé ensuite par la crise effroyable qui suivra, pour nos ruraux établis en ville, la fermeture des usines de munitions et le retour des soldats.

L’occasion est bonne, croyons-nous, d’attirer l’attention sur nos millions d’acres de terre fertile, comme le Pacifique Canadien le fait pour ses prairies de l’Ouest ; et, sans prétendre à la nouveauté, nous voudrions redire après mille autres les raisons, puis la manière qui nous semble la plus efficace de pousser la colonisation : l’argument économique de la production à accroître durant la guerre, et des hommes à établir après la guerre finie ; l’argument national du Restons chez nous et de l’Emparons-nous du sol ; enfin la manière de transplanter nos campagnards en indiquant, le moins vaguement possible, comment les instruire des avantages des cantons neufs, comment les y conduire et les soutenir à travers les premiers ennuis de l’installation.