Vie de Lazarille de Tormès/Chapitre VII

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Traduction par Alfred Morel-Fatio Voir et modifier les données sur Wikidata.
H. Launette et Cie Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 127--).


CHAPITRE VII


COMMENT LAZARE ENTRA AU SERVICE D’UN CHAPELAIN ET CE QUI LUI ARRIVA


lettrine Mnsuite je servis un maître peintre de tambourins, pour lui broyer ses couleurs, et, là encore, je souffris mille maux.

Or, étant en ce temps assez grand garçon, un jour que j’étais entré dans la grande église, l’un de ses chapelains me retint à son service et me bailla en charge un bon âne, quatre cruches et un fouet, pour porter de l’eau par la ville. Ce fut le premier échelon que je gravis pour atteindre la bonne vie, car alors je mangeais à ma faim. Chaque jour, je rapportais de gain à mon maître trente maravédis, le samedi excepté, où je gagnais pour moi seul, et, outre cela, tous les jours, le surplus des trente maravédis m’était encore laissé.

Le métier me réussit si bien qu’au bout de quatre ans, avec ce que j’avais épargné, je pus me vêtir fort honorablement à la friperie, où j’achetai un pourpoint de futaine, un saye râpé à manches passementées et à pochette, un manteau qui avait été frisé, et une épée de Cuellar, des vieilles premières.

Dès que je me vis en habit d’honnête homme, je dis à mon maître de reprendre son âne, ne voulant plus continuer ce métier.