Vidalenc - William Morris/4
La décadence de l’imprimerie au XIXe siècle. — Les idées de William Morris sur l’architecture du livre. — L’impression des œuvres de Chaucer. — La mort de William Morris.
En 1890 Morris avait cinquante-six ans, il avait derrière lui une œuvre artistique et littéraire si considérable qu’elle lui valait le respect de tous et l’admiration de beaucoup et qu’elle eût été plus que suffisante pour assurer sa gloire. Pendant près de trente années, la maison de décoration qu’il avait fondée avait mené le bon combat contre la laideur et le faux luxe, et plus qu’aucune autre contribué à l’éducation artistique du peuple anglais. Si dans l’ameublement, dans la décoration des maisons ou des édifices publics, commençaient à apparaître plus de simplicité, une adaptation mieux comprise des objets à leur véritable destination, c’est en grande partie à Morris, à sa prédication, à son exemple qu’on le devait.
Il ne s’était pas contenté de vivre pour son art, jalousement retiré dans son atelier, il avait voulu se mêler à la vie et aux luttes de son temps. En toute sincérité il avait pris parti dans les conflits sociaux et présenté en toutes circonstances la défense des faibles. Sans souscrire à toutes ses théories politiques et sociales, sans faire nôtres toutes ses revendications nous voulons cependant signaler la franchise de son attitude, l’ardeur généreuse de son effort. Sur ce point encore il a tenté l’éducation du peuple anglais en attirant l’attention de tous sur ces redoutables problèmes économiques et sociaux que beaucoup s’obstinaient à nier.
Avec l’âge ses forces commençaient à décliner, des attaques de goutte répétées avaient eu raison de la belle santé dont il était si fier et les médecins lui conseillaient la retraite. Son ardeur de vivre, son enthousiasme pour l’art et la justice demeuraient entiers, mais il ne pouvait continuer le dur métier de conférencier et d’orateur en plein air, il dut donc s’éloigner de plus en plus de la politique militante et revint à ses travaux littéraires et artistiques qu’il avait un peu délaissés pour sa propagande socialiste.
En 1890 et 1891 il donna, en collaboration avec Eric Magnusson, une nouvelle série de traductions de sagas Scandinaves et commença la publication de ses Romances :
Les racines des montagnes,
L’histoire de la plaine étincelante,
toutes pénétrées de la grandeur farouche des vieilles légendes nordiques.
Il revint aussi prendre une part active aux travaux de ses ateliers et ses ouvriers le retrouvèrent, comme jadis, et malgré l’âge, prompt à l’enthousiasme et toujours prêt pour de nouvelles tentatives; il n’aimait point en effet suivre les autres, ni se recommencer lui-même. Il lui fallait des horizons nouveaux, les difficultés semblaient avoir pour lui une magique attirance; plus pénible apparaissait la tâche à accomplir, plus joyeusement il s’y donnait. Avec les années s’affirmait aussi le souci, toujours plus vif, de mieux faire et de vivre mieux. En 1891 il écrit : « O combien ardemment je souhaite empêcher le monde de me rétrécir et combien je désire regarder toutes choses dans un esprit large et avec bonté ! » Il voulait devenir de plus en plus étranger aux calculs, aux intérêts mesquins du négoce et de la politique et sa vie en prend une majesté, un rayonnement peu communs.
La prospérité de sa maison de décoration était alors solidement établie, les ouvriers qu’il avait formés étaient suffisamment entraînés, aussi, se sentant moins nécessaire, dédaigneux d’une tâche trop facile à son gré, il allait, à cinquante-six ans, se renouveler complètement et consacrer ce qui lui restait de forces à la transformation de l’imprimerie. Poète et artiste, il déplorait le commercialisme qui déshonorait les livres; il s’indignait du manque de conscience et de goût des imprimeurs et éditeurs du XIXe siècle et se prenait à regretter le soin délicat des enlumineurs du moyen âge ou le sens artistique très pur des grands imprimeurs des XVe et XVIe siècles. Souvent il avait rêvé pour ses poèmes, des éditions qui, par leur beauté, pussent encore en magnifier les vers et rappeler la splendeur des manuscrits ou des incunables, mais toujours il s’était heurté à l’incompréhension et au mauvais vouloir des éditeurs ou à des difficultés matérielles qu’il ne pouvait vaincre.
Aussi, dès qu’il le put, il résolut de fonder une imprimerie, de devenir à la fois imprimeur et éditeur. De même qu’il avait tenté de réagir contre la laideur triomphante dans les arts décoratifs, il voulut que cette imprimerie de Kelmscott ne fût pas seulement une entreprise commerciale, mais qu’elle servît la cause de la beauté et de l’intelligence.
Précédemment, en 1872, Ruskin avait établi à Orpington, dans le comté de Kent, une maison d’édition pour ses propres ouvrages. Il jugeait excessifs les bénéfices des éditeurs, bénéfices dont ni les ouvriers, ni les lecteurs ne profitaient, et il avait songé à faire œuvre sociale : diminuer le prix de revient des livres en même temps qu’il s’assurait une impression plus scrupuleuse. Mais il se bornait à ses propres ouvrages. Morris élargit considérablement ce programme; il se proposait de donner des éditions aussi parfaites que possible d’œuvres vraiment originales. Avec une liberté d’esprit qui lui fait honneur, il sut choisir les œuvres les plus diverses parmi celles dont s’enorgueillit à juste titre l’esprit humain. Dans sa pensée il s’agissait d’une collection que l’on pourrait accroître presque indéfiniment en puisant dans les littératures de tous les pays et de tous les temps.
On trouve en effet parmi les éditions de Kelmscott des œuvres aussi dissemblables que le roman de Renart et les poèmes de Shelley, l’Utopie de sir Thomas Morus et des poèmes de Rossetti, la Légende dorée et les Nouvelles de nulle part. C’est la preuve de la grande compréhension de Morris, de l’ardeur avec laquelle il poursuivait cette tâche d’éducation qui lui semblait être le devoir essentiel de sa génération. Le livre lui apparaissait comme un merveilleux moyen d’affranchissement, et le métier d’imprimeur comme un des plus nobles qui soient. Si grande était la confiance qu’il inspirait, que ses ouvriers, dès le début, ne doutèrent pas du succès et que l’un d’eux pouvait dire, résumant l’opinion générale : « S’il avait vécu cinq années de plus, il aurait certainement entrepris quelque chose d’autre, nous ne savons pas quoi, mais nous sommes bien certains qu’il aurait réussi. »
Les débuts furent assez pénibles cependant, parce que tout était à créer et que Morris ne pouvait trouver chez les fournisseurs habituels les matériaux dont il avait besoin, du moins tels qu’il les souhaitait.
Il condamnait en effet la plupart des papiers employés, les papiers couchés notamment, il trouvait disgracieux les caractères en usage et fâcheuse la disposition des lignes dans la page. L’illustration même, malgré d’honorables exceptions, lui semblait le plus souvent faite sans intelligence, sans qu’on se préoccupât de la collaboration de l’auteur et du dessinateur. L’anecdote souvent citée à propos du fameux dessinateur et caricaturiste John Leech est significative à cet égard ; ayant à illustrer un roman de Dickens, Leech prit tellement peu de souci du texte qu’il fit enlever l’héroïne par un personnage qui n’avait rien à voir avec l’incident.
Morris commença par dessiner des lettres nouvelles. Les caractères en usage étaient alors d’aspect géométrique, rigide, étriqué. Or Morris pensait que toute lettre doit avoir sa beauté propre, qu’elle doit être dessinée par un artiste et non par un ingénieur ; il substitua donc des lettres larges, arrondies, inscriptibles en général dans un carré aux caractères habituels allongés et inscriptibles dans un rectangle. Chaque lettre avait sa physionomie particulière, c’était à ses yeux une erreur et une faute de goût que de considérer l’u comme un n renversé ou réciproquement, de croire que dans les lettres d, h, p, q, seule diffère la position de la partie arrondie par rapport à la partie droite.
Il rappelait le souvenir et l’exemple des grands imprimeurs du XVe siècle, et notamment du plus grand de tous : Nicolas Jenson de Tours, établi à Venise vers 1469. Jamais livres ne furent plus beaux, plus harmonieux, que ceux qui sortirent de ses presses, disait-il, et pourtant ils sont pour la plupart sans ornement aucun ; leur beauté dépend uniquement de la forme élégante des caractères employés et de leur disposition dans la ligne et dans la page.
L’Angleterre n’avait jamais connu la splendeur de Venise, mais elle avait eu sa part de gloire. Aux XVe et XVIe siècles les presses de Caxton et de Wynkyn de Worde avaient acquis une renommée bien méritée, mais la décadence avait été rapide. L’effort même de Caslon au XVIIIe siècle, pour vivifier un art qui se mourait, n’avait pas été des plus heureux car c’est en partie à son influence que nous devons la vogue de ces caractères allongés, généralement employés aujourd’hui. Les éditions anglaises du XIXe siècle, comme la plupart des éditions européennes, étaient souvent au-dessous du médiocre, on se préoccupait de produire aussi économiquement que possible sans aucun souci de beauté. D’excellents esprits avaient déjà signalé ce qu’il pouvait y avoir de décevant et de dangereux dans cette poursuite du bon marché, qui faisait fermer les yeux sur la disparition d’autres qualités non moins précieuses, mais on ne les écoutait pas.
Puisque depuis le XVIe siècle les imprimeurs semblaient avoir perdu de vue les vraies traditions, les caractères esthétiques du livre, c’était au XVIe siècle qu’il fallait retourner, mais non pour le copier servilement, car le passé ne saurait fournir de solution toute prête aux problèmes d’aujourd’hui. Ainsi les préraphaélites retournaient aux primitifs pour recommencer une évolution que Raphaël avait, selon eux, orientée dans une voie fâcheuse.
Morris pensait qu’on avait eu tort par exemple de renoncer complètement aux caractères gothiques. Dégagées de certaines fioritures qui les rendent presque illisibles, les lettres gothiques sont d’une belle élégance sobre et d’un puissant effet décoratif, il comptait donc les employer concurremment avec les caractères romains. Il dessina trois séries de caractères. Chacune d’elles reçut le nom du principal ouvrage qu’elle servit à imprimer. Ce sont :
Le type Chaucer, petit gothique, qui servit pour l’impression des œuvres complètes de Chaucer.
Le type de Troie, grand gothique, qui servit pour l’impression du Recueil des Histoires de Troie.
Le type Doré, romain, utilisé pour l’impression de la Légende dorée.
Pour les deux premières séries Morris s’était inspiré des caractères gothiques de manuscrits qu’il avait en sa possession. Pour la dernière il avait surtout suivi les lettres romaines de Nicolas Jenson en rejetant certains procédés en usage au XVIe siècle qui rendaient la lecture plus pénible, comme par exemple, les lettres doubles, les fréquentes abréviations, les s en forme d’f, car il entendait ne pas séparer l’idée d’utilisation pratique de l’idée de beauté.
A ces trois alphabets complets il ajouta un très grand nombre d’initiales, de majuscules, de lettres ornées, de bordures et encadrements, qui ne furent d’ailleurs pas tous employés. Pour donner une idée de l’activité avec laquelle Morris travaillait à cette nouvelle œuvre, il nous suffira de dire qu’on n’a pas, dans ses cartons, retrouvé moins de 57 dessins de bordures et 384 études d’initiales de toutes tailles dont 34 variétés de T gothiques. Les variantes pour les autres lettres étaient presque aussi nombreuses.
Dans toutes ces études, dans les frontispices et
Pl. XI.
ÉTOFFE D’AMEUBLEMENT : VELOURS IMPRIMÉ
Après quelques tâtonnements, Morris, grâce à l’aide efficace de M. Emery Walker, de son contremaître M. William Bowden, parvint à faire de l’imprimerie de Kelmscott une œuvre remarquable à tous égards réalisant le programme qu’il s’était tracé : « Produire des livres qui seraient des œuvres de beauté en même temps qu’ils seraient aisés à lire et n’éblouiraient pas les yeux du lecteur ou ne troubleraient pas son intelligence par l’excentricité de forme des lettres. » C’est qu’en effet malgré l’archaïsme volontaire de ses éditions, Morris ne perdait jamais de vue leur utilisation pratique.
Le premier livre à sortir des presses de Kelmscott devait être la Légende dorée, mais dans l’impossibilité de se procurer à temps un papier convenable de grain assez fin et assez résistant, Morris dut surseoir à ce projet et le premier livre imprimé le 4 avril 1891 fut un de ses ouvrages : L’histoire de la plaine étincelante. La Légende dorée ne devait être imprimée qu’en 1892 sur un papier spécial de chiffons de toile fabriqué dans les ateliers de M. Batchelor à Little Chart (Kent). L’obtention de ce papier avait nécessité des recherches longues et minutieuses, Morris avait en horreur les papiers glacés, dits couchés, dont le glaçage ne sert qu’à dissimuler les imperfections et se décompose à la longue, et il avait voulu retrouver la texture des beaux papiers en usage au XVIe siècle. Plus tard il essaya aussi d’obtenir des encres plus noires, plus résistantes que celles qu’on trouvait dans le commerce. Eût-il vécu, il est probable qu’il serait devenu son propre fabricant d’encre comme jadis il s’était fait teinturier.
Mais surtout il apporta d’importantes modifications à ce qu’il appelait l’architecture du livre, c’est-à-dire la disposition des mots et des lignes dans la page, l’écartement des lettres, l’importance relative des blancs, la fréquence et la place des lettres ornées et des illustrations. Nous ne pouvons mieux faire que reproduire ici ce qu’il disait en 1893 dans sa conférence sur Le Livre idéal. « En ce qui concerne l’aspect du livre, le sujet traité doit nécessairement nous tracer quelques limites. Un ouvrage sur le calcul intégral, un traité de médecine, un dictionnaire, le recueil des discours d’un homme d’Etat ou un traité des engrais, bien qu’ils puissent être bien imprimés et même avec élégance, ne pourront cependant pas recevoir la même richesse d’ornements qu’un volume de poèmes lyriques, une œuvre classique ou tout autre ouvrage analogue. Je pense qu’un ouvrage sur l’art nécessite moins d’ornements que n’importe quel autre livre (Non bis in idem est une bonne devise en cette matière), de même, je pense qu’un livre qui doit avoir des illustrations d’un caractère plus ou moins utilitaire ne doit pas être orné du tout, car illustrations et ornements ne s’accorderaient certainement pas. Cependant, quel que puisse être le sujet du livre, et si dépourvu d’ornement qu’il soit, il peut être une véritable œuvre d’art si les caractères employés sont beaux et si l’on a apporté quelque soin à l’arrangement général… Un livre sans ornement aucun peut être vraiment beau si la disposition architecturale en est bonne… Voyons ce que cette disposition exige de nous : d’abord les pages doivent demeurer claires et faciles à lire, ce que l’on ne pourra obtenir si le caractère employé n’est pas bien dessiné ; ensuite les marges pourront être grandes ou petites, mais elles devront être proportionnées à la page écrite. On ne doit ménager que de très petits espaces blancs entre les lettres, car ce qui rend la page illisible, ce n’est pas le rapprochement des lettres, mais plutôt la compression des caractères eux-mêmes. De même on ne doit ménager que de très petits espaces blancs entre les mots, juste ce qui est nécessaire pour les séparer clairement les uns des autres. Si les blancs sont trop importants, cela enlaidit la page et la rend d’une lecture difficile… Si vous voulez avoir un livre vraiment lisible, veillez aussi à la qualité des encres, il faut que les blancs soient blancs et que les noirs soient noirs, car il n’y a rien de plus fatigant pour la vue qu’une page d’aspect grisâtre… Quant à la position de la partie imprimée sur le papier, il faut considérer que l’unité en imprimerie n’est pas la page isolée, mais la double page que présente le livre ouvert. La marge intérieure, celle de la reliure, doit être la plus étroite, celle du haut doit être un peu plus large, la marge extérieure plus large encore et celle du bas doit être la plus large de toutes. »
Nous ne considérons pas comme des préceptes intangibles ces idées de William Morris sur l’esthétique du livre, lui-même ne les présentait pas comme des dogmes, et sa phrase schématique, brève, catégorique, brutale parfois, provient plutôt de sa profonde conviction personnelle, de son souci de précision que du désir d’imposer ses théories aux autres. Il faut reconnaître d’ailleurs qu’il a su souvent voir juste.
Pour les illustrations proprement dites, Morris eut le plus souvent recours à Burne-Jones mais occasionnellement aussi à d’autres artistes : Walter Crane et A.-J. Gaskin.
La direction commerciale de l’entreprise était assurée par M. S.-C. Cockerell, qui était à la fois un homme de goût et un très habile commerçant ; Morris n’avait conservé que la direction artistique qui suffisait pour l’absorber complètement. Il connut alors quelques années heureuses de labeur intense et persévérant, enfiévré lors de l’apparition d’un nouveau volume. C’était chaque fois la même attente un peu angoissée quand l’ouvrage allait sortir des presses, — presses à bras naturellement, car les machines n’auraient point convenu pour une besogne aussi délicate — la même appréhension d’y découvrir quelque faute dans le grain du papier, l’encrage, la composition ; puis la même joie à le parcourir, à en détailler page par page toutes les beautés.
Un seul regret s’y mêlait, mais Morris le ressentait très vivement. Les éditions de la Kelmscott Press coûtaient fort cher et le tirage en était très limité. Par exemple le Chaucer tiré à 425 exemplaires se vendait 20 livres (500 francs) sur papier et 120 guinées (3.150 francs) sur vélin ; le montant total de la vente, bien que tous les exemplaires aient été enlevés, n’arriva pas à couvrir les frais d’impression, et l’opération se solda par une perte nette de 25.000 francs. Quoique moins élevé le prix des autres ouvrages était encore très considérable ; la brochure la plus réduite, la Conférence sur l’architecture gothique se vendait près de cinq francs.
Ce résultat ne saurait d’ailleurs nous étonner étant donné le soin avec lequel chaque opération était conduite, les précautions prises pour ne rien laisser passer qui ne fût irréprochable. Morris espérait que dans l’avenir une organisation sociale nouvelle pourrait modifier les conditions de travail et permettre une plus grande diffusion des œuvres d’art, mais nous ne nous dissimulons pas tout ce que son programme d’art social avait d’insuffisant sur ce point. Peut-être aurait-il pu par la suite démocratiser sa tentative, mais il avait couru au plus pressé en montrant qu’un métier qui tendait à être purement mécanique pouvait encore (et par conséquent devait) être une source de beauté.
A la même époque il trouvait encore le temps de publier des Romances :
L’enfant Christophe et la belle Goldilind en 1895 ;
Le bois au delà du monde, en 1895 ;
Le puits au bout du monde, en 1896 ;
et des traductions :
Le roi Florus et la belle Jeanne (traduit du vieux français);
L’Amitié d’Amis et d’Amile (traduit du vieux français);
L’histoire de l’empereur Constantin (traduit du vieux français).
Beowulf (traduit de l’anglo-saxon, en collaboration avec M. A.-J. Wyatt).
Les années 1895 et 1896 furent en grande partie consacrées à l’impression des œuvres de Chaucer qui demeure la gloire des presses de Kelmscott. Bien qu’il sentît ses forces décroître rapidement, Morris ne se ménagea point; sa grande espérance était de pouvoir terminer avant de mourir ce Chaucer, auquel il avait consacré tant de soins. Cette dernière joie lui fut donnée ; le 2 juin 1896, alors qu’il était déjà alité, il put recevoir le premier exemplaire de l’ouvrage achevé.
Il mourut le 30 octobre suivant et l’imprimerie de Kelmscott disparut avec lui. Ses collaborateurs se contentèrent de terminer quelques ouvrages commencés, d’autres œuvres projetées comme le magnifique Froissart auquel Morris avait travaillé pendant plusieurs années déjà furent abandonnées, et les quelques feuilles qui en ont été tirées rendent plus vifs nos regrets que Morris n’ait pas vécu quelques années de plus.
Mais si l’imprimerie de Kelmscott cessa de produire, du moins son influence continua à s’exercer, et les imprimeurs d’aujourd’hui ont retenu plus d’un principe remis en honneur par la tentative de William Morris.