Vie de Mohammed/Des députés envoyés par prophète aux souverains

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Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 66-68).

Des députés envoyés par le prophète aux souverains.

Ce fut dans la septième année de l’hégire que le prophète envoya des lettres et des députés à plusieurs souverains, pour les appeler à l’Islamisme, A Kesra-Parwiz (111), fils d’Hormouz, il envoya Abdallah, fils de Ilodhafa. Kesra déchira la lettre du prophète, en disant : a Ose-t-il m’écrire ainsi cet « homme qui est mon esclave ! » Lorsque le prophète en fut instruit, il s’écria : « Que Dieu déchire son royaume I Kesra envoya de suite à Badhan (112), son représentant dans I'Yemen, l'ordre de faire conduire devant lui cet homme du Hedjaz. Badhan alors députa vers le prophète deux hommes, P. AP dont l'un se nommait Khorkhosra, chargés d'une lettre par laquelle il enjoignait au prophète de se rendre auprès de Kesra. Ils parurent en présence du prophète la barbe et les moustaches rasées. Mohammed, détournant avec dégoût les yeux d'un tel spectacle, leur dit : « Malheur à vous! Qui vous a donné l'ordre de vous mettre dans un pareil état ? « Notre maître,» répondirent-ils; et ils voulaient parler de Kesra. «Mon maître à moi, reprit le prophète, m'a ordonné de respecter ma barbe et de tailler mes moustaches. » Ils firent ensuite connaître au prophète l'objet de leur mission, et hui dirent : « Si tu obéis, Badhan écrira en ta faveur; si tu re- «fuses, il te fera périr.» Le prophète remit au lendemain sa réponse.

Une révélation d'en haut vint apporter à Mohammed la nouvelle que Dieu avait suscité contre Kesra son fils Schiraouaih (113), qui l'avait tué. Le prophète fit appeler les deux envoyés, leur apprit l'événement et ajouta: «Ma religion et mon pouvoir s'étendront aussi loin que s'étend l'empire de Kesra; dites à Badhan qu'il embrasse l'Islamisme. » De retour auprès de Badhan, ses envoyés l'instruisirent du résultat de leur mission, et peu après il reçut de Schiracuaih la lettre par laquelle il lui mandait le meurtre de son père Kesra et lui ordonnait de ne point s'opposer à Mohammed. Badhan alors embrassa l'Islamisme ainsi que les Persans qui étaient dans l'Yemen avec lui.

Dahya, fils de Holaifa des Benou-Kelb, fut envoyé vers Kaiçar (114), empereur des Grecs. Ce prince fit à Dahya une réception honorable, plaça la lettre du prophète sur un coussin, et chargea Dahya d'une réponse gracieuse. Hateb (par un ha), fils d'Abou-Baitaa, fut envoyé au souverain de l'Égypte Mokaoukas-Djarih (115), fils de Matta, et reçu par lui avec de grands honneurs. Ce prince lui donna pour le prophète quatre jeunes filles, d'autres disent deux seulement. L'une d'elles était Maria dont le prophète eut son fils Ibrahim. Ce fut à la même occasion que ce prince donna à Mohammed sa mule Doldol et son âne lafour. Amrou, fils d'Omaia, se rendit en qualité d'envoyé auprès du Nadjaschi, qui baisa la lettre du prophète et fit profession de l'Islamisme entre les mains de Djafar, fils d'Abou-Taleb, réfugié alors en Éthiopie. Schodja, fils de Ouahb de la tribu des Benou-Açad, fut envoyé près de Harith (116), fils d'Abou-Schamar le Ghassa- nide, qui s'écria en lisant la lettre du prophète : « Bientôt je vais marcher contre lui! «Périssent ses états!» dit le prophète en apprenant cette nouvelle. Salit, fils d'Amrou, fut député vers Houdha, fils d'Ali, roi de l'Yémama, qui était chrétien. Ce prince dit à l'envoyé : « Si Mohammed me nomme son successeur, je me rendrai vers lui, j'embrasserai l'Islamisme et je lui prêterai mon aide; autrement, je lui ferai la guerre.» Le prophète répondit : « Jamais je n'y consentirai. O mon Dieu! délivre-moi de cet homme. » Et peu après Houdha mourut. Ce même Houdha avait envoyé vers le prophète un homme appelé Rahhal (par un ha, d'autres disent Radjal par un djim); cet homme, une fois arrivé à Médine, avait embrassé l'Islamisme. Il apprit le chapitre du Coran appelé Sourat-el-Bakara et s'instruisit dans la religion. Plus tard il revint dans l'Yémama, y apostasia et déclara que le prophète regardait comme associé à sa mission prophétique Moçaïlama, le menteur (117). Ala d'Hadramaut fut envoyé vers Mondher, fils de Sawa, prince de Bahrein qu'il gouvernait au nom du roi de Perse, et ce chef embrassa l'Islamisme, ainsi que tous les Arabes qui se trouvaient à Bahrein (118).


(111) Kesra ou Cosroès Parwiz, fils d’Hormouz, était le vingt-troisième roi de Perse, de la dynastie des Sassanides ; c’était le petit-fils de Cosroes Anouscherwan, pendant le règne duquel Mahomet était né. (Voyez Hist. des Saw., trad. par M. S. de Sacy, p. 401.)

(112) Badhan a élé le dernier des gouverneurs qui ait régi l’Yemen au nom du roi des Perses. Après la mort de Badhan, qui avait embrassé l’Islamisme, ainsi que le dit Abou’lféda, son fils Schakr reçut du prophète l’investiture en qualité de gouverneur d’une partie de cette province. (Voyez Poc. Spec. Hist. Arab., p. 66.) (113) Cobbad surnommé Schirnouaih, Gls de Casroes Parwiz; il est appelé Siroès par les historiens grecs et latins. Monté sur le trône par la volonté des grands de l'empire qui avaient déposé son père, il le fit périr, ainsi que dix-sept de ses frères. Le remords d'un tel crime ne tarda pas à lui occasionner une maladie de langueur, dont il mourut au bout de six ou buit mois de règne. (Voyez Hist. des Sass., trad. par M. S. de Sacy, p. 408.)

(114) L'empereur grec était alors Héraclius.

(115) Mokaoukas était gouverneur de l'Égypte au nom d'Héraclius; il prenait le titre de bill be le grand des Coptes (Ahmed ben-loussef, Hist, gén., sect. 54, c. 11), ou mieux le prince des Coptes; c'est ainsi qu'on trouve dans plusieurs auteurs arabes: pas l'empereur des Grecs. Ce Mokaoukas gouvernait encore l'Égypte, lorsque cette proviace fut attaquée par les Musulmans, sous la conduite d'Amrou; ce fut lui qui décida la soumission des Coptes, sur lesquels il avait une grande influence, et livra la garnison grecque. (Hist. du Bas-Empire.) (116) Plusieurs du nom de Harith ben-abi-Schamar paraissent avoir régué sur une partie de la Syrie, à différentes époques, soit d'une manière tout à fait indépendante, soit au nom de l'empereur grec. Comme quelques-uns d'entre eux sont appelés aussi d'un autre nom, peut-être pourrait-on penser que celui de Harith ben-abi-Schamar était devenu générique chez les Arabes, pour designer les chefs d'une certaine contrée syrienne, comme les noms de Cosroès et de César se donnaient à tous les empereurs de Persè ou de Constantinople. Le premier prince arabe qui régna en Syrie, est nommé Harith ben-Amrou, puis aussi Ebn-abi-Schamar. (Voyez Pococke, Spec. Hist. Arab. p. 79-) Il vivait Goo ans avant Djabala hen-El-Aiham, contemporain d'Omar, et par conséquent environ cinquante ans après J.-C. Dans la Vie du poêle Amrou'lcais (Kitab-el-Aghani, I. II, fol. 216 et suiv.), on voit un prince nommé Harith ben-abi-Schamar Ghassanide, tuer Amrou ben-Hodjr, roi de Kendé, dont le fils Harith fut nommé vice-roi des Arabes, par Cobbad, vers l'an 523 après J.-C. Amrou'lcais fuyant les effets de la colère de Mondher III, roi de Ilira (entre les années 531 et 564 après J. C.), est recommandé, par le juif Samuel, à un prince Harith ben-abi-Schemar Ghassanide, qui le fait passer auprès de l'empereur grec. Enfin, on voit, par une anecdote de la vic de Has. san ben-Thabet, citée dans le Kitab-el-Aghani, fol. 337 v°, qu'un prince Harith ben-abi-Schamar Ghassanide réguait dans une partie de la Syrie, tandis que Djabala ben-el-Aiham régnait dans l'autre, et que ces deux princes étaient parents. Or Djabala ben-el-Aiham, qui embrassa l'Isla- misure sous le khalifat d'Omar, parait avoir commencé à régner vers l'an 600 après J.-C., d'où l'on pourrait conclure que c'est ce dernier prince auquel Mahomet envoya un ambassadeur vers l'an 7 de l'hégire, 628 après J.-C.

(117) Moçailama, issu des Benou-Hanife hen-Bekr, ben-Ouail-ben- Djodaila, ben-Açad, habitait l'Yemama, où il tenta de se faire passer pour prophète; il fut tué et ses partisans détruits par Khaled, fils de Walid, sous le khalifat d'Aboubekr. Voyez Abou'lf. ann. t. I, p. 212, et Abou'lfardj, Dyn. IX, p. 173.

(118) Baltrein, nommé aussi Hadjr dans la géographie d'Abou'lleda, est une province d'Arabic, placée sur les bords du golfe Persique. Notre auteur n'en indique pas les limites; mais Bakoni (Not. et Extraits des Manuscrits, vol. II, p. 409), dit que tout le territoire qui horde le golfe Persique, entre Basra et Omau, forme la province de Bahreiu. Ce nom qui est le duel du mot, et qui indique une position entre deux mers, vient, dit encore Abou'lféda, d'après Mostarec, de ce que ce pays est situé entre le lac d'El-Ahlsa et la mer salée. Le nom de Bahrein est donné généralement par les géographies européens so groupe d'îles placées dans la baie d'El-Katif, et célèbres par leurs riches péche- ries de perles. Voyez aussi sur Bahrein M. Jomard, Not. Geogr, sur le Nedjd. On lit all mot Bahrein, dans le Merayid-el-fttila, p. 81:

TEXTE EN ARABE

« Bahreïn, appellation générale de tout le pays entre Basra el Oman dans la péninsule arabique, dont Omau est l'extrême limite; la capitale de celle province est la ville de Hadjr, qui est éloignée de quinze journées de Basra, tandis qu'elle est séparée de l'Oman par un mois de roule. »