Vie de Napoléon/14

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Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 46-47).


CHAPITRE XIV


Quant à l’action bien autrement grave d’abandonner son armée en Égypte, c’était un crime envers le gouvernement d’abord, que ce gouvernement pouvait punir légitimement. Mais ce ne fut pas un crime envers son armée, qu’il laissa dans un état florissant, ainsi que le prouve la résistance qu’elle opposa aux Anglais. On ne peut lui reprocher que l’étourderie de ne pas avoir prévu que Kléber pouvait être tué, ce qui, dans la suite, livra l’armée à l’ineptie du général Menou.

Le temps nous fera connaître si, comme je le crois, Napoléon fut rappelé en France par les avis de quelques patriotes habiles, ou s’il se détermina à cette démarche décisive uniquement par ses propres réflexions[1]. Il est agréable pour les grands cœurs de considérer ce qui dut alors se passer dans cette âme : d’un côté, l’ambition, l’amour de la patrie, l’espérance de laisser un grand nom dans la postérité ; de l’autre, la possibilité d’être pris par les Anglais ou fusillé[2]. Et prendre un parti aussi décisif uniquement sur des conjectures, quelle fermeté de jugement ! La vie de cet homme est un hymne en faveur de la grandeur d’âme.



  1. C’est une question très intéressante qu’il faut tâcher d’éclaircir dans un ouvrage tel que celui-ci. (Note de Vismara.)

    Réponse : on ne peut rien faire avant la publication des mémoires de Lucien, Sieyès et Barras. (Note de Stendhal.)

  2. Il faut dire quelque chose de la manière dont il quitta l’armée et de son départ, circonstance qui tient du grandiose. (Note de Vismara.) — Oui, je le ferai. (Note de Stendhal.)