Vie de Mohammed/Expédition de Khaïbar

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Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 63-66).

Expédition de Khaïbar.

Au milieu du mois de moharrem de l'année dans laquelle on venait d'entrer, c'est-à-dire de l'an 7 de l'hégire, le prophète se dirigea vers Khaibar (106) qu'il assiégea, et il se rendit maître de toutes les richesses qui y étaient contenues, après s'être emparé l'un après l'autre de tous les châteaux qui lui servaient de défense. Le premier dont il fit la conquête fut le château de Naem; le second fut celui de Kamous, et dans tous deux il s'empara d'un grand nombre de captives, parmi lesquelles se trouvait Safiya, fille du chef de Khaibar Hoyai, fils d'Akhtab, que le prophète épousa ensuite, et à laquelle, par un privilège particulier, il ne donna pas d'autre dot que la liberté (107). Il soumit ensuite à ses armes le châ- teau de Moassab, celui de tous qui était le plus complétement avitaillé en viande et en grains. Les châteaux de Ouatil et de Selalem, dont il se rendit maître, complétèrent la conquête de Khaibar.

On rapporte que le prophète était quelquefois en proie à des migraines qui l’empêchaient de sortir pendant un ou deux jours. I en fut atteint devant Khaibar, et confia à Abou-Bekr, le véridique, le drapeau, signe du commandement. Ce chef combattit avec vaillance, mais il fut obligé de se retirer. Omar, fils de Khattab, lui succéda ; le combat fut encore plus terrible, mais il n’en fut pas moins obligé de plier à son tour. Lorsque le prophète apprit cette nouvelle, il dit : « Certes, je confierai demain mon étendard à un homme qui aime Dieu et son prophète, et que Dieu et son prophète aiment aussi, à un homme qui marche toujours en avant et ne sait pas fair, et qui soumettra l’ennemi par la force des armes. » Ces paroles excitèrent vivement la curiosité des Mohadjériens et des Ansariens. Or Ali, fils d’Abou-Taleb, était absent. It revint, mais atteint d’une ophtalmie qui l’avait obligé à se couvrir les yeux d’un bandeau. Le prophète lui dit : « Approche de moi, » et il approcha ; alors il lui mouilla les yeux de sa salive et il fut guéri ; puis Mohammed lui confia son étendard, et Ali, revêtu d’une robe rouge, s’élança plein d’espoir au combat. Marhab, commandant de la forteresse, vint le casque en P. A. tête à sa rencontre, et lui dit : « Tout Klaibar sait que je suis « Marhab, revêtu d’excellentes armes et guerrier plein d’expérience. » Ali lui répondit : Je suis celui que ma mère : surnommé Haidara, et qui de mon sabre vous mesurerai à la « grande mesure. » Ils se frappèrent à la fois le sabre d’Ali fendit le casque et la tête de Marhab qui tomba sur l’arène.

Ebn-Ishak a donné de ce fait une autre version ; mais celle que nous rapportons ici est la véritable. Après cette victoire, Ali s’empara de la ville. Le siége avait duré un peu plus de dix jours. Abou-Rafé, affranchi du prophète, raconte le fait suivant : « Nous marchåmes à la suite d’Ali, lorsque le prophète de Dieu l’envoya contre Khaibar ; les habitants du château firent une sortie, et, dans le combat qu’Ali leur livra, un juif lui porta un coup qui lui enleva de la main son bouclier. Le fils d’Abou-Taleb saisit alors une des portes du château, et, s’en servant en guise de bouclier, il ne cessa de la tenir à la main et de combattre jusqu’à ce que Dien lui eut accordé la victoire. Il la jeta ensuite, et sept de mes compagnons ainsi que moi huitième nous essayâmes de remuer cette porte, sans pouvoir y parvenir. »

La prise de Khaibar eut lieu au mois de safar de la septième année de l’hégire. Les habitants demandèrent au prophète qu’il leur fût permis de cultiver leurs terres, aux conditions de donner la moitié de leur récolte et d’abandonner leurs propriétés au premier signe de sa volonté, ce qu’il leur accorda. Il fit les mêmes conditions aux habitants de Fadac (180). Khaibar appartint aux Musulmans ; mais Fadac fut la propriété du prophète, parce que cette place s’était rendue sans qu’on eût été obligé de combattre. Les juifs de Khaibar no cessèrent d’occuper leur territoire jusqu’au khalifat d’Omar qui les en chassa…

Après l’expédition de Khaibar, le prophète de Dieu se dirigea vers Quadi-cl-Kora (109) dont il s’empara au bout d’un seul jour de siège par la force des armes ; ensuite il revint à Médine. Lorsqu’il y fut de retour, il vit arriver le reste des Mohadjériens qui s’étaient réfugiés en Abyssinic, et avec eux Djafar, fils d’Abou-Taleb. On rapporte qu’il dit à ce sujet : Je ne sais ce qui me rend plus joyeux, de la conquête de Khaïbar ou de la présence de Djafar. Il avait écrit au Na- djaschi pour le prier de les lui renvoyer et pour demander comme épouse Omnr-Habiba, fille d’Abou-Sofian. Elle avait émigré autrefois avec son mari Obaid-allah, fils de Djahsch, qui depuis s’était fait chrétien et qui resta en Abyssinie. Elle fut unie au prophète par son cousin Khaled, fils de Said, Gis d’As, fils d’Omaia, l’un de ceux qui s’étaient réfugiés en Abyssinie ; et le Nadjaschi, au nom de Mohammed, la dota de P. Ar quatre cents dinars. Lorsque son père Abou-Sofian apprit qu’elle était devenue l’épouse du prophète, û s’écria : « Cet homme est un fougueux étalon qu’on ne peut dompter. D Elle revint donc auprès du prophète, qui demanda aux Musulmans s’ils ne voulaient point admettre au partage du butin les nouveaux venus d’Abyssinie : ils y consentirent. C’est dans l’expédition de Khaibar qu’une juive, nommée Zainab (110), fille de Harith, servit au prophète une brebis empoisonnée. Il en prit un morceau qu’il pressa sous sa dent ; mais il le rejeta et dit : « Cette brebis m’avertit qu’elle est empoison- « née. » Plus tard, dans la maladie dont il mourut, il disait : « La bouchée de Khaibar n’a jamais cessé de me faire souffrir ; « mais voici le moment où se brisent les veines de mon cœur. »


bar vientient vendre leurs dattes à Médine. Ce lieu est habité aujourd’hui par les Aoulad Aly, tribu des Anezè. Selon Cazwini, les fièvres règnent souvent sur le territoire de Khaibar, et il est rare que quelque partie des habitants n’en soient pas atteints. On lit dans le Meracid el-Ittila, p. 238, que Khaibar est situé à huit postes (ثمانية برد) de Médine, du côté de la Syrie.

(107) Monradjha d’Ohsson (Code civil, t. V, p. 147) dit : L’article « le plus essentiel de cet acte (contrat de mariage) concerne le don nuptial mehr, il est stipulé en espèces effectives, suivant les facultés de l’époux ; mais sa valeur ne doit pas être moindre de dix drachmes d’argent ; quelquefois il s’élève à cent, et même à deux cent mille sequins..

(108) Fadac, bourg du Hedjaz à deux ou trois journées de Médine. Mer. el-Itt.

(109) D’après le Kitab menassik el-hadj (p. 139), Ouadi el-Kora, à treize heures de marche de Médine, forme les limites du territoire de cette ville. C’est une vallée située entre deux lignes de montagnes, qui n’étant pas arrosée, n’a aucune espèce de fertilité ; elle contenoit cependant autrefois un château, des bains, une mosquée dont on ne voit plus que des ruines.

(110) D’après Gagnier, (p. 92) cette Zainab, fille de Harith, était sœur de Marhab qui avait été tué par Ali, en combat singulier, et ce fut dans le château de Kamous, qu’elle voulut ainsi venger la mort de son frère.