Victor ou les Enfants au pouvoir/Acte II

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Robert Denoël (p. 51-Pl.).

Deuxième Acte

Le Salon.

Scène Première

entre THÉRÈSE, suivie de CHARLES.
THÉRÈSE

Quelle vie ! Quel malheur ! Quels enfants ! Et toi, par-dessus le marché !

CHARLES

Moi, moi. (Accablé.) Ah !

(Un silence.)
CHARLES

Parlons vite ! Quelqu’un nous a surpris.

THÉRÈSE

Esther.

CHARLES

Ces enfants nous trahissent. Inconsciemment, je veux bien le croire… comment le croire autrement… Mais nous sommes trahis. Émilie…

THÉRÈSE

… n’a plus de doute.

CHARLES

Que va-t-il se passer ? Que devenir ? Et Antoine ?

THÉRÈSE

Antoine est fou.

CHARLES

Il l’est.

THÉRÈSE

Toi aussi. Le Général, Émilie, ton gosse, tout le monde, tout le monde est fou. Et moi je n’en puis plus. Je ne puis pas rentrer. Je ne puis pas partir. Je ne puis pas rester… et je t’adore.

(Elle tombe dans les bras de Charles.)
CHARLES

Réso, réso, réso !

THÉRÈSE

Carlo ! quel bonheur ! quel malheur !

CHARLES

Tiens-toi, je t’en prie. Tiens-toi, Réso.

THÉRÈSE

Il y a de quoi, tiens…

(Elle l’embrasse longuement sur la bouche.)
CHARLES, se dégageant.

Assez. Pardon, mais mon petit Réso, un peu de tenue, je t’en supplie.

(Entre Victor à pas de loup ; il se cache derrière un palmier.)

Scène II

LES MÊMES, VICTOR, d’abord invisible.
THÉRÈSE

Je n’y comprends rien.

CHARLES, se dégageant.

Nous ne sommes pas assez prudents. C’est sûr ! Sans doute ils sont si jeunes, ils ne comprennent pas, mais ils voient, ils répètent, ils imitent, les singes !

THÉRÈSE

La mienne… attends que nous soyons rentrés à la maison. Elle s’en souviendra, la petite garce ! Je lui en flanquerai des mamours. Et le général qui voulait les marier ! C’est à crever de honte !

CHARLES

En effet, c’est gênant…

THÉRÈSE

Gênant ! Tu as de ces mots. Mais c’est de l’inceste pur et simple. Quand je pense…

(Elle éclate de rire.)

Et jusqu’à notre langage dans leurs bouches. Laisse-là cette pieuvre rose…

CHARLES

Je t’en supplie, une dernière fois, Thérèse ! Tout cela t’excite et tu t’énerves. Il y a des coïncidences, que diable ! on les exploite, c’est possible, mais on peut les détruire…

THÉRÈSE, l’entraînant vers le divan, et faisant mine de le caresser.

C’est trop tard.

CHARLES

Eh bien, ne te gêne plus ! Fais toutes les allusions obscènes que tu voudras, mais je t’avertis que si tu continues, je ne réponds plus de moi. Tant pis pour nous, tant pis pour toi tant pis pour tous.

(Il se renverse sur elle.)
VICTOR

Trop tard ! (Apparaissant.) Vous, madame, avec cette légèreté de guipure, et toi, mon père, cette faiblesse d’agneau, quelle touchante étoile au ciel de mon lit tous les soirs. Après le café, seul le ronflement de la machine à coudre de ma mère. Une chemise de nuit piquée de larmes, pour la rentrée de l’époux volage. Et moi je vous appelle “maman” dans mes rêves. Quelquefois j’entre dans votre salon, masqué, le revolver au poing, et je vous oblige à lire ce passage de l’Illiade :

“Aie pitié de moi en souvenir de ton père, car je suis plus à plaindre encore que lui. J’ai pris sur moi de faire ce qu’aucun homme sur la terre n’a jamais fait, j’ai porté à ma bouche la main de celui qui a tué mon enfant.”

(Il se met à genoux et baise les mains de Thérèse.)
CHARLES

Encore sa composition française ! Il est invraisemblable ! Mais que font le général et ta mère ? Et pourquoi Esther n’est-elle pas avec toi ?

VICTOR

J’ai rentré le général à l’écurie. Ma mère est à la lingerie à sa place. Quant à Esther, elle finit de rire.

THÉRÈSE

Tu ne me diras pas que cet enfant ne le fait pas exprès.

CHARLES

Écoute ici, Victor.

(Il le gifle.)

C’est ma première gifle, tu as attendu neuf ans pour la recevoir, qu’elle te serve de leçon.

VICTOR

Donc, qu’elle m’évite d’apprendre.

CHARLES

Tu raisonnes ?

VICTOR

Comme un tambour.

(Nouvelle gifle.)
THÉRÈSE

Laisse-le.

VICTOR

Merci… puisque Esther aura la meilleure part !

(Entre Esther.)

Scène III

LES MÊMES, ESTHER.
VICTOR

Esther, c’est fini de rire ?

ESTHER

C’est fini, mais Dieu, que c’était drôle !

(Entrent le général et Émilie.)

Scène IV

LES MÊMES, LE GÉNÉRAL, ÉMILIE.
LE GÉNÉRAL

Il y a de ces invraisemblances. Ainsi, Antoine qui est l’homme le plus doux du monde, s’agite comme un poignard dans la main d’un mameluk, et moi qui suis fait pour la guerre, je suis aussi indifférent qu’un drapeau de gendarmerie.

CHARLES

Oh ! général, vous avez de ces métaphores.

LE GÉNÉRAL

Quoi ! Qu’est-ce que j’ai dit ? Encore le contraire de ce que je pense. Je dis toujours le contraire de ce que je pense. Mais vous êtes assez intelligent pour rectifier, mon cher Charles.

CHARLES

C’est cela, traitez-moi d’imbécile, à présent.

VICTOR

Évidemment, si vous pensez qu’il est intelligent, vous devez lui dire qu’il est complètement idiot.

LE GÉNÉRAL

Ah ! Victor, dans ce cas, tu es le plus parfait des crétins.

VICTOR

Après vous, mon général !

CHARLES

Il n’y a pas de raison pour que ce petit jeu finisse, et je vais y mettre un terme. Victor, dis bonsoir à tout le monde et va te coucher.

VICTOR

Avec qui ?

CHARLES, exaspéré.

Avec qui ? avec qui ? Je ne sais pas moi, avec Esther, avec ta mère, si tu veux.

TOUS

Oh !

CHARLES

C’est vrai, c’est insupportable à la fin ; tantôt c’est le secret, tantôt c’est la démence. Celui-ci ne dit pas ce qu’il pense, mais tout le contraire ; l’autre fait le singe. Je ne sais pas pourquoi tout se brise. Je ne comprends rien à toutes ces comédies. Victor a neuf ans, et me demande avec qui il peut coucher, je lui réponds : avec Esther, avec sa mère, comme je dirais avec le pape, et tout le monde se met à hurler. Enfin, que voulez-vous que je réponde ? Avec qui voulez-vous qu’il couche ?

(Entre la bonne.)
VICTOR

Avec la bonne.

(Lili dépose le plateau et disparaît. Un long silence. Gêne.)
ÉMILIE

Tu me fais rougir, Victor.

ESTHER

Moi, je veux bien coucher avec toi.

THÉRÈSE

Maintenant c’est l’autre qui s’y met. Et vous, général, voulez-vous coucher avec lui ?

LE GÉNÉRAL

Si je dis oui, vous me croirez, et si je dis non, vous croirez que je pense le contraire.

VICTOR

Quel salaud !

TOUS

Hein ! Quoi ?

VICTOR

Rien… rien… je me parle à moi-même. Je me dis que je suis un salaud. Comment ! on fête mes neuf ans ; tout le monde se réunit dans la joie de bénir un si joyeux événement ; et je fais pleurer ma mère. Je rends soucieux le meilleur des pères, j’empoisonne la vie de Mme Magneau, je provoque la folie de son malheureux mari, je bafoue l’Armée Française. Quant à la bonne, je lui prête je ne sais quelles complaisances. Jusqu’à Esther, la chère petite, que je mêle à cette affaire immonde. Ah, mais à la fin, qui suis-je ? Suis-je transfiguré ? Ne m’appellé-je plus Victor ? Suis-je condamné à mener l’existence honteuse du fils prodigue ? Enfin, dites-le-moi. Suis-je l’incarnation du vice et du remords ? Ah ! s’il en est ainsi, plutôt la mort que le déshonneur ! plutôt le sort tragique de l’enfant prodigue ! (Il se prend la tête dans les mains.) Oui, ouvrez toutes les portes ! laissez-moi partir, et tuez le veau gras pour mon vingt-cinquième anniversaire !

LE GÉNÉRAL

Ah, Charles, ceci est presque une confession. Si j’étais prêtre, je dirais cet enfant est possédé du diable.

CHARLES

Écoutez, général, je suis un bon républicain, et il a été toujours entendu que jamais la question religieuse ne se poserait entre nous. Mes ancêtres étaient conventionnels, mes aïeux ont fait le révolution de 48, et mon grand-père était communard. Moi, je suis radical, et j’espère que mon fils, qui n’a jamais été baptisé, et qui, je vous en fiche mon billet, ne fera pas sa première communion, ne sera jamais un calotin.

ÉMILIE

Alors que comptes-tu en faire ?

CHARLES

Un sous-préfet. N’est-ce pas, Victor ? Un sous-préfet, hein ?

VICTOR

Non, inutile.

THÉRÈSE

Dis ce que tu veux être, mon petit. Il ne faut pas contrarier la vocation des enfants.

VICTOR

Je veux faire, dans le genre carnivore. Enfant prodigue, cela ne me déplairait pas.

ÉMILIE, levée.

11 me fait peur.

CHARLES

Allons donc, il se moque de nous. Qu’il aille se coucher.

ESTHER

Non, il n’ira pas se coucher. Il a toujours neuf ans, et il doit rester jusqu’à la fin de la fête. Reste, Victor. Et si tu aimes la viande, je t’en donnerai, moi.

LE GÉNÉRAL

Cette petite espiègle a raison contre nous tous. Victor est énervé ; remarquez que je ne le défends pas, mais, enfin, c’est son anniversaire, et puisqu’il aime la viande, donnez-lui de la carnine Lefrancq, c’est moins échauffant, et c’est souverain.

THÉRÈSE

J’en donne à Esther, entre deux dragées.

ESTHER

Oui, mais moi je suis un peu comme Victor, je préfère la carnine.

THÉRÈSE

Alors, pourquoi suces-tu les dragées ?

ESTHER

Je ne les suce pas, je les croque.

CHARLES

Eh bien moi, je prétends que nous ne ferons rien de cet enfant. Je l’ai compris ce soir. Nous n’en ferons rien, ou plutôt si, nous en ferons un dévoyé, un raté, un voyou, il finira sur l’échafaud.

ÉMILIE

C’est cela, emballe-toi… Sur l’échafaud ! Ah, non ! quand il s’y met ! D’abord il le voit dans une sous-préfecture, ensuite sous la guillotine. Viens sur mes genoux, Victor. Ton père est stupide. Il finira par te faire mal tourner. Un enfant qui remporte tous les Prix d’Excellence. Au fond, tu es jaloux de ton fils. Oui, tu es jaloux. Tu n’as jamais été qu’un cancre, toi. Et que fais-tu aujourd’hui. Sans ton frère, tu n’aurais même pas ce poste à l’Entrepôt des Tabacs, avec le traitement duquel nous crèverions de faim si je n’avais les revenus de ma dot. Et tu veux donner des conseils à ton fils ? Et tu veux sonder l’avenir ? Ah ! tu me fais rire, tiens, tu me fais mourir de rire.

(Elle éclate en sanglots.)
CHARLES

Meurs, nom de Dieu ! Meurs, mais ne pleure plus.

VICTOR

Ris, ma chère maman, ris en déployant ta gorge.

CHARLES, saisissant un vase et le brisant.

Là, maintenant je suis content.

(Il esquisse un pas de gigue.)

Ça m’a calmé les nerfs. À ce régime, je n’étais pas loin de devenir comme Antoine. Pour un peu je vous aurais assassiné, général, oui, je vous aurais volontiers pris pour Bazaine.

THÉRÈSE

Oh ! je vous en prie, Charles, mon mari ne mérite pas…

CHARLES

Toi, hein… Oh, pardon, Thérèse ! Mais comprenez que c’est impossible de vivre toute une soirée ainsi. Il faudrait un miracle. On ne peut pas se séparer. On ne peut pas se coucher. On ne peut pas laisser cet enfant seul. Sitôt rentré dans la chambre… c’est une scène, sitôt rentrée chez vous… Antoine est peut-être encore déchaîné. Pouvons-nous garder Esther ? Pouvons-nous la confier au général ? Lonségur, la stratégie, ça vous connaît. Trouvez quelque chose… je ne sais pas moi ! n’importe quoi. Et, s’il le faut, allez chercher un canon…

LE GÉNÉRAL

Un canon ! comme vous y allez…

ESTHER, prend le képi du général, le met sur sa tête et chante en dansant.

Dansons la carmagnole,
Vive le son, vive le son !
Dansons la carmagnole,
Vive le son du canon.

(Tout à coup, au milieu du désordre général, entre une femme d’une grande beauté, en robe du soir.)

VICTOR, criant.

Le miracle !

(Il saute des genoux de sa mère.)

Scène V

LES MÊMES, IDA MORTEMART.
IDA MORTEMART

Tu ne me reconnais pas ?

ÉMILIE

Non.

IDA

Regarde-moi.

ÉMILIE

Vous êtes ici chez madame Paumelle.

IDA

Moi je m’appelle Ida, n’es-tu plus Émilie ?

ÉMILIE

J’ai connu trois Ida dans ma vie. La première…

IDA

Moi, je suis la dernière, sans doute. Je m’appelle Ida Mortemart.

ÉMILIE

Ida Mortemart !

IDA

J’avais sept ans…

ÉMILIE

J’en avais…

IDA

… tu en avais treize.

ÉMILIE

Assieds-toi. Excuse-nous… Je ne pouvais pas deviner. Comment t’aurais-je reconnue ?

IDA

Moi, je t’ai reconnue tout de suite.

ÉMILIE

Il y a si longtemps. Assieds-toi. Oh, pardon ! Que je fasse les présentations. Le général Étienne Lonségur, madame Magneau, sa petite fille Esther, mon mari, monsieur Paumelle, et mon fils Victor. Assieds-toi.

(Ida s’assied. Un grand silence.)
IDA

C’est étrange, n’est-ce pas, de se rencontrer ainsi.

ÉMILIE

Comment de se rencontrer ? Mais tu viens chez moi, il est à peu près naturel que tu m’y trouves.

IDA

Je ne venais pas chez toi.

ÉMILIE

Quoi ?

IDA

Non, j’allais chez madame Paumelle.

ÉMILIE

Eh bien, ne suis-je pas madame Paumelle ?

IDA

Non. Ou plutôt si, puisque tu viens de me l’apprendre. Mais tu n’es pas celle que j’allais voir.

(Tous se regardent inquiets.)
ÉMILIE

Tu veux dire que tu croyais trouver la petite fille que tu as connue. Enfin, tu ne me savais pas mariée.

IDA

Non. Je l’ignorais. Mais ce n’est pas toi que je voulais voir. Madame Paumelle est mon amie de dix ans. Elle a épousé monsieur Paumelle il y a quelques années. Ils habitaient autrefois boulevard Pasteur, ils habitent maintenant rue Lagarde.

CHARLES

Mais, madame, vous êtes bien ici rue Lagarde.

IDA

Vous allez comprendre. Je savais, puisqu’ils me l’avaient écrit, qu’ils habitaient en effet rue Lagarde. Mais j’ai brûlé leur lettre par distraction. Ne me souvenant plus du numéro, j’ai demandé au premier fruitier venu, et il m’a indiqué ta maison. Je te rencontre toi, Émilie, mon amie d’il y a plus de vingt ans, au lieu de madame Paumelle, mon amie intime d’aujourd’hui.

ÉMILIE

C’est extraordinaire. Il y a donc deux mesdames Paumelle dans la même rue.

IDA

Oui, et qui s’ignorent, et qui habitent peut-être face à face.

LE GÉNÉRAL

C’est inouï !

CHARLES

Eh bien, madame, si un auteur dramatique s’était servi de ce stratagème pour vous faire apparaître ici, et, à ce moment, on eût crié à l’invraisemblance.

IDA

On aurait eu raison. Ce n’est pourtant que la simple vérité.

ÉMILIE

À quel fruitier as-tu demandé le renseignement ?

IDA

À celui du coin de la rue de l’Arbalète et de la rue Lagarde.

ÉMILIE

C’est un comble. Nous ne nous servons chez lui que depuis trois jours.

THÉRÈSE

C’est miraculeux.

(Un silence.)
LE GÉNÉRAL

Oui. Et, figurez-vous, madame, qu’on me demandait un canon.

IDA

Un canon !

(Elle pète. Moment de stupeur et de gêne. On croit avoir mal entendu. Ida rougit jusqu’au front. Esther ne peut réprimer un éclat de rire. Sa mère l’attire à elle et la calme. Victor ne bronche pas.)

LE GÉNÉRAL

Oui, un canon. Mais c’était une plaisanterie, n’est-ce pas ?

IDA, qui ne comprend pas, qui ne peut pas comprendre.

Non, monsieur, c’est une infirmité.

(Longue gêne. Ida se cache la tête dans les mains.)
IDA

Quelle confusion ! quelle honte !

ÉMILIE

Ma chère amie, ma chère Ida, que se passe-t-il ? Qu’as-tu ? Es-tu malheureuse ? Que puis-je comprendre. Je ne te connais pas. Nous nous sommes quittées si petites.

IDA

Je ne puis pas, je ne puis pas.

(Elle pète. Même jeu.)
IDA

Pardon, pardon, excusez-moi. C’est atroce, je ne puis pas me retenir. C’est une maladie terrible. Comment vous expliquer ? Une émotion violente, il n’en faut pas plus à certaines heures. Savais-je que je te rencontrerais, et je ne puis rien contre ce besoin immonde. Il est plus fort que tout. Au contraire, il suffit que je veuille, que je fasse un effort pour qu’il me surprenne et se manifeste de plus belle.

(Elle pète longuement.)

Je me tuerai, si cela continue, je me tuerai.

(Elle pète encore.)
LE GÉNÉRAL, à part.

Quelle histoire !

(Les rires fusent.)
IDA

Riez ! riez ! je le sais bien, allez, on ne peut pas s’empêcher d’en rire. Je ne vous en veux pas. Riez donc ! Il n’y aura après ni gêne de votre côté, ni gêne du mien. Cela nous calmera tous. J’ai l’habitude. Il n’y a qu’un remède, c’est le rire.

(Ils rient de toutes leurs forces pendant qu’elle pète toujours, la tête dans ses mains. Graduellement les rires s’arrêtent. On attendra que ceux de la salle s’arrêtent aussi pour continuer la scène.)

IDA, se levant.

Pourtant, je suis belle, je suis aimée, et je suis riche. J’ai quinze immeubles à Paris, un château dans le Périgord, une villa à Cannes. J’ai quatre automobiles, un yacht, des diamants, des perles, des enfants. J’ai un mari, le banquier Théodore Mortemart, et personne n’a rien à m’envier, sauf le pétomane de l’Eldorado.

(Elle pète. Les rires se font de plus en plus rares. Ida se replonge la tête dans les mains. Un long silence.)

Je vous demande de m’excuser, et aussi la permission de me retirer.

VICTOR, avec éclat.

Non, non, ne partez pas, madame.

ÉMILIE

Ne pars pas encore, reste avec nous. Nous fêtons les neuf ans de mon fils. Reste, je t’en prie. Toutes les boutiques sont fermées à présent, toutes les portes, et tu ne trouveras pas l’autre adresse.

(Ida qui s’était levée se rassied.)
IDA

Je vous ai dérangés, vous étiez heureux. Je suis arrivée là comme une intruse. La bonne aurait dû m’accompagner. Quelle triste et pénible apparition.

CHARLES

Au contraire, madame, avant votre arrivée nous étions bouleversés. Tenez, voyez ! il y a des vases en morceaux, des couteaux sur la cheminée, des meubles désordonnés qui trahissent des luttes dont, après tout, nous ne saurons jamais les causes. Nous parlions de tout faire sauter.

LE GÉNÉRAL

Mais, ne peut-on rien faire pour vous guérir de ces… de ces… enfin de cette chose ?

(Elle pète.)
IDA

Si, général, autant que possible n’en plus souffler mot.

(Silence.)

Il serait naturel de raconter ma vie de A à Z. Tu connais A, vous connaissez Z.

VICTOR

Nous connaissons P. (Gêne.) Votre pâleur, votre peine, vos perles, vos paupières, vos pleurs, votre privilège. Nous connaîtrons votre passage. Vous favorisez les combinaisons. Dans un monde plus avancé, vous vous nommeriez mousse de platine. Oh, catalyseuse ! Qu’importent ces débordements sulfureux, quelques mauvaises passions peuvent en mourir, quelques carbones précieux aussi. Vous tombez parmi nous comme un bijou dans le mercure. Je plains celui qui devra en payer les conséquences fatales, le coupable des pots cassés.

IDA

Vous dites ?

CHARLES

Ne l’écoutez pas, madame, il parle aux anges.

VICTOR

Remerciez-le, madame, il ne sait pas ce qu’il dit.

CHARLES

Je devrais le gifler.

LE GÉNÉRAL

Giflez-le donc, à la fin !

(Le père lève la main et la tient suspendue un instant ; il la laisse tomber, découragé.)

VICTOR

Général, votre sabre est rouillé et vous puez.

LE GÉNÉRAL

Madame Paumelle, votre fils est perdu.

VICTOR

Maman, tu es enceinte d’un enfant mort.

ÉMILIE

Victor ! Victor ! que veux-tu dire, que j’ai mal au ventre ?

CHARLES

Il faut comprendre, je veux comprendre.

VICTOR

Il faut sentir, papa.

IDA

Victor, venez sur mes genoux. Venez aussi Esther.

(Victor s’assied sur les genoux d’Ida.)
ESTHER

Non, non, j’ai peur de cette femme. J’ai peur de cette sale femme qui pète tout le temps, et qui ressemble à une chienne. Je m’en vais.

(Elle s’enfuit dans le jardin.)
THÉRÈSE

Vous me le paierez, vous, voleuse d’enfants !

(Elle sort. On l’entend crier dans le jardin.)
THÉRÈSE

Esther ! Esther !

CHARLES

Je sors aussi. Cette petite est capable de tomber dans le bassin,

ÉMILIE

Se noyer ! Dieu du Ciel !

(Elle sort en courant. Le Général la suit en riant bruyamment et en se tapant sur les cuisses.)

Scène VI

VICTOR, IDA.
IDA

Qu’ai-je fait ?

VICTOR

Elle a de qui tenir, son père est fou.

IDA

Ah ?

(Un temps.)
VICTOR

Je suis bien sur vos genoux.

IDA

Assieds-toi mieux.

VICTOR

J’ai dit sur vos genoux ; mais enfin, c’est sur vos cuisses que je suis assis.

IDA

Tiens, c’est vrai, les expressions sont mal faites.

(Un temps.)
IDA

Et tu as neuf ans aujourd’hui. Neuf ans seulement ?

VICTOR

Au fait, ai-je neuf ans ? Je n’ai été initié à la notion d’âge qu’à mon quatrième anniversaire. Il a donc fallu quatre ans pour qu’on me persuade du retour périodique du 12 septembre. Peut-être pourrait-on me prouver un jour qu’il a fallu cent ans. Oui, rien ne s’oppose à ce que j’aie plus de cent ans.

IDA

Que dis-tu ?

VICTOR

Je dis que j’ai peut-être cent cinq ans.

IDA

On ne vit pas si vieux, il faudrait que tu meures.

VICTOR

Et ma mort ne prouverait même pas que je les aurais. On meurt à tout âge. D’ailleurs, il est bien possible que je meure bientôt, pour entretenir le doute, pour me donner raison, par courtoisie.

IDA

Assieds-toi un peu plus haut. Tu glisses et tu vas tomber.

VICTOR

Voilà. Vous aviez raison, je suis beaucoup mieux ainsi.

(Un temps.)
IDA

Écoute, Victor, il vaudrait mieux que je parte sans attendre qu’ils reviennent. Je ne me sens pas bien, et tu m’excuserais.

VICTOR

Oui, maintenant… Mais restez encore un moment. Nous les entendrons revenir et s’il vous plaît alors, vous partirez.

IDA

Soit.

(Un temps. — Victor l’embrasse dans le cou à plusieurs reprises, lentement.)
VICTOR

Vous devriez me dire quelque chose encore, pendant qu’on cherche Esther.

IDA

Oui.

VICTOR

Je suis amoureux.

IDA

Comment ?

VICTOR

J’aime.

IDA

C’est impossible !

VICTOR

Dites que ce n’est pas avouable. Je me confesse à vous parce que vous partirez et que je ne vous verrai plus. Mais je vous jure que c’est vrai : je suis amoureux.

IDA

Mais tu ne peux pas.

VICTOR

Non, je ne peux pas faire l’amour. Aussi, avant de me quitter, dites-moi ce que c’est. Je sais tout sauf cela. Et je ne voudrais pas mourir… n’est-ce pas, on peut mourir à tout âge… je ne voudrais pas mourir sans savoir.

IDA

Mais de qui es-tu amoureux, pauvre gosse ?

VICTOR

Je ne le dirai pas. Madame, dites-moi comment vous faites.

IDA

Je ne sais pas, mon petit.

VICTOR

Comment ? vous ne savez pas ? Si, vous savez. Dites-le moi. (Ida hésite, puis elle se penche sur l’oreille de l’enfant et lui parle longuement à voix basse ; pendant qu’elle parle on entend des cris dans le jardin.)

Oh ! oh ! — Où êtes-vous ? — Approchez Thérèse, — Approchez, — L’avez-vous trouvée ? Oui, elle est dans le coffre, dans le coffre à charbon. — Elle respire ? — Elle respire. Comme ses dents sont serrées. — Ouvrez-lui les yeux. — Elle a du sang sur sa robe. — Est-elle blessée ? — Non, non, ce ne sont pas des blessures, ce sont ses ongles. — Une crise ? — Une crise ? Alors c’est la première. — Je vous jure que c’est bien la première.

(Les voix se rapprochent. Ida embrasse Victor, se lève, et se dirige rapidement vers la porte de sortie.)

VICTOR

Merci, merci madame. Mais vous m’avez menti. Pourtant, faites-moi encore une grâce, la dernière.

IDA

Oui.

VICTOR, ricanant.

Je voudrais que vous pétiez pour moi.

(Ida pousse un grand cri et disparaît ; elle revient aussitôt, et dans l’embrasure de la porte crie à Victor :)

IDA

Monstre ! monstre ! Tu te présenteras de ma part demain aux Magasins du Louvre, rayon des jouets. Il y aura pour toi une petite carabine, une petite carabine à balles.

(Elle disparaît.)

(Entrent le général, Charles portant Esther sur ses bras, Thérèse éplorée et Émilie. On dépose en silence Esther sur un divan. Sa robe est déchirée, ses bras ensanglantés, elle bave.)

Scène VII

VICTOR, LE GÉNÉRAL, CHARLES, ESTHER, THÉRÈSE, ÉMILIE
VICTOR

Madame Mortemart, avant de partir, m’a prié de l’excuser auprès de vous.

THÉRÈSE

Ah ! elle est partie, celle-là. Ce n’est pas dommage. Viens voir ce qu’elle a fait d’Esther.

VICTOR

Évidemment la pauvre petite est morte.

CHARLES

Mais non, elle n’est pas morte. Elle a eu une crise.

ÉMILIE

Oui, ce ne sera rien.

LE GÉNÉRAL

Et tenez, elle ressuscite, là, là, doucement.

THÉRÈSE

Esther, mon petit, ma petite fille.

ESTHER

Maman ! Maman !

CHARLES

Ah ! comme tout cela est pénible !

VICTOR

Je me demande ce que je pourrais bien dire ?

CHARLES

Mettez-lui de l’eau sur la tête.

ÉMILIE

Et du vinaigre sur les tempes.

THÉRÈSE

Tire la langue, ma chérie, tire la langue.

LE GÉNÉRAL

Déboutonnez-la, déboutonnez-la, facilitez-lui la respiration.

CHARLES

Allons, elle se remet, elle se remet…

(Entre Lili.)

Scène VIII

LES MÊMES, LILI.
LILI

Oh ! qu’est-il arrivé ? La pauvre petite !

ÉMILIE

Rien, rien de grave, Esther a eu une syncope.

LILI

Vous permettez ?

(Elle gifle Esther à deux reprises. Esther se lève.)

LILI

Et voilà…

VICTOR

Pauvre Esther. Pour la punir, pour la guérir, c’est toujours le même tabac.

ESTHER

Où est la femme qui pue ?

ÉMILIE

N’aie pas peur, ma petite fille, n’aie pas peur, Victor l’a tuée.

ESTHER

C’est vrai, Victor ?

VICTOR

Oui, ma petite Esther. Je l’ai prise par la taille, je lui ai mangé les oreilles, je l’ai jetée sur le parquet, j’ai jeté ses perles aux pourceaux, et après l’avoir fessée, je l’ai noyée dans le lavabo.

(Rires.)
ESTHER

Bravo ! bravo Victor ! Comme je regrette d’avoir été malade. J’aurais voulu voir cela. Surtout les oreilles… Es-tu sûr au moins qu’elle est bien morte.

VICTOR

Je te le jure. Elle a poussé un grand cri. Elle a rendu l’âme.

ESTHER

C’est tout ce qu’elle a rendu ?

LE GÉNÉRAL

Cette enfant est insatiable. Mais ma petite Esther, elle ne pouvait pourtant pas nous rendre l’Alsace et la Lorraine.

(Entre Antoine, très excité. Sort Lili.)

Scène IX

VICTOR, LE GÉNÉRAL, CHARLES, ESTHER, THÉRÈSE, ÉMILIE, ANTOINE.
ANTOINE

Ah ! vous êtes encore là. Eh bien, habillez-vous, et décanillons !

CHARLES

Quoi ?

ANTOINE

Je ne vous parle pas. Vous êtes un salaud, une ordure, un triste sire, vous entendez. Ne me demandez pas d’explications, ou vous m’en fournirez vous-même. Crapule !

CHARLES

Antoine !

ANTOINE

Il n’y a pas d’Antoine. Si vous insistez je vous casserai la gueule ! Vous entendez, la gueule !

CHARLES

Mais c’est de la folie.

ANTOINE

Oui, je suis fou, et après ? (à Thérèse.) Allez, toi et la gosse, en route, et adieu. Adieu à tout le monde. Encore heureux que je ne vous massacre pas tous !

(Il entraîne sa femme et sa fille vers la porte. Tout le monde est atterré ; mais Antoine reparaît tout à coup, suivi de Thérèse et d’Esther.)

ANTOINE, à Charles.

Espèce d’idiot. Il ne comprend rien à la plaisanterie. Hein ? Était-ce réussi ? Était-ce joué ?

CHARLES

Ah, celle-là. Eh bien, mon vieux. Ah, non, par exemple !

ANTOINE

Non, mais, était-ce joué ? Était-ce ça, hein ? Allons, avouez que je vous ai flanqué une de ces frousses ?

(Il éclate de rire.)
TOUS

Ah, oui, je n’en reviens pas. — Mais aussi… — C’était si bien joué, etc. — Il faut s’attendre à tout. ― Quelle heure est-il ? — Il est tard. Vous avez bien le temps. — Il faut que je rentre. — Alors, bonsoir — bonne nuit. — Embrassez-vous. — Bonsoir, général, — Bonsoir — Bonsoir. Merci, — Merci. — Bonsoir.

ESTHER, qui sort la dernière.

Tu as manqué papa, une femme est venue, qui pétait, qui pétait… Victor l’a tuée… Il lui a mangé les oreilles…

(Antoine, le général, Thérèse et Esther sont sortis.)

Scène X

VICTOR, ÉMILIE, CHARLES.
ÉMILIE

Victor, nous avons des comptes à régler.

CHARLES

Ah, non, assez pour ce soir ! demain…

ÉMILIE

Soit, demain, mais nous les réglerons.

VICTOR

Bonsoir, papa. Bonsoir, maman. Bonne nuit.

(Il sort.)

Scène XI

ÉMILIE, CHARLES.
ÉMILIE

Nous aussi, nous avons de sérieux comptes à régler.

CHARLES

Oui, eh bien, demain. Demain, n’est-ce pas. (Se montant.) Demain, ou je ne réponds plus de moi.

ÉMILIE

Soit.

CHARLES

Où est 𝕷𝖊 𝕸𝖆𝖙𝖎𝖓 ?

ÉMILIE

Sur la cheminée.

CHARLES

Merci.

ÉMILIE

Alors, tu as l’intention de lire ?

CHARLES

Oui, ça t’ennuie ?

ÉMILIE

Oui.

CHARLES

Bien, alors je lirai à haute voix.

ÉMILIE

J’aime mieux ça. D’abord je suis nerveuse, et ça me calmera.

CHARLES

Parfait. Je peux commencer.

ÉMILIE

Commence[1].

CHARLES
Dimanche 12 Septembre 1909
Agences à l’étranger. Londres : 160, Queen Victoria Street ; Berlin : 112, Leipzigstrasse ; New-York : 170, Nassau Street. Adresse télégraphique : MATIN-PARIS. Téléphone : 103.04, 103.05, 103.06. Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus. Jules Madeline, Président.
PEARY RACONTE SON ARRIVEE AU PÔLE
ET LANCE UN DEFI INJURIEUX À COOK

TRENTE HEURES AU 90e DEGRÉ
Peary s’y est promené, y a pris
des instantanés et fait des
observations ; mais il
n’y a pas dormi
ÉMILIE

Je m’en moque.

CHARLES

Bon, alors autre chose…

SOMMER PASSE
une revue en aéroplane

Heu… heu… je te lirai l’essentiel. Ah !

Au moment du défilé, je reprends mon vol ; je passe au-dessus de la ligne des troupes et, poussé par un bon vent, je file en descendant au-dessus de la campagne très accidentée. J’essuie un fort coup de vent au-dessus des bâtiments des salines. Je suis à 50 mètres et ma vitesse est foudroyante. Je fais bien du 80 à l’heure. Mon moteur est merveilleux de régularité.
ÉMILIE

Assez.

CHARLES

Bien. Ah, ça c’est rigolo !

Pas de Polka
Pour avoir raté la Polka des Bébés
le commandant de Cayenne
faillit être révoqué
Singulière histoire du bagne
ÉMILIE

C’est passionnant.

CHARLES

Enfin, que veux-tu, moi je n’y suis pour rien. Je ne suis pas journaliste. Ah, ceci t’intéresse.

Stéphane LAUZANNE, Rédacteur
PROTÉGEONS CELLES
qui doivent être mères !
Partout, en France, les statisticiens dénoncent le péril de la dépopulation, et les hygiénistes leur répondent en disant : « Protégeons l’enfance ! » Ne serait-il pas aussi juste et aussi sûr de proclamer : « Protégeons celles qui doivent être mères ! »
Si le public est aujourd’hui bien mis en garde contre les ravages sociaux de « l’avarie », il est certainement moins prévenu contre une autre maladie infectieuse, « la petite avarie », qui s’en distingue complètement. Plus répandue,
ÉMILIE

Oh, non, non, non ! je n’ai pas ces maladies honteuses, tu es dégoûtant, à la fin.

CHARLES

Passons, passons, mais ne te mets pas en colère, je t’en supplie, pas avant demain. Ah ! on a arrêté l’anarchiste Ferrer.

ÉMILIE

Tant mieux. Enfin, lis-moi un crime. Y a-t-il un crime, il y a bien un crime ?

CHARLES

Non, il n’y a pas de crime. Et puis je ne lirai pas de crimes. Tu les liras seule.

ÉMILIE

Bon, je me retiens… Je me retiens… Tu remarques que je me retiens, n’est-ce pas ?

CHARLES

Et je t’en suis très reconnaissant. Au fait, et le feuilleton j’allais oublier le feuilleton. “Une grande dame”.

(Pendant qu’il lit, la scène décrite par le romancier se réalise entre Charles et la mystérieuse visiteuse. Émilie sanglotera jusqu’à la fin.)

Scène XII

LES MÊMES, puis LA GRANDE DAME.
FEUILLETON DU « MATIN »
du 12 septembre 1909
30
Les Hommes de l’Air
Roman de Sport et d’Amour
par
Hugues LE ROUX
Troisième partie
Un secret d’État.
IV
Une très grande dame
Ledit verrou poussé sur la chambre de Le Briquire, l’heureux Boule vola plus qu’il ne marcha vers la porte que heurtaient toujours des doigts légers. Et la vision qui lui apparut le laissa les yeux écarquillés.
La grande dame n’avait pas un album de pensées sous le bras, mais un minuscule petit loup de velours noir sur les yeux et, sur les épaules, un peignoir qu’elle laissa s’entr’ouvrir, au moment où elle entrait dans la chambre, de façon à découvrir la naissance d’une gorge capiteuse.
De la sorte, l’homme fort, décidément transporté, eut tout à la fois le spectacle d’un bras rond et nu qui sortait du peignoir pour repousser la porte entre-baillée, d’une chevelure d’or qui se tordait à la nuque de la grande dame comme un bouquet d’épis, et d’une pudeur plus délicieuse que toutes les provocations, puisqu’elle poussa cette belle personne à se jeter contre la poitrine de l’athlète comme une gazelle poursuivie qui s’enfonce dans un taillis.
Tous droits de reproduction et de traduction réservés en France et à l’étranger.
Copyright 1909 by Hugues Le Roux.
Rideau
Photographie prise au second acte de Victor ou les Enfants au pouvoir, pièce de Roger Vitrac mise en scène par Antonin Artaud, lors de sa création en 1928.

ACTE SECOND
  1. Toute cette scène sera écourtée au théâtre, et le journal devra être parcouru rapidement. Le feuilleton seul sera lu distinctement.
    N. D. L. A.