Vie de Plotin (trad. Bouillet)/Notes

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NOTES

ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

VIE DE PLOTIN.

Cette vie a été écrite par Porphyre en 303, lorsqu’il avait déjà soixante-dix ans. Elle n’a d’abord paru qu’en latin, traduite par Marsile Ficin, en tête de sa traduction des Ennéades (Florence, 1492, in-fol.). Elle fut publiée avec le texte même des Ennéades, dans l’édition de Bâle, 1580, in-fol. Le texte grec de cette Vie, ainsi que la traduction latine de Ficin, ont été reproduits en tête de l’édition des Ennéades de Fréd. Creuzer (Oxford, 1835, 3 vol. in-4o) et de celle de Kirchhoff (Leips., 1856). On regrette de ne pas la retrouver dans l’édition de Plotin qui fait partie de la Collection des Auteurs grecs publiée par MM. Didot (Paris, 1855, gr. in-8o). Jacques Léopardi en avait préparé, dès l’âge de dix-sept ans (1814), une édition spéciale, grecque-latine, avec notes et commentaires ; mais il ne paraît pas que ce travail, dont Fr. Creuzer parle avec éloge et qu’il n’a pas dédaigné de mettre à profit dans ses Notes (vol. III, p. 499 et suiv. de son éd. de Plotin), ait jamais vu le jour.

La Vie de Plotin a été traduite en français par Lévesque de Burigny (Paris, 1747, in-12, avec le Traité de l’Abstinence des viandes, du même auteur) : c’est cette traduction, ainsi que nous en avons prévenu en note (p. 1, note 1), qui a servi de base à la nôtre. Cette Vie a été également traduite en allemand par Engelhardt, en tête de sa traduction de la 1re Ennéade (Erlangen, 1820, in-8o). M. Barthélemy Saint-Hilaire en a traduit les § 8, 17, 18, 24, dans son livre De l’École d’Alexandrie, p. 163-169.

Bien que renfermant plusieurs fables, qui paraissent avoir été imaginées dans le but de faire passer Plotin pour un personnage divin, cette Vie de Plotin est un monument précieux. En même temps qu’elle nous fournit sur la vie et les travaux du chef de l’école néoplatonicienne un grand nombre de détails intéressants, que nous n’avons aucune raison de suspecter, elle nous donne une idée du goût littéraire et des dispositions morales de l’époque, ainsi que de la crédulité avec laquelle les faits merveilleux étaient alors accueillis chez les païens.

Cette vie est d’ailleurs le seul document original que nous possédions, non-seulement sur la vie de Plotin, mais sur l’histoire du Néoplatonisme à cette époque. Eunape et Suidas ont, il est vrai, consacré des notices à Plotin, mais ces notices, aussi insignifiantes que courtes, n’ajoutent presque rien à ce que nous apprend Porphyre, comme il sera facile d’en juger par la traduction que nous en donnons ci-après ; la notice de Suidas ne pourrait même qu’égarer. L’impératrice Eudoxie, dans ses Ionia (c’est-à-dire Champ de violettes), ouvrage public par Villoison dans ses Anecdota grœca, consacre aussi quelques lignes à Plotin, mais elle ne fait qu’abréger Porphyre, dont elle cite le plus souvent les termes mêmes.


NOTICE D’EUNAPE
(Extraite des Vies des Philosophes).

« Le philosophe Plotin était d’Égypte ; pour préciser, j’ajouterai qu’il avait pour patrie la ville de Lycopolis. Ce fait n’a pas été rapporté par le divin philosophe Porphyre, quoiqu’il ait été, comme il le dit lui-même, l’élève de Plotin et qu’il ait passé près de lui une grande partie de sa vie.

Les autels de Plotin ne sont pas encore refroidis, et non-seulement ses livres sont plus étudiés des savants que ceux mêmes de Platon, mais encore la multitude, bien qu’incapable de comprendre parfaitement sa doctrine, y conforme cependant sa conduite.

Porphyre a rapporté tous les détails de la vie de ce philosophe, de telle sorte qu’on n’y peut rien ajouter ; il semble en outre avoir suffisamment expliqué beaucoup de ses écrits. »


Cette notice, on le voit, n’ajoute qu’un seul détail à la Vie écrite par Porphyre : c’est le nom de la patrie de Plotin. Quant à l’assertion que contient la dernière phrase, c’est une allusion non-seulement aux Ἀφορμαὶ πρὸς τὰ νοητά de Porphyre, mais encore aux ouvrages composés par ce philosophe pour expliquer la doctrine de Plotin, tels que les traités De l’Âme, De la Matière, etc., traités aujourd’hui perdus.

NOTICE DE SUIDAS.

« Plotin, de Lycopolis, philosophe, disciple de cet Ammonius qui avait d’abord été portefaix, fut le maître d’Amélius, qui lui-même eut pour élève Porphyre ; celui-ci forma Jamblique ; Jamblique, Sopater. Plotin prolongea sa carrière jusqu’à la septième année du règne de Gallien. Il a composé cinquante-quatre livres qui sont divisés en six Ennéades. Sa constitution fut affaiblie par l’effet de la maladie sacrée (l’épilepsie). Il écrivit encore d’autres ouvrages. »


Cette notice, si courte, renferme cependant plusieurs erreurs : elle est sur plusieurs points en contradiction flagrante avec le témoignage formel de Porphyre. Ainsi, il est faux que Porphyre ait été disciple d’Amélius : quoiqu’il fût moins âgé que lui et qu’il soit entré plus tard à l’école de Plotin, il fut le disciple direct de ce philosophe. Il est faux également que Plotin soit mort la septième année de Gallien : d’après les détails que donne Porphyre sur l’époque de sa naissance et sur l’âge auquel il mourut (66 ans), on est conduit à la deuxième année du règne de Claude. Nulle part Porphyre ne dit que Plotin ait été attaqué d’épilepsie, quoique cependant il donne de grands détails sur la santé de son maître et fasse même connaître la maladie d’estomac dont il souffrait habituellement (§ 2). Rien enfin ne donne lieu de croire que Plotin ait laissé d’autres ouvrages que les Ennéades : le peu de valeur de quelques-uns des morceaux que Porphyre a fait entrer dans cette collection prouve assez avec quel soin religieux il a recueilli, comme il le déclare lui-même, toutes les œuvres sorties de la plume de son maître.

Pour mettre quelque ordre dans le récit un peu confus de Porphyre et pour dégager les faits historiques et biographiques du milieu des détails littéraires dont ils sont entourés, nous présenterons, à l’exemple de Creuzer, un tableau chronologique des principaux événements de la Vie de Plotin.

tableau chronologique de la vie de plotin d’après porphyre.
ANNÉES
de
j.-c.
EMPEREURS
régnants.
ANNÉES
de la vie de
plotin.
205
Septime-Sévère, 13
1
Naissance de Plotin (Porphyre, § 2). [Selon Eunape et Suidas, il naît à Lycopolis, en Égypte.]
212
…….. 20
8
Plotin commence à suivre l’école d’un Grammairien (§ 3).
232
Alexand.-Sévère, 11
28
Il commence à suivre les leçons d’Ammonius Saccas, à Alexandrie (§ 3).
242
Gordien… 5
38
Il quitte l’école d’Ammonius pour accompagner l’empereur Gordien dans une expédition contre les Perses.
244
Philippe-l’Arabe, 1
40
Après la mort de Gordien, tué en Mésopotamie, il se réfugie à Antioche, d’où il vient à Rome, et il commence à enseigner dans cette ville (§ 3).
246
……… 3
42
Amélius vient fréquenter son école (§ 3).
253
Gallus… 2
49
Porphyre, âgé de vingt ans, vient pour la première fois à Rome (§ 5), mais sans s’attacher encore à Plotin.
254
Gallien… 1
50
Plotin commence à écrire (§ 4).
262
……… 9
58
La peste désole Rome : Plotin est attaqué d’une esquinancie (§ 2).
263
…….. 10
59
Porphyre vient de Grèce à Rome, s’attache à Plotin, et demeure avec lui pendant six ans (§ 4). — Plotin, à cette époque, avait déjà composé 21 livres (§ 4). — Plotin propose, mais inutilement, à l’empereur Gallien de fonder une cité philosophique qu’il aurait appelée Platonopolis (§ 12).
268
…….. 12
61
Porphyre quitte Plotin pour se rendre en Sicile. À cette époque, Plotin avait composé 24 nouveaux livres (§§ 5, 6 et 11)
269
Claude II… 1
65
Plotin envoie à Porphyre, en Sicile, cinq nouveaux livres (§ 6). — Il se retire en Campanie (§ 6), après un séjour de vingt-six ans à Rome (§ 9).
270
……… 2
66
Plotin meurt en Campanie, n’ayant auprès de lui de ses disciples qu’Eustochius (§§ 2 et 7). Peu auparavant il avait adressé ses quatre derniers livres à Porphyre, en Sicile (§ 6).